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DURABILITE DES BETONS, AGENTS AGRESSIFS ET MODES D’ACTION Master 2, Mat/GC

Pr H. KHELAFI Université d’Adrar, 2020-2021


LA DURABILITE DES BETONS
Chapitre 1. AGENTS AGRESSIFS ET MODES D’ACTION

1. AGENTS AGRESSIFS
1.1 Eaux naturelles
* Paramètres d’agressivité
L’agressivité d’une eau naturelle dépend de trois paramètres interdépendants qui sont le
pH, la dureté et la teneur en dioxyde de carbone agressif.
- Le pH
Le pH d’une eau traduit son caractère acide ou basique. Elle sera acide (pH < 7) si elle
contient du dioxyde de carbone libre, des acides minéraux ou organiques. Elle sera basique si elle
contient des carbonates (CO32–), des bicarbonates (HCO3–) ou des ions hydroxyles OH–. Une eau en
contact avec l’atmosphère va dissoudre du gaz carbonique de l’air. Une eau ultra pure en équilibre
avec l’air a un pH = 5,63.
- La dureté
La dureté peut être définie par le titre ou degré hydrotimétrique TH qui correspond à la
somme des concentrations en cations métalliques, à l’exception de ceux de l’hydrogène et des
métaux alcalins. La dureté peut être définie également par le titre alcalimétrique complet (TAC)
qui indique la teneur en hydroxydes libres (OH–), carbonates (CO32–) et bicarbonates (HCO3–)
alcalins ou alcalino-terreux.
- Le dioxyde de carbone
Le dioxyde de carbone agressif représente une partie du dioxyde de carbone dissous dans
toute eau naturelle.

1.2. Eaux pures et eaux douces : Dissolution essentiellement


Dans la pratique, les attaques se réduisent le plus souvent à une érosion superficielle
millimétrique du béton. Elles peuvent également se manifester sous formes d’efflorescences
inesthétiques sur les parements.
La portlandite est l’hydrate le plus soluble. Sa solubilité, diminue quand la température
augmente. Viennent ensuite, dans l’ordre décroissant des solubilités, les C-S-H, le
monosulfoaluminate puis l’ettringite.
Le lessivage des ions calcium se manifeste souvent visuellement, par la formation de
concrétions, de stalactites, de coulures ou d’efflorescences blanchâtres. Ces formations sont dues
à la précipitation, à la surface du béton, de carbonate de calcium à partir de la solution percolante
riche en calcium venue au contact du CO2 atmosphérique.
Lorsque l’eau est chargée en dioxyde de carbone agressif, le processus de dégradation se
déroule selon un mécanisme de dissolution/précipitation : l’eau amenée à percoler à travers le
béton se sature progressivement en bicarbonates en raison de la dissolution de la portlandite et, à
un degré moindre, des C-SH :
Ca(HCO3)2 + Ca(OH)2 → 2CaCO3 + 2H2O

La précipitation de carbonate de calcium (CaCO3) permet à nouveau la formation de


bicarbonate (Ca(HCO3)2) et le cycle lixiviation de la chaux, formation de bicarbonates, précipitation
de carbonates se répète, théoriquement jusqu’à épuisement de la chaux :

CaCO3 + CO2 + H2O → Ca(HCO3)2


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Ainsi, les ciments sont d’autant plus résistants à l’attaque par les eaux douces qu’ils sont
moins riches en chaux. C’est le cas des ciments contenant des constituants minéraux tels que les
laitiers, les cendres silico-alumineuses, les pouzzolanes naturelles, les fumées de silice, dont
l’hydratation libère peu de portlandite et produit des C-S-H abondants de rapports molaires
CaO/SiO2 plus faibles.

Important : L’agressivité des eaux naturelles dépend :


– du pH (compris entre 4 et 6,5 suivant les cas) ;
– de la teneur en dioxyde de carbone agressif ;
– de la dureté ou titre hydrotimétrique (principalement [Ca2+] + [Mg2+]) ;
– de la mobilité du milieu agressif.
Le processus d’altération correspond essentiellement à la lixiviation des ions Ca2+ de la
portlandite Ca(OH)2 et des silicates de calcium hydratés C-S-H (accompagnée de la dissolution plus
tardive des phases AFm et AFt). Il conduit à une augmentation de la porosité et, dans les cas les
plus graves, à la dégradation des propriétés mécaniques du matériau. Les critères de résistance à
l’agression par les eaux naturelles sont :
– la compacité du béton (perméabilité et diffusivité réduites) ;
– l’incorporation, aux ciments ou aux bétons, d’additions minérales (laitiers de haut-fourneau,
cendres silico-alumineuses, fumées de silice, pouzzolanes) qui abaissent la teneur en chaux et sont
favorables à l’accroissement de compacité du matériau.

1.3. Milieux acides : dissolution ou dissolution/précipitation


Le béton, matériau basique, est très sensible aux milieux acides avec lesquels il réagit
suivant la réaction bien connue : Base + Acide → Sel + Eau
La nocivité d’un acide dépend de la solubilité du sel qu’il forme lors de la réaction avec les
hydrates du ciment. Les attaques acides se font principalement suivant un mécanisme de
dissolution. Suivant le cas, le phénomène de dissolution peut être accompagné de la précipitation
du sel formé lors de la réaction base + acide si le sel est peu soluble. Ce sel peut avoir un effet
colmatant et ralentir les réactions de dissolution. Le produit final de dégradation par un acide
peut-être un gel de silice résultant de la décalcification totale des C-S-H qui, peut avoir un rôle
protecteur à la surface du béton et ralentir les réactions. Les conditions de transport de l’agent
agressif sont plus importantes que sa concentration.

- Les pluies acides, cas extrême des eaux douces


Les pluies dites « propres » ont généralement un pH compris entre 5,6 et 7. Elles n’ont pas
d’effets nocifs sur le béton. Par contre, les pluies dites « acides », dont le pH peut descendre
jusqu’à 4 et parfois moins, sont agressives. Ce type de pluies est en relation principalement avec la
pollution par les oxydes de soufre SOx d’origine industrielle ou domestique (combustion des
charbons, fiouls, carburants) qui représentent environ un tiers de tous les oxydes de soufre de
l’atmosphère. Le résultat est la formation d’acide sulfurique (H2SO4) très hygroscopique qui se
condense rapidement en gouttelettes susceptibles de contenir des métaux lourds (mercure,
plomb, argent, cadmium) et des sulfates (d’ammonium (NH4)2.SO4, de sodium). Les oxydes d’azote
NOx également présents se transforment en acide nitrique.
Les pluies acides peuvent provoquer des dégradations superficielles suivant des processus
plus ou moins complexes faisant entrer en jeu des phénomènes de dissolution dus aux acides
(sulfurique, nitrique, carbonique H2CO3) et d’expansion dus à la cristallisation de sels, tels que le
gypse (salissures des façades) ou l’ettringite.

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- En ce qui concerne les acides minéraux


Les acides chlorhydrique et nitrique, acides minéraux forts qui par réaction avec la chaux
du ciment donnent naissance respectivement, au chlorure de calcium CaCl2 et au nitrate de
calcium (NO3)2Ca, sels très solubles, sont très agressifs vis-à-vis des ciments Portland. L’acide
sulfurique H2SO4, formé, par exemple, lors de l’oxydation de l’hydrogène sulfuré (H2S) produit
dans les réseaux d’assainissement ou par condensation à partir du SO2 atmosphérique, est
doublement agressif par son acidité et par l’anion SO42– qui peut conduire à la formation de sels
expansifs tels que le gypse et l’ettringite. L’acide phosphorique H3PO4, qui entraîne la précipitation
de phosphates de calcium très peu solubles, est modérément agressif, mais provoque une
désintégration lente du béton.

- Les acides organiques


On les rencontre fréquemment dans les effluents rejetés par les industries chimiques
(fabriques d’engrais, papeteries, teintureries, tanneries…) et agroalimentaires (vinaigreries,
laiteries, fromageries, distilleries, conserveries, élevages…). Ils sont généralement moins agressifs
que les acides minéraux. Les mesures à prendre pour réduire les risques d’attaque par les acides,
sont les suivantes :
– bien identifier les risques : nature de(s) (l’)acide(s), concentrations, mode d’action (mobilité,
renouvellement, température…), actions extérieures (piétinement, abrasion…) ;
– utiliser des ciments à faible teneur en chaux, en particulier des ciments avec ajouts minéraux
consommateurs de chaux (laitiers, cendres volantes silico-alumineuses, pouzzolanes réactives,
fumées de silice).

1.4. Milieux sulfatiques : dissolution/précipitation/risques d’expansion


1.4.1. Considérations générales
L’action des sulfates sur le béton fait intervenir un certain nombre de phénomènes
physico-chimiques complexes, dépendant de nombreux paramètres (type de sulfate, type de
ciment, formule du béton, classe d’exposition…). Les réactions chimiques auxquelles elle conduit
ainsi que leurs conséquences physiques (augmentation de la porosité, expansion…), peuvent
provoquer des dégradations plus ou moins importantes. L’action des sulfates est généralement
considérée comme un risque sérieux.

1.4.2. Origine des sulfates


Les sulfates peuvent avoir différentes origines:
• ils peuvent provenir du régulateur de prise ajouté au ciment (gypse, hémi-hydrate, anhydrite),
des sulfates contenus dans le clinker : sulfates alcalins (arcanite K2SO4, aphtitalite K3Na(SO4)2,
langbeinite Ca2K2(SO4)3). La teneur en SO3 des ciments est limitée à 3,3 % ou 4 % selon la classe de
résistance du ciment. Sauf dans le cas, très spécifique, de formation différée d’ettringite, les
sulfates contenus dans le ciment n’ont pas d’effet nocif ;
• ils peuvent également provenir de l’utilisation de granulats pollués par des sulfates d’origine
naturelle ou artificielle (gypse, plâtre, anhydrite ou encore pyrites). Pour les bétons d’ouvrages
d’art et de bâtiment, on limite à 0,4 % exprimée en soufre ou 0,8 % exprimée en SO3;
• ils peuvent venir du milieu extérieur où ils se trouvent sous forme solide (sols gypseux), liquide
(eaux naturelles percolant à travers les sols et solutions plus ou moins concentrées d’origine
diverses), ou gazeuse (pollution atmosphérique par le SO2) :

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– dans les sols où ils constituent un élément nutritif des plantes, leur concentration moyenne est
comprise entre 0,01 % et 0,05 % en masse de sol sec. Des concentrations beaucoup plus
importantes (> 5 %) peuvent se rencontrer dans les sols contenant du gypse CaSO 4.2H2O ou de
l’anhydrite CaSO4. La décomposition biologique aérobie des matières organiques et l’utilisation
d’engrais sont également une source possible de sulfates. Le sulfate d’ammonium SO 4(NH4)2,
provenant des engrais, est particulièrement agressif. Les sols peuvent parfois contenir des sulfures
de fer (pyrites) qui, par oxydation, peuvent donner naissance à l’acide sulfurique H 2SO4, puis au
gypse s’ils sont en contact de carbonate de calcium ou de chaux.
– les eaux d’infiltration peuvent se charger en ions SO42– au contact des sols ou des remblais
contenant des sulfates. Dans les environnements industriels, en raison de la pollution des sols, les
eaux d’infiltration peuvent avoir des concentrations en sulfates correspondant à des niveaux très
élevés d’agressivité,
– dans les environnements industriels et urbains, l’atmosphère peut contenir de l’anhydride
sulfureux SO2 provenant des gaz de combustion (charbon, carburants divers). En présence
d’humidité ces gaz sont susceptibles de s’oxyder pour donner de l’acide sulfurique très agressif.
Leurs effets nocifs se manifestent tout particulièrement sous forme de salissures sur les façades et
les parements où la réaction de l’acide sulfurique avec la chaux ou les carbonates de calcium
conduit à la formation d’incrustations de gypse englobant les poussières en suspension dans l’air.
– les fermentations anaérobies qui se produisent dans les ouvrages d’assainissement conduisent
également à la formation d’acide sulfurique à partir de l’hydrogène sulfuré dégagé.

2. MODES D’ACTION DES ATTAQUES CHIMIQUES


2.1. Deux processus majeurs associés : dissolution et précipitation
Deux processus majeurs sont mis en jeu lors des attaques chimiques du béton :
– dissolution et hydrolyse des composés hydratés ;
– précipitation de composés pouvant avoir un caractère nocif ou non.
En ce qui concerne le béton, on parle plus généralement de lixiviation qui est une
opération qui consiste à faire passer lentement un solvant à travers un matériau en couche
épaisse afin d’en extraire un ou plusieurs constituants solubles. C’est le terme souvent employé
pour décrire le phénomène d’extraction progressive des ions calcium (dissolution de Ca(OH)2 et
décalcification des C-S-H) lors de la percolation des solutions agressives dans le béton. Le terme de
« lessivage » parfois employé, a un sens analogue.
Les composés précipités peuvent être nocifs ou non vis-à-vis de la durabilité du béton. À
titre d’exemple, la précipitation du carbonate de calcium CaCO3, due à l’action de l’acide
carbonique sur les composés calciques du béton Ca(OH)2 et C-S-H, réduit la porosité de la peau du
béton et peut constituer une barrière plus ou moins protectrice vis-à-vis de la pénétration des
substances agressives dans le matériau. En revanche la précipitation tardive d’ettringite dans
certaines conditions spécifiques peut s’avérer nocive par le gonflement qu’elle entraîne. La
précipitation de cette même ettringite formée aux premiers stades de l’hydratation par la réaction
du sulfate de calcium, régulateur de prise, avec l’aluminate tricalcique du ciment, est parfaitement
inoffensive.

2.2. Conséquences générales


La dissolution des hydrates, accompagnée ou non de la précipitation de composés
nouveaux, a deux effets majeurs :

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– d’une part, un accroissement de la porosité du béton qui a pour conséquence une


augmentation de sa perméabilité et de sa diffusivité. L’augmentation de porosité se traduit
également par une dégradation plus ou moins importante des caractéristiques mécaniques :
module d’Young, résistances ;
– d’autre part, selon la nature, la solubilité et les conditions de précipitation des composés
néoformés, un gonflement et une fissuration plus ou moins importants du matériau : ce qui peut
être le cas, par exemple, de l’ettringite due à une agression par des sulfates d’origine externe.
Dans certains cas, la solubilité du composé néoformé est telle que seul le phénomène de
dissolution est à prendre en compte : la réaction de certains acides forts du type HCl avec Ca(OH) 2
qui conduit ici à la formation de CaCl2, sel très soluble sans effet intrinsèque sur le béton (excepté
les effets de l’ion Cl- sur la corrosion des aciers), en est une illustration. Toutefois, à la faveur des
cycles climatiques d’humidification et séchage subis par le béton, certains sels très solubles, tels
que NaCl en milieu marin ou industriel, peuvent cristalliser dans les premiers millimètres et
entraîner la desquamation du matériau.
La dissolution des hydrates et la précipitation de produits nocifs peuvent conduire à des
dégradations du béton dont les conséquences peuvent être uniquement esthétiques mais qui
peuvent parfois mettre en péril la stabilité mécanique de l’ouvrage. Les actions chimiques sont
couplées aux actions environnementales ainsi qu’aux contraintes mécaniques liées au
fonctionnement de l’ouvrage.

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