Vous êtes sur la page 1sur 3

Une RSE à double face

La RSE est à découvrir au sein de chaque entreprise. Comme un Janus à double face, la RSE est
paradoxale: certains acteurs ont tendance à créer un double langage entre discours et réalité
alors que pour d'autres, elle constitue un engagement réel parce que volontairement soumis à
des formes d'audits externes ainsi qu'au débat avec les parties prenantes. C'est la condition de
survie pour les entreprises dans un environnement global et compétitif60.

Le paradoxe créé par le double langage de certaines entreprises

Certains exemples de paradoxes sont rapportés par les médias. Un « paradoxe » survient quand
d'un côté, une société s'engage dans une action de RSE, prend par exemple des engagements
concernant le développement durable tandis que de l'autre côté, des révélations accusatrices et
circonstanciées au sujet de ses pratiques émergent au grand jour.

Certaines ONG comme Christian Aid ont clairement dénoncé des abus de la part de certaines
grandes multinationales dans certaines parties du monde.

Par exemple aux États-Unis, McDonald's illustre ce comportement paradoxal. Société


emblématique qui a toujours souhaité affirmer ses engagements économiques, sociaux voire
environnementaux, cette société a été critiquée pour des pratiques d'affaires non éthiques. Lors
du traitement de l'affaire McLibel par la justice britannique, celle-ci a confirmé certaines plaintes
pour mauvais traitement des travailleurs, publicité abusive et traitement cruel des animaux. Le
15 février 2005, la Cour européenne des droits de l'homme a tranché en faveur de Helen Steel et
Dave Morris, (deux militants écologistes) dans leur bras de fer avec McDonald's dans l'affaire du
McLibel. L’avocat du duo a déclaré :

« La Cour européenne des droits de l'homme a considéré que des violations des droits de
l’homme avaient été commises à leur encontre – qu’il y avait eu une inéquité procédurale dans
l’affaire et que les procédures adoptées n’étaient pas équitables. »

Wal-Mart est également un exemple saisissant de double langage en matière de RSE avec de
lourds contentieux dans le domaine social.
De même, une société européenne comme Shell a largement participé en tant que pionnier «
porte-drapeau » de la RSE mais en manquant pourtant en 2004 de rapporter à ses actionnaires
une évaluation fiable de ses stocks pétroliers qui fondait sa valeur comptable.

Autre illustration, la manière dont on demande un reporting international sur l'ancrage


territorial, avec des groupes de travail composés en vaste majorité d'entreprises et d'ONG, sans
aucune participation d'élus régionaux, pose la question de la légitimité de l'information telle
qu'elle est maniée par l'entreprise à des fins de communication.

Trahir ses engagements RSE, c'est pour l'entreprise se créer un risque systémique potentiel digne
d'une épée de Damoclès

L'engagement de l'entreprise en matière de RSE l'oblige à être plus transparente dans le contrat
social qu'elle avec les autres acteurs. Elle crée sa propre épée de Damoclès, d'autres auteurs ont
évoqué un « risque mortel »61 par la médiatisation de ses actions.

À défaut d'honorer cet engagement, elle prend un risque médiatique de réputation voire de
confiance par un effet de « boomerang ». Ce risque viendra en cas d'abus manifeste tôt ou tard
se rappeler avec force au bon souvenir de tous ceux qui souhaiteraient à mauvais escient
manipuler les autres parties prenantes et les actionnaires en premier lieu. La sanction juridique
peut se doubler d'une sanction boursière plus rapide et redoutable et saper in fine la réputation
chèrement et patiemment acquise (sanction médiatique).

Une RSE « paradoxale » se paiera « cash ». Enron et Parmalat sont deux contre-exemples
emblématiques qui démontrent dans le seul compartiment de la RSE relatif à la gouvernance
d'entreprise (ou gouvernement d'entreprise) des deux côtés de l'Atlantique, l'issue fatale de
tentatives de manipulations qu'il s'agisse d'un capitalisme libéral ou familial, américain ou
européen.

Une exigence concrète désormais incontournable pour la plupart des entreprises qui veulent
perdurer

Pour les défenseurs de la RSE, la demande sociale est telle désormais pour les grandes
entreprises comme pour les PME, qu'elles ne peuvent se couper de cette nouvelle exigence de
RSE qui influe directement sur leur vente et leur rentabilité à moyen et long terme62. La
demande d'un nombre de consommateurs solvables avec la montée en puissance de l'achat
éthique ou de consommation durable, impose peu à peu une transparence et une traçabilité des
actions menées.

Les dirigeants de l'entreprise doivent par conséquent démontrer une performance à long terme
y compris sur le terrain social et environnemental. Cet engagement permet de mesurer
l'adaptabilité de son modèle qui ne peut se limiter uniquement à des considérations purement
financières et économiques dans une logique trop simpliste de maximisation du profit à court
terme. Dans une économie fortement globalisée et concurrentielle, l'adaptabilité de l'entreprise
à toute donnée relative à son environnement devient la clef de sa stratégie voire de sa survie.

En Europe, le caractère d'économie sociale de marché et les engagements concrets dans le


développement durable pris en particulier par l'Union européenne indiquent une forte
propension des entreprises européennes à démontrer à l'avenir leur capacité à élaborer une
équation RSE gagnante sur la triple performance (triple bottom line en anglais) ou triple P, signes
de leur performances en matière de Personnes (volet social), Planète (volet environnemental), et
Profit (volet économique) (People, Planet, Profit en anglais).

La multiplication des expériences concrètes de RSE notamment en Europe mais également dans
le monde indique désormais qu'il s'agit plus d'un mouvement de fond irréversible de
management qualitatif intégré que d'un effet de mode passager aux seuls relents médiatiques.

Vous aimerez peut-être aussi