Démarche d’évaluation et de prévention des risques professionnels
et application du code ISM à bord des navires.
Mme.Yamina Gibertie
Bureau de l'action sociale, de l'hygiène et de la santé des gens de mer
Cette communication a pour objet de mettre en
parallèle deux réglementations toutes deux applicables
au secteur maritime et dont il est quelquefois affirmé
qu’elles se confondent, à savoir la législation prise en
application de la directive cadre santé et sécurité au
travail 89/391 CEE du 12 juin 1989 et le Code
international de Gestion de la Sécurité (code ISM)
obligatoire depuis le 1er juillet 2002 pour la plupart des
navires engagés dans le commerce international.
Le Code International de Gestion de la Sécurité (Code
ISM) a pour objet de mettre en place au sein des
compagnies maritimes, un système de gestion pour la
sécurité de l’exploitation des navires et de la prévention
de la pollution .
Issu de l’Organisation Maritime Internationale (OMI)
et inspiré des normes de management de la qualité, ce
code, adopté le 4 novembre 1993, amendé en décembre
2000 et novembre 2001, constitue le chapitre IX de la
convention internationale sur la sauvegarde de la vie
humaine en mer (SOLAS) .
Le Code s’affirme comme un outil utilisé pour garantir
la sécurité de l’exploitation du navire et par là même
celle du personnel.
La procédure ISM est validée par une certification de la
Compagnie et la délivrance de certificats de conformité
par les Centres de sécurité des navires .
La Directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989,
se préoccupe quant à elle de la mise en œuvre de
mesures visant à promouvoir l’amélioration de la
sécurité et de la santé des travailleurs.
La préoccupation de la santé du travailleur et la prise en
compte de son adaptation dans toutes les composantes
du travail, humaine, organisationnelle,
environnementale…est ici centrale. L’évaluation des
risques professionnels dans l’entreprise se situe dans
cette approche .
La directive a été transcrite en droit interne par la loi du
31 décembre 1991.
Mme Yamina GIBERTIE – DAMGM/GM-4.
Tirés à part : Yamina GIBERTIE, DAMGM - GM/4
3, place de Fontenoy
75700 PARIS 07 SP
L’article L.230-2 du Code du travail a trait à
l’évaluation des risques qui ne peuvent être évités et la
transcription sur un document unique des résultats de
cette évaluation se trouve définie par le décret du 5
novembre 2001 et la circulaire DRT du 18 avril 2002.
Précisons tout de suite que le document unique n’est
pas de même nature que le document de conformité au
code ISM délivré pour la Compagnie et le certificat de
gestion de la sécurité concernant le navire.
Ces derniers délivrés par l’Administration, attestent que
les politiques et procédures prévues par le Code ISM
reçoivent une application concrète au sein de la
Compagnie et sur le navire.
Le document unique, réalisé sous la responsabilité de
l’employeur n’est destiné quant à lui, qu’à formaliser la
démarche ( c’est elle qui est essentielle) d’évaluation
des risques.
I - Considérons tout d’abord le champ d’application du
Code ISM et celui de la législation issue de la Directive
cadre santé et sécurité au travail :
Mentionnons en premier lieu que le Code ISM ne
s’applique pas à la pêche et en outre, s’applique de
façon partielle au commerce. (pour résumer : pour les
navires de charge et unités mobiles de forage au large
d’une jauge brute égale ou supérieure à 500 tonneaux
effectuant une navigation internationale et aux navires à
passagers, y compris en navigation nationale)
La Directive cadre concerne, quant à elle, tous les
secteurs d’activité quelle que soit la taille de
l’entreprise .
La Cour de justice de la Communauté européenne a eu
l’occasion de le rappeler en condamnant l’Allemagne
par arrêt du 7 février 2002.
La législation allemande permettait des dérogations en
faveur des petites entreprises de 10 travailleurs au plus.
La Cour rappelle à cette occasion que toutes les
entreprises sont tenues de disposer d’un document écrit
concernant l’évaluation des risques.
De même, l’ensemble des risques doit être évalué,
l’Italie s’est vue condamnée par arrêt du 15 novembre
2001 au motif que l’évaluation des risques, selon la
réglementation italienne, ne concernait qu’une série de
risques déterminés.

II – Considérons ensuite les objectifs et la démarche :
-Des objectifs qui ne se recoupent pas totalement …
Le Code ISM ( art 160-1-01) a pour « objectif de
garantir la sécurité en mer et la prévention des lésions
corporelles ou des pertes en vies humaines ,
d’empêcher les atteintes à l’environnement….en
associant les Compagnies à la gestion pour la sécurité
de l’exploitation des navires et de la prévention de la
pollution »
La préoccupation de la santé est induite et se définit de
façon restrictive.
En revanche, les objectifs de la directive sont clairs en
ce domaine, elle« a pour objet la mise en œuvre de
mesures visant à promouvoir l’amélioration de la
sécurité et de la santé au travail. (santé pas seulement
physique …)
Le Préambule du Code ISM énonce la finalité de
« l’établissement d’une norme internationale de
gestion, la nécessité de structurer la gestion pour un
maintien de niveau élevé de sécurité et de protection de
l’environnement »
Ainsi, les objectifs de la Compagnie en matière de
gestion de la sécurité doivent être les suivants :
- offrir des pratiques d’exploitation et un
environnement de travail sans danger
- établir des mesures de sécurité contre tous les
risques identifiés
- améliorer constamment les compétences du
personnel à terre et à bord et le préparer aux
situations d’urgence.
Le Code ISM évoque les risques identifiés, la Directive
se situe en amont et pose en premier postulat « éviter
les risques ».
- Une démarche et des procédures différentes:
Le Code ISM décrit un processus de définition et
d’établissement de responsabilités et pouvoirs en
matière de sécurité et protection de l’environnement,
processus où les personnes désignées pour garantir la
sécurité de l’exploitation du navire ne sont pas des
personnels embarqués.
Dans le code ISM, il est prévu que des inspections
soient effectuées régulièrement pour renforcer, entre
autre, la fiabilité du matériel.
En revanche, des procédures spécifiques sont prévues
en cas d’irrégularités, accidents et incidents
potentiellement dangereux devant faire l’objet d’une
enquête et analyse afin de permettre des mesures
correctives.
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Des audits internes sont réalisés afin d’évaluer
périodiquement l’efficacité du système de gestion de la
sécurité.
Mais, il ne s’agit pas là de la démarche participative de
la Directive cadre. Ainsi, comme le préconise le Code
ISM :« le personnel qui procède aux audits ne devrait
pas faire partie du secteur soumis à l’audit, à moins que
cela soit impossible en raison de la taille et des
caractéristiques de la Compagnie. Les résultats des
audits et révisions devraient être portés à l’ensemble du
personnel ayant des responsabilités dans le secteur en
cause. »
La Directive préconise, quant à elle, une démarche de
prévention et d’évaluation dans laquelle se trouvent
associés l’ensemble des acteurs de l’entreprise (salariés,
instances représentatives du personnel, médecins du
travail et organismes de prévention).
Une démarche à priori d’évaluation et d’analyse des
risques sous-tend également la Directive cadre.
Il s’agit :
1 -: d’éviter les risques
2 - Evaluer ceux qui ne peuvent être évités
3 - Une fois évalués, les combattre à la source
4 - Adapter le travail à l’homme en agissant sur la
conception, sur l’organisation et sur les méthodes de
travail et de production
5 - Réaliser ces objectifs en tenant compte de l’état
d’évolution de la technique
6 - D’une manière générale, remplacer ce qui est
dangereux par quelque chose qui ne l’est pas du tout ou
qui l’est moins
7 - La prévention des risques doit s’intégrer dans un
ensemble cohérent qui comprend la production,
l’organisation, les conditions de travail et le dialogue
social
8 - Prendre des mesures de protection collective par
priorité aux mesures de protection individuelle
9 - Enfin ,donner les instructions appropriées aux
travailleurs.
L’ensemble des acteurs participent non seulement à
l’analyse des risques mais contribuent aussi à la
préparation et au suivi des actions de prévention.
Le chef d’entreprise peut également s’adjoindre, si
nécessaire, des appuis extérieurs.
Néanmoins, au regard des éléments mentionnés ci-
dessus, force est de constater que les deux
réglementations procèdent, malgré leurs différences,
d’un même souci de promouvoir une culture de la
sécurité et un environnement de travail sans danger.
Les procédures de sécurité instituées au titre du code
ISM et la démarche d’évaluation des risques
professionnels telle que définie par le code du travail

sont en fait complémentaires.
Le code ISM, par ailleurs n’est pas exclusif de
l’application des autres réglementations ayant trait à la
sécurité.
Ainsi, il est mentionné à l’article 160-2.09(4è) que :
« La vérification du respect des prescriptions du code
ISM ne dégage pas la compagnie, la direction, les
officiers ou les membres de l’équipage de leurs
obligations concernant le respect de la législation
nationale et internationale relative à la sécurité et à la
protection de l’environnement ».
Les réglementations sont donc complémentaires, tout
comme le sont les acteurs impliqués dans la prévention
des risques professionnels maritimes .
III - Les acteurs oeuvrant à la prévention des risques
professionnels maritimes
La sécurité et la prévention des risques professionnels à
bord des navires ne repose pas sur les seuls employeurs
de marins, mais elles concernent aussi l’administration
des affaires maritimes au titre des visites de navires
incluant l’hygiène, de la délivrance des titres et
autorisations, du contrôle du rôle d’équipage et de la
décision d’effectif, des visites médicales et décisions
d’aptitude concernant les marins.
Le Décret n°96-859 du 26 septembre 1996 modifiant le
décret n° 84-810 du 30 août 1984 relatif à la
sauvegarde de la vie humaine en mer, à l’habitabilité à
bord des navires et à la prévention de la pollution se
réfère à la mise en œuvre de la prévention des risques
professionnels.
Il ressort des dispositions du décret ( articles
mentionnés ci dessous)que:
A - L’Administration des Affaires Maritimes (DRAM
et Centres de sécurité des navires) détient la 1ère
responsabilité en matière de sécurité en autorisant la
mise en service de tout navire battant pavillon français .
La Sous-direction de la Sécurité Maritime de la
Direction des Affaires Maritimes et des Gens de Mer
est chargée d’élaborer la réglementation de la sécurité
et prévention de la pollution relative aux navires et d’en
contrôler son application .
Il revient à la Commission de visite de mise en service
constituée dans chaque centre de sécurité des navires de
vérifier que les prescriptions en matière de sécurité ont
bien été suivies, et de s’assurer de l’exécution des
essais, de la conformité et de la mise en place du
matériel mobile de sécurité.
Art 48- I : « Tout navire doit être conçu, construit et
maintenu de manière à assurer la protection des
membres de l’équipage contre les accidents …..Il doit
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également posséder les moyens de prévention
satisfaisants, y compris de protection individuelle »
Armateur, propriétaire, constructeur ainsi que
délégué(s) de l’équipage sont admis à assister aux
opérations de la commission et à présenter leurs
observations .
Un procès verbal est dressé après chaque inspection,
mentionnant observations et prescriptions. Tous les
rapports de visite sont conservés à bord des navires
français sur un registre spécial . Ce registre peut être
consulté par tout délégué de l’équipage ou marin
lorsqu’il n’existe pas de délégué .
Le médecin des gens de mer, ayant participé à la visite
dans le cadre de sa mission de prévention, remplit une
fiche concernant les conditions d’hygiène et
d’habitabilité ainsi que l’organisation et les conditions
de travail ( l’exposition au bruit, agents chimiques ou
toxiques…) à bord. Cette fiche, communiquée à
l’inspecteur du travail maritime et à l’inspecteur de la
sécurité des navires contient également observations et
prescriptions.
Le Chef du centre de sécurité, après avis de la
Commission, délivre ou non les titres et certificats de
sécurité et de prévention de la pollution.
En cas de transformations importantes effectuées sur un
navire, la même démarche que celle de première mise
en service prévaut .
N’oublions pas le rôle et pouvoirs de l’inspecteur du
travail maritime ( L 230-5 du code du travail) après
constat d’une situation dangereuse à bord résultant du
non respect des dispositions de l’article L 230-2 du
même code.
B - L’employeur est le premier responsable de la
prévention au niveau de l’entreprise. ( du navire)
Art 48 -V : « Il incombe à l’armateur d’informer les
membres de l’équipage de toutes les mesures à prendre
en ce qui concerne la sécurité et la santé à bord du
navire sur lequel ils embarquent. »
L’article 4 du Décret du 17 janvier 1977 relatif à
l’hygiène et à la prévention des accidents du travail des
gens de mer prévoit en outre que « tout armateur est
tenu de désigner, sur chacun de ses navires, un membre
de l’équipage chargé, sous l’autorité du capitaine, de la
prévention des accidents du travail. »
C - Le capitaine est investi d’un mandat mais dispose
également de pouvoirs propres. Il détient le pouvoir
disciplinaire à bord et organise le travail des officiers et
personnels d’exécution selon les règles applicables.
Art 48-II :« L’armateur s’assure que le navire est utilisé
sans compromettre la sécurité et la santé des membres
de l’équipage notamment dans les conditions
météorologiques prévisibles sans préjudice de la
responsabilité du capitaine . »
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D - Les marins Rappelons pour conclure que l’évaluation des risques
ne peut constituer une fin en soi et que sa raison d’être
Art 48 -III : « Il incombe à chaque membre de réside dans les actions de prévention qu’elle est appelée
l’équipage de prendre soin, selon ses possibilités, de sa à susciter.
sécurité et de sa santé ainsi que celles des autres marins
ou passagers concernés par ses actes ou ses omissions
au travail, conformément à sa formation et aux
instructions du capitaine. »

E - Les institutions représentatives du personnel

Des délégués de bord sont élus pour plus de 10 marins

inscrits au rôle d’équipage (L742-3 du Code du travail
et Décret du 17 mars 1978 ). Ils peuvent présenter
toutes réclamations à l’employeur s’agissant de la
protection des marins, d’hygiène et de sécurité à bord.
En raison de l’exigence relative à l’effectif embarqué,
les marins pêcheurs ne peuvent le plus souvent disposer
de délégués de bord.
Les Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de
travail (CHSCT) dans sa section « gens de mer ».
(R742-8-1 et suivants du Code du travail ) émettent des
avis sur les conclusions d’enquêtes d’accidents. Ils
reçoivent copie des PV de visites annuelles ou de mise
en service des navires. Ils sont consultés sur les
programmes de formation à la sécurité des personnels.
Les CHSCT ne concernent que les entreprises de plus
de 50 salariés, et existent donc peu à la pêche.
Pour pallier ce déficit, il serait souhaitable de
promouvoir la création par accords collectifs de
Comités interentreprises de port d’hygiène et de
sécurité (CHSCT portuaire) rendue possible par
l’article R 742-8-1 du code du travail.
Le « rapport du Parlement européen sur la pêche :
sécurité et causes des accidents » en date du 12 mars
2001 et la proposition de résolution qui en émane
estime « nécessaire de renforcer le dialogue social entre
armateurs et pêcheurs ainsi que de conclure un plus
grand nombre de conventions collectives pour établir
une culture de la sécurité ».

F - L’institut maritime de prévention (IMP)

L’IMP apporte un soutien technique aux entreprises

maritimes et conchylicoles en matière de prévention
des risques professionnels. Il propose des formations,
élabore et diffuse des supports d’information et met en
œuvre des campagnes de prévention

Promouvoir une véritable culture de la sécurité à bord

des navires est bien évidemment le souhait de tous les
partenaires sociaux du monde maritime.
Les initiatives de plus en plus nombreuses prises en ce
domaine, en témoignent.
La démarche d’évaluation et de prévention des risques
professionnels est comme nous l’avons vu applicable à
l’ensemble du secteur maritime. Complémentaire du
code ISM au commerce, cette démarche se doit d’être
privilégiée à la pêche où elle prend tout son sens.