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Caractéristiques et propriétés des bétons autoplaçants (BAP)

Abdelhamid R’mili (1), Mongi Ben Ouezdou (2)

(1)Département de génie civil, Ecole Supérieur des Sciences et Technique de Tunis.

(2)Laboratoire de Génie Civil, LGC, Ecole Nationale d’Ingénieurs de Tunis.

E-mail : abdelhamid.rmili@esstt.rnu.tn,mongi.benouezdou@enit.rnu.tn

Résumé : Dans cette communication, on présente les propriétés du béton autoplaçant, les
opportunités

technologiques apportées par ce type de béton et les arguments qui jouent en sa faveur
comme matériau

d’avenir. On présente aussi les caractéristiques rhéologiques et les moyens de leur


caractérisation surtout à

l’état frais. On termine par la mise en valeur des critères de composition des BAP et un
passage en revue des

méthodes de formulation sans les développer dans le présent document.

Mots clés : béton autoplaçant, rhéologie, fluidité, viscosité, additions minérales, adjuvants,
composition et

formulation

1 Introduction

Les bétons autoplaçants (BAP), développés depuis une vingtaine d’années, sont encore à
l’heure actuelle

qualifiés de « nouveaux bétons » car leur utilisation reste modeste bien qu’ils possèdent un
fort potentiel de

développement. La spécificité des BAP par rapport aux bétons traditionnels réside dans le
fait qu’ils sont

extrêmement fluides et qu’ils ne nécessitent pas de vibration pour être mis en oeuvre. Se
compactant sous l’effet

de leur propre poids, ils peuvent être coulés dans des zones très ferraillées ou dans des
coffrages complexes et

difficilement accessibles.

La suppression de la phase de vibration présente également l’intérêt d’améliorer les


conditions de travail, ainsi

que le confort acoustique au voisinage du chantier plus particulièrement en zone urbaine.


La composition spécifique de ses bétons nécessite la mise en place d’un contrôle soutenu de
leur formulation,

ainsi qu’un contrôle de leurs propriétés à l’état frais, avant mise en oeuvre. La maîtrise de
ces matériaux n’est

pas encore acquise, en témoigne la diversité des études menées afin d’appréhender le
comportement des BAP.

Ceci nous a amené à faire une étude sur les caractéristiques des BAP, les critères de choix
des paramètres

constitutifs et les moyens nécessaires pour satisfaire les propriétés désirées de ces types de
bétons. Ceci

permettra ultérieurement à l’étude de formulation et de comportement des bétons


autoplaçants.

2 Généralités

2.1 Historique

Au milieu des années quatre vingt, des efforts importants on tété entrepris au Japon afin
d'améliorer la durabilité

des ouvrages en béton grâce à des mesures appropriées. Le premier prototype d'un tel
béton fut développé en

1988 par le professeur Okamura de l'Université de Kochi. Cette découverte en matière de


technologie du béton

suscita un énorme intérêt au niveau mondial. A la fin des années quatre vingt dix on vit
apparaître les premières

applications en Europe. A partir des années deux mille on s’intéressa presque partout dans
le monde à ce

nouveau matériau.

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2.2 Définition

Le béton autoplaçant (BAP), dénommé aussi béton autocompactantant (de l'anglais Self
Compacting

Concrete SCC), est un béton qui à l’état frais se compacte de lui même par effet gravitaire
grâce à son poids
propre, sans aucun apport d'énergie de compactage (par ex. vibration, damage) tout en ne
présentant pas de

ségrégation.

Les propriétés caractéristiques de ce béton sont les suivantes [1,2]:

- fluidité et viscosité élevées, sans aucune tendance de ségrégation (comme du miel),

- désaération du béton pendant son écoulement,

-excellente aptitude au remplissage des moindres recoins du coffrage par un béton


homogène, même en

présence de réservations, d'incorporés et de ferraillage dense. Le fastidieux travail de


vibration est ainsi

supprimé.

2.3 Domaines d'application

Le béton autoplaçant constitue dans de nombreux domaines une alternative intéressante au


béton

Conventionnel. Comparé au béton vibré, les arguments* en faveur du béton autoplaçant


sont les suivants [2,6]:

- rendement amélioré et exécution plus rapide,

- réduction des nuisances sonores durant l'exécution,

- liberté accrue des formes de coffrage,

- facilité de bétonnage d'éléments exigus,

- qualité accrue des surfaces de béton,

- facilité de bétonnage d'éléments avec une armature dense ou importante,

- remplissage de parties difficilement accessibles,

- diminution de la pénibilité du travail et suppression de l'apparition du syndrome du


vibrateur.

Outre l'amélioration de la productivité des entreprises, le BAP permet d'accroître la qualité


et la durabilité des

ouvrages en béton.

(* L'idée de tirer profit des points forts et de supprimer les points faibles conduisit au
développement du béton autoplaçant. Okamura, 1997)
3 Caractéristique des bétons autoplaçants

3.1 Caractéristiques rhéologiques du BAP

Les propriétés essentielles des BAP, a savoir la fluidité,la capacité de remplissage et la


stabilité sont

obtenues grâce à une teneur très élevée en matière cimentaire (liant) qui ensemble avec
l'eau et l'adjuvant

fluidifiant constitue la pâte (coulis de ciment), sous forme d'une suspension colloïdale à
viscosité élevée, dans

laquelle nagent les granulats plus grossiers sans aucune tendance à la ségrégation.

En plus de la fluidité élevée généralement obtenue avec les bétons fluides, ce coulis
(suspension) présente une

certaine viscosité. C'est la combinaison de cette viscosité avec une fluidité très élevée qui
confère au béton sa

stabilité envers la ségrégation ainsi que sa capacité à se désaérer naturellement.

Ainsi, en plus de la fluidité, la viscosité du béton constitue un second critère important pour
caractériser le

comportement du BAP. Elle peut être déduite à partir de la mesure des frottements internes
d'un matériau sous

l'effet de sollicitations imposées (contraintes de cisaillement). La viscosité est d'autant plus


faible que ces forces

de frottement internes sont petites. Le béton s'écoule et s'étale d'autant plus rapidement
que la viscosité est faible,

son comportement rhéologique est décrit par différents modèles [3,4].

Dans la pratique, deux modèles sont couramment utilisés pour les BAP (fig1) : le modèle de
Bingham

WW

plo et le modèle de Herschel-Bulkley n

plo k
HPWW

où IJ,IJ0 ,μpl, İ, k et n (n>1 : fluide

rhéoépaississant, n=1 :fluide de bingham, n<1 fluide rhéofluidifiant) sont respectivement la


contraintes de

cisaillement, le seuil de cisaillement, la viscosité plastique et la vitesse de déformation,


coefficient de viscosité et

indice qui sont donnés et exploité à partir d’un essai au rhéomètre.

26 R’mili A. & Ben Ouezdou M.

fig. 1 : modèles rhéologiques et rhéomètre BETRHEOM

a. Caractérisation des bétons autoplaçants

Beaucoup d’essais ont été proposées, mais pratiquement il est possible de caractériser les
propriétés rhéologiques

d'un BAP au moyen d’essais simples dont les plus fréquemment utilisés sont présentés ci-
après [5,6] :

3.2.1 Essai d'étalement (Slump Flow)

On utilise le même cône que celui normalement utilisé pour l'essai d'affaissement ; On
mesure l'étalement qui

correspond au diamètre moyen de la galette de béton obtenue, qui devrait être comprise
entre 600 et 800 mm

(fig.2.a). La tendance à la ségrégation peut être évaluée qualitativement. Les granulats


grossiers devraient être

répartis uniformément et aucune concentration ou séparation de fines ne devrait apparaître


sur les bords de la

galette.

3.2.2 Essai de boite en L (L-Box)

On mesure le temps de l'écoulement du béton dans la partie horizontale. Ce temps


d'écoulement devrait être

compris entre 3 et 7 secondes (fig.2.b). On peut aussi mesurer la hauteur atteinte aux deux
extrémités de la partie

horizontale par le béton (h1 et h2), afin de qualifier sa capacité d’autonivellement. Le


rapport h2/h1 devrait être
supérieur à 0,80. L'essai permet en outre de vérifier la capacité du béton à s'écouler au
travers d'un réseau

d'armatures d'écartement défini.

3.2.3 Essai d'entonnoir (V-Funnel)

On mesure le temps d’écoulement du béton à travers (fig.2.c). Ce temps d'écoulement est


souvent le critère

utilisé pour définir la viscosité du béton autoplaçant. Plus le béton s'écoule rapidement hors
de l'entonnoir, plus

sa viscosité est faible. Un temps d'écoulement compris entre 8 et 14 secondes est


recommandé.

3.2.4 Essai de la boite en U (U-Box)

On mesure de la hauteur H de béton dans la partie à l’aval R2, après remplissage de la partie
amont R1 et

ouverture de la trappe (fig.2.d). Les auteurs estiment qu’un béton sera autoplaçant si H est
supérieur à 30 cm.

Cet essai permet aussi d’évaluer la ségrégation dans le béton par la détermination de la
quantité de granulats qui

se dépose au fond de la cuvette.

3.2.5 Essai d’étalement modifié (J-Ring)

L’essai consiste faire écouler le béton au travers de barres d’armature afin de pouvoir
évaluer sa tendance au

phénomène de blocage (fig.2.e). Le BAP satisfait pleinement aux performances recherchées


lorsque il s’écoule

de manière uniforme au travers de cet anneau et lorsque la répartition des granulats parait
homogène, aussi bien

à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’anneau.

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Fig.2 (a,b,c,d,e) : Essais de caractérisation des bétons autoplaçants

4 Composition des bétons autoplaçants

4.1 Constituants des BAP


4.1.1 Ciments

En principe tous les ciments conformes à la norme conviennent pour la fabrication des BAP.

Les ciments qui conviennent mieux à la fabrication de béton sont ceux qui répondent à des
exigences plus

élevées, telles que haute résistance, délai de décoffrage raccourci …

4.1.2 Additions minérales

Les exigences particulières de fluidité du BAP imposent un dosage en pâte très élevé, raison
pour laquelle ce

béton comprend en général des additions minérales. La plupart du temps, il s'agit de cendre
volante siliceuse ou

de fines inertes de quartz ou de calcaire…Une matière pouzzolanique présente un


comportement plus visqueux à

l'état frais, ainsi qu'une compacité et une résistance à la compression à 28 jours plus
élevées, par contre une

matière inerte augmente la maniabilité et fait abaisser les frottements inergranulairse et


chaleur d’hydratation.

4.1.3 Granulats

Les granulats pour les BAP doivent tenir compte des considérations pratiques suivantes [3,6]
:

- Les granulats roulés présentent un plus petit volume de vide intergranulaire, ce qui
nécessite une plus

faible quantité de pâte de ciment pour le remplir. La flottabilité des granulats concassés
dans la pâte de

ciment est cependant meilleure, en raison de leur plus grande surface spécifique.

- Afin d'assurer une bonne stabilité du BAP (éviter toute ségrégation), il est recommandé de
choisir un sable

spécialement optimisé, au besoin recomposé à partir de plusieurs fractions.

- Pour empêcher tout risque de blocage du BAP par les barres d'armature lors du coulage, on
limite en général le

diamètre maximal des granulats à 16 mm (fig.3.a). L'expérience a néanmoins montré qu'il


est également possible

d'utiliser des granulats de diamètre maximal différent.


- Le mélange pour béton (granularité) est caractérisé par une teneur élevée en sable et en
éléments fins.

- Le choix d'une granularité continue appropriée est très important, étant donné la forte
incidence du volume des

vides sur la quantité nécessaire de pâte de ciment.

- - Le volume des gros granulats dans le béton et l’un des facteurs les plus importants à
prendre en considération.

En effet plus la teneur en gros granulats augmente plus la capacité de remplissage diminue
(fig.3.b).

Fig.3. a : Formation d’arches pouvant bloquer l’écoulement du béton [Sedran 1995]

b : Variation de la capacité de remplissage en fonction de la teneur


en gros granulats,

pour différents rapport sable sur pâte [Trudel 1996]

28 R’mili A. & Ben Ouezdou M.

4.1.4 Adjuvants

Les adjuvants permettent en premier lieu de réduire la demande en eau du béton et de


modifier sa viscosité.

L'efficacité des adjuvants varie en fonction du ciment et des additions avec lesquels ils
interagissent

(compatibilité).L'utilisation d'un adjuvant stabilisateur diminue la tendance à la ségrégation


du BAP (ressuage,

séparation des granulats grossiers) (fig.4.a).

a) Surplastifiants :

Les fluidifiants interagissent avec les particules du ciment et celles de fines en s’adsorbant à
leur surface

pour diminuer le phénomène de floculation. La grande fluidité des BAP est assurée par des
dosages relativement

importants en fluidifiants.

La capacité de remplissage d’un BAP croit avec le dosage en fluidifiant jusqu’ à un maximum
au-delà duquel le

phénomène de ségrégation apparaît (fig.4.b).


b) Agents de viscosité :

Généralement les fluidifiants diminuent la viscosité du béton ce qui rend le matériau plus
sensible vis-à-vis du

phénomène de ségrégation. Les agents de viscosités ont la propriété essentielle de modifier


le comportement

rhéologique des milieux aqueux dans lesquels ils sont utilisés (ce rôle modificateur peut aller
de simple

épaississement jusqu’à la gélification) et peuvent être utilisés avec intérêt dans la


composition des BAP.

Fig.4.a : Propriétés du béton pour différentes teneurs en agent de viscosité. [Sedran 1995]

4.b : Relation entre capacité de remplissage et affaissement [Trudel 1996 ]

4.2 Composition des bétons autoplaçants

4.2.1 Principes de formulation

Pour la détermination des dosages et quantités des différents constituants, on doit tenir
compte dans l’étude de

formulation des directives suivantes [5,6]:

Etant donné que le dosage en adjuvants d'un BAP est généralement supérieur à 3
litres/m3, on doit en tenir

compte pour le calcul de l'eau de gâchage ainsi que pour celui du rapport Eau/Liant.

On doit tenir compte de la quantité d'eau présente dans les granulats sous forme
d'humidité (en général, de 4

à 9% dans le sable et de 1 à 3% dans le gravier).

On tiendra compte dans ce calcul volumique de l'air occlus (en principe, de 1à 3% pour le
BAP) ainsi que de

l'ajout éventuel d'air entraîné.

Le composant granulat prend toutefois une signification centrale et accrue pour la


formulation. Quel que soit

le type de BAP, il convient de tenir compte également de l'apport des granulats en éléments
fins pour

l'évaluation de la teneur totale en fines


Le ciment et les additions minérales, qui constituent la part prépondérante de la teneur en
fines, dépendent

du diamètre maximal des granulats.

Le dosage en eau a des répercussions sur la classe de résistance et sur la fluidité et la


stabilité du BAP, ainsi

que sur sa durabilité et sa tendance au retrait, donc de la qualité.

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