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12 L’accumulation.
Max WEBER, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, 1905
13 La rationalité.
Max WEBER, Le savant et le politique, 1919
Georg SIMMEL, Philosophie de l’argent,1909
2- LE MARCHÉ.
21 Les institutions favorisent le marché.
211 Les fondements de l’analyse institutionnaliste.
Douglass NORTH, Institutions, Institutional change, and Economic Performance, 1990
212 Le renforcement du pouvoir étatique protége le marché et les droits de propriété.
22 La destruction des cadres sociaux traditionnels.
Karl POLANYI, La Grande Transformation, 1944
221 L’individualisme agraire.
222 La libéralisation du marché du travail.
223 Désencastrement vs encastrement structural…
Mark GRANOVETTER, Le marché autrement. Les réseaux dans l’économie, 2000
23 La construction d’un marché des produits : l’effet stimulant de la demande.
Patrick VERLEY, L’Echelle du monde, essai sur l’industrialisation de l’Occident, 1997
231 « Une société de consommateurs » (Verley)
232 L’amélioration des réseaux.
3- LA RÉVOLUTION AGRICOLE.
31 Une agriculture liée à la protoindustrialisation.
Franklin MENDELS, Proto-industrialization : the first phase of industrialization, 1972
32 Une agriculture plus efficace et plus rémunératrice.
33 Une agriculture de marché, condition nécessaire de la division du travail.
4- LA RÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE.
41 La population augmente.
42 La croissance démographique, facteur de croissance économique?
421 Le piège malthusien?
Thomas MALTHUS, Essai sur le principe de population, 1798
Esther BOSERUP, Population and Technology, 1981
423 Le retournement de la tendance : la transition démographique.
Chapitre 1
Le contexte de la Révolution Industrielle en
Grande-Bretagne au 18ème siècle.
12 L’accumulation.
Max WEBER, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, 1905
Weber est un sociologue (18641920) majeur de la modernité. Il cherche à repérer quels groupes
sociaux ont porté la naissance d’une nouvelle vision du monde dans laquelle l’enrichissement
devient non seulement possible mais même désirable.
Idée que l’invention du capitalisme a des racines religieuses (alors même que le contexte religieux
constituait plutôt un frein à la recherche du profit, aux marchés…). Transformation de la représentation du
travail et de l’argent.
-réforme et sectes protestantes à partir du 16 ème siècle, en particulier la variante calviniste : monde créé à la
gloire de Dieu, absolument transcendant et inaccessible (là aussi forme de désenchantement), et dogme de
la prédestination = question centrale du salut [point particulièrement critiqué selon Raymond Boudon].
=> inquiétude intérieure irréductible, mais rechercher d’une “assurance“ du salut dans le monde et pas extra
mondaine (monachisme…), à travers des indices de “second ordre“..
=> travail, accumulation, ascétisme permettent de glorifier Dieu (notamment à travers l’exercice du Beruf, à
la fois métier et vocation, terme très présent chez Luther et dans les traductions allemandes de la Bible).
-beaucoup d’exceptions (Ecosse pas très développée, manifestations du capitalisme également en terre
catholique ou luthérienne, des Italiens aux Fugger…). Et inversement, protestantisme peut-être développé
dans des circonstances libérales plus favorables à l’activité économique (cf l’émigration huguenote).
MAIS le calvinisme n’est ni une condition nécessaire, ni une condition suffisante mais simplement une
condition favorisante. Corrélation plutôt que lien de cause à effet (sorte d’effets “non voulus“ de la Réforme ?
“parenté de choix“ selon les termes de Goethe). Tensions persistantes de toutes façons entre religions et
économie.
Surtout, développement de cet impératif moral bien au-delà de la sphère des sectes protestantes et des
calvinistes = « cage d’acier » = rationalisation et surtout légitimation de l’activité économique et de la
bourgeoisie ≠ imitation du modèle nobiliaire.
Ainsi naît une bourgeoisie porteuse de cette vision du monde. Ouverture sociale avec une
reconnaissance de l'enrichissement par la noblesse anglaise qui y participe souvent.
Ex : la noblesse anglaise, plus ouverte socialement, reconnaît davantage l’enrichissement, comme le
montrent les traités d'agronomie. Lord Townshend, Cambridge puis secrétaire privé du roi, voyage
aux PB en tant qu'ambassadeur, puis se retire pendant 8 ans sur ses terres. Il prône l'introduction du
navet dans un cycle de 4 ans, cherche à valoriser ses terres ≠ chasse, chiens, chevaux.
=> valorisation de l’ordre économique pour luimême : l’accumulation des richesses est considérée
comme une fin en soi, comme un objectif légitime sur les plans individuel et social. Comme le
souligne Phelps, « pas d’économie sans aspirations ».
• Marx insiste beaucoup sur ce qu’on peut donc appeler l’accumulation, trait caractéristique du
capitalisme qui présente donc un caractère autoentretenu.
Cela conduit à donner un statut de valeur et de marchandise (c’estàdire échangeable sur un
marché) au plus de choses possibles, comme autant de chemins d’accumulation.
13 La rationalité.
Max WEBER, Le savant et le politique, 1919
Georg SIMMEL, Philosophie de l’argent, 1909
• La rationalisation apparaît trait fondamental de la modernité occidentale, en tant que recherche des
réponses dans le raisonnement humain et adéquation des moyens en vue d’une fin.
Ex : les Lumières (critique de la légitimité du pouvoir royal et donc de l'Eglise, démarche
scientifique, valorisation du progrès) forment un mouvement d'idées qui met en cause les
fondements de la société traditionnelle.
Il s’agit pour Weber d’un « désenchantement » :
-recours à la magie = explication du monde social et du monde physique par des forces au-delà du réel, qui
échappent à une connaissance raisonnée et qui entraînent une soumission des hommes à des rites et codes
mécaniques.
-travaux de sociologie religieuse : le catholicisme (et plus encore le protestantisme) (et tous les
monothéismes ?) désavouent les pratiques magiques = forme de rationalisation du sacré.
-modernité occidentale caractérisée par une rationalisation et un recours à la science = chercher à
comprendre et prévoir. Le surnaturel est banni des phénomènes naturels, mais aussi sociaux =
désenchantement du monde, qui signifie aussi un déficit de sens.
=> la rationalité est mise au service de l’économie. Baechler : « La fin de l’économique est la
prospérité, qu’il cherche à atteindre en proportionnant les ressources aux besoins ». Caractère
fondamental de l’économie capitaliste : l’efficacité rationnelle.
• Or, l’objectif d’accumulation requiert une capacité à quantifier.
Georg Simmel, sociologue allemand (1858-1918) contemporain de Durkheim, Weber…, un des fondateurs
de la discipline, assez peu connu et reconnu, modeste carrière universitaire. Concept central qui traverse
son œuvre = Vergesellschaftung ou socialisation.
Prise en compte du temps long historique : analyse reprenant le concept de “désenchantement“ sur le long
terme, et établissant une “intellectualisation“ croissante du monde = mesure du monde, caractéristique de la
modernité.
-les sciences et autres connaissances modernes s’attachent à classer, répertorier, mesurer, évaluer =
processus variés de mise en chiffre de la réalité sociale, de quantification du monde.
-en conséquence, la perception qu’en ont les hommes est modifiée : désubstantialisation de toute chose.
-l’argent est l’aboutissement de ce processus, par sa capacité à tout mesurer = marchandises, temps,
travail, terres…
Ex : l’art flamand dans lequel les dynasties commerçantes montrent leurs richesses notamment dans
les villes illustre cette nouvelle Weltanschauung (beffrois, peinture étudiée par Simmel : ex de
Quentin Metsys et son tableau Le prêteur et sa femme…). C’est d’ailleurs dans le capitalisme
marchand italien ou hollandais que naissent les premières techniques modernes de comptabilité
(double colonne…) et les systèmes financiers…
A l’inverse, Robert Fossier montre bien l’imprécision et l’indifférence des gens du Moyen Age face
aux quantités : les unités sont extraordinairement variées, peu rigoureuses (un pas ? un “journal“ de
terres, soit ce qu’on peut labourer en un jour, mais avec quoi ? on lègue un “bois de cents porcs“ ?)
et les erreurs énormes même au plus haut niveau (en 1371, le roi d’Angleterre estime à 45 000 le
nombre des paroisses au4il cherche à taxer, elles sont 6 500 !).
CCL Economie : sphère autonome avec sa rationalité propre = recherche d’une accumulation
efficace (nouvelle hypothèse de comportement) comme une fin en soi => capitalisme
(accumulation, propriété privée), dans un nouveau cadre institutionnel et un nouveau mode
coordination = le marché.
[tableau CochetHenry p. 50]
2- Le marché.
21 Les institutions favorisent le marché.
211 Les fondements de l’analyse institutionnaliste.
Douglass NORTH, Institutions, Institutional change, and Economic Performance, 1990
[voir aussi MONTESQUIEU, De l’esprit des Lois, livre XX chapitre IV]
« When it is costly to transact then institutions matter »
« While the rules may be changed overnight, the informal norms usually change only gradually.
Since it is the norms that provide "legitimacy" to a set of rules, revolutionary change is never as
revolutionary as its supporters desire and performance will be different than anticipated. And
economies that adopt the formal rules of another economy will have very different performance
characteristics than the first economy because of different informal norms and enforcement. The
implication is that transferring the formal political and economic rules of successful western
market economies to Third World and eastern European economies is not a sufficient condition for
good economic performance. »
North, Nobel Prize lecture, 1993
Les institutionnalistes raisonnent en économistes (hypothèses de la micro, mais rationalité limitée)
en s’attachant aux évolutions historiques.
• D’abord, les coûts de transaction croissent dans les économies développées centrées sur le marché
(division du travail, spécialisation…) et d’une complexité croissante, alors même que diminuent les
coûts de production.
beaucoup de personnes concernées : avocats, comptables, banquiers…
différentes types de coûts : coût de recherche (information préalable à l'échange), coût de
négociation (détermination des termes de l'échange), coût d'application (sécurisation, transfert et
garantie des droits de propriété).
• Ensuite, les institutions sont des « contraintes d’origine humaine qui structurent l’interaction »
comme les règles formelles (constitution, lois, droits de propriété…), mais aussi les règles
informelles (les normes de comportements, conventions, tabous, codes moraux individuels… =
“coutumes cristallisées“) qui encadrent les organisations (entreprises, administrations, lobbies…).
=> il est nécessaire de s’appuyer sur des institutions fiables pour une prévision rationnelle de
l’échange et une diminution des coûts de transaction.
• Les institutions apparaissent ainsi comme une sorte de règles du jeu issues d’une longue évolution
culturelle, évoluant lentement et graduellement, par adaptation et imitation, de manière exogène ou
endogène.
les institutions informelles qui légitiment les institutions formelles changent toujours beaucoup
moins vite.
il est possible que se maintiennent des institutions inefficaces légitimées par l’histoire.
il y a des processus de dépendance de sentier (path dependancy). North oppose par exemple le long
chemin effectué par les Anglais de la Charte de 1215 à 1689, au fonctionnement de la couronne
castillane qui produit le sous développement de l’Amérique Latine. Comme le disait John Stuart
Mill, on reste « esclave des conditions antérieures ».
221 L’individualisme agraire.
• L’organisation de la production agricole traditionnelle est collective.
Les terres ne sont pas possédées en pleine propriété, leur usage est encadré par un ensemble de
règles collectives lentement stratifiées qui définissent les droits et devoirs de chacun (pratiques
culturales, corvées, pâture, usage de la forêt…). Fondamentalement, un individu se définit par sa
place dans la communauté.
• Le mouvement des enclosures est déclenché à l'initiative des seigneurs pour améliorer l'élevage :
les terres sont soustraites aux usages communautaires de l'openfield et individualisées par un titre de
possession.
1604 : le premier Enclosure Act du Parlement (mais frein de la Couronne) permet l'enclos si les
propriétaires de la majorité des terres le souhaitent ("on pèse les voix"). Puis la très grande période
d'enclosure se situe au tournant du 18ème 19ème.
• Conséquence majeure selon Polanyi :
l’individualisme se développe avec la fin des réglementations collectives. Les choix culturaux
comme les bénéfices sont privés.
un marché de la terre individualisée comme facteur de production, capital, se développe, sans
servitudes collectives féodales = propriété au sens moderne. Le rachat des terres par des farmers
(revenus souvent 100 à 150 £ par an) mais surtout par de grands landlords conduit à une
concentration très forte de la propriété foncière estate entre les mains de la gentry : revenu moyen
doublé au 18ème pour atteindre 10.000 £ par an.
un marché du travail salarié apparaît avec les paysans expulsés (yeomen et surtout cottagers), à la
fois m d'o pour l'industrie mais surtout m d'o pour les terres mieux exploitées et assez labour
intensive. Naît un prolétariat (la moitié de la population rurale ?) aux conditions de vie dégradées,
tandis que se durcissement les rapports sociaux.
=> la violence du phénomène est dénoncée Thomas More (humaniste, chancelier de Henri VIII
finalement décapité pour catholicisme), les moutons « mangent même les hommes » (Utopia, 1516).
222 La libéralisation du marché du travail.
• Plus généralement, prennent fin les réglementations d’Ancien Régime (médiévales et
mercantilistes). Cellesci prévoyaient que le travail artisanal urbain obéissait à des règles qui
s’imposent à tous : niveau des salaires, horaires de travail, normes de qualité (par exemple les
dimensions des pièces de tissu)… D’une manière générale, la notion même de concurrence est très
mal perçue.
Ce corpus de règles est très critiqué par des libéraux comme Smith, qui y voient une entrave
majeure.
• Les réglementations tombent parfois en désuétude, elles sont abolies sinon.
Ex : Combination Laws de 1799 et 1800 interdisant toute forme d’organisation ouvrière.
Ex : Statute of Artificers de 1563 (artisans) aboli en 1814 = codification des professions, fixation
des salaires, 7 ans d'apprentissage, normes de qualité…
Ex : démantèlement des lois sociales mercantilistes.
Les Poor Laws, depuis notamment en 1598 et 1601 (et relancées en 1795 : Speenhamland) créent
des fonds gérés par les paroisses, prélevés sur les revenus de la propriété, permettant la
redistribution d'environ 1% du revenu national, et jusqu'à 2% au début 19ème (10 à 12%
actuellement).
Elles sont abolies en 1834 (en fait replacées par les New Poor Laws) avec une redistribution qui
tombe à 0,5%.
=> le marché du travail est donc largement libéralisé, avec une mobilité complète de ce facteur de
production. Ce marché du travail (salariat) est au cœur du capitalisme.
223 Désencastrement vs encastrement structural…
Mark GRANOVETTER, Le marché autrement. Les réseaux dans l’économie, 2000
• Vers un marché “autorégulateur“ (Polanyi)?
Pour Polanyi, les relations économiques ne sont plus encastrées (embedded) dans les relations
sociales : elles deviennent des relations individuelles et marchandes, coordonnées par les prix,
autonomes par rapport aux autres formes de rapport sociaux et aux autres codifications (sociales,
religieuses, politiques, morales…). Bref, la relation humaine est réduite à la question : combien ?
• Mais la sociologie économique contemporaine précise cette idée. L’idée fondatrice est le fait
économique est aussi un fait social = les individus entretiennent des relations sociales (affectives,
personnelles, affinités culturelles, de formation…). Des normes et des règles non économiques…
persistent au cœur des relations (sociales) de marché intéressées, qui ne sont pas rejetées en tant que
telles, et sont nécessaires à son fonctionnement [cette vision présente des points commun avec les
institutionnaliste, mais ceuxci voient ces normes et règles autour des relations marchandes qui s’en
trouvent plus ou moins favorisées].
On parle alors encastrement structural des relations marchandes [ce qui ne signifie pas que le
caractère libérateur des relations marchandes par rapport aux contraintes sociales disparaisse, par
exemple les contraintes féodales]. On peut parler de marché rencontre.
Ex : c’est très net pour la réduction de l’incertitude, notamment concernant la qualité ou bien l’état
du futur, audelà des règles de droit). Sur le marché des voitures d’occasion analysé par Akerlof, les
acteurs ne peuvent correctement évaluer le rapport qualité/prix du bien, et donc le prix ne donne pas
une bonne information. Ils recherchent systématiquement des vendeurs connus par un réseau social.
• Ceci conduit à la notion cruciale de réseau social, soit un ensemble d’acteurs (individus, firmes)
rattachés par une relation audelà de la relation bilatérale.
Ex : beaucoup de transactions entre firmes se font sans contrats (même dans un cadre institutionnel
efficace, où les problèmes d’incertitude sont moindres). Il existe des réseaux d’entreprises qui
travaillent en confiance, pour les apprentissages des marchés, les apprentissages organisationnels…
Mais les réseaux peuvent aussi être une entrave : l’encastrement n’est pas une bonne chose en soi.
23 La construction d’un marché des produits : l’effet stimulant de la demande.
Patrick VERLEY, L’Echelle du monde, essai sur l’industrialisation de l’Occident, 1997
231 « Une société de consommateurs » (Verley)
Une consommation (qui n’est pas encore la consommation de masse) se développe dans la société
anglaise. Le terme consommateur est attesté vers 1750.
• Produits ? La consommation est dirigée vers les biens de consommations simples plus que les
biens de production très minoritaires au début (rapport de 1 à 8 ? peutêtre moins dans les pays
tardifs).
Ex : la bière, avec nouvelles techniques et concentration (Whitbread par exemple).
Ex : les indiennes, cotonnades imprimées originaires d’Inde.
Elles sont imitées par les fabricants européens dés la fin du 17ème siècle, sous des protections
douanières rapidement mises en place. Même si elles sont moyennement restrictives en GB, elles
encouragent la production locale et le commerce lointain pour les fibres.
C’est le premier marché industriel homogène et ample avec une forte élasticitéprix et donc une
incitation au progrès technique et aux économies d’échelle. Véritable « maillon manquant » entre
protoindustrie et industrie selon Chapman.
=> croissance tirée en GB (jusque vers 18601870) par les biens qui répondent aux besoins les plus
simples = nourriture et habillement, aménagement de la maison.
• La structure sociale du marché présente une plus grande continuité sociale (par opposition au
marché dual), autour d’une qualité moyenne.
midling sorts rurales (farmers) et urbaines => 25% de la population britannique avec un revenu
supérieur entre 50£ et 400 £. Processus d’émulation sociale : imitation des classes supérieures,
notamment en GB où le clivage aristocratique est moins net qu’en France. Mais raisonnement
contradictoire différenciation / homogénéisation.
classes pauvres : même si les salaires réels semblent baisser au début de la RI, beaucoup de
travailleurs ne sont pas complètement salariés, et le taux de commercialisation de leur production
artisanale et agricole varie beaucoup + augmentation de la quantité fournie de travail (femmes et
enfants, jours fériés = “révolution industrieuse“).
232 L’amélioration des réseaux.
• Les réseaux commerciaux sont de bonne qualité vers l’étranger (négociants au loin) et sur les
marchés intérieurs : maisons de gros, colportage (agent du great reclothing dans l’Angleterre rurale
fin 18ème siècle), détaillants.
• Les moyens de transports s’améliorent au 18ème siècle en GB, principalement les canaux mais aussi
les routes à péages (turnpikes).
Les canaux sont un moyen de transport surtout intéressant pour son coût ≠ rapidité et pour le
transport des pondéreux. Un effort colossal est mené au 18ème, par des intérêts privés: pas un point
de l'Angleterre a moins de 25 km d'une voie navigable. Le déterminisme géographique joue : relief,
insularité, réseau hydrographique.
Ex : 900 km sont creusés par James Brindley, roturier génial et illettré, qui travaille notamment pour
le duc de Bridgewater, pour relier sa mine à Manchester (1759), puis Manchester à Liverpool
(1776). Le prix du charbon baisse de moitié à Manchester.
• Globalement, l’amélioration des réseaux en Europe précède même la demande économique (enjeu
stratégique, circulation des hommes et de l’information). Mais l’effet peut être inverse : le goulet
d'étranglement peut créer l'investissement.
• Londres joue un grand rôle, immense ville dés cette époque (≈ 600.000 hab en 1700), à
approvisionner et plaque tournante du trafic international.
=> le marché s’élargit, la concurrence s’accroît.
CCL :
naissance d’une économie de marché, comme mode de coordination des aspirations économiques
mais aussi comme cadre de la pensée économique, science de l’échange.
demande accrue stimulante.
3- La révolution agricole.
31 Une agriculture liée à la protoindustrialisation.
Franklin MENDELS, Proto-industrialization : the first phase of industrialization, 1972
• Les grandes caractéristiques de ce mode d’organisation de la production sont :
une organisation de la production fondée sur la relation entre un paysanmanufacturier et un
marchandfabricant qui fournit les matières premières et même parfois les machines pour une étape
de la fabrication, les finitions étant réalisées en ville.
les relations sont marchandes entre ces acteurs, hors des cadres corporatistes de la ville auxquels la
protoindustrialisation cherche précisément à échapper (d’où le nom de puttingout system : placer
la production hors des villes).
c’est une activité de complément saisonnier pour les paysans, à domicile (c’est le domestic system,
très éloigné de l’usine donc), en plus d’éventuels surplus agricoles commercialisés.
• En Angleterre, 50% de la population est agricole au début du 18 ème siècle, mais 10% sont engagés
dans l'industrie lainière (temps plein ou partiel) en relation avec la production agricole.
Le marché est donc très présent (moins d'autoconsommation) et environ 1/3 des revenus sont des
salaires (plus que des PED africains actuellement) (ce qui permet d’imposer des salaires très bas
puisque pas seule source de revenu cf Wallerstein).
32 Une agriculture plus efficace et plus rémunératrice.
• Situation GB fin du 18ème : 36% du revenu et 40% de la PA sont agricoles (ce qui est faible
comparé à ailleurs), et 3/4 du salaire d'un ouvrier passe dans l'alimentation de base (demande très
inélastique) => l’agriculture a forcément une influence importante [rq : actuellement situation des
PED comme le Maroc].
• Un certain nombre de progrès techniques, souvent venues des régions les plus en avance (Italie du
Nord et Hollande) permettent une amélioration :
la “révolution de l’azote“ par les plantes fourragères, la fumure… permet le recul de la jachère.
l’outillage s’améliore, par la charrue, le semoir (brevet de Jethro Tull dés 1701.
la sélection animale est systématisée.
• La croissance annuelle de la production est d’environ 0,5% à 1% sur le siècle = un doublement de
la production avec augmentation des rendements (qui peuvent permettre une densification rurale)
mais surtout de la productivité (qui permet de dégager un surplus par tête), même si les grands
progrès sont postérieurs à l’industrialisation.
Comme on l’a vu plus haut, le revenu par habitant s’élève, bien qu'assez lentement : selon Crafts,
0,31% par an entre 1700 et 1760. Les paysans anglais sont plus riches que ceux du continent (pain
blanc, viande…).
[Brasseul p. 186]
33 Une agriculture de marché, condition nécessaire de la division du travail.
• La hausse des revenus agricoles pourrait avoir des conséquences positives sur la production et
l’investissement industriels.
demande ?
Elle peut s’exercer sur le textile, notamment le textile cotonnier qui présente une plus grande
élasticité à la demande (difficile de produire rapidement plus de laine, mais possible d'importer plus
de coton).
Elle s’exerce aussi sur les produits métallurgiques, avec une augmentation forte de la production de
fer dés la première moitié du 17ème, en partie due à l'agriculture, dans un contexte de paix et sans
demande industrielle importante (moins de jachère => plus de labours / outillage à renouveler /
usage du cheval…).
MAIS ces raisonnements sont à manier avec précaution : la hausse des prix agricoles notamment fin
18ème peut d’un autre côté limiter le pouvoir d’achat de ceux qui ne sont pas agriculteurs. De même,
l’élévation du pouvoir d’achat des paysans pour des produits industriels suppose que soient vendus
les produits agricoles à l’industrie, au risque du raisonnement circulaire…
transferts financiers ?
Les grands propriétaires ont pu accumuler une rente, mais peu investie dans l’industrie (à
l’exception des mines, liées à la propriété foncière). Les enclosures et la modernisation sont assez
coûteuses et le mode de vie des landlords et des nouveaux industriels soucieux de nobility conduit à
réinvestir dans la terre.
offre de main d’œuvre ?
La thèse marxiste de l’expulsion des paysans met l’accent sur la prolétarisation (avérée) des
journaliers perdant les communaux. Mais les enclosures sont labourintensive et retiennent la main
d’œuvre : il n’y a pas de diminution absolue de la PA agricole ni de fort exode rural avant le milieu
du 19ème siècle).
• En fait, les progrès permettent de dégager des surplus, nécessaires à l’existence d’une main
d’œuvre industrielle et plus généralement à la division du travail, à condition qu’ils soient
commercialisés : la fonction de marché est déterminante, plus encore que les progrès techniques,
dans une agriculture déjà sortie de l'autoconsommation avec déjà une forte population urbaine (21%
en 1750 contre 10% en France mais 35% en Hollande).
CCL
Thèses de Bairoch et Rostow en partie validée.
Développement agricole précédent la RI, lié aux relations de marché. Corrélation ou lien de cause à
effet ? Certitude = condition nécessaire de la DT et donc de la RI, mais non suffisante, et permettant
une forte croissance démo après 1750.
4- La révolution démographique.
41 La population augmente.
• Périodisation :
d’abord une quasi stagnation de la population entre 1650 et 1730, autour de 5,8 à 6 M d'hab =
0,001% par an.
puis une entrée dans la croissance (de 7,5 M en 1751 à 10,9 en 1801, soit 0,75% par an) avec une
accélération dans la première moitié du 19ème (taux maxima de +1,3% par an).
La croissance est sans précédent, la pop anglaise est multipliée par 3 entre 1700 et 1850 (21 M) puis
45 M d’habitants à la veille de la première guerre mondiale, tandis que l’espérance de vie
s’allonge : de 2830 ans à 53 ans au début du 20ème siècle.
• La natalité augmente, essentiellement par une nuptialité plus importante et plus précoce, d'où plus
de naissances et diminution de l'âge moyen des premières naissances => nouveaunés en meilleure
santé. Mais l’explication ultime est largement inconnue.
• Surtout, la mortalité baisse.
Ex : France, dernières crises démo d'Ancien Régime comme :
les accidents météorologiques fin 1730début 1740.
la peste de Provence en 1720, dernière grande épidémie avant le choléra au 19 ème. Environ 1/3 des
villages perdent plus du 1/3 de leur pop, mais épidémie contenue grâce aux efforts de
l'administration et de l'armée (barrages).
moins de paludisme avec tous les travaux d'assainissementdrainagepolders…
hygiène préventive plus que médecine.
Ex : inoculation de la vaccine par Jenner en 1796 = forme non dangereuse de la variole qui
immunise et vient des vaches (les garçons de ferme étaient immunisés…).
augmentation des subsistances disponibles.
Ex : consommation de viande fraîche pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, abattage
toute l'année et moins de scorbut.
42 La croissance démographique, facteur de croissance économique?
[complexité des liens entre démographie et développement]
421 Le piège malthusien?
Thomas MALTHUS, Essai sur le principe de population, 1798
Esther BOSERUP, Population and Technology, 1981
Malthus (17661834) écrit à cette époque, effrayé par cette croissance démo en GB.
• Sa théorie est basée sur les rendements décroissants (qui est en fait une théorie de la productivité
décroissante déjà formulée par Turgot). Les ressources sont insuffisantes (apologue du banquet) car
la mise en culture de terres marginales entraîne un prix plus élevé du blé [car plus de travail, seul
paramètre qui créé de la valeur], fixé au coût marginal. L’idée est celle d’une nature avare pour une
humanité croissante.
D’autres arguments ont été avancés comme : l’élévation du ratio de dépendance (plus d’enfants non
“productifs“), la pression sur les salaires qui freine la recherche d’un progrès technique labour
saving.
[Vidal p. 47]
Les réactions démographiques se font dans un "système homéostatique dilatoire" ie système se
maintenant en équilibre avec un certain retard :
la réaction peut être préventive, par ajustement de la nuptialité, par une sorte de contrainte morale
intégrée par les plus “civilisés“. Malthus s’oppose d’ailleurs aux Poor Laws qui selon lui
encouragent la natalité.
mort, famines… pour les plus “imprévoyants“ ! Mais comme le montrent Turgot et Sen, les
famines pas provoquées par l’accroissement démographique mais plutôt par des facteurs politiques
(guerres…), institutionnels (faiblesse des marchés, réduction des droits des paysans sur leur
production = entitlements…).
• Et la croissance démographique présente des avantages selon Boserup (1965) :
main d'œuvre pas chère pour la nouvelle industrialisation car travail plus abondant même si
salaires déterminés par le prix du blé. Mais dans le cas britannique, les salaires étaient plutôt plus
élevés qu’ailleurs.
de plus fortes densités permettent de faire des économies d'échelle au niveau des produits mais
aussi au niveau des institutions. Densité élevée = abaissement des coûts de transaction et de
protection du marché, pression pour définir les droits de propriété (North)… On peut même parler
de trappe de “faible densité“ par opposition à la trappe malthusienne.
incitations à transformer les modes de production (progrès technique notamment) car
renouvellement des générations, hausse des prix par une demande accrue… Mais la demande croît
surtout si le revenu par tête augmente.
423 Le retournement de la tendance : la transition démographique.
• Dans le cas de la GB, la crainte semble fondée au début.
Le revenu par tête stagne (+0,01% par an entre 1760 et 1780), avec la hausse des prix agricoles liée
à la forte pression démographique. En fait, la productivité croît mais compense tout juste la
croissance démographique, compte tenu de l’élévation du ratio de dépendance.
Ex : émeutes de la faim en 17951796 et 18001801 dans un contexte de guerre.
• Cependant, la revenu par tête reprend sa croissance et la croissance démographique diminue à
partir du troisième quart du 19ème siècle, où la natalité baisse enfin.
Le schéma de transition démographique endogénéise la fécondité qui dépend des variables
économiques et synthétise les transformations liées au développement (urbanisation, élévation du
niveau d’instruction, baisse de la taille de la famille). La transition démographique est un profond
démenti puisque l’élévation du niveau de vie s’accompagne d’une tendance lourde à la réduction de
la fécondité.
• Mais la pression démographique reste forte tout au long du 19ème siècle avec un mouvement
d’émigration sans précédents (sauf en France).
Estimation : 22 M de Britanniques émigrent entre 1815 et 1914, dont 4 M d’Irlandais, notamment
dans les années 1840 et 1880. Destination : 60% EtatsUnis, 30% Canada et ANZ.
• Mais les relations sont très complexes et analyses empiriques sont peu probantes pour les PED :
d’abord moins de bouches à nourrir, ou d’abord plus de bras pour travailler ?
Le débat s’oriente nettement en direction des thèses malthusiennes dans les années 1960, au
fondement de toutes les politiques de contrôle des naissances. Il y a une corrélation négative très
nette entre croissance démo et croissance éco dans les années 1980 par exemple (voir les cas de
l’Afrique ≠ Asie).
Mais les choses ne sont pas aussi simples : les modèles à générations de Modigliani montrent par
exemple que l’accroissement de l’espérance de vie peut modifier les comportements d’épargne,
favoriser la capitalisation…
• Dans tous les cas, les phénomènes démographiques présentent une grande inertie. C’est net pour
la natalité, qui peut rester forte même si la fécondité baisse, compte tenu de l’ampleur des jeunes
générations qui arrivent à l’âge de procréer. Et on connaît déjà le nombre de gens qui arriveront à la
retraite en 2070, quoiqu’on fasse…
CONCLUSION
ainsi apparaît le capitalisme, comme objectif d’accumulation, fondé sur la propriété privée et le
salariat. Les relations de marché coordonnées par les prix se généralisent, permettant une division
du travail mais aussi porteuse de concurrence. Bref, les institutions évoluent, sorte de
développement précédant la croissance.
dans ce contexte mature, s’accroît l’incitation à produire et innover dans certains secteurs
(notamment par la demande). Or, l’offre répond…