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En six mois, l’Autrichien Sebastian Kurz a
multiplié les annonces contre les migrants
PAR VIANEY LORIN
ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 27 JUIN 2018
Sebastian Kurz avec le président de la Commission
européenne Jean-Claude Juncker. © Reuters
Autour de la table du conseil européen qui s’ouvre
jeudi à Bruxelles, le jeune chancelier autrichien
Sebastian Kurz sera l’un des personnages clés,
défenseur d’un énième durcissement de la politique
migratoire de l’UE. Alors que son pays s’apprête
à présider l’Union au 1er juillet, décryptage des
premières mesures prises par ce gouvernement droite-
extrême droite depuis six mois.
Vienne (Autriche), correspondance.– L’Autriche
s’apprête à prendre la présidence tournante de l’UE au
1er juillet, avec un slogan : « Une Europe qui protège
», identique à celui d’Emmanuel Macron pendant la
campagne de 2017 sur les questions européennes. Le
chancelier autrichien Sebastian Kurz, un conservateur
de 31 ans de l’ÖVP qui gouverne avec l’extrême droite
du FPÖ (lire notre portrait), s’annonce comme l’une
des personnalités clés lors du sommet européen qui
s’ouvre ce jeudi 28 juin à Bruxelles.
Avec ses alliés hongrois ou italien, Kurz plaide
pour muscler les moyens financiers et humains de
Frontex, l'agence européenne chargée de surveiller
les frontières. Il a également confirmé que l’Autriche
travaillait avec d'autres États européens à la création
de camps, pour les migrants ne pouvant prétendre à
l’asile ou ayant été déboutés, à l’extérieur de l’UE,
notamment en Libye.
Depuis son entrée en fonctions en décembre 2017,
la coalition droite-extrême droite au pouvoir a aussi
multiplié les annonces controversées sur le plan
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intérieur. Passage en revue des principaux textes en
chantier à Vienne, qui risquent bien souvent d'être
contestés à Bruxelles.
• « Lutter contre l’immigration dans le système
social »
La coalition au pouvoir veut tout faire pour rendre le
pays moins « attractif » pour les migrants. L'exécutif
a ainsi présenté fin mai sa réforme très discutée
du revenu minimum, garantie aux personnes sans
ressources. L’aide sera plafonnée à 863 euros par
personne et par mois, à condition d’avoir terminé
l’école obligatoire en Autriche.
C'est une formalité pour les Autrichiens, mais pas pour
tous les étrangers. Ces derniers, s’ils veulent toucher
la totalité de l’aide, devront prouver leur maîtrise de
la langue allemande – justifier du niveau B1 dans la
classification européenne. Dans le cas contraire, l’aide
sera réduite à 563 euros. Il s'agit de « lutter contre
l’immigration dans le système social », résume à sa
manière Sebastian Kurz.
La loi devrait être adoptée à l’automne et
pourrait s’appliquer dès 2019. Mais certains experts
considèrent qu’elle pourrait être rejetée par la Cour
constitutionnelle. Selon un juriste, interrogé par le
quotidien Der Standard, cette réforme contredit une
directive européenne qui prévoit que les réfugiés
doivent avoir accès aux mêmes aides sociales
« indispensables » que les nationaux.
Sebastian Kurz (à droite) avec le président de la Commission européenne Jean-
Claude Juncker, le 27 juin 2018 à Bruxelles. © Reuters/Geert Vanden Wijngaert
• Baisse de l’aide familiale pour les enfants vivant
à l’étranger
Autre mesure controversée : la baisse des allocations
familiales versées aux enfants vivant dans un autre
État européen, mais dont les parents travaillent en
Autriche. Selon le projet de loi présenté en mai dernier,
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ces allocations seront ajustées au niveau de vie du
pays où vit l’enfant. Pour les travailleurs des pays
voisins comme la Hongrie ou la Slovaquie, nombreux
en Autriche, cela représenterait une baisse importante :
l’allocation passerait, par exemple, de 174 à 93 euros
pour un jeune enfant vivant en Hongrie, selon le
ministère de la famille.
La loi devrait être votée cette année et s’appliquer
dès 2019, mais là encore se pose la question de
la conformité avec le droit européen. L’Autriche
risque l’ouverture d’une procédure d’infraction si la
Commission européenne estime que la loi viole la
législation de l’UE.
• Réforme du droit d’asile
Avec ses trois ministères régaliens – l’Intérieur,
la Défense et les Affaires étrangères –, le FPÖ
(extrême droite) a les mains libres pour mettre en
scène sa lutte contre l’immigration. Symbole de cette
politique : le projet de loi présenté en avril par
le controversé ministre de l’intérieur Herbert Kickl
(lire notre portrait). Il prévoit de confisquer l’argent
liquide des demandeurs d’asile, jusqu’à 840 euros
par personne, afin de financer leur prise en charge
par l’État autrichien. Leur téléphone portable pourrait
également être saisi pour reconstituer leur parcours
migratoire. Herbert Kickl souhaite par ailleurs rendre
plus difficile l’accès à la citoyenneté pour les réfugiés :
si la loi est votée, ils devront attendre dix ans dans le
pays, contre six actuellement.
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Ces mesures sont la cible des critiques des ONG, mais
aussi du ministère des affaires étrangères, pourtant
dirigé par la ministre Karin Kneissl, qui a été
nommée par le FPÖ sans toutefois être membre du
parti. Le ministère estime que l’allongement de la
période d’attente pour demander la nationalité entre en
« tension », selon sa formule, avec la Convention de
Genève relative au statut des réfugiés. La loi devrait
pourtant être adoptée au Parlement au mois de juillet.
• Lutte contre l’islam politique
L’ÖVP comme le FPÖ veulent aussi renforcer
leur bataille contre l’islam politique. La coalition
a annoncé au début du mois la fermeture de sept
mosquées, accusées pour la plupart d’entretenir des
liens avec le salafisme, et l’expulsion de plusieurs
imams, soupçonnés d’être financés par des fonds
étrangers, ce qui est interdit en Autriche. Plus de 40
imams, membres de l’ATIB, l’Union islamique turque
d’Autriche, pourraient être concernés.
Depuis, les mosquées fermées ont rouvert leurs
portes. L’association qui gère la plupart d’entre
elles conteste en effet la décision devant la justice
administrative. Mais qu’importe : l’annonce a permis
au gouvernement de démontrer son engagement sur
une thématique cruciale pour son électorat. En avril
dernier, il avait déjà annoncé la préparation d’une loi
« symbolique » visant à interdire le port du voile au
jardin d’enfants et à l’école primaire.
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