J. CHIR . ( PARIS), 1998, 135, N ° 1, P.
23-27 © M ASSON, PARIS, 1998
Techniques chirurgicales
Nœuds intracorporels sous laparoscopie
H. Mosnier, E. Husson
Service de chirurgie digestive, Hôpital des Diaconesses - Paris
e-mail : henri.mosnier@csi.com.fr
Correspondance : H. Mosnier, Service de chirurgie digestive, Hôpital des Diaconesses,F 75571 Paris Cedex 12.
Introduction
La maîtrise d’une technique fiable et rapide de suture
est indispensable à la réalisation d’interventions
complexes sous laparoscopie. Les nœuds intracorporels
offrent plusieurs avantages :
• la rapidité d’exécution, liée à l’absence
d’introduction répétée d’instruments et la possibilité de
réaliser plusieurs nœuds avec le même fil.
• l’utilisation de fils standards qui évite l’emploi de
systèmes extracorporels plus coûteux.
• un excellent contrôle du serrage, tant visuel que
tactile.
• la possibilité de sutures avec des fils très fins (dec 1,
voire moins).
Instrumentation et fils
L’instrumentation comprend :
• une pince fenêtrée rotative qui facilite la réalisation
des boucles successives ;
• un porte-aiguille qui doit avoir 2 caractéristiques :
– les mors doivent être courbes et
– la poignée permettre une rotation très ample du
poignet.
En pratique, nous utilisons le porte-aiguille de Szabo-
Berci (Storz*) qui a des mords comportant des stries
Mots-clés : Divers, technique laparoscopique,nœuds
23
perpendiculaires à l’axe du porte-aiguille ce qui permet en
début d’expérience un positionnement facile de l’aiguille.
Les deux instruments doivent former entre eux un
angle de 60° à 90°. L’axe du porte-aiguille doit être le
plus près possible de l’axe de la suture (par exemple
parallèle à la berge à suturer).
Tous les fils standards sont utilisables par laparoscopie.
Les fils sont introduits au travers d’un réducteur
cylindrique, afin d’éviter que l’aiguille ne se coince dans
la valve du trocart. Cette façon de faire protège
l’aiguille et le fil. La seule contrainte est d’utiliser une
aiguille qui puisse être introduite dans un réducteur de
10 en 5 mm. La taille maximum correspond à une
aiguille 1/2 cercle de 26 mm ou 1/3 cercle de 32 mm.
Nous raccourcissons les fils de 70 cm en fonction du
nombre de nœuds à réaliser. La longueur de fil à
introduire est mesurée en nombre de plis induits par
l’emballage. Les fils coupés à six plis à partir du point de
sertissage constituent la longueur maximale utilisable
sans difficulté majeure. Ils permettent la réalisation de
six nœuds (un nœud par pli).
Le fil est saisi à mi-longueur à l’aide du porte-aiguille,
préalablement inséré dans le réducteur. Le retrait du
porte-aiguille dans le réducteur, permet de protéger
l’ensemble du fil et l’aiguille et de l’introduire par un
trocart de 10 mm.
 Nœuds intracorporels sous laparoscopie
a b
1 Principes généraux.
Chaque nœud doit être composé d’au
moins quatre demi-clefs. Une demi-
clef est constituée par une boucle d’un
des deux chefs autour de l’autre qui est
dénommé « brin tracteur ». Il est
possible de changer le brin tracteur
d’une demi-clef, en appliquant une
tension au chef porteur de la boucle,
et en relâchant la tension appliquée à
24 l’autre brin.
2 Préparation du premier nœud.
1. Un à deux centimètres de fil
sont libres en amont du point d’entrée
initial ; cette portion de fil doit être
clairement visible et facile à saisir.
2. La pince à main gauche tient le fil
à 5 centimètres de son point de sortie ;
la partie du fil qui porte l’aiguille sort
à la partie externe de la pince ; au
besoin, la rotation de la pince permet
de corriger l’orientation du fil.
3. La partie du fil qui porte l’aiguille
est située sous la pince main gauche ;
le porte-aiguille est libre.
Les deux premières boucles sont
réalisées sur le même brin tracteur,
constitué par le chef porteur de
l’aiguille (fig. 1a). Elles constituent
donc un nœud coulant. Le sens de
rotation des boucles n’a pas
d’influence sur le blocage éventuel du
nœud. Seul le changement de brin
tracteur permet d’obtenir ce blocage.
Ainsi, les nœuds comportent
successivement deux demi-clefs ayant
3 Début de la première boucle.
Le premier temps est la réalisation
d’un U horizontal sur le chef de sortie.
Pour cela il faut enfoncer la pince
fenêtrée vers le point de sortie du fil.
La correction de l’axe de la boucle est
obtenue par la rotation de la pince
main gauche. Ce U horizontal a donc
une convexité qui regarde côté main
droite.
H. Mosnier et E. Husson
c
pour brin tracteur le chef porteur de
l’aiguille, une demi-clef ayant pour
brin tracteur la queue du fil (fig. 1b),
et à nouveau une demi-clef sur le brin
porteur de l’aiguille (fig. 1c).
Dans la description qui suit, nous
envisageons un opérateur droitier. La
main droite manipule le porte-
aiguille, la main gauche une pince
fenêtrée ou des ciseaux.
Début de la réalisation de la
4 première demi-clef.
Le porte-aiguille fermé réalise au
contact de la partie convexe du U à la
fois un mouvement hémi-circulaire
(flèche jaune) centré par la prise du fil
dans la pince fenêtrée et une rotation
axiale (flèche rouge).
La poursuite du mouvement
circonférenciel du porte-aiguille au-delà
du plan de la pince fenêtrée réalise la
boucle autour du porte-aiguille.
J. CHIR.,1998,135, N° 1
© MASSON, PARIS, 1998
Fin de la réalisation de la
5 première demi-clef.
Il faut ensuite saisir l’extrémité de la
queue du fil avec le porte-aiguille. Pour
éviter de serrer la boucle autour du
porte-aiguille, la pince à main gauche,
tenant toujours le fil, doit accompagner
le porte-aiguille vers la queue du fil.
Technique chirurgicale
Après avoir saisi la queue du fil avec
le porte-aiguille, il faut faire glisser la
boucle qui entoure celui-ci autour de la
queue du fil. Ce passage n’est pas
toujours aisé. La rotation du porte-
aiguille amenant la concavité des mors
en haut le facilite. Il faut éviter de serrer
la boucle autour du porte-aiguille,par
une traction sur le brin porteur de
l’aiguille. Il est parfois nécessaire de
reprendre le chef porteur de l’aiguille
avec la pince fenêtrée plus près du
porte-aiguille.
Il est inutile de serrer cette première
demi-clef, en particulier dans les sutures
sous tension : l’élasticité des tissus
suturés entraîne inéluctablement la
6 Réalisation de la seconde demi-clef.
La seconde demi-clef est réalisée de
façon identique à la première. Ces
disparition de la demi-clef à l’ouverture
deux demi-clef constituent un nœud
des pinces. Il est important de veiller au
coulissant, à condition qu’elles
placement de la queue du fil après cette
possèdent le même brin tracteur.
demi-clef, avant d’ouvrir le
Ce nœud coulant permet le serrage et
porte-aiguille qui la tient, pour qu’elle
le blocage temporaire de la suture
soit facile à saisir lors du temps suivant.
(nœud de Toupet), le temps du
blocage définitif par deux demi-clef
sur des brins tracteurs alternés.

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Au cours de ces différentes

Début du serrage.
7 Une fois la boucle passée autour de
la queue du fil, sans lâcher aucun des
deux brins, il faut successivement :
1. tendre le brin porteur de l’aiguille
tenu par la pince fenêtrée vers l’avant
du malade (le haut de l’écran) ;
2. à l’aide du porte-aiguille, serrer
modérément les deux demi-clef,
en tirant la queue du fil
perpendiculairement au brin
porteur de l’aiguille maintenu tendu
au zénith.
Cette manœuvre effectuée, le porte-
aiguille lâche la queue du fil.
Serrage des deux premières
8 boucles.
En maintenant la tension du brin
porteur de l’aiguille, serrer le nœud
coulant à l’aide du porte-aiguille,
appliqué non serré au dessus du
nœud, un mors de part et d’autre du
brin long tendu au zénith, la convexité
des mors vers le bas. Le serrage est
obtenu par un mouvement divergent
des deux instruments, la pince fenêtrée
maintenant la tension du brin porteur
de l’aiguille au zénith, le porte-aiguille
abaissant le nœud vers les tissus (le bas
de l’écran).
manœuvres, plusieurs incidents
peuvent survenir :
1. la pince fenêtrée glisse sur le fil
tendu au zénith. Un mouvement de
rotation d’un demi-tour de la pince
augmente la solidité de la prise ;
2. la pince fenêtrée tient le fil trop
loin du nœud et la tension du chef
porteur de l’aiguille est insuffisante.
Il faut alors replacer la pince ;
3. le serrage des deux demi-clefs est
insuffisant souvent du fait d’une suture
sous tension, et le nœud se desserre.
Il faut alors recommencer la manœuvre
de serrage en augmentant la tension des
demi-clefs voire effectuer une troisième
demi-clef sur le même brin tracteur.
 Nœuds intracorporels sous laparoscopie
Déblocage du nœud.
9 Malgré les précautions prises,le
nœud peut se bloquer. Cela est lié au
fait que les deux demi-clefs ont des
brins tracteurs différents, c’est à dire
que l’une possède comme axe le brin
long, et l’autre le brin court. Cette
situation fréquente peut être résolue
simplement. A l’aide du
porte aiguille, il faut saisir le brin
porteur de l’aiguille en dessous du
nœud, en serrant le porte-aiguille.La
pince fenêtrée tient le même brin au
dessus du nœud. Il est souvent utile de
la replacer plus près du nœud. Il faut
26 alors appliquer une forte tension au fil,
par un mouvement divergent des deux
pinces. Cette tension a pour effet de
transformer la demi-clef constituée par
une boucle du brin porteur de l’aiguille
autour du brin court en l’inverse : une
boucle du brin court autour du chef
porteur de l’aiguille, comme l’autre
demi-clef. Un ressaut indique le
changement de brin tracteur de la
demi-clef. Ce nœud coulant peut alors
être serré comme nous l’avons décrit
plus haut.
Blocage des deux premières
10 demi-clefs.
Il est réalisé par deux demi-clefs
successives, la première ayant pour
brin tracteur la queue du fil, et la
seconde le chef porteur de l’aiguille. La
réalisation des boucles est identique à
celle décrite plus haut.
La première demi-clef de blocage est
serrée en tendant la queue du fil, tenue
dans le porte aiguille vers le haut de
l’écran, et en amenant le chef porteur
de l’aiguille vers le bas de l’écran. Il
faut veiller à ne pas tirer trop tôt sur la
queue du fil,au cours du passage de la
boucle autour de celle-ci, au risque de
desserrer le nœud coulant.
H. Mosnier et E. Husson
Fin du nœud.
11 Une quatrième demiclef est
ensuite réalisée en changeant une
nouvelle fois de brin tracteur. Elle est
donc serrée en tendant le brin porteur
de l’aiguille à l’aide de la pince
fenêtrée, et en serrant autour de ce
brin tracteur la boucle sur la queue du
fil tendue par le porte-aiguille.
Lorsque le nœud est achevé, les deux
chefs du fil sont saisis dans le
porte-aiguille et ils sont coupés à
quelques millimètres du nœud pour
ne pas risquer de confondre la queue
du fil du nœud suivant avec celle d’un
nœud déjà réalisé.
Pour sortir le fil porteur de l’aiguille à
la fin d’une série de nœuds, le fil est
saisit à quelques centimètres de l’aiguille
à l’aide du porte-aiguille, puis rétracté
dans le réducteur avant de sortir
l’ensemble porte-aiguille -réducteur, ceci
pour éviter que l’aiguille ne se coince
dans la valve du trocart.
J. CHIR.,1998,135, N° 1
© MASSON, PARIS, 1998
12a Artifices techniques
Si le sens de la boucle n’influe
pas sur le blocage du nœud, il n’est pas
indifférent à la réalisation du nœud.
Deux ordres de facteurs doivent être
pris en compte pour le choisir.
1) La position initiale de la queue du fil.
Si la queue de fil est située en
dessous du plan du U, il est préférable
de placer le porte-aiguille sous la
courbure du U. Une rotation anti-
horaire amène la concavité des mors
du porte-aiguille vers le bas, par un
mouvement de pronation
13a 2) La position désirée
de la queue du fil après
la première demi-clef.
Dans certaines situations, il peut être
utile de déterminer la position de la
queue du fil après la première demi-
clef, lorsqu’une seule situation lui
permettra d’être facilement visible lors
de la seconde demi-clef. Le plus
souvent, il s’agit de la situation dans
12b
(mouvements inverses de ceux de la
fig. 4). Enfin, à la fin du mouvement
hémi-circulaire, un léger mouvement
de rotation de la pince fenêtrée facilite
le passage de la boucle autour du
porte-aiguille. Il s’agit d’une rotation
d’une vingtaine de degré, horaire
lorsque la concavité de la courbure du
porte-aiguille regarde en bas, anti-
horaire lorsqu’elle regarde en haut.
13b
laquelle la queue du fil est située au
dessus du nœud. Pour que cette
situation survienne naturellement, et
reste stable, il faut réaliser la boucle en
plaçant le porte-aiguille sous le U,
réalisé avec le fil porteur de l’aiguille.
Technique chirurgicale
27
Le cas particulier d’un surjet
Pour débuter un surjet, la réalisation
du nœud est globalement identique ;
il est toutefois inutile de changer de
brin tracteur, car une tension
permanente sera appliquée au brin
porteur de l’aiguille, du fait de la
tension du surjet. Le nœud coulant
coulissant sur le chef porteur de
l’aiguille est donc la ligature la plus
stable au départ d’un surjet. Il faut
donc réaliser quatre demi-clefs dans
un sens indifférent ayant pour brin
tracteur le chef porteur de l’aiguille.
Pour terminer un surjet il faut
couper le fil, faire un nœud habituel à
4 demi-clefs avec le fil coupé et enfin
faire un nœud en utilisant le surjet
comme brin tracteur sur les
2 premières demi-clefs de façon à
augmenter la tension du surjet en
serrant le nœud.