Vous êtes sur la page 1sur 16

■ Sixième : le conte merveilleux.

■ Histoire des arts : un nouveau


cahier photos couleurs dans l’édi-
tion sur les frontispices de contes, les
figures du monstre, Amour et Psyché et
la postérité de La Belle et la Bête au
cinéma (Jean Cocteau, Christophe
Gans).

MADAME LEPRINCE
DE BEAUMONT
La Belle et la Bête
ISBN : 9782081330719
2,80 € – 128 p.

I. Pourquoi étudier La Belle et la Bête


en classe de Sixième ?
La lecture du conte de Mme Leprince de Beaumont répond
aux recommandations officielles du programme de Sixième
concernant l’étude des contes. Inséré à l’origine dans un manuel
d’éducation 1 à l’intention de jeunes Anglaises dont l’auteur
était la préceptrice, ce conte littéraire a connu une postérité sans
égale. Inspiré de la version plus touffue et, à vrai dire, datée de
Mme de Villeneuve 2, le texte a été élagué par Mme Leprince
de Beaumont à des fins pédagogiques. De ce fait, paradoxale-
ment, il a acquis une simplicité poétique qui a assuré sa postérité
et son pouvoir de fascination, toujours à l’œuvre aujourd’hui.

1. Le Magasin des enfants de Mme Leprince de Beaumont, 1758.


2. Récit enchâssé dans un ouvrage intitulé La Jeune Américaine et les contes
marins, 1740.

6 | Étonnants Classiques
Œuvre de référence, il peut faire l’objet d’une lecture approfon-
die ou être proposé en lecture cursive, pour mettre en perspec-
tive une étude des Contes de Grimm ou des Contes de Perrault
(grâce à des rapprochements, notamment, avec l’époux inquié-
tant de « La Barbe bleue » ou avec les jeux subtils entre l’être et
l’apparence dans « Riquet à la houppe »).
C’est avec profit que l’on engagera les élèves dans la lecture
de cet opus. Conforme au genre du conte, celui-ci leur paraîtra
familier tout en leur proposant une variation qui renouvelle la
trame symbolique du conte. En effet, l’histoire de Mme Leprince
de Beaumont se caractérise par toute une série de motifs stéréo-
typés : une jeune fille vertueuse et belle qui se sacrifie pour un
père trop aimé, la forêt inquiétante où l’on se perd, le fiancé
animal, avatar à la fois de l’ogre et du dragon, la métamorphose
finale… Autant de thèmes, certes connus, mais que le conte
décline et organise selon une combinatoire originale, densifiée
par tout un jeu de rappels intertextuels.
On pourra en effet jouer sur la comparaison de ce récit mer-
veilleux avec son texte-source, Amour et Psyché d’Apulée 1 : une
jeune fille innocente y est livrée à un monstre qui se révélera être
Cupidon lui-même. En outre, la confrontation entre les versions
littéraires et populaires de ce même conte-type permettra de
mettre en lumière le jeu des conventions du texte littéraire, qui
contraste avec l’économie et la rudesse des leçons dans les ver-
sions traditionnelles.
Le conte se prête également à une analyse intéressante du sys-
tème des personnages qui, quoique attendu, propose une com-
binaison stimulante. Le titre annonce le couple paradoxal de la
Bête et de la Belle, dont le lecteur suivra l’évolution avec intérêt.
Les personnages secondaires des sœurs et de leurs époux com-
plètent une représentation complexe des vertus et des vices, qui
nuance la visée moralisatrice du conte. Cette étude mettra en
évidence l’humanité d’un époux redouté que l’on apprivoise et
dont les secrets se lèvent une fois la nuit tombée… On pourra à
cet égard commenter avec les élèves la fonction initiale de ce
conte-type : il devait amener les jeunes épousées à accepter la

1. Lire à cet égard Amour et Psyché, trad. C. Sharp, Flammarion, coll. « Éton-
nants Classiques », 1998.

La Belle et la Bête | 7
part d’ombre d’un mariage souvent subi, d’un époux rarement
choisi.
Il pourra être également stimulant de confronter le conte avec
ses adaptations cinématographiques : celle de Jean Cocteau qui,
aidé du décorateur Christian Bérard et du directeur de la photo-
graphie Henri Alekan, magnifie la charge mystérieuse, inquié-
tante et poétique de cette histoire. En insérant dans le conte les
thématiques propres au réalisateur (celle du double, par
exemple), en rappelant dans certains plans les gravures de Gus-
tave Doré (dans les scènes nocturnes du château, tout particuliè-
rement), en enrichissant le scénario avec le conte de « La Belle
aux cheveux d’or » de Mme d’Aulnoy, Cocteau a donné à cette
œuvre une aura toute particulière.
Il n’est pas anodin de constater que, né d’un fonds archaïque,
notre conte continue à inspirer les artistes et à séduire le public.
Qu’on en juge par la nouvelle adaptation cinématographique de
Christophe Gans en 2014 et par la comédie musicale des stu-
dios Walt Disney, créée en 1994 et encore à l’affiche vingt ans
plus tard. Lire l’histoire de la Belle et de sa Bête, c’est donc
aujourd’hui encore ouvrir les portes de l’imaginaire et apprendre
à apprivoiser ses ombres : il s’agit toujours de plaire et
d’instruire.

II. Tableau synoptique de la séquence


■ Le tableau de séquence
Le tableau proposé ci-après n’est qu’une formalisation d’un
travail à géométrie variable. Aussi des activités annexes
seront-elles indiquées entre crochets, simples pistes qui ne seront
pas développées ici.

■ Axe d’étude
Nous avons choisi de mettre l’accent sur l’étude du person-
nage, afin de fédérer les activités et de compléter les approches
qui auront été menées précédemment sur d’autres corpus. Il
s’agira de mettre en parallèle la construction du personnage

8 | Étonnants Classiques
dans la logique du conte (analyse du « système des person-
nages », personnages pris dans un réseau d’antago-
nismes, monde structuré et manichéen, repères clairs pour
faciliter le message moral du conte) et la construction d’une per-
sonne par la lecture du conte (le conte comme leçon de vie, le
conte dans le projet pédagogique de Mme Leprince
de Beaumont).

Séance Supports Objectifs Activités


1 – Le titre du conte – Amener les élèves à – Description de
Une entrée en prendre conscience de la composition
lecture par le la densité d’un titre et du titre
titre de sa vocation – Recherche des
programmatique effets de sens :
synthèse
2 – Montage – Analyser en situation – Lecture de
Les d’illustrations de la confrontation des l’image
représentations couvertures et du deux personnages – Analyse des
du couple photogramme de convoqués par le titre points de vue
Belle/Bête Cocteau – Perception des
personnages
– Repérage des
codes de la
représentation
3 – L’intégralité du – Repérer la structure – Repérage des
Maîtriser la conte du récit indices
lecture d’un – La situation – Travail sur
conte initiale (p. 23-25) tableau à
compléter
– Critères
narratifs de la
situation initiale
4 – L’intégralité du – Comprendre les – Analyse des
Analyse d’un conte relations entre les trois rôles de chaque
trio : la Belle, personnages actant (premier
le père, la état des
Bête personnages)
5 – Corpus d’extraits – Montrer la – Lecture
Caractérisation du conte : la complexité de la – Tableau à
des première rencontre construction des double entrée
personnages (p. 35-37), les deux fonctions dans le
et analyse du sœurs et leurs système des
thème maris (p. 40), le personnages
beauté/ mea culpa de la
laideur Belle (p. 41-42), le
verdict de la Fée
(p. 44 à la fin).

La Belle et la Bête | 9
Séance Supports Objectifs Activités
6 – Photogramme – Étudier la mise en – Écriture
Activité du film de Cocteau scène du personnage – Lecture de
d’écriture en – Rédiger une l’image
liaison avec la description
caractérisation
et l’analyse de
la Bête
7 – Article – Nuancer le – Écriture
Le personnage « personnage » stéréotype du
du conte dans le personnage du conte
Dictionnaire des
littératures
8 – Amour et Psyché – Découvrir un texte – Lecture
Évaluation – Contes présents fondateur cursive
dans l’édition – Évaluer les acquis de
(p. 47-71) la séquence
9 – Cahier photos de – Étudier comment – Lecture de
Lecture de l’édition l’image peut mettre en l’image
l’image lumière les obscurités
du texte

III. Déroulement de la séquence

Séance no 1 : une entrée en lecture


par le titre
Objectif → Amener les élèves à prendre conscience
de la densité d’un titre et de sa vocation
programmatique.
Support → Le titre du conte.
On dressera la liste de toutes les observations et remarques
des élèves sur le titre du conte (le travail de recherche peut se
faire deux par deux avec limite de temps), puis on les regroupera
en deux parties : celles qui relèvent de la différence et celles qui
relèvent de la ressemblance. Enfin, on fera rédiger le commen-
taire (travail collectif).
Principe d’opposition : féminin/masculin (le monstre), le
Bien/le Mal, la beauté/la laideur et le manque d’intelligence,
l’humanité/l’animalité (jeu sur la polysémie du mot « bête »).

10 | Étonnants Classiques
Principe d’identité : la quasi-identité phonique des désigna-
tifs (allitération et assonance), l’anonymat des deux personnages
(termes génériques, le stéréotype), le féminin de leurs
désignatifs.
Donc, il s’agit d’un couple (comme le montre la conjonction
de coordination) à la fois antagoniste et problématique, para-
doxal et inquiétant. Ce sera au conte de révéler sa véritable
identité.
[Activités annexes : un travail sur les titres de contes (titres et
conjonctions de coordination, homophones grammaticaux), un
travail sur deux entrées du dictionnaire : belle et bête.]

Séance no 2 : les représentations


du couple Belle/Bête
Objectif → Analyser en situation la confrontation des deux
personnages convoqués par le titre.
Support → Montage d’illustrations de couvertures
et du photogramme de Cocteau.

On pourra s’appuyer sur un montage constitué de trois


confrontations Belle/Bête : la couverture de l’édition « Éton-
nants Classiques », celle du « Livre de poche » (illustrateur Denis
Dugas) ou de « Folio Cadet » (illustrateur Willi Glasauer), ainsi
qu’un photogramme du film de Cocteau.
Un tableau à double entrée pourra proposer les thèmes sui-
vants : gestes et attitudes des deux personnages, vêtements et
coiffures, visages et regards (notion de point de vue), objets ou
symboles.
Cette lecture d’image sera l’occasion d’analyser les rapports
de fascination et de répulsion entre les deux protagonistes, ainsi
que d’évoquer le modèle de la fin’amor et du code chevale-
resque. D’autres axes d’étude sont possibles : imaginer un per-
sonnage par le regard que son comparse porte sur lui (champ/
contre-champ), décliner les figures du monstre (ébauche d’une
tératologie dans les illustrations jeunesse), humanisation et ani-
malisation (les figures zoomorphes dans les contes populaires
du recueil)…

La Belle et la Bête | 11
Séance no 3 : maîtriser la lecture d’un conte
Objectif → Repérer la structure du récit.
Supports → L’intégralité du conte.
→ La situation initiale (p. 23-25).
On proposera dans cette séance une lecture cursive du conte,
pour un repérage des charnières du récit (connecteurs temporels,
changements de temps, transformations des personnages…).
Cette activité pourra ainsi permettre une réactivation du modèle
quinaire 1 et de ses emboîtements. On dégagera plus particulière-
ment les couples faute/réparation 2 et dégradation/amélioration 3.

Situation Une famille touchée par La famille d’un très riche marchand est
initiale le sort contrainte de se retirer à la campagne
suite à un revers de fortune.
Modification Un an plus tard : voyage du père à la
ville dans l’espoir de recouvrer un
bien. Souhait des trois sœurs. Les
deux aînées : robes et bijoux, la
cadette : une rose.
Actions Faute du père Espoirs déçus : le père est sur le
chemin du retour.
Épreuve subie par le père : se perd la
nuit dans la forêt (lieu des possibles).
Séjour dans un palais inconnu.
Au matin : cueille une rose ;
apparition de la Bête.
Condamnation à mort suspendue au
sacrifice d’une des filles du vieil
homme.
La réparation Retour du père. Récit de sa
(épreuve qualifiante) mésaventure.
(premier volet de Culpabilisation de la Belle ; sacrifice
l’épreuve principale) (se livre à la place de son père).
Première rencontre de la Belle et de la
Bête. Premier songe : une Dame
(figure mariale ?) lui promet une
récompense pour son bon cœur.
Départ du père. Angoisses de la Belle.

1. Pour ce concept, voir Jean-Michel Adam en collaboration avec Jean-Pierre


Goldstein, Linguistique et discours littéraire, Larousse, 1976, p. 213-223.
2. Vladimir Propp, Morphologie du conte, Seuil, 1970.
3. Claude Brémond, La Logique du récit, Seuil, 1973.

12 | Étonnants Classiques
Actions Un rituel Prison dorée de la Belle, prisonnière
amoureux de la Bête.
Demande en mariage de la Bête à la
Belle.
Refus horrifié.
Trois mois de mithridatisation
amoureuse : la Belle découvre peu à
peu le vrai visage de la Bête (pitié,
compassion).
Faute de la Belle Scène du miroir magique. La Bête
accorde à sa belle captive une liberté
surveillée. Promesse de la Belle.
La Belle est fêtée par les siens mais
perfidie de ses sœurs (voir Psyché).
Oubli de la promesse faite à la Bête.
Deuxième songe de la Belle : voit la
Bête mourante.
Culpabilisation.
Résolution Réparation L’anneau magique. Retour chez la
(deuxième volet de Bête.
l’épreuve principale) Agonie de la Bête, paroles salvatrices
de la Belle.
Métamorphose de la Bête et
révélation du sortilège qui
l’asservissait.
Situation Punition Une famille réunie, un couple scellé.
finale Troisième apparition de la Fée.
Récompense Punition des deux sœurs.
Récompense de la Belle, le mariage.

Séance no 4 : analyse d’un trio :


la Belle, le père, la Bête
Objectif → Comprendre les relations entre les trois
personnages.
Support → L’intégralité du conte.

Les élèves seront prêts à analyser les rôles respectifs (et symé-
triques) du père et de sa fille. On pourra dresser le schéma actan-
tiel des rapports entre les personnages après leurs fautes
(transgressions) : un père promis à la mort pour avoir cueilli une
rose, une fille s’offrant à la mort pour sauver son père, une belle
repoussant la mort pour sauver sa bête. On explicitera le statut
de la Bête (d’opposant, il devient objet de la quête), puis on

La Belle et la Bête | 13
effectuera l’analyse des fonctions du personnage de la Belle :
sauver son père/sauver la Bête (effacement de l’amour filial au
profit du sentiment amoureux).
On pourra alors montrer que le personnage du conte ne se
comprend qu’à l’intérieur d’un système (interactions). Il n’est
pas à une place fixe : il se transforme et se métamorphose. Par
ailleurs, le personnage du conte est un personnage protéiforme.
Ce n’est qu’à la fin du conte que la logique des épreuves
apparaîtra.
La première partie du conte permet de montrer le statut par-
fois double ou ambigu des personnages : le Père aimé est celui
par qui le malheur arrive, il n’a aucune maîtrise sur la situation ;
la fille chérie est celle qui a provoqué le drame par l’objet de sa
requête ; les sœurs jalouses vont renforcer l’esprit de sacrifice de
leur cadette et ainsi précipiter leur propre châtiment ; la Bête
elle-même surprend par sa générosité (offre le coffre au père de
la Belle) et sa cruauté (demande la mort).

Séance no 5 : caractérisation des personnages


et analyse du thème beauté/laideur
Objectif → Montrer la complexité de la construction
des fonctions dans le système des personnages.
Support → Corpus d’extraits du conte : la première rencontre
(p. 35-37), les deux sœurs et leurs maris (p. 40),
le mea culpa de la Belle (p. 41-42), le verdict
de la Fée (p. 44 à la fin).

Dans un premier temps, on effectuera un repérage à partir


d’un corpus qui permet un travail de vocabulaire (qualités,
défauts, sentiments) et aussi une mise au point grammaticale
(les caractérisations des personnages : les adjectifs ; accords et
fonctions).
Corpus proposé : première rencontre, depuis « Le soir, comme
elle allait se mettre à table, elle entendit le bruit que faisait la
Bête et ne put s’empêcher de frémir » jusqu’à « Si j’avais de
l’esprit, reprit la Bête, je vous ferais un grand compliment pour

14 | Étonnants Classiques
vous remercier. Mais je suis un stupide et tout ce que je puis
vous dire, c’est que je vous suis bien obligé » (p. 35-37).
Les deux sœurs et leurs maris, depuis « Elles étaient toutes
deux fort malheureuses. L’aînée avait épousé un jeune gentil-
homme beau comme l’amour » jusqu’à « mais il ne s’en servait
que pour faire enrager tout le monde, et sa femme toute la pre-
mière » (p. 40).
Mea culpa de la Belle, depuis « Ne suis-je pas bien méchante,
disait-elle, de donner du chagrin à une bête » jusqu’à « ingrati-
tude » (p. 41-42).
Le verdict de la Fée, depuis « Belle, lui dit cette dame » (p. 44)
jusqu’à la fin.
Dans un second temps, on examinera les différentes configu-
rations du carré beauté-laideur-corps-âme.
On se servira du corpus de base afin d’analyser les chassés-
croisés entre la beauté physique et la beauté morale, la laideur
physique et la laideur morale, la présence et l’absence de cœur
et d’esprit. Tous les personnages sont représentés (excepté le
père, qui ne rentre pas dans les figures), toutes les combinaisons
sont vérifiées, mais, à ce jeu de dominos, chaque personnage
rentre dans son ordre et est jugé selon son cœur. On n’est pas
loin de la logique mathématique du carré sémiotique de
Greimas 1.

■ La Belle et ses sœurs


La Belle Ses sœurs
Corps Très belle Belles
Âme – Bonne, douce, modeste, – Vaniteuses, méchantes,
honnête, patiente paresseuses
– Amour filial, esprit de sacrifice, – Égoïstes, hypocrites (scène des
généreuse oignons)
– Ferme, courageuse, franche – Belles mais méchantes (pleines de
– Compatissante, reconnaissante malice)
– Belle et vertueuse

1. Voir analyse du carré sémiotique dans Michèle Simonsen, Le Conte popu-


laire français, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1981.

La Belle et la Bête | 15
■ La Bête et les maris
La Bête Mari de l’aînée Mari de la seconde
Corps – Laideur – Beauté
– Bête, monstre,
horrible figure
– Animalité-bestialité
Âme – Beauté – N’aime que lui- – Méchant
– Généreuse, bonne, même (voir Narcisse) – Laideur morale
délicate – Laideur morale
– Complaisante
Esprit – Sans esprit – Esprit

La Belle : beauté physique + beauté morale


La Bête : laideur physique + beauté morale
Les sœurs : beauté physique + laideur morale
Les maris : beauté physique ou art de la conversation +
laideur morale
Ce travail permet de montrer que le système des personnages
dans le conte est conçu comme une combinatoire (par l’opposi-
tion deux à deux des personnages, le jeune lecteur sait où est la
leçon du conte, le message est explicite…). Certes, le conte est
un monde ordonné selon les lois du désir (désir forcené du bon-
heur), mais aussi, ici, selon les lois d’une justice immanente qui
punit la fausse gloire et récompense la vertu.
[Activités annexes : la scène de la rencontre peut faire l’objet
d’un travail sur le dialogue. Le thème beauté/laideur peut trou-
ver un prolongement dans la lecture d’un chapitre du Complexe
du homard de Françoise Dolto : se sentir beau/se sentir laid.]

Séance no 6 : activité d’écriture en liaison


avec la caractérisation et l’analyse de la Bête
Objectifs → Étudier la mise en scène du personnage.
→ Rédiger une description.
Support → Photogramme du film de Cocteau.
On fera écrire aux élèves une description de la Bête à partir
d’un photogramme du film de Cocteau 1. On peut également se
servir du dossier-jeu.
1. Voir « Le conte, une initiation jubilatoire », in Textes et documents pour la
classe, no 665, publication disponible au CRDP, rue du Four, Paris, 6e.

16 | Étonnants Classiques
Séance no 7 : le personnage du conte
Objectif → Nuancer le stéréotype du personnage du conte.
Support → Article « personnage » dans le Dictionnaire des
littératures 1.
On effectuera avec les élèves un travail de synthèse sur les
caractéristiques du personnage du conte. On peut reprendre les
éléments d’analyse redevables aux analyses structurales (voir
séquence), sans oublier cependant la part du rêve qu’apporte
immanquablement avec soi tout personnage de conte, aussi pro-
grammé et stéréotypé soit-il…

Séance no 8 : évaluation
Objectifs → Découvrir un texte fondateur.
→ Évaluer les acquis de la séquence.
Supports → Amour et Psyché.
→ Contes présents dans l’édition (p. 47-71).
En guise d’évaluation de la séquence, on pourra inviter les
élèves à un travail comparatif soit avec le texte-source (Amour et
Psyché d’Apulée), soit avec un des contes populaires proposés
dans le recueil.

Séance no 9 : lecture de l’image


Objectif → Étudier comment l’image peut mettre en lumière
les obscurités du texte.
Support → Cahier photos de l’édition.
Le cahier iconographique a été élaboré afin de mettre en pers-
pective l’œuvre de Mme Leprince de Beaumont et les autres
textes du recueil.
Pour permettre un travail sur le conte et sa réception, il
s’ouvre sur une confrontation de deux frontispices célèbres des
Contes de Perrault (p. 1 du cahier photos). Celui peint par

1. Jean-Pierre de Beaumarchais, Daniel Couty, Alain Rey, Dictionnaire des lit-


tératures de langue française, 4 vol., Bordas, 1994.

La Belle et la Bête | 17
l’auteur en 1695, gravé par Clouzier, nous présente une situa-
tion de contage à la veillée, rassemblant devant une conteuse
aux allures de Parque un auditoire composite. Ce dernier reflète
différents âges et postures de lecteurs (d’une lecture par identifi-
cation, représentée par l’enfant touchant le tablier de la nour-
rice, à celle plus distanciée de l’adulte, capable de savourer les
jeux de connivence du narrateur avec un public lettré). En vis-à-
vis, la gravure de Gustave Doré de 1862 déplace le centre de
gravité de l’image, de la parole conteuse au livre illustré. Elle
rassemble un public restreint, uniquement enfantin, protégé par
la présence tutélaire d’une gouvernante, tandis qu’une grand-
mère à l’aspect bonhomme lit les contes qui appartiennent
désormais au monde de l’imprimé. À l’arrière-plan, la mise en
abyme d’une gravure de Doré (les bottes de sept lieues dans « Le
Chat botté ») fait écho à la page de titre des Contes de Perrault
et, par la citation, consacre l’illustrateur des éditions Hetzel.
La suite du dossier propose une variation autour du thème du
monstre pour enchaîner avec une illustration du mythe fonda-
teur du conte : le tableau de Lagrenée propose le moment de la
transgression par Psyché du pacte qui la lie à son amant invi-
sible, écho de l’oubli par la Belle de la promesse faite à la Bête.
Les images d’Épinal pourront être utilisées pour mettre en évi-
dence les temps forts du conte.
Enfin, la série des duos (p. 6-8 du cahier photos) met
l’accent sur le tête-à-tête de la Belle et du monstre. La gravure
de Gustave Doré s’organise autour du thème de l’animalité : on
pourra partir des yeux exorbités de Barbe bleue devenu fauve et
prédateur pour filer la métaphore (barbe hirsute et pelisse
comme la fourrure de la Bête, nez comme museau, main comme
patte…). On invitera les élèves à tracer la ligne des regards qui
se perd dans le coin inférieur gauche de l’image. Barbe bleue
dévore sa femme des yeux alors que, fascinée par la clef (qui, au
centre de l’image, est la clef du récit !), l’épouse a signé son arrêt
de mort en ne voyant pas le doigt levé dans l’ombre. La diago-
nale qui les sépare est le signe iconique de la perversité du chas-
seur (dont Barbe bleue porte le chapeau).
Le photogramme du film de Cocteau, par Henri Alekan, ren-
verse la logique du domino : une Bête solaire, portant sa colle-

18 | Étonnants Classiques
rette comme un astre, regarde une Belle dont le profil très
graphique se détache comme un croissant de lune sur un fond
sombre. Le jeu du clair-obscur met ainsi en valeur l’amour de la
Bête en dépit du masque monstrueux qui cache son cœur pur.
L’affiche élégante du film de Christophe Gans joue davantage
sur l’ambiguïté des deux personnages, laissant dans l’ombre une
Bête très aristocratique, prête à bondir, tout en mettant en
lumière une Belle désirable mais chaste, les yeux baissés, l’air
apeuré.

IV. Prolongements proposés


– Travail sur les contes populaires : ateliers de mise en voix,
travail de contage, exercices de lecture à voix haute d’un conte
devant un auditoire qui doit à son tour le transmettre à un autre
groupe d’auditeurs, mise en scène, jeux sur les paroles formu-
laires. Voir le dossier-jeu.
– Éléments pour une évaluation d’un travail oral sur le conte :
mémorisation du texte. Le débit (lent, rapide, arrêts : rentabilisa-
tion des pauses et des silences). Le timbre (naturel, aigu,
grave…). Le volume (les modulations de la voix). La diction et
l’articulation pour une bonne écoute et une bonne compréhen-
sion du public. L’attitude (posture, regard…). L’interprétation
(notion de mise en scène : corps, visage, gestes, mimiques,
recours à des accessoires). La communication avec son public
(restitution d’une atmosphère).
– Une lecture en réseau sur le thème de la métamorphose.
– Un travail sur le film de Cocteau La Belle et la Bête, sur
l’opéra-comique Zémire et Azor de Grétry 1, sur le dessin animé
de Walt Disney.

1. Référence discographique : orchestre de chambre de la Radio-Télévision


belge, direction Edgar Doneux, EMI, 1994.

La Belle et la Bête | 19
V. Orientation bibliographique
Outre les indications figurant p. 97 de notre édition, on
pourra se reporter aux articles et revues consultés pour ce
travail :
HAVELANGE, Isabelle, LE MEN, Ségolène, Le Magasin des
enfants : la littérature pour la jeunesse (1750-1830), Montreuil,
Association « Bicentenaire », 1988.
LEMIRRE, Élisabeth, « Où l’on voit ces dames aller aux champs
et le conte s’écrire : l’oralité mise en écriture par les lettrés du
XVIIIe siècle », La Revue des livres pour enfants, no 181-182,
1998.
NIÈRES, Isabelle, « Les Contes du Magasin des enfants de
Mme Leprince de Beaumont », in Ouvrages de dames, miroirs
des femmes, Actes du deuxième colloque d’Aspe, mai 1997.
PERROT, Jean, Le Conte français pour enfants, Ibby-France.
RENONCIAT, Annie, Au fil de l’histoire, Ibby-France [panorama
historique du livre pour la jeunesse].
SAUTMAN, Francesca, « Le conte 425. B : rites de mariage et
parcours magique », in Merveilles et Contes : Special Issue on
Beauty and the Beast, vol. 3, mai 1989.

VI. Solutions du dossier


■ Méli-mélo de contes et de légendes
L’enfant déshérité F, le souhait D, la forêt E, l’omniscience A,
le don d’ubiquité B, le châtiment C.

■ Monstres et chimères
1 Méduse ou la Gorgone, 2 un griffon, 3 l’hydre de Lerne, 4
les Sirènes, 5 Cerbère, 6 le Sphinx, 7 le jour et la nuit.

■ Et si tu créais un monstre ?
Le Centaure : mi-homme, mi-cheval (corps et pattes), appelé
Chiron.

20 | Étonnants Classiques
Mélusine : une vouivre (mythologie celtique), femme reptile
(souvent représentée sur les illustrations de la tentation d’Ève à
la place du serpent tentateur), corps couvert d’écailles, visage de
femme, porte une escarboucle.
Un basilic : mi-lézard, mi-serpent, des yeux de braise, souvent
représenté sur les blasons (basiliskos en grec : petit roi).
Le Minotaure : corps d’homme et tête de taureau.
Pégase : cheval ailé, né du sang de Méduse.
Le Sphinx : visage de femme, corps de lion, ailes, queue de
dragon.

■ Formules et comptines enfantines


1 Le Maître Chat ou le Chat botté, 2 La Barbe bleue, 3 Le
Petit Chaperon rouge.

■ As-tu bien lu l’histoire de Daphné ?


3, 1, 6, 8, 5, 4, 7, 2.

Anne BERVAS-LEROUX,
agrégée de lettres modernes,
professeur au collège Wanda-Landowska,
Saint-Leu-La-Forêt (Val-d’Oise).

Vous aimerez peut-être aussi