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Journal de pédiatrie et de puériculture (2012) 25, 199—205

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www.sciencedirect.com

ARTICLE ORIGINAL

Traitement chirurgical des dilatations kystiques de la


voie biliaire chez l’enfant. Résultats d’une série de
16 observations
Surgery of cystic dilatation of the bile duct in children.
Results of 16 observations

R. Khmekhem a,∗, H. Zitouni a, Y. Ben Ahmed a,


S. Jlidi a, F. Nouira a, A. Charieg a, W. Douira b,
S. Ghorbel a, I. Bellagha b, B. Chaouachi a

a
Service de chirurgie pédiatrique « B », faculté de médecine de Tunis, hôpital d’enfant de
Tunis, 1007, place Bab-Saadoun, Tunis, Tunisie
b
Service de radiologie pédiatrique, faculté de médecine de Tunis, hôpital d’enfant de Tunis,
1007, place Bab-Saadoun, Tunis, Tunisie

Reçu le 5 janvier 2012 ; accepté le 17 avril 2012

MOTS CLÉS Résumé La dilatation kystique des voies biliaires est une malformation congénitale rare.
Cholédoque ; Son incidence est de l’ordre de 1/100 000 à 1/150 000 naissances. La chirurgie est indiquée afin
Kyste ; d’éviter les lésions hépatiques, secondaire à la stase et l’infection (cirrhose hépatique).
Voie biliaire ; But. — Évaluer les résultats de la chirurgie correctrice de la dilatation kystique de la voie biliaire
Dilatation ; de l’enfant.
Enfant Patients et méthodes. — Nous rapportons une série de 16 enfants traités dans notre institution
sur une période de 16 ans allant de janvier 1995 au 30 décembre 2010. Il s’agit de 13 filles et
trois garçons, âgés de 17 mois en moyenne.
Résultats. — Un seul de nos patients a bénéficié d’un diagnostic anténatal devant la constatation
d’une formation kystique sous-hépatique à l’échographie obstétricale. En postnatal, les signes
d’appels cliniques étaient dominés par l’ictère cutanéo-muqueux retrouvé dans 43,8 % des cas,
les douleurs abdominales (dans 31,2 % des cas) et les vomissements (18,7 % des cas). Une masse
abdominale a été retrouvée dans trois cas. Le bilan biologique a révélé une cholestase dans 38 %
des cas et une cytolyse dans 19 % des cas. Il était normal dans 50 % des cas. Tous ces patients ont
été explorés par une échographie abdominale associée à une tomodensitométrie dans deux cas
et une imagerie par résonance magnétique dans six cas, qui ont permis de faire le diagnostic de
la malformation. Tous nos patients ont été traités chirurgicalement dès le diagnostic posé. Une
cholangiographie peropératoire première a été réalisée dans neuf cas, puis une résection de la

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : rachid.khemakhem@rns.tn (R. Khmekhem).

0987-7983/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.jpp.2012.04.006
200 R. Khmekhem et al.

dilatation, suivie d’une anastomose biliojéjunale sur anse en Y à la Roux, a été confectionnée.
L’évolution a été grevée d’une angiocholite postopératoire dans trois cas, d’une fistule de
l’anastomose biliodigestive dans deux cas et d’un lâchage dans un cas. Tous ces patients ont
bien évolué secondairement sauf un qui a succombé à un choc septique.
Conclusion. — Le traitement chirurgical des dilatations kystiques des voies biliaires doit
comporter une résection de la dilatation et une anastomose biliojéjunale. Les complications
postopératoires doivent être prévenues par une bonne technique chirurgicale et diagnostiquées
et prises en charge à temps afin d’améliorer les résultats.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Summary The cystic dilatation of the biliary tract is a rare congenital malformation. Its
Bile duct; incidence is about 1/100 000 to 1/150 000 births. Surgery is indicated at the end to avoid liver
Cyst; damage secondary to stasis and infection (liver cirrhosis).
Bile path; Aim. — To evaluate the surgical treatment of cystic dilatation of the biliary tract.
Dilation; Patients and methods. — We report a series of 16 children treated at our institution over a 16
Children year period from January 1995 to December 30, 2010. They were 13 girls and three boys, aged
17 months on average.
Results. — One of our patients was diagnosed prenatally before the finding of a cystic lesion
under the liver in obstetrical ultrasound. In postnatal period, the clinical symptoms are cleared
by the jaundice found in 43.8% of cases, abdominal pain (31.2% of cases) and vomiting (18.7%
of cases). An abdominal mass is found in three cases. Laboratory tests showed cholestasis in
38% and cytolysis in 19% of cases. It was normal in 50% of cases. All patients were investiga-
ted by abdominal ultrasound combined with computed tomography in two cases and magnetic
resonance imaging in six cases, which have led to the diagnosis of malformation. All patients
were treated surgically as soon as the diagnosis made. Preoperative cholangiography was first
performed in nine cases, and resection of expansion followed by a biliary-jejunal anastomosis
in Roux-en-Y was crafted. The outcome was burdened with a postoperative cholangitis in three
cases, a fistula of the biliary-digestive anastomosis in two cases and a dropping in one case. All
patients were well advanced secondariily except one who died of septic shock.
Conclusion. — Surgical treatment of cystic dilatation of bile duct should include resection of the
expansion and biliary-jejunal anastomosis. The postoperative complications must be prevented
by good surgical technique and diagnosed and managed earlier to improve results.
© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction L’âge moyen est de 17 mois avec des extrêmes allant d’un
mois à 120 mois.
La dilatation kystique des voies biliaires (plus connue sous Un seul patient a été diagnostiqué en anténatal devant la
le terme de dilatation kystique du cholédoque [DKC]) est constatation à l’échographie obstétricale, d’une formation
une malformation rare. Son incidence varie de 1/100 000 à kystique sous-hépatique de 2 cm de diamètre confirmé à la
1/200 000 naissances et se voit surtout dans les pays asia- naissance. En postnatal, les signes d’appels sont dominés par
tiques. Elle se voit plus souvent chez l’enfant avec une nette l’ictère nu retrouvé dans sept cas (soit 43,8 % des cas), les
prédominance féminine (quatre filles pour un garçon atteint) douleurs abdominales retrouvées dans cinq cas (soit 31,2 %
[1,2]. des cas) et les vomissements (18,7 % des cas). La triade clas-
Son diagnostic est difficile et son évolution peut être sique (douleur, fièvre, ictère) n’a été retrouvée que dans
grevée de complications graves pouvant mettre en jeu le trois cas (soit 18,7 % des cas) (Tableau 1).
pronostic vital. Le bilan biologique a objectivé une cholestase dans cinq
Le traitement est chirurgical et basé sur la résection de cas (31,2 % des cas), une cytolyse dans deux cas (12,5 %
la malformation et la dérivation biliojéjunale. des cas), une association des deux dans un cas (6,25 %
des cas). La biologie était normale chez huit malades
(50 %).
Patients et méthodes L’exploration radiologique a comporté une échographie
abdominale pour tous les patients (100 % des cas), une TDM
C’est une étude rétrospective à propos de 16 observations pour deux patients (12,5 % des cas) et une Bili-IRM chez
de patients porteurs de DKC colligées au service de chirur- six patients (37,5 % des cas). La malformation paraissait
gie pédiatrique « B » de l’hôpital d’enfants de Tunis sur une sous forme d’une masse kystique dont la taille varie entre
période de 16 ans (entre janvier 1995 et décembre 2010). 7 et 130 mm associée à une dilatation de la voie biliaire
Il s’agit de 13 filles et trois garçons avec un sex-ratio de intrahépatique dans trois cas (Fig. 1 et 2). Un confluent bilio-
1/4,3. pancréatique long a été identifié dans un cas.
Traitement chirurgical des dilatations kystiques de la voie biliaire chez l’enfant 201

Tableau 1 Signes d’appels cliniques chez nos patients.


Motif de consultation Nombre des Pourcentage
cas
Diagnostic anténatal 1 6,26
Ictère nu 7 43,8
Vomissements 3 18,7
Douleur abdominale 5 31,2
Syndrome occlusif 2 12,5
Méléna 1 6,25
Diarrhée 1 6,25
Fortuite 1 6,25
Fièvre, douleur et ictère 3 18,7

Figure 3. Cholangiographie peropératoire montrant la dilatation


de la voie biliaire principale et la voie biliaire intrahépatique
gauche. À droite, pas de dilatation.

Selon la classification d’Alonso-Lej et Todani, il s’agit


d’une DKC de type 1 dans 13 cas (81 %), de type 3 dans un
cas (7 %) et de type 4 dans deux cas (12 %).
Tous nos patients ont été opérés par une laparotomie, le
traitement a comporté :
• une biopsie hépatique et une cholongiographie première
dans neuf cas, qui a confirmé le diagnostic préopératoire
et a objectivé une anomalie de confluent biliopancréa-
tique dans quatre cas (Fig. 3) ;
• la technique opératoire a comporté :
Figure 1. Échographie abdominale montrant une dilatation har- ◦ une cholécystectomie avec résection de toute la partie
monieuse de la voie biliaire extrahépatique ( ). dilatée de la voie biliaire principale laissant en place
un « fond de coquetier » du côté pancréatique,

Figure 2. a : Bili-IRM ( ) masse kystique sous-hépatique bien limitée (séquence T1) ; b : associée à une dilatation de la voie biliaire
intrahépatique (séquence T1) (flèche).
202 R. Khmekhem et al.

◦ anastomose biliodigestive terminolatérale sur une anse La classification de Todani est la plus utilisée et comprend
en « Y » longue de 50 cm en moyenne. Cette anastomose cinq types (Fig. 4).
est faite sur le canal hépatique dans 13 cas et sur la • type 1 : c’est une dilatation de toute la voie biliaire extra-
convergence biliaire dans trois cas, hépatique (VBEH), plus ou moins importante, fusiforme ou
◦ on a utilisé du fil monobrin à résorption lente type PDS arrondie et kystique. Ce type est retrouvé dans 80 % des
5/0. Une lame ondulée est placée dans la région sous- cas (81 % des cas dans notre série) ;
hépatique en regard de l’anastomose ; • type 2 : il s’agit d’un diverticule de la voie biliaire qui peut
• une antibioprophylaxie par une céphalosporine de troi- siéger à n’importe quel niveau, mais plus fréquemment au
sième génération a été utilisée dans tous les cas. contact du cholédoque terminal. Uniques ou multiples, de
taille variable, ils sont rares chez l’enfant ;
L’évolution a été marquée par la survenue d’une cholan- • type 3 : le cholédochocèle qui est une dilatation ampul-
gite dans trois cas nécessitant une antibiothérapie adaptée, laire du segment intramural du cholédoque. Rare chez
d’une fistule cholédocoentérale dans deux cas qui s’est tarie l’enfant, souvent de taille réduite n’excédant pas 1 à 2 cm
spontanément par le maintien d’un drainage prolongé et de diamètre ;
d’un lâchage nécessitant la reprise du montage dans un cas. • type 4 : qui associe à l’anomalie extrahépatique une dila-
Un abcès de paroi associé à une collection profonde a été tation kystique des voies biliaires intra-hépatiques (VBIH),
traité médicalement. prédominant dans le lobe gauche ;
Un de ces patients est décédé au deuxième jour postopé- • type 5 : c’est la maladie décrite de Caroli, avec dilatation
ratoire dans un tableau de choc septique, les autres ont bien multifocale des VBIH, de caractère diffus ou au contraire
évolué. segmentaire, sans obstacle sous-jacent. Il s’agit d’une
La biopsie a montré des signes de fibrose hépatique dans maladie à transmission autosomique récessive [2,4,9,10].
trois cas, et deux enfants ont développé une cirrhose avec
un recul de deux ans.
La classification de Kimura se base sur les anomalies ana-
tomiques de la jonction biliopancréatique et comporte deux
Discussion variétés [11].
Sur le plan clinique, le diagnostic peut être évoqué
La première description de dilatation canalaire de l’arbre en anténatal devant la constatation d’une formation liqui-
biliaire date de 1723 par Vater [3]. dienne au niveau de la région du hile hépatique [5,12]. Cet
C’est une malformation rare, qui se voit volontiers chez aspect peut correspondre à plusieurs diagnostics différen-
l’enfant (75 % des cas sont découverts avant l’âge de dix tiels tel qu’un kyste hépatique simple, un kyste ovarien,
ans), avec une nette prédominance féminine (sex-ratio un kyste épiploïque ou mésentérique, une duplication duo-
entre 0,23 à 0,43). dénale ou de la vésicule biliaire, un kyste surrénalien ou
L’hypothèse étiologique proposée par Babbit est la plus rénal ou une dilatation de l’intestin [13]. Dans ce cas, la
communément admise, elle repose sur l’existence d’un constatation de la continuité avec les canaux hépatiques
canal biliopancréatique commun long responsable d’un et la vésicule biliaire et l’existence de dilatations asso-
reflux d’enzymes pancréatiques dans la voie biliaire prin- ciées des conduits intra- et extrahépatiques constituent des
cipale à l’origine d’une irritation, puis d’une dilatation aides supplémentaires au diagnostic de DKC. Ce diagnostic
pariétale. Le reflux du suc pancréatique dans la voie biliaire anténatal est en général fait vers l’âge lors de 20 semaines
a été confirmé par l’existence de taux élevé des ces enzymes en moyenne, il est nettement facilité par l’avènement des
pancréatiques à ce niveau [4—6]. techniques échographiques en 3D et l’IRM fœtale qui four-
Miyano et al. et Kimura ont retrouvé chez tous leurs nit des images anatomiques et permet d’éliminer plusieurs
patients une anomalie de la jonction biliopancréatique sauf diagnostics différentiels [12,13].
ceux porteurs d’une cholédochocèle, d’autres auteurs rap- Mais le diagnostic le plus important à éliminer est celui
portent une fréquence de l’ordre de 80 % [7]. d’une atrésie des voies biliaires avec kyste hilaire puisque
Récemment, un fonctionnement anormal du sphincter cette anomalie doit être opérée le plus tôt possible avant le
d’Oddi a été rapporté comme prédisposant au reflux de passage en cirrhose hépatique.
suc pancréatique dans la voie biliaire, et des spasmes du Ce diagnostic est difficile à faire en anténatal et par-
sphincter d’Oddi ont été notés en association aux kystes du fois même en postnatal [14], pour cela certains auteurs ont
cholédoque [8]. essayé de retrouver des éléments prédictifs de ce diagnos-
Les autres théories sont : une faiblesse pariétale, une tic. Ainsi, Tanaka et al. [15] ont étudié dix patients porteurs
obstruction distale acquise, une infection virale et un défaut de malformations kystiques biliaires (MKB) diagnostiquées
congénital de la recanalisation de voie biliaire qui serait à avant la naissance et à la période néonatale, composées
l’origine de la dilatation [6,9]. d’un premier groupe de cinq cas d’atrésie des voies biliaires
En 1959, Alonzo-Lej, après étude de deux cas person- et un deuxième groupe de cinq cas de kyste du cholédoque et
nels et analyse des 94 patients décrits dans la littérature ils ont comparé les données radiologiques et biologiques de
jusqu’à cette date, a suggéré la première classification pour ces deux groupes. Leurs résultats suggèrent que les patients
les kystes du cholédoque [5,9]. Par la suite du développe- porteurs de MKB de taille inférieure à 21 mm, avec un
ment et l’amélioration des méthodes de diagnostic, d’autres taux de bilirubine directe supérieur à 2,5 mg/dL et un taux
auteurs ont ajouté deux nouveaux types de classification d’acides biliaires totaux supérieur à 111 mmol/L en période
pour les patients porteurs de dilatation kystique intrahépa- néonatale étaient plus susceptibles d’avoir une AVB plus tôt
tique : celle de Todani et celle de Kimura. qu’une DKC.
Traitement chirurgical des dilatations kystiques de la voie biliaire chez l’enfant 203

Figure 4. Classification de Todani des dilatations de la voie biliaire.

Dans notre série, un seul cas de kyste du cholédoque et le petit nourrisson, des douleurs abdominales récidi-
est diagnostiqué en anténatal. Cela est dû au manque de vantes ou une pancréatite aiguë chez le grand enfant sont
rigueur dans le suivi des grossesses. En effet, un certain le plus souvent les seuls signes révélateurs de cette malfor-
nombre des femmes enceintes sont suivies par les sages- mation [2,4,18]. Une découverte de manière fortuite lors
femmes dans les hôpitaux régionaux ou les unités de soins d’investigations pour d’autres causes est possible [1].
de base où le contrôle échographique n’est pas une pratique Il n’est pas rare que le diagnostic soit fait avec retard
courante. Seul un petit nombre de ces femmes sont adres- à l’occasion d’une complication telle qu’une angiocholite,
sées aux centres hospitaliers parfois trop tardivement, voir une pancréatite aiguë ou une rupture spontanée de la voie
même au moment de l’accouchement. Dans le secteur prié biliaire.
en revanche, le suivi échographique des grossesses est la Devant tout ictère ou pancréatite aiguë chez l’enfant,
règle et le diagnostic anténatal de ces malformations est une échographie abdominale est nécessaire afin d’étudier
beaucoup plus développé. les voies biliaires [2].
En cas de diagnostic anténatal, la grossesse est poursuivi L’échographie abdominale est le premier examen à
à terme, et le mode d’accouchement n’est pas modifié par demander en cas de suspicion de kyste du cholédoque. Le
l’existence de cette malformation [6]. diamètre de la voie biliaire commune mesure moins de 3 à
Le diagnostic anténatal pose le problème du moment de 5 mm chez l’enfant en bonne santé et moins de 2 mm chez le
l’évaluation postnatale de ces enfants asymptomatiques et nourrisson. Il est ainsi facile de faire le diagnostic en mon-
de l’âge idéal du traitement définitif [5,6,16]. La plupart trant une image kystique sous-hépatique communicant avec
des auteurs s’accordent sur une chirurgie précoce vers l’âge la voie biliaire associée ou non à une dilatation de la voie
de deux à trois mois avant la survenue de complications biliaire intrahépatique avec une sensibilité proche de 100 %
[6,16] puisque la cirrhose hépatique peut survenir préco- [2]. Tous nos patients ont été explorés en premier lieu par
cement et qu’un cas d’insuffisance hépatique a été décrit cet examen qui a permis d’évoquer le diagnostic dans tous
même chez un nourrisson de cinq mois [2,6]. De même les cas.
Dewsbury et al. ont rapporté le cas d’un patient opéré au La Bili-IRM est demandée en deuxième intention, elle
dixième jour de la vie, qui avait déjà des signes histologiques permet de réaliser une cartographie complète des voies
de cirrhose hépatique. Ces cas illustrent que même les biliaires intra- et extrahépatiques montrant une dilata-
enfants asymptomatiques peuvent développer des lésions tion kystique pouvant atteindre des dimensions variables
hépatiques occultes [17]. Dans les formes compliquées, le (chez un de nos patients, elle a atteint 13 cm). La clé du
traitement peut être proposé plus précocement. diagnostic est l’objectivation d’un canal biliopancréatique
En postnatal, la triade classique (ictère intermittent, commun anormalement long (> 15 mm) entre le duodénum
douleur et masse de l’hypochondre droit) n’est retrouvée et les canaux biliopancréatiques. Il est visible directe-
que dans 15 à 25 % des cas chez l’enfant, 18 % dans notre ment ou se manifeste par un vide de signal trop large
série [2]. Un ictère de type cholestatique chez le nouveau-né [18,19].
204 R. Khmekhem et al.

L’IRM a une sensibilité supérieure à 95 %, mais présente fait l’objet d’un programme national basé sur l’éducation
des limites comme l’étude des voies biliaires fines surtout du personnel soignant du respect des règles d’asepsie des
chez le nourrisson qui reste difficile. soins et la lutte contre la promiscuité.
Avec le développement des duodénoscopes pédiatriques, À long terme, un suivi régulier et prolongé par
il est possible aussi de réaliser une cholangiopancréatogra- l’échographie abdominale et la biologie hépatique est
phie rétrograde endoscopique [2,4]. nécessaire pour dépister des complications secondaires :
La scintigraphie biliaire au technétium 99 marqué à sténose biliaire, cholestase persistante, lithiase, évolution
l’acide triméthyl-indodiacétique est une méthode simple, de la fibrose.
reproductible, non invasive, ayant une bonne sensibilité
pour l’évaluation morphologique et la classification des
kystes du cholédoque ; cependant, cette sensibilité dimi-
nue pour l’appréciation de l’extension intrahépatique des Conclusion
lésions kystiques.
La dilatation kystique des voies biliaires est une malforma-
En l’absence de traitement, l’évolution du kyste du cho-
tion rare. Dans notre série, elle s’est manifestée le plus
lédoque se fait toujours vers les complications qui sont
souvent par un ictère cholestatique chez le nourrisson, des
multiples :
• l’infection (angiocholite, abcès hépatique ou septicémie) douleurs abdominales récurrentes ou une pancréatite aiguë
chez le grand enfant. Le diagnostic anténatal était rare dans
(11 %) ;
• lithiase biliaire (8—25 %) et la pancréatite aiguë notre série et doit être développé par la généralisation de
la surveillance échographique des grossesses.
(0,5—33 %) ;
• rupture kystique avec hémobilie ou péritonite (3—7 %) ; Le diagnostic est largement facilité par les moyens
• le risque de dégénérescence en cholangiocarcinome avec d’imagerie modernes, essentiellement l’échographie, la
scintigraphie hépatobiliaire et la Bili-IRM.
une fréquence variable en fonction de l’âge du patient
Le traitement repose sur l’exérèse de la portion dilatée
de l’ordre de 0,7 % moins de dix ans et 6,8 % entre 11 et
de la voie biliaire suivie d’une anastomose biliodigestive sur
20 ans et beaucoup plus élevée chez l’adulte [1,18] ;
• cirrhose biliaire secondaire avec hypertension portale anse en Y à la Roux. Il doit être proposé dès que le diagnostic
établi avant la survenue des complications, et en cas de
(15—32 %).
diagnostic anténatal, ce traitement doit être proposé dans
les deux premiers mois.
De ce fait, toute dilatation kystique de la voie biliaire
Les complications postopératoires précoces qui peuvent
diagnostiquée doit être traitée chirurgicalement.
survenir sont essentiellement d’ordre infectieux et doivent
Plusieurs traitements chirurgicaux ont été proposés pour
être prévenues par une technique opératoire rigoureuse et
le kyste du cholédoque. Dans le passé, les types I, II et IV
le respect de l’asepsie des soins. Une surveillance écho-
ont été traités par kystoentérostomie, ce qui a abouti à des
graphique et biologique prolongée est nécessaire afin de
résultats insatisfaisants avec des taux élevés de cholangites
guetter la survenue d’une sténose de l’anastomose biliodi-
récurrentes et de sténoses. En outre, cette procédure ne
gestive ou une évolution vers la cirrhose hépatique.
retire pas la muqueuse du kyste qui avec l’inflammation
chronique pourrait être à l’origine du développement des
carcinomes des voies biliaires [9,20,21]. Chijiiwa et Koga,
en utilisant la kystoentérostomie, ont observé 80 % de cho- Références
langite, des lithiases cholédociennes et des hépatolithiases
postopératoires. Dans cette étude, 70 % des patients ont [1] Dhupar R, Gulack B, Geller DA, Marsh JW, Gamblin TC. The
nécessité une réintervention [1]. Actuellement, l’opération changing presentation of choledochal cyst disease: an inciden-
chirurgicale la plus communément admise consiste à résé- tal diagnosis. HPB Surgery 2009 [Article ID 103739, 4 pages].
quer toute la portion dilatée de la voie biliaire et réaliser [2] Stringer MD, Dhawan A, Davenport M, Mieli-Vergani G, Mowat
une anastomose cholédochojéjunale ou hépaticojéjunale AP, Howard ER. Choledochal cysts: lessons from a 20-year expe-
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tiques et les dilatations intrahépatiques (type IV de Todani),
et al. Dilatation kystique du cholédoque (à propos de 8 cas).
d’autres interventions peuvent être nécessaires telle qu’une Med Magh 1999;75:23—7.
segmentectomie, une hépatectomie partielle ou bien une [4] Pereira LH, Bustorff-Silva JM, Sbraggia-Neto L, Bittencourt DG,
kystoentérostomie intrahépatiques. . . [1,20]. Une biopsie Hessel G. Choledochal cyst: a 10-years experience. J Pediatria
hépatique est réalisée afin de déceler des signes précoces 2000;76(2):143—8.
de cirrhose hépatique. Cette intervention peut se faire par [5] Wiedman MA, Tan A, Martinez CJ. Fetal sonography and
voie cœlioscopique chez le grand enfant avec des résultats neonatal scintigraphy of a choledochal cyst. J Nucl Med
comparables. 1985;26:893—6.
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chal cysts in the newborn. Pediatr Surg Int 1996;11:130—3.
à court terme (fistule anastomotique, lâchage, infection
[7] Iwai N, Yanagihara J, Tokiwa K, Shimotake T, Nakamura K.
pariétale ou profonde, angiocholithe. . .) nécessitant un
Congenital choledochal dilatation with emphasis on pathophy-
diagnostic rapide et une prise en charge adéquate. Dans siology of the biliary tract. Ann Surg 1992;215:27—30.
notre série, le taux de ces complications est plus impor- [8] Schweizer P, Schweizer M. Pancreaticobiliary long common
tant que ce qui est rapporté dans la littérature et cela est channel syndrome and congenital anomalous dilatation of the
en grande partie à cause des infections nosocomiales qui choledochal duct: study of 46 patients. Eur J Pediatr Surg
constituent la principale complication et dont l’éradication 1993;3:15—21.
Traitement chirurgical des dilatations kystiques de la voie biliaire chez l’enfant 205

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