Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Marie-France LUIGGI
PLP Lettres Histoire
L.P. A. Maillol PERPIGNAN
Objectifs:
-Faire les liens entre ces voyages de circumnavigation, l'encyclopédie et le siècle des Lumières.
-Montrer les différences fondamentales entre les voyages du XV-XVIe siècle et ceux du XVIIIe
siècle. Montrez en quoi les motivations ont changé.
Problématiques possibles
-Les voyages de grandes découvertes et le passage d'une économie précapitaliste à une économie
capitaliste avec l'arrivée massive de métaux dont l'Europe manquait cruellement.
-Les voyages de grandes découvertes et les sciences: Une nouvelle vision du monde
la possibilité de faire le lien avec la séance suivante les lumières et la révolutions; quel impact de
ces nouvelles civilisations pour les intellectuels européens?
Explorateur: celui qui va, qu'on envoie à la découverte d'un pays pour en connaître l'étendue, la
situation.... Cette définition signale, en 1718, l'entrée du mot « explorateur »dans le Dictionnaire de
l'Académie française mais il faut attendre les vingt dernières années du siècle pour que la notion soit
appliquée au champ géographique.
Cependant le mot de l'époque utilisé est navigateur ou voyageur naturaliste.
Quels sont les liens entre reconnaissance militaire et exploration scientifique ?
Point d'intentions conquérantes pour la Pérouse qui cherche de nouvelles routes maritimes et qui
travaille à la reconnaissance générale du globe à la suite des Anglais par le relevé des côtes et des
îles découvertes. La tâche de l'explorateur est de dresser la carte de régions jusqu'alors échappées au
regard de l'Europe. L'explorateur est un envoyé officiel, chargé par son gouvernement d'une mission
de découverte dans une région lointaine et inconnue. Et peut se trouver pris dans le jeu des rivalités
politiques et des conflits internationaux. Il est l'éclaireur de l'Europe, un avant coureur d'un front de
conquête intellectuelle.
Outre l'image romantique de l'explorateur, son voyage est l'accomplissement d'une mission
organisée, et commanditée.
Les liens de la découverte et de la domination du monde ne paraissent pas aussi simples au XVIII
qu'au XVIè siècle.
Lorsqu'à partir des années 1760, les progrès réalisés dans la mesure de la longitude et dans la
préservation de la santé des équipages autorisent d'entreprendre le long voyage jusqu'aux mers
australes Bougainville, Cook , la Pérouse transportent dans ces régions les rivalités politiques et les
ambitions économiques ou stratégiques de leurs gouvernements respectifs.
Le projet d'une « campagne de découvertes » rédigé en vue de la mission de la Pérouse l'affirme
expressément: « l'entreprise de commerce n'est ici que l'accessoire » par rapport au programme
géographique et scientifique que développent en détail les instructions copiées de la main du roi.
La curiosité encyclopédique déployée dans ces expéditions est exceptionnelle, une volonté de
connaissances qui dépasse l'utilité directe et immédiate, la conviction qu'il n'est pas de progrès
possible sans que soit achevé la découverte du monde, dressé l'inventaire de toutes ses richesses.
Les voyages sont l'instrument de ce progrès, car ils sont ouverture, désenclavement, première forme
de la circulation et du commerce. Par eux, déjà, l'Europe répand, pacifiquement, le modèle universel
de la civilisation. Les instructions de louis XVI à La Pérouse résument cette alliance idéale de la
science et de la politique, du commerce et de la philanthropie. Si on retrouve en fin de compte dans
ces expéditions l'intérêt politique, c'est par la dimension nationale qui leur est souvent donnée,
comme si la démonstration de la grandeur passait par la conquête de la gloire scientifique. Ex la
mission française pour la mesure du méridien en 1735 avec Maupertuis et La Condamine. La gloire
du roi de France s'affirme dans le progrès de la science et dans la solution de l'énigme de la «
figure » de la terre. Un quart de siècle plus tard, l'occasion des passages de Vénus devant le Soleil,
en 1761 et 1769 provoque une véritable mobilisation internationale et lance les savants aux quatre
coins du monde. L'émulation entre les pays manifeste la formation d'une communauté scientifique
internationale elle signifie aussi que l'affirmation nationale passe par le prestige de la science.
Voir le tableau de Monsiaux qui dépeint louis XVI donnant ses instructions à La Pérouse pour son
voyage autour du monde: sur la table du cabinet royal, des atlas, des cartes déployées, un globe
terrestre.
Avant le départ c'est sur ces cartes que les explorateurs, géographes et politiques imaginent le
voyage avec leurs tracés incertains et leurs espaces blancs. L'imaginaire géographique permet de
penser le départ et le rend donc possible.
Or deux mystères grèvent encore la connaissance du monde: celui du passage du Nord-Ouest et
celui du continent austral dont depuis la Renaissance cartographes et cosmographes continuent,
symétrie oblige, de tester l'hémisphère Sud. Ces deux énigmes lancent les explorateurs sur les mers.
De plus dans le cas du continent austral, les curiosités des philosophes viennent s'ajouter aux
théories des géographes pour pousser à son comble la spéculation. En outre la très forte mortalité
due au scorbut au cours de longs séjours en mer, l'imprécision de la navigation à l'estime de ces
régions les rendent jusque dans les années 1760 inaccessibles. L'image du monde construite par les
découvreurs de la Renaissance et de la première moitié du XVIIème siècle est restée presque sans
retouche: l'hémisphère Sud est sur les cartes occupé par un immense continent, le Pacifique est
peuplé d'îles une fois repérées et jamais retrouvées avec des noms différents. Grâce aux progrès des
astronomes, mathématiciens dans la détermination des distances lunaires et par les horlogers dans la
confection de montres assez régulières pour garder à bord la mesure du temps, la navigation
astronomique s'impose enfin, qui permet un calcul exact de la longitude. James Cook est le premier
lors de son deuxième voyage à emporter des montres, des chronomètres (horloge marine de John
Harisson en 1759). Des progrès sont accomplis en matière d'hygiène navale et de protection de la
santé des équipages : grâce à des provisions de fruits, choucroute, de légumes confits dans le
vinaigre et à une logistique des escales.
Expéditions longues de plusieurs mois à plusieurs années : deux ans et sept mois pour Bougainville
et quatre pour le troisième voyage de Cook et La Pérouse. Difficultés à supporter l'éloignement, la
distance et l'isolement. Les journaux de bord ou de route témoignent des tâches routinières et
répétitives: faire le point, dresser la carte observer le pays, la faune, la flore et ses habitants. Le
journal de bord permet au fur et à mesure d'enregistrer la découverte. Pratique rendue obligatoire
par les ordonnances de 1689 et 1765 pour les officiers comme pour les savants.
Curiosité des hommes des Lumières pour les plantes.
Le primitivisme des philosophes de Buffon à Rousseau, d'Helvétius à Diderot instaurent le sauvage
en témoin des origines de l'homme . Les notations révèlent combien le déplacement dans l'espace
est vécu comme un voyage dans le temps qui conduit aux premiers âges de l'Humanité. Pour
Bougainville l'escale tahitienne marque l'achèvement de cette remontée dans le passé, jusqu'aux
temps originels: il trouve là un peuple « ayant des arts ces connaissances élémentaires qui suffisent à
l'homme voisin de l'état de nature, travaillant peu, jouissant de tous les plaisirs de la société, de la
danse, de la musique, de la conversation, de l'amour enfin, le seul dieu auquel, je crois, ce peuple
sacrifie ». Pour l'Européen, le voyage est occasion d'un retour aux sources de l'histoire humaine.
Du voyage au récit.
Car écrire est un devoir que rappelle l'Abbé Prévost: « un véritable voyageur doit travailler pour la
postérité autant que pour soi même et rendre ses écrits utiles à tout le monde. »De fait avec ses
3540 titres la littérature de voyage devient un genre conquérant. Dès son retour commence pour
l'explorateur une période nouvelle celle de la remémoration et de l'écriture: une autre aventure
comment raconter une aventure personnelle en même temps que décrire un monde inconnu?
Comment faire de la fiction du récit une relation véridique et une œuvre de science? Bougainville
maintient pour « Voyage autour du monde » qu'il fait paraître en 1771 la forme narrative du journal
propre à communiquer à son lecteur l'émotion ressentie par les marins à l'approche des îles plus
l'invitation à s'immerger dans la contemplation de la nature. Le journal ou la relation de voyage
devient un genre scientifique propre à la découverte et à l'enquête de terrain. Place prépondérante de
la géographie (environ un tiers des récits). Ces récits permettent aux philosophes et aux curieux, à
qui ils fournissent sans sortir de chez eux le matériau de leur réflexion sur l'histoire humaine,
l'origine des langues et des religions et les progrès des mœurs. Les lecteurs peuvent trouver de quoi
comprendre les sociétés humaines. En 1772 Diderot rédige « Supplément au voyage de
Bougainville » qui fait glisser la description ethnographique vers la rêverie utopique : le thème de
l'inceste et de la liberté sexuelle, seuls éléments de la vie tahitienne qui retiennent son attention est
un moyen de faire un retour sur soi pour formuler une virulente critique de la morale et de la société
européenne. Alors même que les grandes navigations de la fin du XVIIIème siècle viennent de
résoudre l'énigme du continent austral, les archipels dont est semé l'océan Pacifique deviennent une
nouvelle terre pour le rêve, un refuge pour l'utopie. La réalité géographique des explorations est
évacuée au profit de l'histoire, de la philosophie et de la satire politique.
Le jardin du roi, les jardins botaniques où sont cultivées les plantes rapportées par les voyageurs,
jardin du Trianon, celui de l'Ecole botanique du Cabinet du roi la famille de Jussieu. Depuis 1719 le
jardin apothicaire de Nantes est placé sous la dépendance du jardin royal de Paris afin d'être un
entrepôt et un séminaire pour l'entretien et la culture des plantes des pays étrangers. . Le jardin du
roi sert de relais dans les échanges botaniques d'une région à l'autre du monde (exemple du pied de
caféier introduit à la Martinique et dans toutes les Antilles et colonies par Antoine de Jussieu). La
bougainvillée, plante ornementale.
Août 1768 la Société royale de Londres commandite une expédition dans les mers du Sud, envoie
des astronomes afin d'observer le passage de Vénus sur le disque solaire et de déterminer la distance
de la Terre au Soleil. Cook arme un trois mâts destiné au commerce du charbon, doublé de cuivre.
(Cook, issu d'un milieu très modeste matelot dans la marine marchande s'engage dans la Marine
royale lors de la guerre de Sept ans puis devient ingénieur hydrographe et établit la cartographie des
côtes du Labrador)
Cook et Banks (protecteur des sciences naturelles) sur l'Endeavour voguent vers le cap Horn en
faisant différentes escales et gagnent le pacifique en 33 jours.
L’Endeavour est le bateau avec lequel James Cook fait le premier de ses trois grands voyages
à but scientifique (1768-1779). Mesurant 29 mètres de long, ce bateau est initialement destiné
au cabotage pour le transport de charbon. Cook le choisit pour son expédition, car il est
robuste, facile à manœuvrer pour s’approcher des côtes et suffisamment spacieux pour y vivre
plusieurs années.
Le 4 avril, est aperçue une terre dans le grand océan « de forme ovale, avec un lagon au milieu »
c'est Vahitahi, une des Touamotou. Puis Cook et son équipage séjournent trois mois à Otahiti sur le
côte nord à terre en compagnie des indigènes en cartographiant, faisant des observations
astronomiques et météorologiques.
Cook tente de comprendre la mentalité et les mœurs des indigènes et ses récits sont des sources sans
égales sur des sociétés que n'avait pas encore modifiées l'intrusion de l'homme blanc. Même
précision, exactitude lorsqu'au moment de quitter Tahiti, Cook décrit le tatouage des tahitiens déjà
mentionné par Wallis.
Les anglais édifient un fortin nommé Fort-Vénus vivent au contact de la population, Cook
écrit: « Somme toute, ce peuple semble jouir de la liberté la plus totale, chaque individu paraît être
le seul juge de ses actions ». Parkinson exécute d'excellents et nombreux dessins de végétaux,
d'oiseaux et de poissons des Tropiques. Les anglais apprennent le séjour de Bougainville sur l'île.
Après trois mois passés à Tahiti, Cook et son équipage font voile vers les îles de la société (en
l'honneur de la royal society qui avait pris l'initiative du voyage) en emmenant deux tahitiens
désireux de les accompagner et prit possession de ces îles au nom du roi George.
Voyage de circumnavigation sur la résolution et sur l'aventure. Deux astronomes, William Wales et
William Bayly, un peintre, Hodges. Présence de l'horloge d'Harisson : chronomètre permettant
d'établir où se trouve le navire « notre guide sans défaillante »
Le 17 janvier, ils passent pour la première fois le cercle arctique et en face de la banquise Cook
décide de faire demi-tour (document gravure de Robert Bernard d'après un dessin de Hodge) et fait
voile en direction de la Nouvelle-Zélande en vue le 25 mars 1773. Difficultés à explorer de part son
relief. Un an auparavant Marion du Fresne et Crozet avaient déjà atteint ces côtes et en avaient fait
une observation et description très précises. Puis les navires font route à nouveau vers à Tahiti en
guerre désormais. Cook est conscient de la corruption des indigènes. Dans son journal de bord il
écrit: « Nous corrompons leurs mœurs déjà enclin au vice et nous introduisons parmi eux des
besoins et des maladies qu'ils ne connaissaient pas auparavant avec pour seul résultat de troubler
cette bienheureuse sérénité dont eux et leurs ancêtres avaient joui. Si quelqu'un dément la vérité de
cette assertion, qu'on lui expose le profit de leur commerce avec les Européens par les indigènes de
l'Amérique toute entière ». Il poursuit son enquête sur les croyances et les usages tahitiens. À
nouveau, Cook fait route vers la Nouvelle-Zélande puis à la découverte d'un hypothétique continent.
Le 30 janvier 1774, le Résolution parvint à la plus haute latitude qu'il n'ait jamais atteint, 71°11's. Le
navire se trouve alors sur un champ de glace qui paraît s'étendre à l'infini.(découverte du manchot
jugulaire aquarelle de JR Forster.) le navire fait route vers l' île de Pâques découverte par Roggeven
mais pas retrouvée depuis, la route se poursuit Cook fixe la position exacte des Marquises. Au terme
de son voyage il écrit: « j en ai maintenant fini avec l'océan Pacifique et je me flatte de l'espérance
qu'on ne pourra pas me reprocher de l'avoir laissé inexploré »
Cook est reçu en Angleterre avec plus grands honneurs et est fait membre de la Royal Society et
présente à la haute société le premier indigène des mers du sud: un tahitien Omai
Conclusion:
La seconde moitié du XVIIIè siècle voit l'achèvement de l'exploration des océans et constitue
pour l'Europe en cartes, dessins, herbiers et collections, la matière d'un savoir encyclopédique
sur le monde. Elle est cependant bien différente du triomphe conquérant qui caractérise le
XVI et XIXè siècles : de leurs enquêtes menées jusqu'aux confins de la planète les
explorateurs rapportent moins la possession victorieuse de terres nouvelles qu'une moisson de
graines, plantes, une image achevée du globe et la fin de quelques mythes: celui des terres
australes et celui du bon sauvage. Le siècle des Lumières veut allier commerce, science et
progrès. Les grandes expéditions géographiques des Lumières expriment l'instant fragile où
l'Europe peut croire advenu son rêve humaniste, étendu à un monde qu'elle a dévoilé.
Si la figure de la planète est désormais presque complète dans le contour de ses traits, l'espace
de la terre, sa profondeur et son histoire restent à découvrir. Ce sera l’enjeu de la colonisation
au XIXè siècle et de l’exploration terrestre du continent africain.