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Conf.univ.dr. Anne-Marie Codrescu Asist.univ.dr.

Denisa-Adriana Oprea

COMMUNICATION INTERCULTURELLE ET
DISCOURS MEDIATIQUES

Comunicare.ro
Bucarest, 2008

1
Préambule

Avant tout contact direct, la connaissance du monde, des gens et des réalités étrangères à
notre culture vient d’abord par le petit écran, la presse écrite, la radio ou Internet. L’accès
sur la Toile fournit l’ensemble information-publicité-divertissement sous forme écrite et
audio-visuelle, au gré de l’utilisateur. Malgré cette liberté illimitée de pénétrer l’univers
étrange, différent, parfois incompréhensible de l’Autre, celui-ci continue d’être
l’Etranger, le Persan à Paris, attisant plus la curiosité que le dialogue et la
communication.
Voilà en effet le véritable défi que ce cours tente de lever : jeter les bases d’une
communication interculturelle réelle à partir des produits médias, de sources et formes
diverses, et pallier ainsi, provisoirement, le manque du contact direct. La prémisse a été
de créer un espace de réflexion sur l’altérité, dans une double perspective : premièrement
la prise de conscience de l’univers culturel de l’Autre par la mise en parallèle de
perspectives différentes, contrastées même, sur les réalités contemporaines ;
deuxièmement l’appréhension des stratégies utilisées par les médias pour rendre cette
réalité. La communication médiatique chapeaute cette interdisciplinarité, en tant qu’outil
méthodologique commun, et livre la clé d’accès aux représentations et aux systèmes de
valeurs et de croyances de l’Autre.
Partant, les textes / les produits médias à thématique interculturelle qui font l’objet des
huit dossiers ménagent autant de rencontres avec l’Autre. De l’image contrastée de l’Inde
que surprend le premier dossier au Maghreb exotique et rêveur que met en place le
deuxième ; des aléas des accommodements « déraisonnables » dans le Québec de nos
jours, analysés dans le sixième volet, aux enjeux actuels de la « négritude » et de la
« créolité », abordés dans le dernier, le cours propose une cartographie nuancée de la
réalité contemporaine. A part l’approche d’espaces culturels distincts, sont ici illuminés
sous d’angles différents des thèmes importants en contexte interculturel : les stéréotypes
culturels, en tant que moyen de (mé)connaissance de l’Autre ; les (nouveaux) rapports de
sexe et de genre et la manière dont ils se reflètent dans les diverses régions ; les
problèmes qu’affrontent les jeunes ou les enjeux de la culture. Dans chaque dossier, les
rubriques « Débattre » et « Contrastes » ouvrent à des sujets connexes : faim dans le
monde, tourisme raisonnable, multiculturalisme, pratiques culturelles contemporaines,
etc. Elles donnent à l’étudiant / au lecteur la liberté d’explorer, et aussi de contribuer, au
moyen de consignes ouvertes (dossiers, tables rondes, enquêtes ou études de cas), à la
compréhension / construction de l’image du monde contemporain. Du point de vue
pédagogique, l’accent sera donc mis sur des analyses situationnelles à partir
d’hypothèses, de questionnements plutôt que sur des données explicatives. Ainsi, un des
objectifs de l’acquisition de la compétence interculturelle sera la recherche du sens donné
à la situation par les interlocuteurs qui jouent et se jouent de la culture en fonction des
intérêts, des enjeux, symboliques ou non, et des rapports entretenus.

Les fiches applications médias, qui complètent chaque dossier, donnent la possibilité de
mettre en œuvre les notions théoriques développées dans les fiches synthèse. Le but
didactique vise ici autant les connaissances que les compétences. Découvrir, par exemple,

2
le portrait type du lecteur cible de la presse nationale, étrangère ou internationale permet,
d’une part, de comprendre les stratégies rédactionnelles des médias visés et, d’autre part,
de nuancer les différences culturelles et l’univers d’attente des communautés de
récepteurs. Parallèlement, la compétence médiatique de l’étudiant / du lecteur-récepteur,
devenu « négociateur de sens », lui permet de connaître et de comprendre les activités de
réception : la structuration, c’est-à-dire la sélection du message ; la résistance par rapport
au contenu et les attitudes ; la négociation, ce qui implique jugement critique et
compromis. Il est ainsi en mesure de comprendre le rôle du récepteur des médias en tant
que négociateur de sens.
Communication interculturelle et discours médiatiques est, pour l’essentiel, un cours de
langue ; par conséquent, chaque dossier comporte également une partie grammaire.
Compte tenu du niveau auquel il s’adresse (intermédiaires+avancés), il se donne pour but
non pas de transmettre, mais de consolider des notions déjà acquises, qui posent
problème dans l’usage notamment écrit de la langue. La priorité a été donnée aux aspects
de la théorie du texte et du discours : énoncé / énonciation, texte descriptif, texte /
discours argumentatif, discours direct, indirect, indirect libre, agencement de la phrase et
du discours. Ce choix méthodologique vise à fournir à l’étudiant / au lecteur des outils
d’analyse et, surtout, de construction de textes et discours.
Le cours est conçu, en principe, à l’intention des étudiants de la Faculté de
Communication et Relations Publiques de l’Ecole Nationale d’Etudes Politiques et
Administratives (SNSPA) de Bucarest. Leurs intérêt et assiduité, leurs projets intéressants
ont soutenu et réconforté nos efforts, et nous les remercions. Pourtant, par l’originalité de
la démarche, la diversité des espaces culturels abordés et la structure dynamique et
ouverte, il peut être utile à quiconque désire rencontrer l’Autre.
Car l’altérité devient ici autant un espace de réflexion qu’une figure de la pensée. Une
pensée et une méthodologie que nous voulons « nomades », au sens où elles exploitent le
potentiel heuristique et épistémologique des transgressions et contaminations entre les
domaines du savoir. C’est justement cette logique apparemment paradoxale du métissage
qui nous a inspirées à penser et enseigner ensemble, dans leurs effets de sens communs,
deux disciplines distinctes et pourtant connexes dans leurs fondements cognitifs, soient la
communication interculturelle et la communication médiatique. C’est toujours elle, de
même que les angles nouveaux sous lesquels nous éclairons des aspects du monde
contemporain, qui nous permettront, espérons-nous, d’innover dans l’un des domaines les
plus prisés par l’épistémologie contemporaine : les études (inter)culturelles.

Conf. univ. dr. Anne-Marie Codrescu


Asist. univ. dr. Denisa-Adriana Oprea
Bucarest, octobre 2008

3
TABLE DES MATIERES

Préambule

DOSSIER 1
Découvrir l’autre 1 : le choc des cultures……………………………………………….p.1
Repères grammaticaux : énoncé / énonciation…………………………………………..p.9
Discours médiatiques : le dossier thématique ; enquête sur la lecture des journaux…..p.12
Reflets littéraires…………………………………………………………………….....p.16

DOSSIER 2
Découvrir l’autre 2 : les globes croqueurs. Exotisme et évasion………………………..p.1
Repères grammaticaux : le texte descriptif et le texte / le discours argumentatif……...p.11
Discours médiatiques : analyse des magazines ; profile du lecteur ; analyse de
l’image………………………………………………………………………………....p.13

DOSSIER 3
Pratiques culturelles et vie quotidienne…………………………………………………p.1
Repères grammaticaux : le discours direct, indirect, indirect libre………………….....p.11
Discours médiatiques : la dépêche d’agence ; la revue de presse……………………...p.13

DOSSIER 4
Stéréotypes nationaux et culturels……………………………………………………...p. 1
Reflets littéraires……………………………………………………………………….p.12
Repères grammaticaux : agencement de la phrase et du discours 1. L’interrogation directe
et l’interrogation rhétorique……………………………………………………………p.13
Discours médiatiques : analyse de publicité…………………………………………...p.15

DOSSIER 5
Nouveaux rapports de genre…………………………………………………………….p.1
Repères grammaticaux : agencement de la phrase et du discours 2. La dislocation de la
syntaxe traditionnelle et la mise en relief……………………………………………...p.13
Discours médiatiques : l’écriture journalistique……………………………………….p.14

DOSSIER 6
Les aléas du multiculturalisme. Les accommodements « déraisonnables »…………….p.1
Repères grammaticaux : les modes non personnels……………………………………..p.9
Discours médiatiques : « la bourde québécoise de Paris-Match »……………………..p.11

1
DOSSIER 7
« Avoir 20 ans en 2008… »……………………………………………………………..p.1
Repères grammaticaux : les mots nouveaux et l’argot……………………………….. p.11
Discours médiatiques : vie publiques / vie privée dans les médias…………………....p.13

DOSSIER 8
Culture sans frontières…………………………………………………………………..p.1
Repères grammaticaux : le régime prépositionnels des verbes………………………..p.13
Discours médiatiques : le portrait de presse. La mise en scène d’une personnalité: A.
Soljenitsyne et les médias occidentaux………………………………………………...p.15

FICHES SYNTHESE MEDIAS :


1. La communication médiatique. Discours et réception…………………………….p. 1-5
2. La publicité ………………………………………………………………………..p. 1-6
3. Analyser la presse écrite …………………………………………………………..p. 1-5
4. Survoler l’actualité…………………………………………………………….......p. 1-4
5. Syncrétisme médias - nouvelles technologies. Les genres journalistiques………..p. 1-5
6. Vie publique / vie privée dans les médias…………………………………………p. 1-5

DICTIONNAIRE

BIBLIOGRAPHIE

2
Dossier 1

Découvrir l’autre : le choc des cultures

I. COMMUNICATION INTERCULTURELLE
Lisez les deux textes suivants et, à la fin, écoutez attentivement l’enregistrement
radio :

1. Pour un occidental, l’Inde se présente avant tout comme une nation hautement
spirituelle. En France, le vrai clivage de la modernité devient de moins en moins, comme
au siècle dernier, entre les croyants et les incroyants, mais plutôt entre ceux, croyants ou
non, qui acceptent l’incertitude et ceux qui la refusent. En Inde, la ferveur ne provient pas
d’un raisonnement mais d’une conviction intime (reçue, appropriée puis transmise).
Hindous, musulmans, chrétiens se retrouvent dans la même certitude, unanime, de
l’existence d’un Dieu créateur unique. Le doute n’existe pas en Inde, constat déroutant
pour notre civilisation qui a élevé comme pilier de toute pensée le doute systémique.
Aussi, le succès d’un volontariat en Inde repose sur la capacité à se décentrer de soi, à
pouvoir s’ouvrir sans limite, pour entendre et partager. Ne prendre aucun savoir pour
définitivement acquis, a fortiori ce qui paraît de premier abord absurde. Par exemple, ne
pas juger hâtivement ce peuple, ses « traditions archaïques », sa vie intellectuelle « peu
foisonnante », ses « superstitions ». Oui, la plupart des Indiens sont fermés d’esprit mais
sont-ils pour autant dans l’erreur ? Cette démarche de détachement de l’empire de la
Raison n’est pas aisée pour nous… mais salvatrice !
(…) Autre cliché attaché à l’Inde dans nos esprits : la misère. Elle se rencontre rarement
dans les villages, souvent pauvres pourtant, mais toujours dignes. La misère se concentre
principalement dans les métropoles (Bombay, Calcutta, Madras, Delhi, …), alimentée par
l’exode rural, qui signifie l’abandon de la sécurité des villages. Pour la quête du rêve de
dépasser le déterminisme d’une condition et imiter des parents qui auraient ainsi réussi.
Personne ne peut blâmer ceux qui, candides et courageux, cèdent à ce miroir aux
alouettes. Comme je les comprends ! La jungle des villes, quoique impitoyable, demeure
le seul chemin pour une réelle émancipation, promise à tous mais accordée avec
parcimonie à des élus peu nombreux.
Inde : Tindinavam, témoignage de Ludovic de Carcouet, volontaire longue durée
(texte publié sur le site des Misssions étrangères à Paris, à l’adresse
http://mission.mepasie.org/volontariat/temoignages.php?id=171)

1
2. Bombay s’en fout
(…) Bonjour Bombay, salut Mumbai, comme on voudra. De toute façon, Bombay-
Mumbai s’en fout. La mégalopole a d’autres chats à fouetter. Les multitudes n’ont que
faire des quelque cent mille pèlerins débarqués ici avec leurs espoirs d’un monde
meilleur.
Cent mille, noyés dans la masse de vingt millions d’individus, dont une bonne moitié
simplement occupés à survivre dans un environnement de bruit incessant et de crasse, une
atmosphère de puanteur qui vous prend à la gorge une fois passé le seuil des hôtels cossus
où des maharajas de pacotille vous tiennent les lourdes portes de verre (« Good morning,
sir ! ») dans un grand sourire plein de moustaches. (…) Le forum [FSM] se tient en un
seul lieu, une immense friche industrielle transformée en parc des expositions, dans cette
même banlieue puante où courent les égouts à ciel ouvert. On s’y rend en taxi, ou en
rickshaw (ces petits triporteurs noirs à bandes jaunes qui vrombissent et pétaradent
comme des essaims de guêpes).
(...) Je ne vais pas vous raconter le forum lui-même (...) Les délégations françaises et
européennes en général, comme les Américains du Nord ou du Sud ou les quelques
Africains, sont ici noyées dans la masse (…), dans un boucan pas possible (…). Ça danse,
ça gueule, ça lève les poings, ça agite les fanions : on regarde, on s’en prend plein les
mirettes, on ingurgite des tonnes de poussière, on remonte le courant, pauvres saumons
blanchâtres !, on tente de se repérer dans ce maelström (…).
Carte postale
(…) J’ai donc vite délaissé le chaudron du Forum pour tenter de découvrir cette ville
infernale où je n’avais jamais mis les pieds. Je connaissais Bangkok, je connaissais Dacca
(la capitale du Bangladesh), Bombay m’est apparu comme un concentré des deux. La
frénésie de Bangkok, la misère de Dacca. La première surprise, c’est la pollution. Même
sur le toit d’un grand building, la vue paraît bouchée, la ville comme baignée dans un fog
permanent. Pollution industrielle, pollution automobile, déchets domestiques et urbains
de toute nature. Impression que le mot « environnement » n’a ici aucun sens et qu’il serait
aussi vain d’en faire admettre l’urgente nécessité que d’essayer d’y introduire l’art
tauromachique... (...) Même l’océan est cradingue, un vrai dépotoir et malgré des plages
superbes, personne ne se baigne.
(…) La deuxième surprise, c’est la circulation. (…) La ville (…) n’est plus qu’une
immense concentration urbaine, parcourue par des highways, autoroutes urbaines à trois
ou quatre voies qui irriguent la ville d’un flot continu. Il faut une bonne heure et demie en
taxi pour gagner le centre-ville, après un ahurissant gymkhana. C’est la deuxième
surprise : les conditions de circulation dans ces tacots brinquebalants, défoncés (bien peu
subiraient avec succès notre contrôle technique !), tous identiques, qui circulent au coup
de trompe. Pousse-toi de là que je passe. Décrochages, queues de poissons, frôlements
incessants (la plupart des chauffeurs ont supprimé le rétro extérieur pour se glisser plus
aisément entre deux autres bagnoles.) Pas d’engueulades ni de doigts d’honneur, encore
moins de remontrances policières, tout le monde accepte la règle du jeu.
(…) La troisième surprise, c’est la misère. Enfin, pas vraiment. On savait bien sûr que
des millions de gens vivent dans la merde, naissent et meurent dans la merde, subsistent
dans l’ordure et dorment à même la poussière. « Terre de contraste », comme on dit dans
les guides touristiques feuilletés dans la quiétude raffinée des ghettos de luxe pour
Occidentaux friqués (…). Il y a d’abord ces échoppes, de chaque côté de l’autoroute, une

2
chaîne ininterrompue de boutiques de toutes sortes, commerces au ras du bitume,
surmontés d’un étage, où vit la famille. Selon nos critères, une misère noire, une
promiscuité sale. Oublions nos critères : ce sont là petits artisans et commerçants plutôt
prospères, presque riches ! Ceux-là au moins vivent dans du dur et gagnent leur vie, leurs
gosses vont à l’école, bambins proprets en uniformes bleus ou gris égayés de rubans ou
de foulards rouges, qu’on voit s’égailler après l’étude, comme tous les écoliers du monde.
Et puis il y a tous les autres, ceux des bidonvilles qu’on aperçoit plus loin, marée de tôles
grises et de bâches noires de suie, enfants nus et barbouillés qui chient au bord de la
route, à trente centimètres des voitures, femmes décharnées, accroupies dans les ordures,
triant de vieux journaux, fouillant les déchets des autres, cuisinant on ne sait quel brouet
sur de maigres foyers, faisant sécher les guenilles sous les piles des ponts, vivant à même
le béton sous les infrastructures autoroutières, rentrant à la nuit sous l’abri d’une buse de
chantier ; il y a les mendiants, souvent des gamines ou des femmes, gosse à la mamelle,
qui sourient de leurs bouches édentées et tapent la vitre du taxi bloqué à un feu rouge, et
les hommes estropiés ou rongés de lèpre, agglutinés au bord des esplanades des temples
ou des mosquées. Détourne ton regard gêné, Occidental prospère: ce sont ces miséreux
qui font ton bien-être, ces pays de la faim qui te font vivre. Et dis-toi que ça n’aura qu’un
temps.
Une des pires villes au monde
(…) [Ensuite, cher lecteur, t]u devineras la pagaille et l’odeur des marchés, les étalages
croulant de fruits exotiques et d’épices innombrables, le soyeux des étoffes, la saveur des
mets (la cuisine indienne est délicieuse, pour qui peut se l’offrir), le bric-à-brac mochard
des boutiques à souvenirs. (…) Tu te garderas d’ignorer qu’ici comme ailleurs la
modernité s’incruste dans la tradition et que les portables sonnent dans les plis des saris,
dans les restaurants, les trains, la rue, comme partout ailleurs dans le monde. (…) Je
pressentais que Bombay était une des pires villes au monde. Disons que je ne suis pas
déçu du voyage.
Bombay s’en fout/L’arbre à livres/Carte postale/Une des pires villes au monde, par
Bernard Langlois, Politis, 29 janvier 2004

3. Comment meurent les bateaux et qui coud ma chemise : e-waste, Promenade à Dacca ;
extraits des émissions de Daniel Mermet et Div Anquetil (document audio et photos)
(source : http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=1276)
(L’Inde et le Bangladesh – la poubelle du monde civilisé. Regard du blanc)

3
(source: http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=1276)

A. LE TEXTE ET VOUS
1. D’après son titre, dans quel genre (journalistique) rangeriez-vous le texte de
Ludovic de Carcouet ? Pourquoi ?
2. Dans le même texte, repérez quatre mots / expressions qui sont autant de clichés
culturels.
3. Pour le deuxième texte, qu’avez-vous lu en premier : le titre, la signature, les
sous-titres ? Pour quelle raison ?
4. L’agencement discursif du deuxième texte est-il :
a) narratif
b) descriptif
c) argumentatif

B. VOUS ET LE SUJET DU TEXTE


1. Ecrivez une liste de mots que vous associez à l’Inde / au missionnaire.
2. Qu’est-ce qui, selon vous, motive l’intérêt constant dont la presse occidentale fait
preuve à l’égard de l’Inde ?
3. Vous rangeriez le texte de Langlois dans la catégorie du :
a) reportage
b) éditorial
c) commentaire
d) critique
Justifiez.
4. A votre avis, dans quelle mesure le sujet sur lequel se penche Langlois sert à
illustrer l’orientation politique de Politis, en tant qu’hebdomadaire de gauche ?

4
C. L’AUTEUR, LE TEXTE ET VOUS
1. Quel type de réflexion de Carcouet livre-t-il sur son expérience indienne? Par
quels moyens ? A quel type de public pensez-vous que s’adresse son texte ?
2. De quelle manière se rapporte-t-il au monde indien ?
a) condescendante
b) arrogante
c) humble
d) largeur d’esprit
3. En quoi consiste selon lui la différence essentielle entre les cultures occidentale et
indienne ? Etes-vous d’accord avec son opinion ? Argumentez.
4. L’opinion de Langlois quant à la réalité qu’il présente dans son reportage est :
a) admirative
b) indifférente
c) critique
d) cynique
Identifiez les mots / les syntagmes par lesquels il l’exprime.
5. Le texte de Langlois repose aussi sur l’humour et l’(auto)ironie. Quelles en sont
les traces ? Selon vous, l’humour et l’(auto)ironie font / participent à la qualité de
son article ?
6. Peut-on déceler chez lui un parti-pris en faveur de l’un ou de l’autre monde
présenté ?
7. Les textes de de Carcouet et de Langlois remettent-ils en question / renforcent-ils
les idées reçues que vous avez de l’Inde?
8. Distinguez :
a) Dans le premier texte, dressez sur des colonnes séparées l’inventaire des
traits respectifs du monde occidental et du monde indien.
b) Dans le même texte, repérez les éléments qui vous indiquent qu’il s’agit
d’une perspective a posteriori.
c) Dans le deuxième texte, identifiez les séquences descriptives et les mots
qui les résument.
d) Tout comme celui de de Carcouet, le texte de Langlois ne met pas en
scène des protagonistes individuels, mais plutôt des types. Dressez leur
portrait.
e) Des étapes différentes / une progression dans la découverte de la ville,
dans le reportage de Mermet et Anquetil.
9. Repérez dans le deuxième textes les équivalents des mots suivants :
fétide
englouties
vacarme
vocifère
très sale
cahotants
voiture
calme paisible

5
10. DOCUMENT PHOTO Réalisez un résumé en images du texte de Langlois, en
faisant correspondre, à chacun des moments forts de l’article, une photo tirée du
reportage de Daniel Mermet et Div Anquetil.
11. Comment Mermet et Anquetil trouvent-ils Dacca :
a) misérable
b) exotique
c) dépourvue d’intérêt
d) touchante
RESUMER : oralement, le document audio

D. COMMENTER
COMMENTER, C’EST PRÉCISER
1. A quelle occasion Langlois rédige-t-il son reportage ?
2. Quel est, dans son texte, le rôle des mots et expressions appartenant au registre
familier ?
3. Qu’est-ce qu’un maharaj ? un dalit ? un gymkhana ?

COMMENTER,
C’EST COMPARER DES CULTURES
1. Les deux textes reposent sur une comparaison / une confrontation entre les
cultures occidentale et indienne. Toutefois, les deux auteurs ont aussi bien des
perceptions différentes quant à chacune des deux cultures comparées que des
manières distinctes de se rapporter à la culture de l’autre et à leur propre culture.
Repérez les éléments qui relèvent de ces différences. (Servez-vous des repères
suivants : misère, religion, culture). Qu’est-ce qu’ils vous disent sur la
personnalité de chacun des deux auteurs ?
2. Apportez d’autres arguments quant aux ressemblances / dissemblances entre les
cultures occidentale et indienne.
3. Le texte de de Carcouet présente l’image unilatérale de l’Occidental qui fait
l’expérience de l’Inde. Essayez d’imaginer la manière dont l’Indien se rapporte au
missionnaire et à la culture de celui-ci.
4. Comment situeriez-vous la culture roumaine, du point de vue de son rapport avec
les cultures occidentale et indienne ? Argumentez votre opinion.
5. Vous êtes un reporter indien venu en Roumanie afin de réaliser un reportage
censé convaincre les touristes indiens de visiter notre pays. Imaginez / rédigez le
reportage en question. Trouvez des photos pour l’illustrer.

E. DEBATTRE,
… c’est parfois s’opposer
Réagissez aux affirmations suivantes ; débattez-en avec un collègue qui s’oppose
systématiquement à vous :
1. Les Occidentaux sont coupables de la situation de pays tels l’Inde ou le
Bangladesh.
2. Le doute est supérieur à la foi.
3. Le missionnaire ne trouve plus de place dans le monde contemporain.

6
4. Les mégapoles contemporaines ne sont que sources de nuisances multiples :
surpopulation, pollution, misère.

F. CONTRASTES
1. « Terre de contrastes », c’est ainsi que la publicité occidentale présente l’Inde.
Identifiez et commentez, dans le texte de Langlois, les éléments contrastés et les
systèmes d’oppositions.
2. ETUDE DE CAS. La situation des déchets électroniques et le tiers
monde en tant que dépotoir de l’Occident : état des lieux, causes,
enjeux, solutions. Servez-vous aussi du texte suivant, où vous allez prêter
attention à :
a) l’atmosphère et aux éléments du décor
b) au portrait des deux protagonistes
c) la manière dont ils se rapportent à la réalité (contraste entre monde vécu /
monde présenté)

« La planète croule sous les déchets électroniques. (…) De moins en moins tolérées dans
les dépotoirs des pays du Nord, une part croissante de ces ordures prennent le chemin de
la récupération. Mais cette solution, qu’on dit écologique, cache une réalité bien sombre.
(…) Certains « recycleurs » sont en réalité des marchands de ferraille high tech qui
s’empressent d’écouler le stock sur les marchés internationaux, en Asie principalement.
(…) Avec la Chine et le Pakistan, l’Inde figure maintenant parmi les principaux dépotoirs
électroniques de la planète. Ici, des ouvriers éventrent les vieilles machines pour en
extraire le moindre morceau de valeur, en utilisant des méthodes aussi rudimentaires que
néfastes pour leur santé et l’environnement (…) L’air est irrespirable. Un adolescent
vient de mettre le feu à un tas de fils rouges, jaunes et bleus, au beau milieu du cimetière
du village. Alors que son visage disparaît dans l’épaisse fumée, il remue la masse gluante
avec une tige de métal, comme s’il attisait un feu de camp, immunisé contre l’odeur âcre
du plastique carbonisé. Moi, j’ai le souffle court, les yeux irrités et la tête proche
d’éclater. Lui, il a l’habitude: c’est ainsi qu’on gagne sa vie à Behta, un hameau
poussiéreux en périphérie de Delhi, en Inde. Chaque jour, on y brûle des câbles
multicolores pour en extraire des filaments de cuivre, aussi fins que des cheveux d’ange,
qui seront revendus au kilo à des ferrailleurs ».
Noémi Mercier, « Inde, poubelle de la planète techno », Québec Science,
septembre 2007
3. TABLE RONDE. La faim dans le monde : états des lieux, régions
les plus affectées, causes, enjeux, solutions.
Lors de votre débat, essayez de vous référer également à d’autres époques de
l’histoire de l’humanité où la famine a sévi. Identifiez les éléments qui se
perpétuent / qui sont distincts d’une époque à l’autre. Vous pouvez vous servir
aussi du texte suivant et des images suivantes :

7
Une
personne
meurt de
faim
dans le
monde
toutes
les
quatre
secondes
(source: http://terresacree.org/faim.htm#bas)

« En quelque mois les prix des aliments de première nécessité ont augmenté de 50% et la
colère monte dans les pays en développement. (…)
C’est en Mauritanie que tout a débuté avec les premières émeutes en novembre dernier.
Les manifestations se sont ensuite répandues au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Egypte, au
Mozambique… Au Cameroun en février, les forces de l’ordre ont tiré sur les manifestants
faisant 40 morts. Les citoyens du Burkina Faso avaient décrété mardi et mercredi de cette
semaine la grève générale pour protester contre la hausse des prix du mil. (…) Au Caire,
le pain est si rare qu’il est vendu derrière des barricades. Les prix du lait et du pain ont
doublé en un an en Egypte où les émeutes ont notamment secoué la ville de Mahalla. (…)
Aux Philippines les restaurants fast-food ne sont autorisés à ne servir qu’une demi-
portion de riz. Les autorités ont également averti que les citoyens qui stockaient du riz
pourraient être accusés de sabotage économique. En Haïti les émeutes ont été
particulièrement violentes cette semaine, faisant au moins 5 morts et une vingtaine de
blessés lors des affrontements avec les forces de l’ONU sur place.

8
(Alexandra Matine, « Le nouveau visage de la faim dans le monde », Paris Match, 11
avril 2008)

II. REPERES GRAMMATICAUX. L’énoncé et l’énonciation

II.1. L’ENONCE

DEFINITION L’ECHELLE DES EXEMPLES


ENONCES
Toute suite de mots, L’énoncé peut se réduire à Une interjection : ZESTE!
prononcée, écrite ou un mot Un appel : PSITT !
imprimée, qu’elle ait ou Un ordre : SILENCE !
non de sens, qu’elle soit ou Une constatation : Midi.
non grammaticale. L’entrée d’un article de
dictionnaire :
« Epaté
(fam.) (Personnes) : Très
étonné . épater (3o);
ahuri, ébahi, interloqué,
stupéfait*, surpris. Un air
épaté »
Un énoncé peut être un Groupe nominal, dans un
groupe de mots titre de journal :
La rentrée littéraire
Un énoncé peut être une Avec verbe :
phrase Session extraordinaire au
Parlement européen.
Sans verbe :
– Epatant !
Un énoncé peut également
être une suite de phrases,
autrement dit, un texte.

II.2. L’ENONCIATION

DEFINITION SUJET ET DESTINATAIRE REPERAGE DU


MARQUES DU LIEU ET DU
SUJET TEMPS
L’acte individuel Le sujet peut ne pas Plus ou moins A partir du lieu du
de parler, de se désigner lui- présent dans sujet, pris comme
produire un énoncé, même dans l’énonciation. repère, l’énoncé
d’utiliser la langue l’énoncé. Explicitement peut fournir des
dans une situation C’est l’énoncé à la désigné par des indications à la fois
donnée, pour des troisième personne pronoms et sur son propre lieu

9
interlocuteurs (histoire, conte, possessifs de la 2e d’émission, et sur le
donnés et à des fins nouvelle, romans à personne dans : un lieu de ce qu’il
données. la 3e personne, ordre, une lettre, évoque. Ceci se fait
reportage, essai, une allocution à l’aide des :
Aspects et texte scientifique, politique, etc. adverbes de lieu,
marques de etc.). Implicite dans adjectifs
l’énonciation : d’autres types démonstratifs,
sujet, destinataire, d’énoncé (science, termes de
lieu et temps philosophie, présentation
histoire, roman).
- Le pronom A partir du moment
personnel et les de l’énonciation
possessifs de la 1re pris comme repère,
personne l’énoncé peut
- L’emploi de fournir des
certains modes, informations sur le
dont l’impératif, qui moment où il est
exprime un ordre du réalisé et sur la
sujet de durée des
l’énonciation événements qu’il
- L’emploi des rapporte. Cela se
interjections et des fait à l’aide des :
apostrophes temps verbaux
- L’emploi de mots adverbes et
qui expriment une locutions
attitude temporelles.
particulière, une
appréciation
subjective du
contenu de l’énoncé
par le sujet de
l’énonciation :
adjectifs
appréciatifs,
verbes de modalité
(devoir, falloir, être
nécessaire, pouvoir,
vouloir).

II.3. Exercices

1. Précisez dans quelle situation d’énonciation sont produits les textes suivants. Quel
est le but de chacun des textes ? Quelle pourrait être l’identité du / des

10
récepteur(s) ? Quels éléments pourraient servir à un repérage du lieu et du temps de
l’énonciation ?
« Cher Jean-Louis,
(…) Cette lettre me donne du mal, plus que toutes celles que je t’ai écrites. J’ai
l’impression de m’imposer, de prendre une place qui ne me revient pas, ou peut-être ne
me revient-elle plus ? Je ne sais pas, je n’arrive pas à identifier ce malaise. Quoi qu’il en
soit, il y a très longtemps que je ne t’ai vu et tu commences à me manquer. En plus, je ne
suis pas sortie de la vieille ville depuis que nous avons pris la route au cours de cette
terrible tempête de verglas, pour nous rendre à la campagne. J’ai hâte de revoir la maison
au bout du rang. J’y suis de plus en plus attachée.
J’aurais très envie de passer quelques jours avec toi, peut-être as-tu l’intention de t’y
rendre bientôt et je sais que tu aimes bien être accompagné. Je te téléphonerai au cours de
la semaine, pour prendre de tes nouvelles. Je t’embrasse ».
(Lise Tremblay, L’hiver de pluie)

« Guadeloupe, soleil créole


Pas de saison attitrée pour savourer les charmes de celle que les Indiens caraïbes
baptisèrent Karukéra (l’île aux belles eaux). Papillon aux ailes déployées sous les bleus
de l’océan, elle réunit tous les atouts des tropiques : somptueuses forêts aux essences
rares, plages paradisiaques protégées d’une barrière de corail et fonds marins à
l’étonnante richesse. A Basse-Terre, dominée par le volcan de la Soufrière, elle se fait
contrastée et sauvage. Au sud, Grande-Terre déroule en douceur ses palmiers et son sable
blanc. C’est là, près de Pointe-à-Pitre, que vous accueille le Sofitel Auberge de la Vieille
Tour 4 étoiles, implanté autour d’un ancien moulin à vent du XIIIe siècle devenu hôtel.
Une adresse de charme et de renom nichée dans un parc tropical de trois hectares
casacadant jusqu’à la mer. Décoration raffinée, vue imprenable sur l’îlet Gosier depuis
l’élégant bar colonial, table réputée, petite plage naturelle… »
(Michèle Valandina, « Couleur soleil », Le Figaro Magazine, 07/03/08)

2. Quels sont, compte tenu de la situation d’énonciation, les référents des pronoms
ON et ÇA dans les exemples suivants ? Essayez de traduire en roumain les
séquences où apparaissent ces pronoms :
« Le forum se tient en un seul lieu, une immense friche industrielle transformée en parc
des expositions, dans cette même banlieue puante où courent les égouts à ciel ouvert. ON
s’y rend en taxi, ou en rickshaw ».

« Je ne vais pas vous raconter le forum lui-même (...). Les délégations françaises et
européennes en général, comme les Américains du Nord ou du Sud ou les quelques
Africains, sont ici noyées dans la masse. ÇA danse, ÇA gueule, ÇA lève les poings, ÇA
agite les fanions : ON regarde, ON s’en prend plein les mirettes, ON ingurgite des tonnes
de poussière, ON remonte le courant, pauvres saumons blanchâtres !, ON tente de se
repérer dans ce maelström.

11
« La troisième surprise, c’est la misère. Enfin, pas vraiment. ON savait bien sûr que des
millions de gens vivent dans la merde, naissent et meurent dans la merde, subsistent dans
l’ordure et dorment à même la poussière ».

« [L]eurs gosses vont à l’école, bambins proprets en uniformes bleus ou gris égayés de
rubans ou de foulards rouges, qu’ON voit s’égailler après l’étude, comme tous les
écoliers du monde. Et puis il y a tous les autres, ceux des bidonvilles qu’ON aperçoit plus
loin, marée de tôles grises et de bâches noires de suie, enfants nus et barbouillés qui
chient au bord de la route, à trente centimètres des voitures, femmes décharnées, (…)
cuisinant ON ne sait quel brouet sur de maigres foyers, faisant sécher les guenilles sous
les piles des ponts… »

III. DISCOURS MEDIATIQUES. Le dossier thématique. Enquête sur la


lecture des journaux

III.1. Le dossier thématique


Lisez le texte suivant :

Flambée des prix alimentaires


La spirale de la faim
« A Haïti, la faim a un nouveau nom : Chlorox. Du nom de l’eau de Javel. Chlorox parce
que la faim blanchit les hommes comme le Chlorox le linge. La faim sévit partout… En
Afrique, évidemment. Au Sénégal, au Cameroun, au Niger, où plane le spectre des
grandes famines. Mais aussi dans les pays qu'on croyait préservés, l’Egypte, où la hausse
du prix du pain a mis des populations dans la rue, le Mexique, où la tortilla a flambé, les
Philippines. Au total, 35 pays sont en « crise alimentaire » selon la FAO (Food and
Agriculture Organization). Tandis que les multinationales de l’agrobusiness prospèrent,
que les traders de la City spéculent et affolent le marché, les prix de la nourriture
grimpent partout à n’en plus finir. La mondialisation aurait-elle trouvé ses limites ?
Voyage dans une planète qui a perdu les pédales.
HANOI
Le riz amer
En ce moment, Nguyên Van Thu se prépare à vendre la récolte de mai. « On la vendra
moins cher que celle d’octobre. C'est toujours comme cela. En octobre, il y a moins de
riz disponible car on doit en garder pour nous et tenir jusqu’à mai ». [ …] Au total, la
famille tirera 600 euros de ses deux récoltes de riz cette année. « Avec les enfants, c’est
dur. Notre aînée de 17 ans travaille déjà aux champs et va devoir arrêter l’école. C'est
trop cher ».
Nguyên Van Thu est loin d’imaginer que sur les marchés mondiaux on se bat pour son
riz. « Du riz vietnamien, on n’ren trouve plus actuellement, dit Jean-Pierre Brun, courtier
en riz. Le Vietnam a suspendu ses exportations et, comme c’était le deuxième exportateur
mondial, ça a mis le marché sens dessus dessous ».
GENEVE
Jackpot pour les négociants

12
Huma Burnewe, une courtière en riz : « Notre métier, c’est d’acheter et de vendre. Alors
quand ça monte, forcément, on gagne beaucoup plus d’argent ».
« C’est la folie, on ne sait pas où le prix du riz va s’arrêter. On se demande qui pourra
encore acheter. A Conakry, le prix du sac de riz de 50 kilos a atteint 180 000 francs
guinéens (30 euros). C’est pratiquement le salaire mensuel des fonctionnaires là-bas ».
DAKAR
Le règne des spéculateurs
Il est là, au port. Un bateau chargé de 18 000 tonnes de riz. Bloqué depuis quatre mois.
Moustapha Tall, le plus gros importateur de riz du Sénégal, ne décolère pas. « Le
négociant à Genève refuse de me le vendre. Il prétend que je suis en défaut. En fait, il
espère le vendre encore plus cher ». « Depuis la libéralisation en 1995, c’est n’importe
quoi. Le marché est complètement morcelé. On n’a pas assez de puissance financière
pour peser face à nos négociants à Genève » … Il ne comprend pas comment son pays en
est arrivé là : « Dire qu'on dépend du riz vietnamien ou thaï alors qu’on pourrait en faire
pousser chez nous ! Le problème, c’est que le riz local a été complètement cassé par le
riz importé qui était vendu bien moins cher ». Au marché Sandaga à Dakar, on ne trouve
plus de tomates produites par les paysans locaux. Elles viennent toutes d’Espagne,
vendues à des prix ultracompétitifs grâce aux subventions de la PAC.
PARIS
Les Restos du Coeur en rade
Des queues interminables devant les soupes populaires ou les Restos du Coeur, cet hiver
? C’est le scénario catastrophe que prédisent les associations caritatives, touchées de
plein fouet par la hausse des matières premières. …« On a fait le calcul. Au bas mot, il y
aura 14 millions de repas en moins pour l’hiver prochain, s’alarme Olivier Berthe, des
Restos du Coeur. On va devoir refuser des gens. Mais sur quels critères ? »
Doan Bui, Frédéric Saliba et Huy Le Khac, « Spirale de la faim », Le Nouvel
Observateur, semaine du jeudi 08 Mai 2008

Considérez également les photos suivantes :

1. Femme haïtienne entrain de faire sécher des galettes de boue pour ses enfants, eux
aussi malnourris (source :
http://sandrominimo.blog.24heures.ch/archive/2008/05/02/casser-un-mcdo-est-ce-bien-
necessaire.html)

13
2. Femme pakistanaise d’Islamabad en pleurs avoir évoqué une récente flambée des pris
qui ne lui permet plus de subvenir aux besoins de sa famille
(http://www.lemonde.fr/organisations-internationales/article/2008/04/12/emeutes-de-la-
faim-un-defi-inedit-pour-l-onu_1033858_3220.html)

Etude de cas : « La spirale de la faim », dossier thématique du Nouvel Observateur, 8


mai 2008. La sélection ci-dessus n’est qu’un aperçu du thème, du style et de la manière
des trois journalistes de rendre cet événement mondial dans un dossier thématique.

1. Comparez la façon de rendre l’information dans différentes formes de discours


médiatique. Par exemple, le reportage télévisé / le dossier thématique d’un
hebdomadaire.
2. Lisez l’ensemble du dossier. Quels ont été les critères selon lesquels les
journalistes du magazine ont établi l’itinéraire de ce voyage planétaire inédit ?
3. Analysez leur manière de rendre l’événement et de créer l’effet de réel.
4. Imaginez la couverture du magazine. Principalement consacrée au dossier
thématique, elle accroche le lecteur par son sujet, tandis que la Une des
quotidiens a pour fonction de faire un « étalage » des titres et des rubriques et
attire l’attention par la diversité.

14
5. Expliquez le titre du dossier. Trouvez des analogies avec « la spirale du silence ».
Analysez les sous-titres et la mise en texte de l’événement par la force de leurs
énoncés : la connotation des noms, un préambule sur le contenu.
6. Cherchez le non-dit, les questions qui vous viennent à l’esprit après la lecture de
ce dossier, auxquelles les journalistes n’ont pas donné de réponse ou ont laissé le
lecteur libre de la trouver.
7. Quel est l’effet des photos ? Choisissez-en pour illustrer les différents fragments.
8. La polyphonie du discours médiatique – source de crédibilité. Ce dossier
s’inscrit, du point de vue des classifications de la presse écrite, dans la catégorie
de la presse miroir – qui valide l’information par la pluralité des voix. Relevez
l’identité des témoins. Analysez les techniques utilisées par les journalistes pour
renforcer la crédibilité du dossier. Illustrez la manière de construire l’information
par le découpage de tranches de vie, de témoignages divers de toutes les
catégories de personnes impliquées.
9. Expliquez l’agencement des énoncés / articles du dossier. Faites des hypothèses
sur la logique de leur organisation.
10. Analysez et imaginez le travail en amont des journalistes. Faites des hypothèses
sur leurs modalités de travailler.
11. Par quels moyens les auteurs touchent le lecteur ? Donnez des exemples.
12. Analysez l’impact du dossier : la course effrénée aux profits, l’indifférence pour
les suites sociales, autres.
13. Sujets de débat. Constituez des fiches argumentatives sur les thèmes suivants :
• cultures pour l’éthanol / pénurie alimentaire du tiers monde ;
• mondialisation et changement des pratiques alimentaires / dérèglement
des ressources.

III.2. Enquête sur la lecture des journaux


Micro-trottoir. Menez cette enquête dans votre entourage et / ou dans la rue.
Relevez les caractéristiques de vos interlocuteurs (âge, sexe, profession).
Lisez vous des journaux ? oui - non
Entourez la bonne réponse.
Quelle sorte de journaux ?
Cochez la ou les bonne(s) réponse(s).
un/des quotidien(s)
un(e)/des revues, hebdomadaire(s)
Quels genres de magazines connaissez-vous ?
- mode
- people
- actualité
- spécialisé
Aimez-vous feuilleter les magazines ? Pourquoi ?
Quels sujets d’articles préférez-vous en général ?

15
Numérotez de 1 à 3 en commençant par le sujet que vous préférez :
- les sciences - la médecine
- la politique - la mode
- les sports - la culture (livres, cinéma...)
- l’économie - les faits divers
- la société - autre sujet : indiquez-le
Quand vous avez choisi de lire un article, vous commencez par:
Vous pouvez cocher une ou plusieurs cases.
- le titre - les sous-titres
- la photo - la légende sous la photo
- les lignes en gros caractères - autre chose ...
- le premier paragraphe
Quand vous lisez un article, vous lisez en général:
Lisez tout avant de répondre.
- en diagonale et en vous arrêtant sur les passages intéressants;
- en sautant des paragraphes;
- en entier, d’un bout à l’autre en commençant par le début;
- par « sondages » à partir d’un sous-titre;
- autrement ...
1. Communiquez les résultats de votre enquête. Comparez-les. Qu’en concluez-
vous … fiche technique / des quotidiens / journaux francophones
2. Analyse de quotidiens francophones. Observez par groupes quelques journaux
différents roumains ou francophones. Commentez l’aspect physique du support,
les informations données sur la couverture ou sur la manchette du journal. Faites
des hypothèses sur son contenu à partir du nom
4. Quel est approximativement le pourcentage de la place accordée:
- aux nouvelles nationales et internationales,
- au bulletin de l’étranger,
- à la publicité, au dessin,
- au sommaire ?
5. En fonction de l’importance accordée aux différentes rubriques, au rapport
texte/iconique, à la longueur des textes, au contenu des publicités, précisez le portrait-
robot du lecteur-cible visé par votre journal.
6. Observez la Une du journal choisi et désignez les différentes parties avec l’un des
termes suivants:
publicité - sommaire - bulletin de l’étranger - articles - titre
sous-titre - surtitre - chapeau - cheval.
Commentez la mise en page.

IV. REFLETS LITTERAIRES


Lisez également le texte suivant, identifiez les éléments qui relèvent de contrastes
culturels et commentez-les :

16
« [Mon] appartement [à Montréal] se trouve au deuxième étage d’un bel immeuble. Les
fenêtres donnent sur une rue tranquille. Je n’entends rien le jour comme la nuit. Par la
fenêtre, je vous des couples jeunes et vieux s’enfiler dans leur voiture ou en sortir. Quand
ils se croisent, ils se cèdent la place avec politesse. Ils ne se parlent pas, bien que leurs
chiens se cherchent. […] [J]e vis dans un immeuble où il n’y a que des locataires et pas
de voisins. Tu sais combien je détestais mes voisins dans mon logement à Shanghai. Ma
mère disait qu’un voisin est plus qu’un parent lointain, car il te crée des petits ennuis qui
remplaceraient de grands malheurs. Mais je n’arrivais pas à aimer ces voisins qui
parlaient, hurlaient, riaient et pleuraient dans les escaliers. Je n’acceptais surtout pas
qu’ils essaient de me faire vivre à leur façon. Maintenant, je suis libre, je pourrais presque
tout faire chez moi. Personne ne me dérangerait. Et si l’idée me prenait de me tuer ? On
ne viendrait pas m’en empêcher, bien sûr. On m’en accorderait l’entière liberté à
condition que je ne dérange pas les autres. N’est-ce pas ce que j’ai toujours voulu et que
j’apprécie encore ? Pourtant, je commence à avoir peur de cette liberté qui m’attire
comme un trou inconnu. Je suis ahuri par sa profondeur. Les voisins me manquent ».
(Ying Chen, Les lettres chinoises)

DIRE AUTREMENT
clivage : séparation, rupture
incroyants : agnostique, athée, non-croyant
se décentrer (de soi) : sortir de soi, se départir de soi
a fortiori : à plus forte raison
de premier abord : de prime abord, à première vue
hâtivement : à la hâte, précipitamment
foisonnant : abondant
fermé d’esprit : borné, obtus
miroir aux alouettes : leurre, piège
avoir d’autres chats à fouetter : s’en ficher, avoir d’autres préoccupations
noyés : submergés par, étouffés par
crasse : ordure, saleté
prendre à la gorge : piquer la gorge, suffoquer
passer le seuil : dépasser, entrer
cossu : riche
friche : pâtis, terre non cultivée
triporteur : tricycle muni d'une caisse pour le transport des marchandises légères
vrombir : bourdonner, ronfler
boucan : tapage, vacarme
gueuler : vociférer, rouspéter
s’en prendre plein les mirettes (pop.) : être impressionné, regarder avec plaisir
blanchâtre : tirant sur le blanc
bouchée : fermée, obstruée
déchets : détritus, ordure
l’art tauromachique : art de combattre les taureaux dans l’arène
cradingue : très sale

17
dépotoir : décharge, voirie
gagner le centre-ville : arriver, se rendre au centre-ville
gymkhana : course d'obstacles au parcours compliqué
tacots : vieille voiture automobile, chignole, guimbarde,
brinquebalants : cahotant
défoncés : brisés, abîmés
circuler au coup de trompe
décrochage, queue de poisson : façons agressives de conduire
aisément : facilement
bagnole : vieille auto
engueuelade : dispute, querelle, empoignade
doigt d’honneur : geste impudique, obscène
remontrance : admonestation, avertissement, blâme, observation, réprimande, reproche
quiétude :calme paisible
friqué : riche
échoppe : petite boutique, barraque
au ras de : au plus près de la surface de, au même niveau
vivre dans du dur : vivre dans un vrai logement
proprets : bien propres
égayer : distraire, divertir, ébaudir, réjouir
s’égailler : se disperser, s’éparpiller
bidonville : agglomération d'abris de fortune, de baraques sans hygiène où vit la
population la plus misérable (souvent à la périphérie des grandes villes)
tôle : feuille de fer ou d'acier obtenue par laminage
bâche : banne, prélart
barbouillés : salir; couvrir, maculer, souiller, tacher
décharnées : dépouillées de la chair, amaigries
accroupies : à croupetons, assises les jambes repliées, sur leurs talons
fouiller : explorer, inspecter, scruter
brouet : bouillon, potage
guenilles : haillon, hardes, loque, nippe
à même le béton : directement sur le béton
une buse : une bondrée ; (fig. et fam.) personne sotte et ignorante
gosse : bambin, gamin, mioche, môme, moutard
bouche édentée : qui a perdu une partie ou la totalité de ses dents
hommes estropiés : éclopé, handicapé, impotent, infirme
agglutinés : collés ensemble, agglomérés
miséreux : besogneux, famélique, misérable, nécessiteux, pauvre
pagaille : fouillis, bazar
croulant de : s’abattre, s’affaisser, s’ébouler, s’écrouler, s’effondrer
soyeux : de soie
les mets : les plats
le bric-à-brac : amas de vieux objets hétéroclites, destinés à la revente, bazar, fatras
mochard : assez moche, tocard
saris : longue étoffe drapée que portent traditionnellement les femmes indiennes.

18
Dossier 2

Découvrir l’autre 2. Les globe-croqueurs : exotisme et évasion

Commencer le dossier par « Croisière jaune » (http://www.croisierejaune.com ; 2-3 min). Lisez les textes,
regardez le film de la mise en place de l’accueil des touristes. Retenez les images contrastantes.

I. COMMUNICATION INTERCULTURELLE
Lisez les textes suivants :

1. Artère vitale pour les habitants du désert, le chemin de fer transporte eau et
vivres à travers l’immensité de l’Adrar. Océan de dunes, villes millénaires, tribus
nomades... il offre au voyageur un périple inoubliable
Derrière la vitre du RER, pas de barres bétonnées, pas de vaches banlieusardes non plus,
mais un chameau, un vrai. Et un désert de sable, l’Adrar, comme un tapis de soie jaune
orangé, déroulé à l’infini sous un ciel bleu mer. De quoi s’étrangler d’émotion et
s’accrocher ferme à la rampe du wagon... Un RER authentique d’origine suisse, posé, en
1998, par un voyagiste français avisé au cœur de la Mauritanie, contrée magnifique
coincée entre le Maroc, le Mali et l’océan Atlantique. Le « Train du désert », dit la
brochure. Un exode touristique ferroviaire hors du commun, quelque part sur la chaotique
voie en fer qui relie Zouerate, dans le nord, ville minière à ciel ouvert, à Nouadhibou, sur
la côte. Véritable ligne de vie, au cœur du Sahara occidental. Un périple difficile à croire.
(…) Choum. Ici, le vent siffle, serpente, entre des baraques en tôle rouillée qui ne
demandent qu’à s'envoler à la première gifle de sable. (…) Flanquée de sa voiture de
RER et d’un drôle de wagon-lit, la vieille locomotive tousse, grince, crie, avant de
s’ébranler. Contre ses flancs s’agite une ruche désordonnée : une nuée de mômes
rigolards, des ânes à brouette, des cargaisons de riz, de bidons d’eau solidement ficelées
sous l’œil grave d'un vieux bonhomme à boubou blanc... Jamais train touristique n’a
semblé si authentique. Et pour cause : ce chemin de fer est le sang qui irrigue le cœur du
pays.
(…) Coussins colorés et moelleux, tapis idem, le tout encadré par le film lent du désert
aux fenêtres... La tentation est grande de jouer les pachas nonchalants. Dans un coin, un
jeune « aide de camp » reproduit inlassablement le même geste fascinant : faire passer et
repasser le thé à la menthe d’un verre à l’autre, afin de gagner de la mousse parfumée.
Caressés par ces effluves mentholés, les voyageurs laissent échapper tour à tour des
sourires béats, visiblement ébahis par la luxueuse originalité du périple.
Le voyage immobile, (…) la rétine habillée d’images douces : la courbe d’un horizon, un
océan de caillasse et d’herbe sèche, un troupeau de chameaux qui paissent et paressent
devant la loco, bien obligée de ralentir. Au loin, comme une ombre chinoise, un âne
maigrelet surmonté d’un homme sec qui fait un signe de la main. On salue le train,
toujours, comme un ami, un heureux événement.

1
(…) Sur le chemin du train, on croise aussi la Mauritanie nomade, fidèle à l’imagerie
africaine. La nuit, un campement à l’écart des voies, où les filles du village, 15 ans à
peine, enveloppées de voiles orange et verts, chantent timidement au coin du feu des
histoires d’hommes amoureux.
(…) Après trois jours et deux nuits délicieuses, à savourer un poulet dodu, à siroter
inlassablement de la menthe sucrée et à dormir en couchette, cahoté, bercé, comme en
haute mer, on remet les pieds sur terre. En 4 x 4 et à une demi-journée de route, il y a
Chinguetti. Un soleil presque couché, dont les rayons rouge pâle font encore trembler le
minaret de la haute ville, s’échappe doucement des labyrinthes de maisons en terre. Une
cité comme un mirage. Ville phare de la culture musulmane, Chinguetti, dernière oasis
d’humanité avant l’immensité, se dresse seule face aux ébouriffantes dunes de l’Ouadane
depuis le Xe siècle dit-on. Et continue d’abriter une dizaine de bibliothèques – contre des
centaines, au temps de sa splendeur – tenues par les descendants directs des érudits,
conteurs, médecins et astronomes de la cité. (…) Un Coran du XVe siècle, un traité de
médecine (une copie), signé du grand Avicenne, et tant d’autres. Tant de trésors menacés.
Les manuscrits perdent leur peau et leurs os. Ils ne sont pas faits pour le désert. Pas plus
que les hommes. (…) Cette fragilité, ce péril permanent, rend la ville et ses âmes plus
précieuses encore au voyageur. Comme le pays tout entier, flamboyant et contradictoire,
républicain et musulman, tout juste ouvert aux autres et sillonné par un train malin qui
permet de l’embrasser d’un long et merveilleux travelling. D’un seul coup d’œil qui suffit
au coup de foudre.
(Arnaud Malherbe, « Le train des sables », L’Express.fr, mis à jour le 09/11/2004 –
publié le 15/11/2004)
(source: http://www.lexpress.fr/styles/voyage/le-train-des-sables_487964.html)

2. Plus besoin de dormir à même le sol pour s'émerveiller de l'infini des sables.
Aujourd'hui, au Sahara comme dans les dunes d'Arabie, des campements dignes des
Mille et Une Nuits vous promettent une vie de prince
« Les voyageurs sont une chance pour nous autres
Touareg. Leur présence nous permet de sauvegarder un
mode de vie très proche de nos traditions » [dit notre
guide].

(Plus d’images à l’adresse


http://www.lexpress.fr/styles/voyage/bivouacs-chics-
dans-le-d-eacute-sert_479726.html)

2
«Vous voyez, continue-t-il, nous avons aujourd’hui traversé des territoires de pierre et de
sable, vous goûtez notre hospitalité, nous allons ensemble nous régaler de mouton et de
dattes, dormir sous d’authentiques tentes touareg. Si nous n’avions personne avec qui
partager ce désert, que ferions-nous à part trouver du travail à la ville et devenir
sédentaires? »
(…) Nous sommes ici au cœur d’un des plus grands déserts du monde, un désert aussi
étendu que le territoire français, un désert qui court du sud de l’Algérie au Niger. Bien
moins fréquenté que le Maroc ou la Tunisie, le tassili du Hoggar semble se réserver aux
voyageurs plus qu’aux touristes. (…) Pourquoi le Hoggar? Que cherchons-nous? Le
grand frisson? La solitude? Si c’est pour des tours en chameau et des démonstrations de
danse traditionnelle, il y a erreur de destination. (…) Notre courte caravane suit sur une
cinquantaine de kilomètres la transaharienne, avant de quitter le chemin balisé et de se
hisser sur un immense plateau. Puis sur une chaîne de montagnes apparemment
infranchissables. Des sommets noirs et affûtés comme des lames, un sol déchiqueté en
millions de cailloux ciselés, chantournés, des plaques d’ardoise bleutée, des blocs de
marbre blanc striés de noir, des poussières vertes de soufre, des crevasses rouge sang...
(…) Une monumentale arche de pierre marque l’entrée du camp de Tagrera. Partout
autour de nous, des monolithes titanesques jaillissent des sables perlés, vieil or ou parme.
Dans ce cadre somptueux, une vaste tente touareg est dressée. Plus loin, discrètement
adossées à une falaise, on distingue deux petites toiles (des toilettes et une douche). On se
rafraîchit, on découvre notre « abri » nomade. De vraies œuvres d’art que ces tentes
constituées de centaines de peaux, tannées, teintes, cousues entre elles, ouvragées,
frangées. A terre, des tapis chatoyants, épais et confortables. A l’intérieur, un vrai lit, des
couvertures en poil de chameau, des meubles bas pour le thé. « Ce sont des tentes touareg
que nous avons fait fabriquer par les rares vieilles femmes qui savaient encore le faire.
Du coup, elles ont transmis leur art à d’autres ouvrières. Les literies, c'est pour le confort
des Européens, qui ne sont pas habitués à dormir par terre », sourit Mokhtar, avant
d’ajouter, mystérieux : « Mais je gage que vous finirez la nuit sur le sable, sous les étoiles
».
Elodie Klein, Céline Lis, Christophe Migeon, « Bivouacs chics (sic !) dans le désert »,
L’Express.fr, mis à jour le 25/10/2006, publié le 26/10/2006.

3. Bain populaire à Derb Soltane

3
Pour les amateurs de bonne viande, il n’est jamais trop tard pour attraper un taxi rouge et
filer à l’entrée de Derb Soltane L’Baladiya, pour y déguster les choua (kefta, brochettes,
côtelettes…) de la place Sidi Ben Abdellah dans une atmosphère enfumée. La viande
s’achète au kilo dans l’une des petites boucheries mitoyennes d’où pendent des têtes de
dromadaires au long cou dépecé, entre côtes de bœuf et pieds de mouton. Les cuistots de
la place mitonnent le tout pour 10 DH le kilo, agrémenté de tomates et d’oignons grillés
et arrosé de thé. Une excellente adresse populaire, qui se mérite en dépassant les quelques
ruelles du quartier des Habous.

À l’entrée des arcades qui abritent un mini-souk touristique, s’élève un immeuble


imposant: le « tribunal de la Moudawana », où se jugent les affaires relatives au Code de
la famille, dont la réforme représente l’un des chantiers les plus importants du règne de
Mohammed VI. Une fois dépassée l’allée principale, il suffit de remonter sur la droite, le
long des magasins de djellabas et de vaisselle de fête, puis de passer le pont surplombant
la voie ferrée pour entrer dans Derb Soltane, quartier d’où partirent les mouvements
politiques et sociaux d’avant l’indépendance.

Toujours tout droit, la rue s’enfonce soudain dans une foule grouillante s’étendant à perte
de vue, dans un fouillis de dattes, cosmétiques de contrebande, fleurs en plastique, habits
d’occasion, portables rafistolés, tuyauteries, matériel de cuisine… En vitrine, des hijab
(voiles) légers et des caftans flamboyants ; en arrière-boutique, parfois, quelques burqa à
l’afghane. Et en amont, sur la droite, une étonnante ruelle digne d’un marché aux
sorcières, où se mêlent herbes folles, racines tortueuses, tortues et caméléons encagés,
peaux de renards et aigles empaillés…

(source: http://www.routard.com/
http://www.routard.com/mag_reportage/170/5/bain_populaire_a_derb_soltane.htm )

A. LE TEXTE ET VOUS
1. A quoi associez-vous les notions suivantes : exotisme, désert, train, voyage ?
2. Comment le voyage contribue-t-il à la découverte de l’Autre ?
3. Analysez les photos qui accompagnent les deuxième et troisième articles. Faites
des hypothèses sur le contenu des textes, sur le type de discours et sur le type de
public auquel ils s’adressent.
4. Lisez le titre, le chapeau et la source des articles. Formulez des hypothèses sur
leur contenu et sur les rubriques du magazine en ligne où ils pourraient figurer.
5. Quelles photos choisiriez-vous pour illustrer le premier texte ?

B. VOUS ET LE SUJET DU TEXTE


1. Identifiez le thème commun aux deux textes. Le sujet du dossier vous intéresse-t-
il / plaît-il ? Pensez-vous que vous auriez eu les mêmes réactions / impressions
que les auteurs ?
2. Que savez-vous d’Adrar ? du tassili de Hoggar ? de Derb Soltane ? des Touareg ?
Ces mots vous paraissent-ils :

4
b) étranges
c) absurdes
d) incompréhensibles
d) exotiques
3. Qu’est-ce qui attire les voyageurs dans ces zones désertiques ?
4. Comment commentez-vous la distinction entre touristes et voyageurs qu’établit le
deuxième texte ?
5. Quelles sont les fonctions dominantes des trois textes : narrer / décrire / informer /
argumenter ?
6. Délimitez les textes en parties selon la fonction dominante et justifiez.
7. Dans le Train du désert, identifiez les motifs principaux du texte.
8. Faites correspondre les images du diaporama et le témoignage du guide touareg.

C. L’AUTEUR, LE TEXTE ET VOUS


1. Le ton et l’attitude des deux premiers reporters par rapport à la réalité
présentée témoignent de :
a) la chaleur
b) la distance
c) l’enchantement
d) l’indifférence
e) l’envoûtement
f) l’admiration
g) la surprise
h) la fascination
Repérez les mots qui expriment leur réaction / leur attitude.
2. Relevez la position de l’auteur dans chaque énoncé. Comment se manifeste
dans le discours sa présence / son absence ?
3. Comment expliquez-vous le choix pour des verbes au présent ?
4. Comparez les trois articles. La différence de contenu et d’atmosphère est-elle
due à la personnalité du journaliste, à la sélection des aspects présentés ?
5. Quel est le rôle des citations dans le deuxième texte ? Qui est la personne citée
et quelle information apporte la citation par rapport à ce qui suit / précède ?
6. Quels sont les sentiments ressentis après la lecture et le visionnement des
diaporamas :
a) dépaysement
b) indifférence
c) curiosité
d) autre
7. Choisissez un article et donnez votre point de vue sur son contenu et sur les
moyens utilisés pour sensibiliser / toucher le lecteur.
8. Distinguez :
1. les éléments exotiques des trois textes. Organisez-les selon les entrées
suivantes : paysage, transport, habitat, vêtements, goûts, organisation de
l’espace urbain, lexique, autres. Par quels moyens l’auteur leur confère-t-il
une valeur symbolique ?

5
2. les différences entre la fonction du train, pour les habitants du désert et
pour les touristes français et les réactions des autochtones au « train du
désert »
3. la vie des habitants du désert et des villes : cadre de vie, occupations,
portraits individuels / de groupe des autochtones
4. le parcours des voyageurs : points de départ, villes / régions parcourues /
point d’arrivée / réactions respectives. Cherchez des informations plus
précises sur les endroits et sur les pays traversés.
5. les éléments qui composent l’image pittorresque de Derb Soltane.
9. Repérez le rôle des éléments descriptifs qui composent l’image du désert.
10. Comment sont présentés les voyageurs ? Dressez le portrait-type du voyageur
tel qu’il ressort des deux textes.
11. Imaginez le journal intime, jour après jour et région après région, qu’aurait
tenu l’un des deux reporters (texte 1 ou texte 2).
12. Quelles sont les questions que vous aimeriez poser aux habitants rencontrés
dans ce voyage. Et celles destinées aux voyageurs à leur retour ?
13. Dans le texte suivant, remplacez les mots soulignés par des synonymes et faites
des modifications lorsqu’elles s’imposent:
« Flanquée de sa voiture de RER et d’un drôle de wagon-lit, la vieille locomotive
tousse, grince, crie, avant de s’ébranler. Contre ses flancs s’agite une ruche
désordonnée : une nuée de mômes rigolards, des ânes à brouette, des cargaisons de
riz, de bidons d'eau solidement ficelées sous l'œil grave d'un vieux bonhomme à
boubou blanc ».
« Toujours tout droit, la rue s’enfonce soudain dans une foule grouillante s’étendant
à perte de vue, dans un fouillis de dattes, cosmétiques de contrebande, fleurs en
plastique, habits d’occasion, portables rafistolés, tuyauteries, matériel de cuisine…
En vitrine, des hijab (voiles) légers et des caftans flamboyants ».

D. RESUMER
1. Ecrivez une lettre à un ami pour le convaincre de vous accompagner en voyage
dans le désert tunisien. Plan de la lettre : source de vos informations,
description des paysages, des conditions inédites de transport, d’hébergement,
l’exotisme des lieux et des habitants.
2. Concours Découvrir l’autre. Imaginez les dix meilleures questions à poser à un
étranger, sur lui, son peuple et son pays d’origine. Sortez des sentiers battus
3. Rédigez de courts articles – 200-300 mots – sur les thèmes suivants : Le train
du désert ; Exotisme et confort ; Regard occidental sur les habitants des
sables ; Le tourisme comme mode d’existence au milieu du désert.
4. A partir de vos notes et des informations des textes, rédigez un article d’une
page sur le thème Exotisme du désert. Faites appel à vos lectures ou à d’autres
produits culturels s’y référant. Lectures recommandées : Albert Camus,
Noces ; Jean-Marie Gustave Le Clézio, Désert ; Michel Tournier, La goutte
d’or, etc. Films : Le patient anglais, Babel.

6
E. COMMENTER
COMMENTER, C’EST PRÉCISER
1. Que savez-vous d’Avicenne ?
2. Quel est le signe tutélaire sous lequel se place la vie des gens dans le désert ?
3. En quoi la présence des touristes aident-elle les Touareg à « sauvegarder un mode
de vie très proche de [leurs] traditions » ? Qu’est-ce cette affirmation du guide a-t-
elle d’apparemment contradictoire ?
4. Précisez un thème / un aspect qui soit présent dans un seul des trois articles lus.

COMMENTER,
… C’EST COMPARER DES CULTURES
1. Précisez les contrastes entre la culture d’origine et la culture étrangère perçus
par le regard du touriste, tels qu’ils sont évoqués dans les textes choisis.
2. Dossier : le Maghreb. Géographie, histoire, culture, intérêt touristique /
pratiques culturelles, langues du pays, rythmes quotidiens particuliers, rituels.
3. Imaginez le séjour / le voyage d’un Touareg à Paris : quel parcours ? quelles
réactions ? quel guide ?
4. Imaginez la vie quotidienne des habitants du tassili d’Hoggar / des « cuistots »
de Derb Soltane.
5. Imaginez et ensuite décrivez les bruits et les odeurs du désert / du marché de
Derb Soltane.
6. Le « train du désert » rappelle d’autres trains / parcours célèbres : l’Orient
Express, le Transsibérien, le TransCanada. Faites le parcours imaginaire à bord
de l’un de ces trains ; imaginez également le journal de bord que vous tiendriez
pendant le voyage.
7. Le thème de l’évasion et de l’exotisme est-il présent dans les médias
roumains ? Dans quels médias ? Précisez les émissions télévisées,
radiophoniques, les supports de la presse écrite qui y sont consacrés. Quels
sont les effets visés par ces productions ?
8. Vous êtes un journaliste et vous devez écrire un article où vous présenteriez
quelques attractions touristiques / lieux / objectifs exotiques que la Roumanie
peut offrir aux étrangers. Ajoutez-y des photos.

F. DÉBATTRE
1. Entre confort et authenticité, choisissez une modalité de voyage inédite pour aller
à la rencontre de l’Autre : vivre chez l’habitant au quotidien, jouir du confort d’un
voyage original, aventurier – sac au dos, guide du routard en poche, autres
formules.
2. Quelle serait votre réaction en lisant l’une des affirmations suivantes :
Le tourisme détruit l’authenticité et les traditions des habitats isolés.
L’ethnocentrisme permet de mieux communiquer sa culture aux autres.
En pays étranger, il vaut mieux adopter les pratiques locales.
Partir, c’est mourir un peu.
La vie dans le désert forme des caractères à la fois sauvages et raffinés.

7
G. CONTRASTES
1. ETUDE DE CAS. Le revers de l’exotisme. Voyager de manière
responsable. Vous pouvez aborder des aspects tels : comportement des
touristes, impact du tourisme sur l’environnement, notamment sur les sites
protégés / menacés ; faudrait-il interdire le tourisme dans ces zones ? Comment
les protéger de l’action des touristes ? Appuyez-vous aussi sur le texte suivant :

« C’est une mer de détritus qui voguent au fil de l’eau : canettes, sacs en plastique,
ballons crevés... Toutes les ordures du monde, jetées du pont d’un bateau ou du quai d’un
port, abandonnées sur une plage aux antipodes, se retrouvent là, quelque part entre
Hawaii et la Californie. Un immense tourbillon d’air chaud y creuse un entonnoir
aquatique, véritable aspirateur à déchets. Cette mer d'immondices, baptisée « décharge du
Pacifique Nord », est vaste comme le Texas et concentre une masse de plastique six fois
supérieure à celle du plancton. Ici, et dans six autres puisards identiques ailleurs sur le
globe, finissent nos rebuts, du bâton de sucette à la bouteille de soda oubliés sur le sable,
à l'heure du retour au camping.
(…) C’est ainsi que les 19 îles Galapagos (Equateur) viennent de quitter la liste du
Patrimoine mondial de l'Unesco pour rallonger celle, plus triste, des sites menacés. 100
000 visiteurs piétinent chaque année ces îlots peuplés de dizaines d'espèces endémiques,
tortues géantes, iguanes marins et terrestres, albatros, cormorans, lions de mer et otaries.
Au cours des quinze dernières années, l’archipel a vu sa faune touristique augmenter de
150%. Un trafic tel que les animaux, dérangés, changent de comportement. Cette
invasion favorise en outre l'introduction d'espèces nouvelles, qui menacent à leur tour
l'équilibre écologique de cet archipel unique.
(…) Le Machu Picchu, pourtant situé à 2 045 mètres d'altitude, en plein cœur des Andes
péruviennes, pourrait bien intégrer, lui aussi, l'inventaire des chefs-d'œuvre en péril.
Jusqu'à 2 500 touristes s'y pressent chaque jour. Selon les autorités péruviennes, ce
chiffre pourrait tripler après le récent classement du site parmi les sept nouvelles
merveilles du monde par une fondation suisse. Pour accueillir les visiteurs, une partie de
la forêt tropicale a déjà été abattue, cédant la place à des routes, des hôtels, des boutiques.
Résultat: la déforestation entraîne l'érosion des sols et provoque des glissements de
terrain. Des infiltrations d'eau risqueraient également de causer le déchaussement des
pierres et l'affaissement des ruines.
Plus près de nous, les « safaris cétacés » se multiplient en Méditerranée, où ils
n'existaient pas il y a encore quinze ans. Rien qu'en France, plus de 23 sociétés
spécialisées promènent ainsi les visiteurs à la découverte des dauphins et des baleines.
(…) Sous peine de voir le comportement des mammifères marins se détraquer, comme
dans l'embouchure du Saint-Laurent (Québec), où le bruit incessant des moteurs de navire
contraint les bélugas, baleines et autres rorquals à chanter de plus en plus fort pour
communiquer ».
Marion Festraëts, Julien Le Bot, « La planète malade du tourisme », L’Express.fr, mis à
jour le 26/07/2007, publié le 26/07/2007
(http://www.lexpress.fr/styles/voyage/la-planete-malade-du-tourisme_476082.html)

8
2. « Apprendre à regarder » : le carnet de voyage. Décelez les contraintes
du genre, en vous aidant des textes suivants, et rédigez vous-mêmes le carnet d’un
voyage réel ou imaginaire. Ajoutez-y des illustrations.

« Tout le monde n’est peut-être pas artiste, mais de plus en plus de gens s’essayent aux
carnets de voyage. Cela répond à une volonté de voyager autrement, de prendre le temps
de regarder, d’apprendre à connaître tout en alliant le plaisir de l’écriture et le besoin de
se réaliser à travers un travail manuel ou artistique, dans un monde où d’un côté tout va
plus vite et où de l’autre la durée du temps de loisir s’allonge » ; Patrick Colcomb, dans
Elodie Maillot, « Exquises esquisses de “globe-croqueurs” », France-Diplomatie, n° 51
(2003).

« Le carnet de voyage doit comporter deux éléments essentiels qui dialoguent :


l’illustration, qui peut se composer de collages ou de dessins, et le texte, dont la
calligraphie est plus ou moins travaillée. Le carnet, c’est l’éloge de la lenteur, une valeur
que l’on a besoin de retrouver » (Michel Renaud, dans Elodie Maillot, « Exquises
esquisses de “globe-croqueurs” », France-Diplomatie, n° 51 (2003).

a) « J’ai repoussé ma date de retour pour la seconde fois. Un mois de plus au Mali pour
réfléchir à bien des projets et en prendre plein les mirettes dans ce pays où les ragots
d’amour brûlent toutes les lèvres, j’adore ! Retour prévu le jour du printemps. Je me
sauve, ma nouvelle idole, Titouan Lamazou, doit parler tout à l’heure au Salon des
écrivains-voyageurs, ce rendez-vous me donne à moi aussi des envies d’écrire... »

© Titouan Lamazou/Gallimard

Anne-Laure Jozan, dans Elodie Maillot, « Exquises esquisses de “globe-croqueurs” »,


France-Diplomatie, n° 51 (2003)

b) Caroline Touzin, « Quarante-huit heures à Bangkok », La Presse, le samedi 5


juillet 2008
Jour 1
10 h : Le Grand Palais
Dès ma première visite, un Thaïlandais a tenté de m’arnaquer. (…) le Grand Palais, un
véritable joyau multicolore entouré d'une muraille de 2 km. Plusieurs surfaces du palais
et de bâtiments secondaires sont recouvertes de feuilles d'or. Un incontournable : la

9
chapelle royale du temple du bouddha d'émeraude où vous pourrez admirer la statue de
jade taillée d'une pièce. Vaut mieux y aller tôt, car les touristes sont nombreux.
Midi : Le bouddha couché
Non loin du Grand Palais, le Wat Pho est le plus ancien temple de Bangkok.(…) Et c'est
au Wat Pho que l’on peut admirer le fameux bouddha couché, le plus grand de Thaïlande
(46 mètres de long sur 15 de haut). La statue est entièrement recouverte de feuilles d'or.
Tout cet or m'a creusé l'appétit. J’ai dû héler trois taxis avant que le dernier n'accepte de
mettre le compteur pour faire la course jusqu'à Khao San Road, la Mecque des voyageurs
sac au dos. (…)
15 h : En bateau-taxi
Pour éviter le trafic, quoi de mieux que de trouver le canal le plus près pour y prendre un
bateau-taxi? Le canal est bordé de maisons de bois rudimentaires, construites sur pilotis.
Sur leur balcon, des femmes lavent du linge, des légumes ou encore leur enfant. (…)
19 h : Manger dans la rue
Bangkok est reconnu comme un paradis de la cuisine de rue. (…) La bouffe est
excellente, mais il ne faut pas regarder dans la ruelle. Ça grouille de vie animale! (…)

Photo:

Caroline
Touzin

Jour 2
10 h : Le Quartier Chinois
Marcher dans le Quartier chinois de Bangkok n’a rien d’une promenade paisible. C'est
plutôt une course à obstacles, mais une course franchement amusante. (…)
14 h : Séance de massage
18 h : Le restos des Thaïlandais
[L]e Tawandang German Brewery (…), un restaurant que les Thaïlandais adorent (…)
Chaque soir, ce restaurant offre un spectacle éclectique. J'ai assisté à des chorégraphies
de danse traditionnelle thaïe, à une interprétation de Zombie de The Cranberries, en

10
passant pas une scène de comédie musicale rappelant vaguement Grease. Les clients thaïs
commandent des girafes de bière (allemande!) et des bouteilles de whisky qu'ils
partagent, assis à des tables format cabane à sucre. On y mange entre autres une
excellente soupe tum-yum, un genou de porc croustillant et de la salade de papaye épicée.

II. REPERES GRAMMATICAUX : LE TEXTE DESCRIPTIF ET LE


TEXTE / DISCOURS ARGUMENTATIF

1. LE TEXTE DESCRIPTIF

FORMES - pause dans la narration


- verbes de perception, d’état et / ou de
mouvement ; indices spatiaux
- densité des figures de style
OPERATIONS - ancrage référentiel (présence d’un
thème-titre)
- aspectualisation, ou présentation des
caractéristiques du thème-titre
FOCALISATION/REGISTRES - focalisation interne > registre subjectif
(présence implicite ou explicite du
narrateur)
- focalisation externe > registre objectif
(effet documentaire)
POSITION DU LECTEUR - intérêt documentaire
- regard esthétique sur le texte

Les temps les plus fréquents de la séquence descriptive sont l’imparfait et le présent
intemporel.

2. LE TEXTE ARGUMENTATIF
Le texte argumentatif est un discours ; autrement dit, il met en scène une situation de
communication dans laquelle un émetteur exprime une opinion et peut solliciter de
diverses manières son récepteur pour le convaincre.

STRUCTURE prémisse (explicite ou implicite) >


argument(s) > thèse (conclusion)
FORMES - importance des indices d’énonciation
(modalisateurs, évaluatifs)
- volonté de convaincre et / ou de
persuader
RELATIONS LOGIQUES et exemples - concession : malgré, sans doute, certes
de CONNECTEURS DISCURSIFS - opposition : mais, tandis que, alors que
- addition ou graduation : de plus, en

11
outre, d’abord, ensuite, outre que
- cause et justification : parce que, en
effet, étant donné, puisque, car
- conséquence : donc, c’est pourquoi
REGISTRES - oratoire
- polémique
- ironique
POSITION DU LECTEUR - réflexion et esprit critique
- réception émue et complice du message

EXERCICES

1. Dans le texte suivant, analysez les opérations de focalisation, d’ancrage et


d’aspectualisation :
« Une monumentale arche de pierre marque l’entrée du camp de Tagrera. Partout autour
de nous, des monolithes titanesques jaillissent des sables perlés, vieil or ou parme. Dans
ce cadre somptueux, une vaste tente touareg est dressée. Plus loin, discrètement adossées
à une falaise, on distingue deux petites toiles (des toilettes et une douche). On se
rafraîchit, on découvre notre “abri” nomade. De vraies œuvres d’art que ces tentes
constituées de centaines de peaux, tannées, teintes, cousues entre elles, ouvragées,
frangées. A terre, des tapis chatoyants, épais et confortables. A l’intérieur, un vrai lit, des
couvertures en poil de chameau, des meubles bas pour le thé ».

2. Décrivez un matin d’hiver au bord de la mer / un voyage à bord d’un bateau / une
théière / votre relation amoureuse idéale.

3. Démontrez que le texte suivant a une structure essentiellement argumentative.


Identifiez-en la prémisse, les arguments pour et contre, les relations logiques et les
connecteurs, les indices d’énonciation, la conclusion. Ensuite, résumez-le ou
réduisez-le à quelques phrases, tout en gardant le sens et les connecteurs logiques :
« On s’assure aujourd’hui par le développement des techniques de communication
qu’une ère nouvelle est née où l’homme va enfin sortir de son isolement et, dit-on,
triompher des obstacles qui jugulaient sa parole : courrier électronique, « chat »
(prononcez Tchat !) sur Internet, prolifération des chaînes de télévision, que de moyens
offerts aujourd’hui à notre désir légitime d’ouverture à l’autre ! Si l’on en croit les
nouveaux apôtres de ce nouvel Évangile, nous n’aurions qu’à nous féliciter de cet
élargissement des frontières ancestrales dans lesquelles l’humanité croupissait : disparu le
village où chacun restait confiné toute sa vie dans l’ignorance, révolue cette époque où
l’information arrivait à ses destinataires déjà périmée !
Ne rêvons pas trop : cette ère nouvelle, si elle bouscule en effet notre univers, ne réussit
guère qu’à substituer une communication indirecte et désincarnée aux vrais rapports
humains qui, à l’évidence, ne peuvent se passer de la présence charnelle de l’autre. Car
on ne communique bien qu’avec des mots. Si la plupart des grands médias s’adressent à
nous, c’est dans une masse d’images confuses et de slogans publicitaires qui ne peuvent
que nous guider à notre insu vers des buts plus ou moins douteux. Et que penser d’une
apothéose de la communication qui permet aux gens de dialoguer jusqu’à l’autre bout de
la planète alors qu’ils n’ont pas encore adressé un mot à leur voisin de palier ? »

12
4. Lisez l’affirmation suivante et construisez une argumentation à partir d’elle, en
justifiant votre position et l’illustrant par des exemples concrets :
« Les manuscrits […] ne sont pas faits pour le désert. Pas plus que les hommes ».

III. DISCOURS MEDIATIQUES. Analyse des magazines. Profile du


lecteur. Analyse de l’image

III.1. Techniques d’analyse : le profil du lecteur par l’analyse des


magazines et quotidiens. Fiche méthodologique
Activités
A. Etude de cas : analyse de magazines. L’analyse de magazines divers permet de
constater et d’approfondir les distinctions sur les types de presse et de public ; les
différents scénarios et stratégies textuelles.
Etapes de l’analyse :
1. Sondage sur la lecture des magazines. Répondez individuellement aux
questions, ensuite, par groupes synthétisez vos réponses et faites-en part aux
collègues.
• Quels genres de magazines connaissez-vous / lisez-vous? (mode, people,
actualité, thématiques – spécialisés)
• Aimez-vous feuilleter des magazines ? Pourquoi ?
• Lisez-vous tous les articles ? Pourquoi ?
• Quelle place occupe la publicité ? Quels produits promeut-elle ?
• Achetez-vous régulièrement des magazines ? Où ? Pour quelle raison ?
2. Observation de couverture. Devant l’étalage d’un kiosque de presse prenez au
hasard un magazine, analysez sa couverture et faites des hypothèses sur la
catégorie à laquelle il appartient et sur son contenu. Interview :
• Faites d’abord des remarques sur l’aspect physique du magazine (qualité du
papier, poids, format, pagination). Quelles informations trouvez-vous en
couverture ?
• Y a-t-il des dessins, des photos, en couleurs, en blanc et noir ? Qu’est-ce
qu’elles suggèrent ? Formulez des hypothèses
• Selon vous, à quel genre appartient ce magazine ? Justifiez vos réponses.
• A partir du nom du magazine, imaginez son contenu, les sujets abordés et son
lectorat.
• Avez-vous envie de découvrir ce magazine ? Qu’est-ce qui attire surtout votre
attention ?
• L’achèteriez-vous ? dans quelles conditions ?
• Quel magazine roumain ressemble plus à ce titre ?
3. Exploration du magazine et lecture de l’éditorial. Questions-guide :
• Où se trouve l’éditorial ? Quelle est sa mise en page (longueur, photo,
couleur) ? Qui en est l’auteur ?
• Quelle est la forme grammaticale du titre et quels sont les sujets traités ?
• L’auteur prend-il position ? Quel est le ton de son article (léger, drôle, révolté,
ironique) ?

13
• L’auteur cite-t-il des articles du numéro ?
4. Le magazine comme reflet de la société, regard critique. Questions-guide :
• Quels sont les sujets souvent abordés par votre magazine ?
• Quels sont les sujets pas ou peu abordés ?
• Quels sujets vous semblent intéressants ?
• Quels sujets sont les mieux présentés ? Pourquoi ?
• Quelles sont les rubriques qui, à votre avis, pourraient être améliorées ?

B. Après avoir répondu aux questions ci-dessus, dressez le profil du lecteur / de la


lectrice du magazine.
Le profil du lecteur type gagnera en complexité si vous mettez d’abord en équation les
divers critères de classification de la presse qui s’adresse à des communautés plus vastes
de lecteurs :
- forme et fréquence de parution: journal/ magazine ; quotidien / hebdomadaire / mensuel
/ trimestriel ;
- zone de distribution : international / national / régional ;
- univers d’attente du public : presse d’élite / populaire / à scandale ;
- savoirs et connaissances encyclopédiques : généraliste / spécialisé
- sphères d’intérêt : presse féminine, jeunes, sports, bricolage, etc.
Deuxièmement, les informations recueillies dans votre document de presse vous
permettront de faire des hypothèses plus nuancées sur le lecteur type : catégorie sociale,
âge, catégories professionnelles, centres d’intérêt, bref, son horizon d’attente, son univers
de croyances et son espace mental.

C. Etude de cas : les magazines internationaux, étude interculturelle [ex. Courrier


international, Vogue, Elle] :
Comparez : l’univers créé par l’image – le choix des photos, les thèmes abordés par le
même magazine international publié dans des espaces culturels distincts.
Relevez les spécificités de chaque communauté socioculturelle. Les critères retenus pour
définir le lectorat des magazines vous aideront à l’extrapoler à la communauté et mieux
comprendre son univers de référence : son rapport à l’espace, à l’habitat, au temps, aux
loisirs, la proxémique, les valeurs dominantes.
Choisissez un magazine international, les pays de diffusion, et analysez les différences
formelles et de contenu. Comment les interprétez-vous ?

III.2. Analyse de l’image


A. Fiche méthodologique
En travaillant sur les circonstances de parution d’une image et l’accompagnement par le
texte, vous comprendrez d’une part la variété des parcours personnels dans la lecture
d’une image, et d’autre part l’importance du texte.
Etapes de travail, méthodologie
1. Analyser une image seule, sans texte ni légende
- expression libre sur photos : formulez des hypothèses, notez et classifiez ces
hypothèses ;

14
- recherchez dans les éléments graphiques et la composition de l’image (ex.
éléments de perspective, d’angle, de plan, …) ce qui exprime le point de vue de
l’auteur (quels sont ses choix : distance de l’évènement, implication ?)
- dégagez les différents niveaux de compréhension (factuelle, culturelle,
symbolique) ; ex. une image stéréotype comme une poignée de main peut être lue
comme une façon de se saluer, comme une relation chaleureuse ou comme le
résultat d’un accord.
- On peut y voir des antagonismes sous-jacents, faire apparaître les divergences ;
les expliciter si possible.
- Donnez quelques informations complémentaires, temporelles ou géographiques.
La connaissance de la date, du lieu ou de l’auteur peut faire basculer les effets
d’une image.
2. Analysez le document complet :
Regardez à présent la page complète d’où est extraite l’image et relevez les informations
textuelles : le titre de l’information, la légende précise de l’image. On identifie trois types
de légendes : la légende par redondance (le texte de la légende ne fait que décrire
l’image – ex. « deux pompiers essaient d’arrêter un feu à Fréjus ») ; légende par
informations complémentaires (« nouvel incendie sur les versants de l’Esterel : une
région déjà dévastée par le feu en 2005 ») ; légende par introduction d’un jugement
(« deux pompiers aux prises avec les flammes à Fréjus : des équipes en sous-effectifs
débordées par l’ampleur des dégâts »). Les exemples sont imaginaires mais peuvent très
bien accompagner des photos prises sur les incendies de forêts, si fréquents en région
méditerranéenne.
- Cherchez quelle information de l’article est illustrée par l’image ;
- Confrontez avec les hypothèses initiales, quels sont les changements ;
- Commencez une analyse du rapport texte / image : cherchez l’apport réciproque
du texte et de l’image en vous attachant notamment à l’émotion, à la
reconnaissance des faits et à leur compréhension.
3. La synthèse :
- Faites le bilan de l’évolution dans la construction du sens de l’image et mettez en
évidence les facteurs déterminants. 1

B. Décrire et interpréter un document visuel

Plan de l’analyse :

1. Identifier le type de document et la source.

2. Décrire l’image

- Localiser et détailler les éléments qui la composent (identification – Qui? Quoi?,


position, attitudes, gestuelle ; action) ; structure de l’ensemble.

- Si l’image ou l’intention n’est pas très claire / évidente nuancer et justifier votre
impression
1
Suggestions puisées dans LFDM, n° 332, p. 77.

15
- Si l’image évoque un événement ou une histoire :
- commencez par la description ;
- imaginez l’histoire (actions antérieures et postérieures à l’action présentée ;
circonstances)
3. Interpréter:
- Identifier le thème général ou le fait de société auquel on fait référence. S’agit-il
d’une illustration, d’une critique ?
- Plusieurs interprétations sont-elles possibles ? N’hésitez pas à les présenter mais
argumentez votre point de vue.
- Réalisation artistique de l’image / intention de l’auteur : choix des couleurs ; jeux
d’ombres et de lumière ; cadrage.
4. Développer le thème :
- Commentaire du fait de société ou du problème évoqué ;
- Opinion personnelle sur l’aspect en question ;
- Exemple / expérience ou anecdote personnelle.
5. Apprécier l’image (opinions ; impressions ; réactions)
Actes de parole
Identifier : Il s’agit d’un / une // C’est un / une … dessin humoristique / image / photo / publicité … / tiré /
extrait de…/ qui pourrait figurer / paraitre dans…
Décrire : Au premier plan; au deuxième plan; à l’arrière plan…;
Un plan d’ensemble; un gros plan; une perspective; les lignes de fuite
Exprimer l’opinion : A mon avis / Selon moi /
Nuancer l’opinion : . on dirait / il me semble que / cela pourrait être / il est possible

Apprécier : L’image illustre / évoque / fait réfléchir à // le thème critique / dénonce / suggère

Cette image, je la trouve intéressante, claire, réussie, frappante, originale ;


étrange, curieuse, difficile à comprendre, drôle ;
tragique, troublante, terrifiante, inquiétante.

Cette image me plaît (beaucoup) / ne m’inspire pas / est confuse / m’inquiète / me crée un sentiment
de panique / m’amuse / me touche

Justifier : … parce que …

Activités :
Choisissez trois photos dans votre magazine / quotidien et donnez pour chacune
trois légendes différentes (redondance ; infos complémentaires ; jugement). Justifiez
dans chaque cas le rapport avec un texte hypothétique.

DIRE AUTREMENT
vivres - aliments
barres bétonnées – infrastructure des autoroutes
vaches banlieusardes – vaches visibles dans les banlieues des grandes villes
s’étrangler d’émotion – s’étouffer d’émotion
s’accrocher ferme – serrer fermement

16
voyagiste avisé – agent de voyage expérimenté
au cœur de – au sein de
coincée - serrée
à ciel ouvert – en plein air
rouillée - abîmée
gifle de sable – un coup, une rafale
flanquée – attachée à
ruche (fig.) – endroit où s’activent de nombreuses personnes
ruée de mômes rigolards - une foule d’enfants gais
des ânes à brouette – petit chariot tiré par les ânes
ficelés – attachés, liés avec de la ficelle
boubou – longue tunique flottante
béats - satisfaits
ébahis – surpris
la rétine habillée d’images douces – d’images douces plein les yeux
caillasse – lit de calcaire grossier ; (fam.) : cailloux, pierraille
paissent (paître) – manger de l’herbe en broutant
la loco – la locomotive
âne maigrelet – âne très maigre
homme sec – un homme maigre, décharné
un campement – endroit où l’on campe, dressé de tentes
en couchette – dans le wagon-lit
cahoté - secoué
en haute mer – au large
ébouriffantes – incroyables, extraordinaires
flamboyant - brillant
sillonné – parcouru, traversé
coup d’œil - regard
travelling – le mouvement de la caméra
se régaler – se réjouir
le tassili - mot berbère, plateau de grès
se hisser – s’élever
infranchissables - insurmontables
sommets affûtés comme des lames – sommets aiguisés
un sol déchiqueté – déchiré, fendu
cailloux ciselés, chantournés – pierres, rochers découpés selon des contours complexes
des monolithes titanesques – des blocs de pierre gigantesques
parme – mauve comme la violette de Parme
peaux, tannées, teintes, ouvragées, frangées – étapes de traitement des peaux d’animaux
des tapis chatoyants – des tapis moelleux, soyeux
literie – ce qui entre d ans la composition d’un lit ; matériel de couchage
je gage que – je parie que
filer – courir ; (fam.) : foncer
kefta – viande hachée
mitoyenne – (ici) contiguë
dépecé - coupé

17
cuistot(fam.) – cuisinier professionnel
mitonner – bouillir, mijoter
souk – bazar
grouillante - fourmillante
fouillis –désordre, pagaille
rafistolés (fam.) – arrangés, bricolés
tuyauterie – canalisation
tortueuses - sinueuses
encagés – mis en cage.

18
Dossier 3

Pratiques culturelles et vie quotidienne

I. COMMUNICATION INTERCULTURELLE
Lisez les textes suivants :

1. 1714000 Français ont choisi de s’installer à l’étranger


Ce sont les nouveaux aventuriers made in France. Ils ont quitté leur maison, leurs
amis, leurs habitudes, leur patrie et parfois leur famille pour changer d’horizon.
Quelle est la nouvelle vie de ceux qui ont voulu s’expatrier en Asie, en Amérique, en
Afrique, ou tout simplement dans un autre pays d’Europe? Réussissent-ils à faire
peau neuve hors de France? Quel accueil trouvent-ils « là-bas »? Comment ont-ils
décidé, préparé, réalisé, selon qu’ils sont salariés ou chômeurs, étudiants ou chefs
d’entreprise, rentiers ou nomades, leur belle échappée? De Londres à Montréal, de
New York à Tokyo, nous sommes allés sur leurs traces. Une grande enquête menée
par Josette Alia
(…) Les temps sont rudes, les vents se lèvent, alors... les Français bougent. Certes, ils ont
toujours peu ou prou émigré. Mais aujourd’hui ils émigrent autrement. Les candidats au
voyage ne visent plus l’exotisme, ils cherchent un emploi dans un secteur porteur. Les
nouveaux routards n’empruntent plus sac au dos le chemin de Katmandou, ils s’envolent
vers New York ou la City pour dénicher un job ou muscler leur CV. On prend le large
pour apprendre une langue, un métier, pour bosser. Pas pour rêver.
(…) L’espace s’est dilaté, le temps s’est rétréci, la compétition mondiale, la terre est
devenue notre Terre-Patrie.
(…) Les seigneurs de l’expat’
Impossible de connaître leur nombre exact, mais ceux qu’on appelle à tort les expat’, et
qui sont en fait détachés à l’étranger par leurs entreprises, semblent jouir de tous les
avantages qui accompagnaient autrefois la vie coloniale. Nouveaux nababs, ils cumulent
hauts salaires, sécurité de l’emploi, beaux logements payés, voiture de fonction, voyages
en France et éducation des enfants prise en charge. On les imagine faisant tinter les
glaçons dans leur whisky au bord de leur piscine, ou se baignant dans une mer turquoise
bordée de cocotiers. Autant dire tout de suite que ces images relèvent du catalogue des
idées fausses. La colonie, c’est fini! Aujourd’hui les expat’ bossent dur, doivent parler
couramment deux ou trois langues et faire passer le boulot avant tout.
Laurent de Segonzac, 42 ans, marié, deux enfants, [qui] a créé un poste pour Alcatel à
Hong-Kong, [dit que] « cette ville est une des plus stressantes du monde ». C’est vrai :
business non-stop, embouteillages monstrueux, foules survoltées, vivre à Hongkong est
passionnant et... crevant. Pas d’horaires – Laurent part à 8 heures du matin, avale un
sandwich à midi au bureau et ne rentre jamais avant 9 heures du soir –, obligations de
résultats, beaucoup de responsabilités et peu de congés. Paris est loin, les Chinois

1
impénétrables et la petite communauté française bien réduite. Heureusement, le spectacle
de la baie d’Hongkong se piquetant de multiples lumières à la tombée du jour peut faire
tout oublier.
(…) Stéphane Peureux, lui, est à 33 ans responsable d’une importante filiale Peugeot en
Iran. « Un challenge! », dit-il. En effet. Sa femme doit porter ce qu'il appelle « le foulard
intégral », la vie est chère, on ne se reçoit qu’en privé, entre étrangers, « mais ma femme
et moi pouvons nous promener dans la rue côte à côte... si elle est couverte de la tête aux
pieds avec un imperméable et un voile ». Le poste est intéressant, le salaire aussi (80% de
prime, la plus haute de l’entreprise). Mais Stéphane devra rentrer dans trois ans, avant
que sa fille ne soit obligée de porter elle aussi le voile à l’école, le jour de ses 9 ans. «
Elle ne comprendrait pas », dit-il ! Pourtant, ni l’un ni l’autre ne regrettent leur choix.
(…) Tableau encore plus sombre dressé par Florence, 31 ans, célibataire, elle aussi dans
l’agroalimentaire (gros pourvoyeur d’expat’), arrivée à Moscou en l991, et qui a vu, en
quatre ans, la situation se transformer du tout au tout. En l991, raconte-t-elle, les
Occidentaux vivaient comme des nababs pour quelques poignées de dollars, dans un pays
où tout manquait. « Quand je suis rentrée à Paris après six mois de Moscou, j'ai fait des
courses au Bon Marché et je regardais les produits avec une telle gourmandise que j'ai
été repérée par les vigiles du magasin... » Mais en Russie, au début, malgré ces
difficultés, « les Occidentaux faisaient des affaires en or. Ils achetaient pour rien des
antiquités, des tableaux, ils étaient servis par une armada de domestiques..., c'était
l'Afrique coloniale, moins le soleil ». Depuis environ deux ans, les choses ont
complètement changé. Aujourd’hui on trouve à Moscou tout ce qu’on peut souhaiter
comme marchandises importées, mais à des prix prohibitifs : 1,50 dollar le litre d’eau, 3
dollars le yaourt. Désormais, la mafia fait la loi. Les loyers flambent, les propriétaires
pratiquent le chantage au logement: « Mon loyer est passé de 300 à 1000 dollars en
moins de deux ans ! On doit payer. C'est cela ou la porte sur-le-champ. Or être
relativement bien logé est une condition minimum de sécurité, même si les appartements
soviétiques sont moches, cafardeux, avec des cloisons en papier mâché et un voisinage
souvent épouvantable. Mon amie Y... vit enfermée à clé tous les soirs chez elle. La cage
d'escalier est immonde, les types sont ivres, battent leur femme. Oui, Moscou est devenu
vraiment dangereux ». Mais alors, pourquoi reste-t-elle en Russie?: « Parce qu’à mon
âge et avec mon CV jamais je n'aurais eu de telles responsabilités en France. Je travaille
l0 heures par jour, je dirige 20 personnes. C’est formidable! »
La clé est là. La motivation profonde des expat’ nouveau style n’est pas ou pas seulement
de gagner du fric vite fait bien fait... Mais d’attraper au vol une chance professionnelle
qu’ils n’auraient pas trouvée en France, de répondre à un vrai défi, avant que
l’expatriation ne devienne un plus, puis une obligation.
(…) Les aventuriers
Prévoir, préparer? Les nouveaux job-trotters rigolent aussi franchement que si leur
maman leur recommandait de mettre un cache-nez pour traverser la rue. Eux ne sont pas
des expat’ surprotégés, chouchoutés. Eux n’ont pas de visa, pas de contrat de travail, pas
de Sécu, pas de retraite, souvent pas de point de chute. Rien d’autre que, chevillée au
ventre, la rage de partir et de réussir. N’est-ce pas l’essentiel? Oui et non. Sauter dans
l’inconnu, d’accord, mais pourquoi refuser l’élastique?
(…) Leila..., 32 ans, née à Toulouse, a connu toutes les galères. Arrivée aux Etats-Unis
avec un visa de tourisme pour six mois, immédiatement larguée par son petit ami, elle

2
s’est retrouvée à New York sans un sou et sans parler un mot d’anglais. Elle y vit depuis
six ans « et c’est la plus belle chose qui me soit arrivée dans la vie. Quand on me
demande mon âge j'ai envie de dire 6 ans ». Au début, elle vend des cartes postales,
achète avec ses premiers 100 dollars un faux numéro de sécurité sociale, devient serveuse
dans un afterhours de New York, où elle travaille de 4 heures à ll heures du matin, rentre
prendre une douche et manger un sandwich avant de retravailler le soir dans un café du
Village. Une vie de chien ! Pas pour Leila. Dans les poubelles du quartier chinois, elle
récupère des joints de tuyauterie dont elle fait des pieds de lampe superbes. Aujourd’hui,
ses œuvres sont exposées dans les galeries de Soho et elle reçoit ses premières
commandes: « Ici on m'a donné ma chance, sans me jeter à la figure le fait que j'étais
beur ou que je n’avais pas fait d’études artistiques ». Mais Leila, toujours illégale, vit
dans l’angoisse d’être renvoyée en France. Alors elle économise – le mariage blanc qu’on
achète pour l0000 dollars est encore au-dessus de ses moyens – et elle envoie chaque
année son nom sous enveloppe cachetée dans le New Hampshire, en espérant gagner le
gros lot : une carte verte. Qui sait?
(…) Il en est d’autres, en tout genre. Celui de la matière grise, par exemple. Berkeley,
Stanford, MIT, Palo Alto, autant d’universités célèbres qui s’attachent les meilleurs
cerveaux européens. « Notre consulat de Boston compte des diplômés de très haut niveau,
c’est certainement celui dont le QI est le plus élevé de toutes les communautés françaises
dans le monde », dit-on au Quai-d’Orsay. L’histoire d’Alain Rossman est une success
story typique. Après Polytechnique, Stanford, un DEA de mathématiques et des études de
mécanique quantique en Israël, il part pour les Etats-Unis où il fonde une entreprise de
logiciels et de cartes graphiques, Radius, à la croissance fulgurante : 400 employés, 80
millions de dollars de chiffre d’affaires en deux ans, et un passage en Bourse. « Vous
imaginez cela en France? Impossible. Chez nous, l’idéal pour un jeune homme brillant
c’est de devenir ingénieur chez Matra ». Pourtant, à Palo Alto, Alain Rossman s’ennuie
déjà.
Josette Alia, « Vivre ailleurs », Le Nouvel Observateur, semaine du jeudi 25 mai 1995

2. Dupuy et Berberian signent une bande dessinée sarcastique sur la vie quotidienne
des bourgeois bohèmes.
[Le bobo est le nom générique d’]une classe émergente ayant fusionné la contre-
culture bohème et le monde bourgeois. Résumons : le bobo est l'homme (ou la
femme) moderne par excellence. Il a réussi le mariage de raison entre la contestation
et l’ordre établi, entre la rebelle attitude et l’établissement. Il a conservé la morgue de
l’ancien bourgeois et la mentalité cool du post-soixante-huitard. Furieusement
techniciste bien qu’en quête d'authenticité, le bobo croit en un monde rendu meilleur
par les nouvelles technologies et pacifié par la libre circulation intégrale des hommes
comme des capitaux. On l’appelle aussi « lili » ou libéral-libertaire.
C'est à ce genre humain urbain et nomade que Dupuy et Berberian (…) s’intéressent
avec leur dernier album [de bandes dessinées] : Bienvenue à Boboland, portrait de
groupe finement ciselé.
Christian Authier, « Vol au-dessus d’un nid de bobos », Le Figaro, 17/07/2008

3. Document audio Un jour comme un autre dans ma cité (dans la série Banlieue)

3
C’est la vie d’un mec... il s’appelle Bokhagne. Il habite une cité. Il a 2 enfants. Il a pas de
boulot. Il a un casier et il fait du Rap dans sa banlieue de Rouen. C’est son moyen
d’exister mais c’est pas un gagne-pain. Pour lui, rapper c’est rester debout ! Le quotidien
dans une cité, celle des Sappins à Rouen avec un de ses habitants, Bokhâgne. Rien de
spectaculaire juste du très ordinaire : la débrouille, la précarité... et le rap pour tenir le
coup. http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=1374 (document audio)

A. LE TEXTE ET VOUS
1. Lisez les chapeaux des textes et le titre du dossier. Quel rapport établissez-vous
entre les thèmes? Qu’est-ce que vous vous attendez d’y trouver? Faites des
hypothèses sur le contenu des articles et sur leur contexte d’apparition (rubrique,
dossier, thématique).
2. Mobilité et brassage culturel. Développez en donnant des exemples.
3. Survolez les textes, précisez la source et le genre de document (extrait de roman,
article, correspondance, …). Que savez-vous sur Le Nouvel Observateur?
4. Dans le titre du deuxième article, l’intertexte est utilisé afin de :
1. piquer la curiosité du public
2. choquer
3. résumer le contenu de l’article
4. marquer l’appartenance du journal respectif à la presse d’élite.

B. VOUS ET LE SUJET DU TEXTE


1. Lisez / écoutez les trois (après décision sur le document audio) textes et
analysez les typologies qui y sont présentées. Caractérisez chacune par un
portrait robot.
2. Commentez le titre du fragment « Les seigneurs de l’expat’ ». Trouvez dans
l’article les expressions qui le justifient. Est-il en accord avec le contenu?
Argumentez.
3. Avec lequel des expatriés ou des aventuriers que met en scène le premier texte
vous identifiez-vous ? Pourquoi ?
4. Selon vous, le sujet de l’expatriation est-il toujours d’actualité ? Dans quels
pays l’expatriation est-elle pratiquée de nos jours ? En Roumanie la rencontre-t-
on ? Quelles formes y prend-elle ? Quelles motivations / quels pays de
prédilection / quelles professions / quels segments d’âge chez les expat’
roumains ?
5. Dans quel pays / ville aimeriez-vous vous expatrier ? Pourquoi ? Pour faire quel
travail ?
6. Les « bobos », en tant que catégorie sociale, et leur mode de vie seraient-ils
typiques de la France ? Comment vous-rapportez vous à leurs valeurs ?
7. Identifiez dans le premier texte les termes qui font partie des champs notionnels
travail et argent.

C. L’AUTEUR, LE TEXTE ET VOUS


1. Selon vous, de quelle manière Josette Alia a-t-elle mené son enquête ?
a. Par quels moyens a-t-elle déniché ses sujets ?

4
b. Pour les rencontrer, s’est-elle déplacée dans chacun des pays / des villes
respectives ?
c. Les a-t-elles rencontrés lors de leur passage en France ?
2. Un non-dit implicite préside au choix de ses sujets. Avez-vous identifié des
critères de sélection ? Lesquels ?
3. Imaginez le questionnaire qu’elle a passé à ses interviewés. Choisissez l’un des
protagonistes de son enquête et refaites la discussion qu’il a eue avec
l’intervieweuse.
4. Relevez l’oralité des commentaires d’Alia. Elle utilise plusieurs procédés dont le
registre familier, des expressions imagées, figurées, des euphémismes, des
abréviations. Cherchez-en des exemples et expliquez-les en français standard.
Exemples : un point de chute – un logement ; attraper au vol – saisir.
5. Analysez la stratégie discursive du fragment « Les seigneurs de l’expat’ ».
Distinguez les parties correspondant aux fonctions suivantes : décrire / raconter /
argumenter / informer et l’alternance des voix. Qui sont les différents sujets du
texte et quel est leur rôle ?
6. Appréciez la part d’objectivité / de subjectivité de l’auteur. Où intervient
l’interprétation personnelle de l’auteur ?
7. En quoi le discours de « Vol au dessus d’un nid de bobo » est-il différent ?
8. Quelle a été l’intention de Christian Authier ?
9. Distinguez :
a. les raisons qui sous-tendent l’émigration des expatriés et des aventuriers.
Opposez-y les circonstances, les conditions, les contraintes
b. les domaines qui attirent le plus d’expatriés et d’aventuriers
c. les avantages et les désavantages de l’expatriation.
10. Résumez dans une phrase ou un sous-titre l’expérience de chaque personne.
11. Selon vous, le parcours de Leila est-il symptomatique de l’american dream ?
Justifiez. Qu’auriez-vous fait à la place de la jeune femme, une fois seul / seule
aux Etats-Unis ?
12. Quelles similitudes / dissemblances y a-t-il entre les expatriés, les aventuriers et
les « bobos » ? En quoi leurs modes de vie respectifs tiennent-ils à des pratiques
culturelles similaires / différentes ?
13. Remplacez les mots / les expressions soulignés par des synonymes :
« Les temps sont rudes, les vents se lèvent, alors... les Français bougent. Certes, ils ont
toujours peu ou prou émigré. Les candidats au voyage (…) cherchent un emploi dans un
secteur porteur. Les nouveaux routards n’empruntent plus sac au dos le chemin de
Katmandou, ils s’envolent vers New York ou la City pour dénicher un job ou muscler
leur CV. On prend le large pour apprendre une langue, un métier, pour bosser. Pas pour
rêver ».
14. Complétez la liste suivante avec les équivalents tirés du texte :
Une foule de serviteurs
Le soir venu
Saisir
Logement
Bien fixée, arrêtée
Des personnes richissimes

5
Les difficultés
Abandonnée
Lancer
Mariage fictif

D. COMMENTER
COMMENTER, C’EST PRÉCISER
1. En quoi l’émigration à la recherche de l’emploi / de l’aventure relève-t-elle d’une
pratique culturelle ?
2. Quelle différence y a-t-il entre l’expat’, l’aventurier et l’immigrant ?
3. Qu’est-ce que le foulard intégral ?
4. Que savez-vous du mariage blanc ? Quelles circonstances suppose-t-il, quels
risques ? Le pratiqueriez-vous, si nécessaire ? DOCUMENT VIDEO : le film
avec Andie McDowell et Gérard Depardieu, « Green card » (1990)

COMMENTER,
C’EST COMPARER DES CULTURES
1. Quel était le profil du voyageur occidental du début du siècle ? Quelles étaient ses
destinations favorites ?
2. Imaginez le quotidien de la petite communauté française de Hong-Kong ; quelles
pratiques ses membres ont-ils gardé / adopté ?
3. Imaginez une journée à Hong-Kong : en tant que touriste / en tant que chef
français d’une multinationale qui embauche notamment des chinois.
4. Imaginez une journée de la vie quotidienne de Florence à Moscou, en 1991 / en
2008.
5. Imaginez le quotidien d’un / d’une russe qui travaille pour une multinationale
dont le siège est à Paris ; quelle vie quotidienne ? quel travail ? quel trajet
quotidien ?
6. Imaginez le quotidien d’une femme iranienne, éduquée, mais qui ne travaille pas /
d’une française déplacée pour une année en Iran, afin d’enseigner le français au
secondaire.
7. Commentez, avec des arguments et exemples à l’appui, cette phrase : « L’espace
s’est dilaté, le temps s’est rétréci, la compétition mondiale, la terre est devenue
notre Terre-Patrie ». A quoi ce rétrécissement du temps et cette dilatation de
l’espace sont-ils redevables ? Quelles (nouvelles) manières d’être génèrent-ils ?
8. La bande dessinée destinée aux adultes figure-t-elle dans les pratiques de lecture
de votre pays? Qu’est-ce qui explique, à votre avis, l’engouement des lecteurs
français / d’autres pays pour ce produit culturel?

E. DEBATTRE
1. Vie quotidienne et pratiques culturelles en pays étranger. Travail de groupe.
Mettez en commun les raisons, les réticences, les difficultés, les enrichissements,
les progrès de la « vie ailleurs ». Ajoutez-y le témoignage des expériences
personnelles ou autres.
2. Réagissez aux affirmations / aux sujets suivants :

6
Il est important pour la formation d’un jeune qu’il vive quelque temps dans un
autre pays.
La réussite est à portée de la main, à condition de prendre des risques.
La fuite des cerveaux, un phénomène des plus fréquents.
« Le rôle d’une interview, c’est de forcer l’intimité » (A. Gide).

F. CONTRASTES
1. ETUDE DE CAS. La famille contemporaine et ses valeurs dans les
diverses cultures. Abordez des aspects tels : attitude par rapport au mariage,
bienfaits / contraintes de la vie familiale, rôles et rapports au sein du couple,
relations parents / enfants, rapports aux parents âgés, etc. Dans votre présentation,
vous pouvez vous servir également du texte suivant, où vous allez remarquer
notamment les différences entre le Sénégal et le Québec :

À première vue on peut penser [qu’au Sénégal les enfants] sont dépendants de leurs
parents et qu’ils n’ont pas le choix d’habiter chez leurs parents si longtemps. On se dit
qu’ils sont là parce qu’ils n’ont pas les moyens de partir. Mais la réalité est tout autre.
(…) Les enfants choisissent d’habiter longtemps avec leurs parents, frères et sœurs. (…)
Question de les aider, de ne pas les laisser seuls, et parce que vivre seul c’est plate, bon!
Se faire à manger seul, n’avoir personne à qui raconter sa journée. Rien qui bouge, le
silence. La famille des pays en développement est unie, pas question de laisser de côté
les aînés. (…) Au Québec, quelqu’un qui vit encore chez ses parents à 30 ans est perçu
comme un dépendant un peu looser. (…) Beaucoup de personnes vivent seules au
Quebec, surtout les aînés. Pas étonnant que les taux de dépression soit si élevé, la
solitude, c’est très dur sur le moral. En plus, tout le monde sait qu’on abandonne nos
aînés dans des centres spéciaux pour que ce soit de purs inconnus qui s’en occupent.

(…) « [Mon amie sénégalaise] m’annonce qu’aujourd’hui ça fait 10 ans que son copain
et elle se connaissent. Et 7 ans qu’ils sont « ensemble ». – Mais tu le vois que quelques
jours par année! Je lui demande quand il va venir et de fil en aiguille j’apprends QU’IL
A DEJA UNE FEMME ET UNE FILLE en Italie. [Elle et des milliers comme elle
passent leur ] temps à attendre après un mari qui a déjà une famille. Qui vient [les] voir
quelques jours par année. L[eur] faisant un enfant, puis s’en allant. (source :
http://isabelleausenegal.blogspot.com/)

2. DOSSIER. Traditions et coutumes. Présentez des traditions et des


coutumes de différents pays ; votre choix. Vous pouvez vous inspirer des
exemples suivants :

2.1. Cérémonie du café en Ethiopie (document audio http://www.la-


bas.org/article.php3?id_article=1458 ; de belles photos, egalement)

2.2. Une visite à la cabane à sucre (document vidéo)

7
2.3. Cérémonial du repas

« On m’a demandé pourquoi ils ne mangeaient pas sur une table. La réponse : ça ne fait
pas partie de la culture, point. J’ai découvert une somptueuse grande pièce en haut, près
de la chambre du père. Grandes fenêtre, divans dorés, tapis multicolores… et une
grande TABLE! J’ai été super étonnée de la découvrir. Je demande à Aïda pourquoi on
ne mange pas dessus : ce n’est pas dans les habitudes, c’est tout. La coutume est de
manger à terre, soit sur une nappe ou directement sur le sol qu’on nettoie par la suite. Je
me lave toujours les mains avant de manger… j’espère seulement que les autres font de
même, étant donné qu’on mange tous dans le même plat… » (source :
http://isabelleausenegal.blogspot.com/)

2.4. Des plats spécifiques des différents pays

« Les gens pressés sont déjà morts » - Proverbe arabe

« L’objectif avoué : retracer les origines du tajine, ce plat aux mille saveurs.
(…) Le tajine est à lui seul une métonymie. En effet, il confère le même nom au
contenant comme au contenu. Son origine remonterait au temps des Égyptiens pour
certains alors que d'autres sources parlent des Chinois. Même si son histoire est toujours
nébuleuse, il fait partie intégrante des moeurs marocaines et même, dans certains cas,
tunisiennes. (…) On m’accueillit de bon augure avec les salamalecs d'usage et les
échanges de cadeaux. Le rituel du thé, chargé d'émotions, permit le dialogue. De
nombreux récipients dont on m'expliqua la valeur attendaient sagement de servir. Deux
femmes, drapées de velours et tapies dans un coin, apprêtaient des légumes choisis pour
la cause. Des braseros chargés de charbon rougissaient de plaisir. Petit à petit, on déversa,
dans un ordre militaire, les légumes apprêtés. Ils remplirent comme par enchantement les
plats de terre cuite burinés par le temps et culottés d'ancienneté. On aspergea le tout de
bouillon avant de finir par les herbes et les épices secrètes. Comme un apothicaire qui
prépare un onguent, les femmes surveillaient l'interminable cuisson qui sentait bon
partout dans la maison ».

Philippe Mollé, « Le tajine des rois », Le Devoir.com, édition du samedi 14 et dimanche


15 septembre 2002 (http://www.ledevoir.com/2002/09/14/9013.html)

Support vidéo : « La graine et le mulet »

8
3. DOSSIER. Costumes traditionnels. Inspirez-vous aussi des images
suivantes

Au Maroc, le vêtement traditionnel est la djellaba, longue robe à capuchon et à manches


larges. Pour les occasions spéciales, les hommes portent aussi des chapeaux appelés
tarbouchs ou fez. Les hommes d’origine berbère porteront un turban blanc, des sandales
en cuir de chèvre et des poignards finement travaillés. Les femmes marocaines demeurent
nombreuses à suivre la tradition islamique et à porter le voile en public.

À la maison comme aux réceptions, elles s’habillent de robes longues, ou cafetans. Si


nombre de Marocains portent toujours les vêtements traditionnels, la mode
vestimentaire occidentale est toutefois de plus en plus populaire.

Le Maroc et Les femmes

9
Costumes Traditionnels Algériens

Constantine Fergani
costume kabyl
costantine

Karakou costume traditionnel


algérien - alger

10
II. REPERES GRAMMATICAUX. Le discours direct, indirect, indirect
libre

II.1. LE DISCOURS DIRECT (DD)


Langage de la conversation, ou, en littérature, du dialogue. Dans le récit, le DD est la
reproduction telle quelle des paroles d’un ou de plusieurs personnages.
a) Le DD est souvent introduit par un verbe tels annoncer, dire, s’écrier,
s’exclamer :
Elle s’exclama : « Que vous êtes beau ce soir ! »
« Cette nuit il pleuvra », annonça-t-il.

b) Il est séparé de l’énoncé narratif par deux points ou un point :


La jeune femme nous laissa sur notre faim, en terminant sa présentation sur ces
mots énigmatiques : « Personne ne saurait le dire ».

c) Les guillemets marquent son caractère authentique et objectif :


Lorsqu’il m’a vue entrer, il m’a dit très solennellement : « Vous ne m’aurez
jamais ».

II.2. LE DISCOURS INDIRECT (DI)


Intervient lorsque les paroles ne sont pas reproduites telles quelles, mais dans une
proposition subordonnée complétive ou dans un groupe de mots complément du verbe
introducteur. Certains changements interviennent lors du passage du DD au DI :
a) Disparition des deux points et des guillemets
b) Apparition des verbes de communication : conseiller, défendre, demander, dire,
estimer, exiger, inviter à, juger, ordonner
c) Transposition des temps verbaux, par concordance avec le temps du verbe
introducteur :
Elle me dit qu’elle a passé l’examen hier.
Elle m’a dit qu’elle avait passé son examen hier.

d) Modification de la personne grammaticale et des indicateurs temporels


déictiques :
A peine installés à bord de l’avion, l’hôtesse de l’air nous informa : « L’avion ne
décolera plus avant demain ». / A peine installés à bord de l’avion, l’hôtesse de
l’air nous informa que l’avion ne décollerait plus avant le lendemain.

e) l’interrogation indirecte totale (= portant sur le verbe) est introduite par si à valeur
dubitative :
Dis-nous si tu viendras demain.

f) l’interrogation indirecte partielle (= portant sur un autre élément de la phrase que


le verbe) peut être introduite par qui / ce qui / ce que / quoi / quel + (pron)nom /
comment, où, pourquoi, quand, etc. + (pro)nom / de + infinitif. Dans les deux cas
de figure de l’interrogation indirecte, on refait l’ordre normal des éléments dans la
phrase :

11
Je voudrais savoir ce que vous aimez.
Je me demande que / quoi faire.

g) Un certain nombre d’éléments du DD, dont les exclamations, les apostrophes ou


les interjections, ne peuvent pas passer en DI :
Je criai de surprise : « Zut, alors ! »

II.3. LE DISCOURS INDIRECT LIBRE (DIL)


Employé surtout dans la narration. Permet de faire entendre les paroles d’un narrateur
sans les reproduire telles quelles. A l’instar du DI, le DIL procède aux mêmes
transformations de temps, de personnes et d’adverbes, tout en supprimant la conjonction.
Il conserve les intonations, les exclamations et en général les procédés propres au DI,
mais il supprime les deux points et les guillemets :
Maman éclata, j’étais vraiment un effronté. La preuve, elle me demandait de
l’aider à faire le ménage et je m’en allais jouer dans la cour !

En DD, cela donnerait :


Maman éclata : « Tu es vraiment un effronté ! La preuve, je te demande de
m’aider à faire le ménage et tu t’en vas jouer dans la cour !

II.4. Exercices
1. Transformez en discours indirect les propos en discours direct rapportés dans les
phrases suivantes :
Stéphane Peureux est responsable d’une importante filiale Peugeot en Iran. « Un
challenge! », dit-il. « Ma femme doit porter le foulard intégral, la vie est chère, on ne se
reçoit qu’en privé, entre étrangers, mais ma femme et moi pouvons nous promener dans
la rue côte à côte ».
Florence 31 ans, célibataire raconte : « Quand je suis rentrée à Paris après six mois de
Moscou, j’ai fait des courses au Bon Marché et je regardais les produits avec une telle
gourmandise que j’ai été repérée par les vigiles du magasin... » Mais alors, pourquoi
reste-t-elle en Russie? « Parce qu’à mon âge et avec mon CV jamais je n’aurais eu de
telles responsabilités en France. Je travaille l0 heures par jour, je dirige 20 personnes.
C’est formidable! »
Leila vit depuis six ans aux Etats-Unis et croit que « et c’est la plus belle chose qui me
soit arrivée dans la vie. Quand on me demande mon âge j'ai envie de dire 6 ans ». Elle
réfléchit : « Ici on m'a donné ma chance, sans me jeter à la figure le fait que j’étais beur
ou que je n’avais pas fait d’études artistiques ».

2. Même exercice :
Il nous questionnait souvent : « Qu’allez-vous faire dans la vie ? Vous êtes tellement
paresseux ! ». « Où est-ce que l’émeute dont je viens juste de vous parler a-t-elle
éclaté ? » nous demanda le guide. Les enfants nous ordonnèrent : « Vous nous apporterez
des jouets ! En masse ! » Nos amis nous demandent tout innoncemment : « Pourquoi
êtes-vous rentrés si tôt des vacances ? » La femme continua : « Lequel d’entre vous
pourrait me dire où se trouve cette région ? »

12
3. Transformez en discours direct les propos ou les pensées en discours indirect
rapportés dans les phrases suivantes :
Il nous dit qu’il n’avait jamais été si heureux. Il nous raconta ensuite qu’ils avaient passé
ensemble des journées magnifiques au bord de la mer. Il était sûr, jamais elle ne le
quitterait, ils allaient vivre ensemble jusqu’à la fin des temps. Ils allaient tout
recommencer, vivraient dans un autre pays, où personne ne les connaîtrait. Ils auraient
des enfants et une belle vie. Mais, ajouta-t-il, c’était compter sans son imprévisibilité.
Oui, mes amis, continua-t-il, je me réveillai un beau matin et elle n’était plus là. Il nous
dit qu’il eut beau la chercher, il ne parvint jamais à la retrouver. Mais, ajouta-t-il, il me
reste du moins le souvenir.

3. Imaginez un dialogue entre deux personnages. Transformez ce discours direct en


discours indirect. Ensuite, transposez en discours indirect libre les propos de l’un
des deux personnages et ses possibles pensées (en marge de la conversation, à propos
de son interlocuteur, etc.)

III. DISCOURS MEDIATIQUES. La dépêche d’agence. La revue de


presse

III.1. La dépêche d’agence.


La promotion faite par l’AFP à ses services sur Internet précise les domaines, la
couverture, les formes du discours et les professionnels qui en sont à la source :
« Chaque jour, une quarantaine de journalistes en France et dans le monde réalisent dans
tous les domaines liés à l’actualité française et internationale (politique, social, économie,
infos générales, société, culture) : des reportages commentés et des sujets d’angle ; des
reportages exclusifs ; des sujets magazine et art de vivre ; des interviews de personnalités,
des images et documents sonores bruts sur les grands événements ; un mini-journal vidéo,
synthèse de l’actualité en France et à l’étranger, tout en images (vidéo, photo et
infographie).
A destination : des télévisions nationales, régionales et locales ; des chaînes thématiques
et d’information ; des sites Internet ; de la téléphonie mobile et du secteur hors média.
AFPTV en bref...1
- 40 unités de production vidéo en France et dans le monde, qui s’appuient sur
le réseau mondial de journalistes de l’AFP : 2.200 journalistes dans 165 pays.
- Une couverture en France et à l’étranger, 24h/24, 365 jours par an
- Livraison des sujets
- Couverture
- Offre éditoriale
- Offre commerciale
- Conditions techniques
- Nos références clients
Exemples de dépêches d’agence :
Début du procès de l’hormone de croissance / AFP 06/02/2008 10h23

1
Extrait du site : http://www.afp.com/francais/products/?pid=video/videoforum&item=2#technique

13
Le procès du scandale sanitaire de l’hormone de croissance s’est ouvert mercredi matin
devant le tribunal correctionnel de Paris où sept médecins devront s’expliquer sur leur
responsabilité dans ce drame qui s’est soldé par la mort à ce jour d’au moins 110
jeunes2 .
Activités :
1. Comment ont évolué les médias?
2. Parlez de vos habitudes d’information dans un article d’une page.
3. Quel est le rôle d’une agence de presse et comment fonctionne-t-elle ?
4. Enumérer les qualités d’un journaliste d’agence et expliquez sa façon de travailler.
5. Quelles sont les règles de rédaction d’une dépêche d’agence ?
6. Classez les différentes dépêches d’un quotidien francophone dans ses rubriques
habituelles:
débat - étranger - politique - société - culture
communication - économie - sport
7. Voilà une brève sélection du site de Libération des 5 et 6 février 20083
• Etudiez la composition d’une dépêche, relevez les éléments d’information
répondant aux questions de référence Qui ? / Quoi ? / Où ? / Quand ?/
Pourquoi ? / Comment ? .
• Identifiez les formules utilisées par les journalistes pour préciser leurs sources
• Transformez ensuite ces dépêches d’agences en courts filets.
Après le Soudan, le Tchad accuse la Libye de soutenir les rebelles
Somalie : 20 morts dans deux explosions dans le nord-est
Vingt personnes, la plupart éthiopiennes, ont été tuées et 80 autres blessées dans deux
explosions mardi soir dans la ville de Bossaso (nord-est), a-t-on appris auprès du
ministère somalien de l’Information.
Mercredi 6 février 2008 08:18
Le Premier ministre tchadien Delwa Kassiré Coumakoye a accusé mercredi la Libye
d’avoir « soutenu » et « armé » les rebelles tchadiens venus du Soudan qui ont attaqué
N’Djamena le week-end dernier.
Mercredi 6 février 2008 10:31
François Fillon « soutient » l’enseignant qui avait giflé un élève
Le Premier ministre François Fillon a manifesté son « soutien » à l’enseignant qui avait
giflé un élève irrespectueux, se disant « choqué » que le professeur ait été placé en garde
à vue, mercredi sur RMC et BFM-TV.
Mercredi 6 février 2008 10:07
USA: plusieurs tornades ont fait au moins 18 morts
Plusieurs tornades qui se sont abattues mardi soir dans le sud des Etats-Unis ont fait au
moins 18 morts et d’importants dégâts dans le Tennessee, l’Arkansas et le Kentucky, a
annoncé mercredi la chaîne de télévision américaine CNN.
Mercredi 6 février 2008 07:59
La guerre de Lazare Ponticelli

2
Source : http://www.afp.com/francais/products/?pid=video/videoforum.
3
http://www.liberation.fr/rebonds/making_of/308031.FR.php.

14
VIDEO Depuis le 20 janvier, Lazare Ponticelli est le dernier poilu en vie. En 2005, il
avait raconté sa sale guerre à Libération. C’est ce témoignage, sous-titré pour plus de
clarté, et mis en images, que nous publions aujourd’hui.
LIBERATION.FR : mardi 5 février 2008
(http://www.libelabo.fr/2008/02/04/lazare-ponticelli-le-dernier-poilu/)
III.2. Varier les énoncés des titres pour accrocher le lecteur.
1. Le néologisme : Les Pédégés (Le canard enchaîné), le franglais (mixte de français
et d’anglais – Etiemble), les périphélites (les élites de la périphérie, Claire
Bretécher)
2. Le double sens : Cher pétrole (cher à notre cœur ; cher au porte-monnaie), Le
parasite (celui qui vit aux dépens d’un autre ; celui qui trouble la communication,
dans le livre de Michel Serres)
3. Le paradoxe : Soyez une grand-mère indigne
4. Les rimes, allitérations et assonances : Vérités et sévérités ; Jeux et enjeux ; Des
trottoirs oui, des crottoirs non !
5. L’inversion des mots clés : La perfection de l’image, l’image de la perfection
6. L’utilisation des deux points : Accession à la propriété : la politique des pouvoirs
publics
7. Les détournements de formules célèbres : Le garde du cœur (le garde de corps);
Mourir c’est partir un peu (« partir c’est mourir un peu » – Lamartine)
8. La longueur : Ne dites pas à ma mère que je travaille dans la publicité : elle me
croit pianiste dans un bordel !
Application
1. Organisez les manières de création de titres, données en exemple ci-dessus, en moyens
grammaticaux, sémantiques ou rhétoriques selon les catégories énoncées.
2. Cherchez ensuite d’autres exemples dans la presse francophone.
3. Cherchez dans les quotidiens roumains des informations dignes d’intéresser le lecteur
francophone. Trouvez un titre suggestif et écrivez le chapeau capable d’accrocher ce
lecteur.
III.3. Revue de presse
III.3.1. Rédiger une revue de presse. Concours radiophonique. Rédigez une revue de
presse hebdomadaire à partir des informations recueillies dans la presse francophone d’un
pays.
III.3.2. Confrontez vos productions avec celles de vos collègues. Y a-t-il des
informations communes ? Quels en sont les thèmes sélectés ? Quel est le public visé ?
Quels en sont les critères de sélection retenus ?
III.3.3. A partir des titres-citations retenus pour la revue de presse par les membres de
votre groupe, dans les publications de plusieurs pays, reconstruisez une revue de presse
de l’actualité internationale. Analyse contrastive de la mise en discours médiatique de
l’actualité.

DIRE AUTREMENT
rudes : difficiles, pénibles
peu ou prou : plus ou moins
routard : personne qui prend la route et qui voyage à peu de frais
dénicher : découvrir, trouver

15
muscler : renforcer
prendre le large : partir
bosser : travailler dur
couper les amarres : se détacher, partir
cap droit sur : se diriger vers
nabab : personnage fastueux et très riche, avec de très nombreux serviteurs
tinter : résonner, sonner
le boulot : travail, emploi, job
embouteillage : bouchon
foules survoltées : surexcitées
crevant : épuisant, éreintant, tuant
piqueter : jalloner, moucheter
un challenge : exploit, gageure, performance
en privé : seul à seul
pourvoyeur : personne qui fournit (quelque chose)
du tout au tout : complètement, de fond en comble
gourmandise : gloutonnerie, voracité
le vigile : personne exerçant une fonction de surveillance au sein d'une police privée
une armada : une foule
prohibitifs : trop élevés, excessifs
les loyers flambent : augmentent très rapidement
moche : médiocre, de mauvaise qualité
cafardeux : déprimant, triste
cloison : paroi plus légère que le mur, qui limite les pièces d'une maison
papier mâché – substance fragile faite d’une pâte à base de papier, eau et colle
voisinage : entourage, ensemble des voisins
immonde : dégoûtant, répugnant, sale
fric (fam.) : argent, flouze, pèze, pognon
job-trotters – par similitude avec globe-trotters, aventuriers travaillant à l’étranger
rigoler : rire, s’amuser, se marrer
chouchoutés : dorlotés, gâtés
la Sécu – la Sécurité sociale
chevillée : fixée, attachée
connaître toutes les galères : passer par bien des difficultés
larguée par son petit ami : abandonnée par
un afterhours – un programme décalé de travail, par ex. de nuit
des joints de tuyauterie – pièces servant à joindre de tuyaux
jeter à la figure : reprocher
beur : jeune Maghrébin né en France de parents immigrés
le mariage blanc : le mariage fictif
gagner le gros lot : bénéficier soudain d’une chance, d’une aubaine exceptionnelle
croissance fulgurante : rapide, exceptionnelle.

16
Dossier 4

Stéréotypes nationaux et culturels

I. COMMUNICATION INTERCULTURELLE
Lisez les textes suivants :

1. Définitions du stéréotype culturel

Kluckhohn & Murray ont observé que chaque personne est à certains égards comme
toutes les personnes, comme d’autres personnes, comme certaines personnes parmi elles,
et comme... personne (1956). On connaît l’existence de stéréotypes culturels, mais on ne
fait pas toujours apparaître la relation qu’ils entretiennent avec les modes de connaissance
culturelle et interculturelle. On sait qu’ils se déclinent en stéréotypes raciaux, ethniques,
nationaux, régionaux. Parmi eux les stéréotypes nationaux constituent une source presque
inépuisable de chauvinisme, de moquerie à l’égard de ce qui est perçu comme étranger,
ou de généralisation d’un caractère au peuple d’une nation. Au Français rien n’est
impossible, surtout si c’est un Français qui le prétend. Et les Anglais diront de manière
péjorative : « to take a French leave », c’est-à-dire filer à l’anglaise ! Quant aux
Allemands, ils envieront la vie dans l’Hexagone : glücklich wie Gott in Frankreich. Le
Dutch courage est pour l’Anglais acquis après avoir bu quelques verres de trop. Et les
Italiens diront de quelqu’un qui se faufile dans un bus sans payer qu’ilfa il Portoghese. En
Portugais, Judeu se rapporte à la religion juive, mais aussi à l’avarice, à la ruse et à la
méchanceté. Les Brésiliens rapportent des anecdotes où le Portugais manque
d’imagination et d’astuce. Quant aux Français encore, ils ne peuvent s’empêcher semble-
t-il de faire leur délices de « blagues belges » au goût le plus souvent douteux, entretenant
une image terriblement inintelligente de leurs voisins au mépris des évidences. Enfin
pour tous, sauf peut-être parfois à leurs propres yeux, les Japonais sont industrieux et
disciplinés.
Marc Bosche, «Anthropologie interculturelle & interculturalité», cours en ligne,
(http://pagesperso-orange.fr/marc-bosche/menu8_page9.html).

2. Stéréotypes nationaux et caricature


Caractériser les natifs d’une nation est, semble-t-il, une pratique très ancienne [et, du fait
même, la caricature] trouve depuis bien longtemps un réservoir de représentations dans
les stéréotypes qui ont l’avantage d’être immédiatement identifiés par le lecteur. Plus le
sentiment d’appartenance à un groupe est fort et bien identifié, plus la frontière qui sépare
ce groupe des autres est fortement ressentie : l’étranger est souvent perçu comme
menaçant [et presque toujours caractérisé de façon négative, voire très dépréciative] (…).

1
Les stéréotypes qui enferment les citoyens d’un même pays dans une formule
simplificatrice sont très instructifs à cet égard. Dire que les Espagnols sont superbes et
même fanfarons, que les Anglais sont perfides comme Albion, que les Allemands sont
lourds et disciplinés quand les Français sont légers, ingouvernables et querelleurs
appartient à un lointain héritage. Déjà César, dans la Guerre des Gaules caractérisait les
Gaulois comme un peuple discutailleur et léger, tout en reconnaissant leur bravoure, les
Belges étant réputés les plus braves. (…)
On peut observer aussi que le comportement n’est pas seul à caractériser une
nation. D’autres éléments de la culture nationale interviennent. Dans le florilège des
stéréotypes, les pratiques culinaires sont au tout premier plan : choucroute et bonne bière
à Munich, bons steaks en Grande Bretagne, frites en Belgique. De là, suivent les
dénominations des natifs : macaroni pour les Italiens, roosbeef pour les Anglais,
mangeurs de grenouilles pour les Français. Ces derniers, quant à eux, se vivent plus en
mangeurs de fromages et buveurs de bon vin qu’en mangeurs de grenouilles, même si ce
mets, vraiment ignoré ailleurs, se pratique de temps à autre et sans doute davantage dans
les bons restaurants que chez les particuliers.
Enfin, les costumes nationaux sont aussi un bon marqueur des nations. Beaucoup
moins portés aujourd’hui qu’autrefois, ils restent un système commode de référence. (…)
Autrefois, la distinction vestimentaire était beaucoup plus importante et permettait
d’identifier les appartenances provinciales : coiffes en Bretagne et en Alsace, bérets au
Pays Basque, bonnets normands.
[La représentation de l’autre connaît des] alternances, [d]es balancements, [d]es
retournements quelquefois. (…) Comment percevoir les autres [de nos jours, quand] le
brassage du grand tourisme à tout âge abaisse les frontières et rapproche les peuples qui
ont plus en commun qu’ils ne croyaient peut-être ? Les stéréotypes, qui ont la vie si dure,
les images reçues, qui résistent non moins à l’évolution des choses (le Français porte
toujours son béret et tient toujours sa baguette), vont-ils s’effacer, se gauchir, se modifier,
à tout le moins s’adoucir pour ne pas dire s’édulcorer ? Sommes-nous toujours des
mangeurs de grenouilles ? les Espagnols sont-ils encore arrogants et les Anglais
perfides ? Mal porté désormais le stéréotype va-t-il progressivement rentrer dans le
folklore suranné appartenant à un contexte géopolitique révolu ? Mieux, de ces
stéréotypes proprement « nationaux », allons-nous voir émerger un stéréotype plus large,
proprement « européen » ?
Dans cette période de transition où le sentiment d’appartenance à la nation
l’emporte encore très largement sur celui d’appartenance au continent, c’est précisément
de la comparaison avec les autres continents que peut émerger une vision commune,
« stéréotypée » de l’Européen moyen, encore que le touriste français se sente plus
français qu’européen face aux Américains moyens qu’il rencontre aux Etats-Unis. Pour
l’instant, force est de reconnaître que les images et les clichés de « l’Européen » ne sont
pas encore établis. Le citoyen de France, lui, avec ses euros en poche, se sent d’abord
français. La citoyenneté européenne (qui ne fait guère déplacer l’électeur) est très en
retrait du sentiment d’appartenance à la nation. Le nanisme politique d’une Europe, qui
ne s’incarne ni dans un leader, ni dans des partis proprement « européens », contribue au
maintien des héritages et des stéréotypes anciens. Toutefois, la caricature, si bon
conservatoire des images reçues, fait plutôt appel à Marianne en jeune fille accorte et

2
Germania en petite Gretchen sympathique, désormais adoucies et complices, plutôt
qu’aux vieux stéréotypes (encore vivaces ?) du Français arrogant et de l’Allemand épais.
Hélène Duccini, « Stéréotypes nationaux en Europe : connaissance ou méconnaissance de
l’autre ? », Médiamorphoses, 2004.

3. Des stéréotypes en libre circulation


L’Italien mange des pâtes, le Français est raffiné, l’Allemand bien organisé. Les clichés
sur nos voisins fleurissent dans l’imagerie publicitaire. Mais l’Européen moyen émerge
aussi dans des spots transnationaux. Tout a commencé avec Angelo. Il est apparu dans
une publicité, bel Italien prêt à consoler une blondinette en lui offrant un cappuccino
avant de lui avouer malicieusement : «Ma yé né pas dé voitoure». Ensuite, il y a eu cette
Française vêtue de dentelle noire qui s'étirait lascivement sur le lit d’Arald... C’est
simple, il est aujourd’hui impossible de voir une pub allemande sans tomber sur un
cliché.

En Europe, ces petits bijoux du marketing semblent particulièrement appréciés… surtout


dans le milieu du sport. Pendant la dernière coupe du monde de Rugby disputée en
France, une pub a carrément fait allusion à la Seconde Guerre mondiale pour promouvoir
une bière anglaise. « One code the Germans will never crack » : « Un code que les
Allemands ne décrypterons jamais » dit la pub. Au rugby comme à la guerre...

Les cinq meilleurs poncifs sur l'Allemagne sont regroupés dans un seul spot publicitaire
de Pepsi projeté pendant la Coupe du Monde de Football en 2006. On y voit des stars
internationales du football entrer sous un chapiteau de la Fête de la Bière et y passer un
moment typiquement allemand : « tralala » et autres « ihou » tyroliens, danses
traditionnelles et « lederhosen », ce pantalon en cuir que portent traditionnellement les
hommes bavarois lors des grandes occasions. Bref, tout y est !

De plus en plus d'entreprises utilisent les clichés. Mais pourquoi ? Donner une petite
touche d’authenticité à leurs produits, pardi ! Une technique qui s’est répandue dans toute
l'Europe : IKEA fait référence aux longues journées de l’été suédois et Ricola, à
l'inventivité suisse. Les Français sont toujours « bien frais » comme dans la pub Tartare.
Le Polonais, de son côté, chaparde, cela va de soi. Et pendant que les Espagnols de
Villarriba dôtés du meilleur produit vaisselle peuvent boire à nouveau (Fiesta !), ceux de
Villabajo sont toujours en train de gratter la poêle à paëlla comme le raconte le petit conte
promotionnel de la multinationale Procter & Gamble régulièrement diffusé sur le petit
écran.

Un monde de préjugés négatifs

Les publicitaires espèrent créer, dans l’esprit des spectateurs, des associations d’idées
positives. Comme l’image du bon goût qu’alimentent avec succès les Italiens et les
Français. Les publicitaires encouragent ainsi le spectateur à se rassurer et à apprécier ces
petites notes exotiques. (…) Bien que la majorité des publicistes continuent à piocher
dans la boîte à poncifs, une petite révolution est en marche depuis une dizaine d’années :
la pub européenne. L'Européen est plus mobile, il voyage plus et connaît de mieux en
mieux les spécificités culturelles de ses voisins.

3
Dans leurs campagnes publicitaires, un nombre croissant d'agences ciblent donc la
population de « pays clés » comme la Grande-Bretagne, la France, l’Italie, l’Espagne et
l’Allemagne. Pour l'Association interactive de publicitaires européens qui publie une
étude dans son baromètre 2006, ces « euro-pubs » ont beaucoup de succès. Elles ont
l’avantage de ne pas coûter très cher. Elles créent « une constante dans le message ». Un
repère qui forcément fait du tort aux traditionnels marchés de la publicité locale.

Le citoyen européen type

« Strawberry Frog » a identifié depuis longtemps cette tendance. Cette agence de pub
multinationale, dont le siège se trouve aux Pays-Bas, travaille en seize langues et dispose
de 350 spécialistes en freelance répartis stratégiquement sur l'ensemble du globe : « Nous
ciblons les groupes d'individus aux intérêts similaires, qui lisent les mêmes blogs et
partagent les mêmes pages MySpace », explique le créateur de l’agence, Mark Chalmers
au magazine anglais « New Media Age ». « Les identités nationales dépassent les
frontières », poursuit-il. (…) Alors, l’euro pub, une réussite ? Avons-nous besoin d’un
« steurotype » de plus, comme le suppose ce néologisme inventé par Mark Steyn, le
journaliste du Telegraph décriant cette dérive sous une plume acérée: « Bientôt, nous
aurons un nouveau personnage, sorte de toréador gay, bourré, empestant l'ail dans un
camp de concentration, et qui se serait spécialisé dans le crime organisé ?»

Faut-il, au contraire, surfer sur ces idées reçues comme dans le spot publicitaire de
Renault? Pour prouver la sûreté de voitures de la marque française, le constructeur met en
scène les clichés nationaux les plus évidents. Seul le « choc » des deux Français se fait
tout en douceur, grâce au fameux « French Kiss ». « Chauvinisme ! », crient certains. Le
plus drôle, c’est que ce spot n’a pas été conçu par des Franco-français mais par des
Allemands, de l’autre côté du Rhin, à l’agence Nordpol de Hambourg...

Jessica Karagöl, « Des stéréotypes en libre circulation », traduit en français par Cécile
Lesueur, cafébabel.com (le magazine européen)
(http://www.cafebabel.com/fre/article/23059/des-stereotypes-en-libre-circulation.html)

A. LE TEXTE ET VOUS
1. Dressez une liste de stéréotypes et autostéréotypes qui vous concernent en tant
que catégorie sociale (jeunes / étudiants).
2. Enumérez des stéréotypes qui vous viennent à l’esprit quand vous pensez aux :
français, anglais, italiens, espagnols, russes, hongrois, bulgares, noirs, tziganes,
chinois ; aux habitants de Moldavie, de Transylvanie, de Bucarest ; aux hommes,
aux femmes.
3. Connaissez-vous des blagues, des clichés ou des caricatures qui circulent sur le
compte des Roumains ou d’autres peuples? Application la blague L’île déserte,
sur les peuples européens.
4. Le jeu des stéréotypes. Choisissez un pays européen qui vous est plus familier.
Complétez spontanément le tableau en associant individuellement et sans
réflexion aucune un mot à la série d’items :

4
Nom du pays / habitants / personnalités / inventions / produits / autres …
Ex. La France / les Français / les Français célèbres du passé et du présent / des
inventions françaises / des produits français / autres.
5. Par groupes / par pays, mettez en commun vos résultats, identifiez les catégories
les plus fréquentes (culture, art, histoire, cuisine, caractère, …), synthétisez le
stéréotype collectif de votre groupe et évaluez sa portée plus ou moins positive.
6. Nommez des symboles représentatifs de différentes villes, qui s’identifient avec
celles-ci. (Par exemple : New York – la Statue de la liberté, Paris – la Tour Eiffel,
etc.) Nommez les valeurs auxquelles on les associe habituellement.

B. VOUS ET LE SUJET DU TEXTE


1. Les stéréotypes culturels qui circulent sur les autres peuples / ethnies sont
nombreux dans toutes les langues. Devenus lieux communs, leur origine se perd
dans la nuit des temps. Par exemple, c’est un travail d’Arabe ; il est fort comme
un Turc ; une tête de Turc ; faire une querelle d’Allemand renvoient aussi bien
aux qualités physiques, au caractère qu’au comportement. Associez les
caractéristiques auxquelles renvoient les expressions figées ci-dessus : musclé,
têtu, superficiel, inutile.
2. Lisez les textes et dressez la liste des stéréotypes culturels nationaux selon les
critères retenus par les auteurs : caractère, comportement, pratiques culinaires,
costumes spécifiques. En avez-vous identifié d’autres? Complétez la liste, essayez
ensuite de remonter à l’origine de ces clichés et d’en expliquer la source (histoire
des relations entre les pays, les contacts directs, les médias, les récits de voyage,
les produits culturels, autres).
3. Déconstruisez-les en complétant les représentations, les jugements de valeur, par
les connaissances que vous avez de chaque pays et peuple pour créer un
prototype. Nous rappelons que le prototype est l’élément central d’une catégorie
qui s’organise autour de son meilleur exemplaire, une sorte de continuum où
l’appartenance est décidée par le degré de proximité plus ou moins grand avec le
prototype auquel donc tous les membres ressemblent, mais de manière différente.
4. Précisez, en vous appuyant sur les deux textes, quels sont les rapprochements et
les différences entre les stéréotypes et leur représentation graphique, la caricature.
5. Cherchez dans les médias francophones ou dans les publicités des images toutes
faites, des lieux communs, bref les associations les plus conventionnelles,
fréquentes dans les présentations de produits / de catégories sociales / dans les
discours des responsables politiques.
6. Clichés du langage. En français, comme en roumain, on rencontre souvent des
associations de termes, qui, à force d’être utilisées, deviennent des automatismes,
des lieux communs. Faites correspondre le « partenaire » idéal aux mots suivants :
flagrant, galeuse, couchant, férié, germain, isocèle, feuilletée, transitif, émissaire.
Puisez dans la liste : brebis, bouc, jour, soleil, délit, verbe, pâte, cousin, triangle.
7. Complétez les expressions suivantes et introduisez-les dans des contextes :
La chèvre et le …… / de fil en …….. / de but en ….. / sauter du coq à ….. / la
puce à ……/ la poire et le ….. / le fil à ……/ la bague au …. / faire amende …
Solutions : le chou, aiguille, blanc, l’âne, l’oreille, fromage, beurre, doigt,
honorable.

5
C. COMMENTER
COMMENTER, C’EST PRÉCISER
1. Pourquoi l’autre est-il perçu de manière dépréciative et en tant qu’élément
menaçant ?
2. En quoi la connaissance de l’autre préside-t-elle à la connaissance de soi /
(inter)culturelle ?

COMMENTER,
C’EST COMPARER DES CULTURES
1. Identifiez, dans les dessins humoristiques de la Une du Monde, les éléments
utilisés pour symboliser les nations et leurs représentants. Comment le dessinateur
réalise-t-il le grossissement de certains traits ? Comment les personnages sont-ils
représentés, dans quels rapports ?
2. Le stéréotype est parfois associé à un raisonnement syllogistique « Les Japonais
sont travailleurs ; M. Suzuki est japonais donc M. Suzuki est travailleur ». La
métaphore du syllogisme met ainsi en évidence la généralisation au niveau
individuel des caractéristiques d’un peuple. A partir de certaines qualités
professionnelles, d’un savoir-faire particulier, de l’expertise dans un domaine, ou
de l’incompétence, les stéréotypes professionnels donnent aussi naissance à des
associations entre le peuple et la pratique de telle ou telle profession. Ex. « le
plombier polonais », « le constructeur allemand ». Cherchez les circonstances
socio-économiques, qui sont à la source de ce type de stéréotypes.
3. Cherchez d’autres euro-pubs et décryptez les stéréotypes nationaux auxquels ils
font référence.
4. DOSSIER : Stéréotypes sur les relations France-Roumanie. De
quels éléments se compose cette image stéréotypée ? Quels en sont les moments
forts ? Représentations dans la presse (déclarations officielles, discours
réciproques), dans la littérature, dans le cinéma, etc.
5. DOSSIER : Portrait de l’européen type. En plus de faire le portrait de
l’européen type, trouvez ou imaginez des publicités qui jouent sur des stéréotypes
nationaux.
6. ETUDE DE CAS – PROJET : L’usage des stéréotypes dans les médias.
Vous pouvez restreindre le champ d’analyse et aborder soit un canal médiatique
(la presse francophone – quelques magazines ou quotidiens), soit une catégorie
d’âge / sociale / groupe ethnique.

D. DEBATTRE
Réagissez aux affirmations suivantes :
L’enfer, c’est les autres (Sartre).
Dans le contexte de l’Union Européenne, le sentiment d’appartenance à la nation
l’emporte encore très largement sur celui d’appartenance au continent
Par rapport aux Etats-Unis, l’Europe se caractérise par nanisme politique.
La publicité est un véhicule de stéréotypes nationaux / une créatrice d’identité.

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E. CONTRASTES
1. DOSSIER : La France et ses autostéréotypes
Informez-vous sur les représentations autostéréotypées que les Français ont d’eux-
mêmes. Dressez une liste selon les entrées suivantes : histoire, culture, géographie,
pratiques culturelles et quotidiennes, personnalités, etc. Précisez comment se sont
formées ces autoreprésentations et essayez de les déconstruire. Pour vous aider, vous
pouvez vous servir de la photo et des textes suivants. Pensez également à d’autres
produits culturels (des livres, des films, etc.)

1.1. « A quoi sert l’identité nationale »


Illustration reprise de la version en ligne de l’émission « A quoi sert l’identité nationale », du
mercredi 10 octobre 2007, in archives « non-officielles » de l’émission de Daniel Mermet « Là-
bas si s’y suis », diffusée sur
France Inter.

1.2. Portrait national.


Didier Jacob (avec Jacqueline Clot), « Pourquoi nous aimons la France. Interview avec Denis
Tillinac [auteur d’un Dictionnaire amoureux de la France] et Alain Schifres [auteur d’un Inventaire
curieux des choses de la France]» ; sélection de l’interview de Didier Jacob, publié sur le site littéraire
BibliObs.com du NouvelObs.com, le 25.04.2008, in http://nouvelobs.com.

(http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2268/articles/a373261-.html?xtmc=alainschifres&xtcr=9)

N. O. - Denis Tillinac, votre dictionnaire commence à d'« Artagnan » et se termine avec


le mot « zinc ». C'est ça, la France, un vieux mousquetaire et un bistrot ?

Denis Tillinac. - A la lettre A, il y a aussi Auriac qui est mon village, qui est l'allégorie
de ce clocher qui existe, je crois, dans l'imaginaire de beaucoup de Français. Et à B, on
trouve Emma Bovary qui est pour moi une héroïne bien française, dans la texture de son

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éternelle insatisfaction et de ses aspirations idéales à l'amour; et puis il y a Bonaparte, qui
est le soleil noir de notre mélancolie.

N. O. - Vous affectionnez également le mot «panache». Qu'est-ce que ce «panache» dont


vous dites qu'il est une spécialité française?

D. Tillinac. - Le panache, c'est le «merde» de Cambronne, c'est la tirade de Cyrano, «à la


fin de l'envoi, je touche», c'est les Mousquetaires de Dumas sur le fort Saint-Gervais à la
suite d'un pari, affrontant la mitraille. Le panache, c'est «Messieurs les Anglais, tirez les
premiers» à Fontenoy. C'est un défi lancé à la raison, au bon sens, aux habitudes, à la
rationalité, à l'efficacité. Ou du moins c'est l'instinct qu'un geste, pour être efficace, se
doit d'être beau. (…) C'est la France que j'aime. La France des impressionnistes, d'Edith
Piaf, de Jean Gabin, d'Arsène Lupin, de Vercingétorix, de Jeanne d'Arc. (…) [L]a double
nature des Français, une ambivalence, je crois, unique au monde. On est gaulois, anars,
bordéliques, mais il y a cet appel à l'harmonie, à la rigueur qui nous vient peut-être de
Cîteaux. Nous sommes des épicuriens, aptes au bonheur, mais il y a cette aspiration
spirituelle, parce qu'on est le pays de Pascal, de Cluny. Et ça, c'est la France, une France
qui a rayonné dans toute l'Europe, qui l'a fécondée économiquement et spirituellement,
qui a révolutionné l'agriculture, qui a sorti le Moyen Age, comment dirais-je, de ses
limbes.

N. O. - Quelle serait la meilleure raison d'aimer la France aujourd'hui?

A. Schifres. - L'absence de guerre des sexes. Ce qui me semble très important. Même si
les femmes sont très mal payées et accèdent difficilement aux postes importants. Et si on
est gravement malade, on peut être soigné sans argent. C'est ça, la bonne exception
française!

D. Tillinac. - La France, c'est un art de vivre, une sociabilité, un rapport masculin-


féminin, un rapport entre copains, une vie de famille, même si elle s'est normalisée
aujourd'hui, et qu'elle est plus brutale, plus métallique. Je crois que les rapports entre les
êtres restent tendres, mêlés d'une sentimentalité plus profuse, plus complexe, plus subtile,
plus belle que partout ailleurs. Je crois que c'est en France (…) qu'on ne vit, pour parodier
Chardonne, «que de mots éternels». C'est en France qu'on a le plus de possibilités d'être
heureux. Alors, puisque c'est mieux qu'ailleurs, et qu'on le doit à la France, on doit le
montrer aux autres, montrer au reste du monde qu'on est plus heureux que le reste du
monde.

1.3. Portrait régional. Le gascon. Après avoir identifié les éléments du portrait du
gascon, dites en quoi il est différent d’un portrait stéréotypé. D’après son modèle,
dressez vous-mêmes le portrait d’un habitant d’une autre région de la France ou d’un
pays francophone.

Le plus gascon des héros, tout le monde vous le dira, c'est Cyrano de Bergerac. Bergerac
n'est pas en Gascogne ? C'est sûr. Mais peu importe : après tout, le vrai Cyrano était
parisien. Et, surtout, « l'esprit, l'éloquence, le panache, le goût de la querelle, l'humour,

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tout chez lui rappelle notre région », résume Françoise Laborde, qui préside l'association
Gascons toujours.
Car l'esprit est le plus beau joyau de cette contrée qui ne manque pourtant pas de
paysages somptueux. Un esprit fait d'humour, de distance, de rouerie, de faconde, d'excès
dans la forme, mais de tolérance sur le fond, d'amour des bons mots, de mauvaise foi
quand il le faut, d'éclats de rire dès qu'on le peut.
« Comme la plupart des clichés les concernant, cette image du Gascon éloquent s'est
installée au moment de l'arrivée d'Henri IV à la cour », souligne Georges Courtes,
historien. Le roi lui-même et ses compatriotes détonnaient par leur accent rocailleux, et,
surtout, par leur personnalité : dotés d'un esprit subtil sous des dehors un peu frustes, ils
étaient fiers à en crever, courageux jusqu'à la déraison, beaux parleurs, mais aussi
querelleurs, paillards et menteurs. Autant dire qu'ils arboraient un « caractère » dont les
littérateurs, à partir du xviie siècle, feront leurs choux gras. La Fontaine, qui ne les aimait
pas, écrira Le Gascon puni. Alexandre Dumas les rendra plus sympathiques avec ses
Trois Mousquetaires, tandis qu'Edmond Rostand fera donc de son Cyrano l'incarnation
même du Gascon. En bon écrivain, il avait compris qu'avant d'être une géographie, la
Gascogne est une philosophie.

De l’art du mentir-vrai
Le Gascon entretient une relation problématique avec la réalité. On n’oserait évidemment
pas écrire qu'il ment plus souvent qu'à son tour, mais, enfin, il faut admettre qu'il ne dit
pas toujours la vérité. Qu'il sait enjoliver son récit avec talent, avec faconde, presque avec
génie. (…) Une telle duplicité pourrait exaspérer. Et pourtant non. Car le Gascon joue à
faire semblant. Il cherche moins à duper qu'à séduire. « Lorsqu'un Gascon “gasconne”,
lorsqu'il exagère, son interlocuteur ne se trouve jamais en position d'idiot qu'on cherche à
berner : il est un partenaire dont on taquine l'intelligence », reprend Véronique Larcarde.

Totale fierté
La fierté, c'est la noblesse du petit peuple. Si le plus humble des Gascons est fier à en
crever, c'est que l'intéressé a quelques repères immémoriaux : la qualité de ses
productions agricoles, le sens du travail et la certitude d'appartenir à une communauté à
forte identité. (…) S'il est fier, le Gascon n'est pas vaniteux. Ce n'est pas dans l'Armagnac
ou le Couserans qu'on aperçoit des Ferrari rouges conduites par des machos aux lunettes
noires et aux cheveux gominés. S'il a le sens de l'honneur, il cultive aussi le goût de la
simplicité.

Opportuniste, mais indépendant


Le Gascon n'est pas homme de certitudes. Sans scrupules excessifs, il a toujours su, au
cours de l'Histoire, changer de cheval au bon moment. Une décennie avec les Anglais,
une décennie avec les Français pendant la guerre de Cent Ans. Une année protestant, une
année catholique au moment des guerres de Religion. Un jour collaborateur, le lendemain
résistant lors de la Seconde Guerre mondiale...
Ce n'est pas glorieux ? Non. Mais c'est une philosophie. La modération comme idéal,
l'opportunisme comme moyen, la conviction qu'il n'est pas de désaccords suffisamment
graves qui ne puissent se surmonter autour d'une bonne table. Telle est, au fond, sa
réponse aux grandes questions sur le sens de la vie.

9
« Rad-soc » dans l’âme
C'est un fait : le Gascon n’est pas très catho. Voilà beau temps qu'il regarde avec distance
l'Eglise, ses pontifes et ses de profundis. « Il faut se méfier du devant d’une femme, du
derrière d’un âne et d’un curé de tous côtés », professe un proverbe local.
(…) « En politique comme en religion, il existe ici une méfiance viscérale à l'égard de
l'endoctrinement. D'où le succès des idées radicales, qui exaltent l'indépendance d'esprit,
et la faiblesse des partis extrémistes », analyse le très madré sénateur radical de gauche
des Hautes-Pyrénées, François Fortassin.
Michel Feltin, « Bienvenue chez les Gascons », L’Express.fr, mis à jour le 17/07/2008,
publié le 17/07/2008 (http://www.lexpress.fr/region/les-gens_531674.html)

2. ETUDE DE CAS. Géopolitique de l’image. Déconstruction des


représentations stéréotypées de la guerre. Regardez la photo suivante,
gagnante du concours annuel de la World Press 2007. Analysez-là, sans lire le texte
qui la suit. Prêtez attention aux éléments suivants : décor, contexte, expression des
visages, position des corps, aspects qui pourraient justifier la présence des passagers
de la Mini Cooper dans le décor respectif, etc. Dites ce qui, dans la photo, motive le
prix qu’on lui a accordé. Lisez ensuite le commentaire. Débattez des aspects
suivants : le texte en tant que démenti de l’image ; déconstruction des stéréotypes
(guerre, misère, insouciance des jeunes, prix journalistiques) ; la presse friande de
sensationnel et mystificatrice de la réalité ; relation entre le journaliste américain et le
monde libanais.

Les stéréotypes du World Press/ Géopolitique de l’image

©Spencer Platt/Getty Images Noor Nasser, 21 (cachée par Liliane Nacouzi), Liliane Nacouzi, 22 (se protégeant le visage),
Bissan Maroun, 29 (avec le téléphone), Jad Maroun, 22 (le conducteur) et Tamara Maroun, 26 (passagère avant).

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La photo retenue par le World Press pour servir d’emblème au photojournalisme en
2007 aura secoué visuellement et émotionnellement son monde. Sitôt la décision du
jury connue, le photographe libanais Samer Mohdad a reproché à la « noble
institution [de faire preuve] d’ironie de mauvais goût » et « de compromettre le
niveau » de cette compétition internationale.

Pour Samer Mohdad, l’auteur de Mes Arabies et Assaoudia (premiers volets de la trilogie
photographique sur le Monde Arabe), résumer ainsi la guerre au Liban « contrevient au
sens commun et à l’éthique ». Il qualifie l’image d’« insulte vis-à-vis de tous les
photojournalistes qui risquent leur vie couvrant cette horrible guerre ». Collatéralement,
Samer s’inquiète de la réaction « des jeunes gens [lorsque] leurs visages seront publiés à
la Une de la presse internationale, et qu’ils incarneront le symbole de cette guerre cruelle.
» À l’inverse, Armelle Canitrot, responsable photo à La Croix, apprécie d’échapper cette
année « aux recettes du World Press : une certaine composition, à un certain moment
pour en avoir plein la figure ». Dans une interview au journal Photographie.com, Spencer
Platt dit que sa photo s’oppose à ces stéréotypes sur ce qu’est en fait une victime de
guerre et même sur ce qu’est la guerre. (…) Les jeunes gens ne sont pas ennuyés par la
photo mais plutôt par la légende accolée par Paris-Match dans un numéro de septembre,
les faisant passer pour des chrétiens libanais riches faisant du tourisme de guerre dans les
banlieues ravagées de Beyrouth. Ils sont certes chrétiens, mais, indique Bissan Maroun
(sur la photo avec le portable) : « les regards sur nos visages montrent la consternation à
ce qui a été fait à notre quartier. Pas une personne sur cette photo n’appartient à la
bourgeoisie chrétienne. » Lana El Khalil, la propriétaire de la Mini Cooper prêtée pour
vérifier les dégâts dans leur quartier, travaille avec pour Samidoun, une ONG créée pour
aider les réfugiés du Sud.

Didier de Faÿs (http://www.photographie.com/?pubid=104530)

3. TABLE RONDE. Stéréotypes ethniques / sur les minorités et médias.


Quels stéréotypes ? Quel contexte social / historique / culturel les sous-tend ? Comment
peut-on les déconstruire ? Quel est le rôle des médias dans la construction des
stéréotypes? Pourquoi, en règle générale, les médias contribuent-ils à renforcer les
stéréotypes, et non pas (ou rarement) à les déconstruire ? Vous pouvez vous servir des
données suivantes :

Mixité et « indifférenciation »
D’après une étude du Bureau de vérification de la publicité (BVP) sur l’année 2005, le
nombre de pubs représentant des “extra-européens” demeure insignifiant dans la presse (
0,6% ) et en affichage public ( 3% ), et se stabilise à la télévision (17,1%). Parmi les 100
000 publicités passées en revue, une majorité véhicule des stéréotypes ethniques, mais
BVP n’a relevé aucune connotation à caractère raciste. Il souligne la place faite à la
mixité, et le phénomène d’« indifférenciation ».
(…) Une ethnicisation fortement stéréotypée des rôles
« La tâche d’inclure la diversité est plus facile en télévision que sur d’autres supports.
Quand il y a un groupe, il peut y avoir mixité. Les spots permettent de représenter
plusieurs personnes... En revanche, dans une affiche, quand il n’y a qu’un seul
personnage pour promouvoir le produit, on a recours à un personnage qui fédère. Et

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aujourd’hui, c’est encore le Blanc qui fédère ». Suite à cette intervention d’un
participant, Patrick Lozès, président du Cran, réplique : « Pourquoi l’universel ne
pourrait-il être incarné que par l’homme blanc ? ». L’échange, paradoxalement, résume
assez bien les constats de l’étude BVP. D’un côté, dans plus de 80% des spots TV
représentant des populations de type extra-européen (Afrique, Méditerranée, Asie, DOM-
TOM), ces dernières sont représentées aux côtés de personnages occidentaux. On ne peut
donc pas parler de « ghettoïsation publicitaire ». D’un autre côté, se développe le
phénomène d’« indifférenciation » mettant en scène des « minorités » « sans aucune
différence ni signification particulière par rapport aux autres personnages ». Seulement
voilà, « l’indifférenciation » ne représente que 14% des spots à la télévision. La tendance
majoritaire continue à reproduire une ethnicisation fortement stéréotypée des rôles :
l’épicier est arabe, le marabout noir, le judoka asiatique, l’italien pizzaïolo, ... Ces
représentations, si elles ne sont pas dénigrantes ou objectivement désobligeantes en soi,
dit l’étude BVP, « peuvent contribuer à réduire l’imaginaire des possibles pour ces
groupes de population ».
Mogniss H. Abdallah, « Mixité et “indifférenciation”», Agence Im'media, 20 février
2006.

F. REFLETS LITTERAIRES
Analysez et commentez, dans le fragment suivant, les malentendus provoqués par les
stéréotypes de comportement des partenaires :

« De mon côté aussi je suivais des cours et progressais en japonais comme je le


pouvais. Je ne tardai pas à me faire mal voir. Chaque fois qu’un détail m’intriguait, je
levais la main. Les divers professeurs manquaient de peu d’avoir une crise cardiaque
quand ils me voyaient brandir mes phalanges vers le ciel. Je croyais qu’ils se taisaient
pour me laisser parler et posais hardiment ma question, à laquelle on répondait de
façon étrangement insatisfaisante. Cela dura jusqu’au jour où l’un des maîtres,
avisant mon geste coutumier, se mit à me hurler dessus avec une violence
formidable :

- Assez !

Je restai tétanisée, tandis que tous les étudiants me regardaient fixement.

Après le cours, j’allai m’excuser auprès du professeur, surtout pour savoir quel
était mon crime.

- On ne pose pas de questions au Sensei, me gronda le maître.

- Mais, et si je ne comprends pas ?

- On comprend !

Je sus alors pourquoi l’enseignement des langues boitait au Japon.

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Il y eut aussi l’épisode où chacun dut présenter son pays. Quand vint mon tour,
j’eus la nette impression d’avoir hérité d’un dossier difficile. Chacun avait parlé
d’un pays connu. Je fus la seule à devoir préciser dans quel continent se situait ma
nation. J’en vins à regretter la présence des étudiants allemands, sans lesquels
j’eusse pu alléguer n’importe quoi, montrer la carte d’une île au large de
l’Océanie, évoquer des coutumes barbares telles que poser des questions au
professeur. Il fallut s’en tenir à un exposé classique, pendant lequel je vis les
étudiants singapouriens se curer des dents en or avec un entrain qui me désola. »

(Amélie Nothomb, Ni d’Eve ni d’Adam)

II. REPERES GRAMMATICAUX. Agencement de la phrase et du


discours I. L’interrogation directe et l’interrogation rhétorique
II.1. L’INTERROGATION DIRECTE

Spécifique du discours direct. Peut être totale ou partielle. Parmi ses effets expressifs, il y
a la fausse interrogation (équivalant, avec plus de force et d’expressivité, à une assertion),
la politesse, l’impatience, la surprise, l’insistance, l’anxiété, etc.

II.1.1. L’interrogation totale. Porte sur le verbe de la proposition.

Interrogation totale soutenue : Interrogation totale soutenue : Interrogation totale familière :


inversion du sujet la tournure est-ce que ? simple montée du ton

Inversion simple : Viens-tu? Y Exclut l’inversion du sujet. Ni inversion du sujet, ni tournure


arrivera-t-on ? est-ce que?

Inversion complexe : Les


enfants sont-ils prêts pour se
rendre à l’école ?

II.1.2. L’interrogation partielle. Porte sur tout autre élément de la proposition que le
verbe.

L’interrogation porte L’interrogation L’inversion partielle L’interrogation


sur partielle soutenue, soutenue, avec la partielle familière,
avec inversion du sujet tournure est-ce que ? avec inversion du sujet
ou déplacement du
mot interrogatif en fin
de la phrase

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Le sujet Qui ? Qui est-ce qui ? C’est qui ?
Qu’est-ce qui ?

L’attribut du sujet Qui ? Que ? C’est qui ? C’est quoi


?

Le COD Qui ? / Que ? Qui est-ce que ? Vous avez besoin de


Qu’est-ce que ? quoi ?

Le COI (A, de, pour, avec) qui (A, de, pour, avec) qui Il parle (à, de, pour,
/ quoi ? / quoi est-ce que ? avec) qui ?

Le complément Comment, où, Comment, où, Il vient comment, où,


circonstanciel pourquoi, quand, pourquoi, quand, pourquoi, quand,
combien ? combien est-ce que ? combien ?

II.1.3. Tours particuliers

L’interrogation avec l’infinitif Où aller ? Que visiter ? Pourquoi se fatiguer ?

L’interrogation sans verbe Epuisant, ce voyage, n’est-ce pas ?

II.2. L’INTERROGATION RHETORIQUE

Moyen du dialogisme médiatique. Elle suppose la prise à témoin de l’interlocuteur,


l’engagement du lecteur dans la démarche argumentative, notamment dans les textes
publicitaires. Voir ci-dessus :

« Alors, l’euro pub, une réussite ? / Avons-nous besoin d'un « steurotype » de plus ? »

« Sommes-nous toujours des mangeurs de grenouilles ? »

II.3. Exercices
1. Complétez le dialogue suivant avec les questions qui manquent. Indiquez à
chaque fois s’il s’agit d’une interrogation totale ou partielle :

– Malheureusement, nous n’irons pas à la mer cet été.

– ?
– Parce que Cédric doit passer un examen très important à l’automne et il prendra tout
l’été pour étudier.

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– ?
– Oui, nous nous sommes dit qu’il vaut mieux qu’on reste tous à la maison avec lui,
pour l’encourager.
– ?
– Non, il se sent mieux s’il y a du monde autour de lui.
– ?
– Si tout se passe bien pour lui, nous allons tous partir en vacances au mois de
septembre.
– ?
– Peut-être au bord de la mer… mais nous ne sommes pas sûrs.
– ?
– Non, nous n’avons rien réservé à l’avance.

2. Indiquez la valeur affective des phrases suivantes :

1. Puis-je me permettre de vous poser une question ? – 2. Voudriez-vous me donner


l’heure, s’il vous plaît ? – 3. Tu nous laisseras regarder la télé chez toi, dis ? – 4. Mais
quand, pour l’amour de Dieu, en finirez-vous avec vos lamentations ? – 5. La famime
sévira-t-elle pour encore longtemps dans le tiers monde ? Les pauvres continueront-ils de
mourir de faim ? Qu’allons nous faire pour remédier à cette situation ? – 6. Jusqu’à quand
continuerez-vous de vous moquer de nous ?

3. Regardez la publicité télévisée, ou écoutez les annonces publicitaires à la radio.


Notez les phrases interrogatives et classez-les selon leur type grammatical et leur
valeur expressive.

4. Rédigez vous-mêmes un texte publicitaire comportant des phrases interrogatives.

III. DISCOURS MEDIATIQUES. Analyse de publicité


Analyse globale
Commencez toute analyse par une démarche de repérage :
• Identifiez les supports médiatiques et la forme de publicité choisie
• Faites des hypothèses sur les instances empiriques de la publicité : l’annonceur
publicitaire, le produit et les consommateurs visés
• Dans la production publicitaire, qui sont les doubles figurés dans le discours ?
Comme stratégie discursive, la publicité prend souvent la forme du récit.
• La forme d’organisation discursive présente plutôt un état du monde ou une action
sur le monde ? Quelle est la fonction du personnage : essence du monde ou acteur
du monde ?
• Présentez le cadre de référence mis en scène
• Quelles sont les pratiques sociales, culturelles évoquées ?
• Y a-t-il une possibilité de décodage de second degré : espaces mythiques
préexistants ou symboliques ?
• Les personnages, l’univers évoqué, leur rôle, la typologie, les clichés implicites.

15
Etapes de l’analyse de l’image publicitaire dans la presse écrite
1. La construction de l’image
• Identifiez et reconstituez le code iconique (décrivez les éléments constitutifs de
l’image, leur position, les couleurs, etc.)
• Identifiez le code linguistique (texte, slogan, instruction) : valeur informative,
persuasive, esthétique, l’agencement avec l’image.
• Cherchez et expliquez la place et la mise en valeur du code de la marque
• Décrivez la modalité de représentation des personnages : code proxémique, code
kinésique (gestuelle)
2. L’interprétation du message :
• Identifiez les champs sémantiques (féminité, luxe, fraternité, voiture, parfum) et
justifiez le choix
• Analyse et interprétation des modalités choisies par le publicitaire pour séduire
son public. Déterminez les procédés rhétoriques utilisés dans le choix de l’image,
du titre, du slogan et du texte (connotation, humour, redondance des messages)
3. Comparez des images publicitaires pour un même type de produit. Expliquez
le choix de l’annonceur et le profil type du consommateur.

Etude de cas : Rhétorique de l’affiche publicitaire


Dans la publicité d’hier, le texte argumentatif, les détails, les explications prévalaient.
L’image avait un rôle secondaire, un support du texte. Les arguments d’autorité mettaient
l’accent sur l’ « ethos » ou le « logos ». Quant on parle d’« ethos » on doit comprendre la
dualité bénéfice / inconvénient et la garantie d’une autorité, tandis que le « logos » fait
appel à la dimension rationnelle de l’homme, en lui donnant des arguments concrets.
Dans la publicité actuelle, le « logos » est moins présent. Toutefois, l’« ethos » reste un
élément publicitaire assez important. Surtout, l’accent plus fort mis sur le « pathos »,
donc sur l’émotion. Les slogans publicitaires sont de plus en plus courts, les explications
supplémentaires manquent, l’image règne. En analysant les relations entre le visuel et le
verbal, on constate souvent que la proportion est de 1/3 pour le texte et de 2/3 pour
l’image, quelquefois le texte est plus réduit encore en faveur de l’image.
Récemment, la publicité est entrée dans une nouvelle époque, celle de la publicité
« choc ». Le banal est éloigné brutalement pour laisser la place à l’extraordinaire.

16
Analyse d’affiches publicitaires. Représentations de la femme selon les époques et
évolution des rhétoriques publicitaires.

Fig. 1. Publicité pour une lessive de vaisselle

Dans cette affiche, parue dans un magazine ancien, la publicité est principalement un
moyen explicite de présentation
d’un produit. Le texte prescriptif
fait valoir une marque de lessive
en insistant sur les effets pervers
d’autres produits. Il n’est donc
que la réponse à la réalité crue de
l’image explicitée par la phrase
d’accroche :
« Une ride ! Je vieillis ! »

Fig. 2. Cigares pour séduire les femmes

Les années 1980 marquent un changement de


mentalités. Le culte du corps, la femme – objet
gagnent du terrain. L’affiche publicitaire joue sur ce
rôle de la femme obéissante, un beau visage sans
esprit, mis en image par la posture sensuelle de la
femme, son infériorité devant l’homme, souligné
par la phrase d’accroche.

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Fig. 3. Le corsage – la puissance des femmes

Le corsage est vu dans cette affiche


publicitaire, comme un instrument
indispensable du « pouvoir » féminin ; on
mise sur son utilité. Les longues explications
et les illustrations soulignent l’existence d’un
modèle féminin unique, tandis que le slogan
« Une aide importante pour le pouvoir des
femmes » fait allusion à leur émancipation.

Fig. 4. Le soutien. La sensualité

L’affiche de nos jours, en représentant une femme sensuelle qui porte un soutien
merveille, ne donne aucune
information sur l’utilité ou la
nécessité du produit. Le produit parle
de lui-même ainsi que la femme,
dont le regard direct adresse le même
message que la phrase d’accroche.
La rhétorique du message est
unitaire et transmet au public
l’image d’une femme moderne,
insouciante, libre, rassurée quant à
son charme et indépendante.

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Fig. 5. S’habiller pour faire mourir 1997

L’affiche suivante met au premier plan une femme fatale qui provoque un accident.
L’affiche n’a pas d’explications, la puissance de l’image est suffisante. Nous sommes en
1997, et la tendance de privilégier l’image est visible. Le slogan est très petit, en bas à
droite « Wallis – Dress to Kill » : le nom de la marque (le logo) et le message très bref,
mais très suggestif.
Cette publicité ne cherche pas
à informer mais à désinhiber et
à motiver. C’est pourquoi elle
n’énonce pas, elle suggère ;
elle ne parle pas le langage de
la raison mais celui des
affects.

Applications :
1. Illustrez et commentez un champ sémantique / un univers de référence par
un corpus de publicités. Ex : l’hétérosexuel ; les jeunes et la violence ; le
rêve ; le monde technologique.
2. Comparez des produits publicitaires similaires, destinés à des
consommateurs d’horizons culturels différents. Analysez l’impact du
message sur l’imaginaire collectif et précisez quel est l’univers de valeurs, de
normes, de traditions qui a inspiré leur créateur.

DIRE AUTREMENT
à certains égards : d’un certain point de vue
moquerie : ironie, raillerie
filer à l’anglaise : déguerpir, disparaître
se faufiler : d’insinuer, s’introduire, se couler, se glisser
ruse : artifice, astuce, feinte, fourberie, fraude, machination
douteux : ambigu, contestable, discutable
inintelligent : bête, sot, stupide

19
au mépris de : sans tenir compte de, en dépit de
industrieux : adroit, habile, ingénieux
dépréciatif : péjoratif
querelleur : agressif, batailleur, chamailleur
discutailleur : bavard, ergoteur
méconnaissance : ignorance, incompréhension
le brassage : mélange, creuset, melting-pot
abaisser : baisser, diminuer, abattre, affaiblir, écraser
le retournement : revirement, renversement
avoir la vie dure : rencontrer des difficultés (à être accepté)
gauchir : se courber, se déformer, gondoler, se tordre ; se voiler, altérer, déformer
s’adoucir : atténuer, édulcorer, modérer
mal porté : mal adapté, inadéquat
suranné : antique, démodé, désuet, obsolète, vieilli, vieillot, arriéré, dépassé, périmé,
révolu : accompli, achevé, passé
émerger : se manifester, apparaître
force est de : il faut, on ne peut que
en retrait : en arrière de l'alignement, ou par rapport à une ligne déterminée
le nanisme : état d’une personne de très petite taille, dû à un trouble de croissance
accort, e : agréable, aimable, avenant, habile, grâcieux et vif
épais : grossier, lourd, pesant, compact, dru, fourni, serré
l’imagerie : ensemble d’images représentant des faits, des personnages
une blondinette : une petite blonde
avouer : accorder, admettre, concéder, convenir, déclarer, dire, reconnaître, confesser
étirer : se détendre
le poncif : banalité, cliché, lieu (commun), stéréotype
le chapiteau : partie élargie située entre le fût d'une colonne et la charge
chaparder : chiper, piquer, voler
gratter : racler, ravaler
la paella : plat espagnol composé de riz épicé (safran, poivre de Cayenne) cuit dans un
poêlon avec des moules, des crustacés, des viandes, du chorizo
piocher : creuser, remuer avec une pioche, (fig.) bûcher
cibler : déterminer, circonscrire en tant que cible
faire du tort : léser, nuire
acérée : acerbe, caustique
bourré : farci, truffé, bondé comble,
empester : empoisonner, empuantir, puer
surfer : naviguer

20
Dossier 5

Nouveaux rapports de genre

I. COMMUNICATION INTERCULTURELLE
Lisez les textes suivants :

1. Elles ne veulent plus du vieux modèle « cuisine, gosses, curé ». Désormais plus
éduquées que les hommes, féministes à leur manière, elles investissent
irrésistiblement le marché du travail. Et avancent pas à pas sur le chemin de
l'égalité.

Elles sont brunes, brunes naturelles, aussi brunes que leurs mères sont blondes. Elles ont
20 ans ou un peu plus. Elles sont vendeuses, employées de bureau, esthéticiennes. (…)
Elles vivent encore chez leurs parents et claquent la moitié de leur paie en fringues et en
maquillage. Elles aiment la danse et la musique. Elles se fichent de la politique, mais
trouvent Zapatero « mignon ». La bretelle du soutien-gorge tombant sur l’épaule, les
hanches tatouées s’échappant du pantalon ultramoulant, elles arpentent les rues de
Madrid, Séville ou Barcelone, par groupes de trois ou quatre, entre filles, parlant vite et
riant fort. (…) Elles mettent rarement les pieds à l’Eglise. Libres, moins libérées qu’on ne
le croit. Délurées et fleur bleue. Fashion victimes jusqu’au bout des ongles. Féministes à
leur manière. Avec leurs contradictions, leur appétit de vie, leur goût de l’indépendance,
[elles] sont le pur produit de la plus grande révolution qu’ait connue l’Espagne
contemporaine : la révolution des femmes. [P]lus éduquées que les hommes, les femmes
investissent irrésistiblement le marché du travail. Leur taux d’activité progresse
[constamment] [et], même si elles sont beaucoup plus touchées que les hommes par le
chômage, (…) le chemin parcouru n’en est pas moins impressionnant. [Pourtant, r]estent
deux gros points noirs : un écart salarial important et qui tend même à s’accroître avec le
niveau de formation ; et le fameux plafond de verre, qui fait que les femmes se raréfient à
mesure que l’on monte dans la hiérarchie. (…) C’est à quoi le gouvernement Zapatero a
décidé de s'attaquer. L'énorme projet de loi pour l'égalité actuellement en discussion est
une véritable machinerie antimachiste : obligation pour les entreprises de plus de 250
salariés de négocier un accord visant à éradiquer les discriminations en matière
d'embauche, de promotion et de rémunération ; mesures permettant de conjuguer vie
professionnelle et vie familiale ; création d'un congé paternité... Et couronnant le tout : les
conseils d'administration des entreprises devront porter la participation féminine à 40%
en quatre ans.
Claude Weill et Dorane Vignando, « La révolution des femmes », Le Nouvel
Observateur, la semaine du jeudi 22 juin 2006.
(http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2172/dossier/a309052-la_r%C3%A9volution_des_femmes.html)

1
2. Bijoux, produits de beauté… Ils n’ont jamais autant pris soin de leur corps et de
leur look. C’est le triomphe du « métrosexuel », cet urbain branché qui s’approprie
une part de féminité
Les « métrosexuels » sont parmi nous. Impossible de regarder une publicité, d’ouvrir un
magazine, voire de suivre un match de foot à la télé sans tomber nez à nez avec cette
créature. Les métrosexuels sont les cousins des bobos, cette tribu qui occupe le devant de
la scène depuis deux ou trois ans, empruntant à la fois aux bourgeois et aux bohèmes. Le
métrosexuel, lui, est un mélange de dandy et de gay mâtiné d’une pointe de « mac ». Il se
pomponne, redécouvre l’art du rasage, se met des crèmes sur le visage, se fait un regard
de braise grâce à quelque khôl spécialement concocté pour lui et peut parfois se mettre un
peu de vernis sur les ongles. Un sarong fuchsia ou une veste mauve des couturiers italiens
Dolce & Gabbana ne l'intimident pas le moins du monde, au contraire. Mais - tout est
dans ce détail - il n'est pas homosexuel. Sophistiqué, attentif à lui-même et aux autres, le
métrosexuel « n’a pas peur de soigner sa personne et d’apprécier les choses raffinées »,
explique le site Internet BeMetro.com, feuille de route du nouveau mâle.
(…) Le néologisme (…) désigne un trentenaire urbain (d’où « métro », pour
métropolitain), branché, prenant grand soin de son corps et de tout son être. (…)
L’apparition de cette tendance tient pour une grande part à l’élévation du niveau de vie
[et à certains boulerversements sociaux], dont, selon André Rauch, la survalorisation du
plaisir. (…) Le métrosexuel est aussi l’un des symboles visibles de la disparition de la
figure emblématique du père et de la fameuse crise de l’identité masculine. (…) Quand
on n’a plus besoin de lui pour représenter l’autorité, le père peut s’épiler ou porter des
bijoux. (…) Au sein du couple, les rôles se sont équilibrés, les femmes se sont approprié
ce qui, pendant des générations, relevait du rôle traditionnel de l’homme (…). Alors, [les
hommes] s’approprient cette part de féminité qu’elles ont laissé tomber. « Il y a en ce
moment une sorte de recomposition, affirme la sociologue Christine Castelain-Meunier.
Les hommes sont en train de se remettre du coup de grisou engendré par le féminisme et
de se réapproprier leur identité ».
Le métrosexuel est aussi le fils d'une société plus infantile, « adolescentrique ». « Le
modèle n’est plus l’adulte, mais l’adolescent, explique Frédéric Loeb. (…) » La faute,
selon le psychanalyste Tony Anatrella, à la génération de 68. Ce sont des adolescents qui
ont élevé des enfants. Résultat, explique-t-il, à 30 ans, ce sont toujours des ados.
Le métrosexuel annonce un changement plus profond encore qui touche les hommes et
les femmes. « On est au début de ce que les Américains appellent la gender flexibility
(l'élasticité des genres), explique Christine de Panafieu. Jusqu’à aujourd'hui, chacun de
nous était défini par son âge et son sexe. C’est ce qui structurait notre vie. Désormais,
l'être humain se perçoit comme un mutant : il reste jeune plus longtemps et, grâce à la
science, il modifie son corps ». Le genre devient donc accessoire. Ce qui compte, c'est le
comportement. Dans ses études, Frédéric Loeb affirme avoir décelé non plus 2 sexes
différents, mais 11!
Pourtant, la réaction s'organise et cette mutation pourrait n'être qu'un effet de mode. Déjà
les nouveaux rebelles arrivent. « Leur modèle est le rappeur Eminem, affirme le
publicitaire Nicolas Riou (…). Eux surajoutent les signes extérieurs de virilité, ils sont
agressifs avec les femmes ». Il faudra encore un peu de temps avant que l’homme soit
une femme comme les autres.

2
Jean-Sébastien Stehli, Natacha Czerwinski, « Les nouveaux mâles se cherchent »,
L’Express.fr, mis à jour le 05/03/2004, publié le 08/03/2004.
(http://www.lexpress.fr/actualite/societe/les-nouveaux-males-se-cherchent_490466.html)

3. Le sociologue Robert Ebguy, directeur de recherche au Centre de communication


avancée, analyse le bouleversement qui marque les relations hommes-femmes. Et ses
conséquences.
AV : Quels sont les états d'âme des hommes d'aujourd'hui face à ces femmes qui ont
tant changé depuis 1968 ?
RE : Les pauvres sont totalement déboussolés ! Ils n'ont plus de repères, les règles du jeu
leur semblent complètement brouillées. Ils ne distinguent plus clairement la frontière
entre masculin et féminin. Ce flou général qui entoure la question du genre provoque un
sentiment de perte qui traverse les générations. En prime, l'air est saturé de messages
féminins. Voyez la publicité : les femmes sont partout ! Seuls les hommes les plus jeunes
sont épargnés par ce mal-être. Ils sont profondément influencés par la féminisation de la
société - et par sa « psychologisation » - depuis que les femmes ont pris la parole. Leur
construction identitaire a été marquée par la prédominance des modèles féminins sur les
modèles masculins. Beaucoup n'ont jamais coupé le cordon avec leur mère, d'ailleurs.*

AV : De quoi les hommes ont-ils si peur ?

RE : Les femmes ont ouvert la voie à la démultiplication de soi. Elles sont multifacettes,
polymorphes. Chef d'entreprise et bombe sexuelle, par exemple. C'est difficile à vivre
pour des hommes davantage inscrits dans la cohérence, donc plus monolithiques. En plus,
ils entendent les filles se plaindre qu'il n'y a plus d'hommes, des vrais. Ils finissent par se
demander si les femmes n'ont pas autant besoin d'eux qu'un poisson rouge d'une
bicyclette, pour paraphraser les féministes des années 1970 ! Ils ont peur de finir parqués
dans des zoos où leur seule fonction serait de faire survivre la copulation à l'ancienne.

AV : La rencontre est-elle devenue plus difficile ?

RE : Nous sommes entrés dans une ère de mécanisation de la rencontre. Des tombereaux
de livres, dans la veine de Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus,
prétendent nous expliquer en quoi nous sommes différents. Sur les sites de rencontres en
ligne comme Meetic, chacun et chacune dresse sa liste de critères et essaie de trouver
celui ou celle qui les remplit. On nie l'importance des corps, des émotions, des souvenirs.

AV : Les relations entre hommes et femmes sont-elles en danger ?


ER : Trois illusions nous guettent. La convergence, qui nie les différences. La dilution : je
choisis chaque matin mon genre selon mon humeur. Enfin, la guerre des sexes : plus on
est dans l'indifférenciation, plus la violence peut émerger. Pourquoi tenir la porte à cette
nana qui m'a piqué mon job et qui gagne plus que moi ?

3
Anne Vidalie, « La guerre des sexes menace », L’Express.fr, mis à jour le 21/05/2008,
publié le 21/05/2008
(http://www.lexpress.fr/actualite/societe/la-guerre-des-sexes-menace_502669.html)

4. Quelle différence entre le flirt et la drague? Comment redécouvrir cet art complet
de la séduction? Défense et illustration des prémices de l'amour
(…) Il n’y aurait plus aujourd’hui que les adolescents pour se livrer à l’art délicat du flirt.
Et encore… à condition de les dissuader de s'abandonner trop vite. De les inviter à se
méfier des consommations irréfléchies. A côté des chapitres techniques consacrés à la
fellation ou à la sodomie (toutes pratiques banalisées par la vulgate pornographique), les
sites Internet qui s'adressent à eux s'efforcent de revaloriser le flirt : « Profitez de ces
moments magiques, prenez le temps de vous sentir bien, à l'aise, en confiance avec l'autre
sexe, rien ne presse vous avez toute votre vie pour faire l'amour » (Fil Santé Jeunes).
(…) Le flirt, c'est tout ce qui a lieu avant l'engagement. Tout ce qui invite mais ne
contraint pas. Tout ce qui vous laisse dans l'espace grisant de votre liberté. Le flirt, sans
être antisocial, échappe encore au poids des sociétés. Le flirt n'a rien à voir avec les
fiançailles. [Il] est un art complet, qui met en pratique toutes les ressources des individus,
la parole et la voix, l'intelligence des conduites, et enfin le corps. (…) Flirtent ceux qui
s'invitent à prendre le thé et se livrent à une conversation pleine de séductions et de sous-
entendus. Flirtent aussi ceux qui s'embrassent dans la rue et se quittent sous le porche.
Flirtent enfin ceux qui s'endorment l'un contre l'autre après s'être caressés, et se sont
refusés sciemment à « aller jusqu'au bout ». (…) Le flirt épouse les époques, s’accorde
avec le temps. (…) [Il] subit sa deuxième grave attaque le jour où la femme et l’homme
peuvent s'unir sans craindre de donner le jour à un troisième larron. On y gagne de
pouvoir s'abandonner à « ça ». Mais on risque d’y perdre le « tout » qui le précédait et lui
servait souvent avantageusement de substitut. L'équilibre va venir de là où on ne
l'attendait pas forcément… En même temps que l’amour physique devient plus facile, les
couples se font plus fragiles. Autrefois exceptionnel et scandaleux, le divorce se banalise.
Les mariages, qui étaient indissolubles, se transforment en contrats temporaires. Le flirt y
gagne une nouvelle jeunesse : il n'est plus réservé aux jeunes, aux pas encore casés. Qui
veut garder son partenaire est sommé de le séduire, encore et toujours, et de le tenir bien
serré dans un filet d'attente et de désir. En somme, rien ne sert d'accorder le « ça » si l'on
n'est pas capable de conserver l'énergie du « tout ». Comme le confie le romancier grec
Vassilis Alexakis à Fabienne Costa-Rosaz: « Le flirt permet de jouer dans sa tête, de
rêver. De contourner l’ennui qui guette toute liaison ». A bons entendeurs...

Marie Desplechin, « Eloge du flirt », L’Express.fr, mis à jour le 05/02/2007, publié le


05/02/2007
(http://www.lexpress.fr/styles/eloge-du-flirt_478491.html)

4
A. LE TEXTE ET VOUS
1. Observez uniquement le chapeau et le titre de chaque article :

a) Elles ne veulent plus du vieux modèle « cuisine, gosses, curé ». Désormais


plus éduquées que les hommes, féministes à leur manière, elles investissent
irrésistiblement le marché du travail. Et avancent pas à pas sur le chemin
de l’égalité. « La révolution des femmes »
b) Bijoux, produits de beauté… Ils n’ont jamais autant pris soin de leur corps
et de leur look. C’est le triomphe du « métrosexuel », cet urbain branché
qui s’approprie une part de féminité. « Les nouveaux mâles se cherchent »
c) Le sociologue Robert Ebguy, directeur de recherche au Centre de
communication avancée, analyse le bouleversement qui marque les
relations hommes-femmes. Et ses conséquences. « La guerre des sexes
menace »
d) Quelle différence entre le flirt et la drague ? Comment redécouvrir cet art
complet de la séduction ? Défense et illustration des prémices de l’amour.
« Eloge du flirt ».

Lequel des quatre titres / chapeaux a le plus attiré votre attention ? Pourquoi ?
Enquête en fonction du genre des étudiants. Formulez des hypothèses sur le contenu
des articles.

2. Est-ce que, selon vous, les / l’un des titres ci-dessus pourrai(en)t faire la une du
journal / du magazine respectif ? Quelles photos pourraient les / l’illustrer dans ce
cas ?
3. Regardez attentivement les sources des quatre textes et leurs dates de parution.
Que pouvez-vous en déduire ? Connaissez-vous ces magazines ou leur variante en
ligne ? Présentez-les (rubriques, sujets, public).
4. Les thèmes des articles vous intéressent-ils ? Dans quels aspects vous
reconnaissez-vous ?
5. Comment expliquez-vous l’intérêt constant pour l’évolution et les rapports de
genre?

B. VOUS ET LE SUJET DU TEXTE


1. Selon vous, dans quelle section / quelle rubrique du journal / du magazine
respectif pourraient figurer chacun des articles ci-dessus ? Argumentez.
2. Relevez la valeur informative des fragments analysés. Donnez-vous crédit au
contenu des articles ? Pourquoi ?
3. Lequel des articles vous informe le mieux ?
4. Les portraits des jeunes filles espagnoles et du métrosexuel sont-ils représentatifs
pour votre génération ? Vous y reconnaissez-vous ?

C. L’AUTEUR, LE TEXTE ET VOUS


1. Dans le premier article, les journalistes font preuve de :
a) sympathie
b) distance

5
c) neutralité
d) indifférence
e) admiration
à l’égard du sujet présenté. Motivez votre choix, en illustrant avec des exemples tirés
du texte.
2. Dans son « diagnostic », Robert Ebguy est :
a) impartial
b) objectif
c) subjectif
d) unilatéral
Argumentez.
3. Le ton qu’il emprunte est
a) optimiste
b) catastrophique
c) modéré
d) apocalyptique
4. Résumez la première partie de chaque texte. Quelle a été l’intention du
journaliste dans la première partie? Quel est le rapport avec la deuxième ?
5. A la lecture avez-vous constaté des similitudes dans la structure discursive des
deux premiers textes ? Précisez.
6. Commentez l’attitude des journalistes dans le texte 2. Faites attention au ton, à la
chute (la phrase finale).
7. Dans le même texte, par quels moyens les journalistes renforcent-ils l’objectivité
des informations.
8. Que comprenez-vous par l’élasticité des genres ?
9. Comment comprenez-vous cette phrase : « Les hommes sont en train de se
remettre du coup de grisou engendré par le féminisme et de se réapproprier leur
identité » ? Reformulez sans modifier le sens.
10. La stratégie analytique des journalistes est évidente. Ils ne veulent pas uniquement
informer mais aussi former le lecteur. Relevez les traces de didacticité dans les
quatre articles.
11. Quelle a été l’intention / le présupposé de l’auteur lorsqu’il affirme : « Les
hommes sont en train de se remettre du coup de grisou engendré par le féminisme
et de se réapproprier leur identité » ?
12. Que pensez-vous de la qualité des articles ? Quelles autres questions auraient pu
être abordées par les journalistes ?
13. Distinguez :
1. au XXe siècle, une évolution par étapes de l’identité masculine ; repérez-
les, décrivez-les et commentez-les.
2. les éléments qui composent le portrait du métrosexuel
3. les signes d’une rééquilibration des rôles au sein du couple contemporain.
14. Dans le texte ci-dessous donnez l’équivalent des expressions soulignées:
Elles claquent la moitié de leur paie en fringues (1) et en maquillage. Elles aiment la
danse et la musique. Elles se fichent de la politique (2), mais trouvent Zapatero
« mignon », elles arpentent les rues (3) de Madrid, Séville ou Barcelone, par groupes
de trois ou quatre, entre filles, parlant vite et riant fort. (…) Elles mettent rarement les

6
pieds à l’Église (4). Libres, moins libérées qu’on ne le croit. Délurées et fleur bleue
(5). Fashion victimes jusqu’au bout des ongles (6).

D. RESUMER
Résumez le fragment de l’article « Les nouveaux mâles se cherchent » pour en faire
un entrefilet informatif – 2-3 paragraphes – destiné au magazine en ligne de votre
faculté.

E. COMMENTER
COMMENTER, C’EST PRÉCISER
1. Quels sont les deux « points noirs » qui entravent l’émancipation des femmes ?
2. Quelles mesures le gouvernement espagnol a-t-il pris pour y remédier ?
3. Qu’est-ce que le « plafond de verre » ?

COMMENTER,
C’EST COMPARER DES CULTURES
1. Imaginez le portrait des mères des jeunes femmes espagnoles dont il est question
dans le premier article. Qu’est-ce qui les rapprocherait / distinguerait de leurs
filles ?
2. DOSSIER : Le féminisme. Brève histoire : vagues et courants ; pays et
époques où le mouvement a été plus puissant ; pourquoi, selon vous, n’y a-t-il
pas eu de mouvement féministe radical en Roumanie ?
3. ENQUETE auprès des jeunes femmes de votre âge : vous sentez-vous
discriminées en tant que femmes lorsque vous cherchez un emploi ou lorsqu’il
s’agit d’être promues dans un emploi que vous avez déjà ? Est-ce que, selon vous,
la maternité représente un obstacle à l’avancement dans la carrière ? Pourquoi ?
Selon vous, la société roumaine est-elle une société machiste ?
4. DOSSIER : Femmes au pouvoir. Des femmes chefs d’Etats / de
gouvernements / de multinationales. Etude comparative par pays / époque.
5. TABLE RONDE : En Occident, les filles et les femmes sont libres d’investir
les espaces publics. Débattez du même aspect dans les villes iraniennes, afghanes,
africaines, etc.
6. Faites un portrait du dandy (20 lignes). En quoi le métrosexuel rappelle-t-il cette
figure fin XIXe ?
7. PROJET : Brève présentation de la vie et de l’œuvre de Marie Desplechin.
8. ETUDE DE CAS : Selon l’auteur du deuxième texte, dans l’Occident de nos
jours, le père ne représente plus l’autorité. Quelles autres valeurs peut-il bien
incarner ? Faites une présentation comparée de la figure paternelle dans
l’imaginaire actuel français / espagnol / roumain / québécois / arabe (marocain,
tunisien, etc.) (votre choix).
9. Donnez votre avis sur les sites internet de rencontres. Distinguez ce qui, dans la
rencontre virtuelle, est différent de la rencontre réelle.
10. La problématique abordée dans ce dossier est-elle présente dans les médias
roumains ? Etudiez un média particulier et la façon dont il touche aux évolutions
des genres.

7
F. DEBATTRE
1. Exposez votre opinion sur l’un des sujets suivants à quelqu’un qui s’oppose
systématiquement à vous :
a) Les différences entre les sexes s’estompent visiblement.
b) Le changement de sexe participe d’une quête de soi.
c) Les rencontres virtuelles, à base d’affinités, sont la prémice d’un couple à
toute épreuve.
d) Dans les rencontres en ligne, on nie l’importance du corps, des émotions,
des souvenirs.
e) L‘art de la séduction, l’amour romantique est devenue obsolète.
f) Le mariage n’est plus une condition du couple heureux.
2. Quelle serait votre réaction devant l’une des affirmations suivantes
1. Je suis libre de choisir mon genre selon mes penchants et ma personnalité.
2. Le métrosexuel c’est la décadence de l’homme. Il n’y a plus d’hommes,
des vrais !
3. Les femmes sont partout
4. On peut se passer des hommes

G. CONTRASTES
1. ETUDES DE CAS : Condition féminine / condition masculine /
condition des genres dans un pays éloigné culturellement du vôtre. Débattez
de : l’accès des femmes à l’éducation ; leur degré de présence dans l’espace
public ; leurs valeurs / pratiques quotidiennes / intérêts, etc. ; l’identité
masculine : nouvelles valeurs, nouveaux comportements ; l’égalité / l’inégalité
des sexes (éducation, travail, mariage) ; les causes de l’inégalité (tradition,
religion, coutumes, pratiques culturelles) ; le rapport à l’amour et à la sexualité,
etc. Vous pouvez vous inspirer aussi des textes suivants :

1.1. Les allumées suédoises. Le modèle suédois de l’autonomie féminine déboule


sur toute l’Europe. Sauf qu’à Stockholm adolescentes et quadras continuent de
célébrer la romance et le romantisme.

(...) A la révolution féministe façon Mai-68, la Suède a préféré l’évolution: un processus


tranquille mais inexorable amorcé dans les années 40, lorsque la femme devint dans toute
la Scandinavie « un élément non négociable » de la démocratie. Cinquante ans plus tard,
l’image de la Suédoise solidement établie dans le monde du travail, à qui le Parlement a
donné les moyens juridiques et financiers de sa liberté, est l’exemple obligé dans l’Union
européenne. Un détail qui dit tout : dans le métro de Stockholm, vous ne verrez jamais
une mère de famille soulevant à grand-peine son bébé d’une main et la poussette de
l’autre : des rails sont posés sur les escaliers. (…) « Les hommes savent depuis trois
générations que les femmes peuvent être flics ou diriger une grosse entreprise », explique
Helena Larssen, serveuse dans un restaurant de la capitale. (...) [Ici], personne n’est tenté
de déceler dans le célibat prolongé le signe d’une anomalie, moins encore la conséquence
d’une disgrâce physique. La vie en solo, c’est naturel. Etre célibataire n’est pas

8
dévalorisant. On ne vous juge pas, on ne vous questionne pas. A tel point, paradoxe
ultime de l’indépendance absolue, que les garçons osent rarement aborder un groupe de
filles. (..) A entendre [ces femmes], l’émancipation féminine ne doit pas beaucoup au
volontarisme politique : ce serait un état naturel, inscrit dans « l’âme suédoise » (...).Dans
ces contrées où l’on inculque très jeunes aux fillettes les vertus de l’autonomie, où le
culte du Viking charmant est quasi déplacé, les femmes ne cessent pourtant de célébrer la
romance et le romantisme. Les plus solitaires construisent même autour de cette
aspiration une politique du tout ou rien. Pour être aimable, l’homme doit apporter « un
plus » : « Il vaut mieux être seule avec soi-même que seule avec quelqu’un », affirme
Eva, une autre célibataire.

Anne Crignon, « Au royaume des célibataires », Le Nouvel Observateur, semaine du


jeudi 18 février 1999.
(http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p1789/articles/a37634-.html?xtmc=annecrignon&xtcr=52)

1.2. Catherine Coquery-Vidrovitch, « Les Africaines apprennent à se passer des


hommes », L’Express.fr, propos recueillis par Dominique Simonnet, mis à jour le
10/09/2004, publié le 16/10/2003
(http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/les-africaines-apprennent_494974.html)

CC-V : La condition actuelle de la femme africaine n’est toujours pas enviable. La


société africaine reste très machiste. Les jeunes hommes qui cherchent du travail se
sentent attaqués dans leur virilité par ces femmes qui réussissent. Même si elles ont
acquis le droit de vote (…), les femmes africaines restent inférieures à l'homme. Dans les
grandes villes, elles assurent surtout des petits métiers « informels »; la prostitution s'est
multipliée depuis une vingtaine d'années, avec l'apparition de souteneurs (…) Le
caractère très sexuel des rapports empoisonne toujours la vie des femmes.

DS : Un grand nombre de femmes sont encore victimes de mutilations sexuelles.

CC-V : Oui. Un islam mal compris, les croyances populaires, et les matrones qui en ont
fait leur gagne-pain, les perpétuent. (…) Mais les choses sont en train de changer depuis
que les associations de femmes de village (…) se mobilisent. (…).

DS : Quelles sont les amorces du changement aujourd'hui?

CC-V : Dans les milieux populaires, les femmes veulent désormais décider des
naissances et disposer de leurs biens. Le moyen le plus radical, et très répandu, c'est la
cellule familiale sans homme.

DS : Sans homme!

CC-V : Oui. L'homme est parfois admis: on vit avec lui si ça marche, on le chasse si cela
ne marche pas. En pays musulman, on se débrouille pour se faire répudier, en se rendant
insupportable, en ne faisant plus la cuisine. Puis on organise la cellule familiale avec des
sœurs, des parentes. Ainsi, dans les villes, les femmes se marient de moins en moins. (…)

9
Le modèle de la femme chef de famille se répand de plus en plus, et fait preuve d'une
incroyable modernité. L'ordre des choses s'inverse: l'homme est admis parce qu'on a
besoin de lui pour faire l'amour, un point c'est tout.

1. 3. « L’île aux Iraniennes », Libération.fr, vendredi 23 février 2007

Une île dans le nord de l'Iran sera réservée exclusivement aux femmes. Les autorités ont
indiqué qu'il n'y aura aucun homme sur Arezou, l'une des 102 îles du lac d'Oroumiyeh,
proche de la frontière turque. Les transports publics, les hôtels et restaurants
n'emploieront que du personnel féminin. Selon un responsable municipal, cette décision
permettra de « doper le tourisme dans la région ».

1.4. Natacha Henry, « De si petites mariées », L’Express.fr, mis à jour le 11/01/2007,


publié le 07/03/2002
(http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/de-si-petites-mari-eacute-es_478786.html)

Dans les campagnes, loin d'Addis-Abeba, 74% des filles sont mariées avant 15 ans.
Parfois dès 3 ou 4 ans. Pour celles qui fuient leur époux, c'est, au mieux, un emploi
de bonne, au pire, la prostitution. Pourtant, cette pratique archaïque et dangereuse
est interdite par la loi. Les ONG tentent d'y mettre un terme
Une hutte en torchis à Yekrar Zabzaba, au milieu des hauts plateaux éthiopiens, à 1 000
kilomètres au nord d'Addis-Abeba, dans l'Amhara. Quelques animaux, chevaux et
chèvres, raclent un herbage clairsemé. Des voisins en haillons, pieds nus, sont venus
partager une injera, le pain traditionnel. C'est le mariage de la petite Tizé Meretu. Elle
doit avoir 10 ans à peine. A jeun depuis vingt-quatre heures, elle est entièrement
enveloppée - visage compris - dans une grande étole blanche. Elle attend, muette, que le
témoin vienne la charger sur son dos pour la remettre à son futur mari, dont elle ne sait
rien et qu'elle n'a jamais vu.
Il arrive, Getahun Derebe, 22 ans, tout fier dans son beau costume. Entouré de ses amis, il
demande rituellement à la famille de Tizé la main de la petite. Le père fait mine de
refuser. La négociation s'éternise. (…) Les hommes palabrent toujours. A l'écart, avec les
autres femmes, la mère de Tizé assiste en silence à l'élaboration du contrat par les
anciens. Oralement, son gendre s'engage à ne pas toucher le corps de Tizé pendant un an
et, par écrit, à lui permettre d'aller à l'école. (…) Pour l'instant, tout va bien. Ils dorment
désormais dans une hutte à part, ensemble. Comment résister à ses pulsions alors qu'on
est allongé à côté d'une fille qui vous appartient légalement? Getahun ne tiendra pas sa
promesse. Personne n'en fera un drame - sauf si l'enfant souffre de complications
gynécologiques. Alors il sera trop tard.
A quelques kilomètres de là, à une heure de marche de Debark - la ville la plus proche -
Wubit Dersso, 11 ans, vit depuis deux ans dans sa belle-famille. Dans sa robe de toile
bleue, la seule qu’elle possède, elle se tient sage comme une image, tête baissée, les yeux
rivés au sol. Elle est mariée à Tegegne Bizu, un personnage respecté, un prêtre chrétien
orthodoxe. (…) Wubit sait parler de ses trois copines. Elle sait parler de ses travaux
quotidiens. Mais de son mariage, elle ne peut rien dire, comme si tout était effacé. Elle a
brusquement quitté les siens pour se plier aux ordres d'une nouvelle famille, et, bien qu'il

10
prétende le contraire, aux assauts nocturnes de leur fils. Quand il sort de la hutte, et
qu'elle lève enfin son regard, le traumatisme se lit clairement.
(…) Les parents de Tizé et de Wubit, comme tous ceux qui précipitent ainsi leurs filles
hors de l'enfance, ont pourtant cru bien faire. Il en est ainsi depuis des siècles. Remettre
en question l'autorité des générations précédentes reste tabou. Et, encore aujourd'hui, tout
concourt au mariage précoce. D'abord, la pauvreté ; [à] cela s'ajoutent la malnutrition,
l'analphabétisme et l'insalubrité.

1.5. Claire Chartier, « Les femmes – un statut d’infériorité », L’Express.fr, mis à


jour le 12/06/2008, publié le 12/06/2008
(http://www.lexpress.fr/actualite/societe/religion/les-femmes-un-statut-d-inferiorite_510604.html)

Le Coran leur donne des droits, mais l'homme reste le maître du foyer. Ce qui était
précurseur au VIIe siècle est devenu archaïque.

(…) Avec le Coran, la femme devient l'égale de l'homme devant Dieu. Elle est membre
de la communauté. Sur le plan juridique, elle s'affirme comme un sujet de droit
autonome, bien qu'infériorisé. Elle peut hériter, même si elle ne jouit que d'une demi-part.
Les juges tiennent compte de son témoignage, mais sa parole vaut la moitié de celle d'un
homme. Elle ne peut être mariée contre son gré et le droit l'autorise à divorcer après avoir
été répudiée. Enfin, la polygamie masculine - fléau des sociétés tribales d'alors - est
limitée à quatre épouses par foyer.
Mais, de véritable égalité juridique, point. L'islam naît dans un monde patriarcal, qui tient
la femme pour faible et vulnérable. Certains hadith - les actes et les paroles du Prophète -
la présentent même comme physiologiquement inférieure. Dans le classement juridique
des catégories de l'humanité, elle arrive en fin de liste, après les hommes et les
adolescents. Toute épouse vit sous la menace de la répudiation. L'homme est libre de
convoler avec une croyante d'une autre confession, alors que la femme doit épouser un
musulman. En cas de divorce, l'ex-mari obtient la garde des enfants, ainsi que la
jouissance du domicile familial. L'homme protège les siens et subvient intégralement aux
besoins de la famille - même si son épouse travaille de son côté. Aussi est-il maître en
son foyer et dans son lit, comme le stipule le verset 34 de la sourate IV : « Admonestez
[les femmes] dont vous craignez l'infidélité ; reléguez-les dans des chambres à part et
frappez-les. Mais ne leur cherchez plus querelle si elles vous obéissent. »
L'épouse, n'ayant pas à partager les frais du ménage, ne peut bénéficier des mêmes droits.
S'avise-t-elle de commettre l'adultère, c'est la lapidation, pour elle et son amant.

11
1.6. Philippe Boulé-Gercourt, « Hello, mummy bobo », Le Nouvel Observateur,
semaine du jeudi 21 octobre 1999
(http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p1824/articles/a27037-.html?xtmc=hellomummybobo&xtcr=1)

On les croyait beaux, bronzés, musclés, élevés aux corn flakes et aux belles certitudes de
l’impérialisme yankee. On les découvre soudain dépressifs, paumés, largués, complexés.
Les mâles américains ne vont pas bien. (…) « Les hommes américains, [dit Michael
Gurian], sont parmi les plus immatures de la planète. Nous ne sommes pas adultes avant
l’âge de 35 ou 40 ans, parce qu’on ne nous apprend pas à l’être ». L’Amérique de l’après-
guerre, écrit [la théoricienne féministe] Susan Faludi, s’est construite sur un gigantesque
mythe : celle du GI victorieux. « Les Etats-Unis sont sortis de la Seconde Guerre
mondiale avec le sentiment d’être une nation masculine, nos boys étant prêts à revêtir le
manteau de l’autorité nationale et du leadership international ». Dans les années 60, un
Kennedy illustrait encore ce mythe et Norman Mailer pouvait noter en 1968 que « la
virilité est le VRP caché de tous les programmes politiques américains ». La guerre du
Vietnam, l’après-68 et l’émancipation féminine ont changé tout cela, mais sans réinventer
le mythe. « L’idée d’un homme contrôlant son environnement est aujourd’hui l’image de
la masculinité qui prévaut en Amérique », constate Faludi.

2. TABLE RONDE : Représentations de la sexualité et des relations


entre les sexes dans les médias. Vous pouvez également tenir compte des
considérations ci-dessous
( http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/ stereotypes/femmes_filles/sexualite_relations.cfm)

La femme, objet sexuel. Les images provocantes de femmes nues ou légèrement vêtues
sont particulièrement abondantes dans la publicité. Shari Graydon, une ancienne
présidente d’Évaluation-médias, affirme que la publicité sexualise le corps des femmes
pour mieux attirer l’attention du public. Les femmes deviennent des objets sexuels à
partir du moment où leur corps et leur sexualité sont associés à des marchandises. (…)
Beaucoup de chercheurs se demandent si cette sexualisation outrancière du corps féminin
dans les médias est vraiment libératrice. (…) En France, notamment, plusieurs grandes
marques et produits prestigieux (parfums, vêtements signés, accessoires de luxe) ont
lancé des campagnes publicitaires dont l’esthétique s’inspire de la pornographie. Ceci a
lancé le porno chic, une mode qui a inquiété de nombreux groupes de femmes. Selon eux,
ce type de publicité véhicule le stéréotype de la femme-objet et banalise la violence
sexuelle en lui donnant une image glamour.

Le couple : une affaire de femme. Le couple est l’un des sujets de prédilection des
magazines féminins qui offrent une panoplie de conseils pour séduire l’homme de sa vie
ou d’une nuit, amener son copain à s’engager, ou redonner du piquant à sa vie sexuelle.
Dans ces chroniques, souvent inspirées par des livres de psychologie populaire, la vie de
couple est présentée de manière irréaliste et figée. La communication et le pardon
semblent pouvoir régler n’importe quel problème, cinq étapes suffisent à vous donner la
vie sexuelle de vos rêves, les hommes répondent tous de la même façon aux avances des
femmes, etc. Le plus grand problème des magazines féminins, selon Laurie Abraham,
rédactrice en chef adjointe du magazine Elle américain, « c’est la quantité de mensonges

12
qu’ils propagent sur la sexualité ». En plus de ne refléter en rien la réalité, les articles sur
la sexualité dans les magazines tendent à renforcer les stéréotypes sexuels. Les lectrices
de magazines apprennent indirectement, par le biais de recettes de bonheur, que leur vie
amoureuse, sexuelle et familiale est uniquement sous leur responsabilité. Ces publications
transmettent une vision très traditionnelle du couple et de la famille, dans laquelle la
femme prend soin de son monde et assure l’harmonie du foyer. (…) Jean Kilbourne fait
remarquer que le sexe dans les médias est souvent condamné « d’un point de vue
puritain » : il y en a trop, il va trop loin, il encourage les jeunes à la promiscuité, etc.
Mais, en fait, « les médias banalisent le sexe beaucoup plus qu’ils n’en font la promotion.
Ce n’est pas un problème de moralité, mais de superficialité et de cynisme. On nous
propose une pseudo-sexualité qui rend d’autant plus difficile la quête de notre
authentique sexualité personnelle ».

II. REPERES GRAMMATICAUX. Agencement de la phrase et du


discours II. La dislocation de la syntaxe traditionnelle et la mise en relief
La dislocation de la syntaxe traditionnelle apparaît comme un moyen emphatique, qui se
réalise par le truchement des coupures de phrases ou de l’ellipse de la phrase principale.
Il s’agit là d’un morcellement voulu de la syntaxe, dont l’effet est le rapprochement du
registre oral, familier, et, implicitement, du lecteur. Dans la phrase, l’ordre normal des
mots (voir cours 3) peut également être bouleversé lorsque l’on met en relief certains
mots ou groupes de mots afin d’exprimer une émotion vive / une insistance / un effet
particulier. Plusieurs cas de figure peuvent intervenir lors de la mise en relief :
1. Transformation de l’ordre le plus fréquent des termes : Un complément
circonstanciel ou un adverbe seront placés en tête de la phrase :
Un accident a eu lieu à la sortie de la ville / A la sortie de la ville a eu lieu un
accident.

2. Phrase segmentée : Reprise / anticipation du mot mis en relief par un pronom de


rappel ou un adverbe placé au voisinage immédiat du verbe :
Maman achète très peu de vetêments / Les vetêments, maman les achète très peu.
respectivement J’ai déjà lu ce roman. / Je l’ai déjà lu, ce roman.

3. Emploi des termes de présentation (les présentatifs) ou d’insistance : les tournures


c’est, voici, voilà, pour (ce qui est de), quant à ; les formes composées du pronom
démonstratif, suivies ou non d’un pronom relatif ; la locution à sens restrictif il n’y a
que… qui (pour la mise en relief du sujet).

Exercices :
1. Transformez les phrases suivantes, en introduisant les présentatifs c’est … qui,
c’est … que, afin de mettre en relief les mots soulignés :
Maman et papa nous ont envoyé cette belle carte. Mon frère l’a trouvée dans la boîte
postale. Il l’aime le plus. Hier nous sommes partis pour Paris. Nous y arriverons demain
matin. Nos amis nous ont invités chez eux. Ils nous feront visiter les musées et les
monuments de la capitale. Nous leur offrirons un petit cadeau. Nous serons de retour par
avion. L’été prochain nous les inviterons chez nous. Nous leur ferons visiter notre belle
région.

13
2. Selon le modèle suivant, transformez en phrases segmentées les phrases
suivantes :
J’ai toujours aimé faire de longues promenades / Faire de longues promenades, je l’ai
toujours aimé.
La femme devant eux était leur collègue. Il aimait profondément ce village. Ils détestent
travailler à temps-plein. Deux ou trois jours suffiraient à ce que vous finissiez ce travail.
Je ne me suis jamais aventuré sur ce sentier. L’enfant a demandé à sa sœur ce jouet. Nous
avions vu cet homme peu d’heures auparavant. Vous serez partis dans deux semaines. On
dit à l’école que cet enfant a bien des chances de réussir à condition de quitter ce bled
perdu au milieu de nulle part.

3. Transformez les phrases suivantes, en utilisant comme procédé de mise en relief


l’inclusion du verbe entre ce (celui, celle) qui … c’est ou ce (celui, celle) que… c’est :
Sa repartie m’a prise au dépourvu. J’aime regarder ce paysage troublant. Mon amie
m’écrit le plus souvent. Elle m’a envoyé un bel album d’art. Je voudrais revoir mon
grand-père. Il a de belles histoires à me raconter. Nos séparations lui causent toujours
beaucoup de chagrin. Le temps qui passe lui fait mal.

4. En ayant recours aux procédés de la mise en relief, rédigez le texte d’une publicité
(intérêt touristique, culturel, historique, commercial, etc.) pour la ville où vous
habitez / aimeriez habiter.

III. DISCOURS MEDIATIQUES. L’écriture journalistique


Lisez le texte :
« Quantité et qualité de l’information d’aujourd’hui »
De nos jours, la hausse du nombre des titres et des chaînes n’est pas accompagnée par la
qualité du contenu. Pourtant, le caractère éphémère de l’écriture journalistique n’enlève
en rien son pouvoir informatif. Au contraire, roman quotidien de la société, la presse
devrait rester, pour les générations suivantes, le miroir fidèle d’une humanité et d’une
époque, surprises au quotidien : ses doutes, ses angoisses, le dynamisme social, politique,
ses pratiques culturelles, sa langue, ses préoccupations, ses personnalités. Dédaignée
aujourd’hui, elle sera le réservoir informationnel de demain.
Servan-Schreiber surprend le désintérêt croissant des gens pour les canaux d’information,
devenus une marchandise dérisoire :
« Alors que pendant des siècles l’homme informé a fait figure de privilégié, l’information
n’est plus, pour le citoyen des pays développés qu’un produit de consommation qu’il
n’hésite pas à gaspiller. (…) Les revues s’empilent sur les tables des abonnés qui n’ont
pas le loisir de les parcourir. Les radios et les télévisions demeurent fermées, la plupart
du temps, pendant que le torrent de nouvelles qu’elles débitent n’est capté que par des
minorités successives d’auditeurs.
Plus qu’un produit, l’information est aujourd’hui considérée, au même titre que l’eau et
l’électricité, comme une ressource en permanence disponible et à laquelle on n’a accès
qu’en fonction des besoins de moment ou des habitudes. (…) Devenue financièrement un
sous-produit de la publicité, l’information (…) est la denrée moderne la plus

14
démocratique puisque c’est la même que s’offre un ministre ou un employé de banque.
Mais de tous les progrès, le plus essentiel et le plus inachevé réside dans la qualité ».

Jean-Jacques Servan-Schreiber, aussi appelé par ses initiales JJSS, né Jean-Jacques


Schreiber le 13 février 1924 à Paris, mort le 7 novembre 2006 à Fécamp (Seine-
Maritime), était un journaliste, essayiste et homme politique français. JJSS crée en 1953
le journal L'Express avec la journaliste Françoise Giroud. À seulement 30 ans, Jean-
Jacques Servan-Schreiber est le directeur de son propre journal, où écriront Albert
Camus, Jean-Paul Sartre, André Malraux et François Mauriac.

1. Quelles sont les caractéristiques actuelles de l’information, selon Servan-Schreiber?


Partagez-vous son opinion ?
2. Relevez différents types de comportements d’accès à l’information.

3. Commentez l’affirmation : « l’information est aujourd’hui considérée, au même


titre que l’eau et l’électricité, comme une ressource en permanence disponible et à
laquelle on n’a accès qu’en fonction des besoins de moment ou des habitudes ».

Stratégies d’écriture : Le plan journalistique


Une journaliste exemplaire, Françoise Giroud1

« Mettez les plus belles fraises sur le dessus du panier »

Le travail du journaliste c’est de montrer les faits, de les comprendre, pour les expliquer,
les faire comprendre. Il ne s’agit pas de faire de la littérature, il s’agit d’exprimer en
phrases courtes et nettes ce qui est. Un article est alors dicté par quelques principes
simples et impérieux : toute l’information doit être dans les trois premières phrases, en
quelques lignes le lecteur doit avoir compris.
Au quotidien, Françoise Giroud a été une formidable patronne de presse : relisant sans
arrêt, et faisant réécrire, tous les articles de ses journalistes, n’hésitant pas à reprendre
elle-même les papiers qui ne donnaient pas entière satisfaction, aidant chacun à clarifier
sa pensée en même temps que son style. Elle était l’exigence incarnée, incontestable
parce que s’appliquant à répondre elle-même à la discipline qu’elle demandait aux autres
de tenir. Avec un sourire impérieux, elle traçait la ligne, elle était suivie. Face à cette
exigence et au cap fixé, le doute n’était pas de mise.
Impitoyable pour les paresses, les imprécisions, les facilités, les mensonges, les
complaisances … les « amateurs ». Le journalisme est un métier qui ne se satisfait ni
d’approximation ni d’invention, ni de délation, ni de rhétorique.

Fiche pratique : les secrets du bon journaliste

1
De son vrai nom France Gourdji, Françoise Giroud a servi aussi bien la plume que la société : écrivain,
essayiste, chroniqueuse, ancien secrétaire d’Etat à la condition féminine, puis secrétaire d’Etat à la culture.
En 1953, Françoise Giroud crée avec Jean-Jacques Servan-Scheiber L’Express, dont elle est la directrice de
rédaction. Dans son hommage, au moment de sa disparition, Jacques Attali a écrit « que la force la plus
grande de sa vie, c’était l’amour avec lequel elle faisait les choses » (L’Express, 23 janvier 2003).

15
Vous y trouverez quelques principes essentiels pour la rédaction de votre article :
• Pour le public et le journaliste, « l’ordre logique n’existe pas », il n’y a
qu’un ordre d’intérêt :
- le plus important de l’article doit figurer dans le titre et le chapeau ;
- dans chaque paragraphe, l’idée principale doit être mise en tête ;
- dans chaque phrase, les mots importants doivent venir d’abord.
• Le suspense d’un article, contrairement à celui d’un roman policier, c’est
celui des motifs et non des conclusions. Lorsqu’il affirme sa conclusion
d’emblée, le journaliste suscite l’intérêt, l’intrigue, choque le lecteur. On a
affaire à un lecteur pressé.
• Les avantages de cette méthode de rédaction : elle incite à être bref et
permet de réduire le texte à volonté.

La pyramide inversée :
Retrouvez ci-dessous les recommandations d’écriture journalistique, exprimées
synthétiquement par la pyramide des questions. Elles vous aideront à être concis et à
rendre intéressant le contenu de votre article.

___________________
COMMENT
POURQUOI
QUOI
QUI
QUAND

Activités :
a) Présentez en français une information lue dans un journal roumain.
Respectez les recommandations pour la présenter sous forme synthétique.
b) Développez une nouvelle récente de l’actualité dans un article personnel.
c) Réduisez un texte de presse / en une dépêche / un filet / un entrefilet.
d) Un collègue étranger veut prendre le pouls de l’actualité roumaine /
francophone d’un pays de votre choix. Rédigez en français un compte-
rendu succinct des événements de la semaine.

DIRE AUTREMENT
claquer : dépenser
fringues : vêtements
arpenter : marcher
délurée : débrouillarde, effrontée
fleur bleue : sentimentale, romanesque
points noirs : obstacles
se raréfier : diminuer
mâtiné : mêlé à quelque chose
se pomponner : apprêter sa toilette avec coquetterie
regard de braise : regard brillant

16
khôl : fard noir
sarong : pagne asiatique porté par hommes et femmes
fuchsia : rouge violacé
coup de grisou (fig.) : explosion
flou : ambiguïté
embaucher : recruter
branché (fam.) : au courant de tout ce qui est dans le vent ; à la mode
concocter (plais.) : élaborer, préparer
brouiller : altérer, troubler, embrouiller
des tombereaux (fig.) : grande quantité
une nana : gonzesse, nénette, pépée, jeune fille, jeune femme
grisant : enivrant, excitant
caser (fam.) : placer, loger

17
Dossier 6

Les aléas du multiculturalisme. Les accommodements


(dé)raisonnables. Le tollé médiatique

I. COMMUNICATION INTERCULTURELLE

Lisez les textes suivants :

1. Il a fallu que ça vienne de Hérouxville. Enfin des élus qui ont le courage de se tenir
debout face aux hordes de talibans qui débarquent sur nos rivages avec leurs grosses
valises pleines de traditions obscurantistes. (...) Hey, ça va faire, les talibans, OK, là!
Bon. Allez faire ça ailleurs si vous voulez, mais à Hérouxville, ils ont adopté des Normes
de vie. Pas de lapidations sur la place publique. Ni dans la cour. Il était temps. Parce
qu’avant la semaine dernière, il faut bien le dire, tu arrivais à Hérouxville, et tu ne savais
pas trop. On aurait dit qu’on y jouait un peu sur tous les tableaux. (...) Il y avait depuis
toujours un je-ne-sais-quoi de pas net. Des gens te regardaient drôlement quand tu
mangeais ton sandwich au jambon. Si tu prenais un verre. Tu conduisais ta
moissonneuse-batteuse le jour du sabbat, et tu filais mal. Oh, n’exagérons rien, on
n’arrêtait personne pour ça. Mais il y avait ce malaise. Un non-dit. Eh ben voilà, grâce au
conseiller municipal André Drouin, tout ça, c’est terminé. Il y a maintenant des « normes
de vie » claires et précises. Fini les passe-droits pour les fous de Dieu! (...) L’autre chose
qu’il y a de vraiment bien dans ces normes de vie, c’est qu’on dit maintenant à tous les
sikhs qu’ils n’ont pas le droit d'apporter un couteau, même symbolique, à l’école. Quoi, il
n’y a pas de sikh à Hérouxville? Et alors? Vous croyez que c’est une norme
discriminatoire? Le règlement s’applique à tous, et en ce sens il est exemplaire
d'universalité. (...) Faudra-t-il des parkings à soucoupes volantes pour accommoder les
raéliens, hein? (...) Est-ce qu’on va enfin laisser les gens de Hérouxville vivre leur vie
tranquille? Que dites-vous? Sur les 1300 habitants, il n’y a pas le moindre immigrant au
village? Jamais personne ne les a embêtés avec la moindre demande d’accommodement?
Et tout ceci est la preuve de la plus grande confusion intellectuelle, mêlée de panique
identitaire, qui entoure le sujet? Sans compter que c’est totalement inutile et illégal? Tant
que vous voulez, mais que les talibans se le tiennent pour dit. Le conseiller Drouin les
attend avec ses (é)normes.
Yves Boisvert, « Que les Talibans se le tiennent pour dit », La Presse, du 29 janvier 2007
(http://www.vigile.net/vigile4063.html)

2. [Les normes de vie d’Hérouxville] intervien[nen]t en plein débat sur les «


accommodements raisonnables ». En vertu de la Charte des droits et libertés, tout
Québécois présentant des besoins particuliers se voit juridiquement assuré qu’il pourra
être satisfait. Les personnes handicapées sont les premières à bénéficier de cette loi. Les

1
communautés immigrées en profitent aussi. Les jeunes sikhs ont ainsi obtenu le droit de
porter leur kirpan (un couteau, symbole religieux) à l'école, et les musulmanes qui
refusent d'être auscultées par des médecins de sexe masculin dans les hôpitaux sont
dirigées vers leurs consœurs. Une tolérance que certains jugent excessive. Notamment à
Hérouxville, qui ne compte qu’une poignée d’immigrés.
Emmanuelle Langlois, « La croisade xénophobe d’un village québécois », Libération, du
vendredi 16 février 2007 (http://www.vigile.net/La-croisade-xenophobe-d-un-village)

3. Ridicule, surréaliste, grotesque!


Le règlement adopté par les conseillers municipaux de Hérouxville a fait dresser les
cheveux sur la tête à de nombreux spécialistes du droit et de l’accommodement
raisonnable.
Surréaliste, grotesque, ubuesque
Mme Azdouz [la vice-doyenne de la faculté d’éducation permanente de l’Université de
Montréal] croit que le cas de Hérouxville illustre l’immense clivage qui sépare Montréal
des régions du Québec. « On vante souvent le multiculturalisme québécois, mais ce
phénomène n’existe qu’à Montréal. En région, le degré d’ignorance envers les
immigrants est beaucoup plus grand, car il n’y en a pas ! » explique-t-elle.
Ariane Lacoursière, « La démarche des élus de Hérouxville inquiète », La Presse, du
dimanche 28 janvier 2007 (Avec la collaboration de Pierre-André Normandin, Le Soleil)
(http://www.vigile.net/Ridicule-surrealiste-grotesque)

4. C’est ici que tout a commencé, au fin fond du Québec immuable et tranquille.
Hérouxville : 1 338 habitants, un village perdu au milieu des collines et des forêts de la
Mauricie, à 200 kilomètres au nord-est de Montréal. L’église est surmontée du
traditionnel clocher en zinc, les fermes portent en grosses lettres le nom du propriétaire,
il y a des drapeaux à fleurs de lis devant les maisons en bois. Et, bien sûr, l'inévitable «
dépanneur » (l'épicerie version québécoise) dans la grand-rue. L'hiver il fait -30 °C,
l'automne on chasse le chevreuil et l'orignal. Un rythme à peine troublé par le passage
biquotidien du train de marchandises.

Et puis voilà que, le 25 janvier, le conseil municipal adopte un document qui fait l’effet
d’une bombe. Il s’agit d’un « code de vie » destiné aux immigrés qui auraient l’idée
saugrenue de venir s'établir dans ce bled perdu au milieu de nulle part. (…)

Publié le surlendemain dans le plus grand quotidien québécois, La Presse, ce manifeste


fait sensation. Toute la planète médiatique débarque à Hérouxville pour essayer de
comprendre quelle mouche a piqué ses citoyens. (…) Dans ce pays du « vivre et laisser-
vivre », l'affaire d'Hérouxville révélait brutalement des non-dits inquiétants. (…) Rachida
Azdouz (…) résume : « Le Québec découvre que l'immigration n'est pas seulement un
apport mais qu'elle peut être aussi une source de conflits. Ici, cette question a longtemps
été complètement déconnectée du réel... » (…) D’où un furieux débat sur ce qu’on
appelle ici les « accommodements raisonnables » . En droit canadien, cette notion qui
existe depuis 1985 implique qu'un employeur ou une institution a une obligation
d'accommodement vis-à-vis d'un individu qui invoque une discrimination fondée sur la
race, l'origine nationale, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales

2
ou physiques. Le premier cas, célèbre, fut celui d'une employée des grands magasins
Sears, adepte de l'Eglise universelle de Dieu, dont les préceptes interdisent de travailler le
samedi. Elle obtint gain de cause devant les tribunaux. (…) Faut-il croire alors que le
Québec a dépassé la cote d'alerte en matière d'immigration ? Contrairement au
multiculturalisme canadien, qui met toutes les cultures sur le même plan au sein d'une
mosaïque ethnique, le credo officiel du Québec reste celui de l’« interculturel » :
entendez une société ouverte aux apports et aux échanges, mais organisée autour d’une
culture centrale francophone. Tout ce qui pouvait montrer les limites de cette politique,
ou accréditer l’idée d’un Québec rigide et fermé face au reste du Canada multiculturel et
ouvert, a été proscrit du discours officiel. Si l’on ajoute à cela le poids d'une tradition
québécoise du consensus, qui met le couvercle sur tout ce qui fâche et qui frise parfois
l’angélisme, on comprend mieux le syndrome d’Hérouxville. (…) C’est que le grand
déballage sur l’immigration révèle aussi la fragilité identitaire du Québec. Après la
défaite aux trois référendums successifs sur la souveraineté, et le recul du Parti québécois
(indépendantiste) aux dernières élections, on avait pu croire cette page-là tournée. Mais
justement : privé de la souveraineté comme ciment identitaire, le Québec découvre
soudain sa vulnérabilité devant l'immigration et retrouve des réflexes de citadelle
assiégée. Assiégée de l’extérieur par le reste du Canada dont le multiculturalisme n’est, à
ses yeux, qu’une façon de noyer le fait québécois. Assiégée de l’intérieur, ensuite, par ses
propres immigrés soupçonnés de vouloir faire bande à part. (…) Hérouxville, au fond,
n’aura été que le miroir grossissant du Québec. Face à l’immigration, ce miroir lui a
renvoyé l’image de craintes légitimes, mais aussi de ses peurs et de ses vieilles blessures.
Celles des peuples dont le combat pour l’identité, et sa reconnaissance, n’est jamais
vraiment fini.
Dominique Audibert, « Immigration – Québec: la bataille de l’identité », Le Point.fr, du
19 juillet 2007
(http://www.lepoint.fr/actualites-monde/quebec-la-bataille-de-l-identite/924/0/193037)

NB : Vous trouverez en annexe le texte intégral des Normes de vie.

A. LE TEXTE ET VOUS
1. Cette partie du dossier porte sur un événement qui, au Québec, a défrayé la
chronique médiatique locale et non seulement. Avant de lire les textes, choisissez
parmi les titres suivants celui qui vous attire :
a) Yves Boisvert, « Que les Talibans se le tiennent pour dit », La Presse, du 29
janvier 2007
b) Emmanuelle Langlois, « La croisade xénophobe d’un village québécois »,
Libération, du vendredi 16 février 2007
c) Ariane Lacoursière, « La démarche des élus de Hérouxville inquiète », La
Presse, du dimanche 28 janvier 2007
d) Dominique Audibert, « Immigration – Québec : la bataille de l’identité », Le
Point.fr, du 19 juillet 2007
e) « Normes de vie à Hérouxville », La Presse, du 27 janvier 2007

3
2. Lisez le premier texte et faites des hypothèses sur l’événement qui a déclenché
ces réactions. Expliquez la relation qui existe entre ce premier texte et le titre du
dossier. Quelles sont les questions que vous vous posez sur cet événement ?
3. Lequel des quatre titres résume / illustre le mieux le texte respectif / l’événement
auquel il est fait référence ? Pourquoi ?

B. VOUS ET LE SUJET DU TEXTE


1. Indiquez les mots / les valeurs que vous associez aux concepts de
« multiculturalisme » et d’« accommodements raisonnables ».
2. Indiquez les images / les mots que vous associez avec le Québec. Par quels
moyens ces informations vous sont-elles parvenues ?
3. Le sujet des « normes de vie » d’Hérouxville attire-t-il votre intérêt ? Pourquoi ?
4. Estimez-vous que le tollé médiatique qu’il a soulevé est :
1. exagéré
2. justifié
3. légitime
5. Ce tollé concerne :
1. uniquement les Québécois
2. les Québécois et les Canadiens
3. le monde entier
4. exclusivement les sociétés multiculturelles
5. prioritairement les sociétés multiculturelles
Justifiez.
6. Selon vous, il a été provoqué principalement par :
1. les normes proprement dites
2. l’absurde de la situation, avec le clivage entre l’existence de normes de vie
et l’inexistence d’immigrants à Hérouxville
3. l’insignifiance du village
4. la réaction des habitants d’Hérouxville / des Québécois
5. le goût pour le sensationnel des médias
Justifiez.
7. Résumez les « normes de vie ». Selon vous, ces normes étaient-elles nécessaires ?

C. L’AUTEUR, LE TEXTE ET VOUS


1. Après lecture individuelle d’un article, précisez le but que s’est donné son auteur
et résumez l’essentiel dans un sous-titre.
2. Précisez pour chaque texte quels sont l’intention et le ton du journaliste ? Que
savez-vous sur les documents de presse cités et les publics visés ?
3. Y a-t-il, selon vous, une différence de ton / d’approche entre les deux auteurs
québécois et les deux auteurs français ?
4. Les auteurs des quatre articles font usage de termes différents pour décrire /
qualifier les événements d’Hérouxville. Toutefois, ces termes circonscrivent un
champ sémantique assez cohérent ; identifiez-le et commentez-le.
5. Distinguez la part d’information et celle d’interprétation dans les articles
présentés.

4
6. Dans l’article d’Yves Boivert, comment expliquez-vous les différences de ton et
de registre de langue ? Trouvez des exemples de discours direct et les référents
des pronoms ; autrement dit, qui sont les personnes interpellées ?
7. Distinguez : Prenez comme point de départ le même article et reconstituez le
récit. Puisez ensuite dans l’ensemble des textes et synthétisez :
a) Le cadre spatio-temporel dans lequel se passe l’événement
b) Le contexte de l’événement
c) Les faits proprement dits, par ordre chronologique
d) les protagonistes (noms, syntagmes, pronoms qui les désignent). Comment
les auteurs les présentent-ils ?
e) les thèmes du débat
f) Les réactions / les rebondissements
g) Les commentaires / pour la petite histoire
8. Comment le Québec, par la plume de Dominique Audibert, est-il perçu par les
Français ?
9. En quoi cette perception perpétue-t-elle une image reçue, stéréotypée ? Pensez
également à cette phrase, tirée d’un roman-culte de la littérature québécoise : « Au
pays de Québec rien ne doit mourir et rien ne doit changer... » (Louis Hémon,
Maria Chapdelaine)
10. Imaginez la réponse que le conseiller André Drouin aurait pu adresser à l’article
d’Yves Boisvert.
11. Informez-vous sur / imaginez les réactions des habitants d’Hérouxville :
a) aux normes de vie
b) au tollé médiatique qu’elles ont soulevé.
12. Imaginez qu’Yves Boisvert revient à Hérouxville une année et demie après les
événements de janvier 2007 ; l’article qu’il écrirait à cette occasion.
13. Reformulez les phrases :
a) Des élus qui ont le courage de se tenir debout...
b) On aurait dit qu'on y jouait un peu sur tous les tableaux.
c) Fini les passe-droits pour les fous de Dieu.
d) Mais que les talibans se le tiennent pour dit.
e) Comprendre quelle mouche a piqué ses citoyens.
f) Toute la planète médiatique débarque à Hérouxville

D. COMMENTER
COMMENTER, C’EST PRÉCISER
1. Que stipule la Charte canadienne des droits et libertés ?
2. Que savez-vous des sikhs ? Brève présentation (15-20 lignes).
3. Qu’est-ce que le kirpan ?
4. Eu égard à la politique envers les immigrants, en quoi le Québec se distingue-t-il
du modèle canadien ?
5. Quels sont les deux éléments qui, selon Audibert, « assiègent » tant politiquement
que socialement le Québec ?
6. Quelle différence y a-t-il entre acculturation et interculturalisme / entre
multiculturalisme, interculturalisme et fédéralisme ?

5
COMMENTER,
C’EST COMPARER DES CULTURES
1. Imaginez une journée de la vie d’un immigrant qui aurait choisi de s’installer à
Hérouxville (25-30 lignes). Comment le respect des « normes » locales
changerait-il ses pratiques culturelles et comportements ?
2. ETUDE DE CAS : Pensez-vous que les événements d’Hérouxville soient
symptomatiques du Canada entier ? En quoi les textes ci-dessus infirment-ils /
confirment-ils les idées reçues que vous aviez du Canada, en tant que modèle de
réussite du multiculturalisme ?
3. ETUDE DE CAS : Pensez-vous que, de nos jours, il existe encore des
communautés / des pays ethniquement purs ? Quelles motivations / pratiques
culturelles les sous-tendraient ?
4. Pensez-vous que, dans un pays autre que le leur, le port du kirpan par un jeune
sikh ou le refus des femmes musulmanes de se faire consulter par des médecins-
hommes soient :
a) légitimes
b) exagérés
c) incompréhensibles
d) une aberration
Argumentez votre réponse.
5. Dans le pays d’adoption, les immigrants doivent-ils :
a) perpétuer tels quels leurs comportements / valeurs / pratiques culturelles /
mode de vie ?
b) les adapter aux valeurs / pratiques / modes de vie du pays respectif ?
6. ETUDE DE CAS : Montréal, ville métisse. Identité d’emprunt / identité
nationale chez les communautés d’immigrants.
7. ETUDE DE CAS : Le destin historique du Québec est un combat permanent
pour son identité.

E. DEBATTRE
Prenez position et réagissez aux affirmations / questionnements suivants :
« Une institution a une obligation d’accommodement vis-à-vis d’un individu qui
invoque une discrimination fondée sur la race, l’origine nationale, la couleur, la
religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques ».
« L’immigration n’est pas seulement un apport mais elle peut être aussi une source de
conflits ».
Les immigrants vivent dans un entre-deux, encore suspendus à leur culture d’origine
et jamais vraiment intégrés à la culture d’adoption.
La présence de normes écrites est-elle nécessaire dans une société ? Dans quelles
circonstances ?

6
G. CONTRASTES
1. PORTRAIT D’IMMIGRANTS. Essayez de dressez le portrait robot de
l’immigrant de nos jours : catégorie sociale, valeurs, motivations, destinations de
prédilection, rapports avec la culture d’origine / avec la culture d’adoption, etc. Vous
pouvez vous servir aussi du texte suivant, qui, comme vous allez le voir, présente un
parcours exceptionnel :

Immigrants maghrébins. Son Excellence Michaëlle Jean


La gouverneur générale du Canada, représentante de la reine Elisabeth II et
descendante d'esclaves, Haïtienne d'origine et francophone, est une icône pour le
multiculturalisme canadien.

Elle est belle, chaleureuse et spontanée, autant dire pas exactement le style Buckingham
Palace. Si on ajoute qu’elle est noire, d’origine haïtienne, qu’elle a grandi au Québec, où
elle était une star de la télé, et qu’elle a épousé un Français pour aggraver son cas, on
comprendra que Michaëlle Jean, 27e gouverneur générale du Canada, représentante de la
« Queen » et chef de l’Etat en titre, n’était pas prédestinée à sa charge. (…)

Michaëlle Jean n’est pourtant pas née avec une cuillère d’argent dans la bouche. Dans
son discours d’investiture, en septembre 2005, elle rappelait sa naissance à Haïti, ce pays
« barbelé de pied en cap », et l’apprentissage magnifique de la liberté que fut pour elle le
Canada. Ses armoiries personnelles sont surmontées d’un coquillage et d’une chaîne
brisée qui symbolisent le soulèvement des esclaves. Petite fille quand ses parents sont
arrivés au Québec en 1968, comme réfugiés politiques fuyant le régime des Duvalier, elle
a grandi dans l’est du Québec, à Thetford Mines, le pays des mines d’amiante.
Descendante d’esclaves, le Canada reste pour elle « le pays de tous les possibles ». On la
sent affranchie de toute entrave, fière d’avoir été choisie pour incarner la plus ancienne
fonction officielle du pays, mais fidèle à ses racines. En visite au Ghana, devant la « porte
du non-retour » d’où partaient les esclaves au château d’Elmina, elle n’a pu retenir ses
larmes. Intelligente, mais émotive et sensible, elle a appris à se blinder. (…)

Dominique Audibert, « Immigration – Québec : la bataille de l’identité », Le Point.fr, du


19 juillet 2007
(http://www.lepoint.fr/actualites-monde/quebec-la-bataille-de-l-identite/924/0/193037)

2. ETUDE DE CAS : Multiculturalisme et conflits interculturels.


Préparez une étude de cas sur un environnement multiculturel et analysez les sources
de conflits, les solutions, les compromis dans la société / la communauté donnée.
Servez-vous aussi des textes suivants :

2.1. Olivier Bailly et Michaël Sephipha, « Cloisonnement identitaire entre Flamands


et Wallons », Le Monde diplomatique, juin 2005
(http://www.monde-diplomatique.fr/2005/06/BAILLY/12521)
La Belgique célèbre dans une ambiance délétère ses 175 ans d’existence et ses 25 ans
de fédéralisme. La position autonomiste des partis flamands et les querelles
communautaires nourrissent ceux qui pensent que « l’Etat Belgique » ne fêtera pas

7
son 200e anniversaire. Flandre et Wallonie s’engageraient-elles chaque jour un peu
plus dans des chemins séparés, voire opposés ? (…)

Bien connue pour ses surréalistes, la Belgique pratique ce courant artistique au quotidien.
Un des axes routiers principaux du pays, l’autoroute E40, flirte avec la frontière
linguistique qui sépare la Flandre et la Wallonie. Puisqu’elle est massivement empruntée
par les deux communautés, le bilinguisme devrait y être de mise. Ce n’est pas le cas. Les
affiches de campagne de sécurité routière sont tantôt en néerlandais, tantôt en français,
selon la région où elles sont implantées. Le long de l’E40, la ville flamande « Tienen »
devient « Tirlemont » en région wallonne et la ville wallonne « Waremme » sera indiquée
sous le nom de « Borgworm » en région flamande. Déconcerté par ces noms changeant
tous les 15 kilomètres, l’automobiliste non averti quittant l’autoroute pour trouver un
réconfort sur les routes régionales devra savoir de quel côté il se trouve. Si le 70 km/h est
de mise sur les routes régionales flamandes, les Wallons accordent un supplément de
20 km/h pour le même type de voie. Etrange ? L’histoire de la Belgique et son train
fédéraliste empruntent aussi une voie rapide...

2.2. Christian Rioux, « L’échec du multiculturalisme néerlandais », Le Devoir,


samedi 28 juin 2008

La Haye (…) Cette banlieue multiethnique de l’ouest d’Amsterdam est tristement connue
à travers le monde pour avoir vu grandir le jeune d’origine marocaine qui a poignardé
sauvagement le cinéaste Theo van Gogh le 2 novembre 2004 pour un simple film qui
dénonçait l’islam.

Quatre ans plus tard, la rue principale de ce quartier de 45 000 habitants, que les
Néerlandais classent parmi les « quartiers noirs », est toujours aussi cosmopolite. On y
vient de toute la Hollande pour acheter des produits du Pakistan et du Maroc. (…) [Un]
dispositif sécuritaire [a été mis en œuvre afin de] prévenir la radicalisation des minorités
ethniques et les émeutes comme celles qui ont éclaté en octobre 2007 lorsqu’un
déséquilibré a été abattu après avoir tenté de poignarder deux policiers. En avril, les
autorités ont aussi craint le pire lorsque le député de droite Geert Wilders, dont le Parti de
la liberté a fait élire neuf députés, a diffusé sur Internet un court métrage assimilant le
Coran à Mein Kampf.

(…) Il n’y a pas si longtemps, on venait pourtant du monde entier pour admirer les Pays-
Bas multiethniques. Le pays est toujours officiellement un paradis du communautarisme
où fleurissent les associations, les écoles, les universités, et même bientôt un hôpital
islamiques. Mais, après les assassinats de Theo van Gogh et de Pim Fortuyn, le leader de
droite abattu par un militant animaliste, quelque chose s’est cassé dans le modèle
néerlandais. « Contrairement à la France ou au Québec, longtemps nous n’avons pas eu
une idée claire de ce que signifiait devenir Néerlandais, dit Wendy Asbeek Brusse,
conseillère au ministère du Logement, des Communautés et de l’Intégration.
Aujourd’hui, il faut écouter nos concitoyens qui s’inquiètent des ratés de l’intégration.
Nous ne pouvons pas nous contenter de les traiter de racistes. » Et pour cause. En 2006,

8
65 % des Néerlandais jugeaient que la plupart des musulmans ne cherchaient pas à
s’intégrer et la moitié estimaient leur mode de vie incompatible avec celui des Pays-Bas.

(…) [A]ujourd’hui qu’il est inacceptable qu’un immigrant ne respecte pas la loi et qu’il
ne parle pas néerlandais. Le seul slogan qui rallie tout le monde aujourd’hui, c’est : « Les
nouveaux venus doivent parler notre langue ». (…) Depuis 2007, un immigrant ne peut
plus faire venir sa famille si celle-ci ne possède pas un minimum de connaissance de la
langue et des coutumes du pays. (…) Une mesure dont l’application pose évidemment
problème. Sans compter que de nombreux immigrants se demandent pourquoi, si les
Néerlandais tiennent tant à leur langue, ils passent spontanément à l’anglais dès qu’ils
parlent à un étranger ».

Christian Rioux, « L’échec du multiculturalisme néerlandais », Le Devoir, samedi 28 juin


2008
(http://www.ledevoir.com/2008/06/28/195677.html)

DOCUMENTS VIDEO
Le mur de la honte (Inde, document video et audio)
Réfugiés de Darfour http://www.fidh.org/

II. REPERES GRAMMATICAUX. Les modes non personnels

Modes Définition Valeurs Temps


Infinitif Forme nominale du Verbale : Ne pas Présent (ex. : aimer
verbe. Permet de fumer. ; se lever) Passé (ex.
nommer l’action, avoir aimé ; s’être
comme le ferait le Nominale : Aux levé)
nom. dires de quelqu’un.
Participe Forme adjectivale Adjectivale : Une Présent (ex. :
du verbe. Peut jeune fille aimant ; se levant)
compléter un nom, charmante Passé (ex. : aimé ;
comme le ferait un s’étant levé)
adjectif ou une Verbale : La jeune Participe passé
proposition relative. fille le charmant, il composé (ex. :
tomba amoureux. ayant aimé ; s’étant
Remarque : les levé)
sujets des verbes
sont différents
Gérondif Forme adverbiale du Valeurs
verbe. Complète un circonstancielles :
verbe, comme le
ferait un adverbe ou De temps : Nous les
un complèment avons aperçus en
circonstanciel.

9
Forme : en + rentrant.
participe présent
du verbe. De mode : C’est en
lisant qu’on se fait
Remarque : les une idée de la vie.
sujets des verbes
sont les mêmes De supposition : En
vous vengeant, vous
le fâcherez.

De cause : En
tombant malade, il
rata ses vacances.

Exercices

1. Transformez les phrases suivantes, en employant dans la subordonnée


l’infinitif passé ou le participe passé composé :

Les enfants nous ont dit qu’ils avaient reçu de bonnes notes en mathématiques.
Vu que ne l’avions pas trop aimé, nous ne l’invitâmes pas pour notre fête. Je pense que
j’ai trop travaillé aujourd’hui. Elle espérait qu’elle ne s’était pas trompée de chemin.
Quand il est rentré à la maison, il découvrit qu’il avait oublié son parapluie au travail.
Comme l’hiver était déjà arrivé, les bûcherons durent quitter la forêt. Nous déclarâmes
que nous n’avions jamais vu ce monsieur. On l’accusait de ce qu’il avait volé de
l’argent. Etant donné que le commissaire n’avait pas voulu accepter ses explications, il
prit la fuite. Nous regrettons que nous ne puissions pas aider les autorités. Les policiers
nous ont tout de même remerciés de ce que nous avons fait preuve d’amabilité.

2. Remplacez les infinitifs par les participes présents ou les adjectifs


correspondants, selon le cas :

Dans les rues voisines, il y a plein de chats errer. Ils sont assez tristes, errer à
longueur de journée d’une maison à l’autre, d’une poubelle à l’autre. Nos avis sur ce
problème diverger, nous n’avons pu tiré aucune conclusion. Les principes diverger à la
base de ce mécanisme sont assez obsolètes. Le travail le fatiguer beaucoup, il n’a pas pu
arriver à temps. Pour s’y rendre, il fallait emprunter un chemin fatiguer. Cette femme
provoquer fait fureur. La crue des eaux provoquer le bris du pont, la circulation a été
interrompue.

3. Transformez les phrases suivantes, en remplaçant les propositions en


italiques par des gérondifs. Indiquez la valeur circonstancielle des gérondifs :

Pendant qu’elle marchait tranquillement dans le sentier, elle chantonnait. Si


vous partez maintenant, vous vous couvrez du mépris des autres. Quand je rentrais à la
maison, je voyais toujours les réverbères s’allumer dans la rue. L’enfant descendait
quatre à quatre les marches de l’escalier et soufflait bruyamment. Si vous prenez l’avion,

10
vous arriverez à temps au mariage de votre sœur. Si elle parlait de lui, ses yeux
s’embuaient de larmes. Elle me regardait et souriait.

III. DISCOURS MEDIATIQUES. « La bourde québécoise de Paris


Match »

(source : http://tf1.lci.fr/infos/economie/medias/0,,3896468,00-bourde-quebecoise-paris-match-.html)
Le tollé médiatique : Québec 400 ans
Dans son dossier spécial sur le 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec,
Paris-Match célèbre la naissance de la province et non de la ville. Cette méprise
magistrale a soulevé un tollé médiatique dans la presse canadienne, française et
internationale, dont nous avons extrait ci-dessous quelques fragments.

a) LIBERATION.FR : lundi 30 juin 2008


C’est une méprise qui la fiche mal. L’hebdomadaire Paris-Match s’est attiré des
quolibets de la presse canadienne pour avoir confondu la fondation de la ville de Québec
avec celle de la province éponyme dans son dossier spécial sur le 400e anniversaire de la
ville.
« Paris-Match honore Québec... sans en parler », note le quotidien francophone Le
Devoir après la publication de la dernière livraison du magazine, soulignant que la ville
de Québec est quasiment absente de ce numéro qui fait la part belle à sa grande rivale,
Montréal.
La Presse parle de « gaffe monumentale » et Radio-Canada de « bourde » en s’amusant
que Paris-Match ait confondu la ville et la province.
Le quotidien anglophone The National Post relève lui aussi la méprise, soulignant que
l’hebdo est entièrement consacrée à Montréal, ses artistes et ses restaurants, un camouflet
pour Québec dont la rivalité avec Montréal est « légendaire ». « Quand on a eu l'idée du
numéro spécial, on n'avait pas compris qu’il s’agissait des 400 ans de Québec, on a cru
que c’était la fondation de tout le Québec », a expliqué au Devoir le rédacteur en chef du
magazine Gilles Martin-Chauffier, en indiquant que Paris-Match consacrerait un
nouveau reportage aux célébrations à Québec.

11
Plus modérée, une chroniqueuse du quotidien La Presse estime que, malgré cette erreur,
Paris-Match rend un « hommage affectueux et sympa au Québec ».

b) Paris-Match fait fausse route


(source : http://www.radio-canada.ca/regions/QUEBEC400/2008/06/28/001-paris-match-400e.shtml)

« Match ce n’est pas le journal de l’actualité, c’est le journal des gens qui font
l’actualité », déclarait le 25 juin Gilles Martin-Chauffier, le rédacteur en chef de Paris
Match, sur les ondes de Radio-Canada, à l’émission L'été du monde. La bourde commise
par le célèbre hebdomadaire français dans son numéro du 26 juin confirme
remarquablement cette analyse pour le moins prémonitoire. Dans cette édition spéciale,
en théorie consacrée au 400e de la ville de Québec et disponible dans tous les kiosques de
la province depuis vendredi, il est en effet essentiellement question « du » Québec et
quasiment pas « de » Québec. En d’autres termes, Paris Match a confondu la ville et la
province, comme en témoigne ce titre en rouge dans le sommaire du magazine: « 1608-
2008: le Québec a 400 ans ». « Dans l'esprit des gens à Paris, et je m’en suis rendu
compte en arrivant, c'est quelque chose qu’on ne savait pas du tout en partant. Dans notre
esprit, ce n’était pas les 400 ans de Québec. La fondation de Québec, c’est la naissance
du Québec [...] », a reconnu vendredi Gilles Martin-Chauffier dans un entretien accordé
au Soleil. Un raccourci historique étonnant, d’autant que, comme le rappelle le quotidien,
la Délégation générale du Québec à Paris avait collaboré avec Paris Match pour ce
numéro spécial et qu’une journaliste du magazine avait rencontré Régis Labeaume, le
maire de Québec, en mai dernier. Paris Match rectifiera le tir. L’équipe de Paris Match
n’a, par contre, eu aucun contact avec la Société du 400e anniversaire de Québec.

Activités :
1. Analysez la couverture du numéro spécial du magazine français.
2. Consultez Paris Match du 26 juin et faites un compte rendu du dossier consacré
au 400e anniversaire de Québec : titres des articles, photos, organisation du
dossier, explications de l’événement. Cherchez les confusions, erreurs, méprises
qui pourraient être à la source du tollé soulevé dans la presse.
3. Cherchez les rebondissements dans les médias québécois et canadiens.
a) Précisez les noms des journaux en ligne consultés et les titres.
b) Quel en est le ton dominant :
• Ironie
• Déception
• Amertume
• Surprise
• Accusation
Exemplifiez.
c) Lisez les articles suivants et faites leur compte rendu : Isabelle Porter, « Paris Match
honore Québec… sans en parler », Le Devoir, édition du vendredi 27 juin 2008 ; M.-H.
G., « Plantage monumental pour Paris Match », La vie eco, 4.7.2008.
4. En quoi consiste l’erreur des journalistes du magazine français? Comment
l’expliquez-vous?

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5. De quelle manière la version en ligne du quotidien français Libération.fr du 30
juin 2008 présente-t-elle l’erreur de ses confrères ? Analysez :
• la sélection des références (titre, citations) de la presse étrangère ;
• les commentaires de l’auteur
6. Comment le rédacteur en chef annonce-t-il le numéro et quels sont ses
justifications après l’événement ?
7. En tant que lecteur fidèle du Paris Match, écrivez votre réaction dans un message
adressé à la rédaction du magazine.
8. L’anniversaire des 400 ans de Québec est-il « visible » dans la presse francophone
avant le 26 juin ? Qu’en concluez-vous ?
9. Dossier thématique :
• Comparez les articles de Libération.fr et du site radio-canada.ca
• Créez votre dossier « Réflexion médiatique des 400 ans de Québec »
10. Thèmes de débat :
• La gourde professionnelle – exemples à l’appui –
• Les causes de la désinformation
• « Ce sont les gens qui font l’actualité ».

DIRE AUTREMENT
se tenir debout : être solide, cohérent, logique
lapider : tuer à coups de pierre
y jouer sur tous les tableaux : se ménager un intérêt dans deux partis, deux côtés opposés,
afin de ne pas perdre
le sabbat : repos que les juifs doivent observer le samedi (du vendredi au coucher du
soleil au samedi au coucher du soleil), jour de joie et de recueillement consacré au culte
divin
filer mal : faire mauvaise impression, mauvaise figure
les passe-droits : faveur accordée contre le règlement (généralement, au détriment
d'autrui), privilège
les fous de Dieu : les croyants fanatiques
le sikh : adepte de l’une des quatre religions de l’Inde, le sikhisme, qui affirme
l’existence d’un unique Dieu créateur.
raéliens : mot inventé, il assimile les immigrants aux extraterrestres [angl. alien]
embêter : agacer, importuner
accommodement : arrangement, compromis, conciliation
ubuesque : qui ressemble au personnage d’Ubu roi par un caractère comiquement cruel
couard - lâche
le clivage (fig.) : séparation par plans, par niveaux
au fin fond : dans l’arrière-pays, dans une région isolée
immuable : constant, durable, inaltérable, intemporel, invariable
l’orignal : élan du Canada et de l’Alaska
bled (fam.) : lieu, village éloigné, isolé, offrant peu de ressources
quelle mouche a piqué ses citoyens : qu’est-ce qui leur prend
mettre le couvercle : rajouter en dépassant la mesure
le déballage : confession sans retenue
faire bande à part : se tenir à l’écart, ne pas vouloir se mélanger à un groupe.

13
Dossier 7

Avoir 20 ans en 2008…

« J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que


c’est le plus bel âge de la vie. Tout menace de ruine
un jeune homme : l’amour, les idées, la perte de sa
famille, l’entrée parmi les grandes personnes. (…) A
quoi ressemblait notre monde ? »
Paul Nizan, Aden Arabie, 1932

I. COMMUNICATION INTERCULTURELLE
Lisez les textes suivants :

1. 40 ans après 68... Avoir 20 ans en 2008


France, que sais-tu de ta jeunesse ? C’est à la découverte d’une planète étrange et
méconnue que nous invite « le Nouvel Obs ». Un numéro spécial, piloté par une
bande de vingtenaires venus de tous les horizons [et réunis dans la rédaction du
Nouvel Obs]. (…) [Voici] le portrait-robot d’une génération plus inventive et plus
généreuse qu’on ne le dit
(…) Cet univers flou, en panne d’étiquette. Il y eut la bof génération, puis la boss
génération... Après, les sociologues ou les publicitaires se sont creusé la cervelle pour
trouver un concept. L’image renvoyée a été généralement sinistre. Génération sacrifiée
ou génération X, ou encore génération galère, génération consensus, génération précaire.
Et aujourd’hui ? Avoir 20 ans en 2008, qu’est-ce que ça veut dire ? C’est être un petit-fils
ou une petite-fille de soixante-huitards et croquer les fruits de la libéralisation des moeurs
sans même y penser. C’est avoir un père et une mère qui ont eu plus de facilité à trouver
une place dans le monde. C’est avoir pris de plein fouet la dévalorisation des diplômes, la
mondialisation, la généralisation de la précarité, la crise des retraites. C’est peut-être
avoir été émeutiers en 2005. C’est ne plus avoir besoin de montrer ses papiers aux
frontières de l’Europe, prendre des avions low cost, rêver d’« Auberge espagnole » et de
programme Erasmus. C’est avoir vu les tours du World Trade Center s’effondrer en
direct et Nicolas Hulot annoncer la fonte des glaces. C’est ne pas avoir connu Mitterrand,
avoir assisté à la fin de Chirac et au début de la présidence bling-bling. C’est regarder la
politique comme une sitcom. C’est ne plus vibrer aux grandes utopies, mais compatir aux
malheurs du monde qui passent en boucle au 20 heures. C’est posséder un portable
depuis l’âge de 13 ou 14 ans et vivre une Second Life sur le Net. On fait quoi avec tout ça
? (…) Nos vingtenaires (…) sont tous « face-bookés », « my-spacés ». Ils bloguent,
ils chattent. Leur carte de visite, c’est leur « play-list ». (…) Ils n’ont plus besoin d’aller

1
vers le monde, le monde vient à eux, sur leur écran d'ordinateur. Ils sont reliés à tout,
attachés à rien. (…) La vie zapping. Parce que rien n’est vraiment sûr. Parce qu’on a le
sentiment que tout est possible et que tout peut s’écrouler dans la seconde qui suit. (…)
Plus besoin de transmission de la part des générations antérieures (…). On s'imagine
qu'on peut tout avoir, tout faire, qu'on n'a plus besoin des vieux. (…) Génération pousse-
toi-de-là-que-je-m'y mette ? « Aujourd'hui, les 20 ans ont intégré la logique de la
compétition », dit le sociologue Michel Fize. (…) Oui, ils sont concrets, les vingtenaires
d’aujourd’hui. On le leur répète à longueur de journée. Comme si les autres, avant eux,
n’avaient vécu au même âge que d’amour, d’eau fraîche ou de la lecture du Petit Livre
rouge. Ceux-là leur reprochent plus ou moins consciemment de ne plus vouloir
révolutionner le monde, juste de chercher à y faire leur trou. Au mieux, ils seraient
individualistes. Au pis, résignés, cyniques, flexibles (la « flex-génération », on avait
oublié ce énième concept), mous, voire avachis. Et s’ils étaient juste cool ? « Attitude non
active sans être passive », précise le sociologue Michel Maffesoli. (…) « La France,
affirme-t-il, s’accroche aux valeurs du XIXe siècle : le travail, la foi en l’avenir, la
raison. Or aujourd’hui c’est le tripode inverse qui est à l’oeuvre : la création, le carpe
diem et l’imagination. Les jeunes veulent faire de leur vie une oeuvre d’art, maintenant et
tout de suite. Contrairement à ce que l’on dit souvent, il y a là une extraordinaire vitalité
».
Marie-France Etchegoin, « Avoir 20 ans en 2008 », Le Nouvel Observateur, la semaine
du 10 avril 2008
(http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2266/dossier/a372010-avoir_20_ans_en_2008.html)

2. Au regard de l’importance que le thème de la jeunesse représente, Liberté lui


consacre un dossier complet à travers un dictionnaire thématique de A comme
« amour » à Z comme « zetla ».
Un chiffre mythique assure, malgré les coupes démographiques opérées dans le
corps éprouvé de la société algérienne à coup de terrorisme, de FMI, de malbouffe et
de limitation des naissances, que les jeunes sont encore et toujours numériquement la
tranche d’âge dominante à plus de 70%. À ce titre, nous avons voulu [esquisser] une
sociologie et une sociographie de la jeunesse algérienne, Une jeunesse souvent
décrite comme étant « perdue », « désemparée », sans père ni repères, ballottée entre
la désillusion et la violence. [Voici un] dictionnaire insolent de la vie…
Amour
[L]a grande majorité de ceux que nous avons interrogés se montrent (déjà) désabusés,
prématurément désenchantés. (…) Les plus radicaux estiment que la littérature
sentimentale a disparu, que l’institution de la drague est menacée et que tout va à la
vitesse grand « V » sans respect aucun du code de la séduction. Les autoroutes de la
mort, les autoroutes de l’amour…
Ben Laden
Son nom est scandé à volonté dans les stades à tel point que nous avons cru que le
chef suprême d’Al-Qaïda était la nouvelle mascotte des « Chenaouas ». « [N]ous
scandons “Ben Laden” pour narguer le système. Vous ne voyez pas qu’ils sont
partout, les Américains ? (…) Tu trouves normal, toi, d’entrer avec un passeport dans
ton propre pays ? On a du pétrole à gogo et on croule sous le chômage et la misère »,
[dit] Fathallah.

2
Bipage
C’est un fait : le « bipage » est devenu
langue nationale. Et s’il est un gadget
qui fait l’unanimité parmi les jeunes
(…) c’est bien lui : le téléphone
portable. C’est le bidule le plus adulé,
l’objet fétiche par excellence.

Chat
Force est de constater que les sites de rencontres et autres forums de discussions sont l’un
des passe-temps favoris de la nouvelle génération. [L]es nouveaux « draguérilléros » ont
le cœur « ADSL ».

Délinquance
Dans les grands centres urbains, on ne parle que de cela.
La violence urbaine prend décidément la proportion d’un
fléau, à croire que nos villes sont de plus en plus étroites
pour nos jeunes.

Émeute
Depuis les événements du 5 octobre 1988
qui ont donné le la de la contestation
juvénile, le recours à l’émeute en tant que
moyen d’expression privilégié s’est érigé
en réflexe politique, si bien que les
sociologues parlent de « culture de
l’émeute ».

3
Ennui
Voilà un mot que connaît fort bien le dictionnaire intime des jeunes. C’est vrai que
l’ennui est un sport national.
Fringues
En déambulant dans les rues d’Alger, de Sétif, d’Annaba ou d’Oran, point de
différence entre le look de beaucoup de nos jeunes et celui de leurs congénères
d’outre-mer. C’est l’un des effets les plus patents et les plus immédiats de la
mondialisation par télévision, magazines et… trabendo interposés. Culte de la
marque, du chic et du free style auront envahi en force nos « fashion victims ».
Guerre (de Libération)
Les jeunes s’intéressent-ils à l’histoire de leur pays, en particulier l’histoire du
Mouvement national ? [Nous] avons été surpris par l’attitude de jeunes qui, en
apparence, font plutôt désinvoltes et en rupture de ban avec la mémoire collective,
mais qui sont en réalité beaucoup plus profonds que cela ne paraît. (…) De ce fait,
l’idée que le combat des moudjahidine a été trahi, que des harkis sont incrustés dans
les institutions de l’État, que le martyre des chouhada a été vain est fortement ancrée
dans l’esprit de contingents de jeunes déçus par l’Algérie post-indépendance. Un
sentiment, du reste, curieusement partagé par ceux-là même qui ont pris part à la
Révolution. « La guerre d’Algérie est un tissu de mensonges », tranche un lycéen.
Harraga
« Brûleur de frontières ». La majeure partie des jeunes de sexe masculin à qui nous
avons demandé de choisir entre une belle fille, un bon job et un visa, leur réponse à
l’unanimité était, on l’aura deviné, un sauf-conduit pour l’étranger. Et les filles ne
sont pas en reste de cette quête. Katia, 18 ans, lycéenne, s’épanche : « Ce pays n’a
rien fait pour les jeunes, pourquoi y resterais-je ? On n’est pas épanoui ici, on n’a
rien, pas de liberté, pas de perspective ; la société ne nous comprend pas, alors
pourquoi rester ? »
Hittistes
De « hit », mur. Mot apparu au milieu des années 1980, au plus fort de la crise
économique, pour désigner tous ces jeunes « teneurs de mur », qui n’ont que le roulage
des pouces pour occupation en roulant un joint après l’autre pour ceux qui ne vont pas à
la mosquée.
Homos
« Pour amitié voir avec Homme mature sérieux, discret surtout, je suis hors milieu et sans
expérience dans ce monde gay » (sic). Ce genre de messages sont fréquents sur certains
sites. Ils renvoient à une catégorie de plus en plus « visible » dans l’espace social même
si elle se heurte parfois à une certaine homophobie agressive. (…) Désormais, les
homosexuels « sexe-priment ». Et avec quelle truculence ! Quelle gouaille ! (…) Avant,
leur espace d’expression favori pour leurs « coming out » était les murs des toilettes
publiques. Aujourd’hui, ils ont leurs cafés, leurs salons de thé, leurs plages, leurs
discothèques, leurs restos, leurs îcones (…) Ne manque qu’une gay-pride algérienne.
J’habitais seul avec maman…
Internet
C’est le dada des jeunes « high-tech », l’outil emblématique de la « jeunesse
numérique ». (…) D’un point de vue anthropologique, les jeunes donnent

4
l’impression de s’être structurés dans un ordre social nouveau, une sorte de société
parallèle, une « e-société ». La toile fonctionne, en effet, comme une tribune libre, un
« territoire libéré » où les bloggers de tout bord peuvent vider leur sac, faire jaillir
leurs « e-motions », donnant lieu à un véritable foisonnement d’utopies numériques.
Mariage
Les jeunes ont-ils aussi ardemment envie que leurs parents de fonder une famille ?
[On constate un] recul de la nuptialité, attribué à des raisons essentiellement
économiques, mais aussi de mentalités liées notamment au statut de la femme. (…)
Mais cela reste sacré.

Orthographe
« Slt, keske tu fé 2m1 ? T c koi ? G 1
super plon 2 sorti !!... » Voilà à quoi
ressemble de nos jours le français kid.
C’est en effet un thème en soi, à en juger
par le bouleversement de la morphologie
de la langue sous l’effet des nouveaux
codes « barbares » induits par les SMS,
les mails, le chat et autre langage
électronique à l’orthographe improbable.

Politique
À l’instar de segments entiers de notre société, il est aisé de détecter une franche
désaffection de la chose politique chez les jeunes.
T’bezniss
Déformation du mot business. Pour nombre de jeunes, c’est plus important et plus
rentable que les études.
Violence
D’aucuns estiment que la violence islamiste s’est recyclée en violence urbaine, d’où
la recrudescence de la délinquance et du grand banditisme. Toutes ces violences
trouveraient un fait dans la détresse et le manque de perspective, ajoutés à la rupture
des canaux traditionnels de communication, une même matrice, et dans les jeunes
désœuvrés un terreau idoine.
Zetla
C’est le compagnon fidèle de tous les solitaires mélancoliques. Les jeunes se roulent
des joints sur la place publique, se passant allègrement le pétard de l’amitié d’une
main à l’autre en une farandole exaltée. Sans être tous des junkies, nos « Burroughs »
en puissance disent trouver dans la came un effet apaisant indéniable. Ce qui amènera
cet élève imberbe, à peine haut comme trois pommes, à réclamer que le shit soit tout
simplement légalisé, « comme en Hollande ».
Mustapha Benfodil, « Avoir 20 ans en Algérie », Liberté, septembre 2006.
(http://pagesperso-orange.fr/gelambre/20ans-cadre)

5
A. LE TEXTE ET VOUS
1. Sans lire les deux textes, précisez leurs sources et leurs auteurs, les cultures de
référence et le thème commun.
2. A quel type d’approche / à quel ton l’interrogation rhétorique en début du chapeau
du premier texte préside-t-elle ? Après lecture intégrale de l’article, votre
première impression se trouve-t-elle confirmée / infirmée ? Motivez /
Commentez.
3. Pourquoi Benfodil a-t-il choisi cette mise en page ?
4. Expliquez la signification des photos et imaginez pour chacune une légende en
rapport avec le thème du dossier.
5. Imaginez 5 questions pour un sondage d’opinion « Avoir 20 ans en Roumanie »,
destiné à un magazine pour les jeunes. En tandem, notez les réponses de vos
collègues. Synthétisez les questions et les réponses du groupe.

B. VOUS ET LE SUJET DU TEXTE


1. Le thème proposé par les deux textes vous :
a) inspire
b) plaît
c) intéresse
d) laisse indifférent
e) crée une réaction d’identification.
2. Avant de lire les textes proprement dits, énumérez quelques mots / thèmes qui
vous viennent à l’esprit quand vous pensez aux jeunes.
3. Est-ce que, selon vous, le thème de la jeunesse est-il tellement important /
tellement d’actualité pour que les deux journaux lui accordent un dossier ? Y a-t-il
des faits immédiats qui l’aient imposé à l’attention des médias ?
4. Soulignez les différences formelles et de contenu entre les deux textes. Lequel
vous attire le plus ? Pourquoi ?
5. Choisissez le genre journalistique et / ou le type de texte le plus attractif pour
présenter le portrait de la jeune génération roumaine à partir des résultats du
sondage de votre groupe et justifiez.

C. L’AUTEUR, LE TEXTE ET VOUS


1. Marie-France Etchegoin et Mustafa Benfodil traitent les jeunes avec :
a) condescendance
b) autorité
c) sympathie
d) supériorité
e) admiration
f) indifférence
2. Identifiez les mots / les syntagmes par lesquels s’exprime leur attitude à l’égard
des jeunes.
3. Quelles sont les sources d’information des deux journalistes ? Comment les ont-
ils utilisées pour rédiger leurs articles ?

6
4. Par quels moyens mettent-ils en valeur le portrait des vingtenaires français et
algériens :
a) évolution historique
b) comparaison
c) inventaire de traits définitoires
d) sondage / micro-trottoir
e) description
5. Faites l’inventaire des mots et expressions par lesquels Etchegoin et Benfodil
désignent les jeunes de 20 ans. Expliquez leur signification.
6. Retrouvez autour de quelles catégories les deux journalistes construisent tant le
portrait des jeunes que l’opposition entre les générations.
7. Distinguez :
a) refaites la chronologie des événements politiques et sociaux, tant français
que mondiaux, auxquels on fait référence dans le premier texte
b) repérez et mettez en ordre chronologique les événements de l’histoire
récente de l’Algérie auxquels on fait référence dans le deuxième texte
c) synthétisez les informations sur les jeunes algériens / français et faites le
portrait de leur génération.
8. Quels aspects communs rapprochent selon vous les jeunes roumains, algériens et
français ?
9. Quelles sont les raisons qui poussent les jeunes algériens à quitter leur pays ?
Quelles pourraient être, selon vous, les raisons qui détermineraient les jeunes
français / roumains à quitter leur pays ?
10. Quelles seraient les règles / normes / valeurs / données de la « e-société » ? Mais
les composantes de la « e-motion » ?
11. Repérez dans les deux textes des mots qui participent du vocabulaire internet ;
essayez d’en trouver des correspondants en français.
12. Les textes foisonnent d’expressions en anglais. Peut-on parler d’un code verbal
des jeunes ? Comment l’expliquez-vous ? Exemplifiez les influences culturelles
sur le lexique français.
13. Trouvez dans le texte des synonymes ou des explications pour harraga, hittistes,
t’bezniss, draguérilléros.
14. Remplacez dans leurs contextes ces expressions : présidence bling-bling, faire
leur trou, narguer le système, à gogo, croule sous le chômage et la misère, être en
rupture de ban.

D. COMMENTER
COMMENTER, C’EST PRÉCISER
1. Qu’est-ce qu’un soixante-huitard ? Dressez son portrait, en vous aidant également
du dossier compris dans l’annexe. ETUDE DE CAS : 1968 en Roumanie / en
Europe de l’Est.
2. Pourriez-vous nommer quelques « grandes utopies » ?
3. Quels sont, selon M. Benfodil, les facteurs de la mondialisation ?
4. Quelles sont les causes de la violence urbaine chez les jeunes ?

7
5. ETUDE DE CAS. Qu’est-ce que vous savez sur : la génération bof / la
génération boss / la génération galère / la génération consensus / la génération
précaire / la flex génération ? Présentez-les en quelques mots (5-10 lignes).
6. Retrouvez dans les deux textes les éléments d’interculturalité ; commentez-les.
7. ETUDE DE CAS. Qu’est-ce qui distingue les présidences Chirac / Mitterrand
/ Sarkozy ? Brève présentation de chacune (10-15 lignes).
8. Y aurait-il un rapport à établir entre W. Burroughs, la beat génération et les jeunes
algériens contemporains ?
9. Enumérez quelques personnalités qui servent d’idôles à votre génération.

COMMENTER,
C’EST COMPARER DES CULTURES
1. ETUDE DE CAS. Quelles étaient, selon Maffesoli, les valeurs de la France du
XIXe ? Quelles en sont les valeurs contemporaines ? Pourriez-vous étendre la
comparaison à l’Algérie du XIXe / l’Algérie du XXIe ? la Roumanie du XIXe / la
Roumanie du XXIe ?
2. ETUDE DE CAS. Pourquoi la date de 5 octobre 1988 est-elle importante dans
l’histoire contemporaine de l’Algérie ? Renseignez-vous (20-25 lignes) et
présentez votre exposé devant vos collègues. A partir de cet exposé, vous pouvez
dresser un DOSSIER Découvrir l’Algérie : histoire récente, pratiques
culturelles, conflits, malaise des jeunes.
3. ETUDE DE CAS. A la même époque, quel régime dominait la Roumanie ?
Pourriez-vous dressez le portrait de la vie quotidienne d’un jeune étudiant / d’une
jeune étudiante ; d’un jeune ouvrier / d’une jeune ouvrière de votre âge, dans la
Roumanie d’octobre 1988 ? Pour vous aider, enquêtez auprès de vos parents ou de
vos amis plus âgés.
4. Comment décrit-on la situation des gays / des communautés gay en Algérie ? Cela
confirme-t-il / infirme-t-il les idées reçues que vous aviez à ce sujet ? Que savez-
vous de la situation des communautés gay en Roumanie ?
5. ENQUETE-TROTTOIR auprès des jeunes de votre âge. Dressez vous-
mêmes une liste de questions, afin d’apprendre ce qui les anime, ce à quoi ils
croient, ce qu’ils aiment dans : la société roumaine contemporaine / le monde
contemporain / leurs études / leurs relations avec les autres / leurs rapports avec
leurs parents / leur ville / leurs vêtements / leurs films / leur musique, etc., voire
ce qu’ils détestent à l’égard des mêmes sujets.
6. Selon le modèle avancé par le journaliste algérien, proposez vous-mêmes un
dictionnaire thématique qui rende compte des valeurs et des préoccupations des
jeunes roumains ou français contemporains.
7. A partir de vos ressources culturelles (livres, films, tableaux) comment vous
représentez-vous la vie d’un(e) jeune occidental(e) le lendemain de la deuxième
guerre mondiale / à l’entre-deux-guerres / au début du vingtième siècle (25-30
lignes).
8. DOSSIER : Interférences culturelles France-Algérie.
9. Comment décririez-vous le « code de la séduction » de nos jours ? Selon vous,
enregistre-t-il des modifications importantes par rapport à ce qu’il était il y a 100

8
ans ? Y aurait-il quelque chose qui se perpétue, en dépit des époques et des
espaces ?

E. DÉBATTRE
Réagissez aux affirmations et aux thèmes suivants :
Des nos jours, on constate une désaffection générale de la politique.
Les jeunes de nos jours n’ont plus besoin d’aller vers le monde, le monde vient à eux, sur
leur écran d’ordinateur.
La société contemporaine repose sur le culte de la jeunesse. Point n’est donc plus besoin
des vieux.
Chez les jeunes contemporains, les e-motions l’emportent sur les émotions.
L’impact de la Galaxie Internet est plus grand que celui de la Galaxie Guttenberg.
Les jeunes de nos jours n’ont plus d’idéaux ; ils sont concrets.
La jeune génération est-elle vraiment une « génération désenchantée » ?
La « jeunesse numérique » et les différences culturelles.
Codes et langages de la « jeunesse zapping ».

G. CONTRASTES
DOSSIER. Portraits de jeunes
Réalisez une analyse contrastive de cette catégorie d’âge dans différentes cultures.
Utilisez un tableau comparatif avec les entrées : caractérisation psychologique, mode de
vie (études, travail, loisirs), systèmes de valeurs et aspirations matérielles, morale,
culturelles, traditions (famille, éducation), croyances ou thèmes d’intérêt, langages /
codes, comportements, sentiments, objets fétiches.
Vous pouvez vous aider des textes ci-dessous.

1. Wassyl (…) est un parfait exemple de « coolitude ». (…) Etudes abandonnées en


troisième, CAP de plomberie et formation en alternance qui foirent, vagues stages de
vendeur ou de cuisinier. Et puis, l'été dernier, une rencontre, « par hasard », avec Unis-
Cité, une association qui propose à des jeunes de 18 à 25 ans de s'engager dans un «
service volontaire pour la solidarité ». Wassyl a été embarqué dans l'aide à domicile pour
les personnes âgées, « je prends le thé avec eux, je les promène en fauteuil roulant ». .
Camille (…) a vécu longtemps en Suisse. Terre de tranquillité, pays de cocagne. Elle en
est partie en courant. « Pour fuir un système scolaire trop élitiste ». A Paris, elle s'est
inscrite à l'Esec, une école de cinéma. Camille aime Gandhi et Amélie Poulain, les
chorégraphies «remplies de joie» de Maurice Béjart, Léo Ferré et Jaurès. Elle rêve
beaucoup. Elle veut être réalisatrice. Mais elle sait déjà qu'il lui faudra peut-être «exercer
à côté un deuxième métier, un métier alimentaire... journaliste par exemple» ! (…)
Génération bricola Les jeunes de 2008 bidouillent, aménagent, se débrouillent. « Ils sont
plus réalistes que les utopistes de 68, mais plus positifs et constructifs que la génération
destroy et déprime des années 1980-1990 ». [Ils sont des] « caméléons ».
[Leur] devise ? « Quand on veut, on peut ». Slogan très sarkozyen, et donc très
postsoixante-huitard. C'est aussi le paradoxe de cette jeunesse. Elle est ambivalente.

9
Certes cool, certes plus tolérante et solidaire, certes jouissant de l'instant, mais désireuse
aussi d'« y arriver ». Robert Ebguy, du CCA : « Dans les années 1950, on était dans la
société du devoir; après 68, dans celle du désir. Aujourd'hui, nous vivons dans la société
de l'exigence. La culture du « Loft », de « la Nouvelle Star », de la « Star Academy »,
c'est le coaching pour tous ». Avoir son quart d'heure warholien, sa minute de célébrité.
Ressembler à un people, ces nouvelles icônes jetables. Même les plus purs ont du mal à y
échapper. (…) Génération casting. L'image est leur seconde nature. Ils savent aussi
qu'elle peut être un mirage. Ils ne se racontent pas d'histoires. Ils ont appris à décoder les
apparences, les règles du marketing, de la pub, des marques. Ils baignent dedans depuis
leur plus jeune âge. Ils sont lucides.
Marie-France Etchegoin, « Avoir 20 ans en 2008 », Le Nouvel Observateur, la semaine
du 10 avril 2008

3. « 20 ans en Algérie, c’est vieux. C’est la porte de l’enfer qui s’ouvre. Il faut penser au
service militaire (avec la mort au bout, peut-être), le travail introuvable sans piston, à
déménager pour nulle part ». Nerveux, très nerveux Sofiane. Il ne comprend pas qu’un
journaliste veuille l’interviewer, lui, jeune chômeur diplômé de l’Université d’Alger.
« Vous êtes sûr que vous voulez toujours faire mon portrait. Je connais un ami
informaticien qui a réussi : il a une voiture et un appartement. Vous êtes sûr que vous
voulez continuer l’interview ? ». La question reviendra tout au long de l’entretien. Le
doute, toujours le doute.

« Avoir 20 ans, c’est déjà les dépasser. A part écouter le raï, fumer plus de joints, je ne
vois pas ce qui me différencie d’un homme de 40 ou 50 ans ». Maigre, moustache fine et
cheveux tirés en arrière avec une queue de cheval, Sofiane soigne son apparence. « Le
look, c’est important ! Sinon, tu passes pour un djebaïli (montagnard) ». Suprême insulte
pour l’Algérois qu’il est. (…) Le discours de Sofiane se fissure peu à peu, le macho est
torturé par le doute. Confidences. Regarder passer les filles. « J’ai plusieurs fiancées, je
ne suis sorti avec aucune d’elle. D’abord, où les emmènerais-je ? Dans ma famille, il est
interdit de penser mariage. Ma future femme ne va, tout de même, pas habiter sur le
balcon ». Famille nombreuse dans un petit appartement. « J’habite sur mon balcon,
pardon sur le balcon de mon père. Je ne me suis pas vu vieillir ». Fuir avant d’être vieux,
un rêve usé et reconstruit les yeux ouverts. « Partir ? Pour aller où ? Personne ne voudrait
d’un Algérien ! Même les pays de l’Est refusent de me délivrer un visa ».

A sa sortie de l’université, Sofiane vient grossir les rangs de chômeurs. « Je suis


économiste de formation, hittiste (jeune adossé au mur toute la journée) par
désoeuvrement et biznessman par obligation ». Pour survivre, il achetait de l’or en Syrie
et en Turquie qu’il écoulait ensuite sur le marché parallèle. Cette activité lui permettait de
voyager et de vivoter pendant quatre à cinq mois. « Les douaniers algériens étaient
devenus exigeants et les policiers n’arrêtaient pas de courir derrière nous. C’est devenu
trop risqué, alors j’ai cessé tout commerce ».

« Avoir 20 ans en Algérie, c’est déjà être vieux », le lundi, 19 février 2001, Afrik.com

10
3. L'actualité le démontre : l’angoisse de l’insertion professionnelle mine la société
française. Et en particulier les jeunes. (…) Plus sûr que le Loto, plus rentable que la
Bourse, aussi durable que la pierre : un diplôme ! C’est ce qui confirme une récente et
très sérieuse étude de l’OCDE. Selon l’organisation internationale, qui a mené une
monumentale enquête internationale sur les systèmes d’éducation, la vérité tient dans un
« taux de rendement » : en France, investir dans une formation rapporterait 12% par an.
(…) Voilà pourquoi il est si important de miser juste. Jamais, en effet, les disparités n’ont
été aussi importantes d’une filière à l'autre. D’un côté, les voies rapides souvent
spécialisées et reconnues par les professionnels. De l’autre, des itinéraires plus
académiques, encombrés et souvent sans issue. A la fin, quoi de plus déprimant pour un
doctorant à la tête bien pleine que de se retrouver au chômage ?
Véronique Radier, « Les diplômes qui donnent du travail », Le Nouvel Observateur, la
semaine du jeudi 16 mars 2006
Documents vidéo : avoir 20 ans à Paris, Manille, Togo, Varsovie
(www.ina.fr)

II. REPERES GRAMMATICAUX. LES MOTS NOUVEAUX ET


L’ARGOT

I. LES MOTS NOUVEAUX

I. FORMATION DES MOTS NOUVEAUX

PROCEDES EXEMPLES
par emprunts badge, gadget
par dérivation noms : décélération
adjectifs : parental
verbes : additionner
par composition supermarché, centre-auto
les mots-valise confipote, photocopillage
par extension d’emploi scénario, panoplie
par glissement de sens sauvage (au sens de « hors des règles »,
dans les expressions camping sauvage et
concurrence sauvage)
par passage d’une catégorie le nucléaire, l’objectif
grammaticale à l’autre
par dérivation d’un sigle capésien, onusien
par abréviation anar, hebdo
par analogie mouroir (< dortoir)

2. SENS NOUVEAUX
Certains mots déjà existant dans la langue prennent des significations nouvelles :
fourchette (au sens de : « limites probables de variations d’un chiffre »), flambée (des
prix), matraquage (publicitaire), etc.

11
II. L’ARGOT
Sociolecte comportant deux fonctions : cryptique et identitaire. Il rend possible la
reconnaissance mutuelle des membres du groupe et témoigne de leur séparation de la
société par un language différent. Il est à distinguer du jargon, qui est propre à un groupe
professionnel et censé théoriquement ne pas avoir cette visée cryptique. Une forme
particulière de l’argot est representé par le verlan, qui est à l’origine un code, un langage
secret et se présente comme un jeu avec le langage consistant dans le renversement des
syllabes d’un mot (sicmu < musique).

EXERCICES
1. Identifiez les procédés selon lesquels se sont formés les mots suivants, au même
titre que les mots à partir desquels ils se sont formés. Précisez leurs significations :
alunir, adulescent, arobasque, un bide, un casse, consom’action, enfulte, imper, pourriel,
restoroute, rurbain, stagflation, la sécu.

2. Donnez les équivalents en français standard des mots et expressions suivantes :


artiche, les aminches, biftons, casser la croûte, une cloche, se carapater, se déguiser en
courant d’air, douille, éclairer sa lanterne, se faire carotte, frangin, keuf, matouche, se
mettre une mine, pour des haricots, poteau, la poularderie, les profondes, le radis, tuile.

3. Soient les deux textes suivants, dont le deuxième est une réécriture du premier.
Commentez les transformations subies et les effets de style et de sens ainsi obtenus :
« Un voyageur attend le bus, il remarque un jeune homme au long cou qui porte un
chapeau bizarre, entouré d'un galon tressé. Le jeune homme se dispute avec un passager
qui lui reproche de lui marcher sur les pieds chaque fois que quelqu'un monte ou descend.
Puis il va s'asseoir sur un siège inoccupé. Un quart d'heure plus tard le voyageur revoit le
jeune homme devant la gare Saint-Lazare. Il discute avec un ami à propos d'un bouton de
pardessus ».

« Je plate-d’autobus-formais co-foultitudinairement dans un espace-temps lutécio-


méridiennal et voisinais avec un longicol tresseautourduchapeauté morveux. Lequel dit à
un quelconquanonyme : “Vous me bousculapparaissez”. Cela éjaculé, il se placelibra
voracement. Dans une spatiotemporalité postérieure, je le revis qui placesaintlazarait avec
un X qui lui disait : tu devrais boutonsupplémenter ton pardessus. Et il pourquexpliquait
la chose ».
(Raymond Queneau, Exercices de style)

4. Relevez dans les textes du dossier des exemples de création lexicale. Identifiez-en
l’origine et la formation.

5. Enquête. Relevez dans un / les média(s) français des mots que vous considérez des
néologismes. Vérifiez s’ils figurent dans les dictionnaires, puis demandez-vous :
- dans quelle intention ils sont employés
- si l’on peut dire la même chose à l’aide d’un mot ou d’une périphrase déjà existant(e)
dans la langue

12
- quels sont les avantages de ces néologismes par rapport à ce mot ou à cette périphrase
- quels sont les procédés qui ont présidé à leur formation.

III. Discours médiatiques. Vie publique / vie privée dans les médias
1. Vie publique / vie privée
Lisez le texte :
« Les habitants de la cité athénienne ont été les premiers à poser les jalons d’une
séparation franche entre vie publique et vie privée. Or, si de nos jours la vie privée est un
domaine sacro-saint d’expression de la liberté individuelle, il en était tout autrement pour
les citoyens de la démocratie grecque. Pour les Grecs, vie privée signifiait davantage
“privation de la vie”. En revanche la vie publique était le lieu de l’excellence citoyenne,
celui du débat public et de la participation à la gestion des affaires de la cité. (…) Ainsi,
l’animal politique aristotélicien, doué de langage, tenait sa liberté, son égalité, bref sa
citoyenneté, de sa participation au débat public.
[L]a disparition de cet abîme entre vie privée et vie publique est un phénomène
essentiellement moderne. L’irruption de la conscience individuelle dans la religion
chrétienne, le “je” cartésien, plus l’exploration de l’intimité par Jean-Jacques Rousseau,
ont été les temps forts de cette modernité restauratrice de l’individualité privée. Cette
restauration s’achèvera alors sous la coupe de l’utilitarisme libéral et de la philosophie
des droits de l’Homme. Et au XIXe siècle, alors que “le bonheur est une idée neuve en
Europe” selon le mot de Saint-Just, le modèle du petit-bourgeois flaubertien, épris de
confort et de liberté individuelle, va connaître son heure de gloire. C’est d’une révolte du
cœur sur la raison qu’est ainsi né l’individu moderne » (d’après Loïc Rivière).
[Loïc Rivière, « L’héritage d’Athènes », LFDM, No. 303, mars-avril 1999, p. 46]

Activités
1. Comment se sont modifiés les rapports entre vie privée / vie publique à travers les
époques ? Faites-en un compte-rendu de 100 mots.
Vie privée dérobée
2. Quels journaux et revues spécialisés dans les révélations des secrets de la vie privée
connaissez-vous ? (En France: Point de vue-images du monde, Gala, Voici, Hola,
France-Dimanche et, dans une certaine mesure, Paris-Match). Exemples et
commentaires.
3. Quelles sont les professions des personnes dont la vie privée est traquée par ces
publications ? (En France : les familles royales, les vedettes du cinéma, de la chanson,
des médias et du sport. Ceux qui sont tenus à l’écart : financiers, patrons, techniciens,
chirurgiens, écrivains, et même hommes politiques). Précisez les catégories de personnes
visées et les événements déclencheurs dans la presse roumaine / étrangère.
4. Comment expliquez-vous cette curiosité de la part du public ? La partagez-vous ?

Vie privée exposée


5. Certaines vedettes préfèrent prendre les devants, convoquer la presse et exposer les
aspects de leur vie privée qui pourraient donner prétexte à des indiscrétions. Quels
exemples connaissez-vous (cf. « Actualité ») ? De quelle nature peuvent être ces

13
révélations ? (En France : liaisons amoureuses, enfants cachés, maladies graves, démêlés
avec la justice. Et dans notre pays ?)
6. Les hommes politiques invitent parfois la presse à venir les « surprendre » dans leur
intimité. Le choix des situations dans lesquelles ils s’exposent est révélateur de l’image
qu’ils veulent donner d’eux. Quel est le message contenu dans les attitudes suivantes : un
président en short en train de courir ? un président jouant avec ses petits-enfants ? un
président jouant de l’accordéon ? un président caressant son chien ?
7. Utilisez les expressions suivantes pour caractériser la manière dont certains médias
audio-visuels « s’intéressent » à la vie privée des personnes publiques : menacer – traquer
– les paparazzis – s’acharner – l’ingérence – action politique – toucher à la vie privée –
s’attaquer à – légitime – illégitime – dénoncer – dissimuler. Rédigez un texte cohérent de
10-15 lignes.
Débats : frontières entre le public et le privé
8. A comparer deux – trois tabloïdes / quotidiens à sensation en français avec ceux d’une
culture dont vous connaissez la langue (types de nouvelles, héros médiatisés, l’iconique –
les photos) selon la grille d’analyse de la fiche synthèse.
9. Etudiez l’impact et le fonctionnement de la presse populaire en Roumanie.

2. Analyser un événement
Activités :
- Analyse comparative de la mise en scène journalistique du même événement
– libération d’Ingrid Betancourt - par d’autres quotidiens francophones.
- Identifiez dans la presse roumaine ou francophone d’autres familles
événementielles et les scénarios choisis pour leur mise en texte
- Etude de cas. Les grandes familles événementielles récurrentes dans un quotidien
roumain de la presse d’élite / la presse populaire, dans un mois.

DIRE AUTREMENT
flou : fondu, vaporeux, vague, imprécis
bof : interjection exprimant le mépris, la lassitude, l'indifférence
se creuser la cervelle : faire un grand effort de réflexion, de mémoire
génération galère : qui travaille péniblement, se mettent dans des situations difficiles
soixante-huitard : personne qui a conservé l’esprit des événements de mai 1968
croquer : dissiper, gaspiller, brosser, camper
prendre de plein fouet – subir, être affecté par
émeutier : personne qui excite à une émeute ou qui y prend part
passer en boucle : de manière ininterrompue, recommençant sitôt fini
compatir : s'apitoyer, s'attendrir, plaindre
« face-bookés », « my-spacés », bloguer, chatter : mots francisés caractérisant
des formes de communication en-ligne.
zapper : passer constamment d'une chaîne de télévision à d'autres à l'aide de la
télécommande ; (fig.) papillonner
s’écrouler : s'abattre, s'affaisser, crouler, s'ébouler, s'effondrer ; (fig.) sombrer, tomber

14
faire son trou : se faire une situation, réussir
avachi : déformé, flasque, mou, amorphe, indolent, veule
les coupes : ici, les chutes, les réductions
éprouvé : sûr ; atteint, touché
à coup de : par l’intermédiaire
malbouffe (fam.) : aliments dont les conditions de production et de distribution nuisent à
la qualité et à la sécurité de l'alimentation
désemparée : déconcerté, décontenancé, désarmé.
ballotté : agité, bringuebalé ; tiraillé, indécis
désabusé : déçu, désenchanté
la drague (fam.): recherche d’aventures galantes, séduction
narguer : défier, provoquer
à gogo : (fig.) abondamment, à discrétion
crouler sous [le chômage et la misère] : être écrasé, s’affaisser sous le poids de
le gadget : bidule, tricole, truc
« draguérilléros » : mot-valise créé de « drague » et « guérilléros », les amateurs de
séduction
« ADSL » : sorte de clicknet
le fléau : cataclysme, catastrophe, désastre.
donner le la : (musique) donner le ton
déambuler : errer, flâner, se promener.
congénères : pareil, semblable
d’outre-mer : au-delà des mers, par rapport à une métropole
patent : évident, manifeste, fragrant
« fashion victims » (anglais) : victimes de la mode
en rupture de ban : affranchi des contraintes de son état
moudjahidine : combattant d'une armée de libération islamique
harki : militaire indigène d'Afrique du Nord qui servait dans une milice supplétive (une
harka) aux côtés des Français
incrustés : enracinés
chouhada : profession de foi dans l’islam
brûleur de frontières : personne qui passe illégalement la frontière
un sauf-conduit : laissez-passer, permis
être en reste (avec qqn) : être le débiteur, l'obligé (de qqn)
s’épancher : s'abandonner, se confier, se livrer, s'ouvrir
teneur de mur – comportement spécifique, personne en attente sur le « mur »
roulage des pouces : la paresse, l’inactivité ; se rouler les pouces : ne rien faire
le joint (amer.): cigarette de haschisch ; se rouler des joints
truculent : pittoresque, savoureux
gouaille : effronterie, goguenardise, insolence, moquerie
le dada : manie, marotte
de tout bord : de tout horizon, de partout
vider son sac : se confesser, dire tout ce qui le tracasse
foisonnement : abondance, pullulement
ardemment : avec ardeur
à l’instar de : à l'exemple, à la manière de, de même que

15
désaffection : désamour, détachement
la détresse : affliction, désarroi, désespoir
terreau idoine: le milieu adéquat, approprié
allègrement : vivement
le pétard (fam.) : bruit, tapage, joint
farandole : danse provençale, sur un allegro à six-huit, exécutée par une file de danseurs
qui se déplacent en sautant et se tenant par la mai
junkies (fam.) : consommateurs de drogues dures
la came (fam.) : marchandise, drogue
apaisant : rassurant, calmant, lénifiant
imberbe : sans barbe, qui n'a pas encore de barbe
haut comme trois pommes : très petit
le shit (fam.) : haschisch

16
Dossier 8

Culture sans frontières

I. COMMUNICATION INTERCULTURELLE
Lisez les textes suivants :

1. « Le désert croît ! » lance Zarathoustra, et il est possible d’entendre ce leitmotiv


comme une interprétation saisissante de l’époque que nous vivons. Une époque où la
privation, la dépossession, et, finalement, la désertification des imaginaires, des volontés
et des désirs semblent l’emporter sur à peu près tous les fronts. L’une des figures de ce
triomphe est le cycle dévaluation, démotivation, démobilisation.
(…) Le désert socioculturel contemporain s’alimente de la dévaluation. On dévalue
beaucoup (…) et l’on réévalue très peu, ou seulement sous la contrainte, comme
paralysés par le risque d’erreur historique. Il n’y a donc ni balance ni équilibre global des
dévaluations et des réévaluations, mais un glissement progressif de toute la société vers
cette négativité que l’on pourrait encore nommer « dépréciation universelle ». Le désert a
également pris la forme guère poétique et plutôt postmoderne de la « démotivation ». (…)
Comme si, après ladite « mort de Dieu », après l’effondrement du communisme
soviétique, les ravages du néolibéralisme, le 11 septembre, la guerre d’Irak et le
relativisme culturel, les ressorts de l’espoir et du vouloir semblaient dissous ou
volatilisés, plus encore que perdus… Enfin, corollaire de la dévaluation et de la
démotivation, s’impose une « démobilisation » (…) sociale, au sens des grandes
mobilisations historiques, (…) professionnelle et (…) personnelle, au sens des ressorts
les plus intimes, les moins contrôlables de l’action des individus. (…) Comment sortir de
cette spirale, dira-t-on ? (…) [C]’est par la culture, et par elle seule, qu’il est possible (…)
de réévaluer massivement tout ce qui mérite de l’être, de remotiver tous ceux qui n’ont
plus de ressort, plus d’espoir, plus de désir, enfin, de remobiliser largement au-delà des
frontières et appartenances normatives. Qu’est-ce que cela peut vouloir dire, dans les faits
? Favoriser un partage culturel permettant de ressouder ce qui peut l’être, de réconcilier
ce qui doit l’être, (…) en discutant autrement de ces motifs qui n’en sont plus, de ces
objets de mobilisation qui ont cessé de l’être. (…) Car seule la culture permet de rendre le
monde vivable, les politiques feraient bien de s’en rappeler.
François de Bernard, « La culture pour rendre le monde vivable », Libération.fr, vendredi
30 mai 2008
(http://www.liberation.fr/rebonds/328890.FR.php)

2. Francofffonies, cette année, s’écrit avec trois f. Comme fastueux, flamboyant, féerique
? Ou comme factice, farfelu, fratricide ? Car le moins que l'on puisse dire est que les
écrivains invités [au Salon du Livre de Paris, 2006] n'ont pas leur langue dans leur poche.
Ils arrivent au Salon pour en découdre et casser du sucre sur les Français. Premier

1
constat : les écrivains francophones sont largement pénalisés dans un monde où l’anglais
domine. (…) Si l’anglais reste, pour une majorité d’entre eux, cet eldorado qu'ils
considèrent avec autant de méfiance que de fascination, les écrivains francophones
déplorent d'abord l'arrogance française, et s'interrogent sur la nature d'une communauté
dont notre pays semble lui-même s'exclure. La grande romancière née en Guadeloupe
Maryse Condé, qui vit aujourd'hui à New York (elle enseigne à Columbia), avoue ne pas
très bien savoir « ce qu'on entend par francophonie. Il paraît que les Français n'en font
pas partie. Etrange… ». C’est que les écrivains francophones en ont marre. Marre de voir
la France jouer les hôtes d'une fête qu'ils voudraient eux aussi orchestrer. Marre de voir la
France se considérer comme le centre d'un monde où ils sont condamnés à jouer les
satellites. « Le plus grand obstacle au développement de la langue française est le
narcissisme culturel français. Le français a toujours été pensé en relation avec une
géographie imaginaire qui faisait de la France le centre du monde », explique encore
Achile Mbembe [professeur de philosophie en Afrique du Sud]. C'est que, pour lui, les
Français sont encore loin d'avoir pris la mesure des révolutions en cours : si notre langue
demeure un idiome universel, c'est aux francophones, vivant hors de France, qu'elle le
doit. D'où la nécessité de « dénationaliser » la langue, selon Mbembe : en ouvrant
l'Académie aux non-Français, en décloisonnant les prix littéraires, la presse, l'édition. Un
immense travail dont le chantier n'est, chez nous, même pas à l'étude. « La francophonie
ne doit pas être une continuation de la politique étrangère de la France », confirme Alain
Mabanckou, écrivain né au Congo qui enseigne dans le Michigan. « Nous devons
considérer la France comme un membre de la francophonie et non comme le centre
décisionnel. Il faudrait redéfinir les choses, expliquer que la langue française n'est plus
l’apanage de la Coupole ». Même son de cloche chez l’Algérien Hamid Skif, lequel est
plutôt pessimiste quant à l’avenir de la francophonie : « La francophonie est atteinte de
rhumatisme articulaire aigu et ne sera pas guérie par les remèdes de grand-mère que lui
administrent les rebouteux installés à son chevet. Repliée sur elle-même, manquant de
politique et d’audace, elle court héroïquement à sa perte et rien ne la sauvera du désastre.
Pas de vision, pas de fric. Des politiques à la petite semaine servies sur canapé par des
appareils bureaucratiques. Disons que la francophonie a les yeux plus gros que le ventre
ou les bras plus longs que ses jambes, et qu’elle n’embrasse personne à vouloir embrasser
tout le monde ». Résultat ? La francophonie, pour Skif, a un genou dans la tombe. « Qui
apprendra le français dans cinquante ans en dehors de la Françafrique et du Québec?
Quelques diplomates bronzés, des jeunes filles de bonne famille ou les baleines de Cape
Town? » (…)
Didier Jacob, « “Nous accusons la France” : les écrivains francophones en colère », Le
Nouvel Observateur, semaine du jeudi 16 mars 2006.
(http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2158/articles/a297423.html)

2
3.

Dans le paysage littéraire français, Jean-Marie Gustave Le


Clézio occupe une position singulière, en marge des clans,
des écoles, des modes. A la fois français et mauricien, élevé
dans la culture française et fin connaisseur de la littérature
anglo-saxonne, ce romancier hors norme se réclame de
Lautréamont, de Zola, mais aussi de Stevenson et de Joyce.
(…)

L.C. : (…) Nous vivons dans une époque troublée où nous sommes envahis par un chaos
d’idées et d’images. Le rôle de la littérature aujourd’hui est peut-être de faire écho à ce
chaos.
L.F : La littérature, peut-elle agir sur ce chaos, le transformer ?
On n’a plus l’outrecuidance de croire, comme à l’époque de Sartre, qu’un roman peut
changer le monde. Aujourd’hui, les écrivains ne peuvent que faire le constat de leur
impuissance politique. (…) Qui peut imaginer aujourd’hui qu’un éditorial dans un journal
puisse aider à résoudre les problèmes qui nous gâchent la vie ? La littérature
contemporaine est une littérature du désespoir.

L.F : Vos romans participent d’un imaginaire mondialisé.

L.C. : Je considère que le roman a comme principale qualité d’être inclassable, c’est-à-
dire d’être un genre polymorphe qui participe d’un certain métissage, d’un brassage
d’idées qui est le reflet en fin de compte de notre monde multipolaire.

L.F : D’où vient chez vous cette fascination de l’ailleurs ?


L.C. : La culture occidentale est devenue trop monolithique. Elle privilégie jusqu’à
l’exacerbation son côté urbain, technique, empêchant ainsi le développement d’autres
formes d’expression : la religiosité, les sentiments, par exemple. Toute la partie
impénétrable de l’être humain est occultée au nom du rationalisme. C’est cette prise de
conscience qui m’a poussé vers d’autres civilisations.
L.F : On a souvent l’impression en vous lisant que vos personnages, à votre image,
recherchent une patrie, une patrie qui dépasse le concept traditionnel et un peu étriqué
de la nation. Salman Rushdie parle de « patries imaginaires » en évoquant le nouveau
rapport que tente d’établir l’écrivain exilé avec le pays d’où il vient. A quoi ressemble
votre patrie imaginaire à vous ?
L.C. : Je me considère moi-même comme un exilé parce que ma famille est entièrement
mauricienne. Depuis des générations, nous sommes nourris au folklore, à la cuisine, aux
légendes et à la culture mauriciennes. C’est une culture très mélangée où se mêlent
l’Inde, l’Afrique et l’Europe. Je suis né en France et j’ai été élevé en France avec cette
culture-là. J’ai grandi en me disant qu’il y avait un ailleurs qui incarnait ma vraie patrie.
Un jour, j’irai là-bas, et je saurai ce que c’est. En France, je me suis donc toujours un peu

3
considéré comme une « pièce rapportée ». En revanche, j’aime beaucoup la langue
française qui est peut-être mon véritable pays ! Mais si on considère la France comme
nation, je dois dire que je me suis rarement identifié à ses impératifs.
Tirthankar Chanda, « La langue française est peut-être mon véritable pays », entretien
avec J-M Gustave Le Clézio, France Diplomatie/Label France, n° 45 – 2001

4. Un entretien exclusif avec le plus secret des écrivains français


Emil Cioran
(…) J'ai le complexe de l’étranger : je sais que je ne peux pas me permettre toutes les
audaces, les oublis et les violences en français. Toutes ces choses que l’on fait
naturellement, d’instinct, dans sa langue, on en est conscient dans une langue étrangère,
même si on la possède parfaitement. On reste toujours conscient du fait que les mots
existent indépendamment de vous. Cet intervalle entre vous et l’instrument-verbe est la
raison pour laquelle il y a très peu, presque pas de poètes écrivant dans une autre langue
que leur langue maternelle. (…) Un métèque doit être conscient que, dans sa nouvelle
langue, il ne peut pas exprimer cette mort souterraine de l'âme qu'est la poésie. On peut
devenir poète dans une langue qu'on apprends à cinq ans. Ensuite, c'est trop tard. (…)
« Changer de langue pour un écrivain est une phénomène aussi grave que pour un homme
de changer de religion », disait Simonne Weil. L'écrivain retire l'illusion d'une nouvelle
vie, d'un nouvel univers. Je suis formel: si un écrivain étranger (j'entends par là
uniquement ceux qui ont déjà publié dans une autre langue, qui ont eu une première
carrière d'écrivain) veut se mettre au français, il lui faut complètement écarter la langue
maternelle. On me dit parfois: « Mais ma femme veut parler dans notre langue ». Je
réponds: « Un seul remède : le divorce ». (…) [Je fais l’éloge d’]Erwin Chargaff, ce
nobélisable de Czernowics, [qui] disait: « Ne mérite d'exister que ce qui est exprimé en
français ».
Anca Visdei, « Entretien avec E. Cioran », Les Nouvelles Littéraires, février 1986.

5. Après les bobos, les CC [créatifs culturels]! Férus d'écologie autant que de
spiritualité, rêvant d'un monde meilleur qu'ils contribuent à mettre en œuvre, ils
sont à l'avant-garde du changement sociétal. Décryptage d'une nouvelle tribu
Appelez-les « CC », ou même « créa-cu », surnom polisson qu’ils se donnent en
plaisantant. Les créatifs culturels forment une espèce en voie d'apparition (…). Une tribu
encore méconnue, mais qui risque fort de ringardiser cruellement les bobos et autres
nonos (…) « Les créatifs culturels, [dit] Jean-Pierre Worms, sociologue, sont en avance
sur les valeurs de demain ; (…) ils veulent que le cœur et la raison soient indissociables ».
Quitte à changer de vie, tel Jean-Louis Grimaldi, devenu bouddhiste et traiteur bio après
avoir brûlé sa vie par les deux bouts dans l'engrenage fric - frime - non-sens à Miami. Ou
comme Elisabeth Laville, qui, après un parcours d'impeccable businesswoman dans
l'audit, a tout lâché pour lancer Utopies, société de conseil en développement durable.
Comme eux, les CC, citoyens voulant réinventer le monde, vivent en adéquation avec
leurs idéaux humanistes sans pour autant fuir dans le Larzac, à la façon des babas des
années 1970… Les deux pieds dans l'époque, les créa-cu, surreprésentés parmi les CSP,
majoritairement jeunes, avec une grande proportion de femmes s'engagent au cœur de la
société pour mieux la transformer. Loin de fomenter une hypothétique révolution, ils la
mènent tous les jours dans leur vie quotidienne! Les points communs des CC ? Ils

4
valorisent l'écologie, la spiritualité et la connaissance de soi, la place des femmes dans la
société, le multiculturalisme et la solidarité. (…) « Les CC constituent un laboratoire de
ce que j'appelle la postmodernité, avec des gens qui veulent faire de leur vie une œuvre
d’art. Ce qui compte, c’est la qualité de l'existence: ne pas perdre sa vie à la gagner. Cette
dimension créatrice et créative - au sens américain : créer une nouvelle culture de société
- va se développer de plus en plus », [affirme Michel Maffesoli].
Katell Pouliquen, « Vous êtes peut-être un créatif culturel », L’Express.fr, mis à jour le
30/04/2007, publié le 30/04/2007
(http://www.lexpress.fr/styles/vous-ecirc-tes-peut-ecirc-tre-un-cr-eacute-atif-culturel_477072.html)

A. LE TEXTE ET VOUS
1. Lequel des cinq textes avez-vous lu en premier ? Pourquoi ? La photo a-t-elle joué
un rôle dans votre choix ?
2. Précisez la relation entre les supports médiatiques choisis, le type de texte que
vous êtes censés d’y trouver et le public cible.
3. Distinguez la presse grand public de la presse spécialisée. Précisez les différences
que vous constatez entre les deux catégories, à partir aussi de vos expériences de
lecture. Donnez des exemples.
4. Que saviez-vous déjà sur les personnalités et les phénomènes culturels annoncés
par les titres et / ou les chapeaux ?
5. Avant la lecture des textes, choisissez l’un des sujets suivants, faites une
recherche personnelle et présentez-en les résultats devant le groupe :
a) les écrivains francophones
b) l’impasse de la francophonie
c) le choix culturel de Cioran
d) Le Clezio, personnalité et œuvre
e) les « créatifs culturels ».

B. VOUS ET LE SUJET DU TEXTE


1. De quelle manière la référence à Zarathoustra, en début du texte de de Bernard,
oriente-t-elle l’horizon d’attente du lecteur ?
2. Selon vous, le sujet de l’article de Didier Jacob justifie-t-il sa présence à la une du
Nouvel Obs ?
3. Lisez uniquement le chapeau du quatrième texte. Quel est, selon vous, « le plus
secret des écrivains français » ? Argumentez votre choix. Etes-vous d’accord avec
le choix de l’auteur de l’entretien ?
4. Même s’il s’agit d’un entretien, le texte de Cioran élude les questions de
l’intervieweuse, en donnant la parole uniquement à l’écrivain ; imaginez les
questions et le dialogue de Cioran avec Anca Visdei (25-30 lignes).
5. Le symbole de la Coupole, à quoi renvoie-t-il et que savez-vous sur cette
institution ?
6. Quelles pourraient être, selon vous, les raisons de la colère des écrivains
francophones ?
7. Faites correspondre à chaque article le / les type(s) de discours dominant(s) :

5
a) descriptif
b) narratif
c) argumentatif
d) informatif
e) figuratif.

C. L’AUTEUR, LE TEXTE ET VOUS


1. Dans la manière dont il décrit le monde contemporain, François de Bernard fait
preuve de :
a) subjectivité
b) objectivité
c) impartialité
d) parti-pris
e) optimisme
f) pessimisme
2. Didier Jacob fait preuve de
a) sympathie
b) antipathie
c) indifférence
d) neutralité
e) compréhension
à l’égard des écrivains francophones.
3. Il se montre :
a) critique
b) neutre
c) solidaire
d) hostile
envers la France. Motivez votre choix, en identifiant les traces de sa présence directe
dans le texte.
4. Distinguez dans les interventions de Tirthankar Chanda la stratégie du discours
conversationnel (genre journalistique – interview) :
a) ce qu’il dit à l’intention de l’auteur
b) ce qu’il demande réellement à l’écrivain français
c) ce qu’il doit dire pour enchaîner avec la réponse précédente.
5. Avant de rencontrer Le Clézio, le journaliste a rédigé une ébauche des sujets à
aborder. Reconstituez-la.
6. En quoi les commentaires de Le Clézio sur la culture contemporaine rejoignent-ils
les considérations de de Bernard ? Quelle image de la culture contemporaine
brossent les deux personnalités ?
7. Cioran est fameux pour ses affirmations tranchantes, à caractère définitif et
choquant. Repérez-en quelques-unes dans le texte ci-dessus et réagissez-y.
8. Dans le même texte, il y a plusieurs citations à caractère d’assertion/ d’aphorisme;
identifiez-les, reformulez-les et commentez-les.
9. Comment Cioran définit-il la poésie ? Etes-vous d’accord avec sa définition ?
Donnez-en votre propre définition (5-10 lignes)
10. Quelle est l’attitude de l’auteur du dernier texte quant aux créatifs culturels ?

6
11. Etes-vous d’accord avec le parcours des deux protagonistes de son article ?
Auriez-vous fait les mêmes choix de vie qu’eux ?
12. Distinguez :
a) la métaphore que de Bernard utilise pour soutenir sa thèse et le champ
lexical qu’elle engendre
b) les valeurs atteintes de la « dépréciation universelle » dont traite le premier
article. Selon vous, pourraient-elles être réévaluées ? De quelle manière ?
c) les événements et les causes, qui, selon de Bernard, président à la perte
d’espoir et de vouloir qui régissent la société contemporaine.
d) les « chefs d’accusation » des écrivains francophones contre la France.
e) l’attitude de chacun des écrivains interviewés à l’égard de la francophonie.
f) dans l’interview avec Le Clézio, les éléments autobiographiques.
g) les composantes du portrait du créatif culturel.
13. Imaginez la réponse que donnerait aux accusations des écrivains francophones :
a) un écrivain français bénéficiant, lui, de tous les honneurs de la Coupole (
Philippe Sollers, Jean Rouaud, etc.)
b) un universitaire français
c) un français moyen.
14. Relevez la poéticité des textes.
15. Expliquez par une paraphrase les sens des proverbes et des expressions imagées
qui apparaissent dans les articles. Cherchez leur équivalent en roumain / dans une
autre langue que vous maîtrisez :
Ils n’ont pas leur langue dans leur poche
Casser du sucre sur les Français
Son de cloche
Avoir les yeux plus gros que le ventre
Avoir les bras plus longs que les jambes
N’embrasser personne à vouloir embrasser tout le monde
Avoir un genou dans la tombe
Courir héroïquement à sa perte
Brûler sa vie par les deux bouts
L’engrenage fric – frime – non-sens à Miami
Des gens qui veulent faire de leur vie une œuvre d’art.
16. Relisez le fragment où l’écrivain algérien Hamid Skif décrit l’état de la
francophonie. Résumez-le sans reprendre ses propos.

D. COMMENTER
COMMENTER, C’EST PRÉCISER
1. Qu’est-ce que vous entendez par relativisme culturel ?
2. Quelles sont les mesures que réclament les écrivains francophones pour
« apaiser » leur « révolte » ?
3. Quelle solution de Bernard propose-t-il pour dépasser la crise dans laquelle se
trouve, selon lui, le monde contemporain ? Vous la trouvez :
a) élégante
b) réductrice
c) forcée

7
d) inacceptable
e) inefficace
f) insuffisante
g) illusoire ?
2. Quelles autres possibles voies identifiez-vous pour sortir de ce marasme socio-
culturel ? Quels « objets de motivation » entreverriez-vous ?
4. DOSSIER. Le texte de Didier Jacob met en place plusieurs personnalités dont
l’œuvre enjambe plusieurs cultures. Identifiez-les et présentez-les brièvement
devant vos collègues. Choisissez-en une et imaginez la discussion que Jacob a eue
avec elle (20 lignes).
5. DOSSIER LITTERATURE.
a) Comment Le Clézio juge-t-il le roman ? Etes-vous d’accord avec lui ?
Comment définiriez-vous le rôle du roman (dans la société, dans
l’ensemble de la littérature) ? Quel serait le rôle de la littérature dans le
monde contemporain ?
b) Nommez des écrivains qui écrivent (aussi) dans des langues autres que
leur langue maternelle. Qu’est-ce qui les y pousse à écrire ? Présentez-les
brièvement, avec leurs motifs respectifs, leurs œuvres, leurs biographies,
leurs rapports à la langue d’origine / à la langue d’emprunt.
c) Quelles sont vos lectures favorites ? Menez l’enquête aussi auprès de vos
collègues des autres facultés / universités.

COMMENTER,
C’EST COMPARER DES CULTURES
1. François de Bernard parle du « désert culturel » spécifique des sociétés
contemporaines. Etes-vous d’accord avec lui ? Croyez-vous qu’on puisse déceler
de nos jours une dichotomie entre cultures « malades » / cultures émergentes ?
2. DOSSIER FRANCOPHONIE
a) Le texte de Didier Jacob infirme-t-il / confirme-t-il l’image que vous aviez
de la francophonie ? Précisez.
b) Donnez votre propre définition de la francophonie.
c) Selon vous, le concept de francophonie est-il toujours recouvert par une
réalité ? Comment la décririez-vous ?
d) Comment imaginez-vous l’avenir de la francophonie ? (20 lignes)
e) Quel est, selon vous, le rôle de la Roumanie dans la francophonie ?
3. DOSSIER. Les Iles Maurice, histoire, culture, relation avec la France, rôle au
sein de la francophonie.
4. Est-ce que le créatif culturel participerait-il, tout comme le bobo, d’une mode
culturelle, d’un phénomène éphémère ? Son portrait subirait des modifications
importantes si on essayait de l’exporter en Algérie / Inde / Irak ?
5. ETUDE DE CAS. Connaissez-vous des cultures hybrides, construites sur
l’emprunt, sur le métissage, sur le mélange de cultures ? En quoi sont-elles plus
riches que les cultures homogènes ? Serait-il possible, à cette ère d’explosion des
médias, de se tenir à l’écart des influences culturelles ?

8
E. DEBATTRE
Réagissez aux affirmations suivantes :
La littérature contemporaine est une littérature du désespoir.
Maîtriser une langue, c’est maîtriser une culture.
L’avenir de la culture occidentale réside dans le métissage.
« Ne mérite d’exister que ce qui est exprimé en français ». (Cette affirmation relève-t-elle
d’une certaine époque ? D’une certaine situation privilégiée du français à l’époque
respective?)
« [U]n éditorial dans un journal [ne peut plus] aider à résoudre les problèmes qui nous
gâchent la vie ? » Pourriez-vous donner des exemples de votre connaissance où des
éditoriaux ou des reportages publiés dans des journaux ont effectivement contribué à
résoudre des problèmes concrets ?

F. MINI-CONFERENCE
Faites une sélection de citations – des idées, des expressions, des impressions de lecture –
qui ont attiré votre attention et présentez-les devant les autres.

G. CONTRASTES

1. DOSSIER. La « négritude » ; histoire, valeurs, représentants. Rapports à la


francophonie et enjeux dans le monde contemporain
Servez-vous également du texte suivant :
Alexandre del Valle et David Reinharc, « Entretien avec Calixthe Beyala », Israël
Magazine, le 15/09/2006
Calixthe Beyala est sans doute l’intellectuelle noire la plus représentative, sans que cette
représentativité n’épuise toute son identité. Sa biographie, ses voyages, le fait, aussi,
qu’elle parle plusieurs langues – en plus du Français, elle parle l’Eton, sa langue
maternelle, ainsi que le Pidgin, l’Espagnol et quelques langues africaines – témoignent
d’une véritable ouverture d’esprit. (…) Entretien avec une voix essentielle de la France
noire, qui refuse d’abreuver de fausses certitudes l’anxiété identitaire.

9
Alexandre del Valle/ David Reinharc : Vous êtes une intellectuelle reconnue et,
présidez, entre autres, le principal mouvement des Noirs en France, qui lutte contre les
discriminations. Peut-on dire les choses comme cela ?
CB : Je ne me définis pas comme quelqu’un qui représente quoi que ce soit. Mettons que
je me définis d’abord comme une intellectuelle à qui sa communauté reconnaît une
certaine capacité de penser et d’agir. […] Etre noir, c’est une captation visuelle
immédiate qui discrimine tandis qu’être Juif par exemple, c’est être un Occidental
comme les autres. Etre noir, c’est être assigné malgré soi à négritude par le regard de
l’autre. Cette assignation à identité – on entre là dans le domaine psychologique – est mal
vécue, et à partir de ce moment, certains revendiquent cette représentation et se
radicalisent. Etre juif n’est pas quelque chose de physiquement visible en dehors des
signes distinctifs religieux. Etre « homo », de la même manière, ce n’est pas une
captation visuelle immédiate, si on ne le clame pas sur tous les toits. A la différence d’un
Juif ou d’un « homo », les Asiatiques sont des minorités visibles. Lorsque je sors dans la
rue, immédiatement, je suis vue comme différente : c’est cela, faire partie d’une minorité
visible. (…)
(http://www.alexandredelvalle.com/publications.php?id_art=250)

2. ETUDE DE CAS. La créolité. Histoire, culture, représentants, situation


actuelle, rapports à la France / au français. Vous pouvez lire aussi les deux textes
suivants :

1. La guerre avec le français n'a plus lieu d'être. Mais, si politiques et médias se sont
emparés du créole, celui-ci peine encore à s'infiltrer à l'école et à compter dans la
création artistique et littéraire.

Patois d'esclave à l'origine, le créole arbore fièrement dorénavant son statut de langue
régionale. Autrefois interdit à la maison et à l'école, circonscrit à la rue, il s'invite dans les
colloques universitaires, au catalogue des diplômes, dans les brochures touristiques ou
encore dans les administrations. La classe politique et médiatique a vite saisi l'intérêt du
«péyi Gwadloup». Les présidents de la région et du département usent régulièrement de
formules imagées à l'appui de leurs propositions; la langue se faufile au quotidien, à la
radio, dans les propos d'animateurs et de journalistes, et la télévision publique lui ouvre
même un espace de débat! Le temps est loin où, dans les années 1970, la radio ne
diffusait, aux aurores, qu'un seul bulletin en créole... Beaucoup de métropolitains,
soucieux de s'intégrer à la population, s'y mettent à leur tour. Quant aux commerçants
chinois depuis peu installés dans l'île, certains le baragouinent déjà afin de séduire la
clientèle de leurs bazars...
Hervé Pédurand, « La Guadeloupe. Une cohabitation apaisée », L’Express.fr, mis à jour
le 11/01/2008, publié le 11/01/2008
(http://www.lexpress.fr/region/une-cohabitation-apaisee_473810.html)

10
2. Aimé Césaire, « Prophétie »

Prophétie


où l'aventure garde les yeux clairs
là où les femmes rayonnent de langage
là où la mort est belle dans la main comme un oiseau
saison de lait
là où le souterrain cueille de sa propre génuflexion un luxe
de prunelles plus violent que des chenilles
là où la merveille agile fait flèche et feu de tout bois

là où la nuit vigoureuse saigne une vitesse de purs végétaux

là où les abeilles des étoiles piquent le ciel d'une ruche


plus ardente que la nuit
là où le bruit de mes talons remplit l'espace et lève
à rebours la face du temps
là où l'arc-en-ciel de ma parole est chargé d'unir demain
à l'espoir et l'infant à la reine,

d'avoir injurié mes maîtres mordu les soldats du sultan


d'avoir gémi dans le désert
d'avoir crié vers mes gardiens
d'avoir supplié les chacals et les hyènes pasteurs de caravanes

je regarde
la fumée se précipite en cheval sauvage sur le devant
de la scène ourle un instant la lave
de sa fragile queue de paon puis se déchirant
la chemise s'ouvre d'un coup la poitrine et
je la regarde en îles britanniques en îlots
en rochers déchiquetés se fondre
peu à peu dans la mer lucide de l'air
où baignent prophétiques
ma gueule
ma révolte
mon nom.

3. PROJET. Villes multiculturelles. Quelles cultures ? De quelle manière


cohabitent-elles ? Quelles personnalités représentatives ? Quelle atmosphère, quelle
évolution dans le temps ?
Vous pouvez lire aussi le texte suivant.

Au chapitre du romantisme, rien n'égale cette ville maure surplombant les eaux,
inépuisable source d'inspiration pour tous les artistes et écrivains.
[Initialement] comptoir punique, Tanger est tour à tour romaine, propriété des califes
d'Al-Andalus, portugaise, anglaise, un peu espagnole, approximativement française. Le
cosmopolitisme (…) constitue sa marque de fabrique, définitivement labélisée entre les
années 1920 et 1950 du siècle dernier. Décrétée zone internationale, dotée de neuf
légations des grandes puissances signataires du traité, elle grouille de ministres
plénipotentiaires et de diplomates vaguement barbouzards. Son statut fiscal exceptionnel
(ni droits de douane ni impôts) attire aussi bien des milliardaires, dont Malcolm Forbes et

11
ses fêtes mirobolantes, que des aventuriers, des peintres (Matisse y prend la relève de
Delacroix), des écrivains en rupture de ban (Gide précède Paul Bowles, Genet et les amis
beatniks d'Allen Ginsberg, sans rien dire des junkies tel William Burroughs), de
douteuses princesses et de vrais forbans. Au chapitre du romantisme portuaire, Tanger le
dispute alors à Tampico, à Hambourg ou à Valparaiso. C'est la ville de tous les trafics:
argent, secrets militaires, drogue, sexe. Au Café de Paris, épicentre de la nouba
tangéroise, se retrouvent diplomates, proxénètes, artistes, truands et vieux messieurs
amateurs de jeunes gens aux longs cils. L'alcool y coule à flots. Aujourd'hui, il est banni
de cette espèce de Flore décati, comme de la plupart des lieux publics. (…) La maraude
gay et la quête de substances altérantes n'ont pas tout à fait disparu des mœurs locales,
mais elles ne s'exercent plus que de façon furtive, réprouvée par le zèle des défenseurs de
la vraie foi. Les femmes qui allaient épaules nues, de jour comme de nuit, se sont presque
toutes voilées. En quelque trois décennies, Tanger est passée d'une centaine de milliers
d'habitants à plus de 1 million d'âmes en peine. Entre bidonvilles suburbains, béton
provisoire, et marbre trop blanc pour ne pas évoquer le blanchiment, petite délinquance et
grande pauvreté entretiennent un foyer de ressentiments qu'attise à loisir l'intégrisme le
plus ombrageux.
Tanger ou la fascination de l’éclectisme architectural. Que reste-t-il des fastes
interlopes de naguère? Des ruines émouvantes comme le théâtre Cervantès (1913) ; et, de
manière plus générale, les vestiges branlants d'un éclectisme architectural sans pareil.
Non par strates, mais dans un télescopage dont on ne peut prendre la mesure qu'en
marchant, c'est-à-dire en passant d'un mur lépreux de la médina au néoclassique de
l'ancienne légation américaine (1821), qui se visite; d'un palais hispano-mauresque, qui
ne se visite pas, à des bâtiments Art déco d'inspiration viennoise ou française du palais du
sultan (devenu le beau musée Dar-el-Makhzen), qui date du xviie siècle, aux
constructions futuristes du prochain port Tanger Med (dont on espère des emplois), du
labyrinthe odorant des souks au cloître silencieux du palais des Institutions italiennes (sur
demande), d'un quartier pouilleux aux somptueuses résidences du Marshan, cernées
d'arums et de roses, villas florentines, provençales, répliques de cortijo andalou, façons
de cottage Nouvelle-Angleterre. Ne manque que le chalet tyrolien. En cherchant mieux,
vous le débusqueriez peut-être entre une tombe phénicienne et un temple anglican
transformé en mosquée. A peu près tous les styles de toutes les époques sont disséminés
sans rime ni raison apparentes. Telle est l'ultime séduction de Tanger, ce miroir brisé dont
chaque éclat sollicite l'imagination romanesque. De la mélancolie à l'état volatil.
Pierre Veilletet, « Retour à Tanger », L’Express.fr, mis à jour le 13/03/2008, publié le
27/02/2008
(http://www.lexpress.fr/styles/voyage/retour-a-tanger_473247.html)

4. Répondez au questionnaire suivant, pour apprendre si vous êtes ou


non un créatif culturel :

Etes-vous un « Créatif culturel » ?


1. Vous aimez la nature et sa destruction vous inquiète.
2. Le sort global de la planète vous touche (réchauffement climatique, destruction des
forêts tropicales, surpopulation, prise en compte insuffisante des impératifs de la

12
durabilité écologique dans le système en place, exploitation des populations des pays
pauvres) et vous souhaitez que l’on fasse plus pour l’améliorer, même si ceci implique de
limiter la croissance économique.
3. Vous seriez prêt à payer plus d’impôts ou de taxes, ou à payer des biens de
consommation plus cher si vous aviez la preuve que l’argent récolté est bien utilisé pour
la protection de l’environnement.
4. Vous attachez beaucoup d’importance à la qualité des relations humaines.
5. Vous considérez qu’il est important d’encourager et d’aider chacun à mettre en valeur
les dons, talents et richesses uniques de sa personnalité.
6. Vous faites du bénévolat pour une ou plusieurs causes.
7. Le développement spirituel et psychologique est un domaine qui vous est familier.
8. La spiritualité et la religion sont des aspects importants de votre vie, mais vous vous
inquiétez de l’influence des intégrismes religieux.
9. Vous souhaitez que les femmes soient traitées à l’égal des hommes, notamment dans le
monde professionnel, voir plus de femmes à la tête des entreprises et des partis politiques.
10. Vous êtes alarmés par les violences et les mauvais traitements que subissent les
femmes et les enfants dans le monde entier.
11. Vous souhaitez que les dépenses publiques et la politique en général soient plus
orientées vers l’éducation et le bien-être des enfants, vers la réhabilitation des quartiers et
des communautés, vers la création d’un système écologiquement stable et durable
permettant de préserver l’avenir.
12. En politique, vous n’êtes satisfait ni par la droite ni par la gauche, ni même par un
centre mitigé.
13. Votre vision de l’avenir est plutôt optimiste et vous vous méfiez du pessimisme et du
cynisme que véhiculent les médias.
14. Vous souhaitez vous impliquer activement dans la transformation de la société.
15. Vous désapprouvez les méfaits des entreprises accomplis au nom du seul profit
(licenciements, dégradation de l’environnement, exploitation des pays pauvres et de leurs
populations).
16. Vous surveillez vos dépenses et évitez de « surconsommer ».
17. Vous désapprouvez la manière qu’a la culture moderne de toujours mettre l’accent sur
la compétition, le succès et la réussite, sur l’acquisition et l’accumulation de nouveaux
produits, et sur les signes extérieurs de richesse et le luxe.
18. Vous êtes ouvert à ce qui vous est étranger : personnes, lieux et modes de vie.

Si vous êtes en accord avec au moins quinze de ces affirmations, vous êtes sans doute un
créatif culturel (Extrait du livre de Paul Ray).
Anne Dhoquois (avec Wikipedia)
(Les créatifs culturels – http://www.place-publique.fr/article2574.html)

II. REPERES GRAMMATICAUX. Le régime prépositionnel des verbes

Sans Préposition Préposition Préposition Infinitif en


préposition À DE À / DE construction
directe ou
préposition À

13
Affirmer, S’acharner, se Accepter, Commencer, Aimer,
aller, complaire, accuser, continuer, décider,
apercevoir, condamner, achever, contraindre, mettre, rester,
assurer, consentir, se ambitionner, s’ennuyer, etc.
compter, décider, cesser, forcer, obliger,
croire, disposer, se contenter, solliciter,
détester, donner, désespérer, demander, etc.
devoir, dire, employer, empêcher,
écouter, s’essayer, se essayer, finir,
entendre, fatiguer, se hâter,
se figurer, hésiter, imposer,
s’imaginer, s’obstiner, interdire,
laisser, parvenir, se menacer,
monter, préparer, négliger,
penser, renoncer, se oublier, prier,
reconnaître, résoudre, projeter,
savoir, venir, servir, songer, recommander,
etc. travailler, etc. regretter,
se réjouir,
se souvenir,
tenter, etc.

Exercices :
1. Là où c’est le cas, remplacez les pointillés par la préposition convenable :
Il s’amuse … regarder les oiseaux se baigner dans cette mare. Il sent … l’émotion
monter. Nos amis nous ont conseillé … ne pas acheter cette voiture. Lorsque les enfants
sont rentrés, ils ont décidé … ne plus jamais partir en vacances sans nous. Dans ce
vacarme, nous cherchons tout de même … nous comprendre. Je l’entends … danser dans
la chambre à côté. Il est contraint … partir. Les ministres se sont résignés … attendre la
fin de la séance pour apprendre le résultat du vote.

2. Mettez ensemble les constructions suivantes, avec la préposition requise par le


verbe ou sans préposition:

Il est interdit aller voir un médecin.


Même s’il n’a aucune chance de se réconcilier.
gagner, ce garçon s’entête d’
Je vous recommande faire trop d’effort.
de
Mes parents ont beau tenter passer la journée en plein air.
Malgré sa santé précaire, il s’obstine fumer dans cette pièce.
à
Nous préférons poursuivre l’entraînement pour les
Jeux Olympiques.

14
3. Construisez des phrases avec les verbes suivants : aimer, apprendre, consentir, se
contenter, empêcher, se figurer, penser, songer, tenter.

III. DISCOURS MEDIATIQUES. Le portrait de presse. La mise en


scène d’une personnalité : A. Soljenitsyne et les médias occidentaux

Afin de surprendre la présence dans la presse des personnalités culturelles et surtout ce


qui les fait apparaître à la Une des quotidiens internationaux, les portant ainsi à la
connaissance du public nous proposons la grille d’analyse suivante.
1. Répondez aux questions suivantes:
• Quels types d’événements déclenchent l’intérêt des médias ? En d’autres mots,
quelles familles événementielles remettent dans l’actualité la personnalité d’un
artiste ?
• Y a-t-il une matrice discursivex – un modèle de structure du discours médiatique
/ du portrait de presse ? Laquelle ?
• Par quelle stratégie de mise en scène l’événement est-il actualisé dans différents
documents de la presse internationale ?
• Quel est le bilan de l’image de l’artiste que la presse renvoie au lecteur ?
2. Etapes de l’analyse
2.1. Survoler la presse : identifier les familles d’événements ciblées sur une
personnalité culturelle.
Exemple :
Le survol de la presse francophone à vocation internationale des six derniers mois de
l’année 2008 nous a permis de constater deux types d’informations mis en vedette par les
médias : « remise de prix », dont la plus récente le prix Nobel de littérature, et
« disparition d’une personnalité culturelle », parmi les plus récurrentes. Ces deux familles
événementielles permettent en effet aux journalistes de faire « le bilan » d’une vie, de
reconstruire l’image de la personnalité par une stratégie textuelle qui vise à faire
connaître son impact sur le monde contemporain, donc à informer mais aussi à former par
l’encyclopédisme du contenu. Les documents de presse analysés renforcent leur
crédibilité en authentifiant les informations : témoignages personnels des artistes, notices
biographiques, photos, complément de rigueur dans le portrait de presse. Ils contribuent
ainsi à une représentation complète et complexe de la personnalité en question.

2.2. Vérifier l’application d’une matrice discursive spécifique.


La mise en texte de la personnalité respecte une matrice discursive commune :
- Introduction (annonce de l’événement déclencheur par le titre et le chapeau)
- Repères biographiques
- L’œuvre et l’originalité du créateur
- L’homme et son apport social, culturel, politique
- Conclusion : l’importance internationale de sa personnalité
2.3. Stratégies de mise en scène de la personnalité : similitudes et différences
Pourtant, les stratégies de la mise en scène des personnalités culturelles diffèrent, bien
que les données – biographie, œuvre – soient les mêmes. Les éléments distinctifs portent
sur :

15
- la mise en texte du contenu sous l’aspect formel :
• structure textuelle (plan thématique / chronologique / par opposition) ;
• ampleur donné à l’événement par le choix du genre journalistique
(dépêche d’agence ; compte-rendu ; commentaire);
- le choix des fonctions discursives (narrer, décrire, analyser)
- la manière personnelle de rendre le contenu (style, ton).
L’image de la personnalité se révèle finalement au public par la force du paradigme de
désignation.
2.4. Analyse contrastive du portrait dans la presse.
A partir du noyau commun du portrait de presse, identifié comme matrice discursive,
nous procédons par la suite à une analyse contrastive de la mise en scène d’un même
événement par plusieurs instances émettrices pour constater justement leurs manières
particulières de brosser le portrait d’une personnalité. Le bilan constate l’importance sur
les représentations du public des stratégies éditoriales régies par des a priori politiques,
culturels ou nationaux.

Etude de cas : Alexandre Soljenitsyne


La confrontation des réactions provoquées dans la presse internationale par la
disparition de l’écrivain russe met en évidence sa personnalité exceptionnelle. Le corpus
de textes1 comprend les articles de trois agences internationales (AFP, AP et RIA
Novosti), des quotidiens français en ligne Libération.fr, LeFigaro.fr, ACTUS
HUMANITE.FR, du quotidien russe Tvoï Den, parus du 3 au 5 août 2008, ainsi que du
Monde sélection du 9 août 2008.
La structure des discours est identique : l’introduction, la biographie, l’œuvre, l’homme
et, en conclusion, l’écho international de sa personnalité.
Pourtant, la seule mise en parallèle des textes d’agences révèle la perspective élogieuse
de l’AFP contrastant avec la restitution argumentée et riche en informations d’AP.
Objectif, sobre et précis, l’article de l’AP synthétise la personnalité de l’écrivain, mais le
paradigme de désignation reste pauvre. Le journaliste réserve à la fin un effet de surprise
en citant le président français qui a rendu hommage à Soljenitsyne saluant « l’une des
plus grandes consciences de la Russie du XXe siècle », « une figure romanesque,
héritière de Dostoïevskie qui « appartient au Panthéon de la littérature mondiale ».
Le paradigme de la désignation qui donne corps à l’identité et à la personnalité de
Soljenitsyne met en scène un profil très contradictoire et controversé. Élogieux dans la
majorité de la presse française : « prophète » au destin exceptionnel (AFP),
« Soljenitsyne a joué un rôle historique », c’était un « patriote habité par une force
prophétique et une détermination comparables à celle d’un Dostoïevski », mais un talent
littéraire controversé (Libération.fr), pour devenir dans Le Figaro, « un mythe » et sa vie
« une légende », « une suite de miracles ». Seul bémol à ces superlatifs, dans le numéro
ACTUS HUMANITE.FR. Ce dernier, paru le 4.08.2008, choisit le ton sec et le laconisme
dans le portrait contrasté, volontairement minimisé par la présentation : « dénonciateur du

1
Sources: Agences de presse en ligne : http://www.afp.com 03-08-08, www.ap.org /04-08-08,
http://en.rian.ru / 19 :38/05/08/08 ; quotidiens français en ligne : http://www.latribune.fr, http://liberation.fr
/ 03-08-08, http://www.lefigaro.fr /04-08-08, http://www.humanite.fr– rubrique Actus humanité.fr./ 04-08-
08, http://www.tden.ru/ 04-08-08 , du quotidien russe Tvoï Den, Le Monde Edition internationale, sélection
hébdomadaire- samedi 9 août 2008, No. 3118.

16
goulag stalinien » et « paria devenu héros » dans le passé, il n’était plus qu’un
personnage affaibli, « le chantre du nationalisme » et « soutien de Poutine ».

La revue de la presse russe (RIA Novosti, 19 :38/05/08/08) accentue la touche


nationaliste, son rôle messianique de « conscience de la nation », d’« autorité morale »,
évoque l’écrivain « justicier » et déplore « La fin d’une époque » (titre de la double page
de Tvoï Den) car, dans l’état actuel de la Russie, marqué par le clivage pouvoir / peuple et
la perte de conscience et des idéaux nationaux, la voix de Soljenitsyne prêchait dans le
désert. En Russie, les médias locaux reprennent la réaction des autorités : « écrivain
exceptionnel », « homme au destin unique ».
Pourtant, les quotidiens consultés dévoilent aussi les accusations d’antisémitisme (La
Tribune.fr), son attitude critique à l’égard de la culture occidentale, le présentent comme
le « chantre » des valeurs nationalistes, de l’orthodoxie. Sa nostalgie de « la Sainte
Russie » le place, dans ses dernières années, « en décalage » par rapport à ses
concitoyens.
« Grand historien et écrivain politique, son talent littéraire a fait l’objet de jugements
divergents, certains critiques le croyant éminent sur ce plan aussi, d’autres, tel l’écrivain
ex-dissident Vladimir Voïnovitch, affirmant que son génie est un « mythe »
(Libération.fr).
Les mises en perspective divergeant, le bilan synthétique fondé sur le paradigme
désignationnel de Soljenitsyne révèle, d’une part, la difficulté pour le lecteur d’avoir une
représentation objective et impartiale de la personnalité de l’écrivain par une consultation
unilatérale des sources ; d’autre part, le croisement des sources dévoile implicitement les
apriori qui sous-tendent les stratégies rédactionnelles. L’implicite qui explique la froideur
de l’article de L’Humanité – version en ligne est, par exemple, l’orientation politique,
communiste du quotidien. Par contraste, LeFigaro.fr, journal de centre-droite, évoque
dans la personne de l’écrivain russe : la victime d’une politique discrétionnaire, « le
combattant contre le communisme », l’ « antistalinien ».

Activités :
1. Analysez l’écho dans la presse internationale de la remise du prix Nobel de
littérature à Jean-Marie Gustave Le Clézio, les 9, 10 octobre 2008. Appliquez
la grille d’analyse suggérée.
2. Comment présente la presse roumaine cet événement ? Réalisez un analyse
comparative à partir de la matrice discursive du portrait de presse.
3. Choisissez deux quotidiens francophones et identifiez les types d’événements
qui actualisent les personnalités culturelles.
4. Comment sont reflétés dans les médias les événements culturels d’envergure
internationale ?

DIRE AUTREMENT
saisissante : étonnant, frappant, surprenant
l’emporter : avoir le dessus, se montrer supérieur, gagner, triompher, vaincre
sous la contrainte – obligé par
glissement : affaissement, évolution

17
guère : pas beaucoup, pas trop
ladite : celle dont on vient de parler
flamboyant : brillant, éclatant, étincelant
farfelu : loufoque, biscornu, saugrenu
(ne pas) avoir sa langue dans sa poche : parler avec facilité et, notamment, répliquer
en découdre : se battre
casser du sucre sur le dos de quelqu’un – dire du mal de lui
en avoir marre : être excédé, dégoûté, en avoir assez, en avoir par-dessus la tête
décloisonner : ôter des cloisons administratives, économiques, psychologiques de (qqch.)
pour faciliter la communication
rebouteux : guérisseur
à la petite semaine : à très court terme
avoir les yeux plus gros que le ventre – entreprendre plus que l’on ne peut mener à bien
avoir les bras plus longs que les jambes – var. avoir le bras long, être influent
même son de cloche : même chose
remèdes de grand-mère : remèdes empiriques traditionnels
outrecouidance : orgueil, présomption, prétention, arrogance, effronterie, impertinence
brassage d’idées : mélange; creuset, melting-pot.
étriqué : qui est trop étroit (vêtement) ; (fig.) sans envergure, trop limité ; borné, étroit
audace : assurance, bravoure, courage, décision, hardiesse, intrépidité
le métèque : étranger (surtout méditerranéen) vivant en France, et dont l’allure, le
comportement sont jugés déplaisants
nobélisable : susceptible d’obtenir un prix Nobel
féru : qui est très épris, entiché, passionné
polisson : coquin, canaille, égrillard, leste, osé
ringardiser : (fam.) rendre désuet, démodé; ringard : ce qui est vieillot, de mauvaise
qualité, de mauvais goût
nonos – (invention lexicale) d’autres éventuelles catégories
traiteur : restaurateur
brûler sa vie par les deux bouts : mener une vie d’excès
frime : (fam.) comportement volontairement ostentatoire, bluff, fanfaronnade, vantardise
; (arg.) visage, mine
les babas : babas cool, personnes des années 1970, non violente, inactive, plus ou moins
nomade, écologiste, souvent mystique, vivant parfois en communauté ; hippie
fomenter : susciter, préparer secrètement (une révolution, des troubles)

18
La communication médiatique. Discours et réception

La communication médiatique
La communication médiatique est une forme de communication sociale qui revêt d’abord
une valeur commerciale, étant régie par les lois du marché et de la concurrence. Sous cet
aspect, tous les médias confondus s’intègrent dans une industrie culturelle qui crée trois
types de produits en série : information, publicité et divertissement.
A part cette mise économique, les médias ont des mises symboliques, qui font l’objet de
ce cours, et que nous tentons ici d’approfondir surtout par deux types de produits,
l’information et la publicité, rendus par les canaux de la presse écrite, des documents
vidéo et audio, ainsi que par d’autres produits culturels. Les mises symboliques de
l’information et de la publicité se laissent analyser sous trois aspects : la source – lieux
de production du discours ; la matière – langage verbal, image, codes gestuels ; et la
forme de chaque activité médiatique – le discoursx informatif et le discours publicitaire.
Ces derniers procèdent à des mises en scène discursives des phénomènes régis par
l’actualité des événements et par l’imaginaire collectif. Tout produit médiatique –
magazine, quotidien, article, publicité – sera ainsi appréhendé en premier lieu selon ces
trois critères.
L’importance socioculturelle des médias et leur impact sur l’évolution des mentalités
ressort aussi de mises symboliques telles :
- les mises de représentation. Les énoncés informatifs ou de publicité sont
élaborés à partir des choix discursifs sous forme verbale (désignations,
qualification des acteurs) ou visuelle (figurer des actions). Ces a
priori discursifs travaillent à la promotion et à la construction, chez les
individus, d’images mentales qui sont structurées sous forme de
représentations collectives. Celles-ci deviennent des instruments
d’interprétation, d’intelligibilité du réel qui, par ces voies indirectes, peut être
perçu différemment selon les critères de sélection et de mise en page des
politiques rédactionnelles.
- les mises socioculturelles. Activant la circulation de ces représentations dans
le monde social, les médias contribuent à l’organisation du système de valeurs
et de croyances qui tendent à devenir des normes pour les collectivités
(internationales, nationales, locales, régionales). C’est pourquoi l’influence
des médias n’est pas négligeable en ce qui concerne les schémas cognitifs1.

1
En psychologie : informations stockées en mémoire ne faisant pas l’objet d’un apprentissage volontaire,
ces schémas permettent de comprendre « comment nous percevons notre environnement, comment les
informations sont organisées en mémoire et comment nous mobilisons des connaissances implicites pour
agir sur les monde », Jean Pierre Rossi, « Le rôle des schémas cognitifs », site :
http://www.scienceshumaines.com/le-role-des-schemas-cognitifs_fr_14707.html, consulté le 11.10.2008.

1
- les mises politiques. Exposer publiquement les opinions reste l’une des
vocations essentielles des grands quotidiens généralistes2.
L’approche sociolangagière du Centre d’Analyse du Discours (Université de Paris XIII)3,
que nous empruntons, permet justement d’identifier et de développer des instruments
d’analyse et des outils méthodologiques capables de faire émerger l’organisation formelle
et la nature de ces représentations. Ces recherches sur les faits de langage révèlent la
nature des différents imaginaires culturels qui sous-tendent les discours médiatiques. Ces
analyses se présentent donc comme un préalable indispensable à toute approche
interculturelle, d’autant plus dans l’enseignement des langues, qui ne peut ignorer le
contexte socioculturel dans lequel tout fait de langage s’inscrit.

Les discours médiatiques sont en effet dans ce cours non seulement les vecteurs d’accès à
l’actualité dans des espaces culturels différents, mais représentent aussi un dénominateur
commun interculturel à double fonction : par leur structure formelle, d’un côté, et par la
langue véhiculée, le français, de l’autre.

La situation de communication et le contrat de communication médiatique


A partir du principe que tout acte de communicationx est fondamentalement surdéterminé
par les contraintes de la situation de communicationx particulière où il s’inscrit, qui est à
son tour régie par des règles précises, on peut considérer que l’activité médiatique part
d’un contrat de communication spécifique. C’est pourquoi toutes les analyses
interculturelles que nous proposons, ainsi que tous les supports médiatiques qui en sont
les vecteurs démarrent par une analyse des circonstances, de l’environnement physique et
social, de l’identité des acteurs, des représentations sur eux, des événements antérieurs,
etc.
Ce contrat permet d’envisager les particularités des situations de communication
médiatique et les types de discours qui s’y prêtent, car il couvre plusieurs activités
discursives caractérisées chacune par : une finalité spécifique ; l’identité des sujets
communicants ; le profil des sujets récepteurs ; les formes du discours.

Le but. Fonction du type de produit, les contrats de communication spécialisés se


distinguent par leur contenu et par les finalités communicationnelles spécifiques :
- Le contrat d’information chapeaute tous les messages médiatiques dont le but est
d’assurer la connaissance et l’explication du monde des événements. Sa finalité
informative se combine avec un but de séduction.
- Le contrat de communication publicitaire revêt lui aussi, pour des raisons économiques,
une importance capitale dans la communication médiatique. Ce contrat est
essentiellement animé par un but factitif (d’achat), ce qui fait fonctionner les ressorts du
but de séduction et du but persuasif, empruntant parfois pour des fins stratégiques des
procédés rhétoriques propres au but informatif.

2
Guy Lochard et Henri Boyer, Comunicarea mediatică, Institutul European, Iaşi, 1998, p. 10-13 (nous
synthétisons et traduisons).
3
Jean-Claude Soulages, « Les imaginaires socioculturels et le discours publicitaire », LFDM (Médias : faits
et effets), (Coord. Thierry Lancien), Edicef, Paris, 1994, p. 55 – 61.

2
Les sujets émetteurs. Individuels ou collectifs, ils sont à la source de la communication
médiatique et ont des identités et des rôles distincts selon le type de discours :
- Le discours informatif, issu d’équipes rédactionnelles de journalistes dont l’activité
respecte une carte rédactionnelle et un code déontologique ;
- Le discours publicitaire, élaboré sous forme d’annonces, produites par trois types
d’acteurs interdépendants : les créatifs, les commerciaux et les média-planneurs, qui
échangent des informations en permanence.
Les sujets communicants qui sont à l’origine des énoncés médiatiques (articles,
émissions, etc.) disposent, dans ce cadre contraignant, d’un espace de liberté qui leur
permet de donner à ces derniers des formes spécifiques en développant des stratégies
spécifiques4.

Les sujets récepteurs. Les directions de la pensée actuelle déplacent les questions qui ne
visent plus les effets des médias sur le public mais la manière dont les messages
médiatiques sont utilisés par le public. La notion de lecteur-modèle5, appliquée à la
situation de communication de la presse écrite, constitue un critère de distinction entre
plusieurs types de presse : presse généraliste / presse thématique ; presse d’élite/ presse
populaire / presse à scandale. Le journaliste prend en compte constamment les
compétences linguistiques et les savoirs encyclopédiques de son public virtuel, de son
lecteur-modèle. Alors que les plus grandes différences entre les types de lecteurs modèles
proviennent des compétences différentes qui sont activées chez eux par la lecture de la
presse spécialisée / la presse généraliste6, l’univers d’attente, de croyances et de valeurs
distingue le public de la presse d’élite du public de la presse populaire. L’analyse
permettant l’identification des prototypes de lecteurs, récepteurs de différentes catégories
de presse, ouvre ensuite le champ aux interprétations interculturelles, par une plus
profonde compréhension de l’univers référentiel d’un public spécifique. C’est pourquoi,
pour tout média, partir à la conquête de son public, le convaincre et le fidéliser restent les
actions essentielles.

Capter l’audience. La raison d’être de tout média est de nature économique, à savoir le
profit. Conquérir et élargir son public part finalement du besoin de vendre au mieux sa
publicité. Ce fondement est régi par trois principes directeurs : faire sérieux, faire plaisir
et être empathique. Ces trois exigences ou impératifs sont la crédibilité, le spectacle et
l’empathie.

Les formes du discours médiatique


Dans la presse écrite et audio-visuelle traditionnelle, le discours médiatique était du type
monologue. Ses productions s’adressaient à un public mais il n’y avait pas de réversibilité

4
Patrick Charaudeau, Langage et discours. Eléments de sémio-linguistique (théorie et pratique), Paris,
Didier-Erudition, 1983, p. 14.
5
Voir Umberto Eco, Lector in fabula, traduit de l’italien par Myriem Bouzaher, Paris, Grasset, 1985 [1979]
(Figures).
6
L’analyse de deux types de lecteurs modèles, celui de L’Equipe et du Courrier picard, souligne que leurs
différences correspondent au « partage entre les productions médiatiques qui construisent leur public par
exclusion (publics « thématiques ») et celles qui excluent un minimum de lecteurs (publics
« généralistes ») ; voir Dominique Maingueneau, Analyser les textes de communication, Paris,
Nathan/HER, 2000, p. 35.

3
du discours. Le destinataire du discours médiatique était muet pour l’émetteur mais il
n’était pas inerte – il pouvait éteindre, zapper, ignorer, etc. C’est pourquoi les médias ont
ressenti le besoin de créer une apparente interactivité – le courrier des lecteurs, les appels
téléphoniques, les bandes des réactions en continu. Pourtant, le développement d’Internet
a permis l’entrée massive et rapide sur la Toile des éditions médias en ligne où le
discours n’est plus exclusivement monologique mais offre des possibilités de dialogue et
interactivité aux récepteurs.
Quelles sont les stratégies des instances de production pour capter l’audience des
récepteurs ?
Premièrement, elles se proposent d’« intégrer les cibles » dans les produits diffusés, ce
qui veut dire qu’elles produisent des discours en consonance avec le public visé, avec son
imaginaire (valeurs, attitudes, représentations) – ce que Ducrot appelle dialogisme
médiatique7. Le discours du sujet émetteur intègre le discours (réel ou supposé) du
destinataire et le prend en compte implicitement ou explicitement.
Un exemple en est le journal télévisé où le présentateur, à part un ou plusieurs invités
dans le plateau, laissera entendre, par des reportages, les opinions entendues ça et là, à
l’intérieur du pays ou à l’étranger, qu’il intègre dans son discours8.
Les formes du discours médiatique sont particulières à chaque média, fonction de leurs
cadres situationnels. Les contraintes du canal de communication sont d’ordre
matériel (presse écrite – support matériel durable, même si l’information est considérée
éphémère ; radio, télévision – messages fugitifs, sauf à être enregistrés) et imposent donc
des cadres différents. Ainsi, les formes de production discursive sont variables – un genre
journalistique est plus affirmé dans un média, plus réduit dans un autre ; les rapports au
temps diffèrent : la rapidité de la presse radio et télévisuelle – en direct / la presse écrite –
en différé ; la relation de communication avec le destinataire très distincte.

Le cadre situationnel de la presse écrite se distingue des médias audio-visuels par la


mise en rapport décalé des instances de production et de réception. Ici, les instances de
production et de réception sont séparées irréductiblement par une distance temporelle et
spatiale. Ce qui favorise une certaine distanciation du lecteur, protégé de l’influence
immédiate et directe du producteur de l’information. Actuellement, les médias en ligne
permettent une interaction dynamique avec leurs lecteurs / leur public, sans annuler pour
autant l’activité en décalé du journaliste (enregistrer les données, les organiser, les mettre
en forme de message).
De fait, comme le précisent Morel et Thiesse, « [l]es processus de construction de la
réalité semblent maintenant devenir la préoccupation première. La culture est définie
comme un univers mental, une vision du monde, considérés dans leur cohérence propre
en fonction de l’intelligibilité que les acteurs ont de leur situation et des contraintes qu’ils
subissent de par leur position sociale. »9
Avec la radio, la transmission de l’information n’est plus tributaire à un support
matériel. Elle établit une relation d’instantanéité entre l’instance de production et
l’instance réceptrice. La première émet les informations en flux continu, et permet le

7
Oswald Ducrot, Le dire et le dit, Paris, Minuit, 1985.
8
G. Lochard et H. Boyer, op. cit., p. 25.
9
A. Morel, A.-M. Thiesse, « Les cultures populaires dans les sociétés contemporaines », dans L’autre et le
semblable (Présenté par M. Segalen), Paris, Presses du CNRS, 1989, p.151.

4
rapprochement du récepteur de l’actualité car il peut suivre l’événement dès qu’il se
produit. En outre, des formes diversifiées d’émissions – débats, tables rondes, interviews,
tribunes des auditeurs – mettent en scène des dialogues entre l’animateur, des spécialistes
et le public. Ce dernier est libre d’assumer des fonctions différentes : le rôle d’un
authentique interlocuteur, participer aux débats, ou se retirer, en simple témoin. A force
d’innovations continues, ce média réussit, en dépit de la concurrence de la plus jeune
télévision, à rester le plus présent dans les foyers.
La télévision est de plus en plus remise en question sous sa forme actuelle. L’avènement
du numérique a permis l’apparition de formes complexes d’interactivité et d’options
individualisées des programmes mais aussi une diversification des supports par la reprise
des émissions en ligne. Le récepteur, derrière l’écran de son PC, consulte et confronte
aisément et simultanément l’information des trois instances émettrices. La présente
globalisation médiatique a et aura des conséquences sur lesquelles les chercheurs
avertissent déjà : inégalités dans l’accès à l’information, clivage culturel/hégémonie
culturelle, des formes hybrides d’activités, l’annulation des frontières entre
information/publicité ou information/divertissement.

Pour conclure, le monde s’offre à nous dans sa complexité à travers les médias. Mais ils
ne sont que l’interface entre la réalité et l’individu. Les précis théoriques sur les acteurs,
les cadres et les formes de la communication médiatique servent de repères pour la mise
en place des outils méthodologiques. Ceux-ci permettent ensuite de comprendre les
stratégies de mise en scène médiatiques et pénétrer au-delà du discours dans la réalité
complexe des cultures et des mentalités que le seul accès par le click de la souris ne suffit
pas à dévoiler.

5
La publicité

I. Définitions et méthode d’analyse


En tant que forme de communication, la publicité vise tout d’abord un but économique :
fixer l’attention du public sur un objet consommable et l’inciter à acheter ce produit ou
service. Ses principales fonctions sont de faire connaître un produit ou un service par des
procédés de séduction, de préserver l’intérêt du public par la persuasion, afin d’obtenir une
perception positive sur la marque promue et de fidéliser ainsi le consommateur. Ses mises
symboliques lui font acquérir droit de cité parmi les produits culturels grâce à sa
composante créative et à sa capacité d’influencer les comportements et attitudes de la
société contemporaine.
« La publicité est reconnue aujourd’hui unanimement comme un processus de production
de formes culturelles à part entière et comme un des supports les plus puissants des
représentations sociales et identitaires de nos sociétés1 ». C’est pourquoi l’étude des
publicités en tant que configurations signifiantes, par l’analyse du discours peut révéler un
certain nombre d’imaginaires sociaux, les modifications dans la hiérarchie des valeurs
dans une société à une époque donnée, et même les interférences culturelles.
Le « rituel socio-langagier » (Charaudeau, 1982) sur lequel se construit le discours
publicitaire met en relation deux instances empiriques, un sujet communiquant – un
annonceur publicitaire déterminé – et des sujets interprétants – un ensemble indifférencié
de consommateurs acheteurs potentiels du produit. A ce circuit externe correspond une
mise en scène de leur double figuré dans chacune des productions discursives, un
énonciateur et un destinataire présents dans les traces langagières de l’échange ou de la
scène représentés. La finalité de ce contrat sociolangagier est bien celle de transformer, au
moyen d’un certain acte de persuasion, un consommateur de publicité en un
consommateur effectif de marchandises. Pour parvenir à ses fins, le sujet communiquant
dispose de stratégies de discours qui se manifestent à travers l’organisation énonciative
et discursive de l’acte de langage, stratégies de captation qui masquent le plus souvent la
finalité du projet de communication. La configuration discursive de ces productions met
en évidence, malgré la multiplicité des variantes, l’existence de formes figées dépendantes
de deux types de facteurs :
• les uns liés au rituel sociolangagier
• les autres que l’on peut rattacher au poids de l’imaginaire collectif propre à une
société donnée.
Le rituel sociolangagier proposé par le discours publicitaire se définit par trois
composantes, trois questions que l’annonceur publicitaire doit se poser :

1
Jean-Claude Soulages, « Les imaginaires socioculturels et le discours publicitaire », LFDM (Médias : faits
et effets), (Coord. Thierry Lancien), Edicef, Paris, 1994, p. 56

1
• Quelle est la nature du média choisi ? – c’est-à-dire le support spécifique de
visibilité : annonce radiophonique, spot télévisé, affichage urbain, encart
publicitaire, etc. De fait, chaque support permet de sélectionner une certaine
audience, d’établir un type d’interaction, donc limite l’espace disponible pour
l’activité communicationnelle. Selon ce choix, la forme du discours sera, elle
aussi, influencée. Exemples : affichage urbain – formes discursives minimalistes,
simple présentation de l’objet et de ses attributs, genre « catalogue d’objets » ;
annonce radiophonique – formes langagières argumentatives ; spot télévisé – mise
en scène de formes narratives complexes.
• Pour parler de quoi ? – il opte pour un mode de qualification du produit : le
produit peut être seulement exhibé – mise en scène visuelle minimaliste ; le
produit se transforme en objet ou auxiliaire d’une quête.
• A qui parler et comment ? C’est la question et la difficulté majeure de toutes les
pratiques médiatiques (puisque, pour la plupart, monolocutives). Elle suppose la
création de la figure d’un partenaire postulé, d’un destinataire, ou plutôt de
plusieurs, susceptible d’être mis en scène à l’intérieur de l’acte de langage.

La narration publicitaire et les imaginaires socioculturels


Comme dans les médias de masse, les récepteurs sont lointains et anonymes, le sujet
communiquant doit s’efforcer de forger un lien symbolique mais toujours hypothétique
avec les sujets interprétants en puisant dans des savoirs, des normes, des valeurs et des
univers de références partagés. Le discours publicitaire va parler alors d’autre chose que
du produit et mettre en scène une série de représentations du monde et des êtres. Le
message ne se propose plus un contenu strictement informationnel et une forme
directement allocutive, mais il glisse vers des contenus métonymiques et métaphoriques et
une forme d’énonciation masquée. Le message publicitaire quitte alors peu à peu la sphère
du discours pour celle du récit. Sa configuration formelle – personnages, narrateur,
lecteur-spectateur – se rapproche manifestement de celle des genres fictionnels
traditionnels. Mais ces productions, qui sont avant tout fictives, ont néanmoins un rapport
à la réalité car elles reconstituent des scènes de la vie quotidienne, de la vie sociale, ou
créent des allégories purement imaginaires. Elles sont partie prenante du décor et de
l’expression de représentations sociales souvent stéréotypées. En effet, à travers ces séries
de constructions identitaires, des places et des types sont assignés par avance, contraints
par le poids des imaginaires socioculturels de chaque société. Leur forme figée laisse des
traces dans l’organisation discursive des messages et peut se révéler sous trois formes :
• La mise en scène d’univers de référence
• La qualification des êtres et des « essences » du monde
• Le choix d’acteurs de ces univers et la nature de leur quête.
L’étude transversale et interculturelle de ces divers univers de référence révèle / actualise
des types de structuration spécifique de chaque culture. C’est pourquoi l’analyse des
diverses publicités éditées ou des clips télévisés produits dans des cultures différentes sera
enrichie par l’application de la matrice suivante qui ouvre sur des champs complexes
d’interprétation.
Les univers de référence. Ces derniers se construisent autour de repères spatio-temporels
concrets ou symboliques, meublés d’objets fétiches, peuplés de personnages types. Ainsi,
l’espace peut-il avoir des contours reconnaissables (la ville, la nature, les lieux connus),

2
peut renvoyer implicitement à des espaces mythiques (religion, films, romans), évoquer
des espaces symboliques (l’exotisme, la pureté, l’aventure) ou faire corps avec un produit
chargé d’investissements symboliques massifs, tels l’automobile. L’univers de référence
s’anime de pratiques sociales (travail, loisirs) ou familiales, individuelles,
comportementales (séduction, …)
Cette « zone tampon » entre le produit et le sujet interprétant se présente dans le discours
comme le cadre de référence d’une énonciation et comme un espace d’interaction
possible pour des actants. Leur choix et les phénomènes de récurrence dont ils sont l’objet
figent une certaine représentation du social et de ses acteurs. Exemples de cadres de
référence : la femme et l’univers du foyer domestique, l’enfant et l’apprentissage,
l’homme et l’évasion.
Récit et agencement discursif. La structure sous forme de récit de la plupart des
publicités télévisuelles et de nombreuses publicités éditées permet d’identifier deux types
possibles d’agencement discursif. En effet, on constate que le récit, constitué d’un univers
de référence et de certains personnages, peut être mis en discours sous deux formes :
- soit faire de ces êtres des « essences » du monde (Charaudeau, 1992) par la mise en
description ;
- soit les qualifier en tant qu’acteurs du monde par la mise en narration.
L’organisation descriptive du discours présente un état du monde et a pour finalité de
qualifier les êtres et les essences d’un monde. Implicitement, dans les messages
publicitaires, ces types d’énoncés proposent une forme d’assertion sur un ordonnancement
du monde (son « état normal ») ; tout y est décrit comme si chaque être était à sa place.
Dès lors, nul besoin de justifier ces places par une quête, donc par un manque, et par le
recours à une mise en narration. Exemple : l’univers de la séduction ; la femme y est
présentée comme une essence du monde, éventuellement déplacée dans des espaces
irréels. On ne raconte pas, on la décrit elle, ou ses actions en rapport avec l’objet (l’univers
exotique d’un parfum).
L’organisation narrative est orientée vers une action sur le monde : un personnage,
confronté à un manque et donc à un déséquilibre dans cet univers met en œuvre une quête.
L’homme, à l’intérieur de l’univers de la séduction, ou du foyer domestique (dans les
publicités pour machines à laver, lessives, où la femme – mère, épouse – est absente) est
un acteur du monde. De même, la femme dans un univers spécifiquement masculin,
comme celui de l’automobile, devient espionne ou voleuse. Le récit fonctionne alors dans
ces fragments de vie sociale comme si la mise en narration fournissait une justification
pour la place (qui n’est pas la leur) occupée par chacun de ces êtres à l’intérieur de ces
univers (une femme dans une voiture ! un homme dans une cuisine !). On constate un
renversement des rôles stéréotypés des genres dans le mental collectif, mais le point de
départ est un cliché2.
Ce modèle sociodiscursif permet en outre d’isoler l’organisation argumentative du
message (la nature des arguments, la notion de preuve), les types d’évaluation
(pragmatique, esthétique, hédonique, etc.) mais aussi les différents procédés rhétoriques
employés, les types d’univers fictionnels et les effets de réels convoqués3.

2
Bien entendu, il s’agit là d’un exemple possible ; toutes les publicités ne supposent pas un renversement
des rôles ou l’attribution d’espaces sociaux impropres / non spécifiques.
3
Jean-Claude Soulages, art. cit., p. 60 – 61.

3
II. Evolution de la publicité

La publicité d’hier
La publicité, activité aussi vieille que le commerce, apparaît initialement sous la forme des
enseignes et des annonces, se diversifie à la fin du XIXe siècle et, parallèlement au
développement industriel, devient un élément crucial de la compétitivité. Notons comme
principal mode d’expression publicitaire, l’affiche, parfois véritable chef-d’œuvre (les
affiches de Toulouse-Lautrec de la Belle Epoque).
Ensuite, la mise en ondes offre à la publicité un champ nouveau d’expression, exploitant
souvent le répertoire de la chanson et mettant en relief l’importance d’un slogan oral et,
partant, l’importance de l’usage du langage parlé. Une nouvelle direction est née : la
publicité comme spectacle. Cette période ouvre également l’ère de campagnes
publicitaires coûteuses.
Avant la décennie 1970 la stratégie publicitaire laisse libre cours à la création. Ce n’est
qu’à partir de cette époque que la publicité se recentre autour du produit ou service qu’elle
promeut, avec le développement d’idées comme le positionnement ou la notoriété.
L’histoire récente de la publicité montre que l’évolution de la production des messages va
de pair avec l’évolution de l’activité d’interprétation et avec celle des pratiques de
consommation. Le discours publicitaire est similaire à une forme d’apprentissage et
suppose comme lui un effet de sédimentation d’un capital culturel propre aux sujets
interprétants, concernant ce rituel langagier. On parle par exemple des ères primaires,
secondaires, tertiaires de la publicité. Ses formes primitives ont existé et existent encore
(plus accélérées dans les ex-pays de l’Est ou au Maghreb) et se manifestent par une
articulation directe du discours envers les sujets interprétants, ostentatoire et explicite sur
les attributs du produit. Face à l’absence de capital culturel chez les sujets interprétants,
les annonces y adoptent des formes discursives qui évitent toute ambigüité du côté de la
réception et de l’interprétation des messages. Elle est aussi présente dans la publicité de
proximité (locale) ou spécialisée des revues techniques.

La publicité de nos jours


Composante du paysage urbain moderne, omniprésente avec ses jingles et ses images, la
publicité est devenue un phénomène social dont l’importance croît au même rythme que la
place prise par les médias dans la vie individuelle. L’exposition quotidienne aux médias
est en effet de 6 heures, dont 3 à 4 devant la télévision. Chaque jour, nous sommes
exposés à un véritable « matraquage » publicitaire.
Ainsi, aujourd’hui, la publicité est-elle de plus en plus liée aux émotions des gens.
L’accent est mis sur le consommateur qui règne sur le marché des produits. A l’époque de
la surexploitation de la sensibilité des gens par les messages publicitaires, la voie de
prédilection pour attirer l’attention est de choquer. La publicité « choc » est une pratique
de plus en plus utilisée, fondée sur une stratégie de communication qui essaie de capter
l’attention du destinataire et la mémorisation du message dans le but de provoquer chez lui
une réaction, un impact émotionnel.

4
Flavien Brizard la définit en ces termes4 : « Le seul texte officiel mentionnant le
“shockvertising” apparaît dans un texte de loi suisse sur la publicité où il est expliqué que
doit être considéré comme shockvertising toute publicité qui, indépendamment du média
employé, utilise des thèmes sans aucune relation objective avec le produit ou la
compagnie et capable d’entraîner des réactions violentes de la part des consommateurs
dans le but d’améliorer la notoriété de la compagnie. »
Bref, la stratégie employée est de se servir d’un concept émotionnel fort – le pathos – pour
faire augmenter la mémorisation du produit par le consommateur à l’aide de quatre
procédés :
1. Le publisexisme – utilisation du plaisir qui intègre la beauté et le sexe
2. L’humour qui provoque le rire et permet une mémorisation facile
3. Les sentiments de colère ou de tristesse, éveillés chez le spectateur, sont
fortement employés pour les thèmes de : violence, drogue, mort ou racisme
4. L’état de confusion créé chez le spectateur par un message totalement inadéquat
avec le produit. Le public subit alors un processus inconscient de réflexion pour créer un
lien entre les deux, ce qui génère une très forte mémorisation.

La publicité de l’avenir
« L’évolution d’Internet multiplie les opportunités publicitaires, rendant les plans médias
de plus en plus complexes5 », c’est la conclusion d’une récente étude de marketing.
Les tendances :
• Plus de temps consacré aux médias ; 16 % du temps consacré aux médias en
Europe est passé en ligne
• Socialisation du Web : augmentation de 30 % des utilisateurs uniques des réseaux
sociaux dans le monde entre novembre 2006 et août 2007
• Acteurs médias : 9 % des acheteurs en ligne européens publient ou mettent
régulièrement à jour leur propre page web. Qui plus est, l’apparition et la prolifération
spectaculaire des blogs augmentent considérablement l’espace de diffusion de la
publicité
• Impact de la marque commerciale, avec laquelle le produit finit pratiquement par
s’identifier.
D’un point de vue publicitaire, Internet offre de vastes opportunités pour la
promotion des marques en ligne, mais présente également des défis plus complexes. Alors
que l’aspect social d’Internet augmente par exemple les possibilités de dialogue avec un
public sur la Toile, il remet également en question le contenu traditionnel proposé par les
modèles des médias classiques. Donc, il est évident que la publicité doit s’adapter aux
circonstances d’un monde de plus en plus branché, au cas où elle désire se graver mieux
dans l’esprit des consommateurs.

IV. Conclusions
Bien qu’elle développe une certaine forme d’art, la publicité est aussi la source d’une
certaine déformation de l’esprit critique, car elle présente seulement les avantages d’un

4
Extrait du Journal étudiant l'Amnésic de l'association Isic Rider, novembre 2006. Journal libre de droits.
5
Source : EIAA Mediascope 2006 ; comScore Nov 06-Août 07 ; Forrester Juin 2007

5
produit, en faisant taire ses inconvénients. Selon certains, la publicité chercherait à
manipuler l’esprit de celui qui la regarde ou l’écoute, exploiterait les aspirations humaines,
telles le besoin d’évasion, le besoin de changement. Pourtant d’autres affirment que son
bon côté pour le consommateur serait de lui fournir des informations sur les produits dont
il a besoin.
Ainsi il y en a qui condamnent la publicité et d’autres, assez nombreux, les « friands » de
publicité. Leur engouement pour les « pubs cultes » s’explique soit par la nostalgie des
publicités anciennes, reflet d’une époque ; soit par l’intérêt sociologique et culturel du
décryptage des publicités ; soit, enfin, par l’attraction des manifestations collectives
lorsqu’on diffuse des publicités « cultes » ou insolites de tout pays et de toute époque.

6
Analyser la presse écrite

I. La mise en scène du réel.


L’accès à la réalité par les médias est d’abord le fruit d’un processus de sélection par
lequel le journaliste sépare de l’actualité certains faits. Ce tri met en vedette certains
actions et discours d’une collectivité qui deviendront des événements médiatisés. Parti de
données brutes, le journal restitue une actualité reconstruite, selon des procédures
de « mise en texte événementielle1 ».
Presse d’élite / presse populaire : caractéristiques, public. Comment s’opère cette
sélection, en fonction de quels facteurs ?
1. Un premier facteur est la sélection des informations en fonction des domaines de
l’activité sociale qui intéressent tel ou tel journal.

a. En effet, pour chaque type de presse on pourrait distinguer d’une part des types
d’informations et des stratégies de mise en scène de l’information spécifiques – dans
le champ de l’instance émettrice – qui ciblent, à la réception, un segment précis du
lectorat, défini par un certain horizon d’attente, concrétisé par un profil type du lecteur.
La presse d’élite sélectionne prioritairement les événements politiques et culturels. Un
survol rapide du journal, des catégories d’informations présentes entre ses pages et de la
place qu’elles y occupent permet en effet d’avoir un aperçu de ses priorités. L’espace
accordé aux différentes informations distribuées en rubriques (vie internationale,
économie, société, sports, etc.) est à mettre en rapport avec le lectorat et son horizon
d’attente. « Pour garder son lecteur, le journaliste lui présente les événements
correspondant à son univers de croyances et à son espace mental ». Par exemple, le
lecteur d’un journal sérieux tel Le Monde s’attend à ce que les nouvelles internationales
soient données en premier dans la distribution des rubriques. « Sans doute, le profil type
du lecteur du Monde est-il celui d’un “citoyen du monde” dont l’espace n’est pas restreint
à un espace géographique tournant autour de sa personne et de son pays2 ». En effet, le
lecteur de la presse d’élite se sent concerné par les événements politiques lointains qu’il
peut insérer dans son encyclopédie de personne cultivée.
En revanche, la sélection des informations puisées dans le tas des nouvelles de l’actualité
par la presse populaire permet de la distinguer de la première, car elle privilégie les
informations sportives et les faits divers. En outre, dans un journal régional, les
événements locaux et les informations ponctuelles, susceptibles de toucher
personnellement les lecteurs, sont davantage mis en valeur.

b. Chaque type de journal veut garder, à sa manière, son lecteur mais les stratégies
diffèrent : informer objectivement / toucher en dramatisant. Ainsi, par exemple, au
lecteur de la presse régionale ou populaire, il faut lui parler soit de ce qui lui est proche

1
Francine Cicurel, « les scénarios d’information dans la presse quotidienne », LFDM, Médias :faits et
effets, (Coord. Thierry Lancien), Edicef, Paris, 1994, p. 91.
2
Idem, p. 92.

1
spatialement (les manifestations culturelles locales, par ex.), soit le toucher
émotionnellement en procédant à la mise en scène du fait divers et de sa dramatisation.

c. Sous la plume du journaliste, la dichotomie se poursuit, les stratégies prennent corps en


scénarios d’information distincts. La manière de présenter une information sera
différente entre la presse d’élite et la presse populaire, en fonction du lectorat-cible :
raisonnés dans le premier cas, dramatisés dans le deuxième. A l’intérieur d’un
événement, les aspects retenus ainsi que la forme seront différents.
Pour exemplifier, nous avons comparé la presse d’élite / la presse populaire. Si la logique
et les critères d’analyse restent les mêmes, les facteurs présidant à la mise en texte des
informations généralistes peuvent être nuancés si l’on se propose de comparer à celle-ci
la presse spécialisée. Bref, si l’on part d’autres critères taxinomiques.
La presse d’élite privilégie des scénarios relativement dépouillés, qui apparaissent
dans les mailles de l’organisation de la présentation raisonnée des événements rapportés.
Ce type de presse insiste sur le déroulement des faits et publie une information se voulant
objective. Le savoir véhiculé dans ces articles est aussi destiné à appuyer la crédibilité
d’un journaliste sérieux et bien informé qui donne des « signes de savoir ».
Dans la presse populaire, les scénarios sont plus proche du mélodrame. Ils mettent
l’accent sur des détails de la vie personnelle, sur la touche émotionnelle. Ce type de
scénario propose une mise en hiérarchie des valeurs. Il offre au lecteur de faire une
lecture dramatisée, le mettant en position d’empathie, de répulsion, d’indignation, de
voyeurisme. La visée du journaliste n’est plus d’informer ou de former mais de
distraire, de retenir l’attention, de provoquer des émotions. La nouvelle « populaire »
permet au lecteur d’entrer dans la vie intime des personnages publics et de provoquer le
commentaire. Elle permet la circulation orale de l’information, qui sort ainsi de la sphère
publique pour rejoindre l’espace privé et la vie du lecteur.
Pour plus de clarté, voir le tableau ci-dessous :

Types de Type Stratégie Scénarios


presse d’information d’information
Presse Evénements Informer Dépouillé
d’élite politiques et objectivement
culturels
Presse Evénements Toucher en Mélodrame
populaire locaux, faits dramatisant
divers,
informations
sportives

2. La stratégie textuelle est un deuxième facteur, qui rend compte celui-là de la manière
d’appréhender le monde. J. Bruner (1986)3 distingue entre deux modes d’appréhension
du monde :
• Le modèle analytique : l’information est alors faite selon le mode de la raison et
de la logique. Par exemple, les articles de fond présentent une analyse détaillée et

3
Apud Francine Cicurel, art. cité, p. 92

2
argumentée d’un fait advenu : causes, conséquences, parfois interprétation.
Marques du discours journalistique : Le journaliste s’y efforce de donner des
marques extérieures d’appartenance au modèle analytique, se reconnaissant à
l’importance accordée au texte, généralement long, à la référence à des sources
d’information clairement données, à l’absence d’images ou de photos
spectaculaires. Des traces de didacticité peuvent être identifiées, montrant que le
journaliste se donne aussi comme objectif de former / informer son lecteur.
• Le modèle de « l’histoire » : c’est par une configuration narratologique que se
fait l’appréhension du réel. L’événement présente alors des parentés avec la
structure d’une histoire fictionnelle. Le second mode gouverné par la structure
narrative occupe une place de choix dans la presse à sensation mais il intervient
également dans le mode de présentation de l’événement relaté dans la presse
sérieuse, même si dans une moindre mesure et bien caché4.
L’appréhension du monde par la presse écrite fait distinguer deux autres manières de
rendre la réalité : un compte-rendu de l’événement, la « presse-miroir », ou un
témoignage à plusieurs voix, la « presse-écho5 ».
La presse-miroir se distingue par sa capacité d’apparaître comme un lieu de
reproduction des événements du monde. Exemples : les énoncés verbaux – les dépêches
d’agences, les genres factuels, tels le reportage, mais aussi les photos, créditées d’avoir
une grande objectivité.
La presse-écho gagne en autorité parce qu’elle fait entendre des voix qui confirment la
vérité de son exposé. « L’illusion référentielle » visée par le discours médiatique est
l’une des conditions fondamentales de la crédibilité journalistique. Celle-ci, pour être
perpétuée doit s’accompagner de stratégies d’authentification6 qui valident l’information.
C’est l’explication des voix multiples qui se croisent dans les énoncés médiatiques. Le
journal ne se contente pas de « rapporter » ces discours émanés de diverses sources, mais
en utilisant des formules codifiées, il les crédite avec différents degrés de fiabilité. Par
exemple, les titres sont révélateurs du degré de fiabilité accordé à la source : La BCE
laisse entendre qu’elle ne devrait plus relever ses taux d’intérêts dans les prochains mois,
dans Le Monde. Sélection hebdomadaire, 12 juillet 2008. L’énonciateur exprime ses
réserves sur la véridicité de l’information par l’emploi du conditionnel et de l’expression
verbale « laisse entendre ».

II. Le texte et l’iconique. Ambiguïté de l’image de presse


A. Etapes de l’analyse.
1. Les éléments graphiques et la composition. Une image est reçue
différemment et souvent de manière contradictoire selon les individus, leur
culture, leur ethnie. Au-delà de l’effet de réelx, les circonstances de parution
et l’accompagnement par le texte (légende et titre) orientent notre
compréhension de l’image.
La reproduction et l’authentification du réel trouvent un précieux auxiliaire dans les
images qui accompagnent le matériel verbal. Les photos, les dessins humoristiques et les

4
Idem, p. 92-93
5 Mouillaud et Tétu, 1989, apud Guy Lochard et Henri Boyer, op. cit., p. 60.
6 G. Lochard et H. Boyer, op. cit., p. 60-61.

3
illustrations sont de plus en plus présents dans les journaux. Le statut d’empreinte du réel
confère à la photographie un plus grand pouvoir d’authentification car elle ne suppose
pas une médiation humaine. Pourtant il ne faut pas perdre de vue que l’œil du
photographe découpe une partie de la réalité, par sa propre sélection et ensuite par le
cadrage. L’apport de crédibilité de la photo explique sa fonction stratégique dans la
plupart des journaux.
Beaucoup de magazines ou quotidiens ont réduit la part de textes pour mieux faire dire
aux photos ce qu’elles pouvaient rendre, d’autres font de l’impact de l’image une
stratégie en soi. Le meilleur exemple est la phrase d’accroche des campagnes
publicitaires du Paris-Match, qui résume sa stratégie de mise en scène de l’actualité: Le
poids des mots, le choc des images. Une réflexion s’est engagée sur la manière de
scénariser l’actualité, la photo tenant le rôle principal, l’écrit venant en quelque sorte en
soutien. Le succès de la visualisation de l’information a donné naissance à une nouvelle
discipline, l’« infographie ». Elle mélange des dessins à quelques mots clés, au mieux à
quelques phrases. Elle sait, mieux que de longs développements, condenser des concepts
ou des évolutions difficiles à comprendre dans des schémas.
Les images prises « sur le vif » surprennent un événement fixé à jamais dans son
moment le plus dramatique et sont placées à la Une des journaux.
Les images codifiées. Elles sont plus pauvres en information mais leur force résulte de
leur dimension codifiée. Une poignée de main, la main levée en signe de victoire, ces
photos privilégient la gestuelle pour sa dimension rituelle. Ainsi, par exemple, la photo de
Barack Obama, pris de dos devant la foule de journalistes allemands, souligne plutôt
l’accueil favorable, la visite « médiatique », mais aussi un cadrage personnel de
l’événement centré sur la différence « contrastante », ce qui élimine tout risque de
méprise sur la personne du premier plan.

4
Le texte accompagnateur. Le décodage de l’image est facilité par les textes
d’accompagnement, qui visent un « cadrage du sens ». Leur fonction de relais apporte
à l’image un complément d’information – une légende précise l’endroit, les personnes
– mais elle a souvent une fonction d’ancrage du sens, orientant la lecture de l’image
dans le sens recherché par l’instance de production.
Selon Frédéric Lambert, la photographie ne vient pas capter le sens mais elle
« entretient un rapport de force avec l’événement : elle veut lui imposer ses vues », le
dessinant « selon des règles de représentation que le fait doit prendre aujourd’hui
pour être diffusé7 ».

En guise de conclusion, le découpage sélectif des informations selon des stratégies


spécifiques de chaque type de presse, auquel s’ajoute l’impact de l’image, rend une
vision fragmentaire de la réalité. Pourtant, le décodage du mécanisme de mise en
scène du réel par la presse nous rapproche du monde et de ses acteurs, nous introduit
dans les coulisses où les différences et la diversité culturelle contribuent à nuancer la
réception.

7
F. Lambert, 1986, apud G. Lochard et H. Boyer, op. cit., p. 63.

5
Survoler l’actualité

Le pouvoir d’informer
Un raz-de-marée informationnel envahit l’humanité contemporaine et la rend incapable
de s’y retrouver dans le flux de nouvelles déversé sur les ondes, dans les pages des
journaux ou sur la Toile. Parallèlement aux progrès technologiques, les médias, de par
leur diversification, ont évolué d’une part vers les médias « généralistes » qui permettent
de se retrouver autour de références communes et d’autre part vers les médias identitaires
ou tribaux. Le « plat du jour » s’est transformé dans un menu « à la carte » ou chacun
puise l’information et le divertissement selon ses intérêts particuliers. Chacun peut se
composer sa petite bulle informationnelle à sa guise : ce qui était déjà vrai avec la
diversification de l’offre de radio ou de télévision, devient encore plus évident avec les
technologies numériques. Beaucoup sont tentés de voir en Internet le contraire des mass-
médias : chaque utilisateur peut théoriquement devenir émetteur à son tour, les contenus
semblent infiniment diversifiés, le récepteur peut très bien ne plus se contenter de
recevoir des messages fabriqués « à la chaîne » pour un public moyen présumé.
N’importe qui peut s’organiser une page de favoris ou de fils RSS pour suivre en
permanence tous les sites (y compris les agences de presse) se rattachant à son sujet
favori. Il dispose ainsi d’une capacité de documentation gratuite très supérieure à celle
d’un journaliste professionnel d’il y a vingt ans, quand il fallait s’abonner à des agences
et réunir de la documentation papier. Les flux surabondants d’informations mettent
chaque citoyen en mesure de rivaliser avec une vraie rédaction.

1. Le circuit de l’information. Agences internationales de presse → dépêches


d’agence→ rédactions → quotidiens, hebdomadaires → articles

En quoi consiste le travail d’information ?


Informer c’est « décider ou non de parler d’un événement et de le rapporter1 » et ensuite
« enrichir un public par la relation d’un événement transformé en information par le
travail spécialisé d’un journaliste2 ». L’information journalistique consiste à sélectionner
un fait parmi un ensemble, ce qui efface provisoirement les autres, puis à parler de ce fait,
c’est-à-dire réduire provisoirement le monde à cet événement. « Ce procédé de
focalisation crée un univers d’obsession auquel le lecteur est invité à participer. Informer
c’est juger utile de faire savoir et faire savoir3 ».
Pourtant, informer ce n’est pas couvrir des faits. D. Wolton distingue entre événement, en
tant qu’accident de la réalité, et information, en affirmant que ce qui intéresse le public,
« c’est la mise en forme médiatique des événements ». L’événement directement adressé
au public ne constitue pas une information car il est occulté, entre les deux, ce qui fait le

1
D. Wolton, apud Françoise Claquin, « La revue de presse radiophonique : étude contrastive », LFDM
(Médias :faits et effets), R&D, juillet 1994, p. 80-90.
2
Patrick Charaudeau, Langage et Discours, Paris, Hachette Université, 1983, p. 115.
3
Ibidem.

1
fondement du métier de journaliste : prendre de la distance, trier, vérifier, recouper,
douter, choisir, interpréter et décider. L’information n’est jamais la réplique du réel mais
une interprétation, un choix, une construction, Le sens de l’actualité est alors produit par
un processus de formalisation qui est à la fois une in-formation (sélection, organisation et
combinaison) et une symbolisation (mise en relation de signes qui produisent une
communication d’un certain type).
La description qu’un journaliste propose des faits est rarement basée sur ce qu’il en a vu,
mais sur ce qu’il en a entendu dire, sur des discours déjà produits à propos de ce fait,
témoignages de première ou de seconde main, communiqués officiels, productions
d’autres organes de presse, dépêches des agences de presse, etc. Le journaliste est
souvent tributaire des sources ou des « cascades de sources4 » pour accéder aux faits
auxquels il juge important d’accorder un statut. L’information est déterminée par ce que
d’autres, en amont ont déjà défini comme étant de l’information.

La dépêche d’agence.
Les organes de presse5 (journaux, radios, chaînes de télévision) ont souvent recours à des
entreprises spécialisées capables de couvrir les nouvelles du monde entier. Ce sont les
agences de presse. Elles vendent les informations recueillies par leurs journalistes.
Fournisseurs de nouvelles pour la majorité des médias, ceux-ci doivent répondre à des
exigences professionnelles rigoureuses, notamment dans la vérification et la citation des
sources. Produite pour alerter, la dépêche doit être transmise dans les délais les plus brefs
et répondre à des règles précises d’écriture :
- Clarté et simplicité : la lecture d’une dépêche doit être aisée et efficace.
- Concision et précision : la dépêche doit d’abord répondre à six questions de
référence sur ce qui s’est passé : qui ? quoi ? quand ? où ? pourquoi ? comment ?
- Organisation : les éléments d’information d’une dépêche sont présentés dans
un ordre décroissant d’importance, appelé « pyramide inversée ». Ce plan
journalistique peut se résumer par la formule suivante : conclusion ×
développement. L’essentiel est donc dans les deux premiers paragraphes. Cette
construction permet aux utilisateurs (radios, presse écrite) de ne retenir de
l’information que ce qui les intéresse.
Produit brut, la dépêche sera reprise, complétée, argumentée, « colorée » par le ton de
différentes rédactions.

La revue de presse. Le titre véhicule de l’événement


La revue de presse.
La revue de presse radiophonique se situe dans une perspective intermédiatique. Synthèse
des informations de la presse écrite, elle est rendue publique par la radio. Simple lecture
de titres ? Pas du tout. Une de ses spécificités est l’empreinte conceptuelle et stylistique
du journaliste rédacteur sur des matériels déjà élaborés par ses confrères. Elle est
« l’exposition orale de l’examen d’un ensemble d’articles qui donnent un aperçu des
différentes opinions sur l’actualité. La radio commente la presse écrite : c’est le

4
Ou « chaîne énonciative » ; voir Darde, apud Françoise Claquin, « La revue de presse radiophonique :
étude contrastive », LFDM (Médias : faits et effets), juillet 1994, p. 80.
5
Informations puisées dans le dossier pédagogique de la Semaine de la presse, 2003, in LFDM, n° 332,
p.77.

2
traitement de l’information par discours rapporté6 ». Rédiger une revue de presse suppose
donc opérer avec les citations d’autres journalistes. Le revuiste s’efface dans l’acte
d’énonciation et laisse entendre la voix des confrères. Mais avant la mise sur les ondes de
ce discours rapporté de l’actualité, le revuiste lit la presse, en fait une sélection de titres
représentatifs ou originaux et établit une organisation hiérarchique de ces citations.
L’énoncé cité devient formule et se convertit lui-même en texte. Mais l’autonomie de
l’énoncé rapporté est purement fictive. En effet, le chroniqueur s’implique dans la mesure
où il reconstruit l’énoncé rapporté en fonction de sa situation d’énonciation propre. C’est
lui qui contrôle le texte introducteur et donc le sens qui se dégage de la citation. La revue
de presse se présente comme une série de choix que sa structure tend à justifier, à
valoriser. En fait, ce qu’il rapporte c’est de « l’information au carré7 », car reconstruite à
partir d’un travail initial d’information et de mise en discours opéré par les journalistes de
la presse écrite.
La revue de presse se focalise moins sur ce qui s’est passé que sur ce qui s’est dit en
réaction ou en commentaire : elle présente donc non pas les événements mais les
nouvelles traitées dans les journaux. « La nouvelle, c’est-à-dire l’événement thématisé
par la presse écrite, constitue la matière première de la revue de presse8 ».

Les titres, véhicules de l’événement


1. Comprendre la mise en texte de l’événement par la lecture des titres
Les titres, quintessence de l’actualité, accrochent l’attention du lecteur par l’annonce d’un
changement dans le statu quo, soit l’initiation, la fin d’une action, soit l’inédit d’un
phénomène, par exemple. La démarche proposée ci-dessous découpe les étapes du
décodage de la « titraille » – l’ensemble des éléments suivants : le titre de la rubrique ou
« têtière » ; le surtitre ; le titre ; le sous-titre ; le chapeau ; l’intertitre. Si les titres
retiennent par l’annonce de l’événement, le chapeau livre l’essentiel de l’information de
façon à donner au lecteur l’envie de lire l’article qui suit.

Méthodologie
1. Identifier les titres
2. Les analyser (forme de l’énoncé, changement introduit)
3. Trouver une citation représentative
4. Aperçu global sur les tendances de l’actualité, la hiérarchie des événements

Etude de cas. Nous vous proposons une sélection aléatoire des titres d’un journal9 :
1. LA FIN DU CALVAIRE D’INGRID BETANCOURT
2. LE PACTE QUE PARIS PROPOSE A L’UE
3. LE LIVRE NUMERIQUE ARRIVE
4. NADAL DETRONE FEDERER EN SON ROYAUME DE WIMBLEDON

6
Françoise Claquin, art. cit., p. 80.
7
« Lors de la revue de presse le journaliste doit effectuer un deuxième tri et présenter une information
connue. Son objet est de mettre en valeur les sélections qu’ont opérées ses homologues de la presse écrite.
Déjà connue, l’information doit se parer de grâces inédites et suggestives, le connu doit se rendre insolite et
l’inconnu familier. Tout correspond à une re-construction de l’information dont la matière serait devenue
citation. C’est de l’information au carré » ; ibidem, p. 82.
8
Ibidem.
9
Le Monde, Edition internationale, Sélection hebdomadaire – samedi, 12 juillet 2008.

3
5. LA FRANCE APPELLE A L’UNION CONTRE L’IMMIGRATION ILLEGALE
6. LA COMMISSION REJETTE LE PRINCIPE DES QUOTAS MIGRATOIRES
7. LES SOCIALISTES ESPAGNOLS PROPOSENT LE VOTE DES ETRANGERS
NON-EUROPEENS AUX MUNICIPALES
8. L’ELYSEE ENGAGE UNE COURSE CONTRE LA MONTRE SUR LA
REFORME DES INSTITUTIONS
9. LE LIVRE SE MET A L’HEURE DE LA GALAXIE NUMERIQUE.
10. LA POSTE POURRAIT CHANGER DE STATUT POUR DEVENIR UNE
SOCIETE ANONYME
• Analysez les titres : soulignez les verbes qui indiquent un changement par rapport à
un état précédent ou les noms – ex. la fin.
Exemples : 4, 6, 3, 8, 9, 2 et 7 : structure de rupture – détrône, rejette – ou d’initiation
d’un processus – arrive, se met à l’heure, engage, propose. Dans 5, le processus est déjà
commencé et il faudrait se rapporter à l’ensemble des titres, au fil des jours pour avoir
une image du macro-événement. L’exemple 10 rapporte un événement ayant des
chances de se produire, qui introduira également un changement à venir.
• Trouvez « la petite phrase » citée d’une personnalité, donnée en titre, à condition
qu’elle laisse entrevoir une modification. L’énoncé rapporté fait alors événement
s’il laisse entrevoir une modification à portée politique, économique, etc.
Exemple : « Le pacte ne promeut ni une Europe forteresse ni une Europe passoire », titre
de l’entretien avec Brice Hortefeux, ministre de l’immigration et de l’identité nationale,
du dossier « Immigration. Projet de pacte présenté au Conseil européen “justice, affaires
intérieures”, le 7 juillet à Cannes10 ».
Application. Vous pouvez à présent vous rapporter à l’analyse proposée pour « prendre
le pouls » de l’actualité telle qu’elle ressort des titres de différents quotidiens
francophones du même jour. La mise en commun de vos résultats aboutira à une analyse
comparative sur les priorités thématiques, la hiérarchie événementielle dans une
communauté, etc.

2. Varier la mise en forme du titre pour accrocher le lecteur


Pour accrocher le lecteur, les journalistes ont recours à plusieurs moyens grammaticaux,
sémantiques ou rhétoriques:
1. L’exclamation : Dupont parle !
2. Le nombre : Les deux soucis du président
3. L’interrogation précise : Quel est l’avenir de la Sécurité sociale ?
4. La fraction de citation célèbre : Tant va la cruche à l’eau …

Les étapes du circuit de l’information et les repères méthodologiques présentés, appliqués


sur des quotidiens, permettent une analyse globale et comparative des thèmes prioritaires
dans la presse internationale et de la place occupée par les événements dans un intervalle
temporel précis.

10
Idem, p. 6.

4
Syncrétisme médias - nouvelles technologies. Les genres journalistiques

1. Le syncrétisme médias - nouvelles technologies


L’importance de l’image dans la presse actuelle et l’influence des multimédias
sur l’évolution de la presse écrite
Parmi les tendances de la presse écrite actuelle, justifiées par le développement des
médias électroniques, mais aussi par le besoin pressant de vendre l’information,
Gilles Lugrin1 avance l’hypothèse de l’hyperstructure comme élément de
structuration. Le concept, introduit par Grosse et Seibold2, s’explique par l’analogie
avec le format HTML (abréviation pour « hypertexte markup language ») utilisé sur
Internet, qui permet de naviguer avec des liens d’une page à l’autre ou d’un service
éditorial à l’autre. En effet, les journaux, à l’instar de la presse magazine, font éclater
un texte en plusieurs textes plus petits mais reliés par le contenu. Les hyperstructures
de la presse écrite sont évidentes dans les doubles pages consacrées aux événements
étrangers d’anvergure : l’iconique contient des photos, cartes, plans ou diagrammes,
complément nécessaire et repérage encyclopédique, renforcé par des tableaux
chronologiques sur l’histoire des lieux ou des événements, et accompagné de courts
textes informatifs, reportages et interviews. Selon Lugrin, le journal combine trois
niveaux de structuration de l’information3 :
Elements de structuration :
Supérieur journal et son péritexte

Intermédiaire et
facultatif ensembles rédactionnels (corps de l’article x
péritexte x éléments auxiliaires)

Inférieur corps de l’article et son péritexte

Les spécialistes des médias s’accordent à reconnaître deux tendances majeures dans
l’évolution de la presse écrite, suite à l’influence des nouvelles technologies :
- l’éclatement des articles en modules plus courts – afin de rendre la sélection
plus aisée et de favoriser une lecture sporadique du journal, « zapping » ;
- un développement du « visuel » – que ce soit au niveau de la mise en page ou de
l’infographie. Bref, les implications des caractéristiques de l’écriture-lecture
multimédia sur le journal sont résumées par Lugrin en conclusion à son article. Il
identifie quatre ensembles de conséquences :
1. Le multimédia favorise une écriture et une lecture non linéaires.

1
Gilles Lugrin, « Le mélange des genres dans l’hyperstruture », dans « Semen 13 », Revue de sémio-
linguistique des textes et discours, (Coord. Jean-Michel Adam, Thierry Herman et Gilles Lugrin), n° 13
(2000-2), Presses Universitaires Franc-Comptoises, 2001, p. 65-96.
2
Voir U.E. Grosse et E. Seibold, « Typologie des genres journalistiques », dans Panorama de la presse
parisienne, Berne-Berlin, Peter Lang, 1996.
3
Gilles Lugrin, p. 67-68.

1
2. La structuration en hyperstructures peut soit favoriser l’éclatement, ce qui relève
de l’écriture multi-média qui procède par segmentation ; soit le regroupement
qui procède d’une volonté d’encyclopédisme.
3. La tendance « au mélange des fonctions de l’écriture et de lecture » : par les choix
qu’il opère, chaque lecteur actualise un parcours de lecture jusqu’alors latent.
4. Le développement du multimédia associé à une culture de l’image a pour
conséquent un renforcement et un renouvellement de l’image dans la presse
écrite. Internet étant par définition un média mondial, il favorise l’émergence
d’un langage visuel universel permettant de communiquer au mieux entre
cultures et entre pays, ce que les langues ne permettent pas4.

2. Les genres journalistiques


Fonctions discursives des textes journalistiques. Genres et superstructures : critères
de différenciation
La mise en texte de chaque genre journalistique comporte un schéma discursif que le
lecteur entraîné a en mémoire et que l’on peut faire reconnaître à un lecteur
découvrant la presse étrangère5.
Ex. une lettre au courrier du lecteur se présente sous la forme discursive comportant
les « superstructures » suivantes :
• rappel de l’événement à propos duquel on écrit
• identification du scripteur
• prise de position / conseil
Le connu s’actualise ainsi en catégories plus profondément présentes dans la mémoire du
lecteur même pour les types d’articles. Ce sont les fonctions discursives repérables par le
lecteur au fil de la lecture. Ainsi les écrits journalistiques peuvent-ils avoir comme but
de :
• narrer ce qui s’est passé (faits politiques, faits divers)
• exprimer une opinion (critiques, lettres des lecteurs, interviews)
• analyser (textes émanant souvent de spécialistes)
• décrire (portraits de presse, descriptions de sites, de choses)
• proposer / demander un service (petites annnces)
• vendre (publicité)
• divertir (dessins humoristiques, mots croisés)
Certes, ces fonctions ne sont pas étanches les unes aux autres mais l’une d’entre elles
domine souvent et elles permettent d’aller chercher des marques linguistiques illustrant
la « dominante » discursive (la modalité appréciative dans les textes de critique, par ex.)

Les critères de classification des genres journalistiques varient selon plusieurs facteurs :
facteurs extérieurs, formels (la longueur, la signature, la présentation typographique),
facteurs illocutoires – l’intention de l’acte de langage (le ton employé : neutre /
polémique, satyrique, scandalisé, admiratif, etc.) et l’intention affichée (articles narratifs,
d’autres ressortent de l’analyse ou de la pédagogie).

4
Idem, p. 90-92.
5
Francine Cicurel, « Les scénarios d’information dans la presse quotidienne », LFDM, Médias :faits et
effets, (Coord. Thierry Lancien), Edicef, Paris, 1994, p. 95-96.

2
L’éditorial.
Mis en valeur à une place attitrée, le plus souvent en première page. Composé de
caractères spécifiques et encadré, il se repère facilement et fait figure de leader de la
publication. C’est l’article de commentaire pur, souvent signé par le rédacteur en chef,
voire par le directeur de publication. L’éditorial engage symboliquement le journal et
donne, en principe, un avis collectif. Le style n’en est pas moins personnel. Si l’éditorial
livre la ligne du journal, il va surtout à la rencontre des pensées du lecteur. L’idéal c’est
quand l’éditorial donne l’impression du lecteur d’exprimer sa propre pensée mieux qu’il
ne le ferait lui-même.
Le commentaire
Il poursuit les mêmes buts que l’éditorial : il n’expose pas les faits, mais les interprète.
Toutefois, il n’a pas la même intention globalisante (ainsi, on peut en trouver plusieurs
dans un même numéro et sur des sujet différents). Commenter ne consiste pas forcément
à distribuer bons et mauvais points. L’opinion personnelle, le jugement peuvent faire
place à un éclairage sur les faits, un exposé de leurs causes et de leurs conséquences
possibles. Un commentaire se veut souvent pédagogique. Il s’appuie sur un article qu’il
accompagne et prolonge : article politique, compte-rendu de procès, compétition sportive.
Un commentaire doit éclaircir et non obscurcir.
La chronique
C’est un article de commentaire plus ou moins spécialisé, publié à intervalles réguliers
par une même personne et sous une présentation spécifique. L’auteur peut être une
personne extérieure au journal, par exemple un spécialiste, un écrivain, etc. Dans tous les
cas, le ton est personnel, souvent empreint d’ironie, avec le souci d’une écriture soignée
et recherchée.
Le billet
Il tend à disparaître car c’est un exercice difficile. [Pour mémoire, nous renvoyons à
Tudor Arghezi et aux articles de sa revue de l’entre-deux-guerres, Bilete de papagal]
Il consiste à prendre un fait d’actualité, à le triturer, parfois à le regarder par le petit bout
de la lorgnette ou encore à en associer deux de manière paradoxale. Le ton ironique est de
mise mais il peut, à l’occasion, se faire grave. L’angle d’attaque est toujours original et la
chute, humoristique, inattendue, laisse au lecteur l’impression que, décidément, rien n’est
simple en ce bas monde. Ultime difficulté, comme le billet est souvent quotidien, il faut
tenir le rythme !
L’écho
C’est un entrefilet de quelques lignes qui donne une information plus ou moins exclusive,
plus ou moins conditionnelle, plus ou moins vérifiable. Son objectif : en dire plus tout en
donnant au lecteur le sentiment d’être initié aux petits secrets. L’écho peut résolument
verser dans le commentaire. Alimentée par des sources obscures, la rumeur peut être
orientée, voire totalement imaginaire.
La critique
Dans une critique se mêlent informations et commentaires. Dans tous les cas, l’honnêteté
exige des arguments étayés : beaucoup de personnes vont au cinéma par procuration !
Ereinter un film qui le mérite ne dispense pas d’en préciser la nature. Les critiques actuels
ont deux défauts majeurs. D’une part, certains finissent assez vite par réagir en
professionnels blasés, perdant ainsi une spontanéité indispensable pour rester proches du

3
lecteur. D’autre part, ils versent aussi dans la louange grandiloquente du type « un style
éblouissant », « un pur chef-d’œuvre », etc.
La brève
C’est un texte très court (une dizaine de lignes au maximum), qui livre l’essentiel d’une
information sur un événement donné. La brève est le seul article à ne pas disposer d’un
titre. Les brèves peuvent rester isolées ou être regroupées dans une rubrique : on parle
alors parfois de « rivière » de brèves.
Le filet
C’est une brève… un peu moins brève ! Dans le même esprit qu’elle, il peut comporter
deux ou trois alinéas. Le ou les suivants développent des éléments de la brève pour entrer
plus avant dans les détails de l’événement, son explication, ses conséquences possibles.
Un peu plus long encore, il peut prendre le nom d’entrefilet.
Le reportage
Se situe à la charnière de l’information et du commentaire. Le reportage montre. Il reste
la meilleure école du journalisme : on y apprend la recherche d’informations, la maîtrise
de l’interview selon les interlocuteurs et on fait l’apprentissage de l’écriture. Le
journaliste rapporte ce qu’il voit et ce qu’il entend ; il agit en témoin : il regarde, il
écoute, il se renseigne et tente de comprendre avant d’informer. On désigne du même
mot, par extension, certains reportages spécialisés : les congrès des partis ou des
syndicats, les matchs, les procès, etc. Là encore le journaliste raconte ce à quoi il assiste,
avec des faits mais aussi des éléments d’ambiance. Témoin scrupuleux, le journaliste
pense à interroger tous ceux qui peuvent fournir des informations et ne néglige aucune
source. Le ton d’un reportage gagne à être vif. Le lecteur doit découvrir l’événement
comme s’il l’avait vécu lui-même. De là, l’importance des petits détails, des petites
touches qui font vrai et vivant.
L’enquête
Se situe elle aussi à la charnière de l’information et du commentaire. Pour schématiser,
on peut dire que si le reportage montre, l’enquête démontre. Elle démonte aussi, obligeant
son auteur à analyser un phénomène en profondeur, au-delà de l’événement brut.
Exemples : pourquoi la lutte contre la drogue se révèle-t-elle si difficile ? L’enquête
demande beaucoup de temps : recouper des informations constitue la méthode de base.
Le journaliste consulte une documentation complète puis affine ses investigations par des
reportages et des interviews.
L’article
Existe-t-il un type d’article qui s’appellerait tout simplement article ? Assurément ! la
grande majorité des papiers qu’on peut lire dans un quotidien ou un hebdomadaire ne
répondent à aucune définition donnée jusqu’à présent. Nous sommes en présence d’un
genre nouveau, le plus étendu dans son usage, le plus libre dans ses applications et qui ne
possède pas de nom précis. A strictement parler, tout article est un compte-rendu. Un
débat parlementaire, un conseil des ministres, une conférence de presse, une
manifestation, etc. donnent lieu à un compte-rendu, c’est-à-dire à un exposé de ce qui
s’est fait, de ce qui s’est dit.

A proprement parler, c’est premièrement à partir de l’analyse des fonctions discursives


d’un énoncé de presse que le lecteur avisé attribue son appartenance à tel ou tel genre
journalistique. Ce n’est qu’après qu’il identifie et définit une structure discursive globale,

4
ou une superstructure spécifique de chaque genre. La mise en page s’ajoute à cet
emboîtement de cadres formels et donne corps au discours typique des nouvelles
journalistiques (sommaire / introduction : titre et chapeau ; épisodes ; commentaires).
Finalement, c’est la structure similaire des discours médiatiques de la presse étrangère
qui facilite la lecture en d’autres langues, à condition d’en percer l’agencement formel.

5
Vie publique / vie privée dans les médias

L’opposition privé / public n’est nullement une invention de la modernité. Les plus vieux
textes du monde en parlent ; toutes les microsociétés orales la connaissent. Les frontières
du privé et du public découlent de notre liberté de voilement / dévoilement et de sa
faillible régulation. Chaque acteur dispose de cette liberté, de l’individu isolé à l’acteur
collectif (famille, clan, tribu, cité, État). Il existe donc autant de frontières privé / public
que de niveaux d’acteurs individuels et collectifs. Leur transgression est de mise dans la
société du spectacle médiatique.

Rendre l’événement. Repères d’analyse médiatique


Le contenu de l’actualité se laisse facilement repérer par l’organisation en rubriques qui
contiennent des événements et des nouvelles divers. Pourtant le caractère redondant de la
plupart (réunions politiques, catastrophes, attentats, visites officielles, élections) autorise
les spécialistes à les désigner comme familles d’événements, à l’intérieur desquelles
plusieurs scénarios actualisent un fait particulier. Le caractère éphémère et la répétitivité
font recourir les journalistes à une certaine « économie de moyens », repérable dans des
modèles de mise en scène similaires.
L’identité du protagoniste du scénario médiatique. Ce n’est qu’un aspect que nous
détaillons dans ce qui suit. Mais il y en aurait bien d’autres à aborder à ce point :
l’identité du lieu, du type d’événements, des voix que l’on fait entendre / lire au lecteur à
propos de telle famille événementielle.
D’abord, qui est-il ? homme politique, chanteur, sportif, écrivain ? la liste se limite aux
personnes célèbres.
De quelle manière sont présentés « les héros » des histoires médiatiques ?
Si l’on prend en compte la distinction entre presse populaire / presse d’élite, les
personnalités les plus présentes dans cette dernière sont les hommes politiques.
La presse à sensation, la presse « people », s’intéresse, elle, aux gens du spectacle, aux
membres des familles représentatives, à la fois comme « antidote » à la réalité
quotidienne du lectorat qui ne comporte aucune des actions d’éclat relatées mais aussi,
souvent, pour destituer ces héros. Si un personnage public s’effondre à la suite d’un
scandale, le public s’arrache le journal. Explications : juste retour des choses ?
consolation pour le lecteur évoluant dans un univers banal ? goût pour les retournements
spectaculaires ? En tout cas, ce fait divers redonne aux émotions l’importance qu’elles
n’ont pas dans la presse sérieuse. En effet, la presse populaire propose un cadre qui
s’oppose à l’interprétation raisonnée de la presse d’élite.
Quant à l’individu ordinaire, ses chances pour devenir un « héros » médiatique sont très
réduites : accomplir une action spectaculaire – meurtre, prise d’otages, être une victime
méritoire, épouser un personnage célèbre.

1
Les types d’événements. La presse populaire s’oppose au savoir dominant, celui du
« power-bloc1 », constitué par une alliance d’intérêts convergents, ceux des hommes
politiques, du système éducatif, des lois, des médias. Ces instances véhiculent la
production de « nouvelles officielles », présentant l’information comme une série de faits
objectifs, accessibles après une investigation sérieuse.
A ce type d’informations s’opposent les « nouvelles populaires » qui se produisent au
croisement de la sphère du privé et du public. Dans ces circonstances exceptionnelles
la vie des gens ordinaires entre dans le domaine public. Il y a effacement de la ligne de
démarcation public / privé. Nous ne sommes plus, comme dans le premier cas, dans une
visée de type « informer », nous sommes dans un type de visée qui s’oppose précisément
à la norme du groupe dominant, qui témoigne d’une volonté de transgresser les normes
de la culture dominante, en l’occurrence : la mise en cause de la rationalité, les valeurs
morales, la distinction entre fait réel et fiction.
Interculturel. Il importe de replacer et d’analyser ces conclusions dans le contexte
anglo-saxon, car la presse française a ses propres caractéristiques, même si certaines
lignes communes peuvent s’en dégager. Si l’on compare, par exemple, la presse à
sensation britannique, telle Daily Mail, au Parisien, ou à France-Soir on constate des
différences sensibles, le premier se consacrant presque entièrement aux faits divers
sanglants, à la chronique noire, tandis que le français trouvera dans sa presse des
informations plus diversifiées.
Le scénario reprend dans ce genre de presse son sens pleinement théâtral. On monte
une histoire de toutes pièces ou presque, en ne s’occupant pas de respecter les
valeurs du « raisonnable »

Etude de cas : Analyse d’un événement


Libération d’Ingrid Bétancourt
Nous proposons d’étudier le rapport entre famille événementielle et scénario dans le
dossier réservé par Le monde sélection du 12 juillet 2008 à la libération d’Ingrid
Betancourt. Précisons d’emblée que l’hebdomadaire choisi appartient par forme et
contenu à la presse d’élite, presse sérieuse à vocation internationale qui, en outre, propose
une variante « concentrée » de l’ensemble des articles parus dans le quotidien
homonyme. La rédaction applique des critères de choix afin de rendre sous forme
synthétique l’actualité mondiale de la semaine.
La famille événementielle que nous identifions, « les rescapés », englobe plusieurs types
d’événements d’où les personnes sortent indemnes après une expérience éprouvante et
dangereuse : cataclysmes, accidents, etc. Le scénario « libération d’otages » en fait partie
et se justifie par la notoriété médiatique de cas antérieurs – les infirmières bulgares, les
journalistes roumains. Il permet en outre de démontrer que dans la presse analytique la
frontière entre les scénarios d’information et les scénarios dramatisés peut devenir moins
rigide, que la sélection des informations peut jouer sur les deux registres.
Dans la mise en texte de cette véritable saga médiatique s’imbriquent plusieurs
segments : informations politiques objectives, réactions médias, deux récits – celui des
conditions de libération et celui de la détention, portrait d’Ingrid Betancourt. Notre

1
Fiske, 1992, apud Francine Cicurel, « Les scénarios d’information dans la presse quotidienne », LFDM,
Médias : faits et effets, (coord. Tierry Lancien), Edicef, Paris, 1994, p. 94.

2
analyse se propose de vérifier comment le scénario choisi actualise le plan du « discours
prototypique des nouvelles journalistiques2 » :
• Le sommaire / introduction (titre et chapeau)
• Les épisodes :
- les événements : les antécédents, les événements actuels, les explications, le
contexte, l’arrière-plan
- les conséquences / réactions : événements et réactions verbales
• Les commentaires, les attentes, l’évaluation.
Le titre du dossier introduit une composante dramatique au scénario et à son personnage
« à l’aura mythique » : « Le calvaire d’Ingrid Betancourt, otage des FARC ». En effet, le
choix du ton et le rôle de sainte déjà présent dans le titre est illustré aussi par la photo.
Les événements sont présentés dans une chronologie inversée, l’actualité est privilégiée :
l’arrivée en France, le 4 juillet ; le contexte politique de la libération ; les conditions de
libération, la détention (2002-2008). Les circonstances politiques, militaires, les
conditions de vie des otages donnent consistance au discours de chaque épisode.
Les réactions des opposants politiques et de la presse suisse jettent un doute sur la
crédibilité des informations dès le début du dossier. On y évoque le scepticisme des
journalistes du Temps sur les circonstances réelles de la libération. Le sérieux du Monde
sélection et son respect au lecteur se vérifient par la reprise, dans le même dossier, de
l’article contestataire du Temps.
Les commentaires, les attentes, les prévisions sont intégrés dans le discours en
alternance avec le paradigme de la désignation.
L’identité d’Ingrid Betancourt ressort premièrement du paradigme de désignation qui
varie par rapport au cotexte. Elle est désignée d’abord « l’ex-otage des FARC », pour
devenir plus loin « l’ancienne sénatrice », dans le cotexte de la réception par le
« président de la France », ou simplement Madame Bétancourt, « la prisonnière » ou
« une conteuse », selon les circonstances évoquées. A remarquer le non-dit : l’omission
de son identité colombienne et même le recours à une paraphrase générale, « la candidate
à l’élection présidentielle en 2002 », pour souligner uniquement l’importance de son
implication politique. La subjectivité et le parti-pris du journaliste se révèlent dans le
choix contrasté des éléments du portrait, construit autour du champ sémantique de
« féminité fragile » : cette femme « gracile, irradiante », « si frêle », « gracieuse », à l’air
naturel, à la « voix vibrante » apparaît « stupéfiante » et bouleversante » face aux
épreuves subies. L’alternance du fil narratif des récits de la détention avec la description
sobre du cadre ne fait que mettre davantage en valeur la force et l’endurance surhumaine
de l’héroïne et servir le but journalistique, celui de toucher le lecteur par le glissement
discret vers le scénario dramatisé.

2
Van Dijk (1983), apud Francine Cicurel, « Les scénarios d’information dans la presse quotidienne »,
LFDM (Médias : faits et effets), R&D, juillet 1994, p. 96.

3
Le récit de la détention de février 2002 à novembre 2007 – troisième preuve de vie – qui
pourrait être assimilé au genre reportage, est actualisé par l’intervention de plusieurs voix
– témoignages d’acteurs aux événements, ou fragments de lettres. Cette polyphonie
renforce la crédibilité des événements relatés.
Nous rappelons brièvement, pour conclure, la structure discursive du scénario
« libération d’otages », telle que nous l’avons perçue dans l’hypertexte consacré au
« calvaire d’Ingrid Betancourt, otage des FARC », dans Le Monde sélection du 12 juillet
2008.
- L’arrivée en France et le contexte politisé de la libération
- Evocation d’autres événements similaires
- Réactions : scepticisme de la presse suisse
- Récit des conditions de libération
- Descriptions : portrait d’Ingrid Betancourt ; le cadre de détention
- Récit de la détention.
Le dossier dans son ensemble, par sa complexité et la diversité des genres journalistiques,
par l’étendue spatio-temporelle des événements, appartient à l’hypertexte, structure
capable d’actualiser l’ampleur de l’événement et répondre ainsi à l’univers d’attente du
lecteur.

4
DICTIONNAIRE

Acte de communication – ce qui est inhérent à l’acte de communiquer, indépendamment


des projets que peut avoir le locuteur. Il prend essentiellement la forme d’une relation
entre le « monde », c’est-à-dire le contenu objectif dont on parle, le locuteur et le
destinataire. De ce fait, tout énoncé linguistique est toujours un signe triple, et l’acte de
signifier est toujours orienté dans trois directions. Il renvoie : 1. au contenu communiqué,
et, en ce sens, il est représentation du monde ; 2. au destinataire, qu’il présente concerné
par ce contenu – c’est la fonction d’appel ; 3. au locuteur, dont il manifeste l’attitude
psychologique ou morale – c’est la fonction d’expression. R. Jakobson complète ce
schéma élaboré par Bühler et fait intervenir, pour décrire l’acte de communication, le
code linguistique employé, le message composé et la connexion psychophysiologique, le
contact établi entre les interlocuteurs. A ces éléments correspondent six fonctions :
référentielle, conative, expressive, métalinguistique, poétique et phatique
Accroche – partie du texte publicitaire conçue pour attirer l’attention et séduire le
consommateur avec son pouvoir de suggestion
Acculturation – ensemble des phénomènes qui résultent d’un contact continu et direct
entre des groupes d’individus de cultures différentes et qui entraîne des modifications
dans les modèles culturels intiaux de l’un ou des deux groupes. Il faut distinguer
acculturation et assimilation
Allocutaire – celui à qui est adressé l’énoncé
Analyse de discours – discipline dont les objets essentiels sont la relation du sujet
parlant au processus de production des phrases (énonciation) ou / et la relation du
discours au groupe social à qui il est destiné (sociolinguistique)
Culture – ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs,
qui caractérisent une société, ou un groupe social ; elle englobe, outre les arts et les
lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les
traditions et les croyances. De nos jours, la culture est un élément stratégique qui doit être
intégré dans toutes les politiques nationales et internationales de développement et de
coopération car, sous formes diverses, elle intègre l’originalité et la pluralité des identités
et des expressions culturelles des peuples et des sociétés qui constituent l’humanité
Dialogisme – selon O. Ducrot, il y a dialogisme dès que deux voix se disputent un seul
acte de locution. Dans les cas de dialogisme, il y a donc un seul locuteur, c’est-à-dire un
seul responsable de la parole, autour de qui s’organisent les repères spatio-temporels ; ce
locuteur fait référence à des propos qui ne sont pas les siens et qu’il mêle à son discours
selon plusieurs modalités. A ce dialogisme linguistique, s’ajoute, dans la réalité de la
parole, une autre dimension dialogique qui, elle, est véritablement constitutive du
discours. De fait, le discours d’un locuteur émane toujours d’autrui, au sens où c’est
toujours en considération d’autrui qu’il se construit
Discours – tout énoncé supérieur à la phrase, considéré du point de vue des règles
d’enchaînement des suites de phrases. Selon Benveniste, le récit représente le degré zéro
de l’énonciation. Ici, tout se passe comme si aucun sujet ne parlait, les événements

1
semblent se raconter d’eux-mêmes. Par contre, le discours se caractérise par une
énonciation, supposant un locuteur et un auditeur, et par la volonté du locuteur
d’influencer son interlocuteur. A ce titre seront opposés : toute narration impersonnelle
(récit) et tous les rapports, oraux ou écrits, où un sujet s’énonce comme locuteur,
s’adresse à un interlocuteur et organise son propos selon la catégorie de la personne (je /
tu)
Diversité culturelle – concept servant à décrire l’existence de différentes cultures au sein
d’une société, et à promouvoir cette diversité. Il vise tant à en connaître les tenants et
aboutissants – leur origine et leurs conséquences, tout ce qui s’y rattache – que les
conditions de possibilité. Elle renvoie aussi à la multiciplité des formes par lesquelles les
cultures des groupes et des sociétés trouvent leur expression
Effet de réel – procédé qui introduit dans l’univers romanesque des éléments descriptifs
gratuits, dénués de valeur fonctionnelle (sans influence aucune sur le déroulement de
l’action et sans impact sur le caractère des personnages) afin de créer une référence
familière. Sa fonction est de donner au lecteur l’impression que le texte décrit le monde
réel. Il est appelé aussi illusion référentielle ou vraisemblance
Image – I. 1. représentation d’un être ou d’une chose par les arts graphiques ou
plastiques, la photographie, le film, etc. 2. représentation imprimée d’un sujet
quelconque. 3. (Fig.) ce qui reproduit, imite ou, par extension évoque quelqu’un ou
quelque chose. II. 1. représentation mentale d’un être ou d’une chose. Image (de marque)
: notoriété et perception qualitative dans le public d’une marque, d’un organisme, d’une
personnalité. 2. (psychol.) image mentale : représentation psychique d’un objet absent. 3.
expression évoquant la réalité par analogie ou similitude avec de domaine autre que celui
auquel elle s’applique; figure, métaphore
Interculturalité – existence et interaction équitable de diverses cultures ; possibilité de
générer des expressions culturelles partagées par le dialogue et le respect mutuel
Langage – 1. faculté propre à l’homme d’exprimer et de communiquer sa pensée au
moyen d’un système de signes vocaux ou graphiques ; ce système. 2. système structuré
non verbal remplissant une fonction de communication
Locuteur – celui qui énonce
Matrice – 1. on appelle matrice un arrangement ordonné d’un ensemble d’éléments. 2.
en grammaire générative, la phrase matrice, ou suite matrice, est une suite P1, dans
laquelle une autre suite P2 vient s’enchâsser au cours d’une opération d’enchâssement.
La notion de phrase matrice correspond à celle de proposition principale, compte tenu du
fait que la matrice peut elle-même ensuite devenir une phrase enchâssée dans une autre
proposition. Ex. : dans la phrase J’ai regardé à la télévision le film que mes parents que
j’ai vus avant-hier m’ont conseillé, la phrase Mes parents m’ont conseillé ce film est la
matrice de la phrase enchâssée que j’ai vus et elle est elle-même la phrase enchâssée de
la matrice J’ai regardé à la télévision le film.
Matrice discursive – transfert de la notion grammaticale de matrice dans l’analyse de
discours, comme structure minimale fondamentale de l’information médiatique. Ex. :
dans le circuit de l’information, la dépêche d’agence a une structure discursive
matricielle ; autrement dit, elle contient le minimum d’informations, le noyau à partir
duquel le journaliste va construire son discours. De même, dans les faits divers, ce noyau
sera plus ou moins développé en fonction de l’orientation du journal, du type de presse à
laquelle il appartient. Qui plus est, « les matrices discursives » de l’analyse de la presse

2
ou de l’image servent initialement à une découverte du fonctionnement du principe
d’analyse, qui permet par la suite l’enchâssement de segments d’analyse
Publicité - 1. activité ayant pour objet de faire connaître une marque, d’inciter le public à
acheter un produit, à utiliser un service, etc. ; ensemble des moyens et des techniques
employés à cet effet. 2. annonce, encart, film, etc., conçus pour faire connaître et vanter
un produit, un service, etc.
Mondialisation – accroissement des mouvements de biens, de services, de main-
d’œuvre, de technologie et de capital, à l’échelle internationale ; ouverture économique,
humaine et communicationnelle
Mouvement altermondialiste – mouvement qui remet en question le processus de
globalisation, ses buts, ses modalités et ses destinataires
Situation de communication – est définie par les participants à la communication, dont
le rôle est déterminé par le je (ego), centre de l’énonciation, ainsi que par les dimensions
spatio-temporelle de l’énoncé ou contexte situationnel : relations temporelles entre le
moment de l’énonciation et le moment de l’énoncé (les aspects et les temps), relations
spatiales entre le sujet et les objets de l’énoncé, présents ou absents, proches ou éloignés,
relations sociales entre les participants à la communication ainsi qu’entre eux-mêmes et
l’objet de l’énoncé (les types de discours, les facteurs historiques, sociologiques, etc.).
Ces embrayeurs de la communication sont symbolisés par la formule « je, ici,
maintenant »
Slogan publicitaire – phrase, souvent assez courte, qui a comme but d’être retenue
facilement par celui qui l’entend et parfois d’associer un produit (objet du slogan) à des
images positives qui inciteront le consommateur à acheter le produit
Stéréotype (n.m.) – formule banale, opinion dépourvue d’originalité
Stéréotypie – répétition immotivée, automatique et inadaptée à la situation, de mots, de
mouvements ou d’attitudes
Symbole – 1. signe figuratif, être animé ou chose, qui représente un concept, qui en est
l’image, l’attribut, l’emblème. 2. tout signe conventionnel abréviatif.

3
Bibliographie

Ouvrages
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1
Articles de revues et chapitres d’ouvrages
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Numéro spécial, juillet, Edicef, 1996
Byram, Michael, Zarate, Geneviève, « Définitions, objectifs et évaluation de la
compétence socioculturelle », LFDM (La compétence socioculturelle dans
l’apprentissage et l’enseignement des langues), Paris, Recherche et applications, juin,
1998, pp.70-96
Cerullo, Maria, « Travailler avec l’ordinateur. Support papier contre multimedia.
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Cicurel, Francine, « Les scénarios d’information dans la presse quotidienne », LFDM
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Claquin, Françoise, « La revue de presse radiophonique : étude contrastive », LFDM
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Lugrin, Gilles, « Le mélange des genres dans l’hyperstructure », dans « Semen 13 »,
Revue de sémio-linguistique des textes et discours, (coord. Jean-Michel Adam, Thierry
Herman et Gilles Lugrin), n° 13 (2000-2), Presses Universitaires Franc-Comptoises,
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Soulages, Jean-Claude, « Les imaginaires socioculturels et le discours publicitaire »,
LFDM (Médias : faits et effets), Paris, Recherche et applications, juillet 1994, p. 55-64

Numéros de revues
Communication, n° 43 (Le croisement des cultures)
Hermès, n° 20 (Toutes les pratiques culturelles se valent-elles)
Hermès, n° 30 (Stéréotypes dans les relations Nord-Sud)
Hermès, n° 22 (Mimés. Imiter, représenter, circuler)
Le francais dans le monde, n° 332 (Venir en France)
Le français dans le monde, n° 333 (La francophonie et le défi de la diversité)
Le français dans le monde, n° 339 (L’immigration en France)
Le français dans le monde, n° 343 (La francophonie en marche)

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