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La religion dans la société française contemporaine

En France, au XXème siècle, la question religieuse a été grandement apaisée par l’instauration d’une séparation
de l’Eglise et de l’Etat. Cette mesure visait à mettre un terme aux conflits motivés par des considérations
religieuses. Il y a eu, d’une part les conflits (voire des guerres) entre les religions, mais aussi des conflits entre
les catholiques et les partisans d’un régime démocratique.

Quel est le principe de cette séparation ? Il consiste à distinguer un espace publique (politique où les citoyens
confrontent leur point de vue et adoptent des lois et cet espace est soustrait à l’influence de toute religion, il
est neutre) et un espace privé (les citoyens sont libres, dans les limites fixées par la loi, d’adhérer à certaines
religions, de croire en certaines croyances et de pratiquer certains rites). Cette solution présente l’avantage de
combiner la liberté religieuse et l’égalité des citoyens. Au départ, elle a suscité de très vives réactions, de
violences et de tensions, mais par la suite, elle a permis un traitement pacifié de la question religieuse dans les
années 80 autour de deux types de question : sur le statut juridique de la religion avec certaines notions
comme : religion ou secte ? Le droit au blasphème ? Ou alors la prise de position de groupe religieux sur la
politique avec des formes extrêmes avec par exemple le terrorisme de groupe se réclamant de telle ou telle
religion, ou avec des formes plus modérées à travers des manifestations (sur l’avortement ou sur le mariage
homosexuel). Donc, il apparait que les questions religieuses sont en train de redevenir un problème pour
l’intégration de la société française contemporaine.

I. Une entreprise délicate : la définition de la religion


A) Les insuffisances de l’étymologie

L’étymologie est insuffisante pour définir la religion pour deux raisons :

 Il y a eu des religions dans des sociétés où ce terme n’existe pas pour deux raisons :
 Triviale : il y a des religions qui se situe en dehors de la sphère du latin.
 Parce qu’il y a des sociétés où il n’y a aucun équivalent du terme « religion ».
 Même si on se limite à la sphère d’influence du latin, il y a un débat entre les linguistes pour savoir de
quel terme latin vient le mot « religion ». Il y a deux possibilités :
 La plus connue : « Religare » qui signifie relier, rassembler. Dans cette perspective, la religion
c’est ce qui relier les Hommes à Dieu.
 Depuis le XXème siècle, défendue par Benveniste : « Religere » qui signifie soit recueillir soir
accomplir avec minutie. Selon cette seconde hypothèse, on insiste sur les rituels et les
traditions de la religion qui seraient conformés à une tradition issue du passé.

L’étymologie ne permet pas de définir la religion. Ce qui a ouvert un débat entre les philosophes et les
sociologues.

B) Les apports du débat théorique

Ce débat oppose deux approches :

 Substantive : elle cherche à définir les religions par leur substance, c'est-à-dire leur contenu, elle
considérée que les religions ont le point commun de faire la distinction entre deux mondes. Cette
approche est la plus répandue. Cependant, cette approche peut être critiquée pour deux raisons :
cette distinction entre deux n’existent pas dans toutes les cultures ; cette approche obligerait à
négliger certains phénomènes qui connaissent un grand développement aujourd’hui et qui relève
peut-être d’un même ressort d’explication des croyances religieuses. Donc, elle peut paraitre trop
réductrice.
 Fonctionnaliste : elle définit la religion par sa fonction c'est-à-dire par son utilité. A l’intérieure de
cette approche, il y a deux grandes famille : ceux qui voient en la religion une instance de liens sociaux,
et ceux qui y voient les réponses aux préoccupations des gens. Ces approches ont-elles aussi été
critiquées parce qu’elles sont trop larges : les fonctions attribuées par la religion peuvent être remplies
par des phénomènes non religieux.

Le débat entre ces deux approches a été temporairement réglé par le sociologue Yves Lambert qui a proposé
une solution assez originale mais aussi complexe. Il définit la religion par trois critères de plus en plus restrictifs
et de moins en moins obligatoire. On peut définir la religion seulement par le premier critère, ou par le premier
et le deuxième, ou encore par les trois, mais on ne peut pas avec juste le deuxième, juste le troisième, le
premier et le troisième, ni avec le deuxième et le troisième. Quels sont ces critères ? :

 La croyance de l’existence d’une réalité supra-empirique. Selon lui, la croyance a une réalité supra-
empirique lorsqu’on croit à des phénomènes qui n’ont pas été démontrés scientifiquement. Ce critère
peut s’appliquer à toutes les religions.
 La possibilité d’établir une relation avec cette réalité supra-empirique. Si on retient ce deuxième
critère, l’astrologie n’est plus une religion, cependant le spiritisme est une religion, ainsi que la
sorcellerie.
 L’existence de manifestation collectives traditionnelles héritées du passé (des rituels, ex : la messe, la
prière du vendredi, etc.)

Si on retient ces trois critère, ce que l’on entend par religion se limite aux grandes religions établies. Au bout du
compte, Yves Lambert établit une définition de la religion avec ces trois critères : « un système de croyances et
de pratiques se rapportant à des réalités (être(s), entité(s), force(s)) supra-empirique en relation avec l’Homme
par des moyens symboliques (prières, rites, méditation) et donnant lieu à des formes communautaire. »

Cette définition générale peut être complétée par deux remarques :

 En sociologie, la définition de la secte est très étroite et restrictive. Une secte, c’est uniquement un
groupe séparé d’une religion institutionnelle. Pour les sociologues, ce que le langage courant appelle
« secte », ce sont seulement des groupes religieux minoritaires.
 La religion et le sacré : pendant l’Ancien Régime, il y a une identification du sacré au religieux. Cette
identification n’existe plus pour deux raisons :
 La sphère du sacré englobe tout ce qui est intouchable et vraiment très important (ex : les
Droits de l’Homme).
 Le religieux n’est plus considéré comme sacré, il peut être moqué, caricaturé… Il reste sacré
pour quelques individus mais pas pour tout le monde.

II. Les tendances de l’évolution religieuse dans les sociétés occidentales


A) Un supposé déclin de la pratique du christianisme

L’idée générale, c’est qu’il y a globalement un déclin du christianisme, mais il est plus ou moins marqué selon
les pays, cependant il n’a pas disparu et surtout son déclin s’accompagne de l’émergence de nouvelles
croyances religieuses.

Ce déclin apparait en combinant différents indicateurs :


 L’appartenance religieuse est partout en recul.
 La religion est plus fréquemment considérée comme une source de fort réconfort
 La pratique religieuse régulière diminue à peu près partout.
 L’adhésion aux croyances chrétiennes tend à se relâcher.

Ce recul du christianisme doit être nuancé pour au moins trois raisons :

 Ces phénomènes sont plus ou moins marqués dans les différents pays. Ce déclin est particulièrement
marqué dans des pays comme la France, la Belgique, les Pays Bas et le Royaume Uni. Ex : En France, au
cours des 30 dernières années, l’appartenance religieuse est passée de 73% à 50%, la pratique
régulière est passée de 19% à 10%. Cependant, il y a des pays où ce déclin est beaucoup moins net, en
particulier l’Irlande et l’Italie.
 Ce déclin affecte les pays qui se trouvaient à des niveaux de religiosité différents. Donc le niveau
d’appartenance religieuse peut rester très élevé dans certains pays.
 Dans tous les pays occidentaux, il reste une partie de la population qui relève de ce que Yves Lambert
appelle le « christianisme confessant », c'est-à-dire environ 10% de la population croit avec foi à un
Dieu personnel et pratique sa religion régulièrement.

Ce déclin, en dépit de ces nuances est indubitable. Il apparait dans une large mesure comme un phénomène
générationnel dans la mesure où chaque nouvelle génération est moins chrétienne que la précédente. C’est
particulièrement flagrant si on compare les croyances et les pratiques des 18-24 ans à celles des 60 ans et plus.
Les 18-24 ans se disent moins religieux, accordent moins d’importance à la religion et pratiquent beaucoup
moins que les 60 ans et plus. Les écarts entre ces deux groupes vont de 20 à 30 points. Pour autant, les jeunes
générations ne se détachent pas complètement de la religion, car si le nombre de chrétien baisse, le nombre
d’athée est stable, ce qui progresse en revanche, c’est l’indifférence à l’égard des religions institutionnelles
(c'est-à-dire l’agnosticisme). Les 18-24 ans gardent des croyances religieuses, il y a des croyances chrétiennes
qui restent populaires chez les jeunes, ex : la vie après la mort est aussi forte chez les 18-24 ans que chez les 60
ans et plus. On observe chez les jeunes un progression des croyances parallèle : selon Yves Lambert, il y a des
croyances religieuses qui sont plus forte chez les 18-24 ans que chez les 60 ans et plus ; c’est le pour la
croyance en l’influence de l’horoscope (27% des jeunes y croient), pour la croyance aux portes bonheurs (33% y
croient), pour la croyance en la voyance (40% y croient) et pour la croyance aux miracles (47% y croient).

Il y a donc une érosion de l’intégration chrétienne (variable selon les pays, qui se fait plus au profit de
l’indifférence que de l’athéisme, et elle s’accompagne par la progression de croyance « parallèle ».

B) Les ambivalences de la modernité quant à la religion

Karl Jaspers dit que, dans l’Histoire, il y a des « tournants axiaux », c'est-à-dire des moments où l’Histoire repart
sur des nouvelles bases. Selon lui, il y en a eu trois grands :

 Le néolithique
 L’émergence de la religion universaliste et de la philosophie
 La modernité qui s’affirme en Europe au cours du XVIIIème siècle. Et selon Jaspers, elle présente quatre
caractéristiques qui a des effets négatifs mais aussi des effets positifs :
 La valorisation de la société : il y a un grand effet négatif : elle a brisé le monopôle
d’explication du monde des différentes religions. La science a montré que certains « miracle »
peuvent s’expliquer de façon naturelle. Mais, en même temps, elle a eu des effets positifs, car
la science ne répond pas à toutes les questions et donc elle est obligée de céder la place à un
discours religieux. Les progrès scientifiques donnent lieu à des débats éthiques et morals, et
les religions peuvent contribuer à ces débats (ex : l’avortement). D’autre part, certains
groupes religieux se présentent comme des scientifiques (ex : les astrologues, les
scientologues).
 La valorisation de la liberté individuelle : c’est la liberté de se détacher aux croyances héritées
du passé, on peut abandonner la religion, c’est l’effet négatif. Cependant, la liberté
individuelle c’est aussi la liberté de croire, de former ses propres croyances, c’est donc la
possibilité de se composer une religion « à la carte ».
 La recherche du bonheur terrestre : l’effet négatif, ici, est assez clair : les individus ont de
moins en moins envie de se soumettre à des normes religieuses si c’est désagréable
aujourd’hui et si la seule compensation doit être post-mortem. Il y a deux effets positifs : il y
a, d’une part, des croyance agréables auxquelles ont a envie d’adhérer. Et d’autre part, les
groupes religieux remplissent d’autres fonction que les fonctions religieuses (activités pour
les jeunes le week-end, clubs sportifs, clubs de rencontres).
 La mondialisation : l’effet négatif c’est l’effet de relativisation car les religions abordent à peu
près toutes les mêmes questions mais n’y apportent pas les mêmes réponses, et la
mondialisation a favorisé une prise de conscience de l’extrême diversité de discours religieux
et cette prise de conscience s’est accompagné d’une prise de distance critique à l’égard des
religions. Les deux effets positifs : la mondialisation a favorisé les dialogues entre les religions
ou les empreints des différentes religions. Ce mécanisme est mis en évidence par Freud, c’est
ce qu’il appelle « le narcissisme des petites différences » : plus les individus se ressemblent,
plus ils ont envie de se distinguer. Or la mondialisation a entrainé une uniformisation
culturelle, et une façon d’affirmer son identité c’est de se présenter comme quelqu’un de
religieux.

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