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La mécanique de la rupture

Les essais et leur signification

Les différentes nuances et qualités d’aciers sont fournies par les sociétés productrices
avec les caractéristiques garanties par les normes de qualités, par les documents propres à
chaque société ou par contrats particuliers entre les parties.
La détermination de ces caractéristiques et leur contrôle sont effectués suivant des
processus normalisés qui sont les essais.
Les résultats exprimés par ces essais ne sont pas des indications absolues, mais
constituent une échelle de valeurs comparatives étroitement liées aux conditions des essais, et
il est donc évident que ces conditions doivent être scrupuleusement respectées tant du point de
vue des modes opératoires proprement décrits dans les diverses normes d’essais.
Les conditions de prélèvement des éprouvettes sont énumérées d’une façon général
dans la norme NFAO-3-111 (décembre 1965), et sont précisées en détails dans les normes
relatives aux nuances et qualités des produits ; elles indiquent notamment, pour les essais
mécaniques
 L’emplacement du prélèvement.
 Le sens du prélèvement (axe longitudinal de l’éprouvette parallèle ou
perpendiculaire à la direction du laminage).
 Les types d’éprouvettes (éprouvettes proportionnelles, cylindriques, prismatiques
ou éventuellement, tronçon du produit).
 L’état métallurgique de l’éprouvette (brute de laminage, normalisée, traitée…..).
Le non respect de ces conditions enlève toute signification aux résultats obtenues.

Tables des matières

1. Introduction
2. Généralités sur les ruptures
2.1. Faciès macroscopiques de rupture
2.2. Modes de rupture
2.3. Contraintes plane. Déformation planes
3. Analyse des contraintes et des déformations au voisinage de l’extrémité d’une fissure
4. Propagation brutale d’une fissure
4.1. Critère de contrainte
4.2. Critère d’énergie
4.3. Equivalence entre les deux critères de propagation brutale
4.4. Critère de Criffith
4.5. Critère de Griffith-Orowan
5. Etude de la zone plastique
5.1. Utilisation des critères de Tresca et de Von Mises
5.2. Analyse d’Irwin
5.3. Analyse élasto-plastique
6. Détermination de KIc
6.1. Dimensions des éprouvettes
6.2. Eprouvettes
6.3. Fissuration par fatigue
6.4. Dispositifs d’essai
6.5. Détermination de KIc

1
7. Influence de la température et de la vitesse sur KIc
7.1. Influence de la température KIc
7.2. Influence de la vitesse sur KIc
8. Applications de la mécanique de la rupture à l’étude de la fatigue
8.1. Fissuration lente
8.2. Initiation
9. Applications de mécanique de la rupture à l’étude de la corrosion
10. Applications de la mécanique de rupture au calcul des structures
11. Limitations de la mécanique linéaire élastique de la rupture . Nouveaux concepts
11.1. Ecartement au fond de fissure C.O.D
11.2. Intégrale J de Rice
11.3. Concept de l’énergie équivalente
11.4. Courbes R
11.5. Energie de crique nulle E.C.O
12. Corrélations entre KIc et d’autres paramètres de fragilité
13. Conclusions
13.1. La rupture fragile
13.2. La mécanique de la rupture
14. Bibliographie

Notations

B épaisseur de l’éprouvette (mm)


C.O.D ouverture au fond de fissure
E module d’élasticité (N/mm2)
E.C.O énergie de crique nulle (J)
G, GI énergie de déchirure (N/mm)
GIc valeur critique de G (N/mm)
J intégrale définie par RICE (N/mm)
JJc valeur critique de J (N/mm)
K,KI facteur d’intensité de contrainte (MPa.m1/2)
Kc, KIc valeur critique du facteur d’intensité de contrainte (MPa.m1/2)
Kcv résilience sur éprouvette ISO à entaille en V (J/cm2)
KIscc seuil de non propagation en corrosion sous tension
Kmin, Kmax valeurs minimum et maximum de K dans un cycle de fatigue (MPa.m1/2)
KQ valeur de K pouvant être égale dans certain cas à KIc (MPa.m1/2)
KR résistance à la propagation des fissures (courbes R) ( MPa.m1/2)
KT coefficient de concentration de contraintes
Kv résilience sur éprouvette ISO à entaille en V (J)
N nombre de cycles
Ni nombre de cycles nécessaires à l’initiation d’une fissure de fatigue
P charge appliquée
K 2R
R résistance à la propagation des fissures (courbe R) (N/mm) R
E
Re limite d’élasticité (N/mm2) (voir également y)
T température (°c)
V écartement des lèvres de l’entaille (mm)
W largeur de l’éprouvette (mm)
W travail (J)
a longueur de la fissure (mm). (Pour certaines éprouvettes, la longueur de la fissure 2a)

2
b longueur du ligament non fissuré (b=W-a)(mm)
g module de cisaillement
n coefficient d’écrouissage
r coordonnées polaire
r nombre caractérisant la position du centre de rotation
r rayon de la zone plastique (mm)
t temps (s)
ui déplacements en fond de fissure
K variation de K au cours d’un cycle de fatigue ( K  K max  K min ) (MPa.mm1/2)
Ks valeur de K au dessous de laquelle une fissure ne se propage pas (MPa.m1/2)
s énergie superficielle
 ouverture en fond de fissure (C.O.D) (mm)
 ij déformations
 coordonnées polaire
 coefficient de poisson
 rayon à fond d’entaille ( mm)
 contrainte (N/mm2)
ij contraintes au fond de fissure
N contrainte nominale (N/mm2)
y limite d’élasticité (N/mm2) (y=Rey étant la notation américaine)
 énergie potentielle du corps fissuré
U énergie de déformation.

Introduction

Les calculs de structures effectués par les bureaux d’étude et basés sur les
caractéristiques mécaniques classiques (limite d’élasticité, résistance) ne tiennent pas
compte de la ténacité des matériaux ; le constructeur, à partir des données fournies par le
bureau d’étude, choisit le matériau pour réaliser sa pièce, mais son choix ne dépend que de
l’expérience.
Actuellement, un certain nombre d’industries, en particulier l’aéronautique,
demandent des matériaux à caractéristique les plus élevées possibles ; ces alliages ont
généralement une ductilité limitée. Sous certaines conditions de contraintes, un défaut,
même de dimensions très petites, peut alors conduire à des ruptures brutales.
Ces défauts sont inévitables dans toute structure ; même dans des matériaux aussi
propre que possible, en particulier sans inclusions, ils peuvent se créer après soudage, ou
par corrosion sous tension, ou par fatigue si la structure est soumise à des charges
cycliques. Devant l’impossibilité de pouvoir calculer des structures à partir des résultats
de la rupture fragile classique, il a paru fondamental de pouvoir prévoir les dimensions
critiques des défauts qui, sous des conditions de contrainte données, provoquaient des
ruptures catastrophiques. Cela a conduit à l’introduction d’une certaine caractéristique de
ténacité du matériau (‘fracture toughness ») caractérisant l’aptitude d’un métal à résister à
la propagation brutale d’une fissure.
Avant d’exposer les concepts de la mécanique de la rupture, il faut insister sur le fait
que l’application des résultats de la théorie aux alliages à très haute résistance connaît un
succès total. A titre d’exemple, nous avons reporté au tableau I les résultats de certains
chercheurs qui ont comparé les longueurs critiques des fissures obtenues à partir de la
théorie aux longueurs de fissures réelles ayant provoquée la rupture de structures
industrielles (même des rotors). On constate que l’accord est excellent.

3
Tableau I Comparaison des longueurs de fissures calculées et des longueurs de
fissures réelles
Nature de la piéce Métal Contrainte de Limite d’élasticité Dimensions Dimensions
rupture (N/mm2) à température fissure réelle fissure calculée
ambiante (N/mm2) (mm) (mm)
Réservoir 17-7PH 800 1130 2,1 1,9
pression
Réservoir 17-7PH 1050 1100 1,9 1,8
pression
Réservoir 17-7PH 740 1130 1 1,2
pression (tête)
Réservoir 17-7PH 760 1110 1,4 1,6
pression (tête)
Réservoir 17-7PH 850 1150 1,4 1,6
pression
 38
 18
Rotor Arizona 350 580
Rotor Pittsburgh  0,3c 170 520
Rotor Ridgeland  2,5Ni 340 600
51.127
 50
0,5Mo  127
 0,1V  36

 17-7PH: acier inoxydable martensitique à durcissement structural
Avant d’étudier les fondements mathématiques de la mécanique de la rupture, il faut
souligner quelques points très important qui permettent au départ de comprendre pourquoi la
mécanique de la rupture permet de mettre en évidence des paramètres intrinsèques du métal.
Alors que les essais de rupture fragile classiques ne le permettent pas. On sait, en effet que
différents facteurs non propres au matériau ont une influence marquée sur les températures de
transition obtenues par exemple avec des essais de résilience. On peut citer :
 L’épaisseur de l’éprouvette.
 L’acuité de l’entaille (définie par le facteur de concentration de contrainte).
Dans la mécanique de la rupture, on extrapole les valeurs de ces paramètres. C’est ainsi
que :
 L’épaisseur de l’éprouvette est suffisante pour conduire à un état de déformations
planes. Donc, au-dessus d’une certaine épaisseur critique, toutes les caractéristiques
que l’on peut déterminer à partir d’un essai sont les mêmes (contrainte de rupture,
température de transition, valeur d’un paramètre que l’on appellera KIc) ;
 L’acuité d’entaille, est la, plus grande possible (on l’obtient dans les essais par
fissuration en fatigue). On peut montrer en effet qu’il existe une acuité critique
(définie par exemple par le rayon à fond de d’entaille) au dessous de laquelle le
caractéristiques que l’on peut déterminer à partir d’un essai sont les mêmes.
Ces deux extrapolations permettent d’approcher de plus prés les caractéristiques
propres au métal.
On verra de plus, que la mécanique de la rupture permet d’étudier la rupture de
matériaux qui ne présentent pas en première approximation de transition ductile-fragile. Il
s’agit principalement des aciers à très haute résistance : ces aciers ont en effet des courbes
« résilience-température» très plates à partir desquelles il est souvent très difficile de pouvoir
différencier les matériaux.

Généralités sur les ruptures

2.1 Faciès macroscopiques de rupture

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A l’échelle macroscopique, les surfaces de rupture sont loin d’avoir des formes
simples. On peut cependant considérer deux modes principaux de rupture : la rupture plate et
la rupture inclinée. Ces deux modes sont indiquées sur la figure 1. La rupture plate (1a)
correspond à une surface de rupture perpendiculaire à la direction de la contrainte principale
maximale ; on la trouve généralement dans des ruptures se produisant avec une déformation
plastique faible (c’est le cas, par exemple, des ruptures fragiles des aciers présentant une
transition ductile-fragile). Quand le plan est incliné (1b), la rupture s’accompagne
généralement d’une forte déformation plastique.
Dans la plupart des cas, la rupture est une combinaison des deux types élémentaires
précédentes (figure 1c, 1d, 1e). Ceci sera discuté plus loin.

Figure 1 : Différents faciès macroscopiques de rupture

2.2 Modes de rupture

Considérons un état dans lequel une fissure plane est soumise à un système de forces ;
supposons de plus que la propagation de cette fissure se fasse dans son plan . On montre que
l’état le plus général de propagation peut être ramené à la superposition de trois modes
simples :
 Dans le mode I (mode par ouverture), les surfaces de la fissure se déplacent
perpendiculairement l’une à l’autre (figure 2.I).
 Dans le mode II (glissement droit), le surfaces de la fissure se déplacent dans le même
plan et dans une direction perpendiculaire au front de la fissure (figure 2.II).
 Dans le mode III (glissement vis), les surfaces de la fissure se déplacent dans le même
plan et dans une direction parallèle au front de la fissure (figure 2.III).
La surface de rupture plate que nous avons considérée dans le paragraphe 2.1
correspond au mode I de rupture ; de même, une rupture inclinée correspond à une
superposition des modes II et III.
Signalons que les ruptures dangereuses sont généralement des ruptures de mode I.
C’est la raison pour laquelle la plupart des études de la mécanique des ruptures ont porté sur
ce mode.

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Figure 2 : Schéma montrant les trois modes de rupture simples les flèches représentant
déplacement des points de la surface fissurée dans chaque cas, la fissure se propage de gauche
à droite

2.3 Contraintes planes, déformations planes

Pour préciser les idées, nous allons voir comment on peut obtenir différents modes de
rupture avec une éprouvette soumise à un effort uni axial, ce qui pourrait à priori paraître
contradictoire.
Considérons donc une éprouvette fissurée rompue en traction. Dans la plupart des cas,
il existe au centre de l’éprouvette une rupture plate de mode I puisque la contrainte principale
est alors perpendiculaire à la surface fissurée ; en fait, c’est le dépassement d’une valeur
critique pour la contrainte normale qui est responsable de la propagation de la fissure en mode
I ; la forte triaxialité empêche toute déformation en cisaillement. Sur les faces de l’éprouvette,
on observe une rupture inclinée qui correspond à la superposition des modes de propagation II
et III : dans ces zones, la triaxialité est très faible, ce qui permet une propagation de la fissure
par cisaillement.
On constate bien ces différents faciès de rupture sur la figure 3.

6
Figure 3 : surface de rupture

Nous allons définir de façon plus précise l’état des contraintes. Dans la pratique
courante, on envisage deus cas simples qui représentent bien ce que l’on observe
expérimentalement :
 On dira que l’on un état de contraintes planes si, avec les notations de la figure 4, on
a :  zz  xz  yz .

Figure 4 : Contraintes au voisinage de l’extrémité d’une fissure.


On obtient par exemple un tel état dans une tôle très mince soumise à des efforts
parallèles et dans son plan.
 On dira de même que l’on a un état de déformations plane si l’on a :
 zz 0
 xz  yz 0

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On obtient cet état dans la zone centrale d’une to^le épaisse (alors que sur les faces
latérales on est dans un état de contrainte planes).
Si l’on reprend l’éprouvette fissurée rompue en traction (figure 3), le fait d’être dans
un état de déformations planes au centre entraîne que :
 zz ( xx  yy)2 xx
(car  xx  yy dans le plan de la fissure)
Les trois contraintes sont alors :
1
 2  1
 3 2 1
Sur les faces de l’éprouvette, le fait d’être en contraintes planes entraîne que  zz 0
Les trois contraintes principales sont alors :
1
 2  1
 3 0
On constate bien que les triaxialités sont différentes ainsi que les contraintes de
cisaillement ; par conséquent, les modes de rupture ne sont pas les mêmes.

3 . Analyse des contraintes et des déformations au voisinage de l’éxtrémité d’une fissure

Diverses méthodes d’analyse permettent d’étudier le champ des contraintes et des


déformations au voisinage de l’extrémité d’une fissure. Les résultats de la théorie d’élasticité
permettent d’écrire qu’en un point de coordonnées polaires r et  (figure 4). Les contraintes et
les déplacements au voisinage d’une fissure sollicitée suivant le mode I sont données par les
expressions de la forme :
fij ()
 ij  K I
2r
ui  K I r gi()
2
KI est une constante indépendante de r et . Elle est appelée facteur d’intensité de contrainte.
L’indice I correspond au fait que l’on considère le mode I de sollicitation.
Ce facteur KI ne dépend que de la répartition des contraintes dans le corps et que de la
géométrie de la fissure. Signalons qu’en particulier KI ne dépend pas du fait que l’on se trouve
en contraintes planes ou en déformations planes.
Les expressions exactes de ij et ui sont :
En mode I

2r 2 2

 xx  K I cos 1sin sin 3
2

2r 2 2

 yy  K I cos 1sin sin 3
2

 xy  K I sin cos cos 3
2r 2 2 2
 xz  yz 0
 zz  xx  yy 

g 2 2

u  K I r cos 12 sin 2 
2

8
g 2 2

v K I r sin 22 cos2 
2

w=0
En modes II et III, on a des expressions semblables pour ij et ui
En mode II

2r 2

 xx  K II sin 2cos cos 3
2 2

 yy  K II sin cos cos 3
2 r 2 2 2

2r 2

 xy  K II cos 1sin sin 3
2 2

xz = yz = 0
zz = (xx+yy)

g 2 2

u  K II r sin  22 cos2 
2

v K II r cos 12 sin   2
g 2 2 2
w=0
En mode III
xx = yy = zz = yy = 0

 xz  K III sin
2 r 2
 yz  K III cos
2 r 2
u=v=0
w K III r sin
g 2 2
Insistons ici sur le fait que les fissures que nous considérons dans l’analyse mathématique ont
un nul. Il ne faut donc pas confondre le facteur d’intensité de contrainte KI avec le facteur
concentration de contrainte KT que l’on peut calculer par exemple à partir de formule de
On peut ce pendant relier le facteur d’intensité de contrainte KI au facteur de concentration de
contrainte KT de la façon suivante : au fond d’une entaille de rayon  donnant un facteur KT,
la contrainte  est donnée par l’expression :
  KT    N
N étant la contrainte nominale (calculée comme s’il n’y avait pas d’entaille).
Lorsque  tend vers 0, KT et  tend vers l’infin. IRWIN a montré que le facteur d’intensité de
contrainte KT étant donné par l’expression :
K T lim    lim  KT    N 
2 2
KT est généralement difficile à calculer par ce passage à la limite.
Dans le cas d’une plaque infinie contenant une fissure de longueur 2a soumise à une
contrainte perpendiculaire à la fissure (figure 5), on montre que l’on a :
K I  a

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Dans le cas le plus général ( éprouvette de déformations finies, on a :
K I  a
 étant fonction de la géométrie de l’éprouvette et de la longueur de la fissure.
Nous donnerons les expressions de KI pour les éprouvettes usuelles dans le chapitre 6.

2a
K I  a

Figure 5 : Plaque infinie contenant une fissure de longueur 2a

4. Propagation brutale d’une fissure

Nous nous placerons comme précédemment dans le mode I (ceci pour simplifie
l’exposé). Nous allons donner deux approches différentes pour l’étude de la propagation
brutale.

4.1. Critère de contrainte

Nous admettons que la rupture s’initie à fond de fissure dans le plan où la contrainte
normale est maximale. La rupture se produit lorsque le facteur d’intensité K I atteint une valeur
critique KIc. Cette valeur KIc caractérise quantitativement la résistance d’un matériau à la
propagation brutale d’une fissure en mode I et en déformations planes. K Ic est indépendant de
géométrie de l’entaille et de l’éprouvette. Ce critère de rupture correspond à une distribution
critique des contraintes à fond de fissure. Cette distribution critique est mise en évidence sur
la figure 6.

 fij  
 c  K Ic
2r
fij  
 K
I 2r

Figure 6 : Distributions normale et critique des contraintes à fond de fissure correspondant


respectivement à KI et KIc
Rappelons que KIc correspond au mode I de déformation. Dans le cas le plus général de, la
valeur critique de K est appelée Kc.

4.2 Critère d’énergie

Physiquement, pour que la fissure se propage, il faut fournir au matériau une certaine
énergie (rupture des liaisons atomiques correspondant à une augmentation de l’énergie

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superficielle, déformation plastique, etc…). Considérons (figure 7) un solide d’épaisseur unité
contenant une fissure de longueur 2a, soumis à un système de forces extérieures F i, dérivant
de potentiel Wi. si la longueur de la fissure augmente d’une quantité a ; On aune diminution
GI.a de l’énergie potentielle global. GI est une énergie par unité de surface créée. On peut
expliciter l’expression de GI sous la forme.
GI Wi  Wel
Wi est le travail de la force Fi.
Wel est la variation de l’énergie élastique du corps.
GI est l’énergie disponible pour faire progresser la fissure.
Si Ic est l’énergie nécessaire physiquement pour que la fissure progresse, on aura propagation
brutale si la diminution d’énergie GI est égale à Ic. La valeur correspondante de GI est GIc
(avec GIc = Ic).
F1 F2
2a a

Fi

Figure 7 : Corps possédant une fissure de longueur 2a soumis à un ensemble de forces Fi


4.3. Equivalence entre les deux critères de propagation brutale

On dispose donc de deux critères (définis par K Ic et GIc) caractérisant la propagation


brutale d’une fissure . On peut montrer qu’il existe une relation entre ces deux critères ; les
calculs montrent en effet que l’on a :
K I2 en état de contraintes planes
GI 
E
GIc 
K Ic2
E
1 2  en état de déformations planes
E et  étant respectivement le module d’Young et le coefficient de Poisson.
Les relations données ci-dessus permettent de faire la liaison entre la distribution critique des
contraintes à fond de fissure (défini par KIc) et l’énergie critique GIc nécessaire à la
propagation. Comme KIc, GIc est une caractéristique de la ténacité d’un matériau.

4.4. Critère de Griffith

Dans le cas de matériaux totalement fragiles, le verre par exemple, l’énergie G Ic est
égale à l’énergie superficielle 2s. On a dans ce cas :
K Ic2  EGIc 2 s
comme K Ic  a , on a la condition de rupture :
E s
 critique  
a
on retrouve la relation classique de Griffith.

4.5. Critère de Griffith-Orowan

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Contrairement au cas du verre, la rupture des métaux se produit avec une forte
déformation plastique. La propagation de la fissure nécessite donc une énergie de déformation
plastique P. On aura rupture dans ce cas si :
GIc 2 s  p
on montre que p est très grand devant s. Le rapport pouvant atteindre 1000. On vérifie ainsi
que la ténacité d’un matériau est influencée de façon majeure par sa ductilité.
D’autres énergies de déformation peuvent augmenter encore GIc. C’est ainsi que, pour les
matériaux contenant de l’austénite résiduelle pouvant se transformer en martensite par
écrouissage, il faut ajouter à 2s et à p l’énergie nécessaire à la transformation
austénitemartensite.

5. Etude de la zone plastique

Nous avons souligné l’importance de la déformation plastique sur la propagation


brutale d’une fissure. Cette déformation plastique est principalement localisée à l’extrémité de
la fissure puisque les contraintes y sont très élevées.
Avant de donner diverses analyses de la zone plastique, nous allons appliquer les critères
classiques de l’élasticité pour avoir une idée de la forme et de l’étendue de cette zone
plastique.

5.1 Utilisation des critères de Tresca et de Von Mises

La méthode consiste à chercher le lieu des points où les critères de Tresca et de Von
Mises s’appliquent, en prenant comme état initial de contrainte l’état élastique théorique. Le
lieu trouvé est la limite de la zone plastique.
La figure 8 montre les formes que l’on obtient en état de déformations planes ou de
contraintes planes; on constate bien que l’étendue de la zone plastique est plus grande en
contrainte s planes qu’en déformations planes.

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Figure 8 : Limites des zones plastiques déterminées par les critères de Tresca et Von Mises

Ce dernier point est mis en évidence sur la figure 9 qui représente l’étendue de la zone
plastique à l’extrémité d’une fissure traversante dans une éprouvette d’épaisseur finie; à la
surface de l’échantillon, on a un état de contraintes planes et la zone plastique est plus grande
qu’au centre de l’éprouvette où l’on a un état de déformations planes.
Cette différence de zones plastiques permet d’expliquer les différents faciès macroscopiques
de rupture que l’on obtient. En effet, les plans de cisaillement maximal sont différents en
contraintes planes et en déformations planes. En contraintes planes, le cisaillement maximal
se produit dans des plans faisant un angle 45° à la fois avec la surface de l’éprouvette et avec
la direction de la force appliquée en déformations planes, ce cisaillement maximal se produit
dans des plans perpendiculaires à la surface de l’éprouvette, en faisant un certain angle avec la
surface de la fissure. Ces plans sont mis en évidence sur la figure 10. On voit immédiatement
qu’en déformations planes on a des ruptures plates alors que l’on observe des ruptures
inclinées en contraintes planes.

13
Figure 9 : Représentation schématique de la zone plastique à l’extrémité d’une fissure dans un
corps d’épaisseur finie

Figure 10 : Zones déformées plastiquement et surfaces de rupture dans le cas de contraintes


planes et de déformations planes
5.2. Analyse d’Irwin

Irwin suppose que la zone plastique est circulaire de diamètre R et que la contrainte
normale est égale à la limite d’élasticité y (figure 11); il suppose de plus que le profil des
contraintes élastiques hors de la zone plastique est le même que celui que l’on détermine dans
l’analyse purement élastique si on le décale d’une quantité y.
On montre facilement que l’équilibre des contraintes à fond de fissure conduit à R = 2r avec :
2
r  1  K I  en contraintes planes
2   y 
2
r  1  K I  en déformations planes
6   y 
Si l’on considère alors une fissure fictive de longueur (a + r ), le profil des contraintes est
alors celui de la théorie élastique tronqué à la valeur  = y.

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Ce modèle d’Irwin, bien que très approximatif en, ce qui concerne la taille et la forme
(circulaire) de la zone plastique, est très important du point de vue pratique car il sert à la
détermination de K Ic.

Figure 11 : Modèle d’Irwin de la zone déformée plastiquement

5.3. Analyses élasto-plastiques

Des analyses précises des contraintes et des déformations dans la zone plastique, ainsi
que des études sur la forme de cette zone ont été faites récemment. Ces études tiennent
compte de la consolidation.
Les principaux résultats de ces études sont les suivants :
 Pour un matériau dont la loi d’écrouissage est de la forme  k n , les contraintes et
les déformations au voisinage de l’extrémité de la fissure ont une expression de la
forme :
n


n 1
 ij  1 ij   (r0)
r

r 
1
 ij  1 n 1
ij   (r0)

ij  et ij   étant deux fonctions de l’angle , analogues aux fonctions fij() et
gi() mentionnées au chapitre 3.
Lorsque n = 1, on retrouve les expressions du chapitre 3.
 Pour les matériaux à consolidation, on a :
F 
 ij. ij 
r
lorsque r  0.
 Les étendues Rx et Ry (suivant les axes Ox et Oy) de la zone plastique sont proches du
double de celles que donne la théorie élastique (critrère de Von Mises et Tresca).
On reporté sur la figure 12 la forme des zones plastiques calculées par différents
chercheurs. On constate que la zone déformée plastiquement en état de déformations

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planes est composée de deux ailes s’étendant de part et d’autre du plan de la fissure. La
longueur de la zone plastique dans le plan de la fissure est petite devant la longueur des
ailes. Ces résultats théoriques ont été vérifiés expérimentalement par Haan et Rosenfield.
La figure 13 indique leurs résultats expérimentaux ainsi que les valeurs théoriques
correspondantes prédites par les différents théories . On constate la bonne concordance
entre leurs valeurs et celles prévues par Tuba et Rice-Risengren.

Figure 12 : Différents modèles théoriques de la zone plastique à fond de fissure

16
Figure 13 : Comparaison des longueurs de zone plastique avec les modèles théoriques

6. Détermination de KIc

6.1 Dimensions des éprouvettes

On a vu que KIc correspondait à la valeur critique d’un paramètre K I déterminé dans le


cadre de la théorie élastique en états de déformations planes. Or, au chapitre précédent nous
avons insisté sur le fait que, dans les matériaux habituels, il y avait toujours une zone
plastique à fond de fissure. Si cette zone plastique est petite, on admet que K I décrit bien l’état
des contraintes élastiques dans la région non écrouie. Pour mesurer K Ic, il faut donc utilisé des
éprouvettes pour lesquelles la zone plastique est suffisamment petites. Les critères de
dimensions des éprouvettes sont de deux ordres :
 L’épaisseur doit être suffisante pour que l’on ait un état de déformations planes.
 La longueur de l’éprouvette doit être suffisante pour qu’il n’y ait pas possibilité de
relaxation des contraintes par déformation plastique globale.
Ces considérations ont amené l’A.S.T.M à proposer un certain nombre de conditions
pour l’épaisseur B et la longueur de la fissure. En termes de dimensions de la zone plastique ,
ces conditions sont :
Rp  a
25
Rp  B
25

17
Rp, a, B étant respectivement la longueur de la zone plastique, la longueur de la fissure et
l’épaisseur de l’éprouvette.
Nous avons vu que l’on pouvait évaluer la longueur de la zone plastique à partir de
KIc. Rappelons qu’en déformations planes, on a :
2
R p 2r 2. 1  K Ic 
6   y 
Les conditions précédentes sont donc équivalentes à :
2
a2,5 K Ic 
 y 
2
B2,5 K Icc 
 y 
Si ces conditions sont respectées, on obtient une mesure valable de KIc. Ceci est mis en
évidence sur la figure 14 où l’on a porté la variation de K Ic avec l’épaisseur ; on constate que
Kc diminue et tend vers KIc lorsque l’épaisseur est suffisante.

Figure 14 : Variation de Kc avec l’épaisseur de l’éprouvette, les chiffres entre parenthèses


représentent le pourcentage de rupture inclinée.

Figure 15 : Eprouvette de flexion en trois points

18
Figure 16 : Eprouvette compacte

6.2. Eprouvette

Nous ne considérons que deux éprouvettes :


 L’éprouvette de flexion en trois points.
 L’éprouvette compacte de traction.
Ces éprouvettes sont normalisées par l’A.S.T.M et défini peu par l’AFNOR sous forme de
normes expérimentales.

6.2.1. Eprouvette de flexion en trois points

Les dimensions de cette éprouvette sur la figure 15. Connaissant la longueur a de la


fissure et la charge Pc à l’instabilité, on calcule KIc par la formule :

        
 
1 3 5 7 9
K Ic  Pc 11 ,58 a 2 18,42 a 2 87,18 a 2 150,66 a 2 154,80 a 2 
B w w w w w w 
(B épaisseur de l’éprouvette, w largeur de l’éprouvette).

6.2.2. Eprouvette compacte de traction

Les dimensions de cette éprouvette sont indiquées sur la figure 16. Connaissant la
longueur a de la fissure et la charge Pc à l’instabilité, on calcule KIc par la formule :

          
1 3 5 7 9
K Ic  Pc 29,6 a 2 186,5 a 2 655,7 a 2 1017 a 638,9 a
2 2

w w w w w 
B w 

6.3 Fissuration par fatigue

Les éprouvettes décrites ci-dessus sont fissurées en fatigue.


Les conditions de fissuration en fatigue ont un effet marqué sur les valeurs apparentes
de KIc. Brown et Srawley ont montré que si la valeur Kmax correspondant à la valeur de KI pour
la plus grande contrainte au cours du cycle de fatigue était trop grande, on observait alors des
comportements anormaux de la charge au cours de l’essai statique de mesure de K Ic. Les
valeurs KIc apparentes sont alors trop élevées.

19
Les conditions de fissuration que proposent ces auteurs ont été reprises dans les
recommandations A.S.T.M. et AFNOR. Elles sont les suivantes :
 La fissure de fatigue doit être faite sur le métal traité.
 La longueur de la fissure doit être supérieure à 1,27 mm.
 La contrainte maximale appliquée doit être telle que le rapport de la valeur maximale
Kmax au cours du cycle de fatigue du facteur d’intensité de contrainte au module
d’Young, soit Kmax/E, ne doit pas dépasser 0,0014m 0,5. De plus, Kmax ne doit pas être
supérieur à 60% de la valeur K déterminée au cours de l’essai statique ultérieur, si K
doit être considéré comme exprimant valablement KIc.
 La différence des contraintes maximale et minimale doit être supérieure à 90% de la
contrainte maximale.
Les éprouvettes de traction peuvent être fissurée sur différents pulsateurs. La vitesse
de fissuration est mesurée optiquement en suivan,t les bords de la fissure avec une
loupe binoculaire ou par différents systèmes automatiques.

6.4. Dispositifs d’essai

Les éprouvettes que nous avons considérées sont sollicitées en traction ou en flexion.
Dans les deux cas, on enregistre pendant l’essai la variation de la charge appliquée à
l’éprouvette en fonction de l’écartement de deux points de part et d’autre de l’entaille. Pour
les éprouvettes de traction, la charge est mesurée grâce à un dynamomètre à jauges de
contrainte placé sur l’axe de traction; dans le cas des éprouvettes de pliage, la charge est
mesurée par l’intermédiaire de jauges de contrainte collées sur le poinçon.
On mesure l’écartement de deux ponts de part et d’autre de l’entaille grâce à un petit
extensomètre à lames sur lesquelles sont collées des jauges de contrainte. Cet extensomètre
vient se fixer sur des petites pièces que l’on visse de part et d’autre de l’entaille ; ces pièces
évitent des usinages compliqués à l’extrémité de l’entaille. De tels dispositifs sont représentés
sur la figure17.
La figure 18 représente l’ensemble de l’appareillage d’extensomètre et de mesure des
charges dans le cas d’éprouvette de pliage ; la figure 19, l’appareillage pour les éprouvettes
compactes.

Figure 17 : Schémas des pièces permettant de fixer l’extensomètre à lames

20
Figure 18 : Montage utilisé pour les éprouvettes de flexion en trois points

Figure 19 : Montage utilisé pour les éprouvettes compactes

6.5. Détermination de KIc

Ces courbes « charge-déplacement » permettent facilement de calculer KIc.


Le cas idéal de mesure de KIc par cette méthode n’est malheureusement pratiquement
jamais obtenu : il correspondrait à un métal qui casserait brutalement sans déformation
plastique apparente. Or, on s’est aperçu très rapidement que les courbes charge-déplacement
ne présentent que rarement un point anguleux ; on observe souvent un éloignement continu de
la courbe réelle à la droite idéale charge-déplacement. Cette non-linéarité est due
principalement à une déformation plastique à l’extrémité de la fissure tend à se propager
brutalement par à-coup d’intensité très faible.

21
Les principaux types de courbes « charge-déplacement » que l’on peut obtenir sont
représentés sur la figure 20. On peut, en traçant une droite OP 5 dont la pente est inférieure de
5% à la pente de la portion rectiligne OA, déterminer une valeur K Q de K qui correspond à KIc
si certaines conditions sont observées.
Ces conditions sont :
2
épaisseurB 2,5 KQ 
longueurdefissurea   
y 
Pmax 1,1
PQ
Si ces conditions sont satisfaisantes, KQ est pris comme valeur de KIc. KIc s’exprime en
MPa.m0,5 (équivalent à N/mm2.m0,5). Les valeurs de KIc pour les aciers peuvent varier entre 10
et 250MPa.m0,5, les aciers à très haute résistance ayant des valeurs de K Ic généralement
comprise entre 30 et 100MPa.m0,5.
Nota : Une sécante à 95% de la pente OA correspond à un accroissement a de la fissure de
a
2%.

Figure 20 : Principaux types de courbes charge-déplacement

7 Influence de la température et de la vitesse sur KIc

Les aciers à très hautes caractéristiques sont peu sensibles à l'effet de vitesse et à l'effet
de température. On peut ainsi expliquer le fait qu'au début de la mécanique de la rupture,
certains chercheurs aient pensé que KIc ne dépendait pas de ces deux paramètres.
De nombreux chercheurs ont essayé d'appliquer les résultats de la mécanique de la
rupture à des matériaux plus ductiles, en particulier à des aciers ayant des résistances
comprises entre 500 et 1000N/mm2 . D'un point de vue pratique, ces aciers présentent le
phénomène de transition ductile-fragile. La détermination de températures de transition par
différents essais (ISO V, Pellini, Robertson, Battelle, Schnadt, etc.) permet de classer les
matériaux mais ne permet pas de prévoir quantitativement les ruptures en service.
On peut donc penser que, pour ces aciers, KIc dépend, de la température et de la
vitesse.

7.1 Influence de la température sur KIc

22
Les figures 21, 22, 23, 24 représentent quelques résultats obtenus par Wessel et ses
collaborateurs ; certains résultats obtenus à l'I.R.S.I.D sont donnés par les figures 25 et 26. On
constate que les courbes "KIc-température" présentent bien une transition, et que, dans certains
cas (figure 26), il existe un palier supérieur de KIc.

Figure 21 : Variation de KIc et de la limite d'élasticité avec la température pour un acier Cr-
Mo-V (nuance A 470). (d'après Wessel)

Figure 22 : Variation de KIc et de la limite d'élasticité avec la température pour un acier Ni-
Mo-C-V (nuance A 469). (d'après WESSEL)

23
Figure 23 : Variation de KIc et de la limite d'élasticité avec la température pour un acier de
type A533 B. (d'après WESSEL).

Figure 24 : Variation de KIc et de la limite d'élasticité avec la température pour( un acier de


type A 216 C. (d'après WESSEL).

24
Figure 25 : Variation de KIc et de la limite d'élasticité avec la température pour un acier de
type C-Mn. Micro allié au Nb et au V, brut de laminage (épaisseur 150mm).

Figure 26 : Variation de KIc et de la limite d'élasticité avec la température pour un acier de


type A 15 CD 9-10 revenu à 600°C. (Épaisseur 100mm).

7.2 Influence de la vitesse sur Kic

25
A notre connaissance, il a été effectué peu d'essais à grande vitesse conformes aux
recommandations A.S.T.M., ceci en raison des difficultés technologiques : il faut, en effet,
déformer à très grande vitesse des éprouvettes de fortes dimensions, donc de poids très élevé
(une éprouvette compacte de 150 mm d'épaisseur pèse 150 Kg).
La ténacité KIc est appelée KId lorsqu'elle est mesurée à grande vitesse.
SHABITS a réalisé de tels essais avec des éprouvettes de 200 mm d'épaisseur, grâce à
une machine de traction spécialement conçue. Ses résultats sont mis en évidence sur les
figures 27 et 28. On constate que l'augmentation de la vitesse d'essai s'accompagne d'un

Figure 27 : Influence de la vitesse sur les valeurs de KIc. ( dK compris entrez 15.103 et 6.104
dt
MPa.m0,5 pour les essais dynamiques) (d'après SHABITS)

décalage vers les hautes températures (environ 30°C pour l'acier de type A 533 B) de la
courbe "KIc-température". A température ambiante, la valeur de KIc est abaissée d'environ 25
MPa.m0,5 lorsque la vitesse est multipliée par 10. Cet abaissement très important est dû au fait

26
que la transition "KIc-température" se situe justement à la température ambiante. A basse
température (donc dans le niveau bas de la courbe "KIc-température", KIc ne varie
pratiquement pas avec la vitesse.

Figure 28 : Influence de la vitesse sur la ténacité (d'après SHABITS).

8. Applications de la mécanique de la rupture à l'étude de la fatiqgue

La prévision de durée de vie d'un élément de structure soumis à des conditions


cycliques nécessite la connaissance des vitesses de propagation d'une fissure dans des
conditions de sollicitations données. Les classiques d'analyse permettent de déterminer la
courbe "contrainte nominale-nombre de cycles à rupture" ainsi qu'un paramètre appelé limite
d'endurance. De telles données permettent de porter des jugements qualitatifs quant au choix
des matériaux, mais sont d'un usage difficile pour leur application quantitative à une structure.
La vie d'une structure peut être décomposée en trois partie :
 Naissance d'une fissure
 Propagation lente de cette fissure
 Propagation brutale conduisant à la rupture.
La mécanique de la rupture permet depuis une dizaine d'années d'étudier quantitativement
le second et le troisième stades et, en particulier, d'étudier les nombreux cas pratiques où
l'on observe des fissures préexistant dans une structure. Très récemment, des essais ont
montré que l'on pouvait également décrire à partir du facteur K le nombre de cycles
nécessaire pour qu'une fissure macroscopique se développe à fond d'une entaille de rayon
.

8.1. Fissuration lente

Supposons que les cycles se produisent entre deux charges de valeurs fixes P max et Pmin.
On peut calculer pour chaque longueur a de la fissure les valeurs correspondantes K max et

27
Kmin. De nombreux chercheurs ont montré que la vitesse de fissuration était contrôlée par
ces valeurs Kmax et Kmin, et non pas les valeurs correspondan,tes des contraintes. On peut
ainsi exprimer la vitesse de fissuration da (N nombre de cycles) par une loi de la forme :
dN
da  f(K , variables moins importantes)
dN
K étant égal à Kmax - Kmin
Les autres variables qui interviennent dans la formule sont le niveau de résistance de
l'acier, la ductilité et les paramètres de l'essai.
LIEURADE a récemment donné une bibliographie très complète de ces lois de
fissuration. Le phénomène de fissuration se compose schématiquement de trois stades,
comme indiqué sur la figure 29.
 Un stade de propagation très lente (
da <10-5 mm/cycle)
dN
 Un stade de propagation lente
 Un stade de propagation accélérée conduisant à la rupture brutale (
da >5.10-4
dN
mm/cycle).

Figure 29 : Différents stades de fissuration par fatigue. Acier du type 35 NCD 16 (Rm = 150
N/mm2=, charge minimale nulle.
Le premier stade correspond au début de la fissuration. Au cours de stade, la relation
liant da à K dépend de la charge maximale. On peut mettre en évidence un seuil de non
dN

28
propagation Ks à une valeur K au-dessous de laquelle on ne peut plus détecter de
fissuration stable ( da est alors généralement inférieur à 5.10-7 mm/cycle).
dN
Lors du troisième stade, la rupture se produit lorsque Kmax atteint KIc.
Le deuxième stade est particulièrement important d'un point de vue pratique. La loi
reliant da à K est linéaire en coordonnées logarithmiques. Elle a été donné par PARIS, qui
dN
a posé :
da = C. (K) m
dN
C et m étant deux paramètres du matériau.
La validité de ces concepts a été vérifiée à l'I.R.S.I.D.A titre d'exemple la figure 30
montre que ces lois de fissuration ne dépendent ni du type d'éprouvette utilisé, ni des
conditions de chargement, ni de la forme du cycle de contrainte.

A influence de la charge maximale (charge minimale nulle)


B influence du type d'éprouvette
C influence de la forme du cycle.

Figure 30 : Influence de différents facteurs opératoires sur les vitesses de fissuration en


fatigue (K en MPa.m0,5).
Divers méthodes permettent de mesurer commodément les vitesses de fissuration :
 Méthode optique : On suit la longueur de la fissure latéralement grâce à une loupe
binoculaire. Pour définir avec précision la longueur de la fissure, on peut déposer
photographiquement sur la surface de l'éprouvette et en avant de l'entaille, une trame
millimétrique.
 Méthode par ultrasons (figure 31 A) : un traducteur mobile, guidé par des glissières,
est placé sur la face supérieure de l'éprouvette et est relié à un réflectoscope. Un montage
déclenche le mouvement du traducteur lorsque l'écho de fissure atteint un niveau donné. Le
mouvement du traducteur est alors égal à l'avancement du front de la fissure.

29
 Méthode par courant de Foucault (figure 31 B) : deux bobines montées en pont de
Wheatstone créent des courants de Foucault. Lorsque la fissure se propage sous l'une des
bobines, la répartition de ces courants est modifiée et un déséquilibre apparaît dans la
diagonale du pont. Comme précédemment, un montage de la jauge déclenche alors le
mouvement des deux bobines.
 Méthode par jauges de fissuration (figure 31 C) : on colle sur la face de l’éprouvette
une jauge composée de brins espacés régulièrement. L'alliage de la jauge est tel que chaque
brin se rompt dés que la fissure l'atteint. La variation de résistance de la jauge est enregistrée
et permet donc d'obtenir la longueur de la fissure.
 Méthode par résistivité : la variation de la résistance électrique de l'éprouvette est
mesurée au cours de l'essai et reliée à la longueur de la fissure par un étalonnage préalable.

30
Figure 31 : Mesures des longueurs de fissures
8.2. Initiation

En général, une pièce mécanique ne contient pas d'entaille aussi aiguë qu'une fissure
de fatigue lorsqu'elle est mise en service ; les fissures s'amorcent généralement à partir de
concentrations de contraintes. Il existe donc avant toute propagation stable un stade préalable
d'initiation des fissures dont l'importance est fonction de l’acuité du défaut initial et de la
charge appliqué.

31
Dans de nombreux cas pratiques, ce stade d'initiation peut être très important (jusqu'à
90% de la vie d'une pièce). Cette observation limite l'utilisation en fatigue des résultats
obtenus à l'aide de la mécanique de la rupture (vitesse de fissuration, seuil de non-
propagation) qui ne s'appliquent qu'au stade de la propagation. Il est donc indispensable de
chercher à relier le nombre de cycles nécessaires à une initiation macroscopique aux
conditions d'emploi (charges appliquées, dessin des pièces) pour pouvoir calculer le nombre
total de cycles à rupture.
L'idée consiste donc à calculer le nombre Ni de cycles pour qu'une fissure de petites
dimensions apparaisse. A partir de ce défaut, on pourra calculer le nombre de cycles de
propagation stable grâce aux lois données au paragraphe précédent. Connaissant K Ic, on
connaîtra les conditions de rupture donc la vie complète de la structure.
Ce mode de pensée est encore très récent. Les résultats obtenus par JACK et PRICE
sur l'initiation d'une fissure de fatigue à fond de rayon  avec des éprouvettes de mécanique
de la rupture montrent que le nombre Ni de cycles nécessaires à l'initiation est une fonction
K
du paramètre  , K étant la variation au cours d'un cycle de fatigue du paramètre K,
calculé comme si au fond de l'entaille de rayon . Par contre, on obtient une courbe unique
dés que le nombre de cycles nécessaires à l'initiation dépasse 105 cycles.

K
Figure 32 : Variation du nombre de cycles nécessaires à l'initiation avec le paramètre 
(d'après BARSOM et Mc NICOL)
9. Applications de la mécanique de la rupture à l'étude de la corrosion sous tension

On étudie en général le comportement d'un matériau mis sous contrainte en milieu


corrosif en mesurant le temps à rupture d'une éprouvette lisse ou entaillée en fonction de la
contrainte nominale initiale. Cette durée de vie dépend beaucoup du temps nécessaire à la
formation d'une piqûre.
Comme dans l'étude de la fatigue, la mécanique de la rupture permet d'étudier
quantitativement le stade de la propagation lente d'une fissure.
Comme précédemment, l'idée consiste à utiliser le facteur d'intensité de contrainte K I
et non pas la contrainte . Si l'on reporte sur un diagramme "KI - logarithme du temps de
rupture" les différents couples de points obtenus, on met en évidence une asymptote

32
d'ordonnée KIscc analogue à l'asymptote d'ordonnée nr (contrainte de non-rupture) que l'on
obtient par essais classiques.
BEACHEM-BROWN et SMITH-PIPER-DOWNEY ont vérifié que K Iscc ne dépendait
pas du type d'éprouvette utilisé, alors que nr en dépend : KIscc est donc une caractéristique qui
ne dépend que du matériau et du milieu corrosif. Ce fait seul suffirait à montrer toute
l'importance que présente la mécanique de la rupture pour décrire la fissuration par corrosion
sous tension, mais d'autres expériences confirment cet intérêt.
A titre d'exemple, on a reporté sur la figure 33 quelques courbes "K t – logt" obtenues à
l'I.R.S.D. ces courbes ont été obtenues avec des éprouvettes classiques de mécanique de la
rupture (éprouvettes compactes et éprouvettes de flexion encastrées).

Figure 33 : Exemples de courbes "KIi - temps à rupture" obtenues à l'I.R.S.I.D


Il existe également une méthode qui permet théoriquement d'obtenir KIscc avec une
seule éprouvette. Le principe de l'essai est indiqué sur la figure 34 : l'éprouvette est conçue
pour que l'on puisse par l'intermédiaire d'une vis, écarter les lèvres de l'entaille d'une quantité
fixée V. Le rôle de cette vis est également d'appliquer à l'éprouvette une force P. Lorsque la
fissure se propage sous l'effet du milieu corrosif, la charge P diminue, et on constate que la
valeur du facteur d'intensité de contrainte KI diminue également. Lorsque KI atteint KIscc. On

 
a:

K Iscc  Parrêt f aarrêt


BW W
 
f a étant la fonction explicitée au chapitre 6.
W
On peut montrer également que les vitesses de fissuration sous l'effet de la charge et
du milieu corrosif peuvent être décrites par le facteur d'intensité de contrainte K I. La vitesse
de fissuration da/dt est en effet une fonction biunivoque de KI.

33
Figure 34 : Schéma de principe de l'essai permettant d'obtenir KIscc avec une seule éprouvette
de type WOL (d'après NOVAK)
La variation de da/dt avec K est très rapide au début, puis elle se stabilise à une valeur
constante qui dépend du matériau et du milieu corrosif. A titre d'exemple, la figure 35 montre
l'influence de la valeur initiale KII de KI sur les vitesses de fissuration ainsi que l'indépendance
de la vitesse de fissuration au palier vis à vis de cette même valeur KII.
A la différence de la fatigue, la rupture ne se produit pas toujours pour K I=KIc. En effet
, la fissure peut s'émousser sous l'effet de la corrosion, et le rayon à fond de fissure n'est pas
toujours suffisamment petit pour que la mécanique de la rupture classique s'applique
parfaitement. La valeur KIc à rupture du facteur d'intensité de contrainte est alors supérieure
ou égale à KIc.

34
Figure 35 : Essais de fissuration par corrosion sous charge constante. Détermination de la
vitesse de fissuration en fonction du facteur d'intensité KI pour différentes valeurs du facteur
d'intensité de contrainte initial KII (acier 35 NCD 16).
10. Applications de la mécanique de la rupture au calcul des structures

Dans les chapitres précédents,

35

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