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11-038-E-10

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-038-E-10

Assistance circulatoire et cœur artificiel


D Loisance

Résumé. – Deux types de pompes, occlusives ou non occlusives, sont actuellement utilisés dans divers
montages, intra- ou paracorporels, permettant une assistance mono- ou biventriculaire, de courte durée ou
de durée très prolongée (mois, années). Ils permettent de couvrir l’essentiel des indications d’assistance
mécanique de la circulation (attente de la greffe ou de la récupération de la fonction cardiaque native,
implantation définitive), chez les malades en insuffisance cardiaque avancée, avec ou sans choc
cardiogénique. Ces divers systèmes préparent en réalité l’utilisation du cœur artificiel idéal, en cours de
développement.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : choc cardiogénique, assistance mécanique de circulation, transplantation cardiaque.

Introduction compliqué de rupture septale ou d’insuffisance mitrale : il permet


une réduction du volume du shunt gauche-droit dans le premier
cas, de la régurgitation mitrale dans le second cas, permettant une
Près de 40 ans de développement technologique, 20 ans d’une diminution de la surcharge pulmonaire.
recherche clinique difficile, ont permis la mise au point de Cette technique connaît cependant de sévères limitations : difficulté,
procédures d’assistance mécanique de la circulation (AMC) voire impossibilité de l’insertion du ballon dans un axe aorto-
reproductibles, efficaces chez les patients présentant les formes les iliaque très remanié, surtout inefficacité de l’activation du ballon
plus variées de défaillance cardiaque grave. Elles permettent dans les situations hémodynamiques où celle-ci est la plus
aujourd’hui un traitement efficace, tant pour l’attente d’une souhaitable : arrêt cardiaque, fibrillation ventriculaire, pression
transplantation difficilement réalisable du fait de la pénurie de aortique moyenne insuffisante.
greffons ou l’attente de la récupération de la fonction native, que
pour permettre, par une implantation définitive, une survie CIRCULATION EXTRACORPORELLE D’ASSISTANCE
prolongée. Néanmoins, le cœur artificiel idéal n’existe toujours pas.
Cette technique d’assistance reprend les principes de la circulation
extracorporelle (CEC) utilisée quotidiennement en chirurgie
cardiaque. La seule originalité réside d’une part dans la compacité
Techniques du circuit, rendant sa mobilisation aisée, d’autre part dans le
système de canulation, canulation percutanée des axes artériel et
CONTREPULSION DIASTOLIQUE veineux périphériques, autorisant une mise en œuvre rapide sans
geste chirurgical. Le système permet une prise en charge
Introduite en clinique humaine au début des années 1970, la pratiquement complète de la circulation et de la fonction
contrepulsion diastolique, par ballon intra-aortique, est un système pulmonaire, assurant ainsi une perfusion viscérale de qualité [15].
d’assistance circulatoire synchrone à l’activité cardiaque. Un cathéter, Comme toute CEC, le système n’est utilisable que pendant des
muni d’un ballonnet, est introduit par voie artérielle fémorale, périodes courtes, de l’ordre de quelques heures. En effet, il est
aujourd’hui par voie percutanée, dans l’aorte thoracique responsable d’une formidable stimulation de la réponse
descendante. La déflation du ballon durant la systole réduit inflammatoire et de la coagulation, imposant l’anticoagulation
l’impédance aortique et le travail développé par le ventricule complète, d’un traumatisme sanguin responsable d’une hémolyse,
gauche. Son inflation en diastole entraîne une élévation de la d’une thrombopénie, bref, de tous les problèmes rencontrés en
pression de perfusion coronaire et du débit coronaire. Ainsi s’installe chirurgie cardiaque.
un nouvel équilibre énergétique apport/consommation au niveau
L’intérêt de la CEC comme technique de récupération ventriculaire
du myocarde, nouvel équilibre bénéfique dans toutes les situations
a été démontré très tôt, essentiellement en chirurgie cardiaque. La
de souffrance ischémique : menace d’infarctus du myocarde, angor
conduite de la CEC, associée à une bonne décharge ventriculaire,
évolutif non calmé par les traitements pharmacologiques, foyers
permet la récupération rapide du myocarde ischémique. Les
ischémiques imbriqués dans la nécrose myocardique constituée ou
premières utilisations dans une atmosphère médicale, réalisées au
siégeant à distance de celle-ci. La contrepulsion diastolique agit début des années 1970, ont bien montré l’intérêt réel de la méthode :
également au niveau des conséquences mécaniques de l’infarctus la prise en charge immédiate et complète de la fonction cardiaque,
mais ses limites : lourdeur technique, risque hémorragique, brièveté
de la période d’assistance autorisée. Les progrès technologiques,
Daniel Loisance : Chirurgien des hôpitaux de Paris, directeur de l’UPRES-A 7054 CNRS « Thérapeutiques dans le domaine des pompes artérielles, des tubulures de
substitutives du cœur et des vaisseaux » et de l’Association Claude-Bernard, centre de recherche des
transplantations cardiaques, service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, hôpital Henri-Mondor, 51, l’oxygénateur et de la méthode de canulation percutanée ont
avenue du Maréchal-De-Lattre-De-Tassigny, 94010 Créteil cedex, France. simplifié la mise en œuvre et la surveillance du système. Elle n’a

Toute référence à cet article doit porter la mention : Loisance D. Assistance circulatoire et cœur artificiel. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-038-E-10,
2001, 6 p.
11-038-E-10 Assistance circulatoire et cœur artificiel Cardiologie

1 Pompe axiale reposant 2 Diverses modalités de


sur le principe de la « vis décharge du ventricule gau-
de meunier », qui a permis che : auriculaire gauche ;
l’hémopompe et permet transauriculaire droite ;
aujourd’hui le Jarvik. ventriculaire directe, api-
cale ou indirecte, transmi-
trale ou transaortique.

cependant que peu modifié les conséquences biologiques des


pompes et de l’oxygénateur [ 2 ] . La durée autorisée de
fonctionnement reste limitée à quelques heures.
battant) est la démonstration de l’intérêt du concept de pompe axiale
POMPES AXIALES ENDOVENTRICULAIRES lui-même. Celui-ci est désormais appliqué dans les systèmes de
Leur principe est celui de la « vis de meunier » (fig 1). Une hélice dérivations ventriculaires.
entraînée à très grande vitesse (de 10 000 à 30 000 tours/min) assure
un déplacement de volume sanguin de l’amont vers l’aval. L’hélice DÉRIVATIONS VENTRICULAIRES
est fixée sur un câble introduit par voie rétrograde dans l’aorte Les dérivations ventriculaires sont constituées par un circuit extra-
(Jomed) ou dans le ventricule gauche (Hemopump) ou droit (aMed, anatomique (fig 2) comprenant des canules, une tubulure et une
Impella). Le câble lui-même est entraîné par un électroaimant, placé pompe, réalisant un court-circuit du ou des ventricules [9]. Selon
à côté du patient. l’implantation des canules d’admission, on parle de dérivation
auriculoaortique ou ventriculoaortique. La réinjection peut se faire
Curieusement, l’efficacité de la pompe est optimale en termes dans l’aorte initiale ou l’aorte descendante, thoracique ou
purement mécaniques. L’avantage des dispositifs utilisant ce abdominale. Selon la localisation de la pompe, on parle de
principe est donc le caractère compact du système, la rapidité de la dérivation intracorporelle, thoracique ou abdominale ou de
mise en œuvre et la simplicité du fonctionnement [10]. Le résultat est dérivation paracorporelle. De même, on distingue les dérivations
la décharge ventriculaire, réalisée quel que soit l’état de celui-ci et monoventriculaires, gauche ou droite, des dérivations
son corollaire, la réduction des dimensions ventriculaires, la biventriculaires (fig 3). Enfin, selon le niveau de débit dans le circuit
régression de la fuite mitrale. Le débit assuré, continu, est de dérivation, on parle de dérivation d’assistance ou de dérivation
directement fonction des pressions de remplissage en amont, des de suppléance totale.
résistances périphériques en aval. L’inconvénient majeur de ces Le type et le mode d’activation de la pompe sont très divers. La
dispositifs est le caractère limité du débit délivré (2,5 à 3,5 L/min), pompe peut être une pompe centrifuge, identique à celle utilisée
le traumatisme sanguin lors de la prolongation au-delà de quelques dans la CEC ou une pompe axiale déjà présentée. Le débit est alors
heures de l’utilisation, particulièrement délétère chez un patient en un débit continu. Elle peut être une pompe volumétrique, occlusive,
état de choc, à la fonction rénale altérée [16]. à diaphragme (fig 4), celui-ci étant actionné par le déplacement d’un
L’aspect le plus intéressant de ces systèmes, aujourd’hui plateau ou d’un volume gazeux, ou être un sac animé par le
essentiellement utilisés dans une perspective de prévention du bas déplacement d’un gaz ou d’un plateau. Dans ce cas, le débit assuré
débit cardiaque (dilatation à risque, chirurgie coronaire à cœur est pulsatile. L’activation de la pompe peut être indépendante de

3 Dérivations ventriculaires. De
gauche à droite : isolée gauche, atrio-
aortique ; biventriculaires avec canula-
tion apicale ou ventriculaire.

Toit
OG

AO OG AP OD AO APEX AO OD AP

G D G G D

2
Cardiologie Assistance circulatoire et cœur artificiel 11-038-E-10

5 Pompe électromagnéti-
que, volumétrique, pour dé-
rivation ventriculaire gau-
1 che implantée.
1 A. Les deux plateaux
écrasant le sac ventri-
culaire sont visibles.
B. Montage actuelle-
ment utilisé. 1. Câble
percutané ; 2. contrô-
leur ; 3. pompe ; 4. bat-
terie.
*
A

*
A
*
B
4 Ventricule pneumatique d’assistance ventriculaire. Le déplacement
du diaphragme (1) assure un remplissage diastolique passif (A) ou facilite, par une dé-
pression dans le compartiment gazeux, l’éjection systolique (B). Ce type de ventricule
permet une dérivation ventriculaire ou le remplacement orthotopique.

l’activité cardiaque (mode asynchrone), la vidange ventriculaire


assurée au terme de la période de remplissage, ou asservie à
l’activité cardiaque, la systole artificielle étant déclenchée par le
3
signal du ventricule natif à un moment réglable du cycle cardiaque 1
(en diastole éventuellement).
L’activation peut être pneumatique, électrique, électromécanique ou
électrohydraulique. Le type de l’activateur et de la nature de la 2 4
source d’énergie conditionnent l’implantabilité de la pompe et de
l’ensemble du circuit de dérivation. Ainsi peut-on opposer la
dérivation à pompe centrifuge ou pneumatique, paracorporelle,
utilisable pendant quelques jours ou semaines, à la dérivation *
B
électromagnétique, totalement implantable, utilisable pendant des
mois, voire des années, sans dommage (fig 5A, B) [13].
Dans tous les cas, le débit réalisable dans le circuit paracardiaque 6 Ventricule pneumatique le plus uti-
est contrôlé essentiellement par la qualité du drainage auriculaire lisé actuellement, pour dérivation ventri-
ou ventriculaire. Dans les conditions optimales, la totalité du débit culaire externe.
cardiaque est assurée par la machine, les ventricules naturels restant
soit battants mais non éjectants, soit fibrillants. Il est à noter que la
seule dérivation du cœur gauche peut suffire à maintenir un débit et
une pression systémiques, le cœur fibrillant, pendant quelques
heures. Cette situation ne peut cependant être obtenue qu’au prix
d’un parfait positionnement de la canule de drainage et d’un parfait
fonctionnement du ventricule prothétique, que si les résistances
artérielles pulmonaires sont basses, spontanément ou après injection
d’agents dilatateurs [4].
L’avantage essentiel des systèmes de dérivation est qu’ils ne
compromettent pas, bien au contraire, les possibilités de
récupération de la fonction cardiaque native. L’absence d’excision
du massif ventriculaire et les conditions optimales de perfusion
myocardique pendant l’assistance peuvent permettre une éventuelle
reprise cardiaque. Une telle approche ne peut que séduire à une
époque où affirmer l’irréversibilité des lésions myocardiques reste
difficile. Le second avantage de ces systèmes hétérotopiques est leur
relative facilité d’implantation : par sternotomie avec ou sans CEC,
voire par thoracotomie gauche dans une assistance apicoaortique, Terumo), ce qui permet d’espérer une plus grande longévité de la
ce qui a pour avantage essentiel de laisser intact le médiastin pompe, moins de défauts de fonctionnement, moins de traumatisme
antérieur, facilitant d’autant les réentrées ultérieures. sanguin donc une plus grande durabilité ; une plus grande
Dans la pratique courante, les dérivations uni- ou biventriculaires implantation des éléments de contrôle et d’activation de la
les plus utilisées sont les dérivations pneumatiques paracorporelles dérivation (système Lion Heart, de Arrow, et Life Saver de World
type Thoratec (fig 6) (ou Nippon Zeon, Toyobo, Medos), l’activateur Heart) assurant plus de confort au patient.
extracorporel étant une console pneumatique peu mobilisable ou
portable ; la dérivation ventriculaire implantée, pulsatile, à PROTHÈSES ORTHOTOPIQUES
commande pneumatique (Thermedic) électromagnétique (Novacor)
ou électrique (Thermedic VE) ; la dérivation ventriculaire implantée Implantées en lieu et place des ventricules natifs, les prothèses
à débit continu (Micromed, Jarvik 2000) (fig 7). Les développements orthotopiques sont connectées à un ensemble : système activateur,
actuels se font dans deux directions : l’optimisation des pompes avec unité de contrôle, source d’énergie. Actuellement, ces divers
le développement des pompes axiales sans support (Thermedic III, éléments indispensables au fonctionnement des ventricules

3
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7 Pompe axiale, utilisée


dans la dérivation apicoaor-
tique implantée.

8 Ventricule orthotopique, type Jarvik-CardioWest, en position. Noter la ligne de su-


ture des coiffes portant les connecteurs rapides sur les anneaux auriculoventriculaires.

du système (volume, poids, revêtements utilisés…) sont en cours


d’évaluation. L’implantation animale a été entreprise pour les
programmes les plus avancés, mais les problèmes à résoudre avant
la première implantation clinique restent très nombreux : dessin
optimal des ventricules, choix des matériaux, définition des
algorithmes de contrôle, etc.
orthotopiques sont extracorporels. Lorsque ces divers éléments sont
totalement implantés en position intracorporelle, il est licite de parler Indications de l’assistance
de cœur artificiel [12].
Les systèmes qui ont été utilisés à ce jour en clinique humaine sont Toute une variété de situations cliniques peuvent bénéficier des
tous à commande pneumatique [7]. Les ventricules à diaphragme techniques d’assistance circulatoire décrites : malade stable sur le
sont actionnés par le déplacement d’air comprimé, délivré par un plan hémodynamique et électrique, qui doit être soumis à une
activateur et un compresseur extracorporels. Le système le plus procédure à haut risque ; malade en insuffisance cardiaque sévère,
utilisé est le Jarvik [1, 6], développé sous l’impulsion de W Kolff. Une en attente de greffe, présentant une décompensation aiguë ; malade
dizaine d’autres systèmes, très voisins dans leur principe, ont été entrant dans la maladie cardiaque par un accident aigu ; malade en
utilisés dans les structures où ils ont été développés insuffisance cardiaque terminale qui ne peut être greffé. Dans tous
(Tchécoslovaquie, Allemagne, Russie, Autriche...) (fig 8). Les les cas, divers objectifs peuvent être assignés à l’assistance :
ventricules eux-mêmes sont constitués par une enceinte rigide, à prévention de l’inefficacité cardiocirculatoire chez un patient
deux orifices équipés de valves. La mobilisation du diaphragme, instable, soumis à une procédure à risque (l’assistance
activé par l’air comprimé, assure l’éjection. Le remplissage de la prophylactique) ; prise en charge d’un patient en insuffisance
chambre ventriculaire se fait passivement, parfois avec l’aide d’une cardiocirculatoire dans l’attente de la récupération myocardique, ou
dépression sur le versant pneumatique du diaphragme. dans l’attente d’une transplantation cardiaque (assistance
L’ajustement du débit du ventricule se fait de deux manières, de temporaire) ; traitement définitif de l’insuffisance cardiaque
façon automatique et par ajustement manuel. L’ajustement (assistance permanente).
automatique repose sur le fait que, dans les conditions de ASSISTANCE PROPHYLACTIQUE
fonctionnement basal, le remplissage ventriculaire est incomplet.
Le choix de la technique se porte vers les techniques les moins
Dans ces conditions, toute augmentation du retour veineux conduit
invasives : contrepulsion diastolique, hémopompe, CEC par voie
à une élévation du volume d’éjection, correspondant à la
percutanée. L’expérience a consacré le recours à la contrepulsion :
mobilisation de cette réserve de débit. Lorsque ce système, identique
ne compliquant que très peu la procédure angiographique, elle
à la loi de Starling des ventricules natifs, est saturé, l’élévation de
réduit significativement le risque d’accident rythmique. Le caractère
débit ne peut se faire que par augmentation, sur la console
synchrone à l’activité électrique réduit l’efficacité de la méthode en
d’activation, de la fréquence de déplacement du diaphragme.
cas de fibrillation ventriculaire ou de dissociation électromécanique.
Il est ainsi facile de comprendre les limitations dans l’autonomie du L’hémopompe s’est avérée très efficace quand l’état des axes
patient, inhérentes à un tel concept : la localisation paracorporelle iliofémoraux autorisent la mise en place. Quant à la CEC,
de la source d’énergie, la nécessité de l’ajustement manuel d’un l’expérience a montré qu’il s’agissait d’une technique lourde, difficile
paramètre aussi important que la fréquence, interdisent un grand à proposer de façon préventive, en revanche très efficace en cas
confort et une grande liberté lors d’implantations très prolongées. d’arrêt cardiaque pour faciliter le transfert du patient vers la salle
Un second groupe de systèmes est constitué par les systèmes d’opération.
électriques ou électromécaniques dont tous les éléments sont Les indications d’assistance prophylactique sont peu fréquentes,
implantables. Ces systèmes autorisent le confort et l’autonomie d’autant moins fréquentes que l’expérience du cathétériseur est plus
complète du patient, de façon permanente. De tels systèmes, les grande, que chacune des techniques proposées comporte un risque
véritables cœurs artificiels, sont en cours de mise au point. Il existe que l’on ne peut négliger, que la rapidité de la mise en œuvre des
actuellement trois programmes très actifs qui, bénéficiant de crédits méthodes d’assistance, maintenues prêtes à l’emploi en salle, permet
fédéraux américains, associant diverses industries, ont pour objectif un geste salvateur si l’accident redouté survient réellement.
la réalisation et l’évaluation de ces systèmes : le programme
développé par le Texas Heart Institute et Abiomed ; le programme ASSISTANCE TEMPORAIRE
Cleveland Clinic-Nimbus qui utilise une pompe à plateau, dont le L’assistance mécanique temporaire est une procédure thérapeutique
déplacement est actionné par un fluide ; le programme SARNS-3 M, discutée lors d’une insuffisance cardiaque sévère, mal tolérée, ce
qui utilise un moteur électrique et une pompe à plateau, se dont attestent des critères cliniques et hémodynamiques stricts, et
déplaçant sous l’action d’une vis sans fin. Toutes les caractéristiques ce, malgré une prise en charge pharmacologique maximale.

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Cardiologie Assistance circulatoire et cœur artificiel 11-038-E-10

Les circonstances cliniques sont très variables : état de choc, au cours L’analyse du seul taux de survie aux étapes clés du traitement
d’une cardiomyopathie idiopathique ou virale, d’une cardiopathie (sevrage, transplantation, sortie de l’hôpital) traduit mal la réalité
ischémique aiguë ou chronique ou valvulaire. En milieu chirurgical, de l’expérience. L’analyse des causes d’échec est plus révélatrice.
il peut s’agir d’un patient non sevrable de la CEC ou en état de choc Elles sont très nombreuses.
postopératoire, d’un rejet d’un greffon cardiaque, aigu ou chronique.
Dans tous les cas, l’assistance ne peut être entreprise qu’après
vérification de l’inefficacité du traitement médical optimal : Complications
oxygénothérapie, contrôle de la volémie ou des troubles du rythme
cardiaque, diurétiques et inotropes aux doses optimales. La présence
de complications de l’état de choc, insuffisance rénale, insuffisance Les principales causes de morbidité et de mortalité précoce sont
hépatique, insuffisance cérébrale, renforce l’indication, car elle atteste représentées par le saignement, la défaillance ventriculaire droite et
de la sévérité de la situation et de la gravité du pronostic immédiat. la défaillance multiviscérale. Les complications tardives sont
Elle peut cependant, si celle-ci est prolongée, conduire à récuser représentées par l’infection, les accidents thromboemboliques et les
l’indication, l’absence de réversibilité de ces dysfonctions d’organes défaillances techniques des systèmes d’assistance.
constituant alors la cause d’échec essentiel de la procédure.
La définition du moment optimal de la mise en place de l’assistance SAIGNEMENT
est bien le problème le plus délicat qui ne trouve de solution que Le saignement est la complication postopératoire la plus fréquente
par la réévaluation de l’état du patient à tout moment [11]. Dans un après mise en place d’une AMC. Dans l’expérience internationale,
tel contexte, trois questions doivent être posées, dont les réponses elle concerne 42,5 % des patients assistés en attente de
conditionnent les choix : transplantation. Les causes du saignement sont multifactorielles et
font intervenir des facteurs liés aux patients (insuffisance hépatique,
– le malade est-il un bon candidat à la mise en œuvre d’un dénutrition, antibiothérapie), à la lourdeur du geste chirurgical
traitement majeur, agressif, non dénué de risques de complications (chirurgie redux, vastes décollements dans l’épaisseur de la paroi
propres ? L’âge, plus l’âge physiologique que l’âge réel, les abdominale pour le positionnement des systèmes implantables) et
antécédents, le contexte personnel et familial incluant le niveau de aux altérations de la fonction plaquettaire, de la coagulation et de la
motivation, de combativité, la qualité du soutien familial jouent un fibrinolyse, induites par l’interaction du sang avec les surfaces
rôle certain ; synthétiques de la CEC et du système d’assistance [2]. L’incidence de
– quelle est la définition de l’objectif assigné à l’assistance : attente cette complication a pu être significativement réduite grâce à
de la récupération de la fonction cardiaque native, attente de la l’utilisation d’antifibrinolytiques naturels (aprotinine) ou
greffe, implantation définitive ? synthétiques (acide aminocaproïque) et par l’ajustement très précis,
quotidien, de la coagulation.
– la troisième question importante devant être posée concerne la
durée escomptée de l’assistance : espérée courte, comme dans le
choc postcardiotomie, le choix du système s’oriente vers une pompe DÉFAILLANCE VENTRICULAIRE DROITE
peu coûteuse ; une perspective de greffe ou d’attente de récupération La défaillance ventriculaire droite est une complication fréquente qui
chez un malade présentant une cardiomyopathie ancienne impose survient chez 20 à 25 % des patients sous assistance ventriculaire
un système plus lourd, dérivation externe pneumatique ou gauche [3]. Certains patients peuvent bénéficier d’un traitement par
électromagnétique implantée ; la perspective d’une implantation vasodilatateurs pulmonaires. D’autres nécessitent la mise en place
définitive impose le choix de système le plus totalement implantable. d’une assistance ventriculaire droite complémentaire. Les
conséquences de l’implantation d’une assistance ventriculaire droite,
quand elle survient au cours de l’évolution d’une assistance
Expérience clinique ventriculaire gauche, sont désastreuses : les patients qui nécessitent
une assistance ventriculaire droite complémentaire ont une
Les premières tentatives, notamment celles de Bakey en 1966 (pont probabilité de survie significativement inférieure à celle des patients
vers la récupération, pour choc cardiogénique après remplacement sous assistance ventriculaire gauche isolée [8].
mitral), celle de Cooley en 1968 (implantation pour l’attente de la L’identification des patients qui ont un risque élevé de développer
transplantation) ont été très démonstratives : elles ont permis de une défaillance ventriculaire droite reste difficile. Cette difficulté
valider le concept de ces nouveaux traitements. Les premières explique que, pour certains groupes, le doute quant au
tentatives d’implantation à titre définitif (de Vries, implantation d’un comportement du ventricule droit après la mise en place d’une
Jarvik 7 en 1983) se sont en revanche soldées par un échec assistance ventriculaire gauche isolée suffit à lui seul pour porter
retentissant : la technologie n’était à cette époque pas prête. Ces l’indication d’une assistance biventriculaire de première intention [5].
premiers essais ont permis la diffusion des techniques, dans un Pour certains auteurs, une pression artérielle pulmonaire élevée, un
grand nombre de centres de chirurgie cardiaque. Le bilan, avec un gradient de pression transpulmonaire élevé et une diminution
recul de près de 20 ans, est largement positif. importante de la pression artérielle pulmonaire après mise en route
L’expérience peut être jugée par les données des grands registres, de l’assistance gauche, sont des facteurs de risques indépendants de
registres volontaires et internationaux, réunissant tous les cas défaillance ventriculaire droite postopératoire. En revanche, Kormos
réalisés dans des situations et des intentions de traitement et al ont rapporté que les critères hémodynamiques préopératoires
différentes, avec des systèmes très divers [ 1 4 ] . Le taux de ne permettent pas d’identifier les patients qui pourront bénéficier
transplantation, c’est-à-dire celui des patients vivants sous AMC d’une assistance ventriculaire gauche isolée [8]. Leur étude suggère
jusqu’à la transplantation, varie de 52 à 65 %, le taux de succès de la que des critères cliniques tels que l’existence de fièvre (en l’absence
greffe évoluant de 60 à 70 %. Des résultats différents sont obtenus d’infection) ou d’œdème pulmonaire sur la radiographie thoracique
dans les séries monocentriques, avec des systèmes plus homogènes sont de meilleurs facteurs prédictifs de la nécessité d’une assistance
et des catégories de patients mieux identifiées : 72 % de succès avec biventriculaire.
le système Jarvik, après des assistances de courte durée (21 jours) ; Différentes équipes ont attiré l’attention sur une association
70 % avec le Heartmate chez 95 patients [17], 51 % avec le Novacor significative entre les saignements postopératoires et l’incidence de
chez 118 malades [3] ; 65 % chez 103 malades avec le Thoratec [7]. défaillance ventriculaire droite. En effet, les pertes sanguines et les
Dans une stratégie d’attente de la récupération, des taux de survie transfusions peuvent entraîner une augmentation des résistances
très inférieurs sont relevés, tant au moment du sevrage (35 à 45 %) vasculaires pulmonaires, probablement par l’intermédiaire de la
qu’au décours de celui-ci (25 %). Un taux de mortalité élevé est libération de cytokines (interleukine [IL]1b, IL6, IL10 et tumor
encore observé, au décours du sevrage, c’est-à-dire de la necrosis factor [TNF]a). La diminution des saignements
récupération de la fonction cardiaque native, dû à un taux de postopératoires par l’utilisation d’aprotinine a permis une réduction
complications infectieuses, pulmonaires et rénales élevé [14]. parallèle de l’incidence des défaillances ventriculaires droites.

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COMPLICATIONS THROMBOEMBOLIQUES dépassant les capacités anticoagulantes de l’héparine. L’utilisation


La survenue de complications thromboemboliques a été décrite avec de surfaces rugueuses, qui entraînent le développement d’une néo-
tous les systèmes d’AMC avec une incidence très variable en intima peu thrombogène, permettrait de réduire considérablement
fonction des systèmes. Il existe peu d’études évaluant les l’incidence des complications thromboemboliques.
modifications de l’hémostase au cours de l’AMC. Toutefois, les
quelques études existantes s’accordent pour montrer une INFECTION
augmentation persistante des concentrations plasmatiques des L’infection est une autre complication majeure des patients sous
complexes thrombine-antithrombine III, du fibrinopeptide A et du AMC. Dans l’expérience internationale, 28,5 % des patients sous
peptide d’activation de la prothrombine (F1+ 2) chez les patients assistance ont développé une infection. Les patients sous assistance
sous assistance ventriculaire gauche ou cœur artificiel total [2]. Ces sont particulièrement exposés aux infections du fait d’un geste
marqueurs plasmatiques ont été significativement plus élevés chez chirurgical lourd, de leur séjour prolongé en réanimation, de
les patients sous AMC que chez les patients insuffisants cardiaques l’utilisation de cathéters percutanés et vésicaux, d’un état
ou après CEC. Par conséquent, ces observations suggèrent une nutritionnel suboptimal, et de la ventilation mécanique. D’autre part,
activation persistante de la coagulation plasmatique liée à l’AMC. tous les systèmes d’assistance actuellement disponibles nécessitent
Cette activation de la coagulation s’observe malgré l’utilisation au moins un câble percutané qui représente une porte d’entrée
d’anticoagulants systémiques (héparine). L’activation de la potentielle pour des agents pathogènes. Finalement, certaines études
coagulation au cours de l’assistance circulatoire chronique semble suggèrent que l’AMC entraîne une diminution de la réponse
être essentiellement la conséquence de l’activation de la phase immunitaire et, plus particulièrement, les réponses immunitaires à
contact du plasma. En effet, Himmelreich et al ont rapporté une médiation cellulaire. La survenue d’une infection du système
consommation des facteurs de la phase contact (XII, XI et de la d’assistance est associée à une mortalité plus élevée mais ne contre-
prékallikréine) après instauration d’une assistance ventriculaire indique pas de manière formelle la transplantation [3].
gauche. À distance de l’intervention chirurgicale, la plaie est
cicatrisée et le sang du patient n’est plus exposé au facteur tissulaire
sous-endothélial. Toutefois, l’activation du complément au cours de
l’assistance est susceptible d’entraîner l’expression de facteur Conclusion
tissulaire à la surface des monocytes sanguins et d’activer ainsi la
voie extrinsèque de la coagulation. L’activation de la coagulation au L’identification précoce des patients devant bénéficier d’une assistance
cours de l’assistance circulatoire est également favorisée par circulatoire, la définition claire de l’intention de traitement, le choix
l’activation concomitante des plaquettes sanguines à la surface du optimal, selon l’objectif thérapeutique, du système d’assistance, la
système d’assistance. En effet, l’activation des plaquettes aboutit à surveillance attentive et le dépistage précoce, voire la prévention des
la sécrétion de facteur plaquettaire 4 et de b-thromboglobuline. Ces complications les plus fréquentes (saignement, infection, accident
protéines sont susceptibles de se lier à l’héparine et d’antagoniser thromboembolique) sont les éléments essentiels de la bonne maîtrise de
ses effets anticoagulants. D’autre part, la dégranulation plaquettaire l’AMC, telle qu’on la connaît aujourd’hui. L’expérience actuelle, par
fournit de nombreux facteurs de la coagulation et la surface ailleurs, prépare le développement des programmes d’assistance
cellulaire d’une plaquette activée peut lier des facteurs de la définitive, véritable alternative à la transplantation et le recours plus
coagulation et favoriser leur activation. Ainsi, l’activation large à l’utilisation de l’assistance pour faciliter la récupération de la
plaquettaire permet de créer un microenvironnement procoagulant fonction cardiaque native.

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