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Les défis de la vie consacrée

Père Edouard ADE


Plan du module

 Introduction : Quels défis pour la vie consacrée dans une


Eglise synodale ?
 Les concepts
- Défis
- Vie consacrée
 Retour sur la première phase du processus synodal telle
que vécue dans les IVC/SVA
 Les défis à travers quelques textes
 Radiographie de la vie consacrée (Mgr Carballo)
 Ecclesia in Africa (Jean-Paul II)
 Africae munus (Benoît XVI)
 La vie consacrée comme défi
 Consécration
 Pauvreté
 Chasteté
 Obéissance
 Vie fraternelle
 La vie consacrée face aux défis de la mission en Afrique
 Le bord du chemin
 La pierraille
 Les ronces
 La bonne terre
 Vue synoptique des défis de la vie consacrée en Afrique
 Conclusion : Quelle vie consacrée pour une Afrique en
mutation ?
Les concepts

 DEFI :
 1. Lutter,
 2. Braver quelque chose de dangereux, s’y exposer
hardiment, courageusement, lutter contre.
 3. Mettre en demeure quelqu’un de faire quelque
chose en laissant entendre qu’on le croit incapable de
réussir.
 La vie consacrée :
 « La vie consacrée par la profession des conseils évangéliques est la
forme de vie stable par laquelle des fidèles, suivant le Christ de plus
près sous l’action de l’Esprit-Saint, se donnent totalement à Dieu
aimé par-dessus tout, pour que, dédiés à un titre nouveau et
particulier pour l’honneur de Dieu, pour la construction de l’Eglise
et le salut du monde, ils parviennent à la perfection de la charité
dans le service du Royaume de Dieu et, devenus signe lumineux
dans l’Eglise, ils annoncent déjà la gloire céleste. » (Can 573 § 1).
Une vie consacrée en synodalité

 Dans le processus synodal, dix pôles thématiques


essentiels ont été donnés pour approfondissement.
Comment comme IVC/SVA avons-nous vécu chacun de
ces points d’examen ? Dans notre rapport à l’Eglise locale
et à la société ? Dans notre rapport avec le clergé diocésain
? Dans notre rapport avec les autres congrégations
religieuses ? Dans notre rapport au sein de notre Institut ?
 Travaux en ateliers sur les dix points du questionnaire
synodal.
 Sur quels points le processus synodal constitue-t-il une
interpellation pour nos instituts?
 La vie consacrée ne représente-t-elle pas, pour le
processus synodal, une force d’interpellation en tant que
les charismes particuliers mettent constamment les
religieux en contexte de synodalité vécue?
RADIOGRAPHIE DE LA VIE CONSACREE ACTUELLE
ET PERSPECTIVES POUR SON AVENIR
Monseigneur José Rodriguez Carballo, O.F.M.

 Il n’est pas facile de s’approcher de la réalité actuelle de la


vie consacrée sans tomber dans un certain subjectivisme.
En effet, le diagnostic que l’on fait de la vie consacrée en
ce moment actuel va d’une vision exagérément positive,
qui ne voit aucun problème, à une vision catastrophique,
qui ne prend en compte que les éléments négatifs, qui
certes s’y trouvent.
 La première approche court le risque de ne pas tenir
compte des problèmes que traversent actuellement la vie
consacrée. La seconde, celui de ne pas voir l’œuvre de
l’Esprit, qui continue à souffler généreusement sur les
consacrés et, à travers eux, sur la vie de l’Eglise.
 Comme en toute réalité ecclésiale, il y a dans la vie
consacrée lumières et ombres, signes de vie et signes de
mort, sainteté et péché (cf. VC 13). Examinons
sommairement les lumières et les ombres dans la Vie
consacrée d’aujourd’hui, ce qui nous attriste, ce qui nous
préoccupe et aussi ce qui nous réjouit et ce qui nous
pousse pour une vie consacrée qui, comme le demande le
Pape François, soit capable de réveiller le monde.
 Je m’approche de cette réalité à partir de ma connaissance
de la vie consacrée, connaissance approfondie au cours de
cette année et demi de travail au Dicastère, grâce à
l’analyse des documents qui nous parviennent et au
dialogue permanent avec la réalité de la vie consacrée à
travers les rencontres avec les consacrés et spécialement
les Supérieur(e)s généraux et générales.
 Il est encore moins facile de déchiffrer l’avenir de la Vie
consacrée. Celui-ci ne se trouve pas ici ou là, mais dans
les mains de Dieu. En tout cas, sans prétendre voir clair
dans ce que l’Esprit est en train de faire naître dans la Vie
consacrée, en tenant compte de ce qui germe déjà au
milieu de nous, en même temps que les autres réalités qui
meurent, nous pouvons déjà identifier certains éléments de
nouveauté et d’avenir.
Ce qui nous attriste

 Une vie consacrée auto-référentielle, repliée sur elle-


même, davantage préoccupée par sa propre survie que par
la mission d’annoncer la Bonne Nouvelle « à ceux qui
sont proches et à ceux qui sont loin ».
 Une vie consacrée davantage en recherche du nombre que
du sens évangélique, des œuvres à préserver que de la
prophétie qui ne devrait jamais lui manquer.
 Une vie consacrée plus intéressée à préserver les habitudes
sécurisantes – « on a toujours fait comme ça » - qu’à se
diriger vers les frontières existentielles d’aujourd’hui.
 Une vie consacrée tenaillée par une « anémie spirituelle »,
préoccupante parce qu’elle conduit à s’installer dans la
médiocrité et l’empêche de vivre le présent avec passion et
de regarder vers l’avenir avec espérance.
 Une vie consacrée dominée par l’acédie : « un
désenchantement chronique, une paresse qui assèche
l’âme » (EG 277), qui « paralyse » toute tentative de «
fidélité créative » (cf. EG 81), qui produit une fatigue
tendue, pénible, insatisfaite (cf. EG 82), qui domine le
rythme de la vie par l’anxiété des résultats immédiats, qui
n’accepte pas la contradiction, l’échec, la critique, la croix
(cf. EG 82).
 Une vie consacrée sans mystique, démotivée, enlisée dans
l’ennui et l’habitude ; une vie consacrée qui produit des «
vies diminuées de moitié », asphyxiées par l’inertie d’un
ordre immuable, par le poids des traditions qu’on ne remet
pas en discussion ; des vies qui ne vivent plus, parce
qu’elles sont assujetties au fonctionnement des
institutions.
 Une vie consacrée plus professionnelle que témoin du
Dieu de la vie, qui suscite la passion, l’espérance et la joie,
qui suscite attraction forte, grâce et sympathie, qui
interpelle, attire et séduit.
Ce qui nous préoccupe

 Sans chercher des coupables, mais sans non plus fermer


les yeux sur la réalité, nous devons reconnaître, dans la vie
consacrée, des symptômes qui nous préoccupent parce
qu’ils cachent la beauté de la suite du Christ. Si nous
signalons ces symptômes, ce n’est pas par complexe de
culpabilité mais simplement pour chercher à les dépasser.
 La fragilité que l’on note dans certains instituts. Cette fragilité se
manifeste de différentes façons : les absences de la maison
religieuse , les exclaustrations , les renvois , les recours continuels
au Dicastère ou au Tribunal de la Signature Apostolique, le manque
de changement dans les charges de gouvernement, comme on le voit
spécialement chez les moniales de clôture, où la postulation de
l’abbesse devient une pratique bien trop fréquente . La fragilité se
repère aussi dans les demandes de fusions, d’unions et de
suppressions d’Instituts religieux .
 Le décalage entre la législation et les possibilités réelles
d’un Institut. Ce décalage se voit dans les nombreuses
demandes de dispenses du droit propre . Je pense qu’il
serait bon de simplifier les Constitutions. Beaucoup de
choses qui y sont pourraient passer dans les Statuts et
Règlements qui ne demandent pas l’intervention du Saint-
Siège. La « sanatio » n’est pas rare, surtout par rapport au
noviciat, ce qui démontre la non connaissance du Droit,
aussi bien propre qu’universel.
 Le nombre important, chaque année, d’abandons de la
vie consacrée et le manque de relève générationnelle, en
raison desquels de nombreux Instituts sont destinés à
disparaître à brève échéance ou appelés à s’unir à d’autres
ayant un charisme similaire.
 Le nombre élevé d’Instituts sujets à un commissariat et
les nombreuses Visites apostoliques , en raison
principalement de quatre types de situations
douloureuses et même parfois scandaleuses : les
problèmes affectifs, parfois dans le chef des fondateurs
eux-mêmes ; la formation, qui est parfois anti-conciliaire
; la gestion économique peu transparente, dans laquelle
l’argent « gouverne au lieu de servir » (cf. EG 57-58) ;
l’autoritarisme dans l’exercice de l’autorité.
 La gestion économique inadéquate dans certains
Instituts et, chez d’autres, le manque de transparence dans
l’économie. En ce moment, la gestion des biens est un
problème sérieux dans plusieurs Instituts. Dans certains cas,
c’est parce qu’ils ont accumulé trop d’argent. Dans d’autres,
parce que la gestion inadéquate des biens a porté l’Institut à
une situation déficitaire difficile à gérer. Souvent, cela est
causé par une gestion des biens trop personnaliste, soit par
les Supérieurs majeurs soit par les Economes.
 L’exercice inadéquat du service de l’autorité dans
certains Instituts, qui conduit à s’agripper au pouvoir et à
une « politique » qui, trop souvent, a à voir avec
l’Evangile mais beaucoup avec la « logique du monde ».
Le nombre de Supérieurs qui cherchent à rester aux postes
décisionnels augmente et les cas d’autoritarisme ne sont
pas rares.
 La « mondanité » qui apparaît dans de nombreux
consacrés et que l’on voit dans un « style de vie » éloigné
de l’esprit du Fondateur ou de la Fondatrice. Nous ne
pouvons taire un certain « embourgeoisement », une
certaine « installation » de quelques consacrés, qui
obscurcissent le visage de la vie consacrée.
 Un activisme aliénant qui est loin de favoriser la créativité, et
même qui relativise la vie fraternelle en communauté, la vie de
prière et l’idée même de consécration. Un tel activisme conduit
souvent à un affaiblissement de la motivation, alimenté par la
frustration, la rancœur, la désillusion, l’indifférence.
 La recherche de l’autoréalisation, qui ne tient pas compte des
exigences de la vie fraternelle en communauté ni de celles du
Royaume de Dieu, et qui exprime un individualisme envahissant qui
évalue tout à partir d’un point de vue qui se prend pour seule
référence.
Ce qui nous réjouit

 Cette période qui nous sépare du Concile, période « délicate et


difficile » sans aucun doute, « marquée par des tensions et des
épreuves », fut également une période riche d’espérance, avec une
abondance de projets profondément marqués par l’Evangile, dans
lesquels un grand nombre de consacrés, probablement la grande
majorité, se sont engagés « avec un nouvel élan » en un profond
renouveau spirituel et apostolique, dont le fruit est une vie
consacrée « renouvelée et renforcée » (cf. VC 13).
 Pour tout cela, nous faisons mémoire avec
reconnaissance de cette période (cf. NMI 1), et nous nous
réjouissons pour :
 La cohérence de la majorité des consacrés qui sont en
train de faire un effort sérieux pour incarner la vie
consacrée dans le présent, en choisissant clairement d’aller
vers les différentes périphéries existentielles.
 La naissance de nouvelles formes de vie consacrée, qui montre
que cette forme de suite du Christ se renouvelle toujours .
 Une vie consacrée fécondée par une vive spiritualité de
communion qui conduit à s’ouvrir à l’ « autre », à celui qui est
différent, autant au sein de la vie consacrée elle-même, que dans
l’Eglise et au dehors de celle-ci. Ce qui donne une spiritualité
incarnée, qui se transforme en prophétie, une spiritualité holistique
qui, tenant les yeux et le cœur fixés sur le Seigneur, ne méprise rien
qui soit propre à l’homme et à la femme créés à Son image et à Sa
ressemblance.
 Une vie consacrée animée par un intense désir de plus
grande radicalité charismatique et par une fidélité
créatrice passionnée.
 Une vie consacrée qui veut offrir une formation ajustée
au moment actuel et qui prépare à lire les signes des
temps : une formation intégrale, permanente,
accompagnée …
 Une vie consacrée qui donne la priorité à la personne et
qui tend à simplifier les structures, en les mettant au
service des personnes, du charisme et de la mission
propre à chaque institut, sans rester ancré dans la
nostalgie des structures et habitudes qui ne sont plus
porteuses de vie dans le monde actuel (cf. EG 108) et ne
sont plus des canaux appropriés pour transmettre le
charisme propre d’un Institut.
 Une vie consacrée qui regarde le monde non comme un
danger ou une menace, mais comme son propre « cloître »
et son champ pour la mission. Une vie consacrée qui
pose sur ce monde un regard ouvert au dialogue et à
l’inculturation.
 Une vie consacrée qui a un sens clair de l’ecclésialité,
sans renoncer à son caractère prophétique et à un
esprit critique sain à l’intérieur de l’Eglise.
Ce qui nous stimule

 Il n’est permis ni à la vie consacrée ni à l’Eglise de s’atrophier,


de se paralyser, d’ignorer le monde dans lequel elles doivent
servir. Nous sommes en train de vivre un changement
historique de paradigme. Les hommes et les femmes
d’aujourd’hui ne se comprennent plus de la même façon, ils ne
perçoivent plus leurs relations avec le groupe et avec la
transcendance comme autrefois. Dans ce contexte, la vie
consacrée a devant elle un grand défi : chercher un « visage
historique » plus significatif pour l’homme d’aujourd’hui.
 Mais elle doit éviter deux tentations qui, bien qu’elles
semblent contradictoires, sont pareillement dangereuses. Soit
se cramponner au passé, en regrettant avec nostalgie
quelque chose qui ne reviendra pas. Soit accueillir la
première nouveauté venue, sans discerner si celle-ci nous
pousse dans la direction de l’Esprit qui « souffle où il veut »
(cf. Jn 3, 8). Les consacrés ne peuvent être ni nostalgiques
ni aventuriers, ils sont des hommes et des femmes qui se
laissent constamment régénérer par le souffle de l’Esprit.
 C’est l’Esprit qui nous presse à :
 Une vie consacrée qui se sente en chemin, centrée sur le
Seigneur, et qui soit signe du transcendant ; concentrée sur
les éléments essentiels de son identité : consécration, vie
fraternelle en communauté, mission ; et décentrée,
capable d’aller vers les périphéries.
 Une vie consacrée assoiffée de Dieu, animée par la
recherche constante d’un Dieu qui se laisse rencontrer et
nous implique dans sa présence au monde. Une vie
consacrée forte d’une spiritualité unifiée, en tension
dynamique et participative. Une vie consacrée disposée
à se laisser refaire, recréé par Dieu, comme « l’argile
dans les mains du potier » (cf. Jr 18, 1-6).
 Une vie consacrée mystique, contemplative, qui sache
voir la grandeur sacrée du prochain et découvrir la
présence de Dieu en chaque personne humaine. Une vie
consacrée qui sache s’ouvrir à l’amour de Dieu. Une
vie consacrée soutenue par une foi partagée et
approfondie.
 Une vie consacrée assoiffée de vie fraternelle en
communauté et du désir de la re-créer, en la rendant
toujours plus lisible pour l’homme et la femme
d’aujourd’hui. Une vie fraternelle en communauté
animée par le dialogue et le discernement fraternels,
qui facilite les processus de co-responsabilité et de
participation partagée entre tous les membres.
 Une vie fraternelle en communauté qui soit école
d’humanité et de vie chrétienne authentique. Une vie
fraternelle en communauté caractérisée par une saine
autonomie personnelle en communion fraternelle.
 Une vie fraternelle en communauté dans laquelle on
accepte la diversité comme un don de l’Esprit (cf. EG
131), aussi difficile puisse-t-elle être.
 Une Une vie fraternelle en communauté qui construise des
liens solides et non seulement utiles et productifs.
 vie fraternelle en communauté soutenue par la loi de la
communion.
 Une vie consacrée qui accepte de prendre l’initiative (cf. EG
24) : d’ouvrir des chemins, suivre de nouvelles routes,
reconnaître les possibilités et pas seulement les problèmes. Une
vie consacrée qui parle, par signes et paroles, de la seigneurie
de Dieu dans l’histoire de chaque homme et de chaque femme.
 Une vie consacrée « en sortie », qui sait où elle va (cf.
EG 46).
 Une vie consacrée « samaritaine », qui s’arrête pour
répondre aux urgences missionnaires du moment
actuel et qui sache re-calculer et re-programmer ses
activités à partir de ces urgences.
 Une vie consacrée capable de laisser les 99 brebis et d’aller à la
recherche de celle qui est perdue (cf. Lc 15, 3-7), de balayer toute la
maison pour trouver la drachme perdue (cf. Lc 15, 8-10) ; une vie
consacrée qui tienne toujours les « portes ouvertes » pour
accueillir sans condition (cf. EG 46. 47).
 Une vie consacrée qui appelle, rappelle et annonce, en faisant
ressortir les valeurs de l’Evangile et en protégeant l’originalité
évangélique de la vie fraternelle en communauté comme signe
prophétique contre-culturel qui évoque le Royaume.
 Une vie consacrée qui ne se laisse pas voler l’espérance
(cf. EG 86), qui ne se laisse pas voler la gratuité, qui ne
se laisse pas voler la communauté et l’idéal de l’amour
fraternel (cf. EG 92, 101), qui ne se laisse pas voler la
jeunesse, qui ne se laisse pas voler l’enthousiasme, la
force missionnaire et la joie d’évangéliser (cf. EG 80.
83. 109), qui ne se laisse pas voler l’Esprit Saint, qui ne
se laisse pas voler l’Evangile (cf. EG 97).
 Une vie consacrée consciente des nombreux défis qu’elle
doit affronter et qu’elle affronte avec réalisme, mais aussi
avec joie, audace, don confiant d’elle-même.
 Une vie consacrée qui ne se résolve pas à être un musée
qu’on admire mais dans lequel personne ne veut vivre.
 Une vie consacrée consciente d’être appelée à apporter
une réponse aux « signes des temps » dans lesquels parle
l’Esprit Saint, qui l’interpelle sans cesse.
La vie conscarée a-t-elle un avenir?

 Telle est la question que beaucoup se posent aujourd’hui.


 Je cite, parce que je la partage complètement, les paroles
du Pape Benoît XVI aux Evêques du Brésil : « (…) la vie
consacrée comme telle tire son origine du Seigneur lui-
même, qui a choisi pour lui cette forme de vie
virginale, pauvre et obéissante. C’est pour cela que la
vie consacrée ne pourra jamais manquer ni mourir
dans l’Eglise » (5 novembre 2010).
 Oui, il y a un avenir pour la vie consacrée ! Même si
certaines formes de vie consacrée, anachroniques,
obsolètes, antiques, qui disent peu ou rien à l’homme et la
femme d’aujourd’hui, ne resteront pas, bien qu’elles
puissent donner l’apparence d’un certain succès pour ce
qu’elles comportent de sécurité et de pouvoir.
 Mais la vie consacrée a un avenir dans la mesure dans
laquelle elle se fait messagère de témoignage et de sens,
dans la mesure où elle donne réponse aux « signes des
temps » et sait découvrir, avec « fidélité créatrice » les
racines des différents charismes et sait les relire dans
l’humus de la culture actuelle. L’avenir de la vie
consacrée, qui est dans les mains de Dieu, dépend aussi en
grande partie de la capacité de la renouveler, de la re-
créer, d’en redécouvrir le fondement.
 Ceci implique :
 - que la vie consacrée soit une prophétie vivante par
l’expérience de ces valeurs du Royaume qui, sans être l’apanage de
la vie consacrée, devraient être accentuées par elle d’une façon qui
provoque : la recherche passionnée de Dieu, l’amour gratuit et sans
frontière, le partage solidaire et en communion, une vie simple,
modeste et joyeuse, la fraternité chaleureuse qui accueille, soutient,
stimule, pardonne …
 - que la vie consacrée partage la mission de Jésus Christ, qui appelle
à travailler à sa vigne au service du Peuple de Dieu qui chemine,
lutte, souffre et espère, en une obéissance inconditionnelle à l’Esprit
qui crée, recrée et renouvelle toute chose ;
 - que la vie consacrée sache vivre un style alternatif et contre-
culturel, qui n’altère pas sa fonction prophétique, n’obscurcisse pas
son caractère symbolique, ne perde pas sa force eschatologique ;
 - que la vie consacrée affronte avec audace cette
période « délicate et difficile » comme un kairòs de
purification et une occasion propice pour retourner à
l’essentiel, de façon à ce que la crise par laquelle nous
passons soit une crise qui la retrempe et dont elle sorte
renforcée dans sa dimension mystique et prophétique.
 Une vie consacrée qui favorise une expérience attirante et
fondatrice du Dieu incarné, la rencontre face à face avec
Dieu (cf. Ex 34, 29) (dimension mystique) et travaille
inlassablement à la promotion intégrale de la personne
humaine, en annonçant le rêve de Dieu et en dénonçant les
rêves inhumains de tant d’hommes sur l’homme
(dimension prophétique). Une vie consacrée qui sente et
transmette la passion pour Dieu comme la passion pour
l’homme.
 Une vie consacrée vécue avec radicalité et sans vedette,
en communion et complémentarité, avec ouverture et
disponibilité, sans crainte ni rigidité, ouverte à l’Esprit qui
« souffle où il veut » ( Jn 3, 8), change les cœurs, nous
libère de nos peurs, de nos frustrations, de nos déceptions,
qui nous pousse vers les autres et nous conduit à une unité
étroite entre être et agir, entre ce qui est personnel et ce
qui est communautaire.
 Une vie consacrée qui soit témoin de Jésus Christ par une
vie de pauvreté qui n’ait pas besoin de beaucoup
d’explications, vécue sur le mode de la solidarité, de la
communion et de la justice, sur le mode d’une vie simple
et modeste.
 Par un célibat pour le Royaume qui nous rende affectueux
et proches, mais sans attachement, intégrés, harmonieux,
disponibles et joyeux.
 Par une obéissance qui présente une nouvelle alternative pour vivre
la liberté et nous rende par conséquent plus libres, responsables et
adultes. Par une vie fraternelle en communauté humaine et
humanisante.
 Par une mission courageuse et audacieuse en faveur de tout homme,
spécialement de ceux que la culture considère comme des déchets
humains. Somme toute, par une vie plongée dans l’Esprit de Dieu.
 Une vie consacrée, enfin, qui prenne soin de la qualité
évangélique de la vie des consacrés, sans jamais céder à la
tentation du chiffre et de l’efficacité (CdC 18).
Conclusion

 On peut avoir l’impression que la Curie romaine est loin


de nous, qu’elle ignore les problèmes du terrain, qu’elle
est très occupée à préserver des coutumes antiques et
solennelles. On ne sait pas toujours à quoi peut bien servir
un Dicastère pour la vie consacrée, si ce n’est à mettre des
cachets sur des Constitutions ou à donner des dispenses
pour des choses qui semblent formelles.
 Ce que je souhaite vous dire et vous transmettre, en venant
ici, c’est que le Dicastère où j’ai été appelé à servir,
travaille pour vous. Il travaille pour la vie consacrée, il est
à son service, comme il est au service de l’Eglise et du
Seigneur. Notre plus grand désir est le même que le vôtre :
suivre le Christ et Le servir, l’aimer et le faire aimer.
 C’est pourquoi je souhaite que nous soyons plus proches,
que nous trouvions les moyens de mieux communiquer pour
vivre ensemble et nous réjouir ensemble de la beauté de la
vie chrétienne et que cette beauté rayonne et soit une
consolation pour le monde d’aujourd’hui.
 Les premiers mots prononcés officiellement en préparation à
l’Année de la Vie consacrée sont : « Réjouissez-vous ! »
Réjouissons-nous donc de la Beauté et de la Bonté de Dieu !
EDUQUER A UNE LIBERTE RESPONSABLE
(Quelques points à commenter)

 Créer un climat de confiance et de responsabilisation


permet au jeune en formation de se sentir responsable et
cofondateur de la communauté.
 Les formateurs que nous sommes devrions être très
attentifs à ce qu’un jeune dit même de façon maladroite
car l’Esprit parle par qui il veut.
 Il faudrait veiller à ce que le jeune ne développe pas
l’hypocrisie. Les jeunes en formation peuvent développer
leur talent de séductrices et séducteurs pour cacher leur vrai
visage.
 Il faut demander au Seigneur la grâce de la maîtrise de nos
colères pour maîtriser les évènements qui nous fâchent en
vue de prendre du temps pour interpeller les jeunes. Nous
devons être des formateurs qui créent et maintiennent un
climat de confiance permettant aux jeunes de s’ouvrir.
 Nous avons aussi les défis des TIC à relever. Il faudrait
aussi dans ce domaine être vrai avec les jeunes. Il serait
important de créer un espace qui les rende responsable
dans l’utilisation des moyens modernes de
communication.
 Voir aussi comment ces questions interpellent notre vie
consacrée en Afrique.
Notes

 Entre 2008 et 2013, le Dicastère a autorisé 761 cas d’absence de la


maison religieuse.
 Toujours entre 2008 et 2013, il y a eu 1.402 exclaustrations, dont 72
ont été imposées.
 Entre 2008 et 2013, notre Dicastère a confirmé 1.075 décrets de
renvoi.
 Le Dicastère approuve sans difficulté jusqu’à la quatrième
postulation. A partir de la sixième, il nomme l’abbesse. Dans
d’autres circonstances, il impose une abbesse d’un autre monastère.
 Entre 2008 et 2013, le Dicastère a accompagné 1 union, 22
fusions et 3 suppressions d’Instituts religieux.
 Toujours entre 2008 et 2013, on a compté 1.073 dispenses,
dont la plus grande partie concerne les règles du noviciat
ou de la profession temporaire ou perpétuelle. Il faut
encore y ajouter 28 dispenses de l’empêchement du lien
matrimonial.
 39 désignations de Commissaires. Le nombre total
d’abandons de la vie consacrée est environ de 3.000 par
an, en comptant les cas qui passent par notre
Congrégation, ceux de la Congrégation pour le Clergé et
ceux de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
 Selon les statistiques dont nous disposons, de 2008 à
2013, il y a eu
 De 2008 à 2013, 132 Visites apostoliques ont été décidées
pour les Instituts de vie apostolique.
 Actuellement, nous sommes en train d’enquêter au sujet
du comportement d’une quinzaine de fondateurs.
 La lettre circulaire « Lignes d’orientation pour la gestion des biens
» ecclésiastiques par les consacrés, comme le Symposium que le
Dicastère a organisé à ce sujet en mars 2014, et qui a reçu un accueil
et une participation enthousiastes, se veulent être une aide pour une
gestion adéquate des biens que les Instituts possèdent. Nous
sommes en train de recueillir des suggestions pour élaborer une
Instruction à ce sujet.
 De 2008 à 2013, 20 Instituts religieux (3 masculins et 17
féminins, dont 3 en Afrique, 7 en Amérique, 3 en Asie et 7
en Europe) ont été érigés par notre Dicastère, ainsi que 4
Sociétés de vie apostolique (2 masculins et 2 féminins,
dont 3 en Amérique et 1 en Europe), 3 Instituts séculiers
(tous les 3 féminins).
 A ces données, il faut encore ajouter le fait que notre
Dicastère a donné des avis favorables aux Evêques
concernés ou à travers la Congrégation pour
l’Evangélisation des Peuples en vue de l’érection
d’Associations publiques en Instituts de droit diocésain.
La vie consacrée comme défi pour le monde
de ce temps
 Le prophétisme de la vie consacrée
 La vie consacrée se présente comme une forme spéciale de
participation à la fonction prophétique du Christ,
communiquée par l'Esprit à tout le Peuple de Dieu.
 Ce prophétisme s'exprime par le témoignage du primat de
Dieu et des valeurs de l'Évangile dans la vie chrétienne.
En vertu de ce primat, rien ne peut être préféré à l'amour
personnel pour le Christ et pour les pauvres en qui il vit.
 La tradition patristique a reconnu dans la personne d'Élie,
prophète audacieux et ami de Dieu une figure de la vie
religieuse monastique. Élie vivait en présence de Dieu et
contemplait son passage dans le silence, il intercédait pour
le peuple et proclamait la volonté divine avec cou- rage, il
luttait pour les droits de Dieu et se dressait pour défendre
les pauvres contre les puissants du monde (cf. 1 R 18-19).
 La véritable prophétie naît de Dieu, de l'amitié avec lui, de
l'écoute attentive de sa Parole dans les diverses étapes de
l'histoire. Le prophète sent brûler dans son cœur la passion
pour la sainteté de Dieu et, après avoir accueilli sa parole
dans le dialogue de la prière, il la proclame par sa vie, ses
lèvres et ses gestes, se faisant le héraut de Dieu contre le
mal et le péché.
 Notre monde, dans lequel les traces de Dieu semblent
souvent perdues de vue, ou au contraire embrouillées par
une multiplicité de propositions religieuses, éprouve
l'urgent besoin d'un témoignage prophétique fort de la part
des personnes consacrées.
 La cohérence entre l'annonce et la vie confère une force de
persuasion particulière à la prophétie.
 La fidélité jusqu’au martyre.
 La mission prophétique de la vie consacrée répond à trois
défis principaux adressés à l'Église elle-même: ce sont des
défis de toujours qui, sous une forme nouvelle et peut-être
plus radicale, sont lancés par la société contemporaine, au
moins dans certaines parties du monde.
 Ils concernent directement les conseils évangéliques de
pauvreté, de chasteté et d'obéissance, et incitent l'Église,
en particulier les personnes consacrées, à faire apparaître
leur profonde signification anthropologique et à en
témoigner.
 Le choix de ces conseils, en effet, loin de constituer un
appauvrissement de valeurs authentiquement humaines, se
présente plutôt comme leur transfiguration.
 Les conseils évangéliques ne doivent pas être considérés
comme une négation des valeurs inhérentes à la sexualité,
au désir légitime de posséder et de décider de sa vie de
manière indépendante.
 Ces inclinations, dans la mesure où elles sont fondées dans
la nature, sont bonnes en elles-mêmes. Toutefois, la
créature humaine, affaiblie par le péché originel, est
exposée au risque de les mettre en œuvre sous le mode de
la transgression.
 La profession de chasteté, de pauvreté et d'obéissance
devient un avertissement afin que ne soient pas sous-
estimées les blessures provoquées par le péché originel, et,
tout en affirmant la valeur des biens créés, elle les
relativise en montrant que Dieu est le bien absolu.
 Valeur de « thérapie spirituelle » à l'humanité.
 LE DEFI DE LA CHASTETE CONSACREE
 La première provocation est celle d'une culture hédoniste
qui délie la sexualité de toute norme morale objective, en
la réduisant souvent à un jeu et à un bien de
consommation, et en cédant à une sorte d'idolâtrie de
l'instinct avec la complicité des moyens de communication
sociale.
 Conséquences: des transgressions diverses, qui
s'accompagnent d'innombrables souffrances psychiques et
morales pour les individus et pour les familles.
 Réponse de la vie consacrée : pratique joyeuse de la
chasteté parfaite, comme témoignage de la puissance de
l'amour de Dieu dans la fragilité de la condition humaine.
 Il est nécessaire que la vie consacrée présente au monde
d'aujourd'hui des exemples de chasteté vécue par des
hommes et des femmes qui font preuve d'équilibre, de
maîtrise d'eux-mêmes, d'initiative, de maturité
psychologique et affective. Dans ce témoignage, l'amour
humain trouve un point d'appui solide, que la personne
consacrée retire de la contemplation de l'amour trinitaire,
qui nous est révélé par le Christ.
 Points à travailler en ateliers
 Le vœu de chasteté à l’épreuve des scandales de la
pédophilie. Comment l’Afrique se situe-t-elle ?
 Quelle appréciation donner du dossier de presse sur les «
abus sexuels à l’encontre des religieuses en Afrique » ?
 LE DEFI DE PAUVRETE
 Une autre provocation actuelle provient d'un matérialisme
avide de possession, indifférent aux besoins et aux
souffrances des plus faibles et même dépourvu de toute
considération pour l'équilibre des ressources naturelles.
 La réponse de la vie consacrée se trouve dans la pauvreté
évangélique, vécue sous différentes formes et souvent
accompagnée d'un engagement actif dans la promotion de
la solidarité et de la charité.
 Avant même d'être un service des pauvres, la pauvreté
évangélique est une valeur en soi, car elle évoque la
première des Béatitudes par l'imitation du Christ pauvre.
 Son sens primitif : rendre témoignage à Dieu qui est la
véritable richesse du cœur humain; contester avec force,
l'idolâtrie de Mammon, en se présentant comme un appel
prophétique face à une société qui, dans de nombreuses
parties du monde riche, risque de perdre le sens de la
mesure et la valeur même des choses.
 Aujourd'hui plus qu'à d'autres époques, la pauvreté
évangélique suscite aussi l'intérêt de ceux qui, conscients
des limites des ressources de la planète, réclament le
respect et la sauvegarde de la création en réduisant la
consommation, en pratiquant la sobriété et en s'imposant
le devoir de mettre un frein à leurs désirs.
 LE DEFI DE LA LIBERTE DANS L’OBEISSANCE
 La troisième provocation provient des conceptions de la liberté qui
soustraient cette prérogative humaine essentielle à son rapport
constitutif avec la vérité et avec la norme morale. En réalité, la
culture de la liberté est une valeur authentique, étroitement liée au
respect de la personne humaine. Mais qui ne voit les graves
injustices et même les terribles violences qui résultent d'un usage
dévié de la liberté dans la vie des personnes et des peuples ?
 L'obéissance qui caractérise la vie consacrée est une
réponse efficace à cette situation. Elle présente comme
modèle, d'une manière particulièrement forte, l'obéissance
du Christ à son Père et, à partir de son mystère, elle
témoigne de ce qu'il n'y a pas de contradiction entre
l'obéissance et la liberté.
 Dimension communautaire de l’obéissance. La vie
fraternelle est le lieu privilégié pour discerner et pour
accueillir la volonté de Dieu, et pour avancer ensemble en
union d'esprit et de cœur. L'obéissance, vivifiée par la
charité, unit les membres d'un Institut dans le même
témoignage et dans la même mission, bien que dans la
diversité des dons et dans le respect de chaque
individualité.
La vie consacrée face aux défis de la mission
en Afrique
 QUELLE EST LA SITUATION DE NOTRE EGLISE AUJOURD’HUI ?
 A la lumière de la parabole des semeurs Mc 4, 1-20.
 [1] Il se mit de nouveau à enseigner au bord de la mer et une foule très nombreuse
s'assemble auprès de lui, si bien qu'il monte dans une barque et s'y assied, en mer ; et toute
la foule était à terre, près de la mer.
 [2] Il leur enseignait beaucoup de choses en paraboles et il leur disait dans son
enseignement :
 [3] " Écoutez ! Voici que le semeur est sorti pour semer.
 [4] Et il advint, comme il semait, qu'une partie du grain est tombée au bord du chemin, et
les oiseaux sont venus et ont tout mangé.
 [5] Une autre est tombée sur le terrain rocheux où elle n'avait pas beaucoup de terre, et
aussitôt elle a levé, parce qu'elle n'avait pas de profondeur de terre ;
 [6] et lorsque le soleil s'est levé, elle a été brûlée et, faute de racine, s'est desséchée.
 [7] Une autre est tombée dans les épines, et les épines ont monté et l'ont étouffée, et elle
n'a pas donné de fruit.
 [8] D'autres sont tombés dans la bonne terre, et ils ont donné du fruit en montant et en se
développant, et ils ont produit l'un trente, l'autre soixante, l'autre cent. "
 [9] Et il disait : " Entende, qui a des oreilles pour entendre ! "
 1) LE BORD DU CHEMIN
 Cette parabole illustre bien l’état de l’avancement de toute
communauté chrétienne. En Afrique, comment pouvons-
nous percevoir quelque chose qui concerne notre Eglise
comme destinataire de la Parole que les missionnaires sont
venus nous apporter ? Dans quel cas peut-on parler de
grain tombé au bord de chemin en Afrique ?
 Qu’a fait le missionnaire qui sème sur le bord du chemin ?
Il a semé à côté ; il n’a pas semé dans le champ. Quelle
situation socio-culturelle vivons-nous en Afrique qui dit
que la Bonne Nouvelle n’est pas semée dans nos champs ?
 On peut penser à une période d’évangélisation où les missionnaires
ont semé à partir de leur bonne foi et de leur connaissance
rudimentaire du milieu la Bonne Nouvelle. Cette première
évangélisation faite avec beaucoup de générosité n’a
malheureusement pas beaucoup tenu compte des réalités culturelles.
Mais l’expérience du bord du chemin ne se cantonne pas à cette
étape historique seulement ; nous continuons à la faire aujourd’hui
encore.
 Quelquefois une homélie bien préparée peut passer à côté
des attentes des gens et de leur besoin vital. Nos plans
pastoraux et nos initiatives diverses d’évangélisation
peuvent ne pas rejoindre les attentes les plus profondes de
nos frères africains. Or il faudra que notre évangélisation
descende en profondeur, dans les structures de mentalité
de nos peuples pour les bouleverser et les transformer de
l’intérieur. Autrement, notre annonce serait vaine.
 Ce point est important pour nos instituts parce que nos
vocations nous viennent de ces communautés chrétiennes.
Si l’évangélisation dont ils ont été l’objet a été le fruit
d’une semence au bord du chemin, ne nous surprenons pas
d’en voir les traits dans nos communautés religieuses.
 Quelle réalité anthropologique que le semeur au bord du
chemin a-t-il oubliée ? On peut en repérer quatre,
 1ère réalité : le monde traditionnel africain.
 Les valeurs mais aussi les superstitions de cet univers
traditionnel habitent les cœurs. Si ces structures ne sont
pas touchées par l’évangile, les chrétiens qui en sont issus
continueront à réagir comme des païens.
 2ème réalité : des villes qui se sont constituées par
le phénomène de l’exode rural. Dans nos cités s’opèrent
des changements de mentalité. Si nous ne prenons pas en
compte ces structures mentales hybrides, nous
catéchiserons des gens qui resteront païens.
 3ème réalité : les personnes qui vivent en îlots,
coupées de leurs familles traditionnelles, en occidentales.
 4ème réalité : dans la plupart de nos pays, l’islam
est concurrent de la religion chrétienne ainsi que les
mouvements pentecôtistes qui déterminent d’une certaine
manière la vie des membres de nos cités.
 Le mystère des bords du chemin nous invite à savoir
concrètement à quel terrain nos avons à faire ? Quand
nous accueillons nos jeunes, demandons-nous de quels
terreaux ils sont. Dans quel moule ont-t-ils été formés ?
Quelle est leur réalité culturelle ? Dans nos maisons de
formation, nous ne pouvons pas former nos jeunes comme
si tous venaient du même moule. Il est important que nos
communautés travaillent à conquérir ces terrains
psychologiques, socio-culturels…
 2) LA PIERRAILLE
 Sur la terre pierreuse…. Dans ce type de terrain, il manque de
profondeur.
 L’exode rural crée engendre un certain déracinement. Les gens sont
déracinés, ils recherchent leur identité car au village, il y a la
sécurité traditionnelle qui garantissait un certain équilibre. On
retrouve alors dans nos quartiers des regroupements de
ressortissants de telle ou telle ethnie. Le but est de retrouver
l’équilibre perdu.
 Si ces populations ne réussissent pas à se reconstituer, cela
crée toutes sortes de situations. C’est au sein de ces
populations que l’on enregistre l’usage excessif des
sacramentaux : bassines de sel, des variétés d’encens, de
l’huile d’olive, de l’eau bénite. Ces personnes pensent
toujours qu’elles sont attaquées, possédées et cherchent
des prières de délivrance.
 Ils recherchent en lieu et place des objets traditionnels et
des talismans, les sacramentaux qui représentent pour eux
des sortes de « talismans chrétiens ». Ils développent vis-
à-vis des objets de culte des relations de type
superstitieux. Ils vivent leur vie chrétienne avec une
mentalité fétichiste.
 Un exemple qui illustre bien le phénomène est la manière
dont nous considérons ou négligeons le Saint Sacrement.
Il n’est pas rare de constater que le Maître et Seigneur est
présent dans nos églises, mais que les gens préfèrent
s’incliner devant les reliques des saints.
 Bien des jeunes en formation sont habités par la peur :
peur du sorcier, du mouvais œil, des jalousies… Tout cela
montre que nous avons perdu notre sécurité en Dieu et
nous sommes tout le temps à la recherche de recettes
spirituelles magiques pour résoudre nos problèmes.
 La vie consacrée est là aussi interpellée. Elle doit devenir
le laboratoire où ce genre de problème trouve sa vraie
solution. Les consacrés sont appelés à mener une vie de
sainteté telle à faire comprendre au Peuple de Dieu en
Afrique que le remède efficace contre ces réalités occultes
est la fidélité à la grâce baptismale. Ce n’est que cela qui
nous guérit.
 Témoigner par la vie que la première protection pour le
disciple du Christ est sa fidélité à son baptême et à son état
de vie, sa fidélité à la mission que Dieu lui assigne.
Exemple de st Paul dans les Actes des Apôtres.
 3) LES RONCES
 [18] Et il y en a d'autres qui sont semés dans les épines ; ce sont
ceux qui ont entendu la Parole,
 [19] mais les soucis du monde, la séduction de la richesse et les
autres convoitises les pénètrent et étouffent la Parole, qui demeure
sans fruit.
 La question de la pauvreté, de la Caritas préoccupe la majeure partie
du temps nos Eglises diocésaines et paroissiales.
 Comment nous situons-nous par rapport à cette question de pauvreté
dans la vie consacrée ? Comment rendons-nous crédible le vœu de
pauvreté pour des jeunes issus de milieux pauvres qui entrent dans
la vie consacrée et pour qui l’état religieux pourrait devenir une
promotion sociale ? Leur milieu de vie passée est plus pauvre que
notre niveau de vie en communauté. Comment rendre crédible notre
vœu de pauvreté face à cette réalité ?
 1er cas : nous devons bien comprendre de quelle pauvreté nous
parlons. Il est évident que le jeune issu d’un milieu modeste vit,
avec son entrée dans un IVC, une ascension sociale par rapport aux
conditions de vie matérielle. Mais alors, c’est surtout sur l’état
d’esprit qu’il faudra agir.
 Notre relation aux biens matériels est-elle une relation libre,
détachée ou au contraire une relation d’accaparement et
d’attachement ?
 Dans un même groupe de formation, nous avons des jeunes venant
de plusieurs origines : modestes et riches. S’ils sont socialement
inégaux de par leur condition matérielle d’origine, ils doivent être
formés à la même liberté dans la jouissance des biens matériels,
comme nous le montre l’apôtre saint Paul : savoir vivre dans
l’abondance comme dans la pénurie.
 Dans le rapport avec la communauté, il faut une certaine ouverture
des religieux vis-à-vis de leur communauté sur leur situation
familiale.
 Tout ce qui se vit dans la vie religieuse peut dépendre de la fidélité à
notre vœu de pauvreté. Car il peut nous conduire à rompre notre
vœu d’obéissance et notre vœu de chasteté. La porte des conseils
évangéliques est le vœu de pauvreté.
Regard synoptique sur la vie consacrée en
Afrique
 Le choix de la vie consacrée mûrit au sein de l'Église et ne peut
qu'en refléter les espérances, les difficultés, les points-forts et les
faiblesses.
 Devant la multiplicité des défis, nos instituts sont invités à procéder
à un discernement des ordres de priorité.
 1ère priorité: la vie consacrée vécue en authenticité
Dans un contexte mondial troublé, dans un contexte ecclésial
difficile, le premier défi à relever par la vie consacrée est sa
lisibilité. Elle doit apparaître comme signe qui interpelle
parce que retenant l’attention mais aussi comme signe
indiquant la direction à suivre.
 2ème priorité: la lisibilité du charisme
Dans la phase d’implantation de l’Eglise en Afrique, les
congrégations religieuses et les sociétés de vie apostoliques ont
joué un rôle de premier plan. Elles étaient apparues comme des
missionnaires. Les Eglises locales africaines sont nées de
l’œuvre missionnaires de la vie consacrée. Mais l’un des prix
forts payés par les instituts religieux, c’est l’illisibilité de leurs
charismes particuliers puisqu’ils étaient destinés à faire naître
le clergé local.
 A plus d’un siècle de cette phase d’implantation, il est
important dans l’accompagnement des Eglises locales que
les congrégations religieuses rendent plus lisibles leurs
charismes. Ceci vaut pour les congrégations missionnaires
que pour les congrégations autochtones fondées pour la
plupart pour accompagner l’œuvre des missionnaires.
 La troisième phase après l’effacement dans l’implantation, la
valorisation du charisme propre dans la phase de croissance, est
l’ouverture inter-charismatique dans la phase de la maturation des
jeunes Eglises. A ce titre, une expérience comme celle de Mater
Christi constitue un exemple lumineux. Dans la complémentarité
des charismes les instituts de vie consacrée sont appelés à faire
œuvre commune dans le champ de la mission.
 3ème priorité: l’ouverture aux défis de l’Eglise locale
Les IVC/SVA sont appelés, fidèles à leurs charismes, à
stimuler la marche synodale au sein de l’Eglise locale en
s’ouvrant à divers niveaux paroissiens et diocésains aux
priorités pastorales indiquées par l’Evêque.
 4ème priorité: travailler à une inculturation authentique
Parfois, lorsqu'ils évoquent le problème de l'inculturation, les
instituts s'attardent sur ses aspects secondaires, bien
qu'importants, notamment ceux qui concernent les
adaptations liturgiques, alimentaires, linguistiques,
vestimentaires, etc.
 L’inculturation doit aller plus en profondeur. Elle doit
partir de la conversion de la culture et des structures
sociales pour en faire des milieux appropriés pour une
expression authentique de la foi chrétienne.
 Dans leur patrimoine charismatique, les instituts religieux
trouveront la force de s’engager dans ce processus sans
peur d’y perdre leur identité. Car là où la conversion de la
culture a le primat, aucun risque de syncrétisme ou de
perte d’identité n’est encouru.
L’apport de la vie consacrée

 Le plus précieux apport pour l'Église et tout le peuple de


Dieu que la vie consacrée offre c'est sa capacité de
développer et rayonner une présence de profonde "liberté
dans la vérité" vis-à-vis des hommes, de la société civile et
aussi de la société ecclésiale.
 Il s'agit d'une liberté d'analyse de la réalité, de jugement
sur celle-ci, d'une liberté de parole et d'action conséquente,
au service de la vérité évangélique dans les situations
concrètes. Ceci rend les communautés religieuses
vraiment prophétiques là où elles sont présentes, en tout
temps et en tout lieu.
CONCLUSION DE LA SESSION

Quelle vie consacrée pour une Afrique en mutation ?

 Une vie consacrée profondément enracinée dans une triple


fidélité :

- Fidélité à l’évangile
- Fidélité au charisme
- Fidélité au projet de Dieu sur l’Afrique.
 Fidélité à l’Evangile
 (Cf. MATTHIEU 5,1-2)
 Jésus prend de la hauteur, et les disciples pour l’entendre, prennent
aussi de la hauteur en s’approchant de lui. Jésus parle à tous, mais
tous n’écoutent de la même manière, les oreilles n’entendent pas de la
même manière. Les oreilles qui sont plus proches entendent mieux
que les autres qui sont loin. C’est ceux qui sont dans le voisinage de
Jésus qui entendent la Parole et qui la suivent. Ce sont les intimes qui
renoncent à leur volonté propre, donne leur corps et leur cœur au
Seigneur et épouse la pauvreté pour faire des riches.
 Fidélité au charisme
La vie consacrée est la réponse du Ciel aux questions de la
terre. Le don du charisme qui est fait à nos fondateurs doit
être accueilli à toutes les étapes de l’histoire de notre institut.
Dans nos maisons de formation, chaque jeune doit être formé
dans un esprit de co-fondation ou de fondation continuée.
Dieu a remis entre nos mains ses dons pour faire advenir son
règne sur la terre.
 Fidélité au projet de Dieu sur l’Afrique
L’Afrique est notre espace d’incarnation. Cette Afrique vient de loin.
Elle a connu et continue de vivre une histoire douloureuse. Elle a
constamment été mise en marge des autres continents, des autres
peuples. Mais cette Afrique n’est pas restée figée. Elle est en pleine
mutation. Elle est sollicitée de toutes parts par des forces contraires qui
veulent simplement profiter d’elle au détriment du bien-être de ses
populations. Comment accompagner cette Afrique dans son aspiration
à la liberté, au développement, à la bonne gouvernance ? Mais que
peuvent nos instituts par rapport à ces questions ?
 Il n’est pas attendu de nos Instituts qu’ils deviennent des
partis politiques ou des ONG de développement. Mais ils
sont appelés à être des lieux où l’on forme des prophètes
qui pourront accompagner les laïcs dans leur engagement
dans la cité. De tels prophètes surgissent uniquement là où
se vit la fidélité à l’évangile et la fidélité au charisme.
Qu’il en soit ainsi pour nos Instituts!

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