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L’ESPAGNE DÉMOCRATIQUE (1975-1996)

Introduction

Au lendemain de la mort de Franco, Juan Carlos est proclamé roi


conformément à la loi de succession du 28 juillet 1969. Il se présente comme l’héritier de
Franco qui a surveillé sa formation et qui l’a imposé comme successeur (selon la formule
de Franco, « tout est ficelé et bien ficelé »).

L’Espagne a changé. Elle est devenue une nation moderne qui aspire à s’intégrer à
l’Europe dont elle a adopté le mode de vie : l’analphabétisme a presque complètement
disparu, l’industrie s’est répandue dans toute la péninsule et le secteur tertiaire a grossi.

Juan Carlos, saura-t-il s’émanciper du régime franquiste et s’imposer comme le roi de


tous les Espagnols ?

La transition

Le plan de Juan Carlos est simple : il consiste à instaurer la démocratie en Espagne sans
manquer au serment prononcé en 1969 et renouvelé dans la cérémonie d’investiture :
rester dans le cadre des institutions franquistes. Ce sera une révolution, mais sans
rupture. Tout se fera dans le cadre légal hérité de Franco.

L’opération se déroulera en trois temps :

a) Il s’agit d’abord de se débarrasser du président du gouvernement en exercice, Carlos


Arias Navarro.
b) Trouver un successeur décidé à s’engager dans la direction souhaité. c)
Demander aux Cortès franquistes d’approuver la réforme politique.

Le Conseil du royaume et les Cortès sont composés en majorité de franquistes et le


bunker y est bien représenté, mais ces deux institutions sont présidées par
Torcuato Fernández-Miranda, l’un des rares hommes politiques que Juan Carlos a mis au
courant de ses intentions et qui est prêt à le soutenir.

L’opposition n’hésite pas : elle dit non à un roi imposé, à un roi franquiste. En mars 1976,
cette opposition présente un front uni, la Coordination démocratique qui, depuis juillet
1974, regroupait les communistes de Santiago Carrillo, le parti socialiste populaire de
Tierno Galván et des monarchistes libéraux ; d’autre part, la Plate-forme de convergence
démocratique, formée par le parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et les démocrates
chrétiens. La coordination souhaite une « rupture démocratique ».
Si le roi ne veut pas être débordé, il est urgent qu’il mette en route le plan accordé avec
Torcuato Fernández-Miranda. Le 1º juillet
1976, il demande à Arias Navarro de démissionner.

On passe à la deuxième phase : c’est Adolfo Suárez


l’homme à qui Juan Carlos pense pour conduire le
changement. Le 3 juillet, il est nommé président du
Conseil (il était avant secrétaire général du Mouvement
et on y voit un retour en arrière. Adolfo Suárez se
prépare à être le maître d’œuvre de la transition.

Il est représentatif de l’Espagne de son temps qui


souhaite entrer dans la voie de la démocratie sans
renier le passé immédiat.

Par rapport à la réforme politique il s’engage à organiser des élections générales au


suffrage universel : le 15 décembre 1976, 94% des votants ratifient la loi de réforme
politique. Le référendum bouleverse tous les plans de l’opposition. Le peuple s’est
prononcé et l’idée d’une rupture démocratique est abandonnée.

Quant à la légalisation des partis politiques, le dernier parti à être légalisé est le
communiste. Son secrétaire général, Santiago Carrillo, est rentré clandestinement et
demande officiellement la légalisation. Le 9 avril 1977 Suárez légalise le parti communiste
(retour de l’exil de personnalités républicaines comme le professeur Claudio
Sánchez-Albornoz, Dolores Ibárruri –la Pasionaria-, Alberti ou Federica Montseny.

Les élections législatives du 15 juin 1977 sont gagnées par le parti d’Adolfo Suárez, l’Union
de centre démocratique (UCD). Le deuxième parti le plus voté est le PSOE de Felipe
González. Pour l’Alliance Populaire (AP) de Fraga Iribarne c’est un échec.
Après les élections on doit faire face à trois problèmes :

1. La loi d’amnistie générale, votée le 14 octobre 1977.


2. L’agitation sociale : pour y remédier, Suárez négocie avec le parti communiste les
accords connus sous le nom de pacte de la Moncloa, auquel se rallie le PSOE et que le
Congrès des députés ratifie. Le pacte prévoit de réduire de 10% les dépenses budgétaires,
de ramener le taux d’inflation à 15 % et de bloquer les salaires.
3. Les revendications nationalistes :
Un décret-loi de 1977 rétablit la Généralité de Catalogne avec le président Tarradellas
(retour à la situation de 1939). Au Pays Basque les attentats de l’ETA entretienne la
tension. Formation d’un conseil dont la présidence revient à un socialiste.

La transition est consensuelle : d’un commun accord, les partis ont choisi d’enterrer le
passé.

La constitution de 1978
Il était entendu que les Cortès élues en juin seraient appelées à donner une constitution
au pays. Un comité –la ponencia- se met au travail. Le but est d’arriver à un texte qui
convienne à tout le monde.
Le projet de constitution est approuvé par les Cortès le 31 octobre 1978. Trois traits la
caractérisent :
- La forme monarchique du régime.
- Une monarchie parlementaire.
- Le droit d’autonomie.

La constitution proclame la souveraineté nationale, d’où émanent tous les pouvoirs.

Le Parlement comprend deux chambres élues au suffrage universel : le congrès des


députés et le Sénat.

C’est un pouvoir exécutif fort où le président du gouvernement choisit les ministres.

La constitution envisage deux types de communautés autonomes : les « nationalités »


(Pays Basque et Catalogne) et les régions. On a évité le nom de fédéralisme.

La constitution est soumise à référendum le 6 décembre 1978.


Les premiers gouvernements démocratiques (1979-1982).

Élections générales le 1 mars 1979 : victoire de l’UCD et confirmation de deux partis


dominants (le PSOE).

Quels sont les problèmes les plus brûlants :

- La question sociale :
Par les effets du choc pétrolier du 73 : réorganisation de l’industrie, licenciements massifs
et augmentation du chômage. Les syndicats n’avaient pas signé les pactes de la Moncloa.
Ce sont l’UGT (proche du PSOE) et les CC.OO (commissions ouvrières) les syndicats qui
regroupent la grande majorité des travailleurs.
- Les rapports avec l’Église :
Des conflits à propos de l’école, de la dépénalisation de l’avortement et du divorce. Un
nouveau accord avec le Vatican en 1979.
- Le processus autonomique.
Les diverses communautés reçoivent leurs statuts entre 1979 et 1982. Les Basques ne
sont pas satisfaits et ils réclament le droit à l’autodétermination. Cette divergence est à
l’origine du terrorisme qui n’a cessé d’assombrir le climat politique de l’Espagne. L’ETA
intensifie la lutte : attentats, assassinats de gardes civils et des cadres supérieures de
l’armée cherchent à provoquer à l’armée pour l’inciter à interrompre un processus
démocratique.

Le rôle de l’armée :
L’opération Galaxie est l’un des complots avortés en 78 ; après le coup de force
programmé pour le 23 février 1981 (comme le coup de force de Pavía occupant les Cortès
en 1873). Le colonel Tejero et le général Milans del Bosch sont les protagonistes. L’attitude
de Juan Carlos a été déterminante pour l’échec du pustch.

Avant le coup d’État il y a une situation politique d’instabilité où Suárez démissionne et


Leopoldo Calvo Sotelo lui succède. Après Suárez va fonder le CDS (Centre Démocratique
et Social).
Les élections du 28 octobre de 1978 donnent la victoire au PSOE de Felipe González, le
deuxième parti de l’Espagne. Une éclatante victoire remporté par les socialistes qui
obtiennent beaucoup plus que la majorité absolue au congrès. L’Alliance Populaire de
Fraga devient le principal parti d’opposition. C’est l’effondrement de la CDS de Suárez.

3.- Les socialistes au pouvoir (1982-1996).


La victoire de Felipe González survient un an et demi après l’élection de Mitterrand en
France. On peut voir dans cette alternance la preuve que la démocratie est
définitivement installée en Espagne.

Problèmes économiques et sociaux


La rigueur dans la gestion des socialistes conduit à des mesures d’austérité. Les syndicats
se montrent hostiles et l’UGT finit par rompre avec le gouvernement socialiste et
organise le 14 décembre 1988 une grève générale contre la politique néolibérale.
La croissance reprend en 1987-1988 au point que certains parlent du miracle de
l’économe espagnole.

Développement des autonomies


Les communautés autonomes prévues par la constitution commencent à se mettre en
place. La conséquence la plus visible est que l’administration s’est considérablement
renforcée.

L’Espagne, puissance mondiale


L’Espagne renouvelle sa candidature au Marché Commun (CEE) en 1977 mais les
gouvernements Suárez et Calvo Sotelo rencontrent l’opposition de la France (les
agriculteurs du Sud-ouest ont peur de la concurrence des fruits et légumes espagnols). Il
y a aussi la question de l’ETA dont les militants sont considérés comme des réfugiés
politiques (le sanctuaire français).
Le contentieux entre la France et l’Espagne ne commence à débloquer qu’en 1984, trois
ans après l’élection de Miterrand. Après sa visite en cette année la France accepte
d’extrader les terroristes et la police française coopère ; d’autre part, la France promet
d’appuyer la candidature d’Espagne au Marché commun.
Le traité d’adhésion est signé à Madrid le 12 juin 1985. Par rapport à la question de
l’OTAN les socialistes sont embarrassés : beaucoup d’entre eux restent hostiles mais
González change d’opinion et dans le référendum promis aux élections il est pour
le « oui ». Ils sont seuls à recommander de voter oui (52 % des suffrages exprimés).
1992 est l’année des Jeux olympiques de Barcelone et de l’Exposition universelle
de Séville.

4.- L’alternance de 1996.


Le PSOE commence à subir l’usure de pouvoir avec la corruption politique : l’affaire
Guerra (le frère du vice-président) est la première d’une série de scandales :
financements du parti occultes, fausses factures, trafics d’influence, fonds secrets,
pots-de-vin, etc. Deux scandales se relèvent très graves : l’affaire Roldán, directeur
général de la Garde Civil et l’affaire des GAL o groupes antiterroristes de libération avec
des polices recrutés (Felipe González était-il au courant ?

Des élections législatives anticipées (le 3 mars 1996) sont gagnés par le Parti Populaire de
Aznar (chef du parti depuis 1990) mais sans la majorité. Il se maintien au pouvoir grâce au
groupe de Jordi Pujol, CIU (Convergence et Union) en échange de concessions pour la
Catalogne.

Conclusion
L’Espagne est devenue une démocratie et une puissance européenne. En 1996 les
problèmes du pays sont ceux qui concernent la plupart des pays développés.
Néanmoins, les espagnols attendaient beaucoup plus de la démocratisation et la
question des nationalismes n’est pas insoluble.

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