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Revue du CAER
35 | 2017
Le peuple. Théories, discours et représentations
Michèle Guicharnaud-Tollis
Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/etudesromanes/6281
DOI : 10.4000/etudesromanes.6281
ISSN : 2271-1465
Éditeur
Centre aixois d'études romanes de l'université d'Aix-Marseille
Édition imprimée
Date de publication : 20 décembre 2017
Pagination : 405-418
ISBN : 979-10-320-0141-7
ISSN : 0180-684X
Référence électronique
Michèle Guicharnaud-Tollis, « « Peuple », utopie révolutionnaire et construction des nations dans
l’Amérique hispanique », Cahiers d’études romanes [En ligne], 35 | 2017, mis en ligne le 02 juin 2018,
consulté le 04 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/etudesromanes/6281 ; DOI : https://
doi.org/10.4000/etudesromanes.6281
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« Peuple », utopie révolutionnaire
et construction des nations
dans l’Amérique hispanique
Discours et représentations du xixe au xxie siècle
Michèle Guicharnaud-Tollis
Université de Pau
Cette réflexion sur le concept de « pueblo » dans l’Amérique hispanique se centre sur l’étude
diachronique de ses occurrences dans différents discours et divers pays hispano-américains,
du début du xixe au xxie siècle. À travers des discours foncièrement utopiques, l’élite des
grands Libérateurs et idéologues du xixe siècle cherchèrent à lisser les clivages socio-
ethniques. À l’opposé, d’autres ne voyaient dans le « bas peuple », qu’une masse inerte, que
seules les Lumières européennes seraient capables de civiliser. Sur ce terreau idéologique s’est
construit au xxe siècle un discours dynamique fondé sur l’utopie révolutionnaire d’inspiration
marxiste. Puis les discours populistes ont pris le relais en perpétuant l’illusion de cette utopie.
L’analyse diachronique montre donc un concept de « peuple » en constante évolution.
Mots-clés : Peuple, discours, utopie, révolution, Amérique hispanique, xixe-xxie siècle.
Esta reflexión sobre el concepto de « pueblo » en Hispanoamérica se centra en el estudio
diacrónico de sus ocurrencias en distintos discursos y países hispanoamericanos, desde el
inicio del siglo xix hasta el siglo xxi. A través de discursos sumamente utópicos, la élite de
los Libertadores e ideólogos del siglo xix intentaron allanar las desigualdades socioétnicas.
Al contrario, hubo quienes consideraban a la « plebe » como una masa inerte que sólo las
luces europeas fueran capaces de civilizar. Sobre los cimientos ideológicos de las mismas, se
construyó en el siglo xx un discurso dinámico fundado en la utopía revolucionaria inspirada en
el pensamiento marxista. A continuación, prosiguieron este camino los discursos populistas
promoviendo la ilusión de esta utopía. Este análisis diacrónico muestra por consiguiente un
concepto de « pueblo » en constante evolución.
Palabras claves: Pueblo, discurso, utopía, revolución, Hispanoamérica, siglos xix-xxi.
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s’étonne donc pas du grand nombre d’études dont ces discours ont fait l’objet 1,
que ce soit pour y rechercher les occurrences et cooccurrences du terme, ou pour
délimiter son très large champ sémantique, comme le révèle déjà la pluralité
de ses définitions 2. À partir d’une sélection de ces discours, qu’ils soient
politiques ou littéraires, nous proposons ici d’aborder diachroniquement et/ou
thématiquement la façon dont le peuple y apparaît du xixe au xxie siècle, selon
le rôle qu’on a bien voulu lui accorder ou au contraire lui dénier dans la vie du
pays ou du sous-continent, et selon la place qu’il a occupée dans les imaginaires
collectifs. Sans pour autant songer à recourir à une typologie des discours qui
s’avérerait vite artificielle, pour tenter d’y voir plus clair nous distinguerons au
moins trois périodes et trois grandes orientations, en fonction des stratégies
auxquelles ils correspondent et de l’image du peuple qu’ils privilégient, même
si leur relation est plutôt de continuité que de rupture.
1 Cf. Églantine Samouth, Yeni Serrano, Jean-Paul Honoré (éds.), « Discours d’Amérique latine.
Identités et conflits », Mots. Les langages du politique, 2015/3, 109, disponible à l’adresse :
http://www.cairn.info/revue-mots-2015-3.htm ; ainsi que Morgan Donot, Michèle Pordeus
Ribeiro (éds.), Discours politiques en Amérique latine. Représentations et imaginaires [Journées
d’étude de l’ADAL], Paris, L’Harmattan, « Recherches Amériques latines », 2012, 300 p.
2 « Pueblo: 1 – Conjunto de personas que vive en una población, región o país determinados: el
pueblo mexicano; el pueblo chileno. 2 – Conjunto de personas que forman una comunidad y
están unidas por una misma raza, religión, idioma o cultura y la conciencia de pertenecer a un
mismo grupo: el pueblo cristiano; los pueblos celtas. 3 – Conjunto de habitantes de un país que
no forma parte de la clase dirigente: tras el recuento de votos se leyó la lista de los gobernantes
elegidos por el pueblo » (Oxford Dictionaries Online [ODO], Oxford University Press, 2014,
disponible à l’adresse : http://es.oxforddictionaries.com/definicion/pueblo).
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3 Le statut de citoyen représentait un enjeu majeur : il était accordé à celui qui avait un certain
revenu, des biens ou une profession, qui savait lire et écrire ou qui possédait un grade militaire.
Pour s’attirer les faveurs du peuple, et notamment des gens de couleur, esclaves et libres, les
Libérateurs ont joué sur l’argument de la citoyenneté à conquérir : « Todos los que prefieran
la libertad al reposo, tomarán las armas para sostener sus derechos sagrados, y serán ciudadanos »
(Simón Bolívar, Escritos del Libertador, IX, Caracas, 1973, Documento 1529, Proclama del
Libertador a los habitantes de la Costa Firme fechada en Villa del Norte el 23 de mayo de
1816, por la que anuncia la próxima salida hacia Tierra firme e invita a que se unan a la lucha
por la libertad, p. 178).
4 Souligné par nous. L’orthographe initiale a été respectée. Francisco de Miranda, Discurso
de Coro del 6 de agosto de 1806, Don Francisco de Miranda, Comandante General del
Exército Colombiano, a los Pueblos habitantes del Continente Americo-Colombiano,
disponible à l’adresse : servicios.abc.gov.ar/docentes/efemerides/25demayo/htmls/descargas/
proclama2deagosto.pdf.
5 Ce nom de Colombia – dont Carmen Bohorquez a montré d’ailleurs toute l’ambiguïté dans
la mesure où, de fait, avec Colomb il ramenait le sous-continent à son héritage culturel –
cristallisait tous les projets et les idéaux d’une Amérique hispanique nouvelle, indépendante,
et en même temps unie.
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de construire une sorte d’unité qui respecte les spécificités de chacune de ses
composantes, une association ou une confédération américaine 10.
Enfin, par son projet d’abolir l’esclavage et de redistribuer des biens
nationaux, Bolívar s’éloigna progressivement de l’oligarchie et se rapprocha du
peuple, dont, avec le temps et selon les circonstances, il se fit une conception
variable : ses discours des années 1820-1825 n’ont plus grand-chose à voir
avec ceux des années 1810-1815 11. Finalement, méfiance réciproque entre
les nouveaux pays, ingérence d’intérêts étrangers, instabilité politique étalée
sur des décennies, absence de liens économiques entre les anciennes colonies
espagnoles, tout s’unit pour priver le Congrès de Panamá de 1826 des effets
escomptés. Ce fut l’échec les projets unionistes bolivariens et du grand rêve
d’un peuple américain uni 12.
Dans la seconde moitié du xixe siècle, dans les discours de Martí on voit le
mot pueblo couvrir également l’ensemble des peuples hispano- et même latino-
américains. Son périmètre sémantique, géographique et culturel est précisé par
les adjectivations dont il fait l’objet. Pour Martí, le peuple est celui de « Notre
Amérique », comme il le dit explicitement dans un discours de 1889, c’est-à-
dire vivant précisément au sud du Río Bravo, métissé et multiculturel, héritier
10 « Es una idea grandiosa pretender formar de todo el Mundo Nuevo una sola nación, con un solo
vínculo que ligue sus partes entre sí y con el todo. Ya que tiene un origen, una lengua, unas costumbres
y una religión, debería, por consiguiente, tener un solo gobierno que confederase los diferentes estados
que hayan de formarse; mas no es posible, porque climas remotos, situaciones diversas, intereses
opuestos, caracteres desemejantes, dividen a la América. ¡Qué bello sería que el ismo de Panamá fuese
para nosotros lo que el ismo de Corinto para los griegos! » (ibid., p. 81).
11 « La présence du terme pueblo dans le discours [de Bolívar] est constante et capitale… Il l’emploie
cependant selon plusieurs acceptions sémantiques et à partir de positions interprétatives qui,
bien qu’en interrelation, varient en fonction des circonstances ; ces acceptions s’enrichissent
au gré des nouvelles réalités qui marquent des changements profonds dans la pensée du
Libérateur » (Lorena Escudero, El Pueblo latinoamericano: ¿Sujeto de su historia ?, México,
D.R., Unión de Universidades de América latina, « Idea latinoamericana », 1998, p. 97, citée
par Georges L. Bastin, « Traduction et révolution à l’époque de l’indépendance hispano-
américaine », Meta : Journal des traducteurs / Meta: Translator’s Journal, 2004, 49/3, p. 562‑575,
disponible à l’adresse : id.erudit.org/iderudit/009379ar.
12 « […] Dans la Constitution de l’État vénézuélien de 1830, la souveraineté ne résida plus dans
le “peuple” comme en 1811 mais dans la “nation”. Le double concept de “nation” joue donc un
rôle de premier plan dans les premières Constitutions américaines. L’idée de “nation” comme
somme d’individus entraînera les droits politiques subjectifs, alors que le concept de “nation”
comme somme de provinces ouvrait la voie au fédéralisme », Alicia B. Ríos, « La idea de
nación y cultura nacional en las primeras constituciones venezolanas », cité dans William Luis,
Julio Rodríguez-Luis (eds.), Translating Latin America: Culture as Text, Binghamton, State
University of New York, 1991, p. 238-239.
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13 Voir aussi sur le gaucho argentin : « Se nos habla de gauchos… La lucha ha dado cuenta de ellos,
de toda esa chusma de haraganes. No traté de economizar sangre de gauchos. Este es un abono que
es preciso hacer útil al país. La sangre de esta chusma criolla incivil, bárbara y ruda, es lo único
que tienen de seres humanos » (Carta de Sarmiento a Mitre del 20/09/1861). Voir encore ses
remarques sur les masses populaires : « Tengo odio a la barbarie popular… La chusma y el pueblo
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gaucho nos es hostil… Mientras haya un chiripá no habrá ciudadanos, ¿son acaso las masas la única
fuente de poder y legitimidad? El poncho, el chiripá y el rancho son de origen salvaje y forman una
división entre la ciudad culta y el pueblo, haciendo que los cristianos se degraden… Usted tendrá la
gloria de establecer en toda la República el poder de la clase culta aniquilando el levantamiento de las
masas » (Carta de Sarmiento a Mitre del 24/09/1861).
14 Allusion aux rivalités qui ont opposé les deux partis argentins : le Parti unitaire, incarné
principalement par les élites intellectuelles et économiques de la capitale Buenos Aires, et le
Parti fédéraliste incarné par la province et par des potentats locaux (caudillos) réfractaires à la
modernisation du pays.
15 « Oíanse a menudo […] palabras inmundas y obscenas, vociferaciones preñadas de todo el cinismo
bestial que caracteriza a la chusma de nuestros mataderos, con los cuales no quiero regalar a los
lectores », Esteban Echeverría, La Cautiva. El Matadero, Buenos Aires, Huemul, 1967, p. 115.
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16 Souligné par nous. Rafael Serra y Montalvo, « Filantropía (New York, 2 setiembre de 1896) »,
in Escritos Políticos, New York, 1899, Imprenta de A. W. Howes, p. 50-51.
17 Il faut signaler l’énorme travail qu’il a accompli au sein de La Liga, Sociedad Protectora de
Instrucción para la gente de color fondée à New York en 1890.
18 Voir les travaux de Gilles Bataillon sur les gauches latino-américaines et le marxisme en
Amérique latine.
19 Cf. José Carlos Mariátegui, Siete ensayos de interpretación de la realidad peruana, Lima, Amauta,
1928.
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le premier entre 1975 et 1979, mais le cinquième entre 1980 et 1984, et recule
ensuite (sauf la période 1990-1994, où il retrouve le quatrième rang). De
même, l’étude de ses occurrences permet d’approcher la ou les représentations 28
qui s’y attachai(en)t, d’autant que, selon les périodes, on le voit éclipsé par país,
nosotros ou estados. Pour Castro, le peuple légitime la Révolution et, compte
tenu du principe de sa souveraineté, il se définit même par son adhésion à
elle : « El Pueblo fue el que hizo la Revolución » (discours du 17 janvier 1959) ou
encore : « […] porque la Revolución la siente muy hondamente el pueblo, porque
la revolución es del pueblo, porque la revolución es el pueblo 29 ». Ce peuple idéalisé
– « lucide, confiant, héroïque, juste, digne » –, ainsi auréolé de toutes les
vertus, cristallise les valeurs universelles qui élèvent l’Homme à son plus haut
niveau. L’amalgamant symbiotiquement à la nation et à sa propre personne,
chez Castro il se transmue en un nosotros origine et responsable des décisions
politiques :
Somos un pueblo libre, somos un pueblo soberano 30.
Había que conquistar la libertad a fuerza de sacrificio del pueblo, porque no hacíamos
nada con que dieran un golpe mañana y otro pasado y otro dentro de dos años y otro
dentro de tres años; porque aquí quien tiene que decidir, definitivamente, quién debe
gobernar es el pueblo y nadie más que el pueblo 31.
Il en découle presque infailliblement une fascination magique, d’autant mieux
que Castro s’adressait à des milliers de Cubains sur la Place de la Révolution,
aux côtés de la statue de Martí dont il a toujours revendiqué l’héritage. Comme
le dit Bataillon, il est devenu « l’ordonnateur d’une nouvelle institution du
social. Le peuple et la nation sont comme remodelés par cette symbiose avec
leur chef. Le peuple et la société cubaine existent par lui 32 ». Le discours
fortement chargé sur le plan idéologique se double de stratégies de conquête
qui anticipent sur la littérature populiste.
28 Résumées en ces termes : « Un peuple qui est et qui construit la Révolution », « Un peuple qui
sait et qui veut » et « Un peuple idéalisé : conscient, confiant, juste, capable, volontaire, digne
et fort… ».
29 Discours de Fidel Castro du 26 juillet 1962.
30 Discours de Fidel Castro de 1959.
31 Discours de Fidel Castro à Santiago de Cuba, le 1er janvier 1959.
32 Gilles Bataillon, « La prise du pouvoir par Fidel Castro », L’Histoire, no 338, 2009, p. 8.
Disponible à l’adresse : http://www.histoire.presse.fr/actualité/evenement/la-prise-du-pouvoir-
par-fidel-castro-01-01-2009-6155.
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33 Pour une étude générale, voir Gérard Gómez, « Les vecteurs de l’expression politique en
Amérique latine (xxe-xxie siècles) », Cahiers d’études romanes, 30, 2015, p. 247-270. Disponible
à l’adresse : http://etudesromanes.revues.org/4880, DOI : 10.4000/etudesromanes.4880.
34 Voir la contribution de Serge de Sousa, « Peuple et populisme chez Hugo Chávez et Evo
Morales (1999-2009) », in Morgan Donot, Michèle Pordeus Ribeiro (éds.), Discours politiques en
Amérique latine. Représentations et imaginaires [Journées d’étude de l’ADAL], Paris, L’Harmattan,
« Recherches Amériques latines », 2012, 300 p.
35 Voir aussi Serge de Sousa, « Bolívar et le bolivarisme dans le discours d’Hugo Chávez (1999-
2006) », América : Cahiers du CRICCAL, vol. 42, no 1, 2013, p. 103-115. Disponible à l’adresse :
http://www.persee.fr/doc/ameri_0982-9237_2013_num_42_1_1955.
36 Frédérique Langue, « De la Révolution bolivarienne au socialisme du xxie siècle au Venezuela »,
in Gilles Bataillon, Marie-France Prévôt-Schapira (éds.), Problèmes d’Amérique latine, 71,
« Mutations des gauches latino-américaines », 2008-2009, p. 37.
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y estará en el futuro. Para que podamos vivir en paz en esta tierra bendita de Dios
y del Pueblo. Con esta espada aquí en el balcón del Pueblo, acá en la Caracas del
Bolívar rindo tributo a Simón Bolívar el padre de la Patria, Viva Bolívar ! Bolívar
ha vivido hoy, como seguirá viviendo en el corazón del pueblo bolivariano que ha
despertado, ustedes saben que nuestro padre Bolívar, poco antes de morir lo dijo « la
independencia es el único bien que hemos conquistado a costa de los demás, pero esa
independencia decía bolívar, con esta misma espada en las manos en enero de 1830
en la hermana ciudad de Bogotá, decía después de 20 años de revolución el único
bien que hemos conservado o conquistado es la independencia ». […] Una victoria
del pueblo en todas las líneas de batalla, la batalla perfecta y la victoria perfecta 37.
Pour lui, héritier des grands fondateurs de l’unité latino-américaine et
admirateur du modèle de l’Union européenne, l’heure de la construction
d’une nation latino-américaine était (re)venue : s’érigeant en porte-parole du
peuple et vilipendant les gouvernements qui ne surent pas prendre les mesures
nécessaires pour parvenir à sa réalisation, il n’eut de cesse de promouvoir
l’union du Sud. D’où son immense succès lorsque, le 9 décembre 2007, sous
son impulsion, fut signé à Buenos Aires l’acte de création de la Banque du Sud,
que tous les présidents approuvèrent en exaltant la vocation latino-américaniste
du chef vénézuélien et en considérant ce geste symbolique comme marquant
un changement décisif.
Mais au-delà de ces résonances bolivariennes unionistes, le discours de
Chávez adopte ses propres stratégies discursives : il s’ancre dans une tradition
populiste, peut-être celle d’un Perón 38 cherchant déjà explicitement le soutien
du peuple. Le Vénézuélien appelle ses concitoyens à se fondre dans une âme
collective, mais aussi à faire corps avec lui dans une relation fusionnelle, comme
il le fit en citant Jorge Eliécer Gaitán 39 : « Porque Chávez no es Chávez. Chávez es
el pueblo venezolano. Vuelvo a recordar al gran Gaitán cuando dijo […] : “Yo no soy
yo, yo soy un pueblo” 40 ». Le discours n’est plus ni politique ni programmatique,
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41 Patrick Charaudeau, « Réflexions pour l’analyse du discours populiste », Mots. Les langages
du politique, no 97, 2011, disponible à l’adresse : mots.revues.org/20534 ; Alexandre Dorna,
« Qu’est-ce que le discours populiste ? », Dossier Marc Lits, Médiatiques, 38, Bulletin de
l’observatoire du récit médiatique, Louvain-la-Neuve, 2006, 44 p.
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