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Université Jean-Jaurès, Toulouse, UFR Italien

Mémoire de master deuxième année


Septembre 2020

LES VÊPRES SICILIENNES :


DE LA GUERRE DE VINGT ANS
AU XXIE SIÈCLE

Guy Caria
Sous la direction du professeur Jean-Luc Nardone
LES VÊPRES SICILIENNES - 2
À Anna,
Emmanuel,
Mathys.

Rermerciements

Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à mon directeur de mémoire, le pro-


fesseur Jean-Luc Nardone, dont la patience à mon égard n’a d’égale que le soutien avisé
qu’il m’a toujours apporté.

Je remercie Antonella Capra, enseignante, membre du jury, pour l’intérêt qu’elle


porte à notre recherche.

Je remercie également tous les enseignants d’italien de l’université Jean-Jaurès.

Merci à mon ami Fabrizio Siragusa, pour l’aide précieuse qu’il m’a apportée de-
puis Palerme.

Un grand merci à ma famille et à mes amis pour leurs soutiens.

LES VÊPRES SICILIENNES - 3


SOMMAIRE

Introduction ............................................................................................................................ 5
1 Les vêpres dans leur contexte ..................................................................................... 19
1.1 La guerre de vingt ans ................................................................................................. 20
1.2 Les puissances étrangères dans l’action ................................................................ 30
1.2.1 Les États du pape ............................................................................................................ 30
1.2.2 La France ............................................................................................................................. 33
1.2.3 L’Aragon .............................................................................................................................. 34
1.2.4 L’Italie du nord ................................................................................................................. 35
1.2.5 Constantinople ................................................................................................................. 36
1.3 Le destin brisé des Anjou ........................................................................................... 38
1.4 Giovanni da Procida, diplomate ou conspirateur ? ............................................. 42
2 Les Vêpres dans les textes et dans les faits .............................................................. 45
2.1 Les Vêpres dans les textes (des origines au XVIIIe siècle) ................................. 46
2.1.1 Les textes contemporains de l’insurrection ....................................................... 46
2.1.2 Les textes jusqu’à la fin du XVIIIe siècle ............................................................... 50
2.2 Le souvenir des Vêpres dans les luttes ................................................................... 53
2.2.1 Les Vêpres, une référence permanente ................................................................ 53
2.2.2 Antudo, le mot d’ordre imaginaire des révoltes siciliennes........................ 60
3 Les Vêpres, une référence historique dans les lettres (XIXe-XXe siècles)........ 64
3.1 Le Risorgimento au son des Vêpres......................................................................... 64
3.2 Les textes de 1900 à nos jours .................................................................................. 74
Conclusion.............................................................................................................................. 79
Bibliographie......................................................................................................................... 83
Annexes................................................................................................................................... 93
Traductions ........................................................................................................................ 100

LES VÊPRES SICILIENNES - 4


I NTRODUCTION
Événement marquant de l’histoire de la Sicile, la révolte dite des « Vêpres sici-
liennes » s’est déroulée lors des Pâques de 1282, le soir du 30 ou 31 mars1, à l’heure des
vêpres. Si la révolte est un fait historique, le déclencheur réel est inconnu : la légende s’en
est emparée, lui donnant un tour « romanesque ».

Alors qu’à Palerme, en cette fin d’après-midi du lundi de Pâques 1282, les habi-
tants se dirigeaient vers l’église du Saint-Esprit, des soldats français en faction devant le
lieu de culte veillaient à l’ordre. L’un deux, le soldat Drouet, s’approcha d’une jeune
dame pour procéder à une fouille visant à rechercher d’éventuelles armes sous les vête-
ments. La dame s’évanouit, son époux prit la propre épée du soldat et le tua : c’était le
début de la révolte qui allait s’étendre à toute l’île faisant plusieurs milliers de victimes
françaises2.

Pour reconnaître les Français, une légende prétend qu’on faisait prononcer le mot
« ciciri » (pois chiche) aux individus soupçonnés. Seuls les Siciliens savaient prononcer
le mot. Les Français étaient réputés incapables d’articuler « ciciri » correctement. La lé-
gende est très certainement tirée de la Bible3 :

04 Jephté regroupa alors tous les hommes de Galaad et attaqua


Éphraïm. Les hommes de Galaad battirent ceux d’Éphraïm, qui
disaient : « Vous êtes des rescapés d’Éphraïm, gens de Galaad, au
milieu d’Éphraïm, au milieu de Manassé. »
05 Galaad s’empara des gués du Jourdain, près d’Éphraïm. Et
lorsqu’un des rescapés d’Éphraïm disait : « Je voudrais traverser »,
les hommes de Galaad lui demandaient : « Es-tu d’Éphraïm ? »
S’il répondait : « Non »,

1
Bartolomeo da NEOCASTRO, Historia Sicula, Bologna, Zanichelli, 1921, p 15. Bartolomeo da Neocastro,
contemporain des Vêpres, écrit au chapitre XIV: Incipit hic paesens guerra Siciliae contra regem Carolum,
et primo in Panormo. Anno quidem a Christo Domino nostro MCCLXXXII penultimo die martii ...
Le pénultième jour de mars, c’est-à-dire, le 30 mars. Pour plus de commodité, nous adopterons cette date
dans ce document.
2
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIIIe siècle,
Paris, Les belles Lettres, 2008, p. 205. À Palerme le nombre de morts se serait élevé au nombre de 2 000.
3
« Livre des Juges », dans La Bible, chapitre 12, 4-6.

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06 ils lui disaient : « Eh bien, dis : Shibboleth ! » Lui prononçait :
« Sibboleth », car il n’arrivait pas à dire le mot correctement.
Alors, on le saisissait et on l’égorgeait près des gués du Jourdain.
À cette époque, tombèrent quarante-deux mille hommes
d’Éphraïm.

Au-delà de la légende, ou du fait réel, de la dame outragée, il faut surtout garder


à l’esprit les réelles motivations des Siciliens contre le gouvernement de Charles d’Anjou.
Le roi français faisait payer chèrement à ses sujets leur attachement et leur fidélité à la
maison des Hohenstaufen. Avec lui, Palerme ne fut plus la capitale, il lui préféra Naples,
et la Sicile fut très lourdement imposée. Ce roi « absent »4 organisa une répression cruelle
pendant son règne, faisant exécuter sans autre forme de procès tout sujet sicilien porteur
d’une arme, saisir les biens des exilés, réquisitionner des logements pour ses soldats et
son administration, etc. Tous les ingrédients d’une révolte bouillonnaient depuis 1266.

Durant le XIIIe siècle, trois familles européennes ont régné sur la Sicile. Les Ho-
henstaufen, dynastie germanique, qui succédèrent par voie héréditaire aux rois normands
sur le trône de Sicile en 1194. Les Angevins, qui s’emparèrent du pouvoir par la force en
1266 et régnèrent avec une grande brutalité sur l’île. Enfin les Aragonais qui siégèrent
sur le trône sicilien que les Vêpres avaient rendu vacant à partir de 1282.

La composition de la société sicilienne au XIIIe siècle au moment des Vêpres n’est


plus tout à fait la même depuis le XIe siècle. En effet, avec les Hauteville, on assista à
l’arrivée massive de Lombards, en même temps que de Normands, de Bretons et de Pro-
vençaux, encouragés par la famille régnante dans le but essentiel de rechristianiser l’île
encore majoritairement arabisée et musulmane. Les Lombards n’étaient pas seulement
des chrétiens, c’étaient aussi de valeureux guerriers qui avaient conquis au VIe siècle la
quasi-totalité de l’Italie septentrionale. En Sicile, les musulmans furent ainsi peu à peu
chassés.

4
Charles d’Anjou ne se rendit jamais en voyage officiel en Sicile durant les seize ans de son règne sur l’île.
Il dut, par nécessité, y passer en 1270, de retour de Tunisie avec la dépouille de son frère, le roi de France
Louis IX. Les viscères de saint Louis furent à cette occasion transportés à Monreale, près de Palerme, où
ils furent conservés jusqu’à l’arrivée de Garibaldi, six cents ans plus tard, puis remis à la France.

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Au XIIIe siècle, nombre de villes siciliennes étaient habitées par des Lombards5
dont la trace se voit encore aujourd’hui à travers des dialectes spécifiques6. « Le premier
noyau [lombard], conduit par Oddone de Camerana et installé à Corleone après 1240,
était composé d’exilés gibelins bannis des cités de cette région [la Lombardie]. »7 Selon
d’autres sources, il ne s’agissait pas d’exilés mais d’immigrants, non pas bannis de Lom-
bardie, mais répondant à l’appel de Frédéric II pour coloniser la Sicile8. Mais le plus
important ici, c’est qu’il s’agissait d’une population du nord de l’Italie, de gibelins atta-
chés à l’empereur, certainement touchés par l’exécution du dernier Hohenstaufen, Con-
radin, âgé d’à peine dix-huit ans, la tête tranchée en place publique à Naples en 1268, sur
ordre de Charles d’Anjou, roi de Sicile9. Pour les Lombards de Sicile il y avait de bonnes
raisons d’être à l’avant-garde de l’insurrection des Vêpres.

L’écrivain Leonardo Sciascia 10 , pour sa part, s’était émerveillé de ces poches


« nordiques » en Sicile :
«… la Lombardia siciliana, i paesi lombardi della Sicilia… Città
belle sono Aidone, Piazza Armerina, Nicosia: e sono quelle in cui è
avvenuto un coagulo di gruppi etnici lombardi. Ma sono belle anche
Enna, Caltagirone, Scicli: Enna col suo castello di Lombardia, Calta-
girone che segna il suo municipio con lo stemma di Genova; Scicli
che venera san Guglielmo, città, insomma, alla cui storia diedero ap-
porto uomini del nord…»i

Leur participation aux Vêpres semble donc logique et se confirme dans les travaux
de la chercheuse palermitaine Iris Mirazita11 :

5
« Lombardi di Sicilia » [en ligne], URL : https://it.wikipedia.org/wiki/Lombardi_di_Sicilia, consulté le
30 mars 2018. Selon l’article de Wikipedia, 200 000 Lombards au total sur la période auraient émigrés en
Sicile.
6
Fiorenzo TOSO, Le minoranze linguistiche in Italia, Bologna, Il Mulino, 2008, p. 137. Selon le linguiste
italien, les Lombards se sont installés en Sicile entre le XIe et le XIIIe siècles.
7
Henri BRESC, Geneviève BRESC-BAUTIER (éds.), Palerme 1070-1492 : mosaïque de peuples, nation re-
belle ; la naissance violente de l’identité sicilienne, Paris, Éd. Autrement, coll. « Série Mémoires » 21,
1993, p. 120.
8
Iris MIRAZITA, « I Lombardi di Corleone e Palermo : dal Vespro antiangioino al Vespro anticatalano
(1282-1348) », dans Corleone: l’identità ritrovata, Milano, F. Angeli, 2001.
9
Michele AMARI, La Guerra del Vespro Siciliano, Palermo, Flaccovio, 1969, chap. 3.
10
Leonardo SCIASCIA, La corda pazza, Scrittori e cose della Sicilia, Milano, Adelphi, 1970, p. 168.
11
Iris MIRAZITA, « I Lombardi di Corleone e Palermo : dal Vespro antiangioino al Vespro anticatalano
(1282-1348) », dans Corleone: l’identità ritrovata, op. cit., p. 26-37.

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L’evento clou che connotò definitivamente la storia di Corleone e che
legò indissolubilmente i destini dei lombardi di Corleone a quelli de-
gli altri abitanti dell’isola, in particolare di Palermo, fu la loro ade-
sione immediata e spontanea alla rivolta del Vespro.ii

Malgré la présence massive de Lombards, il restait quelques îlots arabes au début


du XIIIe siècle, puis beaucoup de musulmans de Sicile furent déportés par Frédéric II
Hohenstaufen, de 1223 à 1240 à Lucera, dans les Pouilles 12 , d’autres s’exilèrent en
Afrique du nord, tandis qu’une autre partie se convertit13. Même s’il a fallu environ deux
siècles pour latiniser la Sicile, dès le milieu du XIIIe siècle s’en était fini de la Sicile
arabe14.

En revanche, les juifs, eux, prospérèrent encore quelques années. Arrivés dès le
Ier siècle, après la destruction de Jérusalem en 70 de notre ère, les juifs ont vu leur nombre
croître considérablement. Selon Erich Hausmann15, vers 1492, au moment de leur expul-
sion massive de l’île, la Sicile comptait environ 100 000 juifs16. Le nombre de juifs est
donc important, rapporté au nombre total d’habitants dans l’île17 et ils furent mal acceptés
à partir du règne de Frédéric II, qui les protégea néanmoins. Les juifs de Sicile ont-ils
participé au soulèvement de 1282 ? Aucun document n’en fait état à notre connaissance.
En revanche, les prêts d’argent importants aux rois de Sicile leur assuraient une certaine
protection de leurs débiteurs. Toutefois, leur situation s’est peu à peu dégradée, port d’une

12
Vincenzo D’ALESSANDRO, « Sicilia » [en ligne], 2005, URL : http://www.treccani.it/enciclopedia/sici-
lia_(Federiciana)/, consulté le 20 juin 2019. « Nel 1224 trasferì a Lucera un primo contingente di più di
quindicimila musulmani, compresi donne e bambini, costretti ad arrendersi per fame. » [En 1224 il déplaça
à Lucera un premier contingent de plus de quinze mille musulmans, y compris femmes et enfants, obligés
de se rendre à cause de la faim.
13
Michele AMARI, Storia dei Musulmani di Sicilia, vol. III, Firenze, Felice Le Monnier, 1858, p. 867.
14
Vincenzo D’ALESSANDRO, « Sicilia » [en ligne], op. cit. C’est en 1221 que commença la lutte contre les
paysans musulmans de Sicile. Pour Frédéric II, leur présence regni nostri tranquillitatem perturbat.
15
Erich A. HAUSMANN, « Les Juifs de Sicile ont dû partir aussi en 1492 » [en ligne], Hamoré, n° 139,
1993, URL : http://sefarim.fr/hamore/, consulté le 15 mai 2019.
16
Francesco RENDA, La fine del giudaismo siciliano : Ebrei marrani e Inquisizione spagnola prima du-
rante e dopo la cacciata del 1492, Palermo, Sellerio, 1993. Renda annonce un chiffre de seulement 35 000
juifs en Sicile. Pour arriver à ce résultat, il multiplie le nombre de foyers juifs (6 300) par 5,5 (un père, une
mère et 3 ou 4 enfants). Cela réduit la « masunata » aux parents et à leurs enfants. Qu’en est-il des autres
membres de la famille, grands-parents, collatéraux, etc. ?
17
Antonino MARRONE, « Sovvenzioni regie, riveli, demografa in Sicilia dal 1277 al 1398 » [en ligne],
Mediterranea ricerche storiche, n° 24, 2012, URL : http://www.storiamediterranea.it/portfolio/aprile-
2012/, consulté le 14 mars 2019. En 1286 la population totale de Sicile s’élevait à un peu moins de 550 000
habitants.

LES VÊPRES SICILIENNES - 8


rouelle rouge, ghettos, pogroms... jusqu’à leur expulsion en 1492, subissant en Sicile le
même sort que les juifs d’Espagne, puisque le décret espagnol s’appliquait également à
l’île18.

La communauté grecque formait une autre composante importante et historique


de la société sicilienne. Selon Fiorenzo Toso19, au XIIIe siècle on parlait encore grec dans
de nombreux villages de Sicile orientale. Mais le déclin était amorcé et trois siècles plus
tard, un seul village parlait le grec, et encore était-ce lié au rite religieux grec byzantin20.
Au moment des Vêpres, les Siciliens de culture grecque étaient issus du repeuplement
byzantin qui avait commencé dès le VIe siècle de notre ère. En tout état de cause, les
chrétiens siciliens de rite byzantin n’étaient pas non plus en « odeur de sainteté » sur l’île
où les rois catholiques successifs aspiraient à un retour au rite romain.

Voilà, le panorama de la Sicile dessinée, il convient de s’interroger sur les per-


sonnages qui ont favorisé la révolte des Siciliens. Nous pensons là à l’autre grand ennemi
de Charles d’Anjou, ce noble italien, Giovanni, seigneur de l’île de Procida21. Il était
médecin et diplomate, attaché à la cour des Hohenstaufen, et étroitement lié à la révolte
dite des « Vêpres Siciliennes », en 1282, dont il aurait été l’un des organisateurs, voire
l’instigateur principal22.

Résolument hostile à la famille régnante et même ennemi déclaré de Charles Ier


d’Anjou, Giovanni da Procida, proche de l’ancienne famille régnante souabe de Sicile,
n’eut de cesse, à partir de 1266, de combattre les Français. Son action était principalement
diplomatique et le complot qu’il ourdit l’amena à voyager fréquemment dans un triangle
formé par Rome, Barcelone et Constantinople23.

18
Le 31 mars 1492, le roi d’Aragon Ferdinand II et la reine de Castille, Isabelle Ire, décrètent l’expulsion
des juifs d’Espagne, de Sicile, d’Italie du Sud et de Sardaigne.
19
Fiorenzo TOSO, Le minoranze linguistiche in Italia, op. cit., p. 135.
20
Le seul village à parler encore grec dans ses rites religieux était Rometta, dans la province de Messine.
21
Petite île au large de Naples.
22
Jacqueline MALHERBE-GALY, Jean-Luc NARDONE, Les vêpres siciliennes : le complot de Jean de Pro-
cida, Toulouse, Anacharsis, 2012. Giovanni da Procida a eu une action déterminante, si ce n’est lors des
Vêpres, du moins lors des événements qui ont précédé et suivi le soulèvement. La nouvelle traduction d’un
auteur anonyme du XIIIe siècle nous éclaire sur Le complot de Jean de Procida.
23
Giovanni da Procida, quand il entreprit ces grands voyages diplomatiques était âgé d’environ 70 ans, si
l’on se réfère à la date de naissance approximative donnée par la plupart des chercheurs. Ce devait être un
homme de grande résistance puisqu’au Moyen-Âge, en Europe, l’espérance de vie chez les grands seigneurs

LES VÊPRES SICILIENNES - 9


Mais quelle que soit son action, réelle ou supposée, le personnage est intéressant
parce qu’il est devenu une légende au cours des siècles. Les premiers à s’en emparer sont
ses contemporains. Un auteur anonyme tout d’abord qui plaça Giovanni da Procida au
cœur de l’action24. Le texte original est perdu, mais une copie de la fin du XIVe siècle
nous éclaire sur le complot de l’aristocrate italien et son intense activité diplomatique
auprès des puissances de la région. D’autres textes du début du XIVe citent Procida, ceux
écrits par Pétrarque25 et Boccace26, où il est question du complot fomenté par le seigneur
Giovanni. Toutes ces concordances laissent penser que Procida a eu une influence sur la
révolte sicilienne.

Toutefois Dante Alighieri27, contemporain des « Vêpres », il avait 17 ans au mo-


ment de la révolte, écrit dans la Divine Comédie :
Se mala segnoria, che sempre accora
Li popoli suggetti, non avesse
Mosso Palermo a gridar: “mora, mora!”

Dante ne fait pas allusion à Giovanni da Procida, mais au peuple de Palerme


poussé à la révolte par un mauvais gouvernement.

C’est surtout au XIXe siècle que Giovanni da Procida et les Vêpres siciliennes font
leur entrée dans l’histoire nationale italienne, dans un but politique très précis : galvaniser
le peuple en vue de l’unification de l’Italie et contre l’occupation du trône de Naples par
les Bourbons d’Espagne. Il fallait donner aux Italiens un sentiment d’appartenance natio-
nale, en quelque sorte Faire une nation28. Ce siècle-là, le royaume des Deux-Siciles allait
d’émeutes en révolutions, jusqu’à l’arrivée de Garibaldi à Marsala, en 1860. Quatre rois
issus des Bourbons d’Espagne, la maison des Bourbon-Siciles, se succédèrent de 1815 à

était de vingt-cinq ans (seule catégorie où nous disposons de données fiables). H. J., « Mortalité masculine
dans les familles régnantes au Moyen Age », Population, n° 6, 1972.
24
Jacqueline MALHERBE-GALY, Jean-Luc NARDONE, Les vêpres siciliennes : le complot de Jean de Pro-
cida, op. cit.
25
Francesco PETRARCA, Itinerarium Syriacum, Bâle, Heinrich Petri, 1554.
26
Giovanni BOCCACCIO, « De Carolo Siculorum rege », dans De casibus virorum illustrium, vol. 9, Paris,
Jean Petit, 1540.
27
Dante ALIGHIERI, La divine comédie. Paradis, Arles, Actes Sud, 2020, trad. de Danièle ROBERT,
chant VIII.
28
Elena MUSIANI, Faire une nation : les Italiens et l’unité, XIXe-XXIe siècle, Paris, Gallimard, coll. 270,
2018.

LES VÊPRES SICILIENNES - 10


1861 : Ferdinand I, François I, Ferdinand II, François II, qui tentèrent de conserver un
pouvoir absolu et un régime quasi féodal dans les campagnes malgré les tensions qui
montaient partout en Europe et plus particulièrement sous leurs fenêtres. Pendant ces qua-
rante-six ans de règne des Bourbon-Siciles, le royaume a connu quatre insurrections et de
nombreuses émeutes, surtout entre 1859 et 1860 : 1820, qui conduisit à l’occupation au-
trichienne l’année suivante pour ramener la paix, 1828, 1847, 1848, pendant seize mois
cette année-là, la quasi-totalité de la Sicile était devenue un État indépendant.

Cette tension permanente était propice à l’unification de la péninsule. Déjà en


1847, dans l’extrême sud, Domenico Romeo29, insurgé acquis aux idées libérales hissa le
drapeau tricolore italien durant l’émeute de Santo Stefano in Aspromonte, en Calabre,
avant de rejoindre Reggio de Calabre où il fut tué en criant « all’Italia ». Sa dépouille fut
décapitée et la tête exposée pendant deux jours dans la cour de la prison de Reggio di
Calabre. Cette violence des Bourbon-Siciles nous éclaire sur l’état d’esprit dans le sud de
l’Italie. C’est dans ce contexte-là que la légende de Giovanni da Procida prospère. À cause
de la censure en Italie et notamment au royaume des Deux-Siciles, qui empêchait la dif-
fusion d’ouvrage « tendancieux », c’est en France, au tout début du siècle, qu’on com-
mença à s’intéresser aux événements de 1282.

Les Vêpres ont été, durant tout le XIXe siècle, un substrat capable de stimuler les
peuples. Giuseppe La Mantia30, professeur à l’université de Palerme, s’émerveillait de
cette permanence des Vêpres au siècle du Risorgimento :
[...] è certamente mirabil cosa il vedere come nella rivoluzione sici-
liana del 1820 [...] nelle sedizioni avvenute nel 1837 [...], indi nel
1848 [...], ed infine nel 1860 [...], si trovi costantemente nei Proclami
ufficiali di Comitati et di Governi la menzione di Giovanni da Pro-
cida come il più famoso cospiratore e fautore della rivoluzione del
1282, poeticamente e volgarmente detta del Vespro […].iii

29
Pietro Aristeo ROMEO, Cenni biografici sopra Domenico Romeo, Torino, Stamperia della Gazzetta del
Popolo, 1856.
30
G LA MANTIA, « I ricordi di Giovanni da Procida e del Vespro nei proclami rivoluzionari dal 1820 al
1860 » [en ligne], dans Rassegna storica del Risorgimento, Roma, Istituto per la storia del Risorgimento
italiano, 1931, URL : http://www.risorgimento.it/rassegna/index.php?id=16984, consulté le 17 juin 2019.

LES VÊPRES SICILIENNES - 11


Si la sphère politique du XIXe siècle s’était saisie de la révolte sicilienne du
XIIIe siècle pour nourrir sa propre révolution, le monde des arts très vite prit sa part. Selon
Mancuso31 :
l’importanza del tema è ulteriormente testimoniata dall’interesse su-
scitato nel campo artistico, e in particolare della pittura e della mu-
sica.iv

Au théâtre, c’est le Français Casimir Delavigne32 qui s’empara du thème. Sous sa


plume, Giovanni da Procida est l’anti-héros d’une tragédie en cinq actes, jouée à Paris le
23 octobre 1819 à l’Odéon à peine reconstruit. Il y apparaît dès la première scène en tant
que « noble sicilien ». Sa pièce fut un très grand succès.

Felicia Hemans33, de l’autre côté de la Manche, sans doute excitée par le succès
du Français, y alla de sa tragédie qu’elle intitula The Vespers of Palermo, sans toutefois
rencontrer le succès. Au contraire, sa pièce fut peu jouée. Felicia Hemans comptait sur la
notoriété des Vêpres pour attirer le public. Son drame, d’abord intitulée Procida, fut re-
nommé en Vêpres de Palerme, parce qu’on craignait que le nom de « Procida » ne fût pas
assez connu pour assurer le succès de la pièce !

Pour en revenir à l’Italie, c’est à Giambattista Niccolini34 que l’on doit la première
œuvre sur le thème des Vêpres. Deux ans avant la représentation de Delavigne, il avait
écrit une pièce intitulée Giovanni da Procida, mais elle ne fut jouée qu’en 1830 avant
d’être interdite.
Plus prudent, Giuseppe Verdi 35 , modifia sa version italienne des Vêpres sici-
liennes en décembre 1855 : le titre de l’œuvre devint Giovanna di Guzman et l’action se
situait au Portugal sous domination espagnole. Le livret changea encore avant 1861, puis
prit sa forme définitive après l’unification italienne. Mais avant la version italienne, Verdi

31
Claudio MANCUSO, « Il potere del passato e il suo utilizzo politico. Il caso del sesto centenario del vespro
siciliano » [en ligne], Mediterranea ricerche storiche, n° 25, 2012, URL : http://www.storiamediterra-
nea.it/portfolio/agosto-2012/, consulté le 20 février 2019.
32
Casimir DELAVIGNE, Les Vêpres sicilienne [en ligne], Paris, Baraba, Ladvocat, 1819, URL : https://medi-
terranees.net/moyen_age/sicile/delavigne1.html, consulté le 10 octobre 2018.
33
Felicia HEMANS, The Vespers of Palermo, Londres, John Murray, 1923.
34
Giovanni Battista NICCOLINI, Giovanni da Procida, Capolago, Tipografia Elvetica, 1831.
35
Bruno MAURY, « Verdi : Vêpres Siciliennes » [en ligne], classiquenews.com, 2017, URL :
https://www.classiquenews.com/compte-rendu-critique-opera-francfort-opera-le-9-decembre-2017-verdi-
vepres-siciliennes-stefan-soltesz-jens-daniel-herzog/, consulté le 24 avril 2020.

LES VÊPRES SICILIENNES - 12


composa pour la France Les Vêpres siciliennes, un opéra en cinq actes, créé à Paris en
juin 1855, dans lequel Giovanni da Procida est un médecin sicilien.

Pour rester dans le domaine de la musique, nous citerons également l’hymne na-
tional italien, Fratelli d’Italia, écrit en 1847 par Goffredo Mameli, dans lequel deux vers
font directement référence à la révolte Sicilienne :
Il suon d’ogni squilla
I Vespri suonòv

Ainsi même dans ce chant patriotique, référence est faite à la révolte des Vêpres,
incontournable au XIXe siècle.

Les arts graphiques, dans ce siècle des révolutions, ont aussi exploité le thème des
Vêpres (voir les annexes). Francesco Hayez et ses trois peintures des Vêpres siciliennes
concentrent toute l’attention. Le style néoclassique fait penser à la peinture de Jacques-
Louis David, mais l’ensemble paraît figé, sans émotion. Si on peut rattacher les toiles au
romantisme, c’est seulement grâce au sujet traité. Dans le tableau de 1822, au premier
plan, le soldat Drouet git au sol, l’homme qui vient de le tuer est le frère de la dame
outragée, tandis qu’elle est soutenue par son mari. À l’arrière-plan, l’église Santo Spirito
ne ressemble aucunement à l’église réelle. Sur le parvis, l’émeute a commencé, des Sici-
liens tuent les soldats français. La deuxième peinture de Hayez sur le sujet, exécutée en
1826, n’offre pas beaucoup d’intérêt dans la mesure où, à quelques détails près, c’est une
copie de la première. Vingt ans plus tard, en 1846, pour sa troisième version de l’épisode
(voir Annexe page 94), Hayez se concentre davantage sur les personnages du premier
plan. Ce qui se passe derrière est plus neutre. Visiblement le peintre est ici influencé par
l’opéra où les solistes sont devant et très expressifs, tandis que les figurants sont à l’arrière
de la scène, faisant masse. L’action, cette fois, se déroule à l’arrière de l’église Santo
Spirito, qui semble même un peu éloignée.

Dans les trois peintures de Hayez, comme dans toutes les représentations pictu-
rales des Vêpres, c’est toujours le moment où le soldat Drouet est tué qui est représenté.
C’est aussi le cas chez Andrea Gastaldi, Erulo Eruli, Giuseppe Carta et Giulio Piatti, alors
que Domenico Morelli se concentre sur la femme outragée accompagnée de deux autres
femmes qui s’enfuient apeurées, pendant que la révolte commence loin derrière, à peine
perceptible.

LES VÊPRES SICILIENNES - 13


Cette façon théâtralisée de peindre l’événement est fortement influencée par les
grands opéras dont les règles avaient été fixées à Paris et dont la mode s’était répandue
un peu partout en Europe. Mais Paris restait la capitale européenne de l’opéra au
XIXe siècle. Et Verdi qui n’avait pas beaucoup d’estime pour l’Opéra de Paris, qu’il ap-
pelait « la grande Boutique », était néanmoins attiré par la capitale française comme un
papillon par la lumière. Jusqu’en 1849 et la fin de la première guerre d’indépendance
italienne36, le compositeur avait montré beaucoup d’enthousiasme pour la « révolution »
italienne. Devenu « une figure emblématique pour les patriotes de la péninsule »37, la
défaite devant les Autrichiens38 éloigna temporairement l’artiste de ses préoccupations
politiques et « révolutionnaires », mais ses œuvres aux accents patriotiques (Nabucco,
Ernani, etc.) continuaient d’exalter le cœur des Italiens.

Quand Giuseppe Verdi se lança dans la composition des Vêpres siciliennes, ce


n’était pas parce qu’il entendait influencer les Italiens dans leur tentative d’unification de
la péninsule. Verdi avait bien autre chose en tête : il désirait une consécration internatio-
nale et savait que cela passait obligatoirement par une création originale à l’Opéra de
Paris. Mais même pour un compositeur célèbre comme lui, Paris ne se conquiert pas fa-
cilement. Des conditions étaient imposées aux artistes avant d’avoir l’honneur d’un con-
trat pour la création originale d’un opéra à l’Académie impériale de musique de la rue Le
Pelletier39, convoitée par tous les compositeurs européens. Première condition : le com-
positeur se devait d’avoir une certaine notoriété dans son pays d’origine. Pour le créateur
de Nabucco, c’était le cas depuis longtemps. Ensuite, il fallait avoir fait jouer plusieurs
de ses œuvres sur des scènes parisiennes, c’était fait avec Il proscritto – ex-Ernani – en
1844 et Il trovatore en 1854. En troisième lieu, il était indispensable d’avoir fait jouer
une œuvre traduite en français à l’Opéra : en 1847, Verdi y avait fait jouer Jérusalem,
titre français de I Lombardi. Si chacune des étapes décrites ci-dessus était couronnée d’un

36
Le 23 mars 1848, Charles-Albert, roi de Sardaigne déclarait la guerre à l’Autriche qui occupait une
grande partie de l’Italie du nord.
37
Pierre MILZA, Verdi et son temps, Paris, Perrin, 2004, p. 150
38
Bataille de Novare, 23 mars 1849, fin de la Première guerre d’indépendance. Le roi du Piémont Charles-
Albert abdique le soir-même en faveur de son fils Victor-Emmanuel II.
39
La salle Le Pelletier à Paris est une construction provisoire qui va se maintenir de 1821 à 1873 (fermeture
après un incendie). L’actuel Palais Garnier, inauguré en 1875, avait été décidé par Napoléon III pour rem-
placer la salle Le Pelletier au lendemain d’un attentat qui l’avait visé dans l’étroite rue Le Pelletier. L’em-
pereur voulait que le nouvel opéra fût construit dans un espace dégagé, moins propice aux attentats.

LES VÊPRES SICILIENNES - 14


grand succès, gage qu’on n’investirait pas en vain de gros moyens, alors à ce moment-là
seulement un contrat portant sur la création d’une œuvre originale en français, en cinq
actes, s’appuyant sur un sujet historique, mêlant sentiments privés et destin collectif, avec
un grand ballet, pouvait être envisagé. Pour la plus grande machinerie d’Europe, il fallait
un spectacle grandiose. C’était là une condition sine qua non.

Verdi, évidemment, répondait à toutes ces exigences. Ainsi le 26 février 1852 un


contrat fut signé. Le maestro obtenait même certaines clauses suspensives : le livret devait
être impérativement écrit par Eugène Scribe en personne puis lui être soumis pour appro-
bation. De même, la distribution exigée par Verdi devait être respectée. Quant à l’opéra,
la première était prévue pour la fin d’année 1854, soit près de trois ans après la signature.

Mais les choses ne se déroulèrent pas aussi simplement.

Tout d’abord, Eugène Scribe proposa plusieurs sujets à Giuseppe Verdi qui les
refusa les uns après les autres. Finalement, Scribe ressortit de ses cartons un vieux livret,
Le Duc d’Albe, proposé en 1836 à Halévy qui n’en voulut pas, puis à Donizetti qui mourut
avant d’en achever la musique. Restait à proposer le livret à Verdi, en changeant les
époques, les lieux et les personnages. Le Duc d’Albe mettait face à face des Flamands et
des Espagnols, c’est-à-dire des occupés et des occupants. Il suffisait de déplacer la scène
en Italie, à Naples ou à Palerme, d’y opposer des Italiens à leurs occupants français, de
nouer quelques intrigues privées et une destinée collective, d’ajouter un ballet et un cin-
quième acte pour que Verdi entrevît le grand opéra qu’il pourrait créer au cœur de la
capitale française. Voilà comment, de modifications en modifications, Le Duc d’Albe de-
vint Les Vêpres siciliennes ! Ce glissement ne demanda pas de gros effort d’imagination :
Scribe avait beaucoup aimé le drame de Delavigne joué en 1819 à l’Odéon et dont il avait
écrit et fait jouer une parodie la même année40.

Le livret de Scribe ne réjouit pas Verdi qui accepta mal que Giovanni da Procida
fût réduit à un conspirateur dégainant un couteau comme un vulgaire assassin. Eugène
Scribe, mécontent des reproches qu’on lui faisait, écrit dans la préface de son livret41 :

40
Eugène SCRIBES, MÉLESVILLE, Les Vêpres siciliennes [en ligne], 1819, URL : http://théâtre-documenta-
tion.com/content/les-vêpres-siciliennes-eugène-scribe-mélesville, consulté le 16 janvier 2019.
41
Eugène SCRIBES, « Les Vêpres siciliennes », dans Œuvres complètes, vol. 6, 3e série, Paris, Dentu, 1876.

LES VÊPRES SICILIENNES - 15


À ceux qui nous reprochent, comme de coutume, d’ignorer l’histoire,
nous nous empresserons d’apprendre que le massacre général connu
sous le nom de Vêpres Siciliennes n’a jamais existé. Ce point histo-
rique une fois reconnu, il doit être à peu près permis à chacun de
traiter ce sujet comme il l’entend. […] Nous ajouterons que Procida,
choisit par tous les auteurs dramatiques comme chef ordinaire de la
conspiration, n’était même pas en Sicile à cette époque.

Malgré les réticences de Verdi, l’opéra fut créé non pas à la fin de 1854 comme
prévu mais six mois plus tard, le 13 juin 1855. Le succès fut immense dès la première, en
présence de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie qui restèrent jusqu’au deuxième bis.
Le compositeur italien, dans la même année, fit traduire le livret pour que l’opéra fût joué
en décembre dans sa patrie et même dans son duché, Parme, occupé par les Autrichiens.
Mais la censure autrichienne veillait et dans le contexte bouillonnant du Risorgimento, il
n’était pas question que les Vêpres siciliennes et Giovanni da Procida échauffassent en-
core plus les esprits. Qu’à cela ne tienne, sur les conseils de Scribe, l’opéra changea de
nom : il devint Giovanna de Guzman, et l’action fut déplacée au XVIIIe siècle au Portugal
occupé par les Espagnols.

Verdi, en dépit de ses colères contre son librettiste, ne s’était pas trompé en faisant
jouer cet opéra à l’esprit révolutionnaire. La libération de la Sicile du « giogo francese »42
après le soulèvement des Vêpres, et les guerres entre grandes puissances pour occuper la
place dans ce XIIIe siècle qui marque la fin des croisades et une intense activité spirituelle
liée à saint François d’Assise, saint Thomas d’Aquin, saint Antoine de Padoue, est restée
dans la mémoire de l’Europe comme un événement majeur et symbolique. L’Italie du
XIXe revendiquait, bien entendu, la révolte sicilienne comme le premier acte, ou en tout
cas un acte inspirant, de l’unification de la péninsule. Le Risorgimento puisa dans la ré-
volte sicilienne du XIIIe siècle « un canovaccio ideale per quei patrioti italiani che cer-
cavano nel passato le radici dell’unità nazionale »43 [une trame idéale pour ces patriotes
italiens qui cherchaient dans le passé les racines de l’unité nationale]. Mais il n’y eut pas
que l’Italie à s’emparer des Vêpres. La France post révolutionnaire et romantique s’en
appropria ainsi que de son héros, Giovanni da Procida. Au théâtre et en littérature, deux
œuvres ont vu le jour presqu’au même moment : Les Vêpres siciliennes de Casimir

42
Michele AMARI, La Guerra del Vespro Siciliano, op. cit.
43
Sergio ROMANO, « I vespri dal risorgimento a oggi », Corriere della sera, 20 mars 2011.

LES VÊPRES SICILIENNES - 16


Delavigne44 et Jean de Procida ou Les Vêpres siciliennes d’Étienne de Lamothe-Lan-
gon45, un roman historique publié en 1821.

Le vrai Giovanni da Procida, celui des premiers textes, celui des historiens, a
laissé dans la mémoire collective la place à son avatar des tréteaux, héros qui incarne le
soulèvement sicilien, qui libère le pays. C’est ce Procida-là dont avait besoin l’Italie du
Risorgimento, alors que la France de l’après-Révolution ne donnait pas une image flat-
teuse de lui. Dans son texte, Delavigne le traite en anti-héros devant les ennemis français.
Mais le dramaturge fit bien attention de distinguer la bonne France de saint Louis d’avec
les mauvais Français du royaume de Sicile qui l’occupaient de manière inique et barbare.

À travers les arts, la démonstration qu’un peuple soumis et brutalisé peut se ré-
volter et vaincre plaît à la France et plus encore à l’Italie. À la veille de devenir un État
moderne, celle-ci avait besoin de tirer de cet événement lointain la preuve que de tous
temps la péninsule cherchait l’unité en chassant l’occupant étranger. Peu importe le dé-
voiement de l’histoire, peu importe le rôle précis des uns et des autres : il fallait inventer
le mythe d’une nation résistante et d’un héros capable de vaincre la plus armée des tyran-
nies.

Verdi, même en transposant son opéra au Portugal occupé, porte la légende. Per-
sonne n’est dupe et le succès de Giovanna da Guzman montre bien que les esprits échauf-
fés depuis 1848 ne se s’étaient pas calmés.

La peinture de Hayez est une autre démonstration qu’à travers les Vêpres, c’est
de la nouvelle nation dont il est question. Cette Sicilienne représentée dans le tableau de
1822, évanouie, le sein découvert, ce n’est plus la dame outragée par le soldat Drouet,
c’est l’Italie, mère au sein nourricier, agressée mais déjà vengée : le soldat étranger git à
terre, mortellement touché alors que le héros tient bravement l’épée ensanglantée. L’al-
légorie est évidente, que le peintre reproduit à deux reprises encore, signe que le thème
connaît un grand succès.

44
Casimir DELAVIGNE, Les Vêpres sicilienne [en ligne], op. cit.
45
Etienne-Léon de LAMOTHE-LANGON, Jean de Procida, ou les Vêpres siciliennes, Paris, Chaumerot,
1821.

LES VÊPRES SICILIENNES - 17


Certes, Giovanni da Procida et les Vêpres ne furent pas seuls à galvaniser les
peuples d’Italie. Le Nabucco et l’Ernani46, de Verdi, avaient largement contribué à trans-
porter les foules. À la sortie des théâtres, il était coutumier que les spectateurs hurlent
« Viva Verdi », ce qui signifiait malicieusement « Viva Vittorio Emanuele Re D’Italia »47.
Tout concourait à embraser un pays prêt depuis des années à se constituer en nation.

Au vu de l’importance de l’épisode des vêpres dans la culture italienne, notam-


ment dans la période du Risorgimento, nous nous sommes demandés comment ce mo-
ment historique se constitue en tant que légende, aussi bien dans la période qui a suivi
immédiatement l’émeute que par la suite. Dans notre première partie intitulée « Les
Vêpres dans leur contexte », nous étudierons l’état de l’Europe et les implications des
pays dans le conflit entre Charles d’Anjou et les Aragonais, qui dura vingt ans, en cette
fin du XIIIe siècle. Nous analyserons également les conséquences de la révolte sicilienne
sur la dynastie des Anjou. Enfin pour clore ce premier chapitre, nous dresserons un por-
trait de Giovanni da Procida que certains décrivent en organisateur des Vêpres quand
d’autres l’ignorent totalement. Dans un deuxième chapitre, intitulé « Les Vêpres dans les
textes et dans les faits », nous étudierons les textes littéraires et historiques qui ont traité
de la révolte comme d’un épisode majeur de l’histoire européenne et comment, dans les
faits, beaucoup de combats, dans le monde, ont utilisé le mot de « Vêpres » en référence
à 1282. Le dernier point de ce chapitre traitera du mot « Antudo », mot d’ordre apparu
lors des émeutes de Sicile, énormément employé aux XXe et XXIe siècles, mais qui sem-
blerait n’être qu’une légende récente. Dans le troisième chapitre, Nous nous focaliserons
sur les Vêpres en tant que mythe, du Risorgimento à nos jours. Durant ces deux cents
dernières années énormément d’études ont porté sur cette période médiéval, les sources
ont été analysées par de nombreux historiens, mais finalement, beaucoup d’incertitudes
demeurent.

46
Pierre MILZA, Verdi et son temps, op. cit.
47
Luigi ORSINI, Giuseppe Verdi, Torino, SEI, 1965. Des graffiti ont également commencé à apparaître à
partir de 1849 sur les murs de grandes villes italiennes où l’on pouvait lire « Viva Verdi ». Mais le mot
Verdi n’aurait pas été, dans la plupart des cas, un acronyme de « Viva Vittorio Emanuele Re d’Italia ». Il
le fut à Rome, le 17 février 1859, lors de la représentation de Un ballo in maschera.

LES VÊPRES SICILIENNES - 18


1 L ES VÊPRES DANS LEUR CONTEXTE
Alors qu’aujourd’hui les Vêpres sont une affaire de spécialistes, pendant de nom-
breuses années après la révolte de 1282, elles furent très populaires, avec des consé-
quences directes sur l’évolution de l’histoire européenne. Elles furent une référence dans
des soulèvements et l’objet d’études approfondies durant le dix-neuvième siècle, souvent
de manière orientée, afin de servir les tenants d’une Italie unifiée. Garibaldi lui-même,
durant l’expédition « Dei Mille » fit référence aux Vêpres. C’était à l’occasion de son
discours à Palerme le 30 mai 186048 :

Io ed i miei compagni siamo festanti di poter combattere accanto ai


figli del Vespro.vi

Quatre points nous ont semblé intéressants à développer dans ce chapitre : la


« Guerre de vingt ans », le jeu des puissances étrangères, la destinée de la Maison d’An-
jou et le rôle de Giovanni da Procida.

Tout d’abord les conséquences au lendemain des Vêpres. La perte de la Sicile


pour les Anjou a conduit à une guerre qui dura vingt ans jusqu’à la signature d’un traité
de paix, en 1302. Pendant ces vingt années, outre les combats qui engagèrent des forces
armées parmi les plus puissantes de l’époque, il y eut la parenthèse d’un duel « manqué »
entre le roi angevin et le roi aragonais. La « Guerre des Vêpres » eut comme autre consé-
quence d’impliquer beaucoup d’États, soit directement, soit indirectement. Les États du
pape, la France, l’Aragon, les villes-États d’Italie du nord, l’empire d’Orient se mêlèrent
de la question sicilienne. Le pape et Paris s’allièrent à Charles, l’Aragon et Constantinople
s’unirent pour chasser les Français de Sicile, le premier en engageant son armée, le deu-
xième ses finances. Cette guerre anéantit les grandes ambitions de Charles d’Anjou qui
désirait la mainmise sur l’empire byzantin et, pourquoi pas, le pouvoir sur toute l’Italie :

[…] l’idée de Charles que la couronne [du Saint Empire romain ger-
manique] fût offerte à son neveu, Philippe III, le nouveau roi de
France – pour que ce dernier pût ensuite le nommer vicaire impérial
en Italie – se heurta inévitablement à la claire et nette opposition, fort

48
Le 30 mai 1860, la bataille de Palerme a pris fin avec la victoire de Garibaldi activement épaulé par la
population qui ne voulut pas d’un armistice mais au contraire répondit « guerra ! guerra ! » pour que les
Bourbon fussent chassés de Sicile. Claudio MANCUSO, « Il potere del passato e il suo utilizzo politico. Il
caso del sesto centenario del vespro siciliano » [en ligne], Mediterranea ricerche storiche, op. cit.

LES VÊPRES SICILIENNES - 19


compréhensible, du pape Grégoire X, déjà inquiet de l’action très har-
die menée par le souverain sicilien en Toscane49.

Voilà les graves conséquences à l’échelle européenne de la révolution sicilienne


dont une des figures, Giovanni da Procida, continue à questionner les scientifiques, même
s’il se fait jour un consensus pour minorer son action dans cet épisode. Sa légende malgré
tout continue à l’auréoler d’un héroïsme national en Italie où une sculpture le représente
parmi les grands hommes de la nation, dans le parc du Pincio avec l’inscription : « Autore
del Vespro Siciliano »50.

1.1 La guerre de vingt ans


Immédiatement après que la Sicile se fut libérée des Anjou, s’engagea une guerre
dite « Guerra del Vespro » ou « Guerra dei vent’anni », qui comme son nom l’indique
dura vingt ans. Cette guerre ne fut en réalité qu’une phase dans les combats qui opposè-
rent Palerme à Naples jusqu’en 1372, de manière sporadique, et les deux royaumes mé-
ridionaux restèrent indépendants l’un de l’autre jusqu’en 181651, en dehors d’un bref épi-
sode, de 1442 à 1458, sous Alphonse Ier.

La révolte des Siciliens qui commença sur le parvis de l’église Santo Spirito, le
30 mars 1282, s’étendit très vite au reste de l’île et, dans le dernier bastion des Angevins,
Messine, le 28 avril 1282, le massacre des Français se poursuivit et fut plus cruel encore
selon une chronique florentine des XIIIe et XIVe siècles52, mais les recherches contempo-
raines précisent que la plupart des Français, lors du soulèvement des Messinois, avaient
eu le temps de se réfugier dans le château de Mategriffon53, et ce fut uniquement la flotte
angevine qui fut incendiée et détruite :

49
AA. VV., Les Princes angevins du XIIIe au XVe siècle ; un destin européen, Rennes, Presses Univ. de
Rennes, coll. « Collection « Histoire » », 2003.
50
Michele AMARI, Sulla origine della denominazione Vespro Siciliano [en ligne], Palermo, Tipografia
dello Statuto, 1882, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k850173p/f1.image, consulté le 23 mars
2019, p. 11.
51
Date de la création du royaume des Deux-Siciles par les Bourbons-Sicile.
52
Ricordano MALISPINI, Giacotto MALISPINI, Giovanni MORELLI, Istoria fiorentina, Firenze, Stamperia di
S. A. R. Per Gio: Gaetano Tartini, e Santi Franchi, 1718, p. 194.
53
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIIIe siècle,
Paris, Les belles Lettres, 2008, p. 206-207.

LES VÊPRES SICILIENNES - 20


«[…] peggio feciono a’ Franceschi, che’ Palermini, e trovaronsi
morti i Franceschi in grandissima quantità»vii.

La nouvelle de la révolution sicilienne arriva au roi de Sicile, Charles Ier d’Anjou,


alors que celui-ci se trouvait à la cour du pape. Charles y avait une fonction officielle,
celle de sénateur de Rome54, mais plus encore, sa présence auprès du pape s’avérait utile
à ses projets hégémoniques sur l’Italie entière et au-delà, puisque la prise de Constanti-
nople faisait partie de ses objectifs prioritaires. Avant même que Charles Ier fût averti des
événements de Messine, les Siciliens eux-mêmes informèrent l’empereur Michel de
Constantinople, dont on imagine avec quels sentiments il accueillit la nouvelle de la des-
truction de la flotte angevine destinée à lui faire la guerre.

Pendant ce mois d’avril, dès qu’il eut connaissance du soulèvement de Palerme,


Charles Ier envisagea une réplique énergique avant que la situation ne dégénérât. Ce fut
en substance ce qu’il écrivit dans une première missive à son neveu, Philippe III, roi de
France. Une deuxième lettre, après la révolte de Messine, montre que le roi de Sicile prit
conscience de la gravité de la situation. Dans ce courrier, il demandait une aide militaire
au roi de France pour reconquérir son trône sicilien55.

Sire, nous vous faisons savoir que l’île de Sicile est révélée contre
nous ; laquelle chose nous pourrait tourner à grand dommage si nous
n’y mettions hâtif conseil : et pour cela, beau neveu, nous avons très
grand besoin d’avoir avec nous grande quantité de bonnes gens
d’armes [...].

Le but de Charles était de constituer une grande force afin de frapper de manière
décisive les rebelles siciliens. Cette constitution d’une armée du prince angevin peut être
considérée comme le premier acte d’une guerre de reconquête qui allait durer vingt ans.
À ce qu’il restait des navires appareillés pour une attaque contre Constantinople se

54
Marco VENDITTELLI, « Elite citadine : Rome aux XIIe-XIIIe siècles » [en ligne], dans Actes des congrès
de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, présenté à Les élites urbaines
au Moyen Âge, Roma, Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public, 1996, URL
: https://www.persee.fr/doc/shmes_1261-9078_1997_act_27_1_1698, consulté le 20 avril 2019. « Jusqu'en
1196, sauf exception, la Commune de Rome fut régulièrement gouvernée par un large collège de sénateurs,
puis on passa au gouvernement d'un sénateur unique, enfin à partir de 1238, la charge fut assumée par deux
magistrats. À la différence des podestats des Communes d'Italie centro-septentrionale, la charge de sénateur
était réservée aux citoyens romains et le recours à un magistrat étranger ne fut qu'exceptionnel. »
55
Lettre datée du 9 mai 1282 et conservée aux Archives nationales. Alexis Guignard (de) SAINT-PRIEST,
Histoire de la conquête de Naples par Charles d’Anjou, frère de saint Louis [en ligne], vol. 4, Paris, Amyot,
1849, URL : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb31284469j, consulté le 12 janvier 2020.

LES VÊPRES SICILIENNES - 21


joignirent les forces des frères de Philippe III, Pierre d’Alençon et Robert d’Artois, avec
leurs chevaliers, une partie du contingent de Provence (sur laquelle Charles Ier régnait),
des guelfes de Florence et, pour finir, des navires loués à Venise, Pise et Gênes56. Cette
armée constituée se mit en route afin d’assiéger Messine par où devait commencer la
reconquête de la Sicile. Au début du mois de juin 1282, seulement deux mois après les
Vêpres, la nouvelle flotte de Charles Ier était au mouillage de Catona, sur la côte calabraise,
exactement face à Messine : cinq kilomètres environ séparaient les navires de guerre fran-
çais de la Sicile. Sur terre, les troupes continuaient d’affluer et finalement, le roi lui-même,
parti de Naples le 11 juin, arriva le 6 juillet 1282 à Catona. Immédiatement l’ordre de
départ fut donné pour un débarquement à Tremestieri, au sud de Messine, où se trouvait
l’abbaye Sainte-Marie-de-Roccamadore57 qui servit de quartier général. Une autre partie
de l’armée royale avait fait route vers Milazzo, sur la côte septentrionale de la Sicile, à
une trentaine de kilomètres de Messine. Un premier face-à-face entre Messinois et Fran-
çais, à la sortie de Milazzo, eut des conséquences importantes pour la suite du conflit. En
effet, les Français eurent facilement l’avantage sur les Messinois et cette défaite conduisit
les habitants de la commune libre de Messine à exécuter quelques notables accusés de
trahison et à déposer le capitaine de la ville, Baldovino Mussone, pour le remplacer par
Alaimo da Lentini58, lequel s’illustra dans la défense de la ville, puis facilita la venue de
Pierre III d’Aragon, ce qui garantissait un meilleur rapport de force contre les Français.

Ainsi donc, au sud de Messine, une grande partie de l’armée royale empêchait le
ravitaillement de la ville depuis Catane et Syracuse, et au nord, Milazzo était occupée par
les Français, de manière à former une tenaille destinée à faire tomber la ville. Enfin, pour
compléter le dispositif, sur les hauteurs à l’ouest, des catapultes étaient installées pour la

56
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIIIe siècle,
op. cit.
57
L’abbaye de Roccamadore fut fondée par la famille normande De Luci (dont on trouve un site internet
qui lui est consacrée) au XIIe siècle. « Bartholomew [De Luci] founded the Cistercian Abbey of Santa Maria
di Roccamadore in Tremestieri near Messina, based on the French model of Saint Mary of Rocamadour
near Quercy. » [Bartholomew [De Luci] a fondé l'abbaye cistercienne de Santa Maria di Roccamadore à
Tremestieri près de Messine, sur le modèle français de Sainte-Marie de Rocamadour près du Quercy.]
Norman LUCEY, « The Lucey and Lucy family history web page » [en ligne], The Lucey and Lucy family
history web page, URL : https://www.rickmansworthherts.com/webpage56.htm, consulté le 17 mai 2020.
58
Alaimo da Lentini était un notable messinois. Il commence sa carrière politique en tant que conjuré
contre le roi souabe Manfred, en 1254. Exilé, il prend parti pour les Angevins et en 1268 il participe à la
répression contre les fidèles de Conradin (petit-fils de Frédéric II de Souabe). Jusqu’aux Vêpres siciliennes,
il occupe différents postes proposés par le roi Charles d’Anjou. Mais à partir de sa nomination par le peuple
de Messine, en tant que capitaine de la ville, il organise la défense messinoise avec succès.

LES VÊPRES SICILIENNES - 22


bombarder. Prendre Messine eut été chose aisée, mais Charles Ier préféra la voie de la
négociation par l’intermédiaire du légat de pape. Ce répit accordé aux Messinois leur
permit de renforcer les murailles. Les Français, après l’échec des négociations, firent
quelques tentatives militaires contre Messine avant l’assaut général, le 14 septembre 1282.
Mais la défense messinoise eut raison, que ce soit par la mer ou par les terres, de l’offen-
sive française. Charles d’Anjou échappa de peu à un tir d’arbalète, sauvé par deux cava-
liers qui firent bouclier de leur corps.

Pendant ce siège de Messine, Pierre d’Aragon, avec des forces bien inférieures à
celles des Français, rejoignait Palerme et ordonnait, comme première mesure, le recrute-
ment d’hommes dans toute la Sicile pour la défense de la capitale sicilienne.

De son côté, le 26 septembre 1282, Charles repassait le détroit, renonçant tacti-


quement59 mais temporairement à la prise de Messine. Ainsi, quelques mois après la ré-
volte des Vêpres siciliennes, la Sicile avait un nouveau roi et avait su résister à une des
armées les mieux constituées du monde. Les premiers grands combats de cette « Guerre
des vingt ans » prirent fin et l’année 1282 s’acheva par une contre-offensive inattendue
des Siculo-Aragonais contre la flotte royale. Entre les navires coulés et ceux capturés par
Pierre d’Aragon, la défense de la côte calabraise devenait difficile. Par ailleurs, Charles
devait entretenir une armée importante et coûteuse (environ vingt mille hommes entre
cavaliers et fantassins, trois mille arbalétriers, quelques centaines de « Sarrasins »60, etc.),
et c’est son neveu, le roi de France, qui fit un prêt de cinq mille onces pour maintenir en
partie cette armée.

Si ce deuxième semestre de 1282 avait été placé sous le signe de la reconquête de


la Sicile, 1283 inversait les choses : à la surprise des Angevins, les combats, en plein hiver,
se déplaçaient sur le continent avec le débarquement des forces siculo-aragonaise à Ca-
tona et à Scilla (Calabre). L’appui de combattants almogavres61 ne fut pas négligeable

59
Le roi français ne voulait pas s’enliser devant les murs de Messine pendant l’hiver, fondant ses espoirs
dans une reprise de l’île au printemps suivant.
60
Il s’agit des musulmans de Sicile déportés à Lucera dans les Pouilles par Frédéric II à partir de 1223
jusqu’en 1246.
61
Les Almogavres étaient des combattants irréguliers alliés des Aragonais durant la Guerre des Vêpres.
On les retrouva par la suite à la solde de Byzance contre les Turcs. Un rituel particulièrement bruyant avant
les combats terrorisait les ennemis. Ce fut le cas en 1300, dans la bataille de Gagliano en Sicile, où trois
cents Almogavres défirent la cavalerie française.

LES VÊPRES SICILIENNES - 23


dans cette incursion en « territoire ennemi ». Le 18 février 1283, le débarquement de la
marine du roi aragonais avait pour but de couper le territoire italien de Charles Ier en
deux : l’accès au sud de la Calabre devenait impossible, ce qui déplaçait les hostilités
assez loin du détroit de Messine. Mais en janvier déjà, les Almogavres avaient reçu l’auto-
risation de mettre à sac Catona, afin d’en retirer ce qui était leur motivation première : un
butin en armes, chevaux et objets précieux. Les deux mille combattants du débarquement
massacrèrent presque tous les Français en garnison dans la ville côtière : Sur les quatre
cent cinquante à cinq cents soldats angevins, seuls trente purent s’enfuir. Ainsi Catona ne
représentait plus un risque pour Messine. Cette stratégie qui consistait à avoir des têtes
de pont sur le continent, à couper la route à des renforts venus du nord et à chasser les
Français de la pointe de la Calabre (notamment à Reggio), donna un nouveau tour à la
guerre : les années suivantes, les combats eurent lieu, en grande partie, hors de la Sicile.

Charles, qui ne pouvait renoncer à ce titre de roi de Sicile62 offert par le pape près
de vingt ans auparavant, organisait sa flotte avant d’envahir l’île. Cela était prévu pour
l’été 1283, profitant d’une absence de Pierre III, retourné dans son royaume aragonais.
Auparavant, le frère de saint Louis voulait traiter le problème de Malte qui s’était elle
aussi rebellée contre les Angevins au moment des Vêpres siciliennes. Une garnison fran-
çaise était toujours assiégée par la population locale dans le Castrum Maris, forteresse
qui garde l’entrée du port de Malte (Grand Harbour). La petite île méditerranéenne revê-
tait une importance stratégique puisqu’elle contrôlait la route maritime entre la Sicile et
l’Espagne. Se rendre maître de Malte pourrait gêner considérablement les Aragonais.

Charles décida donc d’envoyer une partie de sa flotte secourir la garnison fran-
çaise assiégée. Pierre III fit partir de son côté, pour contrer les Français, quelques navires
sous le commandement de Ruggiero di Lauria63, un amiral talentueux qui offrit avec cette

62
Le trône de Sicile, depuis les rois normands, comprenait la Sicile et tout le sud de la péninsule italienne,
jusqu’aux Abruzzes avec Palerme comme capitale, puis Naples en 1266 avec l’arrivée des Anjou. Ce n’est
qu’après 1282 que le royaume de Sicile fut séparé en deux, partageant le plus souvent le même nom, mais
par commodité, la partie continentale fut appelée royaume de Naples. Lors de l’unification par les Bour-
bons, on appela le territoire royaume des Deux-Siciles, de 1816 à 1861.
63
Ruggiero di Lauria, amiral d’origine italienne au service de Pierre III d’Aragon. Sa mère avait été la
nourrice de Constance de Souabe, petite-fille de l’empereur Frédéric II Hohenstaufen et reine d’Aragon.
Ruggiero di Lauria, né vers 1245, est mort en 1304 en Catalogne.

LES VÊPRES SICILIENNES - 24


bataille de Malte la première d’une série de victoires sous son commandement64. Les
pertes côté français furent importantes et on estime que la ville de Marseille dont étaient
issus la plupart des marins se retrouva amputé de vingt pour cent de sa population en
hommes valides 65 . Pour Charles d’Anjou, cette défaite signifiait une grande perte de
temps puisqu’il fallait reconstituer sa flotte. Et pas seulement. Le roi voulait une armée
importante et recruta des soldats chez tous ses alliés : guelfes, « Sarrasins » de Lucera,
lanciers et arbalétriers des Pouilles et de Toscane, stipendiarii de Bari et de Pise, des
mercenaires et même des Templiers. Le nerf de la guerre, l’argent, fut fourni par le pape
Martin IV. Tous ces préparatifs repoussaient la reconquête de la Sicile à l’année suivante,
en 1284, soit deux ans après les Vêpres.

Alors que sur le continent les préparatifs se poursuivaient, le 5 juin 1284, une
nouvelle attaque surprise de la flotte siculo-aragonaise avec à leur tête l’amiral Ruggiero
di Lauria, dans le golfe de Naples, mit à mal la flotte française. Pire, dans cette bataille
navale, le prince Charles, fils de Charles Ier et futur Charles II, fut capturé, emmené à
Barcelone où il resta captif quatre ans. Son père, auquel il ne restait que six mois à vivre,
était furieux car cette capture n’était due qu’à l’imprudence du prince. Charles Ier maudit
son fils et nomma quelques temps plus tard un régent, Robert, comte d’Artois, chargé
d’assurer l’interrègne à sa mort, en attendant que son fils fût libéré ou que son petit-fils,
Charles-Martel, atteignît l’âge requis pour monter sur le trône. Cette disposition avait été
validée par le pape qui devait en surveiller la bonne exécution.

64
Filippo PAGANO, Istoria del regno di Napoli [en ligne], vol. 2, Palermo, Tipografia Stampinato, 1835,
URL : https://books.google.fr/books?id=d205AAAAcAAJ&printsec=frontco-
ver&hl=it&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false, consulté le 5 mars 2020.
65
« Charles wrote to the seneschal of Provençe from Reggio in November 1282 and ordered him to assem-
ble a fleet composed entirely of men and ships from southern France. In this letter, he orders twenty well-
armed galley and two thousand crossbowmen and spearmen to be assembled at Marseille ». [Charles écrivit
au sénéchal de Provence de Reggio en novembre 1282 et lui ordonna de constituer une flotte entièrement
composée d'hommes et de navires du sud de la France. Dans cette lettre, il ordonne de rassembler à Mar-
seille vingt galères bien armées et deux mille arbalétriers et lanciers].
Lawrence MOTT, « The battle of Malta, 1283 : prelude to a disaster » [en ligne], dans The Circle of War in
the Middle Ages: Essays on Medieval Military and Naval History, Woodbridge, The Boydell press, 1999,
URL :
https://books.google.fr/books?id=twTwgmQgdywC&printsec=frontcover&hl=it&source=gbs_ge_sum-
mary_r&cad=0#v=onepage&q=battle%20of%20malta&f=false, consulté le 30 juin 2020.
Et Amatuccio, La Guerra dei vent’anni, op. cit., p. 34

LES VÊPRES SICILIENNES - 25


Nous n’allons pas dans le détail aborder la suite des événements guerriers qui
durèrent jusqu’en 130266. Il nous a paru d’intérêt d’étudier de manière plus fine les deux
premières années de cette guerre car elles ont décidé de la suite du conflit. Malgré toutes
leurs tentatives, Charles Ier et ses successeurs ne purent revenir sur le trône de Sicile in-
sulaire. Le soutien de Rome, qui alla jusqu’à excommunier non seulement le roi d’Aragon
mais toute la population sicilienne, qui fournit l’argent de la guerre et qui s’employa à
convaincre les alliés d’aider les Anjou dans cette « guerre sainte », avec les mêmes béné-
fices que ceux accordés lors des croisades contre les infidèles, ce soutien de Rome, donc,
fut vain. Dès le début du conflit, les deux rois, aragonais et angevin, conscients des
lourdes pertes en vies humaines, proposèrent d’arrêter les hostilités et de jouer le sort du
trône de Sicile dans un combat d’homme à homme, de monarque à monarque. Nous re-
viendrons sur ce moment épique dans la section suivante.

À l’aube de la quatrième année après les Vêpres, le 7 janvier 1285, dans son der-
nier souffle, Charles fit une ultime prière à Dieu, Lui demandant de lui pardonner ses
péchés car il avait « pris le royaume de Sicile pour l’amour de la Sainte-Église et non
pour [son] propre profit ou bénéfice. » Cela reflétait la réalité puisque c’était sur l’insis-
tance des papes français Urbain IV et Clément IV que le plus jeune des enfants de Blanche
de Castille, destiné à la religion, et malgré la résistance de son frère Louis IX, roi de
France, accepta le trône de Sicile. C’était une manière de barrer la route au parti gibelin
et de mettre un terme à la domination de la maison impériale souabe sur une partie de
l’Italie.

Son ennemi, Pierre III d’Aragon ne lui survécut pas beaucoup : le 11 novembre
1285, il rendit l’âme, laissant l’Aragon à son fils aîné, Alphonse III, et la Sicile au cadet
Jacques II. À la suite de ces successions, deux grandes dates sont à retenir : le 20 juin
1295, avec le traité d’Anagni et le 31 août 1302 avec la paix de Caltabellotta qui mit fin
à la « Guerre des vingt ans ».

LE TRAITÉ D’ANAGNI

Le traité d’Anagni est une sorte de marché entre les grands royaumes en guerre et
la papauté aux dépens des Siciliens. Pour comprendre cela, il faut revenir au royaume

66
Giovanni AMATUCCIO, La guerra dei vent’anni (1282-1302), gli eserciti, le flotte, le armi della Guerra
del Vespro, Salerno, Giovanni Amatuccio, 2017.

LES VÊPRES SICILIENNES - 26


d’Aragon dont les successions sur le trône se précipitèrent. Peu après avoir succédé à son
père, Alphonse III disparaissait à son tour, en 1291, sans descendance, et c’est naturelle-
ment son frère, celui-là même qui était le roi de Sicile, Jacques II, qui monta sur le trône
d’Aragon. Sans renoncer à Palerme, il nomma comme lieutenant de Sicile son frère Fré-
déric. Mais, entre 1291 et 1295, Jacques II commença à changer de politique. La guerre
contre les Anjou et leurs alliés coûtait cher et le roi d’Aragon cherchait une voie pacifique
qui eut contenté tout le monde, sauf les Siciliens. Des négociations furent menées entre
les belligérants et le pape Boniface VIII. En substance, Jacques II et Charles II remettaient
entre les mains du pape le royaume de Sicile. En contrepartie, le pape levait l’excommu-
nication du roi d’Aragon et lui remettait la couronne de Sardaigne et de Corse, royaume
qui n’existait pas encore67. Le traité fut signé le 20 juin 1295 avec pour conséquence
immédiate la fin des hostilités entre Barcelone et Naples et le retour de Palerme dans
l’escarcelle angevine.

Mais si Barcelone entendait se débarrasser de la Sicile à bon compte, les Siciliens,


eux, n’avaient aucune envie de retrouver la situation antes, c’est-à-dire d’être gouvernés
par un roi angevin établit à Naples. Dans un premier temps, le 11 décembre 1295, réunis
en parlement à Palerme, les Siciliens nommèrent Frédéric d’Aragon « signore di Sicilia ».
Puis, le 15 janvier 1296, les barons et les représentants des grandes villes, en assemblée
à Catane, le proclamèrent roi de Trinacrie. Le couronnement eut lieu le 24 mars suivant.
La Sicile avait un nouveau roi, les hostilités pouvaient reprendre, avec un ennemi de plus :
l’Aragon. La résistance de Frédéric III et des Siciliens fut héroïque pendant les années
qui suivirent : les batailles s’enchaînaient, quelquefois dramatiques pour la Sicile, mais
jamais le coup fatal ne put être porté. Si bien que la seule solution fut de négocier la paix.

LA PAIX DE CALTABELLOTTA

En 1302, vingt ans après les Vêpres siciliennes, la paix fut enfin signée, malgré le
pape qui jusqu’au bout alimenta en deniers la levée de nouvelles armées. Il convainquit
Charles de Valois, frère du roi de France Philippe le Bel, de mener une expédition en
Sicile. Fin mai 1302, avec une armée forte de près de trente mille hommes, il débarqua

67
Avec cette licentia invadendi, Boniface VIII, entendait mettre fin aux quatre Giudicati sardi, qui chacun
gouvernait une région de Sardaigne. La guerre se serait ainsi déplacée de Sicile vers les deux autres grandes
îles de la Méditerranée, la Sardaigne et la Corse. Toutefois, l’entreprise mit plusieurs dizaines d’années
avant que le nouveau royaume fût soumis.

LES VÊPRES SICILIENNES - 27


près de Termini Imerese, à quarante kilomètres de Palerme. Cette force aurait dû per-
mettre de mettre à genou Frédéric III. Celui-ci observait l’ennemi depuis Polizzi, sur les
hauteurs du massif des Madonies. Il n’eut pas grand-chose à faire, sinon à attendre que la
chaleur estivale fît son œuvre sur l’armée française. Et, en effet, des conflits entre soldats
italiens et français qui composaient la troupe de Charles de Valois firent de nombreux
morts. Quelques vaines tentatives de faire tomber des villes proches de Palerme ruinèrent
un peu plus le moral des Français. Enfin des difficultés d’approvisionnement, des épidé-
mies et des événements en France finirent par convaincre le frère du roi de France de
mettre fin au conflit68. Entre le 24 et le 31 août des rencontres avec Frédéric III permirent
de rédiger un traité de paix. Signé le 31 août dans un château sur la route qui sépare
Caltabellotta de Sciacca, sur la côte sud de l’île, le traité donna satisfaction à Frédéric
mais hypothéqua le futur de la Sicile. L’accord créait le royaume de Trinacrie qui revenait
à Frédéric III, lequel devait céder au roi de Naples69, en contrepartie, les positions ac-
quises en Calabre. Mais, toujours selon l’accord, Frédéric n’obtenait le royaume de Tri-
nacrie qu’en viager. À sa mort, la Trinacrie devait disparaître et la Sicile être réunie à
Naples. L’accord vola très vite en éclat lorsqu’un héritier naquit à Palerme qui prit le nom
de Pierre II de Sicile. Et commencèrent très vite, en 1314, de nouveaux combats pour la
possession de l’île, les Anjou n’étant pas disposés à renoncer au trône de Palerme.

LE COMBAT DES CHEFS

L’idée d’un duel entre les deux rois germa dans l’esprit de Charles Ier dès la fin
de l’année 128270. La guerre qui ne faisait que commencer avait déjà provoqué de grandes
pertes sans pourtant donner un avantage à l’un ou l’autre camp. Charles ne parvenait pas
à reconquérir la Sicile et Pierre s’épuisait à défendre sa couronne. Le roi angevin décida
en conséquence d’envoyer un émissaire, un moine, Simon de Lentini, proposer au roi
d’Aragon, un combat facie ad faciem entre les deux souverains sur un terrain neutre.

68
Un autre élément à ne pas négliger dans ce renoncement à la guerre en Sicile tenait à la politique fran-
çaise. Le désaccord de Philippe le Bel avec le pape sur une question d’autorité (bulle Unam Sanctam)
rendait difficile la présence de Charles de Valois en Sicile au nom même de ce pape. Par ailleurs, les diffi-
cultés de la France en Flandres nécessitaient que Charles rejoignît son pays pour rétablir l’ordre.
69
Selon l’accord de paix de Caltabellotta, la création du royaume de Trinacrie comprend la Sicile et toutes
les petites îles qui l’entourent. Le royaume de Sicile est quant à lui réduit au sud de l’Italie continentale
avec pour capitale Naples, mais par commodité, on dit le plus souvent royaume de Naples.
70
Charles estimait qu’il avait « gagné » le royaume de Sicile par la force et au nom du pape, et Pierre III
s’en estimait le légitime héritier (au nom de son épouse, descendante en ligne directe des rois souabes de
Sicile).

LES VÊPRES SICILIENNES - 28


Méfiant, Pierre III accepta tout en prévenant que la guerre se poursuivrait jusqu’au jour
du duel. La date fut fixée au 1er juin de l’année suivante à Bordeaux, capitale du duché
d’Aquitaine sous domination anglaise. Il était difficile pour les deux belligérants de se
soustraire à ce pacte qui confiait à l’autorité suprême, Dieu, le jugement dans ce conflit.
Un combat singulier, à armes égales devait forcément déboucher sur une décision divine :
le gagnant pouvait dès lors se revendiquer roi de Sicile par la volonté divine. Les deux
rois, très pieux, semblaient y croire bien qu’en réalité le combat ne pouvait pas être équi-
table. Pierre d’Aragon était âgé d’un peu plus de quarante ans, en pleine possession de
ses moyens physiques, alors que Charles d’Anjou en avait déjà cinquante-six, ce qui pour
l’époque était relativement âgé. Mais la croyance dans le jugement de Dieu réduisait à
peu de chose cette inégalité des forces.

D’autres éléments vinrent ébranler leurs certitudes : le roi d’Angleterre,


Édouard Ier, voyait venir ce duel sur ses terres d’un très mauvais œil ; les Siciliens n’en
voulaient pas non plus, l’idée que leur sort fût lié à un simple combat de chefs les ef-
frayait ; le pape lui-même n’en voulait pas. Si Dieu devait s’exprimer, c’est par son re-
présentant sur terre que cela devait se faire. Sinon quelle serait son utilité si on pouvait
s’en remettre directement à Dieu ? Il fit interdiction à Charles de combattre et à Édouard
d’Angleterre d’accueillir ce combat sur ses terres.

Toutefois, les deux rois firent mine de vouloir poursuivre le processus. Charles
remit à son fils la régence de ses terres italiennes et commença, très lentement, son voyage
vers Bordeaux. Il fit une visite de ses fiefs, un arrêt à Rome, un autre à Paris où son neveu
le roi de France l’accueillit en grandes pompes. De son côté, Pierre d’Aragon pensait
nécessaire de conforter sa situation militaire avant de se mettre en route et investit Reggio
de Calabre. Pour mettre en bon ordre ses affaires siciliennes, il nomma son épouse, Cons-
tance, régente du royaume de Sicile, aidée par Alaimo de Lentini, « grand justicier » (pre-
mier ministre), Giovanni da Procida, « grand chancelier » (rédaction des documents), et
Roger de Laurie, « grand amiral ». Après cela, il se mit en chemin sans négliger de visiter
la moindre de ses terres. Vers la fin mai il quitta Valence en Espagne pour se présenter
modestement sur le lieu du duel. Charles arriva également, mais accompagné du roi de
France et de nombreux chevaliers. Le 1er juin approchait. Un terrain fut trouvé, mais le
roi d’Angleterre détourna le regard et ne délivra pas de sauf-conduits aux protagonistes.
Quand le jour du combat arriva, chacun alla sur le terrain, mais comme judicieusement
on avait oublié de fixer une heure précise pour la rencontre, Pierre s’y rendit le matin, fit

LES VÊPRES SICILIENNES - 29


constater par sa délégation que son opposant n’y était point et qu’en conséquence la vic-
toire lui revenait. Charles, lui, s’y rendit l’après-midi, et pareillement fit constater qu’il
était vainqueur par abandon. Dieu n’ayant pu désigner un vainqueur, il fallait bien que la
guerre continue et le pape le premier s’y employât.

1.2 Les puissances étrangères dans l’action


Les Vêpres siciliennes ont immédiatement déclenché les machines de guerre de
nombreux pays européens, ou tout au moins les ont impliqués fortement, du détroit du
Bosphore à la Seine. Un signe que cette guerre occupait tous les esprits se trouve dans la
chronique florentine contemporaine de Giovanni Villani, écrite à partir de 1322 : sur la
partie qui traite de la période de la guerre arago-angevine, presque tous les textes y sont
consacrés71. Vincenzo d’Alessandro écrivait à ce sujet, en 196372 :

«Ma col Vespro la questione siciliane assurgeva a problema interna-


zionale alla cui risoluzione parevano improvvisamente interessati gli
Stati tutti dell’Occidente mediterraneo, direttamente o indirettamente
chiamati in causa dall’antagonismo angioino-aragonese. »viii

1.2.1 Les États du pape


La première des puissances, parmi les plus belliqueuses, et cela depuis l’installa-
tion des Hohenstaufen sur le trône de Sicile, c’est Rome. Pour la papauté, la conquête de
l’Italie du sud par les Allemands fut la conquête de trop : il était hors de question que le
pouvoir des empereurs souabes s’étendît au Mezzogiorno italien, alors que des luttes entre
gibelins, attachés aux empereurs du Bade-Wurtemberg, et guelfes, parti du pape et de la
dynastie des Welf, gangrénaient les principales villes d’Italie. Les XIIe et XIIIe siècles
peuvent être regardés au prisme de cette guerre entre les deux maisons allemandes pour
le contrôle du Saint Empire Romain. À la mort sans héritier, en 1125, d’Henri V, empe-
reur des Romains, les deux grandes familles allemandes tentèrent de s’emparer du pou-
voir, les Welf dans la soumission au pape, les Hohenstaufen en déclarant la suprématie
de l’empire sur le chef de l’église. C’était une position inacceptable pour Rome qui lutta

71
Giovanni VILLANI, Nuova Cronica [en ligne], vol. 3, Fondazione Pietro Bembo, Parma, Ugo Guanda,
1991, URL : http://www.letteraturaitaliana.net/pdf/Volume_2/t48.pdf, consulté le 12 novembre 2018.
72
Vincenzo D’ALESSANDRO, Politica e società nella Sicilia aragonese, Palermo, U. Manfredi, 1963.

LES VÊPRES SICILIENNES - 30


avec beaucoup d’acharnement contre les Souabes, particulièrement en Sicile, jusqu’à la
disparition de la dynastie dont le dernier représentant, Conradin, petit-fils de l’empereur
Frédéric II, fut exécuté comme ennemi de l’Église, à l’âge de 18 ans, par Charles Ier d’An-
jou73. La cruauté du roi angevin s’était exercée également contre les Romains qui avaient
fait un bon accueil à Conradin lors de son passage et l’avaient accompagné jusqu’au
champ de bataille fatal de Tagliacozzo, dans la province de l’Aquila : réfugiés dans la
ville voisine de Scurcola, les Romains furent faits prisonniers puis massacrés. Dans un
poème en prose, en 1879, Domenico Ciampoli, fait parler les mémoires de ses contem-
porains lesquels avaient reçus par transmission orale, de génération en génération, l’hor-
reur de cette bataille, dans un poème qui prit la forme d’une légende74 :

«I campi erano pieno di morti e si combatteva ancora. Corradino era


sulle prime file: pareva un arcangelo che fulminasse i nemici. Ma non
scorgeva speranza di vittoria, tranne che morendo; e il re giovinotto
voleva morire. »ix

Derrière Charles d’Anjou et sa politique expansionniste, il faut voir la main du


pape. Rome voyait dans ce frère de saint Louis le descendant de Charlemagne, ce qui lui
conférait une sorte de légitimité à concurrencer les « prétendus » empereurs du Bade-
Wurtemberg et à s’emparer de certains des titres de ces derniers, comme ceux de roi de
Sicile et roi de Jérusalem. Malgré une inquiétude soupçonneuse devant l’ambition hors
de contrôle de Charles, les papes ne changèrent pas de politique et fournirent l’argent
nécessaire à la guerre contre les Aragonais, assimilés par Rome aux Hohenstaufen, ce
qu’était Pierre III par son mariage avec une descendante directe de Frédéric II. À partir
du milieu du XIIIe siècle, le pape et ses familiers disposèrent de beaucoup d’argent car se
mit en place un système de « cadeaux » obligatoire à l’occasion des demandes d’audience.
Des chroniques de l’époque disent clairement que les sommes étaient si importantes que
certains repartaient ruinés ou presque, sans garantie d’obtenir ce qu’ils étaient venus cher-
cher75. Toutefois, à la toute fin du siècle, pendant le pontificat de Boniface VIII, Rome

73
Giuseppe DEL RE, Cronisti e scrittori sincroni napoletani, vol. 2, Napoli, Stamperia dell’Iride, 1868. La
chronique de Bartolomeo da Neocastro, page 425, relatant l’exécution de Conradin, a des accents extrême-
ment émouvants.
74
Domenico CIAMPOLI, « Il poema di Corradino (Leggende abruzzesi) », dans Il gazzetino letterario di
Lecce, vol. 2, Lecce, Scipione Amirato, 1879.
75
Agostino PARAVICINI BAGLIANI, La cour des papes au XIIIe siècle, Paris, Hachette, 1995.

LES VÊPRES SICILIENNES - 31


commença à perdre de son autorité. Et c’est Philippe le Bel qui marqua le premier et de
manière astucieuse sa résistance au pape. Pour éviter que l’église française n’alimentât
Rome, tout en respectant la bulle papale qui interdisait aux souverains de taxer les prélats,
il ordonna que personne dans le royaume n’avait le droit d’exporter argent et biens pré-
cieux. Boniface dut s’incliner et autorisa le pouvoir français à taxer les prélats en cas de
nécessité76.

Par ailleurs, Boniface, malgré ses tentatives de rendre son trône de Sicile à
Charles II d’Anjou, dut là aussi s’incliner. Le traité d’Anagni qui semblait donner Pa-
lerme aux Angevins fut vite balayé et le pape finit par accepter ce qui devint la paix de
Caltabellotta. Non seulement la Sicile fut perdue définitivement pour les Anjou (malgré
une clause permettant leur retour après la mort de Frédéric III), mais ils perdirent égale-
ment le trône de Naples, en 1442, qui revint à Alphonse V d’Aragon.

Le pape Boniface, avant de quitter ce monde, voulut un dernier coup d’éclat, et


commanda à Charles II de mener une croisade contre Lucera, dans les Pouilles. Il s’agis-
sait de se débarrasser définitivement de la population arabe déportée là par Frédéric II.
En 1300, l’année du tout premier jubilé de l’histoire chrétienne, Lucera fut totalement
rasée, ses habitants en grande partie massacrés et les survivants vendus sur le marché des
esclaves.

Ce fut une fin peu glorieuse pour ce pape que Dante rangea en Enfer parmi les
simoniaques. La France se prépara quelques semaines avant la mort de Boniface à orga-
niser un concile afin de le destituer pour l’assassinat de son prédécesseur, violation du
secret confessionnel, négation de l’immortalité de l’âme, simonie, hérésie, sodomie…

76
« L’établissement d’un souverain vassal du Saint-Siège en Sicile semble mettre fin aux croisades poli-
tiques ; Grégoire X (1271-1276) manifeste un intérêt sincère pour la Terre sainte. À la mort du pape, les
projets avortent ; Charles d’Anjou obtient au contraire de Martin IV le financement d’une croisade contre
Byzance. La révolte des Vêpres siciliennes (1282) arrête, à son tour, la réalisation de ce plan en mettant fin
à la domination angevine sur l’île. Une nouvelle croisade est organisée contre le roi Pierre III d’Aragon,
auquel les rebelles ont offert la couronne de Sicile. L’Aragon est offert en fief pontifical à un fils du roi de
France, et l’expédition est financée par des décimes levées dans le Royaume. La croisade d’Aragon échoue
devant Gérone (1285). C’est la dernière des grandes croisades politiques. Dans les luttes qui vont suivre
entre le pape et le roi de France, Philippe le Bel, croisade et accusations d’hérésie ne seront plus de part et
d’autre que prétextes à levées de taxes et propagande. La politique pontificale a ainsi préparé des instru-
ments qui se retourneront contre elle et surtout privé tout au long du XIIIe siècle la Terre sainte du secours
de nombre d’hommes et quantité d’argent. » Cécile MORRISSON, « Chapitre III. Les croisades du
XIIIe siècle : déviations et impuissance » [en ligne], dans Les croisades, 12e éd., Paris, Presses Universi-
taires de France, coll. « Que sais-je ? », 2020, URL : https://www.cairn.info/les-croisades--
9782715403024-p-50.htm, consulté le 20 août 2020.

LES VÊPRES SICILIENNES - 32


Tandis qu’à Rome, sa faiblesse le laissa aux mains des Colonna dont il fut le captif vio-
lemment humilié durant ses derniers jours de vie.

Tout n’est certes pas conséquences des Vêpres siciliennes, mais celles-ci ont con-
tribué fortement à ce nouvel état dans lequel était plongé la papauté qui perdit pas mal
d’autorité sur les monarchies européennes après l’épuisante « Guerre des vingt ans ».
Runciman, dans la préface de son livre Les Vêpres siciliennes77, écrit :

«[…] è la storia del graduale suicidio della più grandiosa concezione


del Medioevo: la monarchia universale del papato. »x

1.2.2 La France
Par solidarité avec les Anjou, par fidélité au pape, la France des Capétiens, de
Louis IX à Philippe IV fut d’un soutien constant à la politique des rois français de Sicile.
Dès la période de conquête du sud de l’Italie, des Français contribuèrent à grossir l’armée
angevine. Nous ne parlons ici que des sujets du roi de France ; l’autre partie de cette
armée était composée de Provençaux, d’Angevins et de Mainiots, sujets de Charles d’An-
jou.

Saint Louis fut probablement la première victime importante de cette solidarité


avec les Anjou. Lors de son départ en croisade, c’est en faisant un détour par Tunis, très
vraisemblablement à la demande de son frère, Charles Ier d’Anjou, afin de recouvrer le
tribut que l’émir de Tunisie avait cessé de verser78, que le roi français mourut du typhus
et de dysenterie. C’était le 25 août 1270 alors que la Sicile était angevine depuis quatre
ans.

L’action de la France se manifesta à nouveau après les Vêpres. Nous l’avons écrit
plus avant, un courrier de Charles à son neveu, Philippe III, dès le mois d’avril 1282, soit
quelques jours après la révolution de Palerme, l’informait que des mesures allaient être
prises contre les rebelles. Une deuxième missive, plus alarmante, fut envoyée au roi de
France, après la révolte de la dernière ville sicilienne, Messine, cette fois pour supplier
qu’on envoie argent et forces militaires afin de constituer une grande armée de reconquête

77
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIIIe siècle,
op. cit.
78
Des recherches récentes permettent de douter de cette version des faits, sans toutefois pouvoir les dé-
mentir. Charles LONGNON, « Charles d’Anjou et la croisade de Tunis », Journal des savants, 1974.

LES VÊPRES SICILIENNES - 33


composée de plus de trente mille hommes. À la tête de cette aide française, se trouvaient
les deux frères du roi Philippe le Hardi, Pierre d’Alençon et Robert d’Artois (ce dernier
devint en 1285 le régent du royaume de Naples pendant deux ans), ainsi que de nombreux
seigneurs de la cour de France.

Si, lors de la révolte des Siciliens, Charles était enclin à penser qu’il s’agissait-là
d’un mouvement local, Philippe III était persuadé, à juste titre, que dernière tout cela il y
avait l’Aragon. Une ambassade partie de Paris s’était rendue auprès de Pierre III d’Ara-
gon pour le prévenir qu’une action contre Naples déclencherait une guerre franco-arago-
naise. Cette guerre eut lieu, mais en 1284. La France la voulait et le pape Martin IV la
justifia : il déclara la guerre « sainte » (le roi d’Aragon était déjà excommunié depuis
1282), retira sa couronne à Pierre III, son vassal, et la remit à Charles de Valois, fils de
Philippe III et d’Isabelle d’Aragon.

Après les premières conquêtes en Roussillon, l’armée du roi de France mit le siège,
en 1285, devant Gérone. Mais le harcèlement de petites unités terrestres contre les Fran-
çais, la puissante flotte aragonaise et l’épidémie de dysenterie eurent raison de l’expédi-
tion française. Philippe le Hardi, lui-même touché par la maladie, ordonna la retraite, et
mourut à Perpignan le 5 octobre 1285.

1.2.3 L’Aragon
Pierre III, mourut peu de temps après le roi français, le 11 novembre 1285. La
succession redistribua les cartes, mais pour quelques mois seulement. Cette année 1285
vit mourir les principaux acteurs du conflit sicilien : les rois Philippe III, Charles Ier, Pierre
III et le pape Martin IV.

Pour l’Aragon, l’entrée dans le jeu date d’avant la révolte de Palerme. Pierre III,
bien que feudataire du pape, n’était pas disposé à laisser la couronne de Sicile à Charles
d’Anjou, comme l’avait décidé son suzerain. Il avait de bonnes raisons à cela : son épouse,
la reine Constance était une Hohenstaufen, petite-fille de l’empereur Frédéric II, donc, du
point de vue aragonais, héritière du trône de Sicile. À la cour d’Aragon, dès 1269, au
temps du règne de Jacques Ier, on cherchait des alliés du côté des gibelins de Lombardie

LES VÊPRES SICILIENNES - 34


et de Toscane prétextant du droit de l’infant Pierre à la couronne de Sicile qui ad se dicit
pertinere pro uxore eius79.

Conscient des forces en présence, Pierre III n’était pas convaincu qu’une action
directe et franche fût d’une grande efficacité. Il agit donc secrètement. Certes, la forma-
tion d’une gigantesque flotte ne pouvait passer inaperçue aux yeux des autres monarques.
Le roi d’Aragon jura, chaque fois que la question lui était posée, que cette flotte était
destinée à la guerre contre les Maures, en Afrique. Le pape restait méfiant et le roi de
France soupçonneux. Seul Charles d’Anjou, tout à ses préparatifs de guerre contre Cons-
tantinople80, ne voyait pas le danger venir.

Les événements d’avril 1282 en Sicile surprirent toutefois les Aragonais. S’ils
comptaient sur la révolte des Siciliens pour agir (ce qui tend par ailleurs à prouver qu’un
complot, au moins au niveau diplomatique, avait été décidé), ils ne s’attendaient pas
qu’elle explose si tôt. Pierre III envisageait plutôt de laisser partir la flotte ainsi que l’ar-
mée angevine vers Constantinople pour ensuite attaquer le royaume de Sicile. Pris de
court, il attendit la fin des Vêpres puis accosta, le 31 août 1282, à Trapani. Ainsi put-il
poser sur sa tête la couronne que les Siciliens lui proposaient.

L’Aragon resta du côté des Siciliens jusqu’en 1295. Elle eut à lutter non seulement
sur les terres du Mezzogiorno italien, mais également sur son sol contre l’armée française
à laquelle s’était allié le propre frère du roi aragonais, Jacques II, roi de Majorque. Après
1295 et une nouvelle succession à Barcelone (en 1291), l’Aragon passa dans le camp
adverse et mena la guerre aux côtés des Anjou contre le roi que s’étaient choisis les Sici-
liens, Frédéric III, frère du roi d’Aragon.

Malgré cette coalition franco-aragonaise, la résistance des insulaires ouvrit la voie


à la paix de Caltabellotta.

1.2.4 L’Italie du nord


Les grandes villes de l’Italie du nord fournirent durant cette période des contin-
gents de soldats à l’un ou à l’autre des belligérants, selon que la cité fût guelfe ou gibeline.

79
Salvatore TRAMONTANA, Gli anni del Vespro : l’immaginario, la cronaca, la storia, Bari, Edizioni De-
dalo, coll. « Storia e civiltà » 25, 1989.
80
Aude RAPATOUT, « Charles Ier d’Anjou, roi d’Albanie. L’aventure balkanique des Angevins de Naples
au XIIIe siècle » [en ligne], Hypothèses, vol. 9, n° 1, 2006, URL : https://www.cairn.info/revue-hypotheses-
2006-1-page-261.htm, consulté le 12 juin 2020.

LES VÊPRES SICILIENNES - 35


Mais le plus souvent ce furent des villes guelfes qui fournirent des hommes en arme à
Charles. Les papes successifs promettaient des indulgences plénières81 aux guelfes qui
s’engageraient dans cette « croisade » contre les Siciliens et leur roi excommuniés. Ainsi
Michele Amari note dans La Guerra del Vespro siciliano82 :

Aggiunsevi mille Saracini di Lucera, co’ fanti e’ cavalli di Firenze e


d’altre città guelfe di Lombardia e Toscana; i Francesi, tra vassalli e
stipendiati, furono il nerbo dell’esercito. Genova e Pisa mandaron ga-
lee.xi

Au cours du XIIIe siècle, les villes du nord connurent plusieurs revirements, bas-
culant alternativement aux mains des factions guelfes ou gibelines. Lors de la prise de
pouvoir de Charles d’Anjou, de nombreux gibelins formèrent une sorte de diaspora et,
plus tard, vinrent tout naturellement renforcer l’armée de Pierre III dans ses batailles pour
garder la Sicile.

Les Vêpres siciliennes ne firent qu’empirer une situation que l’ensemble des villes
d’Italie connaissait depuis des décennies.

1.2.5 Constantinople
L’empire byzantin, bien malgré lui, fut contraint de participer à sa manière à la
révolte des vêpres. Victime depuis plus d’un siècle des attaques occidentales, Constanti-
nople était devenue une proie facile, et c’est cette faiblesse causée par l’Europe qui signa
la fin de l’empire romain d’orient en 1453 devant les Ottomans. Mais au XIIIe siècle, le
dernier grand empereur byzantin Michel VIII Paléologue avait repris Constantinople aux
Francs, défait l’éphémère Empire latin d’Orient (1204-1261) pour reconstituer l’Empire
romain d’Orient. Il s’était fait couronner empereur à Sainte-Sophie. La capitale, après ces

81
Avec « l’invention » du purgatoire, les indulgences deviennent plus nombreuses à partir du XIIIe siècle.
L’indulgence permettait d’éviter une pénitence terrestre après un péché, sans pour autant l’expier au pur-
gatoire. Cette assurance pour le paradis avait un coût dont les papes fixaient le montant à leur convenance.
Ce coût pouvait aller jusqu’à la mort au combat, mais au Moyen-Âge, la peur du purgatoire était plus forte
que la peur de la guerre.
Charles Marie de LA RONCIÈRE, « Les concessions pontificales d’indulgences d’Honorius IV à Urbain V
(1285-1370) : leur portée pastorale. Jalons pour une enquête » [en ligne], dans Religion et mentalités au
Moyen Âge : mélanges en l’honneur d’Hervé Martin, Rennes, Presses Universitaire de Rennes, 2015, URL:
https://books.openedition.org/pur/19837?lang=it, consulté le 15 avril 2020.
82
Michele AMARI, La Guerra del Vespro Siciliano, Palermo, Flaccovio, 1969, p. 151.

LES VÊPRES SICILIENNES - 36


soixante ans de règne franc était en ruine, et avant même de songer à renforcer ses fron-
tières, Michel VIII procéda à la rénovation de la ville83.

Cette reconstitution de l’Empire d’Orient n’était pas du goût de Charles d’Anjou


dont l’ambition était de renverser l’empereur Michel, de reformer l’Empire latin et de
restituer au français Baudouin II de Courtenay sa place d’empereur, à condition qu’il
devînt son vassal sur quelques grandes provinces de l’empire. Après la bataille de Taglia-
cozzo, en 1268, Charles commença son offensive contre Byzance. Il investit tout d’abord
l’Albanie dont il s’était proclamé roi, puis l’Épire. C’était en quelque sorte une manière
de baliser, pour un futur proche, une route vers Constantinople84. De retour à Naples, il
s’employa à créer des alliances avec les royaumes d’Europe centrale puis constitua une
flotte de guerre.

Ce sont finalement différentes péripéties qui retardèrent à chaque fois sa guerre


contre Michel Paléologue : 1269, siège de Lucera ; 1270, départ de croisade de saint
Louis qui perdit la vie devant Tunis le 25 août ; le 22 novembre de la même année, une
tempête au large de Trapani détruisit en partie ses navires qui faisaient route vers Cons-
tantinople ; puis des troubles en Italie du nord l’empêchèrent de partir…85 De son côté,
l’empereur Michel, davantage diplomate que chef de guerre, s’employait à empêcher la
« croisade » de Charles contre son empire. Des négociations avec Louis IX avait con-
vaincu ce dernier à ne pas s’allier à son jeune frère, roi de Sicile. Des pourparlers avec la
papauté sur une réunification des églises orthodoxe et catholique freinaient également les
ambitions de Charles qui avait déjà négocié la couronne impériale si la dynastie des Cour-
tenay, qu’il voulait remettre sur le trône, venait à s’éteindre. L’an 1282 approchait, le roi
de Sicile avait pu finalement constituer sa flotte et son armée d’invasion, quand les Vêpres
vinrent tout faire échouer.

La conspiration du lundi de Pâques 1282 n’était pas que le fait des Siciliens. Nous
verrons plus loin le rôle qu’a pu y jouer Giovanni da Procida, qui traitait d’une part avec
l’Aragon pour une action militaire, mais aussi avec Constantinople qui fournit les deniers

83
Jacques HEERS, Chute et mort de Constantinople (1204-1453), Paris, Perrin, 2005.
84
Aude RAPATOUT, « Charles Ier d’Anjou, roi d’Albanie. L’aventure balkanique des Angevins de Naples
au XIIIe siècle » [en ligne], Hypothèses, op. cit.
85
Florence SAMPSONIS, « La place de la Morée franque dans la politique de Charles Ier d’Anjou (1267-
1285) », Revue des études byzantines, n° 69, 2011.

LES VÊPRES SICILIENNES - 37


de la révolte. Ce fut pour l’Empire d’Orient le moyen qu’il avait de participer à ce conflit
dont le but, pour lui, était d’affaiblir Charles Ier et d’éviter ainsi une guerre aux portes de
Constantinople.

1.3 Le destin brisé des Anjou


Après la révolte de Palerme, c’est tout un monde qui s’écroule. La maison d’An-
jou qui s’était taillé la première place parmi les puissances européennes, au point d’éveil-
ler la méfiance de son principal allié, le pape, voyait ses ambitions fondre, son territoire
rétrécir et son pouvoir contesté. La dynastie offrit pourtant des couronnes à ses descen-
dants : Naples, Jérusalem, Hongrie, Pologne, Albanie, Morée.

Le premier des Anjou, Charles, frère de saint Louis, était destiné à la religion.
Dernier né de la fratrie, son destin ecclésiastique s’évanouit après la mort de deux de ses
frères : il fallait bien répartir les domaines de la maison royale. Ainsi Louis devint roi de
France ; Robert prit l’Artois ; à Alphonse revint Poitiers, la Saintonge, l’Auvergne et Tou-
louse ; enfin Charles réunit sous son autorité le Maine et l’Anjou, deux comtés qui n’au-
raient pas permis d’envisager un destin européen, qu’il reçut en cadeau de noce lors de
son mariage avec Béatrice de Provence. Grâce à cette union, il put ajouter les comtats de
Provence, avec ses villes libres de Marseille, Arles, Avignon…, et de Forcalquier. Ce
comté de Provence était riche de promesses. Encore fallait-il mettre au pas les grandes
villes presque indépendantes. Charles avec persévérance mit en place une administration
solide. Les villes de Provence, d’abord hostiles, devinrent avec le temps un réservoir
bienveillant en hommes et en argent86.

C’est précisément pour cette raison, à savoir la puissance du comté de Provence,


mais pas seulement, que le pape français Urbain IV, en 1262, proposa la couronne de
Sicile à Charles. Son prédécesseur, Innocent IV, dix ans auparavant avait déjà proposé le
trône au frère du roi d’Angleterre, Richard de Cornouailles, sans succès. L’année suivante,
en 1253, la même proposition fut faite à Charles. Le roi Louis IX y était opposé et Charles
lui-même n’avait pas encore maté la Provence. Les années soixante du XIIIe siècle étaient
plus propices à la conquête de la couronne sicilienne. Car cette couronne, il fallut la con-
quérir : elle était posée sur la tête de Manfred, fils illégitime de Frédéric II, qui entendait

86
AA. VV., Les Princes angevins du XIIIe au XVe siècle ; un destin européen, op. cit.

LES VÊPRES SICILIENNES - 38


bien la conserver. Face à face se retrouvaient deux rois qui se sentaient légitimes à régner
sur le sud de l’Italie. L’Allemand en tant que descendant des Hohenstaufen, dont son
ancêtre, Frédéric Barberousse, avait fait canoniser Charlemagne afin de légitimer son titre
impérial et surtout revendiquer son indépendance vis-à-vis de Rome ; le Français en tant
que descendant de Charlemagne, donc digne d’accéder au titre impérial. Charles d’ail-
leurs évitait de faire référence à sa famille capétienne, préférant largement invoquer ses
origines carolingiennes. C’est ce que l’on remarque dans

[…] le discours tenu par Charles à ses hommes la veille de la bataille


de Bénévent. Le roi inscrit son action dans celle de Charlemagne,
défenseur de l'Église et de la foi : aucune référence n'est faite aux
Capétiens ; la comparaison était pourtant tentante avec la geste de
Philippe Auguste, luttant à Bouvines contre un empereur excommu-
nié, épisode pourtant central du légendaire capétien. Ne voit-on pas,
quelques années plus tard, dans la Bible dite de Malines, rédigée au
temps de Robert le Sage, Charlemagne couronner directement
Charles d'Anjou, comme si, entre l'empereur et l'Angevin, il n'y avait
aucun intermédiaire, aucun indice d'une dépendance ? L'idéologie
carolingienne, outre bien évidemment sa valeur anti-gibeline et im-
périale, permet de court-circuiter habilement le fait que les Angevins
sont une branche dépendante de la maison capétienne.87

Avec la puissance de la Provence derrière lui, l’appui moral et financier du pape,


l’aide militaire de la France et des villes guelfes d’Italie, la conquête du royaume de Sicile
se régla en quelques escarmouches et une bataille décisive. Elle se déroula le 26 février
1266 à Bénévent et Manfred y perdit la vie88. Deux ans plus tard, la mainmise sur le
royaume de Sicile s’achevait avec l’exécution de Conradin, l’ultime prétendant au trône
des Hohenstaufen.

87
Patrick GILLI, « L’intégration manquée des Angevins en Italie : le témoignage des historiens », dans
L’État angevin. Pouvoir, culture et société entre XIIIe et XIVe siècle, vol. 245, Roma, École Française de
Rome, 1995.
88
Dans son Purgatoire, Dante rencontre Manfred qui lui raconte comment, avec l’accord du pape, l’évêque
de Cosenza a violé son tombeau, s’est emparé de sa dépouille pour l’ensevelir hors du royaume, dans un
lieu toujours inconnu. Dante ALIGHIERI, La Divine Comédie. Purgatoire, Arles, Actes Sud, 2018, bilingue,
trad. de Danièle ROBERT, chant III, v. 103-145.

LES VÊPRES SICILIENNES - 39


Le jugement et la mise à mort de Conradin provoquèrent la réproba-
tion en Europe. Pour Dante, qui écrivit un siècle plus tard, Conradin
fut une victime innocente.89

L’ambition de Charles, ne cessa pas avec ce nouveau territoire. Il était devenu


l’un des princes les plus redoutables d’Europe. En tant que défenseur de la papauté, celle-
ci lui offrit son soutien dans ses entreprises, excepté sous le pontificat de Nicolas III qui
lui retira la charge de sénateur de Rome, de vicaire impérial de Toscane et de Lombardie
et autorisa secrètement Pierre III à prendre la Sicile90. Dans son royaume italien, de nom-
breux Français le suivirent afin d’établir une administration, digne héritière et plus mo-
derne que celle des Hohenstaufen. Des soldats également, mais aussi des poètes, comme
l’Arrageois Adam de la Halle qui commença un poème dédié à Charles91 :

C’est dou bon roy Charlon, le seigneur des seignours,


Par cui li drois estas de le foi est ressours,
Qui fu rois de Sézile et de Puille et d’ailleurs,
Et de royal lignie ensieur les anchissours
Et de chevalerie est chiex et dieus et flours.

Après la Sicile, Charles tourna son regard vers l’Orient. Il se proclama roi de l’Al-
banie qui était sur le chemin de Constantinople ; puis prince de Morée (ou Achaïe, c’est-
à-dire du Péloponnèse)92. L’idée du comte d’Anjou était de se tailler un grand empire
méditerranéen. Mais auparavant, il avait besoin de consolider ses possessions italiennes,
et notamment la Sicile. Dès le départ l’île s’était montrée rebelle. On aurait tort de penser

89
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIIIe siècle,
op. cit. page 118. Le traducteur de Runciman commet une erreur de date : Dante n’a pas écrit un siècle plus
tard son Purgatoire, mais en 1314, soit à peine quarante-six ans après l’exécution de Conradin. L’auteur
avait écrit : « To Dante, writing half a century later, Conradin was an innocent… »
90
Jules MICHELET, Histoire de France, vol. 3, Livre V, chapitre I, Paris, A. Lacroix & G, 1876.
91
Adam de la HALLE, « Le roi de Sicile » [en ligne], dans Œuvres complètes, Paris-Genève, E. De Cous-
semaker, 1872, URL : https://openmlol.it/media/adam-de-la-halle/oeuvres-complètes-poésies-et-musique-
reproduction-en-fac-similé-adam-de-la-halle-publ-par-e-de-coussemaker/1369422, consulté le 22 février
2018.
92
Dans sa titulature il faut également ajouter : sénateur de Rome, vicaire impérial de Toscane. Il contrôle
indirectement la Lombardie, il fait élire son fils roi de Sardaigne et une union matrimoniale lui confère une
autorité sur la Hongrie.

LES VÊPRES SICILIENNES - 40


que les Vêpres sont un mouvement spontané du peuple, mais au contraire ce fut l’abou-
tissement d’une longue maturation. Selon Enrico Pispisa93

Le origini del Vespro, per quel che riguarda almeno le sue motiva-
zioni di carattere interno, […] debbono essere quindi individuate più
indietro nel tempo : nelle epoca di Federico II, la cui inflessibile lotta
contro le prepotenze scompaginò poteri già fortemente radicati nel
regno e, con maggiore pertinenza, negli anni di Manfredi, quando ad
un baronaggio nuovamente in espansione, fu opposta la rapace poli-
tica di ‘esproprio’ da parte di nobili ‘lombardi’ (i Lancia ed i loro
seguaci), che con la loro azione alienarono da Manfredi le simpatie,
che pur in un primo momento avevano mostrato i ceti nobiliari regni-
coli nei confronti del giovane svevo.xii

Puis, en 1266 les problèmes commencèrent avec le transfèrement de la capitale


de Palerme à Naples, mieux située pour servir les ambitions de Charles94. Le chef-lieu
sicilien était encore trop marqué par les Hohenstaufen et les Siciliens demeuraient les
partisans de la dynastie allemande95. Deux ans après la conquête de l’île une première
rébellion secoua le territoire : des exilés gibelins incitèrent une partie de la noblesse in-
sulaire à la révolte.

Cette première révolte est destinée à laisser des traces profondes dans
l’île ; les Français ont dû assiéger Caltanissetta et Sciacca, la répres-
sion est sévère, suivie de larges confiscations ; de plus, la famine a
frappé les Siciliens de 1269 à 1272. Appauvrie, privée de ses archives
fiscales, l’île souffre de l’arbitraire lors de la levée de la subvention
générale de 1271-1272. Mais les confiscations se sont étendues aussi
à tous les partisans qui ont rejoint les forces de Conradin dans le nord
du royaume.96

93
Enrico PISPISA, « Il problema storico del Vespro », dans Archivio Storico messinese, vol. XXXI, 3e série,
Messina, Società messinese di storia patria, 1980.
94
Giuseppe GALASSO, « Carlo I d’Angiò e la scelta della capitale », dans Napoli capitale identità politica
e identità cittadina studi e ricerche 1266-1860, Napoli, Electra Napoli, 2003.
95
Il est à noter que les champs siciliens sont restés le grenier à blé de l’entier royaume jusqu’en 1282.
Michel de BOÜARD, « Problèmes de subsistances dans un État médiéval : le marché et les prix des céréales
au royaume angevin de Sicile (1266-1282) », Annales d’histoire économique et sociale, vol. 10, n° 54,
1938, consulté le 12 décembre 2019.
96
AA. VV., Les Princes angevins du XIIIe au XVe siècle ; un destin européen, op. cit.

LES VÊPRES SICILIENNES - 41


Petit à petit, toutes les charges du royaume furent occupées par des Français, ce
qui attisa plus encore la haine des insulaires envers leur occupant. Pendant ces seize an-
nées de pouvoir français tout concourait à ce qu’une simple étincelle fît exploser le chau-
dron sicilien.

La Sicile perdue, c’est tout le rêve d’un empire méditerranéen qui s’évanouissait.
La strophe de Dante à valeur de prémonition, puisque jamais la Sicile ne retourna aux
Anjou :

La belle Trinacrie — que voile de fumée


Non point Typhée, mais le soufre qui sourd
De Pachine à Pélor, sur les bords de ce golfe
Qui de l’Eurus reçoit le plus d’assauts —
Aurait encore les rois qu’elle attendait,
Issus par moi de Rodolphe et de Charles,
Si le gouvernement mauvais, qui exaspère
En ce moment encor les peuples, ses sujets,
N’eût fait crier Palerme : « À mort ! à mort ! »97

1.4 Giovanni da Procida, diplomate ou conspirateur ?


Giovanni da Procida, diplomate ou conspirateur ? Peut-être un diplomate-conspi-
rateur. De nombreuses chroniques contemporaines et de nombreux historiens s’accordent
pour décrire l’activité diplomatique et conspirationniste du seigneur de Procida98, mais il
y a plus qu’un doute sur son action directe dans la révolte de 128299. Le jour du 30 mars,
au moment des vêpres, il semble bien que le seigneur Jean fût à la cour d’Aragon, loin du
tumulte. S’il avait organisé et participé à la révolte, sur place à Palerme, il n’aurait pas
manqué d’informer Barcelone de ses intentions. Or l’émeute du lundi de Pâque avait sur-
pris les Aragonais qui durent changer de tactique. Par ailleurs, si Procida avait mené une

97
Par la voix de Charles Martel, petit-fils de Charles Ier et roi de Hongrie (mort en 1295), Dante décrit la
situation présente en Sicile (vers 1300). Plus loin Dante ajoute une supplique de Charles Martel à son frère
(encore prisonnier des Aragonais au moment de l’écriture de La Divine Comédie) dans laquelle il l’enjoint
de se méfier des avides Catalans, afin de mieux régner sur Naples. Dante ALIGHIERI, La Divine Comédie,
Paris, Bordas, 1993.
98
Alfredo ORIANI, La lotta politica in Italia, vol. 1, Firenze, Libreria della voce, 1921. L’historien ne cite
qu’une seule fois Giovanni da Procida et le qualifie de « il grande cospiratore ».
99
Francesco Paolo TOCCO, « Ideologia e propaganda nell’età del Vespro : lo scambio epistolare tra Pa-
lermo e Messina secondo Bartolomeo di Neocastro », dans Comunicazione e propaganda nei secoli XII-
XIII, Messina, présenté à Comunicazione e propaganda nei secoli XII-XIII, Messina, Roma, Viella, 2007.

LES VÊPRES SICILIENNES - 42


action directe à Palerme, cela l’aurait placé dans une mauvaise posture vis-à-vis du roi
Pierre, son protecteur aragonais, puisqu’il n’était pas dans les plans de ce dernier qu’une
révolte contrarie le processus qu’il avait imaginé, c’est-à-dire attendre que Charles en-
gage son armée et sa flotte contre Constantinople pour attaquer le royaume de Sicile sans
défense100. En raison de la révolte, Pierre III ne put prendre que l’île et non la totalité du
royaume.

Giovanni da Procida était médecin et diplomate101 à la cour des Hohenstaufen,


« amico intimo di Federigo II »102, dès 1240. Mais ce médecin de réputation soignait aussi
certains prélats et le pape Clément IV lui-même à Rome. En 1266, au moment de la chute
de Manfred, Procida était encore à sa cour à Palerme puis aurait rejoint subitement Rome.
L’historien sicilien Michele Amari analysa cela comme une trahison, citant une lettre du
pape à Charles Ier dans laquelle il présente de manière ambiguë la soumission de Giovanni
da Procida. Version contestée dans un livre polémique où est cité un autre courrier pré-
sentant le noble napolitain sous un autre angle103, celui d’un homme fidèle à ses convic-
tions, un gibelin désireux que la couronne de Sicile fût posée sur la tête de Pierre d’Ara-
gon.

Manfred mort, Conradin mort, Giovanni da Procida se réfugia, comme de nom-


breux gibelins italiens, à la cour de Jacques Ier d’Aragon. De là il lui était plus facile de
monter son « complot » visant à obtenir du pape Nicolas III le trône de Sicile pour le roi
d’Aragon et une aide de l’empereur de Constantinople afin de financer un soutien armé
de la noblesse en Sicile au moment où la flotte aragonaise devait s’emparer du royaume.
La question demeure de savoir si le médecin salernitain a effectué réellement tous les
voyages que lui attribue la légende entre Rome, Constantinople, Palerme et Barcelone.
Sa présence effective et documentée en Aragon semble indiquer qu’il lui était assez

100
Dans un échange épistolaire que nous avons eu avec l’historien sicilien Pasquale Hamel, celui-ci écri-
vit : « la congiura è indipendente da Pietro d’Aragona. Essa è ordita dai nobili [siciliani] e dai bizantini,
quest’ultimi vogliono evitare che Carlo prenda il mare per raggiungere Bisanzio. »
101
À la fin de sa vie, il aurait écrit un essai philosophique, le Liber philosophorum moralium antiquorum,
qui ne fait aucune référence aux Vêpres siciliennes. Traduit en français autour de 1400 par Guillaume de
TIGNONVILLE, Les dits moraux des philosophes [en ligne], URL : https://gal-
lica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90616700.image, consulté le 12 juin 2020. Texte manuscrit.
Il écrivit également des ouvrages de médecine, dont le Utilissima Practica Medica ; Salvatore DE RENZI,
Storia della medicina in Italia, vol. II, Napoli, Tipografia del Filiatre-Sebezio, 1845, p. 128.
102
Ermolao RUBIERI, Apologia di Giovanni di Procida, Firenze, Tipografia Barbera, Bianchi e C., 1856.
103
Ibid.

LES VÊPRES SICILIENNES - 43


difficile d’entreprendre ces longs voyages.104 Par ailleurs, le seigneur de Procida, à la fin
des années soixante-dix du XIIIe siècle était déjà un vieil homme pour l’époque. Certains
auteurs contemporains, comme l’anonyme qui écrivit Lu rebellamentu di Sichilia, ou Gio-
vanni Villani dans sa Cronica, attestent du complot ourdit par Procida. D’autres témoi-
gnent d’une révolte spontanée du peuple en colère105. L’historien Runciman, dans la con-
clusion de son livre, écrit un dernier paragraphe équilibré : l’action revient aux Siciliens,
la conspiration à Giovanni da Procida, le financement à l’empereur de Constantinople106.

Ce que l’on sait de manière certaine, c’est que Procida rejoignit Palerme après les
Vêpres, au service de Pierre III. Celui-ci le nomma le 4 mai 1283 chancelier du royaume
de Sicile, et confirma cette nomination le 31 janvier 1284107 :

in considerazione dei grandi meriti di Giovanni da Procida ..., lo no-


mina cancelliere del Regno di Sicilia, durante sua vita.xiii

En 1295, le 11 octobre, à Milazzo, Frédéric convoqua le Parlement de Sicile pour


lui annoncer la décision de Jacques d’Aragon de rendre l’île aux Anjou. Le 11 décembre,
le Parlement réuni à Palerme refusa la cession aux Angevins et nomma Frédéric « Signore
di Sicilia ». À Catane, le 15 janvier de l’année suivante, l’assemblée parlementaire
nomma Frédéric « roi de Sicile ». Enfin, le couronnement se déroula à Palerme le 25 mars
1296. À dater de 1298, Giovanni da Procida, fidèle à l’Aragon et dans un geste de récon-
ciliation avec le pape, passa à la coalition arago-angevine contre la Sicile.

Ainsi l’immédiat après-Vêpres fut lourd de combats violents qui déstabilisèrent


les États et modifièrent les équilibres. Le pouvoir du pape sur les nations s’en trouva

104
Salvatore FODALE, article « Giovanni da Procida » [en ligne], dans Treccani, coll. « Dizionario Biogra-
fico degli Italiani », URL : http://www.treccani.it/enciclopedia/giovanni-da-procida_%28Dizionario-Bio-
grafico%29/, consulté le 20 juin 2019.
105
C’est le cas de Niccolò Speciale, de Bartolomeo da Neocastro ou de Dante Alighieri. Salvatore TRA-
MONTANA, Gli anni del Vespro : l’immaginario, la cronaca, la storia, op. cit.
106
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIIIe siècle,
op. cit. page 276.
107
Antonino MARRONE, « Repertorio degli atti della Cancelleria del Regno di Sicilia dal 1282 al 1390 »
[en ligne], Mediterranea ricerche storiche, Fonti e documenti, 2012, URL : www.mediterranearicerchesto-
riche.it, consulté le 21 janvier 2019.

LES VÊPRES SICILIENNES - 44


amoindri, Charles d’Anjou y sacrifia sa dynastie, Constantinople et l’empire romain
d’Orient purent survivre jusqu’en 1453, et l’Aragon reprit à son compte l’ambition des
Anjou et finit par régner sur tout le Mezzogiorno italien. Reste la figure de Jean de Procida
qui demeure énigmatique. Sa participation directe lors des Vêpres n’est pas certaine, et
aujourd’hui encore les historiens ne peuvent affirmer s’il y a eu conspiration des barons
siciliens ou émeute spontanée du peuple.

2 L ES V ÊPRES DANS LES TEXTES ET DANS


LES FAITS

La littérature et les arts n’ont pas manqué de s’emparer de l’épique soulèvement


des Siciliens de 1282. Nous n’avons pas trouvé énormément de représentations gra-
phiques, picturales ou sculpturales avant le XIXe siècle, et même au siècle du Risorgi-
mento, pourtant très enclin à magnifier tout ce qui favorisait une émergence d’une cons-
cience nationale, les Vêpres n’ont pas autant passionné le monde artistique que le monde
littéraire. Sans discontinuer, des chroniqueurs, écrivains ou polémistes ont abordé le
thème depuis le début. Dans toutes les disciplines de l’écriture : chroniques, roman, poé-
sie, drame théâtral, histoire, thèse ou livret d’opéra, il y a foison de références. La multi-
plicité des sources, surtout celles contemporaines, par leur grande différence, a créé des
polémiques sur la véracité des faits historiques. Au XXIe siècle encore, des textes présen-
tent des versions que d’autres qualifient de légendes. Il reste certainement encore de nom-
breux documents historiques à consulter dans les différents fonds européens et nous sa-
vons que certains ont irrémédiablement été perdus. Comme ceux de Naples108, qui ont

subito perdite nell'ultimo conflitto mondiale, in luoghi e momenti di-


versi. Sulla sede centrale, vicina al porto, caddero bombe e spezzoni
incendiari e, in seguito all'esplosione di una nave di munizioni, per-
fino lamiere infocate, che provocarono l'incendio e la totale distru-
zione dei depositi dell'ultimo piano di un'ala del fabbricato. Il bom-
bardamento del 4 agosto 1943 semidistrusse l'edificio di Pizzofal-
cone e travolse nella rovina tutte le scritture. L'ultimo e più grave

108
« Archivio di Stato di Napoli » [en ligne], URL : https://www.san.beniculturali.it/web/san/dettaglio-
soggetto-conservatore?codiSan=san.cat.sogC.4929&id=4929, consulté le 10 août 2019.

LES VÊPRES SICILIENNES - 45


disastro si verificò nel deposito di sicurezza di villa Montesano nel
Nolano, presso San Paolo Bel Sito, dove erano state trasportate le
serie più preziose, quando non si supponeva che la guerra si sarebbe
spostata sul territorio nazionale: nel settembre del 1943 le truppe te-
desche in ritirata vi appiccarono il fuoco, che distrusse l'edificio e il
suo prezioso contenuto. Ancor oggi è impossibile redigere un bilan-
cio preciso delle perdite.xiv

On mesure la perte pour les historiens car Naples concentrait une somme de do-
cuments considérable venant de l’ensemble du royaume, Sicile comprise. Heureusement,
des historiens du XIXe siècle, dans leur appétit de revenir aux sources de l’histoire des
Vêpres, avaient pu documenter et reproduire un certain nombre de documents. On sait
que les périodes souabes puis angevines disposaient de greffes très structurés 109 qui
avaient permis la collecte d’innombrable écrits administratifs110. Beaucoup, dont certains
encore inexploités, auront été réduits en cendre pendant ces bombardements de 1943.

2.1 Les Vêpres dans les textes (des origines au


XVIIIe siècle)
2.1.1 Les textes contemporains de l’insurrection
Les textes contemporains des Vêpres faisant la narration du soulèvement sont as-
sez nombreux (Annexes page 93). Amari en dénombre dix-huit au XIIIe siècle111. Il y a
les siciliens, mais on trouve aussi des chroniques en Aragon, en France et dans le nord de
l’Italie. Le premier, certainement l’un des plus cités, est Lu rubellamentu di Sichilia112,
d’un anonyme dont l’original perdu avait été reproduit. La copie dont nous disposons, est
plus tardive sans que nous sachions si elle a été traduite de l’original ou d’une autre co-
pie113. Il fait partie de ces chroniques du XIIIe siècle dont la thèse est la conspiration de

109
Stefano PALMIERI, « La chancellerie angevine de Sicile au temps de Charles Ier », Rives nord- méditer-
ranéennes, n° 28, 2007, trad. de Jean-Paul BOYER.
110
Andreas KIESEWETTER, « La cancelleria angioina », dans L’État angevin. Pouvoir, culture et société
entre XIIIe et XIVe siècle, vol. 245, Roma, Ecole française de Rome, 1995.
111
Michele AMARI, Sulla origine della denominazione Vespro Siciliano [en ligne], op. cit.
112
Jacqueline MALHERBE-GALY, Jean-Luc NARDONE, Les vêpres siciliennes : le complot de Jean de Pro-
cida, op. cit. Traduction en français enrichie de notes historiques. Selon les textes, on trouve l’orthographe
Rubellamentu ou Rebellamentu.
113
Ibid. P 23. « S’agissant d’une copie de la fin du XIVe – voire pour certains du début du XVe –, le débat
qui occupe les philologues est de savoir si c’est une copie de l’original sicilien, ou une traduction en sicilien

LES VÊPRES SICILIENNES - 46


Giovanni da Procida, mais que les historiens modernes, comme Michele Amari ou Steven
Runciman, rejettent, accordant à la révolte de Palerme une mise en œuvre soudaine et non
concertée. Lu Rebellamentu est un livre assez court (la traduction fait une cinquantaine
de pages114), écrit davantage comme une épopée que comme une chronique. Giovanni da
Procida y a une place centrale, ce qui explique le titre du livre français de Malherbe-Galy
et Nardone : Les Vêpres siciliennes. Le complot de Jean de Procida115.

L’autre auteur de référence, c’est Bartolomeo da Neocastro qui écrivit une Histo-
ria sicula, en latin, qui couvre la période allant de 1250 à 1293, destinée à l’érudition de
son fils. L’intérêt de cette chronique c’est que son auteur est un homme proche du pouvoir,
aussi bien souabe, angevin, qu’aragonais ; Neocastro avait été envoyé en ambassade au-
près du pape, ce qui montre la confiance que lui témoignaient les souverains même s’il
passait au service d’une maison à une autre sans trop de scrupules. Il a terminé sa vie sur
le continent, sous le règne des Anjou. Dans une note bibliographique116, l’historien tou-
lousain Auguste Molinier présente la chronique de Neocastro ainsi :

C’est un ouvrage de haute valeur pour les années 1282-1293 ; dans


le début il y a des fautes. L’auteur est gibelin violent.

Les fautes que relève Molinier se situent dans la partie du livre qui traite des an-
nées cinquante du XIIIe siècle. Bartolomeo da Neocastro était un tout jeune enfant à cette
époque ; lorsqu’il écrit cette partie-là des années plus tard, ce n’est pas en tant que témoin
direct, d’où quelques erreurs de date ou de filiation chez Frédéric II Hohenstaufen. Par
ailleurs, bien que « gibelin violent », il a servi la maison angevine de 1266 à 1282, sans
se compromettre, et continua sa charge officielle sous la dynastie aragonaise.

Dans une note préliminaire, Giuseppe Del Re, auteur et compilateur de Cronisti e
scrittori sincroni napoletani117, prévient que :

d’une autre version, par exemple en langue toscane : le vif débat entre guelfes et gibelins, on l’a vu, a en
effet donné lieu très vite à un texte en toscan. »
114
Ibid.
115
Ibid.
116
Auguste MOLINIER, « Bartholomeus de Neocastro, Historia Sicula », dans Les Sources de l’Histoire de
France : des origines aux guerres d’Italie, 1494. III. Les Capétiens, 1180-1328, vol. 3, Paris, Alphonse
Picard & Fils, 1903. Note 2776.
117
Giuseppe DEL RE, Cronisti e scrittori sincroni napoletani, op. cit., p. 411.

LES VÊPRES SICILIENNES - 47


Del rimanente lo stile n’é sempre gonfio, prolisso, ed alle volte
oscuro […] Però non ostante questi difetti, rimane uno degli Storici
più importanti per ciò che riguarda i successi della Sicilia durante la
ribellione del famoso Vespro.xv

Le texte de cette première journée de révolution à Palerme décrit une scène con-
forme à celle que nous avons pu lire chez les chroniqueurs de l’époque : le parvis de
l’église Santo Spirito, le peuple venu à vêpres le lundi de Pâques comme c’est la coutume,
la jeune femme indécemment fouillée par le soldat français « Droghetto »118, et finale-
ment la révolte :

Un giovanetto impadronitosi della spada di Droghetto, il ferisce nei


fianchi, e già gl’intestini scappan fuori. È s’ignora veramente chi
fosse l’autore dell’omicidio, chi il feritore; i giovani, mancate le armi,
dan di piglio alle pietre; il popolo è in tumulto.xvi

Il ne s’agit pas là d’un témoignage direct, puisque le lieu de résidence et de travail


de Bartolomeo est Messine. Mais étant donné les rapports épistolaires nombreux entre la
capitale et la ville du détroit119, pendant le soulèvement, on peut penser qu’il s’agit d’un
témoignage rapporté de première main, écrit avec emphase et parti pris.

Pour ne s’en tenir qu’aux quatre chroniques de références, telles que les a définies
Pietro Colletta, enseignant à l’université de Palerme120, outre celle de Bartolomeo da Neo-
castro, il faut citer comme sources fiables de l’époque : La Chronica Sicilie (auteur ano-
nyme), L’Historia Sicula de Nicolò Speciale et L’Historia Sicula de Michele Da Piazza121.

118
Ibid. p. 429.
119
Francesco Paolo TOCCO, « Ideologia e propaganda nell’età del Vespro : lo scambio epistolare tra Pa-
lermo e Messina secondo Bartolomeo di Neocastro », dans Comunicazione e propaganda nei secoli XII-
XIII, Messina, op. cit.
120
Pietro COLLETTA, « Sull’edizione della Cronica Sicilie di anonimo del trecento » [en ligne], Mediter-
ranea ricerche storiche, n° 5, 2005, URL : http://www.storiamediterranea.it/portfolio/n-5-dicembre-2005/,
consulté le 23 décembre 2019.
121
Pietro COLLETTA, « Memoria di famiglia e storia del regno in un codice di casa Speciale conservato a
Besançon », Reti Medievali, n° 14-2, 2013. Dans une note de bas de page, Pietro Colletta précise : Michele
da Piazza, Cronaca 1336-1361, a cura di A. Giuffrida, Palermo 1980. Di recente Marcello Moscone ha
dimostrato che Michele da Piazza è in realtà solo il nome di uno dei copisti dell’opera, mentre Laura Scia-
scia ha proposto con argomentazioni convincenti l’identificazione dell’autore con Giacomo de Soris, abate
del monastero benedettino di S. Nicola l’Arena: si vedano M. Moscone, L’Historia Sicula del cosiddetto
Michele da Piazza (1337-1361), tesi di dottorato di ricerca in Storia medievale (coordinatore prof. Pietro
Corrao), Università degli Studi di Palermo, XVII ciclo (2002-2005), p. XXVII-XXXI; Acta Curie Felicis
Urbis Panormi, 7 (1340-42/1347-48), a cura di L. Sciascia, Palermo 2007, p. XXVIII-XXIX.

LES VÊPRES SICILIENNES - 48


De l’analyse de ces quatre auteurs se dégage une idée plus précise des faits. Pietro Col-
letta122 ou Marcello Moscone123 en ont fait la démonstration.

Au XIVe siècle, les « Tre Corone » italiens, Dante, Pétrarque et Boccace ont éga-
lement écrit sur les Vêpres. Dante avait dix-sept ans au moment de l’émeute palermitaine.
Dans La Divine comédie 124, s’il décrit le mauvais gouvernement de Charles Ier, jamais il
ne cite Giovanni da Procida. Toute son attention est centrée sur le roi angevin, sa mal-
honnêteté au combat125 ou sur sa cruauté126:

a Ceperan, là dove fu bugiardo / ciascun Pugliese, e là da Tagliacozzo,


/ dove sanz’arme vinse il vecchio Alardo.xvii

Carlo venne in Italia e, per ammenda, / vittima fé di Curradino; e poi


/ ripinse al cielo Tommaso, per ammenda.xviii

Pétrarque et Boccace, quant à eux, font de Procida le héros de la révolution. Dans


Itinerarum Syriacum127, Pétrarque fait un court récit de l’action de Procida :

Vicina huic Prochita est, parva insula, sed unde super magnus quidam
vir surrexit, Iohannes ille qui formidatum Karoli diadema non veritus,
et gravis memor iniurie, et maiora, si licuisset, ausurus, ultionis loco
habuit regi Siciliam abstulisse.xix

Boccace, dans le De Casibus virorum illustrium128 détaille davantage la légende :

[…] ut violata pudicitia coniugis Iohannis de Procida, nobilis et astu-


tissimi viri, adeo egre Iohannes ferret, ut ad commune votum vires
omnes ingenii excitaret, nec minori labore quam sagacitate per bien-
nium hinc inde discurrens incognitus, optimatum Sycilie animos, im-
peratoris Constantinopolitani, Petri Aragonum regis, et Nicolai pon-
tificis maximi in eandem deduxit sententiam; et ex composito, die

122
Ibid.
123
Marcello MOSCONE, L’historia sicula del cosiddetto Michele da Piazza, Università degli Studi, Pa-
lermo, 2005.
124
Dante ALIGHIERI, La Divine Comédie, op. cit.
125
Enfer, chant XXVIII, vv. 16-18
126
Purgatoire, chant XX, vv. 67-69
127
Francesco PETRARCA, Itinerarium Syriacum, op. cit.
128
Giovanni BOCCACCIO, « De Carolo Siculorum rege », dans De casibus virorum illustrium, vol. 9, Paris,
Jean Petit, avant 1540.

LES VÊPRES SICILIENNES - 49


eadem irritato apud Panormum tumultu, omnis insula in Gallos com-
mota, omnes ad unum usque perimeret.xx

2.1.2 Les textes jusqu’à la fin du XVIIIe siècle


Les Vêpres, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle ont continué à fournir matière à nombre
d’écrivains. Parmi eux, l’Arioste129, dans Orlando Furioso résume la période 1266-1282
comme ceci :

Vedete un altro Carlo, che a’ conforti / del buon Pastor fuoco in Italia
ha messo; / e in due fiere battaglie ha duo re morti, / Manfredi prima,
e Coradino appresso. / Poi la sua gente, che con mille torti / sembra
tenere il nuovo regno oppresso, / di qua e di lá per le cittá divisa, /
vedete a un suon di vespro tutta uccisa.xxi

L’Arioste ignore totalement Giovanni da Procida et reprend la thèse de Dante du


peuple révolté contre un roi injuste. Machiavel, dans les istorie fiorentine130, y voit un
complot du pape avec le roi d’Aragon au cours duquel le peuple sicilien tua les Français.
Mais l’histoire que raconte Machiavel est faite d’approximations, voire de raccourcis qui
peuvent engendrer des contrevérités historiques. Par ailleurs, l’auteur du Prince n’hésite
à mêler Guido Bonatti, un astrologue gibelin de Forlì du XIIIe siècle, lequel ordonna un
massacre de Français en Romagne avant les Vêpres de Sicile :

Successe a costui Martino IV, il quale per essere di nazione francioso


favorì le parti di Carlo, in favore del quale Carlo mandò in Romagna,
che si era ribellata, le sue genti; ed, essendo a campo a Furlì, Guido
Bonatti, astrologo ordinò che in un punto dato da lui il popolo gli
assaltasse, in modo che tutti i Francesi vi furono presi e morti. In
questo tempo si mandò ad effetto la pratica mossa da papa Niccolao
con Pietro re di Aragona; mediante la quale i Siciliani ammazzarono
tutti i Franciosi che si trovarono in quell’isola; della quale Pietro si
fece signore, dicendo appartenersegli per avere per moglie Gostanza
figliuola di Manfredi. Ma Carlo nel riordinare la guerra per la ricu-
perazione di quella si mori, e rimase di lui Carlo II, il quale in quella
guerra era rimaso prigione in Sicilia, e per essere libero promise di
ritornare prigione, se infra tre anni non aveva impetrato dal papa, che
i reali di Aragona fossero investiti del regno di Sicilia.xxii

129
Ludovico ARIOSTO, Orlando furioso, Milano, Garzanti, 1994, chant XXXIII, strophe 20.
130
Nicolas MACHIAVEL, Istorie fiorentine, Firenze, Felice Le Monnier, 1843.

LES VÊPRES SICILIENNES - 50


Avec beaucoup de parti pris, Voltaire131, plus de deux siècles après Machiavel,
dans Essai sur les Mœurs et l’esprit des nations, revient par le détail sur l’histoire du
royaume de Sicile du XIIIe. Il s’apitoie sur Conradin :

On peut dire que de toutes les guerres de ce siècle, la plus juste était
celle que faisait Conradin ; elle fut la plus infortunée.

Tout en faisant porter la faute de son exécution sur le pape, ce qui n’est pas attesté
et relève certainement de la légende :

[…] Charles d’Anjou consulta le pape Clément IV, autrefois son


chancelier en Provence, et alors son protecteur, et que ce prêtre lui
répondit en style d’oracle : « vita Corradini, mors Caroli ; mors
Corradini, vita Caroli. »

Mais Voltaire, a un jugement sévère pour Charles Ier auquel il ne trouve pas énor-
mément de qualités :

Le vainqueur, si indigne de l’être, au lieu de ménager les Napolitains,


les irrita par des oppressions ; ses Provençaux et lui furent en horreur.

Puis fait entrer en scène Giovanni da Procida, en émettant, comme le fit Runciman
en 2008, un sérieux doute sur une émeute organisée, tout en admettant que le seigneur de
Procida avait « préparé les esprits » :

C’est une opinion générale qu’un gentilhomme de Sicile, nommé


Jean de Procida, déguisé en cordelier, trama cette fameuse conspira-
tion par laquelle tous les Français devaient être égorgés à la même
heure, le jour de Pâques, au son de la cloche de vêpres. Il est sûr que
ce Jean de Procida avait en Sicile préparé tous les esprits à une révo-
lution, qu’il avait passé à Constantinople et en Aragon, et que le roi
d’Aragon, Pierre, gendre de Mainfroi, s’était ligué avec l’empereur
grec contre Charles d’Anjou ; mais il n’est guère vraisemblable qu’on
eût tramé précisément la conspiration des Vêpres siciliennes. Si le
complot avait été formé, c’était dans le royaume de Naples qu’il fal-
lait principalement l’exécuter ; et cependant aucun Français n’y fut
tué. […]
Le sang de Conradin fut ainsi vengé, mais sur d’autres que sur celui
qui l’avait répandu. Les Vêpres siciliennes attirèrent encore de

131
VOLTAIRE, « Charles d’Anjou, Mainfroi et Conradin », dans Essais sur les Mœurs et l’esprit des na-
tions, vol. 2, Paris, Lefèvre, 1829.

LES VÊPRES SICILIENNES - 51


nouveaux malheurs à ces peuples qui, nés dans le climat le plus for-
tuné de la terre, n’en étaient que plus méchants et plus misérables.

À côté de cette littérature, des auteurs siciliens proposaient les premiers livres
d’histoire sur la Sicile. Le premier dans l’ordre chronologique est le De rebus siculis de-
cades duae, du dominicain Tommaso Fazello132, publié pour la première fois en 1558.
Cet ouvrage, a été commenté dans une note de lecture d’Henri Fauser133, laquelle précise
que le livre est « un sec résumé, où ne manquent pas les erreurs sur tout ce qui n’est pas
sicilien. ». La note de lecture porte uniquement sur le tome X de la série. Dans le chapitre
sur les Vêpres, Fazello penche pour le complot de Procida, comme le précise Amelia
Crisantino dans un article paru dans La Repubblica134 :

Intere generazioni di storici si sono accapigliate per stabilire se la


guerra del Vespro origina da una congiura o da un moto popolare, e
se fu un evento positivo. Tommaso Fazello, che nel XVI secolo
scrive una monumentale Storia di Sicilia, sceglie la congiura ordita
da Giovanni da Procida.xxiii

Peu d’années après en 1562, fut publié le Sicanicarum rerum compendium, du


Messinois Francesco Maurolico, commandé par le Sénat de Sicile. Ce livre porte égale-
ment sur l’histoire de l’île, et concernant la révolte de 1282 apporte de nombreux détails.
Dans une note135, M. Koch rapporte ceci :

Francesco Maurolico, auteur judicieux & contemporain de Fazello,


expose l’événement [le soulèvement des Vêpres] d’après Barthélémi
de Néocastro, & ne parle que d’une maniere vague & douteuse du
plan de Procida.

Près de cent ans plus tard, en 1645, Filadelfo Mugnos publia I raguagli historici
del vespro siciliano136, un ouvrage qui ne manque pas de détails, mais, relèvent Malherbe-

132
Tommaso FAZELLO, De rebus siculis decades duae, Palermo, Maida, 1560.
133
Henri HAUSER, Les Sources de l’histoire de France - Seizième siècle (1494-1610), Paris, Picard et fils,
1906.
134
Amelia CRISANTINO, « L’eroe del Vespro che passò al nemico » [en ligne], La Repubblica, Palermo,
2007, URL : https://palermo.repubblica.it/dettaglio/leroe-del-vespro-che-passo-al-nemico/1374839/1, con-
sulté le 19 février 2019.
135
M. KOCH, Tableau des révolutions de l’Europe dans le Moyen Âge, vol. II, Paris, Onfroy, 1790.
136
Filadelfo MUGNOS, I raguagli historici del vespro siciliano, Palermo, Pietro Coppola, 1645.

LES VÊPRES SICILIENNES - 52


Galy et Nardone137, « Le seul titre de l’ouvrage indique l’esprit polémique dans lequel il
est rédigé et ne saurait être tenu pour un témoignage historique »138.

2.2 Le souvenir des Vêpres dans les luttes


« Vêpres algériennes », « Vêpres marseillaises », « Vêpres tonkinoises », etc., la
liste est longue de ces insurrections qui ont vu dans les Siciliens de 1282 un modèle. Il
arrive, certes, que l’expression soit employée à tout va, mais cela démontre qu’après plus
de sept siècles, la révolte sicilienne est toujours un symbole de la lutte d’un peuple contre
la tyrannie.

À côté de cette expression de Vêpres siciliennes, il y a l’autre mot associé à la


révolte, Antudo, l’acronyme de l’expression latine Animus tuu dominus. Il aurait été pro-
noncé pour la première fois durant les Vêpres et inscrit sur le tout nouveau drapeau des
communes libres de Palerme et de Corleone. Il servit de cri de ralliement aux émeutiers.
Puis, le mot fut repris au cours de certaines révoltes les siècles suivants et jusqu’en 1943,
quand Finocchiaro Aprile fonda le Mouvement pour l’indépendance de la Sicile : Antudo
fut crié pour galvaniser la foule. Mais, après de nombreuses recherches sur les sources,
nous n’avons pu déceler la moindre trace de ce mot. Pourtant, depuis quelques dizaines
d’années, il est à la mode dans les milieux indépendantistes ou autonomistes, et certains
scientifiques rappellent son historicité, sans jamais citer leurs sources.

2.2.1 Les Vêpres, une référence permanente


Avant de citer des événements ayant fait référence aux Vêpres, il faut tout d’abord
signaler que le terme même de « Vespro siciliano » n’est apparu que deux siècles après
l’événement. Ce fut l’objet d’une conférence de Michele Amari à Palerme139, au Cerclo
filologico, le 31 mars 1882. Dans son exposé l’historien releva que :

137
Jacqueline MALHERBE-GALY, Jean-Luc NARDONE, Les vêpres siciliennes : le complot de Jean de Pro-
cida, op. cit.
138
Le titre complet : I Ragguagli historici del Vespro siciliano del Signor Don Filadelfo Mugnos nei quali
si mostrano i felici reggimenti c’han fatto i serenissimi e catolici regi aragonesi ed austriaci nel lor regno
fidelissimo di Sicilia, e ‘l mal governo di Carlo d’Angiò re primo di Napoli [Notices historiques des Vêpres
siciliennes de don Filadelfo Mugnos dans lesquelles on montre comment les très sérénissimes et catholiques
majestés aragonaises et autrichiennes ont heureusement régné sur leur très fidèle royaume de Sicile ainsi
que le mauvais gouvernement de Charles Ier d’Anjou, roi de Naples]
139
Michele AMARI, Sulla origine della denominazione Vespro Siciliano [en ligne], op. cit. Dans son intro-
duction, Amari déclare ce qui a motivé toute sa carrière d’historien, et son œuvre doit être lue à l’aune de

LES VÊPRES SICILIENNES - 53


il nome di Vespro Siciliano, […] non si legge in nessuno dei 18 autori
contemporanei, […] non si legge ne’ 20 o 21 che ripeteano il fatto
nel XIV secolo; nemmeno nei quattro compilatori di storia generale
vissuti nella prima metà del XV. Nella seconda metà tre compilatori
non conoscono per anco quella denominazione […]. Un quarto il
quale pare abbia scritto proprio negli ultimi anni del 400 […] ci dà
ogni cosa: congiura, giorno ed ora prefissi alla strage, e l'ora il Ve-
spro; «onde si chiamò il Vespro Siciliano ed è passato in proverbio»
egli aggiunge.xxiv

Amari précise que :


in tutta Italia non si parlerebbe tanto del Vespro, se la Sicilia non lo
avesse rifatto nel 48, rifatto allora purissimo d’ogni macchia, e non
lo avesse replicato, anche più bello e più glorioso nel 1860.xxv

Il est vrai que lorsque l’on rencontre ce terme pour évoquer un événement histo-
rique avant le XVIe siècle, c’est qu’il a été ajouté à une époque récente. Ainsi, quand
Antonino Marrone cite Salvatore Fodale, le mot de « Vêpres » (en tant que métonymie)
qu’emploie ce dernier est anachronique140 :

Come ha opportunamente sottolineato S. Fodale, nell’assemblea par-


lamentare tenuta l’11 novembre 1295 a Palermo con la partecipa-
zione dei sindaci omnium terrarum et locorum Sicilie Federico
d’Aragona, fino ad allora luogotenente nell’Isola del fratello Gia-
como, «meglio che i suoi diritti di successione, contrappose più effi-
cacemente quella voluntas populi che si manifestava e esprimeva at-
traverso il parlamento e faceva richiamo al Vespro»xxvi

Nul doute que le parlement du XIIIe siècle n’aurait pas utilisé le mot de « Vespro »
pour parler de la révolte de 1282. De la même manière que lorsqu’Iris Mirazita parle de

cette déclaration : «Le prose di Manzoni, d’Azeglio, Guerrazzi, facevan furore dalle Alpi al Lilibeo, risve-
gliavano i sentimenti della patria e della libertà; onde a me parve che uno scritto simile di argomento sici-
liano avrebbe potuto gittare un altro tizzone nell’Isola del foco. Mi provai e mi accorsi subito che la natura
non mi aveva destinato alle opere di immaginazione.» De son propre aveu, l’œuvre de l’historien doit être
analysée comme celle d’un patriote désireux de réveiller « les sentiments de la patrie et de la liberté ».
140
Antonino MARRONE, « I Parlamenti siciliani dal 1282 al 1377 », Quaderni – Mediterranea. Ricerche
storiche, n° 17, Memoria, storia e identità. Scritti per Laura Sciascia, 2011.

LES VÊPRES SICILIENNES - 54


« Vespro anticatalano del 1348 »141 , c’est elle qui baptise ce mouvement du nom de
« Vespro ».

Tout au long de l’histoire, jusqu’à nos jours, dans le monde entier, des mouve-
ments de révolte, des guerres, des actions politiques ont fait directement référence à l’in-
surrection sicilienne. La liste est longue et nous prenons le parti de n’en exposer que
quelques-uns afin de montrer la variété des actions.

Le premier exemple que nous citons, dans l’ordre chronologique, fait une analogie
pour le moins saugrenue puisqu’est comparé un événement de l’Antiquité avec les Vêpres
médiévales, sans se soucier de l’anachronisme engendré. On doit ce parallèle à Pierre
Lévêque, historien spécialiste de la Grèce. Dans son livre Nous partons pour la Grèce
(chapitre sur Délos)142, il retrace la guerre de 88 av. J.-C. et d’une seule phrase il réduit
le massacre d’Italiens civils par une armée aux Vêpres siciliennes :

En 88, les amiraux de Mithridate ravagent l’île et massacrent 20 000


Italiens dans d’épouvantables vêpres.

Autre époque, autre lieu, c’est en Bretagne qu’un mémorialiste, Jean Moreau, fit
une analogie entre révolte bretonne et insurrection sicilienne. Jean Moreau, chanoine de
la cathédrale de Quimper, écrivit ses mémoires au tout début du XVIIe siècle, dans les-
quelles il décrit la révolte bretonne de 1490. Philippe Hamon, dans un récent article143
révèle l’opinion du chanoine, notamment sur la paysannerie en lutte :

Sous sa plume [celle de Jean Moreau], la mobilisation armée de la


« paysantaille » peut n’être pas dénuée d’intelligence tactique,
comme en témoigne le parallèle qu’il fait entre un soi-disant complot
général pour abattre la noblesse dans chaque paroisse et les Vêpres
siciliennes de mars 1282. Mais, ultra-violente, elle ne peut être que
porteuse de la ruine totale de l’ordre socio-politique.

141
Iris MIRAZITA, « I Lombardi di Corleone e Palermo : dal Vespro antiangioino al Vespro anticatalano
(1282-1348) », dans Corleone: l’identità ritrovata, op. cit.
142
Pierre LÉVÊQUE, Nous partons pour la Grèce, Paris, P.U.F., 1979.
143
Philippe HAMON, « Travailler la mémoire d’une révolte au XVIIe siècle : le chanoine Moreau et le sou-
lèvement bas-breton de 1490 », Dix-septième siècle, vol. 275, n° 2, 2017.

LES VÊPRES SICILIENNES - 55


En ce qui concerne la « paysantaille » selon l’expression péjorative et insultante
du chanoine, « il s’agit bien pour lui, dans cet épisode, de dénoncer la désastreuse irrup-
tion collective des ruraux dans le cours de l’histoire. »144

Trois cents ans plus tard, ce fut en Italie, à Vérone, que la référence aux « Vêpres »
fit sa réapparition. C’était le 17 avril 1797 quand la population se souleva contre une
garnison française à l’appel du Grand conseil de Venise. Quatre cents soldats français
furent massacrés et cet acte donna un prétexte à Bonaparte d’envahir la Sérénissime. Ce
jour resta dans la mémoire comme les « Pasque veronesi »145 bien qu’on fût le lundi de
Pâques. Les Véronais étaient tombés dans un piège tendu par les Français, qui consistait
à leur faire croire, par voie d’affichage que l’ordre de la révolte leur était donné par le
Grand conseil. Bonaparte qui n’avait jusqu’alors aucune raison d’occuper Venise, répu-
blique qui se tint à l’écart de tout conflit, prit comme prétexte l’agression des Véronais
pour envahir son territoire. Ce que ne savaient pas les Vénitiens, c’est que dans cette
affaire ils faisaient l’objet d’un marché entre la France et l’Autriche. Napoléon donnerait
la Vénétie aux Autrichiens, à condition que ceux-ci reconnussent l’annexion par la France
de la rive gauche du Rhin et de la Belgique. Ce qui fut fait.

D’autres « Vêpres » aux XIXe et XXe siècles impliquèrent la France, à l’étranger


ou sur son propre sol. Il a celles de Syrie, que le consul de France à Damas, M. Lanusse,
baptisa de « Vêpres syriennes » dans un courrier qu’il envoya à son ministre de tutelle, le
17 juillet 1860. Au cours d’une émeute, qui dura du 9 au 16 juillet, un quartier chrétien
fut rasé, huit mille personnes furent massacrées et de nombreuses jeunes femmes furent
violentées ou emmenées en captivité. Bruno Etienne146 écrit à ce sujet :

Lanusse semblait toujours convaincu de la réalité d’un complot pro-


grammé et exécuté à l’heure et aux endroits indiqués d’avance. Les
massacres avaient « commencé, sans que les troupes qui gardaient
depuis quelque temps le quartier eussent fait le moindre effort pour
arrêter l’insurrection ». Tout semblait combiné entre les responsables

144
Ibid.
145
Francesco Mario AGNOLI, Le Pasque veronesi : quando Verona insorse contro Napoleone : 17-25
aprile 1797, Rimini, Il cerchio, coll. « Gli Archi », 1998.
146
Bruno ÉTIENNE, « La France et l’Émir Abdelkader, histoire d’un malentendu », dans Le choc colonial
et l’islam, Paris, La Découverte, coll. « TAP/HIST Contemporaine », 2006.

LES VÊPRES SICILIENNES - 56


des troupes régulières et des bandes venues des quartiers les plus éloi-
gnés. Le quartier chrétien avait été entièrement détruit.

Vingt ans plus tard, c’est à Marseille que le terme fût employé pour désigner une
émeute. C’était en 1881 quand des Français pourchassèrent dans la ville des immigrés
italiens. La ville de Marseille comptait beaucoup d’Italiens puisqu’un habitant sur six
était d’origine transalpine, accentuant « mécaniquement » la xénophobie. Le 17 mai de
cette année-là, alors que la population de Marseille acclamait les soldats français revenus
victorieux de Tunisie, des Italiens furent accusés d’avoir sifflé ces soldats. Immédiate-
ment la foule prit en chasse les immigrés outre-alpins. Cela dura quatre jours. La presse
italienne qualifia l’événement de « Vêpres marseillaises », alors que dans le même temps,
en Sicile, des manifestants excités par les événements de Marseille criaient « Vive les
Vêpres Siciliennes »147.

Au début du siècle suivant, en 1904, c’est sur la terre de l’actuelle Namibie,


qu’une révolte des indigènes Ovaherero aidés par la tribu Witbooi éclata contre les colo-
niaux allemands. La riposte allemande créa un conflit entre l’ancien gouverneur et com-
mandant de l’armée coloniale, Theodor Leutwein, et son remplaçant Lothar von Trotha.

Leutwein puisait dans les métaphores classiques, comparant l’insur-


rection Ovaherero aux Vêpres siciliennes de 1282 et traitant von Tro-
tha de boucher brutal148.

C’est là une manière bienveillante d’analyser la révolte des autochtones contre


l’empire colonial. Son adversaire, traité de « boucher brutal », était à la hauteur du quali-
ficatif. Ses actions sanguinaires choquèrent tant l’opinion publique allemande qu’il fut
rapatrié par le Kaiser Guillaume II.

Toujours en Allemagne, pendant la période nazie, Georges Sadoul149, écrivit un


texte prémonitoire intitulé Voici un présage du ciel, dans lequel il évoque l’incendiaire
du Reichstag (1933), Van der Lubbe, reconnu coupable et exécuté par les nazis :

147
Georges LIENS, « Les « Vêpres marseillaises » (juin 1881), ou la crise franco-italienne au lendemain du
traité du Bardo », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 14, 1967.
148
George STEINMETZ, « Le champ de l’État colonial. Le cas des colonies allemandes (Afrique du Sud-
Ouest, Qingdao, Samoa) », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 171-172, n° 1-2, Le Seuil, 2008.
149
Pierre-Frédéric CHARPENTIER, « Textes et Témoignages retrouvés » [en ligne], Aden, vol. 12, n° 1,
2013, URL : https://www.cairn.info/revue-aden-2013-1-page-103.htm, consulté le 12 juillet 2019.

LES VÊPRES SICILIENNES - 57


Voici l’envoyé de dieu. C’est au nom du même dieu que le prochain
Reichstag se réunira dans une église placée dès maintenant sous la
protection de la police. C’est au nom du même dieu qu’en deux jours
300 arrestations ont été opérées, que des massacres quotidiens s’exé-
cutent chaque jour dans le Reich, que des vêpres siciliennes se pré-
parent.

La comparaison entre ce que s’apprête à faire le régime nazi et la révolte de 1282


n’est pas appropriée. Pourtant, un autre auteur, antinazi d’origine allemande, réfugié aux
États-Unis, Konrad Heiden, fit la même chose dans son livre Les Vêpres hitlériennes,
dans lequel il annonçait avec un peu d’anticipation le génocide des Juifs150.

La deuxième guerre mondiale était décidemment propice à ce rappel historique.


C’est ce que fit Mussolini, rapporté par son gendre Galeazzo Ciano151. Dans son journal,
il note à la date du 12 janvier 1943 qu’après avoir appris la mauvaise conduite de soldats
allemands à Foggia, lesquels avaient saccagé une maison parce que le propriétaire de la
maison, célibataire, n’avait pas d’épouse à « offrir », le Duce prévint l’attaché militaire
allemand, Enno Emil von Rintelen, « qu’il y aura de nouvelles ‘vêpres’ ». Simple aver-
tissement non suivi d’effets qui voulait marquer le caractère italien : manquer de respect
à une femme peut provoquer une révolution comme la légende des Vêpres le dit.

Au lendemain de la guerre, un autre événement qui impliqua la France, mit en


parallèle les Vêpres sicilienne et la guerre d’Indochine. Cette guerre commença le 19 dé-
cembre 1946 par une insurrection des partisans d’Hô Chi Minh à Hanoï. Les civils fran-
çais furent ciblés et beaucoup furent tués ou portés disparus. Cette journée du 19 dé-
cembre porta le nom de « Vêpres tonkinoises »152. C’est un des exemples où la compa-
raison peut le mieux se justifier puisqu’il s’agit d’une révolte d’autochtones contre une
puissance étrangère d’occupation.

Plus récemment, en Sicile, l’État italien avait organisé une opération contre la
mafia. Il s’agissait de l’opération « Vespri Siciliani », consécutive à l’assassinat des deux
juges palermitains, Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, en mai et juillet 1992. Dès la

150
Konrad HEIDEN, Les Vêpres hitlériennes, Paris, Sorlot, 1939.
151
Galeazzo CIANO, Journal, Toulouse, Presses universitaires de Toulouse, 2015.
152
Stein TØNNESSON, 1946 : déclenchement de la guerre d’Indochine : les vêpres tonkinoises du 19 dé-
cembre, Paris, L’Harmattan, coll. « Collection recherches asiatiques », 1987.

LES VÊPRES SICILIENNES - 58


fin des obsèques de Paolo Borsellino, le gouvernement italien riposta avec l’envoi de cinq
mille militaires pour contrer la mafia. Le nom de l’opération, « Vêpres siciliennes », a
peut-être indigné plus d’un Sicilien, car cette mission de police ne pouvait être comparée
à un soulèvement du peuple contre un occupant étranger. L’opération prit fin en juillet
1998153 et fut si spectaculaire que l’ensemble de la presse mondiale l’évoqua, faisant par
la même occasion un rappel historique de la révolution médiévale palermitaine.

Quelques années plus tard, en 2013, un mouvement de paysans et de transporteurs,


en Sicile, menaçait l’État avec un slogan faisant directement référence à la révolte de
1282. Dans son article « Une droite italienne respectable »154, Raffaele Laudani fait re-
marquer :

[…] le récent succès de mouvements comme celui dit des forconi


(« fourches »), qui a eu droit à la « une » des journaux en décembre
2013, lorsque les transporteurs et les agriculteurs de Sicile se sont
mis à barrer des routes, avec des slogans du genre : « Mettons à mort
cette classe politique, comme cela a été fait avec les Français lors des
Vêpres [siciliennes] ».

Pour clore cette section, il nous a paru digne d’intérêt de citer une expérience
algérienne, qui se servant des Vêpres comme d’une allégorie, voulut exorciser le passé
récent du pays. C’est à travers la bande dessinée que Nawel Louerrad tenta une approche
de la violence, celle de la Guerre d’indépendance et la tragédie des années « quatre-vingt-
dix ». Le titre de son album Les Vêpres algériennes nous montre, comme nous l’avons
vu dans d’autres exemples, à quel point le mot de « Vêpres » est aujourd’hui galvaudé au
point de devenir synonyme de n’importe quelle violence, même si l’autrice s’en défend
en déclarant que « Les vêpres algériennes, en référence aux Vêpres siciliennes, évoque la
révolte ou le refus, et ce, au sens le plus intime et le moins guerrier du terme. »155

153
« Operazione “Vespri Siciliani” » [en ligne], Esercito Italiano, URL : http://www.esercito.difesa.it/ope-
razioni/operazioni_nazionali/Pagine/vespri-siciliani.aspx, consulté le 1 mai 2020.
154
Raffaele LAUDANI, « Une droite italienne respectable », Le Monde diplomatique - Manière de voir, n°
134, 2014.
155
« Les Vêpres algériennes » [en ligne], URL : https://www.theatre-contemporain.net/textes/Les-Vepres-
algeriennes-Collectif-20637/, consulté le 13 janvier 2019.

LES VÊPRES SICILIENNES - 59


2.2.2 Antudo, le mot d’ordre imaginaire des révoltes
siciliennes
L’autre mot fixé par l’histoire, relatif à la rébellion de 1282, c’est le mot « An-
tudo ». Il n’a pas eu une renommée aussi large que « Vêpres », mais il est resté jusqu’à
aujourd’hui employé en Sicile par les personnes de la mouvance indépendantiste. Antudo,
ce fut le mot d’ordre que les rebelles de Sicile auraient employé comme mot de ralliement.
C’est ce même mot qu’on retrouva dans d’autres révoltes les siècles suivants, qui sert de
titre à une revue en ligne sicilienne, de nom à des mouvements indépendantistes, de titre
à une pièce de théâtre, etc.

Antudo serait l’acronyme de l’expression latine ANimus TUus DOminus156. Dans


une conférence-débat organisée à Messine en 2017, la professeure Agata Ada Midiri157,
soutint que la « parola cardine » Antudo a été « reconstruite » par le latiniste Santi Cor-
renti et que c’est à lui que l’on doit sa signification. En dehors des affirmations de Santi
Correnti, malgré de longues recherches, il ne nous a pas été permis de trouver d’autres
scientifiques attestant ou réfutant l’origine d’Antudo, ni même de sa réelle utilisation lors
des Vêpres siciliennes. Il n’y a pas, dans les écrits de Michele Amari que nous avons lus,
une seule fois le mot Antudo. Runciman158, dans son livre Les Vêpres Siciliennes, ne le
cite pas non plus. Tout comme Tramontana159, dans Gli anni del Vespro. C’est-à-dire que
les trois historiens qui font références sur cette période mouvementée de la Sicile ignorent
complètement cette « parola cardine »160.

156
« Le courage est ton Seigneur », traduction de Régis Courtray, enseignant de latin à l’université de
Toulouse Jean-Jaurès (qui relève que le « Tuus » peut porter à confusion puisqu’il pourrait se rapporter
aussi bien à « courage » qu’à « seigneur »). Ce qui correspond à la traduction de Santi Correnti, historien
et latiniste sicilien, « il coraggio è il tuo Signore ».
Il est à noter que certains blogs sur internet font référence à une autre signification de Antudo. Le mot serait
dérivé du français « entendu ». Toutefois, en raison du manque de références historiques, nous nous en
tiendrons là.
157
Agata ADA MIDIRI, « L’ora dei Vespri, al grido ribelle di “Antudo” » [en ligne], Messina, 2017, URL :
https://www.youtube.com/watch?v=xauh3StDMZI, consulté le 23 mars 2019. Conférence-débat organisée
par l’Associazione Dirigenti Scolatici e Territorio le 10 novembre 2017.
158
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIIIe siècle,
op. cit.
159
Salvatore TRAMONTANA, Gli anni del Vespro : l’immaginario, la cronaca, la storia, op. cit.
160
Nous avons pu recenser une occurrence du mot Antudo dans I manoscritti datati del Fondo Conventi
soppressi della Biblioteca nazionale centrale di Firenze, Volume 5 di Manoscritti datati d'Italia, Florence,
SISMEL, 2002. Toutefois, n’ayant pu consulter l’ouvrage, il nous est impossible d’estimer la valeur de
l’information.

LES VÊPRES SICILIENNES - 60


Toutefois, son appropriation lors d’événements postérieurs lui donne un intérêt
digne d’approfondissements. Antudo est aujourd’hui surtout employé par des mouve-
ments politiques séparatistes de peu d’ampleur voulant ainsi recréer cette ambiance révo-
lutionnaire de Pâques 1282.

On trouve pour la première fois après les Vêpres le mot Antudo dans la révolte de
1647, mais tous les textes que nous avons consultés manquent de références bibliogra-
phiques. Dans l’introduction de sa thèse de doctorat, Antonello Battaglia, écrit dès les
premières lignes161 :

Antudo! gridavano i rivoluzionari durante le giornate convulse della


primavera del 1282 […]. Il motto [Antudo] e il vessillo furono innal-
zati anche nel maggio del 1647, durante l’insurrezione armata […].
Circa centosettant’anni dopo, nel 1820, Antudo fu il grido dei moti
sollevato contro i Borbone che avevano appena proclamato la fine
del Regno di Sicilia. Il 12 gennaio 1848, lo stesso motto urlato a Pa-
lermo […].xxvii

Le document doctoral, dans les chapitres suivants, fait à nouveau référence parci-
monieusement au mot d’ordre, mais sans jamais citer les sources historiques, comme si
la chose allait de soi. La reprise du mot aujourd’hui par une quantité appréciable de per-
sonnes convaincues de sa vraisemblance historique est en soi une intéressante piste d’in-
vestigation. L’historicité du mot est, pour ce que nous en savons au moment de la rédac-
tion de ce mémoire, douteuse, et ce que nous écrivons en suivant doit être lu avec cir-
conspection.

Pour en revenir à ce mois de mai 1647, un printemps trop sec, en Sicile, consécutif
à une crise agraire tenace, incita le vice-roi à inaugurer quinze jours de pèlerinages et de
prières afin d’invoquer la pluie. Ces « mesures » n’étaient pas à la hauteur de ce qu’at-
tendaient les Palermitains qui voyaient la famine arriver à grands pas dans une ville su-
rendettée où la pression fiscale pesait trop. Le jour même où apparut un pain au poids
diminué, le 20 mai 1647, éclata la révolte aux cris de « pan grande e quita gavelas » [grand
pain et gabelle supprimée]162. Un slogan différent, mais tout aussi peu référencé que le

161
Antonello BATTAGLIA, Il separatismo siciliano, dalle carte del servizio informazioni militare, La Sa-
pienza, Roma, 2013.
162
Daniele PALERMO, « Un viceré e la crisi. Il marchese di Los Veles nella rivolta palermitana del 1647. »
[en ligne], Libros de la corte, n° 4, 2012, URL : https://revistas.uam.es/librosdelacorte/article/view/8284,
consulté le 25 juin 2020. Ni dans cet article, ni dans l’article « Sicilia in rivolta », Daniele Palermo ne fait

LES VÊPRES SICILIENNES - 61


Antudo que l’on trouve dans la thèse précitée. Il est à noter que dans l’analyse de la révolte
de 1647, l’historien Daniele Palermo ne fait jamais référence à ce mot163.

Plus tard, la révolution de 1820 à Palerme, pour laquelle on peut recenser nombre
de documents d’époque, est réputée avoir eu aussi comme mot d’ordre Antudo. Mais en-
core une fois, les recherches que nous avons effectuées ne nous permettent pas d’en vé-
rifier la véracité. Comme précédemment, ce sont des écrits du XXe siècle qui attestent de
cela sans donner de sources. Une recherche sur l’encyclopédie collaborative en ligne
Wikipédia164 sur le mot Antudo ouvre un article qui énumère les moments de crise à Pa-
lerme où le mot d’ordre était repris par la foule, mais le site prévient :

Questa voce o sezione sull'argomento storia d'Italia non cita le fonti


necessarie o quelle presenti sono insufficienti.xxviii

Le dernier événement du XIXe siècle où Antudo aurait été le cri de ralliement de


la population fut la révolution de 1848. À Palerme elle éclata le 12 janvier, inaugurant
ainsi la série de révolutions qui jalonnèrent l’année dans de nombreux pays d’Europe. Les
mêmes auteurs parlent du cri de ralliement sans encore une fois donner de sources fiables.
Et nos propres recherches n’ont pas permis de trouver un écrit contemporain de l’événe-
ment qui aurait cité ce mot d’encouragement.

Il est troublant que même pour le mouvement indépendantiste de 1943 de Finoc-


chiari Aprile aucun document ne fournisse de sources. La thèse d’Antonello Battaglia165,
qui pourtant fourmille de références est muette lorsqu’elle aborde le sujet.

L’historien Santi Correnti qui « découvrit » la signification du mot, dans un article


qu’il publiait dans une revue à destination de la diaspora sicilienne (publiée en Bel-
gique)166 ne donne aucun détail sur l’origine de sa découverte. On trouve dans cet article

référence à Antudo. Du même auteur, « Sicilia in rivolta » [en ligne], dans La Sicilia del ’600. Nuove linee
di ricerca, Mediterranea. Ricerche storiche, 2012, URL : www.mediterranearicerchestoriche.it, consulté le
25 juin 2020.
163
Daniele PALERMO, Sicilia 1647 : voci, esempi, modelli di rivolta, Palermo, Mediterranea, Ricerche sto-
riche, coll. « Quaderni » 9, 2009.
164
AA. VV., article « Antudo » [en ligne], dans Wikipédia, URL : https://it.wikipedia.org/wiki/Antudo,
consulté le 16 janvier 2020.
165
Antonello BATTAGLIA, Il separatismo siciliano, dalle carte del servizio informazioni militare, La Sa-
pienza, op. cit.
166
Santi CORRENTI, « La parola segreta del Vespro siciliano », L’Isola, anno IX, 1, 2007.

LES VÊPRES SICILIENNES - 62


exactement ce que l’on trouve chez tous les auteurs qui le citent : une définition du mot
acronyme et son emploi au cours de l’histoire. Toutefois, il existe dans cet article deux
références, il s’agit d’un renvoi à un discours de 1943 de Finocchiaro Aprile167, fondateur
du Mouvement pour l’indépendance de la Sicile (MIS) et du livre-témoignage de Fran-
cesco Paternò Castello168 Il movimento per l'indipendenza della Sicilia: memorie.

L’esistenza storica di questa parola è quindi fuori discussione; ed essa


è stata adoperata per indicare lo spirito di libertà dei Siciliani, anche
nel 1943, quando, durante l’invasione angloamericana dell’isola,
come testimoniano autorevolmente tanto l’on. Prof. Andrea Finoc-
chiaro Aprile, capo e fondatore del MIS (Movimento per l’Indipen-
denza della Sicilia), nel suo pubblico discorso tenuto a Partinico (Pa-
lermo) il 20 agosto del 1944; quanto lo studioso siciliano Francesco
Paternò Castello, Duca di Càrcaci (a pag. 37 del suo libro IL MIS,
edito a Palermo nel 1977), per cui "gli indipendentisti siciliani si pre-
sentavano agli avamposti angloamericani che occupavano la Sicilia
nel 1943, sventolando la bandiera siciliana recante scritto il fatidico
motto del Vespro "ANTUDO".xxix

En l’absence de sources historiques en dehors de celles décrites ci-avant, il semble


que le mot Antudo relève davantage de la légende et qu’il serve les intérêts de mouve-
ments politiques actuels pour l’essentiel, de la même manière que certaines légendes sur
les Vêpres siciliennes servaient aux XIXe siècle la cause des partisans de l’unification de
l’Italie.

167
Nous n’avons pas pu accéder au texte du discours de Finocchiari Aprile afin de vérifier l’assertion de
Santi Correnti.
168
Francesco PATERNÒ CASTELLO, Il movimento per l’indipendenza della Sicilia : memorie, Palermo, Flac-
covio, 1977, p. 37.

LES VÊPRES SICILIENNES - 63


3 L ES V ÊPRES , UNE RÉFÉRENCE HISTORIQUE
DANS LES LETTRES (XIX E -XX E SIÈCLES )

3.1 Le Risorgimento au son des Vêpres


Le bouillonnement des peuples d’Europe au XIXe siècle, particulièrement en
France qui venait de faire sa révolution et en Italie qui aspirait à faire la sienne, n’est pas
étranger à une telle production littéraire « révolutionnaire ». Ainsi la France et l’Italie ont
eu leurs grands écrivains qui produisaient une œuvre incitant les peuples à s’affranchir de
souverains absolutistes, comme Victor Hugo ou Alessandro Manzoni. Des deux côtés de
la frontière un thème surtout fut exploité par de nombreux écrivains, historiens, poètes,
librettistes, dramaturges… ce sont les Vêpres siciliennes dont le siècle des révolutions
veut se souvenir comme d’un mouvement de libération contre « la mala signoria ».

Même s’il ne fut pas le premier à exploiter la révolte de Palerme, la première place
doit quand même revenir à l’historien Michele Amari, parce qu’à lui seul il va occuper
une grande partie de la scène des spécialistes de la Sicile médiévale. Il aurait, affirme-t-
il, voulu être le Manzoni des Vêpres, mais son talent le portait plutôt à la recherche his-
torique. Toutefois, il garda quelque chose de Manzoni, celle de vouloir inciter les peuples
d’Italie à s’unir et à chasser leurs souverains, du moins au royaume des Deux-Siciles. Il
fut accusé, à cause de cela, d’avoir « manipulé » l’histoire, ou tout au moins de l’avoir
instrumentalisée169, et notamment d’avoir écarté malhonnêtement Giovanni da Procida
de la révolte palermitaine170. Giovanni Battista Niccolini fut au nombre des détracteurs
de Michele Amari. Il déteste, dans un courrier du 9 avril 1843171, qu’Amari

toglie [à Procida] la gloria della congiura contro i Francesi, gli dà


l'infamia di aver tradito i Siciliani, e lascia soltanto le corna fattegli
dalla moglie.xxx

169
« Amari politico, riuscì a prendere un periodo della storia siciliana per farne un libro di battaglia »
[« Amari politique réussit à prendre une période de l’histoire sicilienne pour en faire un livre de bataille »]
selon Francesco Giunta, rapporté par Pasquale HAMEL, « Amari... storico », La nuova Fenice, 2019.
170
Ermolao RUBIERI, Apologia di Giovanni di Procida, op. cit.
171
Atto VANNUCCI, Ricordi della vita e delle opere di G. B. Niccolini, Firenze, Felice Le Monnier, 1866,
p. 302.

LES VÊPRES SICILIENNES - 64


C’est en 1842 qu’Amari édita son premier texte sur les Vêpres. De nombreux
textes avaient déjà été publiés en France et en Italie, très romancés pour la plupart, qui
durent inciter l’historien sicilien à proposer une étude sérieuse et très documentée sur la
période. Le titre, neutre et peu informatif, imposé par la censure, Un periodo delle istorie
siciliane del secolo XIII172 n’épargna pas à Amari l’exil en France. L’année suivante, à
Paris, une nouvelle édition de ce livre fut intitulée La guerra del Vespro siciliano, sous-
titrée o un periodo delle istorie siciliane del secolo XIII173. L’auteur en profita pour l’aug-
menter et présenter de nouveaux documents. Il revint à Palerme après la révolution de
1848 où il fut élu député au parlement de Sicile, et ministre des Finances, durant la brève
période d’indépendance. Au retour des Bourbons, il repartit à Paris jusqu’en 1860, puis
devint sénateur du jeune royaume d’Italie, ministre de l’Instruction et termina sa carrière
comme professeur à l’Institut des Études supérieures de Florence. Son activité éditoriale
sur la Sicile se poursuivit en 1882 avec la publication de Racconto popolare del Vespro
siciliano174, qui se voulait une réponse à ses détracteurs et une sorte de récit apaisé, pour
un public plus large. En 1887, un dernier ouvrage, Altre narrazioni del Vespro siciliano175,
sortait de presse. Dans cet ouvrage, publié en appendice de la neuvième édition du Vespro
siciliano, l’auteur, qui mourut seulement deux ans plus tard, le 16 juillet 1889 à Florence,
fait une compilation des différentes chroniques de la révolte, « scritte nel buon secolo
della lingua ».

La thèse d’Amari, selon laquelle les Vêpres furent un bienfait pour la Sicile et
pour l’Italie toute entière, s’opposait à celle de Benedetto Croce176, pour qui

il vespro siciliano, che ingegni poco politici e molto rettorici esaltano


ancora come grande avvenimento storico, laddove fu principio di
molte sciagure e di nessuna grandezza.xxxi

172
Michele AMARI, Un periodo delle istorie siciliane del secolo XIII, Palermo, Poligrafia Empedocle,
1842.
173
Michele AMARI, La guerra del Vespro Siciliano o Un periodo delle istorie siciliane del secolo XIII, 2
vol., Paris, Baudry, 1843.
174
Michele AMARI, Bruno CARUSO, Racconto popolare del Vespro siciliano, Palermo, Epos, coll. « Tali-
smani » 20, 2006.
175
Michele AMARI, Altre narrazioni del Vespro Siciliano, Milano, Ulrico Hoepli, 1887.
176
Benedetto CROCE, Storia del regno di Napoli, Bari, Laterza, 1953, p. 11.

LES VÊPRES SICILIENNES - 65


Et dans le même esprit, Elio Vittorini177, en 1937, insistait :

Il Vespro come reazione, il Vespro che chiude la porta alla Francia,


per aprirla alla Spagna, all’Inquisizione, alla superstizione, al sanfe-
dismo, a tutto ciò che è remora, morte e putredine nella storia euro-
pea: il Vespro non rivoluzione, ma giusto il contrario della rivolu-
zione.xxxii

Le débat Amari-Croce se poursuit encore de nos jours. Un écrivain sicilien, Ro-


berto Alajmo178, dans Au comptoir de l’ailleurs, penchait pour la version de Croce, celle
de l’occasion manquée :

Même la seule vraie révolution – celle des Vêpres – a éclaté, selon la


tradition, pour des motifs futiles : à cause d’un soldat français qui
importunait une jeune fille sicilienne. C’est à ne pas y croire ! Entre
autres, cette fois-là aussi, l’histoire a quitté les rails de la modernisa-
tion, en Sicile : si nous étions restés sous la domination française, en
l’espace de cinq siècles à peine, nous nous serions ouverts à l’esprit
des Lumières.

Un débat qui semble bien futile, puisque personne ne peut imaginer ce que la Si-
cile, l’Italie et même l’Europe seraient devenues si les Vêpres n’avaient pas sonné.

Mais au siècle du Risorgimento, il n’y eut pas que des études universitaires autour
de l’émeute sicilienne. Dans le premier quart du siècle, deux auteurs, Giovanni Battista
Niccolini179 et Casimir Delavigne180, écrivaient chacun une œuvre dramatique pour le
théâtre181. L’Italien en 1817, le Français en 1819. Niccolini et Delavigne n’eurent pas la
même fortune. Alors que l’auteur français connaissait un grand succès au Second Théâtre
français (Odéon) pour son inauguration, le 23 octobre 1819, Niccolini en Italie dut at-
tendre le 29 janvier 1830 pour une première représentation à Florence, mais la tragédie

177
Elio VITTORINI, « Di Vandea in Vandea, il Vespro siciliano », Letteratura, n° 4, 1937.
178
Roberto ALAJMO, « Au comptoir de l’ailleurs », La pensée de midi, vol. 26, n° 4, 2008.
179
Giovanni Battista NICCOLINI, Giovanni da Procida, op. cit.
180
Casimir DELAVIGNE, Les Vêpres sicilienne [en ligne], op. cit.
181
Selon Walter Zidaric, enseignant : « À la base du succès de ce mythe qui s’impose au XIXe siècle est
l’Histoire des républiques italiennes du Moyen Âge (1809-1818) de Jean-Charles-Léonard Sismondi, tra-
duite en italien entre 1817 et 1819, et dont Hayez tire son inspiration pour le tableau qu’il expose à Brera
en 1822, le premier d’une série de tableaux sur le même sujet. » (Cours donné à l’université d’Aix-Mar-
seille, 2016-2017.)

LES VÊPRES SICILIENNES - 66


fut censurée peu après. Ce n’est qu’en 1848 que la pièce fût reprise. Pour le dramaturge
italien, influencé par les idéaux de la Révolution française, il n’y avait rien de surprenant
à cette censure. Il avait écrit à ce propos182 :

M'occupo di Giovanni da Procida; ma mi converrà condannarlo alle


tenebre e al silenzio come il Nabucco. Pure mi consola lo sfogarmi
scrivendo, e confermare l'anima in tanta viltà d'uomini e di tempi.xxxiii

Puis ajoutait, dans une lettre à l’actrice Maddalena Pelzet183, prima donna, le 15
août 1830, après la représentation censurée :

Quanto al Giovanni da Procida, io non ho mai creduto che poteste


avere il permesso di rappresentarlo.xxxiv

En revanche, pour Delavigne, sa pièce eut un tel impact qu’un mois plus tard, le
17 novembre 1819, Eugène Scribe, son ami de lycée, faisait jouer une parodie en un acte,
au Théâtre du Vaudeville184. Ce même Eugène Scribe qui trente ans plus tard commença
l’écriture du livret des Vêpres Siciliennes 185 pour Verdi. Deux autres parodies furent
jouées à Paris : celle de Simonin et Armand d’Artois, Les vêpres odéoniennes, aux Va-
riétés, le 22 novembre 1819, puis celle de Dupin et Carmouche, Cadet Roussel-Procida
ou la Cloche du dîner, au Théâtre de la Porte Saint-Martin, le 23 novembre.

Dans le drame de Delavigne, Giovanni da Procida est un noble sicilien qui, avec
des accents de colère, clame dès les premiers vers :

Eh quoi ! Charles d'Anjou ? Le vainqueur de Mainfroi,


Le bourreau, l'assassin de notre dernier roi ?
Charles dans mon palais, lui, cet indigne frère
De ce pieux Louis que la France révère ?186

Procida dans l’œuvre de Delavigne est un conspirateur qui a passé deux ans à
intriguer auprès du pape pour obtenir la nomination d’un nouveau roi pour la Sicile, au-
près du roi « Pedre » d’Aragon auquel est destinée la couronne, et de l’empereur d’Orient,

182
Atto VANNUCCI, Ricordi della vita e delle opere di G. B. Niccolini, op. cit. p. 425.
183
Ibid, p. 142.
184
Eugène SCRIBES, MÉLESVILLE, Les Vêpres siciliennes [en ligne], op. cit.
185
Eugène SCRIBES, « Les Vêpres siciliennes », dans Œuvres complètes, op. cit.
186
Casimir DELAVIGNE, Les Vêpres sicilienne [en ligne], op. cit., acte I, scène I.

LES VÊPRES SICILIENNES - 67


prêt à payer pourvu qu’on affaiblît son ennemi, Charles d’Anjou. Le dramaturge, malgré
quelques élans antifrançais de Naples ménage son public et fait dire à son héros :

ces nombreux chevaliers […] plein de vaillance, que je hais en Sicile


et que j’admire en France.

L’intrigue se joue entre un père, Giovanni da Procida, son fils, Loredan, ami de
l’ennemi Montfort, gouverneur de la Sicile, et la fiancée de Loredan, Amélie, descendante
souabe, et dont Montfort est également amoureux. L’acte II annonce la réconciliation de
Procida et de son fils afin de venger l’honneur bafoué. Tous les Français et leurs alliés
doivent périr :

Femmes, enfants, vieillards, tous ceux que l'alliance,


L'amitié, l'intérêt asservit à la France,
Confondus avec eux, frappés des mêmes coups,
Suivront dans le cercueil leurs ombres en courroux.

L’acte III est un renversement de situation. Amélie tombe amoureuse du gouver-


neur et trahit le complot de Procida et de Loredan. Magnanime, Montfort épargne leur
vie et les garde prisonniers dans leur propre demeure. Puis dans l’acte IV, les conjurés
rejoignent Procida, Loredan promet de frapper à mort Montfort. La dernière scène de
l’acte met face à face les deux prétendants, mais Loredan n’a pas le courage de frapper
son ancien ami. Enfin l’acte V s’ouvre sur le peuple qui se révolte. Montfort, finalement
blessé mortellement par Loredan, exhorte la France à la vengeance :

Ô ma patrie ! ô France !
Fais que ces étrangers admirent ta vengeance !
Ne les imite pas ; il est plus glorieux
De tomber comme nous que de vaincre comme eux.

À fin de l’acte, plein de reproches pour son père, Loredan s’immole sur le corps
de son ami. Procida, pleure son fils, puis se reprend et demande aux conjurés de se pré-
parer « à combattre au retour de l’aurore. » On comprend le succès à l’Odéon de ce drame
où Procida, les conjurés et le peuple de Palerme vainquent sans honneur. Et c’est le propre
fils de Procida qui, mourant, réduit l’héroïsme du combat à un vulgaire assassinat :

Montfort, je vais te suivre.


D'un reproche importun mon trépas vous délivre ;
Vivez... soyez heureux... Que ce digne guerrier
Repose dans la tombe avec son meurtrier.

LES VÊPRES SICILIENNES - 68


Niccolini, dont nous reviendrons sur son drame ci-après, avait une piètre opinion
des Vêpres de Delavigne. Il écrivit dans un courrier adressé à Salvatore Viale187, le 5
juillet 1828 :

Se un Italiano avesse scritto questa tragedia sarebbe stato fischiato.


Cerco di rivendicare la fama di Procida così malmenata dal Delavi-
gne.xxxv

Mais n’en déplaise à Niccolini, les auteurs français continuèrent dans cette veine.
Le livret de Scribe, Les Vêpres siciliennes, ne rendit pas son honneur à Procida. Verdi
s’en plaignit dans une lettre au directeur de l’Opéra de Paris188 :

Enfin je comptais que M.r Scribe, comme il me l’avait promis depuis


le commencement, aurait changé tout ce qui attaque l’honneur des
Italiens. Plus je reflechi à ce sujet, plus je suis persuadé qu’il est pe-
rilleux. Il blesse les Français puisqu’ils sont massacrés ; il blesse les
Italiens, parce que M.r Scribe, alterant le caractère historique de Pro-
cida, en à fait un conspirateur commun mettant dans sa main l’inévi-
table poignard.

Dans le sillon tracé par Delavigne, le baron de Lamothe-Langon, en 1821, écrivit


un roman intitulé Jean de Procida ou les Vêpres siciliennes189, selon Roger Musnik « imi-
tation presque éhontée du grand succès théâtral de l’époque, Les Vêpres siciliennes de
Delavigne. »190 Beaucoup de personnages sont, certes, les mêmes dans les deux œuvres,
bien que la distribution fût changée : contrairement à la pièce de Delavigne, Procida n’a
pas un fils, mais une fille, Eulalia, mariée secrètement à un Français, Brienne, lequel est
prêt à trahir Charles d’Anjou pour l’amour de son épouse. L’accusation de plagiat a-t-elle
un sens ? Tous les auteurs qui traitent des Vêpres siciliennes sont condamnés à répéter
une histoire déjà bien connue à travers les livres d’histoire des siècles précédents et si
l’on devait y voir une imitation, ce serait plutôt une imitation de la pièce de Niccolini, si
elle avait été connue de lui.

187
Atto VANNUCCI, Ricordi della vita e delle opere di G. B. Niccolini, op. cit. p. 93.
188
Julian BUDDEN, Le opere di Verdi, Torino, EDT, 2013, p. 197.
189
Etienne-Léon de LAMOTHE-LANGON, Jean de Procida, ou les Vêpres siciliennes, op. cit.
190
Roger MUSNIK, « Étienne de Lamothe-Langon (1786-1864) » [en ligne], 2018, URL : https://gal-
lica.bnf.fr/blog/19052018/etienne-de-lamothe-langon-1786-1864?mode=desktop, consulté le 14 mai 2020.

LES VÊPRES SICILIENNES - 69


La fin du roman utilise toutefois les mêmes ressorts que ceux de Delavigne, c’est-
à-dire le déchirement entre le père et son enfant qui le renie. Un père, là aussi, cruel et
avide de vengeance. Au moment où la révolte gronde, juste avant que les cloches ne son-
nent l’appel au massacre des Français, Eulalia supplie Procida191 :

Quoi ! pour satisfaire votre haine, faut-il faire disparaître toute une
nation ? N’est-il point d’innocent parmi les Français ? Oserez-vous
dire qu’ils sont tous coupables ? Les femmes, les enfans, ces tendres
victimes épargnées des peuples les plus féroces, vous allez froide-
ment les égorger !

Puis elle renie son père192 :

J’abjure votre héritage, je n’en veux pour ma part qu’un cercueil. Je


ne suis plus votre fille, je suis l’épouse de Brienne, qui veut ou le
sauver, ou mourir avec lui.

Le roman se finit de manière pathétique : devant Procida, qui consent par son si-
lence au sacrifice de sa fille et se couvre les yeux de son manteau, la foule trucide Eulalia
et de Brienne.193

Outre-Manche, un drame, de Felicia Hemans, The Vespers of Palermo, mis en


scène le 12 décembre 1823 à Covent Garden, à Londres, reprend l’intrigue de Delavigne.
Mais, comme le note l’Italienne Silvia Bigliazzi, dans une revue italienne en anglais194 :

[…] as the dramatist had predicted, it was not welcomed by the audi-
ence and the critics and was immediately withdrawn.xxxvi

Cet échec, William M. Rossetti, l’explique ainsi, en 1873, dans son avertissement
à The Poetical Works of Mrs Felicia Hemans195 :

Rossetti was even more trenchant in his desultory judgement on


Hemans’s literary production, when it came to deal precisely with her

191
Etienne-Léon de LAMOTHE-LANGON, Jean de Procida, ou les Vêpres siciliennes, op. cit. p. 179.
192
Ibid.
193
Ibid. p. 190.
194
Lilla Maria CRISAFULLI, « Felicia Hemans’s History in Drama : Gender Subjectivities Revisited in
The Vespers of Palermo » [en ligne], SKENÈ Journal of Theatre and Drama Studies, 4:1, 2018, URL :
https://skenejournal.skeneproject.it/index.php/JTDS/article/view/148/136, consulté le 23 juin 2019, p. 127.
195
Ibid. p. 126.

LES VÊPRES SICILIENNES - 70


drama. Having to introduce The Vespers of Palermo, he confirms his
impression of her poetry as weak and excessively feminine. These
faults, he believes, had determined the failure of its performances of
some decades earlier.xxxvii

Ce jugement masculiniste du XIXe siècle ne peut certainement pas être la raison


de l’échec de The Vespers of Palermo. L’autre explication pourrait être celle que Stuart
Curran présente dans son essai Romantic Poetry : The I Altered196 [Poésie romantique :
Le « Je » altéré] :

Hemans and Landon [une autre écrivaine], to be sure, paid a price for
their celebrity… For the bourgeois public of the 1820s and 1830s,
their names were synonymous with the notion of a poetess, celebrat-
ing hearth and home, God and country in mellifluous verse that rel-
ished the sentimental and seldom teased anyone into thought. There
are other and darker strains in their voluminous production – a focus
on exile and failure, a celebration of female genius frustrated, a
haunting omnipresence of death – that seem to subvert the role they
claimed and invite a sophisticated reconsideration of their work.xxxviii

Quoi qu’il en soit, le drame de Hemans, fut un échec total.

Dans le champ historique, suite à la publication en 1842 à Palerme, puis en 1843


à Paris des Vêpres de Michele Amari, ce sont les Français Possien et Chantrel qui publient,
en 1845, un volume intitulé Les Vêpres sicilienne ou Histoire de l’Italie au XIIIe siècle197.
Dans le récit des événements, sans cacher ce qui à leurs yeux ne relève pas de la vérité
historique, ils se rangent à l’avis de Michele Amari et émettent de nombreux doutes quant
à la conspiration et penchent plutôt pour un soulèvement spontané du peuple198.

En Italie, en dehors de Michele Amari, qui dès le départ est considéré comme
« le » spécialiste incontournable de la Sicile du XIIIe siècle, d’autres historiens ont tra-
vaillé sur le sujet. Comme nous l’avons évoqué plus avant, il y a Rubieri, en 1856199, qui
voulut insister sur les « qualche dubbio intorno alle cose ivi narrate del Procida »xxxix.

196
Ibid. p. 123.
197
H. POSSIEN, Joseph CHANTREL, Les vêpres Siciliennes ou histoire de l’Italie au XIIIe, Paris, Debécourt,
1845.
198
Ibib., p. 140.
199
Ermolao RUBIERI, Apologia di Giovanni di Procida, op. cit.

LES VÊPRES SICILIENNES - 71


Dans les faits, Ermolao Rubieri revient sur toutes les affirmations et les convictions
d’Amari, en fournissant de nouvelles sources, pour renforcer l’idée que la révolte de Pa-
lerme est bien née d’une conspiration de Giovanni da Procida. Toutefois, à notre connais-
sance, Rubieri n’a pas marqué les esprits et son livre n’entre que dans de très peu nom-
breuses bibliographies.

Pour en revenir à Niccolini, dont on sait avec quelles difficultés il a pu enfin faire
jouer son drame Giovanni da Procida200, en 1848, il utilisa pour bâtir sa trame la chro-
nique de Giovanni Villani, un toscan, contemporain des Vêpres. Le choix de Villani
comme base historique n’est pas surprenant : l’auteur du XIXe et celui du XIVe sont issus
de la même province, mais surtout Villani est considéré comme un des plus grands histo-
riens de son temps. Il faut tempérer cela au fait que Villani était guelfe et que ses textes
ont été écrits de manière partisane. Niccolini puise également dans les textes de Boccace
et de Pétrarque. Cela lui suffit. Il l’écrit dans la préface de son livret201 :

È inutile l’aggiungere altre testimonianze alle solenni e gravissime di


questi tre scrittori, il primo dei quali vivevo nel tempo in che avvenne
la strage dei Francesi, e gli altri due nacquero in età poco da questo
fatto lontana.xl

Dès l’ouverture du Ier acte du drame de Niccolini, Imelda campe la situation : elle
est la fille de Procida et la femme d’un Français, Tancredi. Une situation impossible pour
le meneur de révolte, Procida, qui se résout à agir à la fin de l’acte III :

Passò la gloria del mio sangue, e deggio


O la vergogna piangere o la morte
De' miei più cari… […]
Ma non è tempo di privati affetti,
E vinto sia dal cittadino il padre.xli

L’acte IV est consacré au plan des conjurés autour de Procida pour tuer les Fran-
çais. Mais à la scène VIII, Niccolini fait monter la tension par une révélation extraordi-
naire : Tancredi, le mari d’Imelda dont elle a eu un enfant est en fait son demi-frère.
L’inceste s’ajoute au drame. Enfin, l’acte V efface le crime des époux incestueux : Gual-
tiero transperce Tancredi et fait un mensonge public, pour sauver la face d’Imelda : il

200
Giovanni Battista NICCOLINI, Giovanni da Procida, op. cit.
201
Ibid. p. 4.

LES VÊPRES SICILIENNES - 72


déclare être son mari et le père de l’enfant. Imelda, dans un geste hautement moral, refuse
un baiser au mourant qui n’est plus désormais son mari mais son frère.

La dernière scène ne contient qu’une réplique : All’armi, all’armi.

Niccolini, s’étonna de cette dureté de la censure à son égard202, « per altri indul-
gentissima ed a me severa » [« pour les autres très indulgentes et pour moi sévère »]. Son
Procida est un appel à l’unité de l’Italie, ce qui devait être insupportable à l’administra-
tion bourbon. Procida, dans l’œuvre de Niccolini, s’oppose aux Français parce que ceux-
ci, avec la complicité du pape, ont ruiné l’espoir des Souabes d’unifier la péninsule. Et la
main tendue au roi d’Aragon ne vise que cela : continuer l’œuvre unificatrice des Ho-
henstaufen203.

Qui necessario estimo un re possente:


Sia di quel re scettro la spada, e l’elmo
La sua corona. Le divise voglie
A concordia riduca; a Italia sani
Le servili ferite e la ricreixlii

Procida n’est pas le vulgaire assassin que lui ont assigné comme rôle Delavigne
et Scribe, mais un idéaliste qui, imaginant la révolution commencée en Sicile, l’étend à
l’Italie pour l’unir. Comme un avant-goût de l’expédition de Garibaldi.

Le prince Giuseppe Poniatowski, petit-neveu du roi de Pologne, tira de la tragédie


de Niccolini, un opéra204 au titre éponyme. L’œuvre a été jouée à Florence, le 25 no-
vembre 1838, au théâtre privé de Lord Standish, où elle fut fortement appréciée. Grâce à
ce succès, une deuxième représentation eut lieu, en 1840, au théâtre du Giglio de Lucques.
Le prince, y chanta le rôle du ténor. L’opéra de Poniatowski, dont il ne reste que le livret,
est toutefois allégée de tout sous-entendu politique : il n’y est pas question d’Aragonais
ou d’unification de l’Italie. Simplement la révolte d’un peuple contre un tyran. La censure
a approuvé.

202
Atto VANNUCCI, Ricordi della vita e delle opere di G. B. Niccolini, op. cit. p. 354.
203
Giovanni Battista NICCOLINI, Giovanni da Procida, op. cit., acte III, scène II.
204
Giuseppe PONIATOWSKI, Giovanni da Procida, dramma tragico, Firenze, Galetti, 1840.

LES VÊPRES SICILIENNES - 73


3.2 Les textes de 1900 à nos jours
Les XXe et XXIe siècles sont peut-être les plus riches d’un point de l’analyse des
sources. Beaucoup d’universitaires ont publié des articles sur les Vêpres. Mais principa-
lement, deux ouvrages, dans le sillon creusé par Amari, se dégagent. Il s’agit du livre de
Salvatore Tramontana205, Gli anni del Vespro, et de celui de Steven Runciman206, Les
Vêpres siciliennes.

Tramontana, en 1989, exploite et confronte toutes les sources afin d’en dégager
un récit le plus proche possible de la vérité historique. Henri Bresc lui reproche tout de
même deux erreurs207 : la première, d’avoir, dans une analyse gramscienne, fait l’hypo-
thèse d’une récupération baronniale du mouvement populaire ; la seconde, de penser qu’il
y a eu « catalanisation » de l’île lors de l’installation des Aragonais. Sur le premier point,
Bresc précise qu’avant les Vêpres les barons étaient français et qu’après, il a fallu créer
une nouvelle classe baronniale, il ne pouvait donc pas y avoir de conjuration de barons
siciliens, puisqu’ils avaient été sortis de la scène sicilienne. Sur le deuxième point, l’his-
torien français assure que les Aragonais se sont rapidement « sicilianisés », et non l’in-
verse.

Dans son ouvrage, Tramontana donne beaucoup d’indications sur ses sources. Les
notes de bas de page sont extrêmement nombreuses comparées à celles du livre de Steven
Runciman qui les renvoie en fin de livre. Les styles entre les deux historiens universitaires
sont aussi très différents : Tramontana écrit dans un registre plutôt savant et difficile, par
thème, alors que Runciman s’efforce d’écrire pour un public plus large, de manière chro-
nologique et fluide. L’un s’apparente à un essai, l’autre à un récit historique.

Sur la question de la conspiration ou de la révolte spontanée, aussi bien Runciman


que Tramontana, n’écartent pas un complot mené par Giovanni da Procida. Dans un cha-
pitre titré « La grande conspiration » qui traite de manière détaillée des entreprises de
Giovanni da Procida, même si l’historien britannique pense que quelqu’un d’autre, peut-

205
Salvatore TRAMONTANA, Gli anni del Vespro : l’immaginario, la cronaca, la storia, op. cit.
206
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIIIe siècle,
op. cit.
207
Henri BRESC, « Salvatore Tramontana, Gli anni del Vespro. L’immaginario, la cronica, la storia », An-
nales. Économies, sociétés, civilisations, n° 6, 1992.

LES VÊPRES SICILIENNES - 74


être son fils, agissait en son nom, il écrit208 de manière affirmative sa conviction qu’un
complot a précédé les Vêpres :

Il est certain que des agents aragonais travaillèrent dans l’île. Il est
certain que des armes y furent introduites clandestinement. Il est éga-
lement certain que les conspirateurs furent en contact étroit avec
Constantinople, dont ils reçurent de l’argent et la promesse d’en re-
cevoir davantage si tout se passait selon le plan établi.

Tramontana209 dit, à propos de Procida, quelque chose de différent :

Infatti se le cronache di Ramon Muntaner et di Bernat Desclos, che


rispecchiano l’atteggiamento della Corona d’Aragona, non accen-
nano, per ovvi motivi, a Giovanni da Procida ed alla sua congiura,
Guillaume de Nangis, nella Vita di Filippo III dice esplicitamente,
anche se con l’evidente scopo di giustificare l’intervento francese
contro i catalani, che […] re Pietro era in continui contatti con con-
giurati isolani e che la rivolta coincideva col rientro in Palermo di
fuorusciti che avevano a lungo soggiornato nella reggia di Barcel-
lona.xliii

Ce point de vue le rapproche d’Amari qui ne considère pas comme fiables, à l’in-
verse de Runciman, les affirmations dans le Rebellamentu210, l’Itinerarum211 ou le De
casibus virorum illustrium212.

Le XXe siècle, comme par le passé, a aussi eu ses auteurs de romans historiques
qui ont trouvé dans les Vêpres un gisement facile. Dans le style « cape et épée », le Sici-
lien Luigi Natoli213, auteur de nombreux romans de ce style, écrivit Il Vespro siciliano,
roman populaire mais qui n’eût pas l’énorme succès des Beati Paoli parus peu auparavant.
Le roman fut publié en feuilleton sous le pseudonyme de William Galt, en 1911, sur le
Giornale di Sicilia, puis imprimé en 1915 par la maison d’édition La Gutenberg, à

208
Steven RUNCIMAN, Les vêpres siciliennes : une histoire du monde méditerranéen à la fin du XIIIe siècle,
op. cit. p. 200-201
209
Salvatore TRAMONTANA, Gli anni del Vespro : l’immaginario, la cronaca, la storia, op. cit. p. 118-119
210
ANONYME, Il Vespro Siciliano : Cronaca siciliana anonima intitolata Lu Rebellamentu di Sichilia, Ca-
tania, Giacomo Pastore, 1882, trad. de Pasquale CASTORINA.
211
Francesco PETRARCA, Itinerarium Syriacum, op. cit.
212
Giovanni BOCCACCIO, « De Carolo Siculorum rege », dans De casibus virorum illustrium, op. cit.
213
Luigi NATOLI, Il Vespro siciliano, Palermo, La Madonnina, 1951.

LES VÊPRES SICILIENNES - 75


Palerme. Pour Gabriele Montemagno 214 , auteur d’une biographie de Natoli et époux
d’une de ses petites-filles,

è sicuramente la sua opera più importante, che era piaciuta molto a


Sciascia. Un libro rigorosamente storico, che sgorga di passionalità.
Non si può parlare né di romanzo popolare, né di romanzo storico. Si
tratta invece di un dramma romantico dei sensi, in cui domina la ri-
volta del popolo e la sua presa di coscienza, e dal quale si può rica-
vare la natura di repubblicano vero di Natoli.xliv

Ce que confirme Francesco Giunta215 :

Metteva a frutto questa sua conoscenza storica a servizio del suo


amore per l’avventura. Fu, infatti, una caratteristica dei romanzi del
Natoli quella di poggiare su una valida e cattivante struttura storica,
che richiamava personaggi, ambienti e paesaggi ricreati con apprez-
zabile maestria.
Né a questa regola sfugge il romanzo “Il Vespro siciliano”, nel quale
il tessuto storico portante è riscostruito con abilità e con tutti gli in-
gredienti del mestiere. […]
In realtà, mi sembra che in questo romanzo lo storico preoccupato di
richiamare dai documenti il “buono stato e della libertà” della Sicilia,
prenda, più spesso che in altri, la mano del romanziere.

Natoli, dans ce roman d’aventure, marche sur les pas de Michele Amari : Gio-
vanni da Procida est écarté de la distribution. Le style narratif est vif : beaucoup de dia-
logue, des paragraphes courts, de manière à maintenir une tension forte. Les descriptions
sont minutieuses sans être ennuyeuses : Natoli s’ingénie à revenir à l’étymologie des
noms de lieux, sans être professoral, si bien qu’on s’habitue à cette Palerme de 1282 aux
balate luisantes et glissantes.

L’autre écrivain qui reprend totalement la thèse d’Amari est Oreste Lo Valvo216
qui publia en 1939 Il Vespro siciliano. Oresto Lo Valvo était un avocat palermitain, qui
ne cachait pas son patriotisme virulent que l’on retrouve dans le titre complet du livre de
1939 : Il vespro siciliano: guerra di redenzione contro l'aborrita dominazione francese,

214
Interview de Salvatore FERLITA, « Natoli, uno scrittore prolifico e sconosciuto », La Repubblica, 2012.
215
Francesco GIUNTA, « Introduction », dans I Vespri Siciliani, Palermo, Flaccovio, 2010. Francesco
Giunta (1924-1994) était un historien sicilien spécialiste du Moyen Âge.
216
Oreste LO VALVO, Il vespro siciliano, Palermo, Industrie riunite editoriali siciliane, 1939.

LES VÊPRES SICILIENNES - 76


narrata al popolo italiano [Les vêpres siciliennes : guerre de libération contre la détestée
domination française, racontée au peuple italien]. Dans sa préface, l’auteur écrit :

Pertanto, con questo libro, pur facendo tesoro dell'opera dell'Amari,


si narra al popolo, con semplice e nuda verità, il Vespro Siciliano, del
quale le nuove generazioni sanno ben poco, mentre i vecchi, tuttavia
superstiti, ebbero viva sensazione del secolare avvenimento nel 31
marzo 1882, quando se ne celebrò in Palermo il VI Centenario.xlv

Dans l’avertissement aux lecteurs, Lo Valvo, tout en reconnaissant d’immenses


mérites à Amari, prévient que ses livres sont difficiles pour le grand public et plutôt écrits
pour des spécialistes. C’est pour cela que son roman n’est, en quelque sorte, qu’une vul-
garisation des travaux de l’historien, parce que le lecteur, « avec le temps qui fuit, lit pour
saisir tout de suite, sans se fatiguer et, si possible, avec délectation et satisfaction ».

Plus loin, dans une deuxième introduction intitulée « but du livre », Lo Valvo pré-
cise qu’en temps de guerre, ceux qui n’ont plus l’âge de prendre les armes, doivent spiri-
tuellement se mobiliser pour combattre, autrement dit, que les événements à venir

richiedono un'efficace e attiva propaganda che tenga desti gli spiriti,


che ben disponga gli animi a credere e ad obbedire, non ciecamente,
ma nella piena consapevolezza delle giuste cause. […]
A tal fine con questo libro si vuol fare opera utile col divulgare la
Storia del Vespro Siciliano, che pur riferendosi ad un fatto lontanis-
simo viene ad essere di sorprendente attualità.xlvi

Les Vêpres de Michele Amari avaient l’objectif de forger une conscience natio-
nale à des peuples italiens jamais réunis en nation, celles d’Oreste Lo Valvo de puiser
dans la révolte de 1282 un modèle pour combattre les ennemis de 1939, dont faisait partie
la

Francia di oggi che, dopo circa sette secoli, conserva e adotta i me-
desimi sistemi di oppressione, di prepotenza e di crudeltà nel gover-
nare i popoli soggetti, con accresciuta sete di denaro, con maggiore
forsennato senso di avarizia, con assoluta incomprensione di ogni
senso di equità, di umana e civile giustizia sociale.xlvii

Le ton est résolument antifrançais. Le reste de l’introduction se poursuit rappelant


ce qui oppose les deux pays depuis le début du siècle, et notamment cette « victoire mu-
tilée » lors de la paix de Versailles en 1919. Les griefs et les ressentiments rongent la

LES VÊPRES SICILIENNES - 77


plume de l’avocat palermitain et dans son esprit, il y fusion entre le cruel Charles d’Anjou
et la France de toujours.

Pour le reste, son récit des Vêpres siciliennes est une copie de l’œuvre d’Amari,
dans un langage plus abordable et clair, à travers lequel il insiste sur « la mala signoria ».

LES VÊPRES SICILIENNES - 78


C ONCLUSION
À travers ce qui précède, nous constatons que les Vêpres siciliennes ont eu une
portée internationale dont les conséquences sont mesurables dans le temps. La Sicile, au
carrefour des chemins de la Méditerranée, a été une terre convoitée avec acharnement.
Quand Charles d’Anjou se battait pour la récupérer, c’est bien parce que sans la Sicile,
les autres terres qu’il convoitait en Méditerranée orientale devenaient secondaires. Quand
Pierre d’Aragon s’y faisait sacrer roi, c’est aussi pour en faire la base du futur royaume
étendu qu’il ambitionnait d’établir.

Mais cela n’était pas nouveau. Pour les empereurs allemands, et avant eux les rois
normands, la Sicile représentait cette terre à partir de laquelle tout pouvait se conquérir.
Y compris le reste de l’Italie. Débarquant à Palerme, Goethe affirmait que l’île est « la
chiave di ogni cose » [la clef de toute chose]217.

Le soulèvement des Vêpres ne fut pas sans conséquences. Il entraîna un long con-
flit, vingt ans, et des batailles qui durèrent au-delà, jusqu’à ce qu’un souverain prenne les
deux trônes pour n’en faire qu’un.

Ces Vêpres, encore aujourd’hui questionnent les chercheurs. Que s’est-il vraiment
passé ? Comment est-ce arrivé ? Pour l’heure, en l’absence de nouvelles sources, chacun
s’oblige à émettre des hypothèses, ou des certitudes ! Pour les uns, il fallait un organisa-
teur, ils en sont certains et s’appuient sur les sources qui le confirment. Pour les autres,
c’est un mouvement spontané, et eux aussi ont les fonds documentaires qui conviennent
pour l’affirmer. Il en est qui pensent savoir, parce que, Siciliens eux-mêmes, ils « savent »
les emportements de leur peuple218. Pourquoi pas ? Peut-être la réponse se cachait-elle au
milieu des centaines de milliers de documents de l’administration angevine brulés à
Naples pendant les bombardements de la deuxième guerre mondiale ?

Les Vêpres, avec toutes ces incertitudes, ont servi de modèle. Le nom fut un ca-
deau offert à bien des combats. Des historiens siciliens l’ont porté en étendard dans leur

217
Giuseppe BARONE (éd.), Storia mondiale della Sicilia, Bari, Laterza, 2018, introduction de Giuseppe
Barone.
218
Leonardo SCIASCIA, Mots croisés, Paris, Fayard, 1985, p. 23. « […] parmi toutes les raisons qu'il
[Amari] produit pour repousser l'existence d'une conjuration […], la plus convaincante reste à mes yeux
celle qu’il donne en tant que Sicilien connaissant les Siciliens. C’est-à-dire que rien de préparé, rien qui ne
requière l’accord de plusieurs personnes, ne peut réussir en Sicile. »

LES VÊPRES SICILIENNES - 79


lutte pour l’unité du pays. Ces Vêpres ont exalté le peuple et leurs dirigeants afin qu’ils
hissent un même drapeau des Alpes aux Madonies. « Michel Amari reconnaît, écrit Scias-
cia, par-delà son œuvre d’historien, que les mythes historiques sont plus utiles que l’his-
toire elle-même – en admettant qu’il puisse y avoir une histoire pure, objective, scienti-
fiques. »219

Mais les Vêpres c’est aussi une certaine idée de la liberté. Quand les Palermitains,
et juste après les Corléonais se soulevèrent, ils n’étaient certainement pas dans leur inten-
tion de fonder une grande nation italienne. L’idée même d’une Italie en tant que pays
n’avait aucun sens à ce moment-là.

La première intention qui leur vînt était de créer une commune libre. Ce qu’ils
firent. « Avec une vivacité et une violence qu’on ne revit jamais, ils tentèrent de boule-
verser leur destin, de se rendre leur dignité. »220 Et cela même fait douter qu’un plan con-
certé au bénéfice du roi d’Aragon fût exécuté ce 30 mars 1282 à vêpres. Cette commune
libre de Palerme a existé. Elle s’est associée à la commune libre de Corleone, et de cette
union serait né le drapeau sicilien que nous connaissons aujourd’hui. Deux triangles rouge
et jaune, aux couleurs des deux villes, superposés de manière à former un rectangle ; au
centre la triscèle formée de trois jambes, et au milieu d’elle, la tête de gorgone. Comme
pour le mot « Antudo », les sources manquent, mais la légende est belle qui offre à ce
drapeau une date de naissance que ne confirme aucun chercheur sérieux, mais que tout le
monde reprend.

La révolution de Palerme a été trahie. Face à la tempête qu’elle a déclenchée, il


fallait que les Siciliens trouvent un protecteur. Ce fut le roi d’Aragon. C’est ainsi que les
communes libres qui s’étaient libérées du poids d’une monarchie, retombaient entre les
mains d’une autre monarchie. Quand Palerme et Corleone se furent émancipées dans le
sang des Français, elles appelèrent les autres villes à en faire de même. Le Catalan Bernat
Desclot, dans sa Cronica du XIIIe siècle, retranscrit la lettre des Palermitains aux habitants
de Messine221 :

219
Leonardo SCIASCIA, Mots croisés, ibid., p. 23.
220
Ibid. p. 31.
221
Jean-Louis GAULIN (éd.), Villes d’Italie : Textes et documents des XIIe, XIIIe, XIVe siècles, Lyon,
Presses universitaire de Lyon, 2005.

LES VÊPRES SICILIENNES - 80


Aux gentils et nobles barons et à toute la communauté de Messine,
salut et amitié éternelle. Nous vous faisons savoir que, avec la grâce
de Dieu, nous avons repris notre terre et toutes ses contrées aux ser-
pents vorace qui nous engloutissaient, nous et nos enfants, et nous
tourmentaient jour et nuit, tirant le lait des mamelles de nos femmes
et les dévorant sans merci et très cruellement. Nous vous prions, nos
frères et amis intimes, de jeter de votre ville les serpents épouvan-
tables et que vous soyez nos compagnons fort et hardis dans la lutte
contre le grand dragon. Le temps est venu : Dieu envoie Moïse à pha-
raon pour libérer Israël de sa captivité et de son pouvoir. Le temps
est venu ou ce même Moïse qui devait délivrer les fils d’Israël est
venu nous délivrer, alors que nous étions perdus à cause de nos pé-
chés. Dieu le Père tout-puissant tout miséricordieux a pris pitié de
nous. Levez-vous, ne vous endormez pas, dressez-vous dans le com-
bat contre les serpents cruels !

Ce qui enthousiasma les Messinois, dit encore le chroniqueur médiéval, qui à leur
tour chassèrent les Français.

La guerre que se firent les monarques pour reprendre la Sicile, les lourds manteaux
royaux qui couvrirent l’île de leur magnificence, occultèrent cette courte période de li-
berté. Ce moment de folle liberté où les citadins des villes créèrent une fédération, si-
gnaient devant notaire leurs engagements à s’entraider.

Par la suite, en 1647 puis en 1848, Palerme se libéra de ses tutelles et s’offrit
quelques temps de liberté. Ces révolutions n’eurent pas l’heur de la Révolution française.
Constamment, Palerme retombait sous une domination étrangère, plus ou moins détes-
table.

Nous n’avons pas, dans ce mémoire, étudié cette période où Palerme s’est consti-
tuée en commune libre. C’est une piste de recherche qui, en soi, mérite un travail spéci-
fique. Cette courte période va du lendemain de la révolte, dans les tout premiers jours
d’avril 1282, jusqu’à l’arrivée de Pierre d’Aragon le 30 août, qui met fin à l’expérience
républicaine. Cinq mois pendant lesquels les villes libres fédérées voulurent, en vain, se
mettre sous la protection du pape Martin IV. Lors de sa légation en France, avant de
monter sur le trône pontifical, le futur pape avait mené les négociations pour donner la
couronne de Sicile à Charles d’Anjou. Il n’allait pas, maintenant qu’il était à la tête de la
Chrétienté, reconnaître une république qui avait refoulé son protégé. D’autant plus qu’il
était assis sur le siège de saint Pierre grâce à un coup de force de Charles Ier. Ces

LES VÊPRES SICILIENNES - 81


communes libres, à peine nées, devaient faire face à l’hostilité de tous. Les premiers as-
sauts de Charles contre Messine avaient commencé. La seule solution pour survivre sans
capituler, ce fut de se donner à l’Aragon.

Ces cinq mois perdus dans les limbes de l’histoire ont peu intéressé les historiens.
Probablement parce que peu de sources sont à notre disposition pour en retracer les évé-
nements au quotidien. On connaît, à travers les chroniques des contemporains, les faits
les plus importants. En les analysant on pourra écrire l’histoire de ces cinq mois de répu-
bliques fédérées autour de Palerme.

Le présent travail s’est surtout concentré sur les conséquences des Vêpres sici-
liennes, à la fois politiques, littéraires et artistiques. Si dans l’introduction nous nous
sommes attachés à présenter la Sicile et ses composantes au XIIIe siècle, le premier cha-
pitre nous a permis de mesurer l’impact de la « Guerre des Vêpres » sur l’Italie et les
États voisins, de constater qu’elles ont engendré l’effondrement d’une dynastie et ren-
forcé une autre.

L’étude des textes, depuis les contemporains des Vêpres jusqu’au XVIIIe siècle,
nous a montré cette permanence de l’événement dans l’histoire devenu une référence pour
de nombreuses luttes partout dans le monde. La lecture des sources a, par ailleurs, permis
de constater que, lors de la révolte des Vêpres, le mot « Antudo », semble n’avoir jamais
été prononcé. Il est pourtant beaucoup utilisé aujourd’hui par des groupuscules indépen-
dantistes ou autonomistes siciliens, il est le titre d’une pièce de théâtre, un journal sur le
web s’appelle Antudo, et même des travaux de chercheurs parlent de son historicité, sans
jamais, toutefois, donner de références.

La fin de notre travail a porté sur le siècle du Risorgimento où, avec force, en
Italie, les Vêpres siciliennes sont devenues une sorte d’étendard derrière lequel mar-
chaient toutes les forces qui combattaient pour la constitution de la nation italienne. Nous
avons ainsi vu comment l’historien Michele Amari a fait de l’émeute sicilienne une arme
de guerre pour les tenants d’une Italie unifiée. Les deux siècles derniers ont transformé la
révolution médiévale en un combat universel contre l’injustice et l’absolutisme que ré-
sume parfaitement Luigi Natoli dans son roman de cape et d’épée Les Vêpres siciliennes.

LES VÊPRES SICILIENNES - 82


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LES VÊPRES SICILIENNES - 92


A NNEXES
Annexe 1

Les auteurs des XIIIe et XIVe siècles


qui font références aux Vêpres 222 :
Anonyme sicilien : Cronica Sicilie.
Anonyme sicilien : Lu rubellamentu di Sichilia.
Anonyme toscan : Liber Jani de Procida et Palialoco.
Anonyme modénais : Leggenda di Messer Gianni di Procida.
Bartolomeo da Neocastro (Messine, ? – 1294/1295) : Historia sicula.
Bernat Desclot (Catalan, ? – 1288) : Cronica.
Brunetto Latini (Florence, 1220 circa – 1294) : Li livres dou Tresor.
Dante Alighieri (Florence, 1265 –Ravenne, 1321) : La Divine Comédie.
Francesco Petrarca (Arezzo, 1304 - Arquà, 1374) : Itinerarum Syriacum.
Francesco Pipino (Bologne, 1270 circa – Bologne, après 1328) : Chronicon ab anno
MCLXXVI usque ad annum circiter MCCCXIV.
Giovanni Boccaccio (Toscan) : Decameron, De casibus virorum illustrium.
Giovanni Villani (Toscan, 1276 – 1348) : Cronica.
Guglielmo de Nangis (Français, ? – 1300) : Chronicon.
William Rishanger (Anglais, 1250 circa – 1312 circa) : Chronica et annales regnantibus
Henrico Tertio ed Edwardo Primo.
Marin Sanudo l’Ancien (Venezia, 1270 circa – 1343 circa) : Istoria del Regno di
Romània.
Ramon Muntaner (Peralada, 1265- Ibiza,1336) : Cronica.
Ricordano Malispini (Florence (?), 1220 circa – 1290 circa) : Istoria Fiorentina.
Salibene de Adam (Parme, 1221 – Montefalcone, 1288) : Cronica.
Tolomeo da Lucca (Lucques, 1236 – Torcello, 1327) : Historia ecclesiastica a nativi-
tate Christi usque ad annum circiter MCCCXII.

222
Liste non exhaustive.

LES VÊPRES SICILIENNES - 93


Annexe 2

Représentations graphiques des Vêpres

Cette gravure de Pierre La-


cour représente la scène où
le soldat Drouet « fouille »
la jeune femme. La scène
se passe devant la cathé-
drale de Palerme qu’on re-
connaît assez bien. La ville
derrière ressemble davan-
tage à la Toscane qu’à la
Sicile. Le soldat français
est richement habillé, alors
que la jeune femme à l’air
d’une citadine. L’homme à
l’arrière, habillé en paysan,
est sous le choc. C’est la
seule fois où un artiste
montre ce moment-là. Le
sein dénudé indique le ni-
veau de violence.
Figure 1. Pierre Lacour, 1830

Les « Vêpres » d’Hayez


sont les plus célèbres re-
présentations de
l’émeute. Il s’agit ici du
3e tableau du peintre sur
ce thème. Le soldat
Drouet est au sol, touché
par l’épée. La jeune
femme a le sein nu. Ce
sein est une allégorie de
l’Italie, mère nourricière
et outragée par l’étran-
ger. Derrière la jeune
femme, un homme ha-
rangue la foule avec un
poignard : « mort aux
Français » semble-t-il
Figure 2. Francesco Hayez, 1846
crier. La scène se passe
derrière l’église qui a
peu de ressemblance
avec l’église Santo-Spi-
rito. Tout semble figé.

LES VÊPRES SICILIENNES - 94


La gravure de Désirée Laugée nous
montre la scène devant la cathé-
drale de Palerme. Il n’y a pas foule.
Un petit groupe de femmes, dont la
jeune femme violentée évanouie,
occupe la gauche de la gravure. À
droite, Drouet est au sol l’épée en
main. Le paysan à genoux devant
lui vient s’apprête à frapper avec
une sorte de fléau. Tout au fond,
quelques hommes brandissent des
outils de campagne. La scène paraît
trop vide pour signifier le début
d’une émeute. Comme chez Hayez,
tout est trop figé.

Figure 3. Désirée Laugée, 1889

Le buste de Giovanni da Procida


dans les jardins du Pincio, à Rome.
La jeune Italie du début du Risorgi-
mento a tenu à honorer « l’auteur
des Vêpres siciliennes », au grand
dam de Michele Amari. Mais cer-
tainement que l’œuvre de Verdi a
pesé plus lourd que les recherches
de l’historien.

Figure 4. Statue de Giovanni da Procida, jardins du Pincio, Rome.

LES VÊPRES SICILIENNES - 95


Devant cette
œuvre de Michele
Rapisardi on est
comme à l’opéra :
devant les solistes,
derrière le groupe
des chœurs. Il y a
un peu plus
d’émotion et de
mise en scène que
chez Hayez. L’ac-
tion se déroule au
moment où le sol-
dat Drouet va être
transpercé de sa
propre épée.
Figure 5. Michele Rapisardi, 1865.

Dessin de Roberto
Focosi pour le livret des
Vêpres Siciliennes de
Verdi. Sans beaucoup
d’originalité, l’artiste re-
présente une scène de
l’opéra : le gouverneur
Montfort, Arrigo, la du-
chesse Hélène et le mé-
decin Giovanni da Pro-
cida, dans l’acte IV où
Arrigo demande la main
de la duchesse.

Figure 6. Roberto Focosi, 1855.

Cette gravure de B.
Console est tout en
mouvement. Ce sont les
épées qui donnent la di-
rection et dessinent
comme une ligne d’hori-
zon qui descend sur le
soldat Drouet déjà à
terre. La jeune fille ou-
tragée est évanouie dans
les bras de son mari qui
tient l’épée vengeresse.

Figure 7. B. Console, artiste graveur. Autour de 1900.

LES VÊPRES SICILIENNES - 96


Le surréaliste Stanislao
Lepri représente les
Vêpres par deux
femmes âgées, sortant
de l’église, avec un vi-
sage de mort.
Ces deux femmes res-
semblent à des momies
des catacombes capu-
cines de Palerme. Les
vêtements flottent sur
leur corps desséchés.

Figure 8. Stanislao Lepri, 1975.

LES VÊPRES SICILIENNES - 97


L’affiche du ro-
man de Luigi Na-
toli. Le dessin
évoque le mystère,
bien plus que
l’émeute.

Dans les années cin-


quante, l’industriel
Liebiz offraient des
imagettes des grands
Figure 9. La Gutenberg. Couverture du roman moments de l’histoire
de W. Galt (Natoli), 1915 italienne.

Figure 10. Imagette Liebig, 1954

LES VÊPRES SICILIENNES - 98


Figure 11. Bruno Caruso, 1982.

Le dessinateur Bruno Caruso a illustré une réédition de Racconto popolare del


Vespro siciliano, de Michel Amari. La scène très expressionniste de l’assassinat
du soldat Drouet. La jeune femme, derrière son mari, a peur tandis qu’un enfant,
tient une pierre dans sa main, seule arme à sa portée, prêt à frapper les Français.
À l’arrière-plan, vient les rejoindre un groupe d’hommes et de femmes. Le pre-
mier d’entre-eux a déjà dégainé son poignard. La scène est très colorée, le pay-
sage est typiquement sicilien. Le soleil est couchant. C’est l’heure des vêpres.

LES VÊPRES SICILIENNES - 99


T RADUCTIONS

i
… la Lombardie sicilienne, villages lombards de la Sicile… De belles villes comme Aidone, Piazza Ar-
merina, Nicosia : ce sont celles où s’est formé un caillot de groupes ethniques lombards. Mais belles sont
aussi Enna, Caltagirone, Scicli : Enna avec son château de Lombardie, Caltagirone qui marque son hôtel
de ville d’un écusson de Gênes ; Scicli qui vénère saint Guillaume, villes, en somme, dont l’histoire s’en-
richit de la contribution des hommes du nord…
ii
L’événement phare qui marqua définitivement l’histoire de Corleone et qui lia indissolublement le destin
des Lombards de Corleone aux autres habitants de l’île, en particulier de Palerme, fut leur adhésion immé-
diate et spontanée à la révolte des Vêpres.
iii
[…] c’est certainement une chose admirable de voir comment la révolution sicilienne de 1820 […] les
séditions advenues en 1837 […], puis en 1848 […] et enfin en 1860 […] se trouve constamment dans les
proclamations officielles des comités et des gouvernements la mention de Giovanni da Procida comme le
plus fameux conspirateur et partisan de la révolution de 1282, dite poétiquement et populairement révolu-
tion des Vêpres […].
iv
l’importance du sujet est ensuite prouvée par l’intérêt qu’il a suscité dans le champ artistique, et en par-
ticulier dans la peinture et la musique.
v
Le son de chaque cloche sonne les Vêpres
vi
Moi et mes compagnons sommes joyeux de combattre aux côtés des fils des Vêpres.
vii
Ils firent pire aux Français que les Palermitains, et les Français trouvèrent la mort en très grand nombre.
viii
Mais avec les Vêpres, la question sicilienne devenait un problème international dont la résolution sem-
blait subitement intéresser les États de tout l’Occident méditerranéen, directement ou indirectement remis
en question par l’antagonisme arago-angevin.
ix
Les champs étaient plein de morts et on combattait encore. Conradin était au premier rang : on aurait dit
un archange qui foudroyait ses ennemis. Mais on ne percevait pas l’espoir d’une victoire, sauf en mourant ;
et le jeune roi voulait mourir.
x
C’est l’histoire du lent suicide de la plus grande idée du Moyen-Âge : la monarchie universelle de la
papauté.
xi
S’y ajoute mille sarrasins de Lucera, avec fantassins et chevaux de Florence et d’autres cités guelfes de
Lombardie et de Toscane ; les Français, entre vassaux et engagés, furent le nerf de l’armée. Gênes et Pise
envoyèrent des galées.
xii
Les origines des Vêpres, au moins pour ce qui est de ses motivations internes, […] doivent donc se situer
plus avant dans le temps : à l’époque de Frédéric II, dont l’inflexible lutte contre les abus bouleversa les
pouvoirs déjà fortement enracinés dans le royaume et, avec encore plus de bien-fondé, durant les années de
Manfred, quand à un baronnage de nouveau en expansion fut opposé l’avide politique ‘d’expropriation’ de
la part des nobles ‘lombards’ (les Lancia et leurs partisans), qui avec leur action éloignèrent les sympathies
de Manfred, alors que dans un premier temps ils avaient montré leur classe nobiliaire régnicole à l’égard
du jeune souabe.
xiii
En considération des grands mérites de Giovanni da Procida…, je le nomme Chancelier du royaume de
Sicile, durant toute sa vie.
xiv
[Les fonds de Naples] ont subi des pertes lors du dernier conflit mondial, dans des lieux et à des moments
différents. Au siège central, près du port, tombèrent des bombes et des engins incendiaires et même, après
l’explosion d’un bateau de munitions, des tôles enflammées, qui provoquèrent l’incendie et la totale des-
truction des dépôts du dernier étage d’une aile du bâtiment. Le bombardement du 4 août 1943 détruisit à
moitié l’édifice de Pizzofalcone et emporta dans ce ravage toutes les écritures. Le dernier et plus grave
désastre se produisit au dépôt de sécurité de la villa Montesano, dans le Nolano, près de San Paolo Bel Sito,
où avait été transportées les séries les plus précieuses, quand on ne supposait pas que la guerre se serait
transportée sur le territoire national : en septembre 1943 les troupes allemandes en retraite mirent le feu qui

LES VÊPRES SICILIENNES - 100


détruisit l’édifice et son précieux contenu. Encore aujourd’hui il est impossible de faire un bilan précis des
pertes.
xv
Du reste le style est toujours ampoulé, prolixe, et à la fois obscure […] Toutefois, nonobstant ces défauts,
il demeure un des historiens les plus importants pour ce qui regarde les événements en Sicile durant la
rébellion des fameuses Vêpres.
xvi
Un jeune homme s’appropria de l’épée de Drouet, le blesse aux flancs, et déjà les entrailles s’échappent.
On ignore vraiment qui fut l’auteur de l’homicide, qui fut l’agresseur ; les jeunes, les armes manquantes,
se saisissent de pierres ; le peuple gronde.
xvii
Encore à Cépéran, là où trahit / chaque Apulien, et près de Tagliacosse / où le vieil Erard sans armes
vainquit. [Il s’agit des batailles de Bénévent et de Tagliacozza, après lesquelles les Français s’installèrent
dans le sud de l’Italie.]
xviii
Charles en Italie vint et, pour réparer, / fit de Conradin sa victime ; et puis / renvoya au ciel Thomas,
pour réparer. [Dante fait allusion à l’exécution de Conradin, puis à la rumeur de l’empoisonnement de saint
Thomas d’Aquin par Charles d’Anjou.]
xix
Là tout près il y a Procida, une petite île, mais où naquit un grand homme, Jean qui sans craindre la
couronne de Charles, et se souvenant des graves blessures, osa enlever la Sicile au roi et aurait fait plus s’il
avait pu.
xx
[…] il arriva, suite à l’honneur bafoué de l’épouse de Giovanni da Procida, un aristocrate d’une rouerie
extrême, que celui-ci supporta si mal l’affaire qu’il tendit toutes les forces de sa volonté à nourrir un but
commun. Courant çà et là pendant deux ans, sans se faire connaître, en dépensant autant d’effort que de
sagacité, il fit partager la même opinion à tous les grands personnages de Sicile, à l’empereur de Constan-
tinople, au roi Pierre d’Aragon et au pape Nicolas. Et comme convenu, suite à une émeute soulevée le
même jour à Palerme, toute l'île se révolta contre les Français et les anéantit tous jusqu' au dernier pour
[venger] un seul homme.
xxi
« Celui-ci est Charles d’Anjou, que les sollicitations du Pape font entrer en Italie. Il y gagne deux ba-
tailles qui coûtent la vie à deux Rois, la première à Mainfroi, & la seconde à Conradin : mais les peuples
soumis ne pouvant plus supporter la tyrannie de leurs Maîtres, se révoltent contre les François dispersés
dans le pays, & le coup des Vêpres est le signal dont ils conviennent pour les égorger tous en un même
jour. » Roland Furieux, Poëme héroïque de l’Arioste, Traduction nouvelle par M***, tome troisième, Paris,
Barrois Libraire, 1758.
xxii
Lui succéda [le pape] Martin IV, lequel étant de nationalité française favorisa Charles d’Anjou, en faveur
duquel, Charles envoya ses gens en Romagne, qui s’était rebellée ; et, se trouvant au camp de Forlì, Guido
Bonatti, astrologue ordonna qu’à un signal donné par lui, le peuple prenne d’assaut l’armée de Charles, de
manière que tous les Français furent pris et tués. Dans ces temps-là, entra en vigueur l’affaire du complot
entre le pape Nicolas et Pierre, rois d’Aragon ; par lequel les Siciliens massacrèrent tous les Français qui
se trouvait dans cette île ; de laquelle Pierre se fit Seigneur, disant qu’elle lui appartenait pour avoir épousé
Constance, fille de Manfred. Mais Charles, en ordonnant à nouveau la guerre pour récupérer la Sicile,
mourut, et lui succéda Charles II, lequel dans cette guerre était resté en prison en Sicile, et pour être libre,
il promit qu’il retournerait en prison si, dans les trois ans, il n’avait pas obtenu du pape que les souverains
d’Aragon fussent investis du règne de Sicile.
xxiii
Des générations entières d’historiens se sont querellées pour établir si la guerre des Vêpres trouve son
origine dans une conjuration ou dans un soulèvement populaire, et si ce fut un événement positif. Tomasso
Fazello, qui au XVIe siècle écrivit une monumentale Histoire de Sicile, choisit la conjuration ourdie par
Giovanni da Procida.
xxiv
Le nom de Vêpres siciliennes, […] ne se lit chez aucun des 18 auteurs contemporains, […] ne se lit pas
chez les 20 ou 21 qui répètent le fait au XIVe siècle ; même pas chez les quatre compilateurs d’histoire
générale qui ont vécu dans la première moitié du XVe. Dans la seconde moitié trois compilateurs ne con-
naissent toujours pas cette dénomination […]. Un quatrième, lequel semble avoir écrit dans les dernières
années du XVe siècle […], nous donne chaque élément : conjuration, jour et heure fixés du massacre, et
l’heure c’est à vêpres ; « d’où elles s’appelèrent les Vêpres siciliennes et sont devenues proverbe » ajouta-
t-il.
xxv
dans toute l’Italie on ne parlerait pas autant des Vêpres si la Sicile ne les avait pas recommencées en 48,
recommencées cette fois pures de toute tache, et si elle ne les avait pas répliquées, encore plus belles et plus
glorieuses en 1860.
LES VÊPRES SICILIENNES - 101
xxvi
Comme S. Fodale l'a souligné à juste titre, lors de l'assemblée parlementaire tenue le 11 novembre 1295
à Palerme avec la participation des maires omnium terrarum et locorum Sicilie Frédéric d'Aragon, jus-
qu'alors lieutenant sur l'île de son frère Giacomo, « mieux que ses droits de succession, s'opposaient plus
efficacement la voluntas populi qui se manifestait et s'exprimait par le parlement et renvoyait aux Vêpres. »
xxvii
Antudo ! criaient les révolutionnaires durant les journées convulsives du printemps 1282 […]. La devise
[Antudo] et l’étendard furent levés aussi en mai 1647, durant l’insurrection armée […]. Environ cent
soixante-dix ans après, en 1820, Antudo fut le cri des mouvements dirigé contre les Bourbons qui venaient
à peine de proclamer la fin du Règne de Sicile. Le 12 janvier 1848, la même devise était hurlée à Palerme
[…].
xxviii
Cette entrée ou section sur l'histoire de l'Italie ne cite pas les sources nécessaires ou celles présentes
sont insuffisantes.
xxix
L’existence historique de ce mot est donc indiscutable ; et il a été employé pour indiquer l’esprit de
liberté des Siciliens, également en 1943, quand durant l’invasion anglo-américaine de l’île, comme en té-
moigne avec tant d’autorité l’honorable professeur Andrea Finocchiaro Aprile, chef et fondateur du MIS
(mouvement pour l’indépendance de la Sicile), dans son discours public à Partinico (Palerme) le 20 août
1944 ; comme en témoigne également le chercheur sicilien Francesco Paternò Castello, duc de Càrcaci
(page 37 de son livre LE MIS, édité à Palerme en 1977), pour lequel « les indépendantistes siciliens se
présentaient aux avant-postes anglo-américains qui occupaient la Sicile en 1943, déployant le drapeau si-
cilien portant la fatidique devise des Vêpres ‘ANTUDO’ »
xxx
enlève [à Procida] la gloire de la conjuration contre les Français, le couvre d’infamie d’avoir trahi les
Siciliens, et lui laisse seulement les cornes que lui a faites sa femme.
xxxi
Les vêpres siciliennes, qui construisirent peu de politiques et que beaucoup de rhétoriciens glorifient
encore comme un grand événement historique, alors qu’il fût le commencement de beaucoup de malheurs
et d’aucune grandeur.
xxxii
Les Vêpres comme réaction, les Vêpres qui ferment la porte à la France, pour l’ouvrir à l’Espagne, à
l’Inquisition, à la superstition, au sanfédisme, à tout ce qui est obstacle, mort et putréfaction dans l’histoire
européenne : les Vêpres ne révolutionnent pas, mais sont juste le contraire de la révolution.
xxxiii
Je m’occupe de Giovanni da Procida ; mais il me conviendrait de le condamner aux ténèbres et au
silence comme le Nabucco. Pourtant cela me console de me défouler en l’écrivant, et encourage mon âme
au milieu de tant de lâcheté des hommes et des temps.
xxxiv
Quant au Jean de Procida, moi je n’ai jamais cru que j’aurais pu avoir l’autorisation de le faire jouer.
xxxv
Si un Italien avait écrit cette tragédie il aurait été sifflé. Je cherche à venger la réputation de Procida
tellement malmenée par Delavigne.
xxxvi
[…] comme la dramaturge l’avait pressenti, elle ne fut pas bien accueillie par le public et la critique, et
elle fut immédiatement retiré de l’affiche.
xxxvii
Rossetti était encore plus tranchant dans ses jugements décousus sur la production littéraire de He-
mans, quand il en vint à s’occuper de son théâtre. Ayant à présenter Les Vêpres de Palerme, il confirme
son impression que sa poésie était faible et excessivement féminine. Ces failles, croit-il, ont été la cause de
l’échec de ses représentations quelques décennies plus tôt.
xxxviii
Hemans et Landon [une autre dramaturge], bien sûr, ont payé un prix pour leur célébrité… Pour le
public bourgeois des années 1820 et 1830, leurs noms étaient synonymes de la notion de poétesse, célébrant
le foyer et la maison, Dieu et la patrie dans des vers mélodieux qui savouraient le sentimental et qui taqui-
naient rarement quiconque en pensée. Il existe d'autres souches plus sombres dans leur production volumi-
neuse – un accent sur l'exil et l'échec, une célébration du génie féminin frustré, une omniprésence obsédante
de la mort – qui semblent subvertir le rôle qu'elles revendiquent et invitent à une reconsidération sophisti-
quée de leur travail.
xxxix
[sur] quelques doutes autour de choses, là [dans le livre d’Amari] narrées à propos de Procida.
xl
Il est inutile d’ajouter d’autres témoignages aux solennels et très sérieux de ces trois écrivains, le premier
desquels vivait dans le temps où est advenu le massacre des Français, et les deux autres qui naquirent peu
de temps après ce fait lointain.
xli
Finit la gloire de mon sang, et je dois ou pleurer de honte ou accepter la mort de mes plus chers… […]
Mais ce n’est pas le temps des affections privées. Que le père soit vaincu par le citoyen.
LES VÊPRES SICILIENNES - 102
xlii
J’estime nécessaire un roi puissant : que son épée soit son sceptre et son heaume sa couronne. Qu’il
ramène la concorde là où des volontés divisent ; qu’il soigne les blessures serviles de l’Italie et la recrée.
xliii
En fait, si les chroniques de Ramon Muntaner et de Bernat Desclos, qui reflètent l’attitude de la Cou-
ronne d’Aragon, ne citent pas, pour d’évidents motifs, Giovanni da Procida et sa conjuration, Guillaume de
Nangis, dans la Vie de Philippe III, dit explicitement, même si c’est dans l’évident but de justifier l’inter-
vention française contre les Catalans, que […] le roi Pierre était en continuels contacts avec les conjurés
insulaires et que la révolte coïncidait avec le retour à Palerme des exilés qui avaient longtemps séjournés
au palais royal de Barcelone.
xliv
c’est certainement son ouvrage le plus important, qui avait plu à Sciascia. Un livre rigoureusement his-
torique, duquel jaillit le caractère passionnel. On ne peut parler ni de roman populaire, ni de roman histo-
rique. Il s’agit au contraire d’un drame romantique des sens, dans lequel domine la révolte du peuple et sa
prise de conscience, et duquel on peut voir la nature de vrai républicain de Natoli.
xlv
Donc, avec ce livre, tout en faisant trésor de l’œuvre d’Amari, on raconte au peuple, avec une simple et
nue vérité, les Vêpres siciliennes, desquelles les jeunes générations connaissent peu de choses, alors que
les vieux, en tout cas les survivants, eurent une vive sensation du séculaire événement du 31 mars 1882,
quand on en célébra, à Palerme, le XIe Centenaire.
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ils réclament une efficace et active propagande qui tienne éveillés les esprits, qui dispose bien les âmes
à l’obéissance, pas aveuglément, mais dans la pleine conscience des causes justes. […] À cette fin, avec ce
livre, on veut faire œuvre utile en divulguant l’Histoire des Vêpres siciliennes, qui, même si elle se réfèrent
à un fait très ancien, sont d’une surprenante actualité.
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La France d’aujourd’hui qui, après environ sept siècles, conserve et adopte les mêmes systèmes d’op-
pression, d’arrogance et de cruauté dans le gouvernement des peuples sujets, avec une soif accrue d’argent,
avec un plus furieux sens de l’avarice, avec une absolue méconnaissance de tout sens de l’équité, d’humaine
et civile justice sociale.

LES VÊPRES SICILIENNES - 103

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