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Carré Sator

Pour les articles homonymes, voir Sator.

Exemple du carré Sator à Oppède, en France.

Le carré Sator est un carré magique


contenant le palindrome latin SATOR
AREPO TENET OPERA ROTAS. Ce carré
figure dans plusieurs inscriptions latines,
la plus ancienne connue qui a été trouvée
à Pompéi ne pouvant être postérieure à
l'an 79[1].

L'énigme formée par le sens de cette


inscription a mobilisé de nombreux
savants et suscité diverses hypothèses,
convoquant des interprétations
exégétiques juive ou chrétienne, et
provoquant le scepticisme sur une
signification de l'inscription de la part
d'historiens de l'Antiquité romaine.

Disposition
Les lettres de la phrase sont inscrites dans
un carré de 5 cases sur 5 de telle façon
qu'elle puisse être lue de haut en bas, de
bas en haut, de gauche à droite et de
droite à gauche :

S A T O R

A R E P O

T E N E T

O P E R A

R O T A S

ou en sens inverse :

R O T A S

O P E R A

T E N E T

A R E P O

S A T O R

La lecture est rendue possible


horizontalement et verticalement parce
que chacun des termes de la phrase est un
acrostiche, un mésostiche ou un téléstiche
de l'ensemble des cinq mots.

Il faut noter que le changement de l'ordre


de lecture n'altère en aucun cas le sens de
la phrase du point de vue grammatical
latin. En d'autres termes, si la place des
mots n'est pas la même, la signification
est identique.

Le carré peut également être lu en


boustrophédon, à nouveau sans altérer la
signification du carré.

Traduction
Disposition générale des lettres du carré Sator.

Le carré est composé des cinq mots


suivants :

Sator : laboureur, planteur, semeur ; ou


créateur, père, auteur ;
Arepo : signification inconnue en latin,
toutefois ce mot en Celte signifie
« charrue » [2];
Tenet : [il/elle] tient (du verbe tenere) ; ou
il tient en son pouvoir, voire maintient ;
Opera : œuvre, travail, soin ;
Rotas : roues ou rotation, orbite,
révolution, cycle.

Le mot Arepo est un hapax : il n’apparaît


nulle part ailleurs dans la littérature latine.
Il est probable qu’il s’agisse d’un nom
propre, éventuellement inventé pour faire
fonctionner le palindrome. Sa similitude
avec arrepo, venant de ad repo, « je rampe
vers », est probablement une coïncidence.

La traduction la plus probable est : « Le


laboureur Arepo utilise les roues (c’est-à-
dire une charrue) comme forme de
travail. » Est également possible : « Le
semeur tient avec soin les roues (de sa
charrue). » Une autre cependant, plus
proche de la mystique du carré magique,
surtout si on la rapproche des premiers
chrétiens, pourrait être, si l'on tient compte
de la similitude entre arepo et arrepo — qui
signifie également et entre autres « être
terre à terre » (selon dictionnaire Gaffiot)
— : « le créateur, par son caractère terre à
terre, maintient l’œuvre de rotation ». Moult
interprétations sont possibles si l'on sort
du strict contexte « laboureur » et « roue ».
Comme c'est un carré magique, il y a
autant d'interprétations que de sens de
lecture, ce que la langue latine favorise
naturellement.

Si la phrase est lue en boustrophédon, la


place des mots change mais la traduction
reste la même, car l’ordre des mots dans la
phrase est très libre en latin. Néanmoins,
la place des mots indique les accents mis
sur l'importance de tel ou tel mot. Sator
étant le premier mot, cela indique que
celui-ci est essentiel ; de même que tenet,
vu la place centrale, et que rotas, puisque
c'est le dernier mot qui reste en mémoire.

Exemples
Anagramme formée avec les lettres du Carré Sator, qui
correspond aux deux premiers mots en latin de la
prière des premiers chrétiens : Pater Noster.

Le plus ancien carré connu se trouve dans


les ruines de Pompéi où il fut enfoui en 79.
D'autres ont été trouvés dans des
excavations à Corinium (actuelle
Cirencester en Angleterre[3] ; le texte est
ROTAS OPERA TENET AREPO SATOR),
Doura Europos (actuelle Syrie)[4] ou au
musée de Conimbriga au Portugal[5]. Le
carré existe également à la maison forte
de Reignac[6], à Manchester en
Angleterre[7], sur le mur de la cathédrale de
Sienne ou dans une inscription en marbre
à l'abbaye de San Pietro ad Oratorium près
de Capestrano en Italie, entre autres. Mais
il existe également dans les ruines de
l'antique Aquincum à Budapest
(Hongrie)[8]. Dans un cas découvert à
l'abbaye de Valvisciolo, également en
Italie, les lettres forment cinq anneaux
concentriques, chacun divisé en cinq
secteurs.

En France, il en existe plusieurs


exemplaires :
dans l'Isère, sur un muret de la rue
principale à Valbonnais, ainsi que sur
une porte fort ancienne au 20 rue Jean-
Jacques Rousseau à Grenoble ;
en Charente-Maritime, dans l'embrasure
de la porte d'une grange dépendance
d'un anien château à Jarnac-
Champagne dans la [9], mais aussi dans
le souterrain de la rue au Roy à Saint-
Quantin-de-Rançanne[10].
au château de Bonaguil à Saint-Front-
sur-Lémance en Lot-et-Garonne ;
sur un mur d'Oppède le Vieux dans le
Vaucluse ;
à Rochemaure dans l'Ardèche, trouvé
dans le ravin de Rignas, une copie a été
placée dans la chapelle Notre-Dame des
anges[11] ;
au Puy-en-Velay dans la Haute-Loire,
découvert dans la chapelle Saint-Michel
d'Aiguilhe mais a été déplacé dans le
musée Crozatier[12].

Essais d'interprétation
Interprétations chrétiennes

Felix Grosser, en 1926, interpréta le carré


comme un signe de reconnaissance utilisé
par les premiers chrétiens afin de se
reconnaître entre eux sans pour autant se
montrer à la vue de tous par crainte de la
répression[13]. Grosser faisait la lecture
suivante : les lettres de ce carré
constituent une anagramme, qui, disposé
en croix, donne deux fois : Pater noster,
auquel on ajoute deux fois les lettres « A »
et « O ». Ces dernières pouvant représenter
« l'Alpha et l'Oméga » cité dans
l'apocalypse de saint Jean : « Je suis
l'Alpha et l'Oméga, le commencement et la
fin. » Par ailleurs, TENET forme une image
de croix, ce que suggère en plus la forme
du T. L'archéologue Amedeo Maiuri en
déduisit la présence d'une communauté
chrétienne à Pompéi. Des anachronismes
présumés sont mis en avant pour
s'opposer à cette théorie : les chrétiens du
er
 siècle prieraient en grec et les symboles
du Tau, de l'alpha et de l'oméga seraient
postérieurs à la destruction de Pompéi en
79[14].

Jérôme Carcopino publie en 1948 un


article intitulé Le christianisme secret du
carré magique, qui constitue une étude
critique du carré et des interprétations
connues jusque-là[15].
Sator sur une porte dans Grenoble

L'épigraphiste italienne Marguerite


Guarducci a indiqué dans ses travaux
l'importance en épigraphie
paléochrétienne de la lettre T (ou tau)
d'une part, et d'autre part des lettres A O et
O A (alpha oméga/ oméga alpha). Selon
elle, la lettre T, en plus de sa valeur
littérale, est souvent utilisée en symbole
graphique représentant la croix. En plus,
dans le cas du carré Sator, cette lettre T
représentant la croix est utilisé quatre fois,
aux quatre extrémités d'une croix formée
par les mots TENET se croisant. Les 4
croix forment ainsi une grande croix.
D'autre part, Marguerite Guarducci a
montré qu'à cette époque de coexistence
des alphabets latin et grec, les lettres A et
O sont souvent utilisées juxtaposées, pour
signifier Alpha et Omega, le
commencement et la fin, suggérant le
seigneur, partageant l'avis de plusieurs de
ses confrères. Dans le carré Sator, de part
et d'autre de chaque T de la croix, se
trouvent tantôt A et O, tantôt O et A ;
Marguerite Guarducci formule l'hypothèse
que si A O signifie commencement / fin,
alors les occurrences O A pourraient
signifier fin / commencement, ce qui selon
elle symboliserait la résurrection[16].

Interprétations juives

Nicolas Vinel pour sa part estime en 2006


que l’hypothèse d’un cryptogramme juif
utilisant l’arithmétique pythagoricienne est
légitime[17].

Doutes sur le sens de l'inscription

Paul Veyne, en 1968, exprime son


sentiment que l'inscription est bien un
palindrome, mais doute qu'il s'agisse d'une
anagramme. Contestant les résultats
auxquels est parvenu Felix Grosser, il
estime qu'il s'agit d'un « palindrome
intentionnel »[18] et que la position de
Grosser qui consiste à prouver qu'il y a
anagramme « en en produisant une clé,
puis à prouver cette clé par cohérence
interne est intenable »[19]. Henri Polge, en
1969, s'intéresse à la possibilité
d'introduire une phrase cohérente, lisible
dans tous les sens et porteuse d'un
message, dans une grille, a fortiori si les
mots doivent appartenir exclusivement à
un formulaire magique ou liturgique[20]. Sa
démonstration indique que si le carré
n'avait rien de magique à l'origine, il avait
« d'autant plus de chances de le devenir »
que son sens avec le temps, « devenait
plus obscur »[21]

Images
 

Musée de la Chambre haute à Passau


(Allemagne)

Le carré à Cirencester (Angleterre)


 

Fragment d'une amphore (environ 180


après JC), qui a été fouillé dans une
colonie romaine près de Manchester
(Angleterre)
 

Musée du château de Mühlviertler à


Freistadt (Autriche)

Place Sator dans une maison à Hallein


(Autriche)
 

Le carré à Grenoble (France)

Rue principale à Valbonnais (France)


 

Le carré de l’abbaye San Pietro ad


Oratorium, à Capestrano (Italie)

La phrase à Campiglia Marittima (Italie)


 

Plaque magique du Sator d’Ascoli Satriano


(Italie)

Dalle de pierre du côté nord de la


cathédrale de Sienne (Italie)
 

Pièce de 1570 au Château de Skokloster


(Suède)

Papier avec talisman d'Allemands de


Pennsylvanie (vers 1790)
 

Chapelle Notre-Père de Buchenbach de


Famille Dr. Theophil Herder-Dorneich,
Buchenbach (1967/68)

Notes et références
1. The Magic Square .
2. http://letarot.com/Maitre-
Jacques/pages/carre-magique-
Rota.html
3. Référence épigraphique RIB-02-04,
02447,20.
4. AE 1934, 00274 .
5. AE 1975, 00493 .
6. Sud Ouest du 16 mai 2015 :
http://www.sudouest.fr/2015/05/16/c
arre-magique-a-la-maison-forte-de-
reignac-1922221-2181.php .
7. AE 1979, 00387 .
8. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k
5789952h/f75.image.r=A%20propos%
20du%20carr%C3%A9%20magique%2
0SATOR%20en%20Touraine
9. http://www.archiac-tourisme.fr/le-
canton/jarnac-champagne/
10. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k
5789952h/f76.image.r=A%20propos%
20du%20carr%C3%A9%20magique%2
0SATOR%20en%20Touraine
11. http://www.patrimoine-
ardeche.com/visites/rochemaure.ht
m
12. https://www.leveil.fr/puy-en-
velay/travaux-
urbanisme/2017/12/26/le-mysterieux-
carre-magique-ou-
sator_12682245.html#refresh
13. Felix Grosser, « Ein neuer Vorschlag
zur Deutung der Satorformel », Archiv
für Religionswissenschaft, 29, 1926,
p. 165-169.
14. Robert Etienne, La vie quotidienne à
Pompéi, Hachette, 1989,
(ISBN 2010153375), p. 233.
15. Carcopino 1948.
16. Margherita Guarducci, Misteri
dell'alfabeto : enigmistica degli antichi
cristiani ; Milan, Rusconi, 1993, 106 p.
17. Vinel 2006.
18. Veyne, p. 431.
19. Veyne, p. 452.
20. Polge, p. 156.
21. Polge, p. 162.

Annexes
Bibliographie

Jérôme Carcopino, « Le Christianisme


secret du “carré magique” », Museum
Helveticum, vol. 5, no 1, 1948, p. 16-59
(lire en ligne , consulté le
13 janvier 2019).
Henri Polge, « La fausse énigme du
carré magique », Revue de l'histoire des
religions, vol. 175, no 2, 1969, p. 155-163
(lire en ligne ).
Paul Veyne, « Le carré Sator ou
beaucoup de bruit pour rien », Bulletin de
l'Association Guillaume Budé, no 27,
1968, p. 427-460 (lire en ligne , consulté
le 13 janvier 2019).
Nicolas Vinel, « Le judaïsme caché du
carré Sator de Pompéi », Revue de
l'histoire des religions, no 2, 2006, p. 173-
194 (lire en ligne , consulté le
13 janvier 2019).
G. de Jerphanion, « Recherches de
science religieuse », publication en série
imprimée, 1937, p. 326-336 (lire en
ligne , consulté le 14 janvier 2019).

Articles connexes

Carré magique (lettres)


Anacyclique
Palindrome
Mème

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