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Le contrôle de gestion de projet au Maroc: Quelles spécificités?

Hanaa BEL-LAHMAR
Université Abdelmalek Essaâdi
Tanger

Houdaifa AMEZIANE
Université Abdelmalek Essaâdi
Tanger

Résumé

Depuis quelques années et pour faire face à une forte instabilité environnementale, la façon de
gérer et de manager s'est trouvée confronter à une recherche de performance accrue qui s’est
traduite par la mise en place d'une gestion par projet au sein des entreprises, qui considèrent ce
style de management comme un levier de transformation et de croissance des organisations. En
effet, la gestion de projet devient de plus en plus le recours des entreprises pour atteindre un
avantage concurrentiel et un niveau avancé de performance, pour ce faire, la gestion par projet
croise et fait appel aux ressources des structures afin d'atteindre des objectifs de performance, en
utilisant le contrôle de gestion de projet comme outil principal et indispensable. Dans ce cadre le
contrôle de gestion de projet a pour but de prévoir, suivre, corriger, contrôler et surtout piloter la
performance avant, pendant et après la réalisation du projet. Quelles sont, alors, les spécificités
du contrôle de gestion de projet au Maroc ? Et quelles sont les pratiques de cette nouvelle
fonction?

Abstract

In order to cope with the high environmental instability nowadays, the way of managing is
designed to look up for greater performance that leads to the establishment of a project
management within companies, who consider this style of management as a lever for
organizations change and growth. Indeed, for companies and organizations, project management
becomes the key to achieve a competitive advantage and an advanced level of performance. To
do so, the project management requires the structure resources to achieve performing targets,
using control project management as the main and essential tool. In this context, the management
control project aims to plan, follow, correct, monitor and especially manage the performance
before, during and after the project. What are then the specificities of the management control
project in Morocco? And what are the practices of this new function?

1
Introduction

Au Maroc, la gestion par projet prend de plus en plus de l’importance dans les styles de
management, partant des projets multiples adoptés par les entreprises : les projets d’installation
des nouveaux systèmes d’information dans la quasi-totalité des entreprises, les lancements des
nouveaux produits dans tous les domaines (télécoms, biens de consommation courante…), la
construction des bâtiments et des programmes sociaux d’habitation par les sociétés de
construction… arrivant aux grands projets nationaux entrepris à l’échelle nationale: par exemple,
le projet du Train Grande Vitesse, le projet de la construction du port Tanger Méditerranéen, le
plus grand projet de l’opération Tanger Métropole, une initiative d’envergure qui apportera un
fort progrès pour la région du Nord et garantira un avenir radieux pour l’économie marocaine.

Il paraît clair que la gestion de projet devient le recours des entreprises et organisations pour
atteindre un avantage concurrentiel et un niveau avancé de performance, en effet, c’est un
management transversal, dans lequel une équipe projet, pilotée par un directeur de projet, croise
et fait appel aux ressources des structures afin d'atteindre des objectifs de performance, en
utilisant le contrôle de gestion de projet comme outil principal et indispensable.

Appelé, auparavant « coûtenance » et puis « pilotage de projet », le contrôle de gestion de projet


fait aujourd’hui partie intégrante de la gestion des projets. Il s’agit d’un nouveau visage du
contrôle de gestion. Adapté à la gestion de projet, c’est un concept d’actualité de plus en plus
adopté par les entreprises au niveau mondial (on parle maintenant d’un poste de contrôleur de
gestion projet au sein des structures organisationnelles), et qui a pour but de prévoir, suivre,
corriger, contrôler et surtout piloter la performance dans un mode aussi stressant que contraignant
que le projet représente.

L’objectif de cet article est, d’une part, de faire un aperçu de revue de littérature de la nouvelle
fonction de contrôle de gestion de projet, comment elle a vu le jour, quels sont ses outils et ses
démarches. D’autre part, d’explorer les spécificités de cette discipline au Maroc, d’étudier ses
principaux outils et de mettre en évidence ses difficultés de mise en place.

2
1. Le contrôle de gestion de projet : historique, définition, démarche et
outils
1.1. Bref aperçu historique de la genèse du contrôle de gestion de projet

Le contrôle de gestion de projet est apparu suite à deux évènements marquants dans les sciences
de gestion, à savoir : le développement des pratiques de la gestion de projet, et la spécialisation
de la fonction de contrôle de gestion.

1.1.1. L’évolution du management de projet

L’institutionnalisation du domaine de management de projet voit le jour aux Etats Unis, avec la
création des organismes tels que le PMI, l’AFITEP et l’AFNOR. Ces organismes ont développé
cette discipline à travers la création et la réalisation de grands projets nationaux d’infrastructures
destinés à soutenir une économie fragilisée. Ils ont fourni au management de projet des outils
jugés réussis à l’époque tels que : le Pert pour ordonnancement des projets, le Gantt pour
planification des tâches d’un projet et de coûtenance, en tant qu’outil de contrôle de gestion de
projet ayant pour objectif le pilotage des écarts du budget des projets par rapport à son planning
prévisionnel1.

Avec la rationalisation des pratiques projets, des modèles théoriques de travail ont vu le jour
regroupant chacun un ensemble de méthodes et des outils de travail pour répondre à un objectif
donné avec des contraintes préalablement définies. Parallèlement, le système de contrôle de
gestion des projets, a aussi évolué, pour accompagner ces modèles théoriques de gestion de
projet, en intégrant de nouveaux paramètres et de nouvelles variables pour mieux piloter la
performance globale des projets menés par les entreprises.

En effet, avec l’utilisation du modèle séquentiel, l’objectif des entreprises était l’intégration des
acteurs extérieurs du projet notamment le client, en exigeant ainsi, une performance qualité
exemplaire que l’outil de contrôle de gestion devait piloter en plus de celle du coût, d’où le terme
du pilotage de projet. Le pilotage de projet mobilise des outils et méthodes pour garantir à
l’entreprise une performance en termes de coût, de délai et de qualité. On assiste ainsi à
l’institutionnalisation du contrôle de gestion de projet au sein des organisations en instaurant

3
d’une division de travail à part entière, qui a pour objectif de doter les acteurs d’outils de
planification, de budgétisation, d’estimation des coûts, de pilotage qualité, de suivi et de contrôle
d’indicateurs pertinents de performance.

Le modèle de l’ingénierie concourante est venu améliorer les limites du modèle séquentiel, en
apportant de nouveaux paramètres comme la réactivité et l’importance de la rapidité des projets,
ainsi que l’intégration des autres variables environnementales et contextuels du projet. On assiste
à une révolution du management de projet suite à ce modèle, depuis, l’adoption du management
de projet comme mode d’organisation atteint son apogée2.

Après le modèle concourant, la gestion de projet a connu l’émergence des méthodes agiles qui
ont révolutionné les pratiques de la gestion de projet et ont contribué au renouvellement des
facteurs clés de succès des projets. On ne parle plus de la gestion des délais, le respect des
budgets, la garantie de la qualité et la satisfaction du client pour réussir son projet, mais on
intègre d’autres facteurs de réussite du projet, notamment, l’esprit collaboratif, la communication,
l’acceptation du changement… des variables qualitatives que les études ont confirmé facteurs
d’échec/réussite de projet.

1.1.2. L’évolution de la fonction contrôle de gestion

Le contrôle de gestion, comme tout processus managérial, n’en finit pas d’évoluer, de se
transformer, de se complexifier et au final de se différencier 3.

La profession de contrôleur de gestion est passée, tout au long du XX° siècle, par différente
phases. Dans un premier temps, dans les années 1920, la fonction est centralisée et a pour finalité
de concevoir et de calculer les coûts et les écarts dans l’entreprise taylorienne bureaucratique 4. Le
processus de contrôle de gestion est apparu avec les calculs des coûts et il s’est développé via la
gestion budgétaire dans les années 1930.

L’accroissement de la taille des entreprises dans les années 1950 – 1960 a conduit, dans un
deuxième temps, à l’utilisation des tableaux de bord et à définir les domaines d’intervention du

4
contrôle de gestion et des activités des contrôleurs de la deuxième moitié du siècle. Malgré
l’apparition, à cette période, de résistances à la mise en place de ces systèmes, les deux décennies
suivantes ont été marquées par une maturation. Cette dernière se caractérise par une
décentralisation du contrôle de gestion au sein des centres de responsabilités. Les contrôleurs de
gestion sortent alors, à cette époque, de leur tour d’ivoire et exercent non seulement des activités
traditionnelles de traitement et de diffusion de l’information mais également des activités
relationnelles de conseil. Enfin dans les années 1990, la transformation de l’environnement
économique et donc des entreprises met en lumière l’importance de la coordination entre les
centres de responsabilité. Ces nouvelles contraintes de qualité de la coordination plongent les
systèmes de contrôle de gestion dans une situation de crise dans la mesure où, jusqu’alors, ils les
ont largement occultés. La sortie de crise a été impulsée par l’apparition de nouveaux outils et par
les activités de médiation des contrôleurs de gestion qui facilitent la coordination entre les
acteurs, les services, et les niveaux hiérarchiques de l’entreprise.

Le début des années 2000, a été marqué par les demandes d’adaptation de la profession du
contrôle de gestion aux réalités du terrain et aux spécificités de l’entreprise conduisant les
contrôleurs de gestion à se rapprocher des utilisateurs et à se spécialiser. Ils peuvent ainsi se
mettre à la disposition de ces derniers en adaptant leurs outils et leurs pratiques aux besoins de
chacun. Cette orientation passe nécessairement par des activités relationnelles de formation aux
outils et de conseil dans le pilotage des centres de responsabilités décentralisés.

La difficulté qu’on trouve à nos jours au niveau de la profession de contrôle de gestion c’est le
dilemme de la spécialisation du contrôle de gestion au sein des entreprises. Vu les évolutions du
contexte des entreprises, le défi pour les contrôleurs de gestion est de trouver un équilibre entre
centralisation et décentralisation de leurs activités. La fonction ne peut diluer dans chacune des
fonctions des entreprises et perdre son rôle de coordination de la performance globale. De même,
elle ne peut constituer exclusivement un satellite de la direction financière ou de la direction
générale pour satisfaire les demandes informationnelles des actionnaires. L’entreprise ne pouvant
s’affranchir de l’une de ces deux missions pour la fonction de contrôle de gestion, mais il est
primordial que les contrôleurs de gestion ne perdent pas de vue l’importance de chacune d’entre
elles.

5
1.1.3. Les nouveaux visages du contrôle de gestion : le contrôle de gestion de projet

Malgré ce dilemme que présente la fonction de contrôle de gestion actuelle, il existe une tendance
de spécialisation des pratiques de contrôle de gestion au sein des organisations actuelles. On
donne plusieurs visages pour le contrôleur de gestion : On parle de contrôleur de gestion SI qui a
pour mission la planification stratégique opérationnelle en couvrant le périmètre informatique, de
contrôleur de gestion commercial qui pour mission l’orientation et le suivi de la stratégie
commerciale de l’entreprise, de contrôleur de gestion RH ou social qui se charge de la gestion de
la masse salariale et des racines de performance de l’entreprise… et on parle aussi de contrôleur
de gestion de projet.

En tant qu’accompagnateur du projet, et responsable du pilotage de performance de projet, les


missions du contrôleur de gestion de projet ont évolué suite à l’évolution des exigences de la
gestion de projet. Il ne s’agit plus désormais d’un simple pilotage des coûts et budgets
(coûtenance) ou d’un suivi des plannings projet et des indicateurs qualité. Le contrôleur de
gestion est amené à avoir : d’une part, des compétences techniques dites « hard » de gestion
notamment les outils de calcul de coûts, d’ordonnancement et de planification, de suivi et de
reporting projet. Et d’autre part, des compétences interpersonnelles et qualitatives, pour répondre
aux exigences du projet en termes de communication, de coordination, de gestion des conflits, de
conduite de changement… En effet, en tant que responsable de la performance globale du projet,
le contrôleur de gestion de projet est chargé d’élaborer des indicateurs de suivi de ces variables
qualitatives et de fournir des outils nécessaires pour les maîtriser et garantir une meilleure
performance et qualité du projet.

1.2. Le contrôle de gestion de projet : Définition, démarche et outils


1.2.1. Le contrôle de gestion de projet : Un essai de définition

Avant de nous lancer dans la définition du contrôle de gestion de projet, il paraît judicieux de
mettre en évidence les points de divergence entre contrôle de gestion de projet et contrôle de
gestion classique.

 Le contrôle de gestion de projet face au contrôle de gestion classique :

6
Le contrôle de projet s’adapte à la nature du projet. Le contrôle de gestion rend compte d'une
période donnée:

- Le projet s'inscrit dans le temps, le contrôle de gestion dans la permanence. Pour Anthony
R.N., « le projet est un ensemble d’activités décidées en vue d’accomplir un résultat précis
suffisamment important pour concerner la direction 5».

- Le contrôle de gestion est temporel ; il rend compte d'une période donnée. Il exprime une
performance dans un laps de temps précis. Le contrôle de projet, dans le cadre d'un arbitrage
coût, délai et qualité atteste d'une performance dans l'atteinte d'un objectif donné. 6

- Des ressources propres pour des objectifs donnés : Le projet dispose de ressources, d'une
organisation et d'un mode de pilotage propre. Dans certains cas, l'organisation projet se surajoute
à une organisation fonctionnelle existante. Le système de pilotage du projet se surajoute à un
contrôle de gestion classique 7.

- Répétitivité, temporalité et pilotage

 Répétitivité : L'objet du projet, contrairement aux activités permanentes n'est pas répétitif.

 Temporalité : Le projet peut durer plusieurs années comme quelques jours. Inversement, le
cycle d'exploitation d'une industrie de série pour des activités permanentes est plutôt d'une année.

 Pilotage : On pilote un projet par phases et par tâches. On pilote une des activités
permanentes par indicateurs volumiques ou non.

 Définition du contrôle de gestion de projet :

Le contrôle de gestion de projet est l’ensemble des activités, méthodes et outils, qui permettent la
planification, la réalisation, le suivi, et le contrôle de projet. Il est également responsable de la
performance globale du projet. Le contrôle de gestion de projet fait partie intégrante du pilotage
d’un projet. Il inclut :
- L’estimation des coûts du projet ;

7
- L’identification des processus de comptabilité et de contrôle de gestion de l’entreprise sur
lesquels le reporting financier du projet s’appuiera ;
- Le compte de résultat du projet et son processus d’élaboration (identification du processus
de valorisation des coûts, définition des types de coûts : directs, indirects, variables, fixes,
…).
- L’élaboration de la procédure budgétaire du projet ;
- L’élaboration des tableaux de bord nécessaires pour le suivi du projet ;
- L’élaboration des indicateurs pertinents de toutes les variables pouvant influencer la
réussite du projet ;
- La maîtrise de la communication et la coordination entre les différents acteurs et parties
prenantes du projet…

1.2.2. Le contrôle de gestion de projet : Démarche et outils

Sur un plan pratique, le contrôle de gestion de projet contient trois étapes : l’évaluation des
projets, (critères de sélection des projets), puis la planification des projets (méthodes
d’ordonnancement et d’estimation des coûts engendrés par le projet) et enfin l’étape de suivi et
contrôle (tableaux de bord et reporting). Chaque étape mobilise des outils spécifiques et
méthodes de gestion différentes.

 L’évaluation des projets :

Afin d’émettre qu’un projet est acceptable, celui-ci doit être évalué. Pour ce faire, diverses
techniques d’analyse des projets peuvent être appliquées (Les critères d’évaluation des projets
requérir adaptant au choix entre des alternatives de projet.)

Nous présenterons donc, ci-dessous, les critères les plus connus ou les plus utilisés dans
l’évaluation du projet.

- Le Ratio Avantage Coût (RAC) : Pour qu’un projet soit acceptable, la valeur escomptée de
ses bénéfices devrait dépasser la valeur escomptée de ses coûts. Le ratio avantage coût d’un
projet ne dépendra pas uniquement des effets estimés du projet, mais en plus, du taux auquel ils
sont escomptés. C’est un outil d’aide à la décision qui permet d’évaluer l’intérêt pour la société
d’un projet, programme ou réglementation.

8
- La Valeur Actuelle Nette (VAN) : elle indique l’étendue à laquelle un projet peut revaloir
toutes ressources au taux d’escompte donné, et générer encore un surplus supplémentaire. Il
mesure comment le surplus accroîtra en choisissant un projet particulier plutôt que les projets
alternatifs disponibles. Il résulte que la VAN est le critère le plus sûr pour évaluer les projets.La
valeur actuelle nette mesure à partir d'informations comptables si l'investissement peut réaliser les
objectifs attendus des apporteurs de capitaux. Une VAN positive indique que l'investissement
peut être entrepris. ; Mais si elle devient négative, il faudra attendre ou s'abstenir.

- Le Taux de Rendement Interne (TRI) : On définit le taux de rendement interne (TRI)


comme le taux d’actualisation qui rend la VAN d’un projet égal à zéro. Il constitue une mesure
utile et très répandue en finance. Le critère du TRI suggère que les sociétés acceptent tout
investissement présentant un TRI supérieur au coût d’option du capital ; interprété
convenablement, ce critère se montre absolument correct. Le TRI est un outil de décision à
l’investissement. Un projet d'investissement ne sera généralement retenu que si son TRI
prévisible est suffisamment supérieur au taux bancaire, pour tenir compte notamment de la prime
de risque propre au type de projet.

On trouve aussi, la méthode d’évaluation de la rentabilité financière, la méthode de valeur


actuelle ajustée et l’approche par théorie des options. Ces méthodes de contrôle de gestion de
projet précises et minutieuses basées sur la rentabilité, les avantages, les marges et les bénéfices,
sont toutes des outils qui permettent à l’entreprise de faire un choix rationnel du projet le plus
performant « économiquement » possible.

 La planification et l’estimation des coûts des projets :

L’objectif de l’estimation des coûts est de produire, en fonction de la phase d’avancement du


projet, des informations permettant d’établir le budget du projet. Les méthodes d’estimation du
projet retenues dépendent de la phase d’avancement du projet. En conséquence, le choix d’une
méthode d’estimation dépend du niveau d’information disponible.

9
Etudes initiales Etudes de Conception du Développement
faisabilité projet du projet
Catégorie du Budget « ordre de Budget Budget d’objectif Budget initial ou
budget grandeur » « préliminaire » contractuel
Méthode Méthode globale Méthode Méthode semi Méthode détaillée
d’estimation ou similitude modulaire détaillée
Niveau de 40% à 50% 25% à 30% 15% à 20% 5% à 10%
précision

- Méthode de similitude ou de prorata de capacité : Il s’agit d’une méthode globale qui


permet de fournir un budget de type « ordre de grandeur » et qui a pour avantage de
nécessiter peu d’information et d’être rapide à mettre en œuvre.
- Méthode modulaire : La mise en œuvre de cette méthode permet d’obtenir un budget
préliminaire utile pour étudier la faisabilité économique du projet et élaborer un plan de
financement.
- Méthode détaillée et semi détaillée : Ces méthodes reposent sur la définition des
différents postes constituant l’investissement. Cette définition repose sur l’explicitation :
 de la structure de décomposition des coûts (cost breakdown structure), elle- même
basée sur les tâches à accomplir pour réaliser le projet et les ressources
nécessaires (work breakdown structure) ;
 du « cost code » ou plan des comptes du projet qui est un système de classement
des coûts par catégories

1.3. Le tableau de bord projet comme outil de suivi et de contrôle de projet

Selon ALAZARD C. et SEPARI S. (2012) « Un tableau de bord est un ensemble d'indicateurs


organisés en système suivis par la même équipe ou le même responsable pour aider à décider, à
coordonner, à contrôler les actions d'un service. Le tableau de bord est un instrument de
communication et de décision qui permet au contrôleur de gestion d'attirer l'attention du
responsable sur les points clés de sa gestion afin de l'améliorer» 8

10
Le tableau de bord est un outil qui réponde mieux aux besoins d'un pilotage rapide, permanent
sur un ensemble de variables tant financières, quantitatives que qualitatives. Il contient des
indicateurs pertinents qui peuvent signaler l’apparition de risques pouvant affecter le
fonctionnement du projet. Ils peuvent également réduire le risque de réponses erronées en tant
qu’outil d’évaluation incorporant un rôle coordinateur.

1.4. Conclusion de la revue de littérature

Dans la revue de littérature, l'approche la plus classique du contrôle de gestion des projets est
économique : sa variante macro-économique s'intéresse à l'économie globale ou aux branches
d'activité tandis que sa variante micro-économique correspond à une approche financière du
choix des investissements. Elle repose sur un certain nombre de simplifications (rationalité,
quantification des données, contrôle des coûts essentiellement, …) et propose une série
d'instruments permettant de déterminer le choix optimal pour l'entreprise (valeur actuelle nette,
taux interne de rentabilité).

En effet, et comme il a été expliqué, le contrôle de gestion des projets met en place tous les
moyens et les outils pour maîtriser les différents aspects économiques et d’introduire la démarche
d’analyse au niveau des problèmes quotidiens rencontrés au cours du projet. Et c’est pour cette
raison, qu’il est de plus en plus utilisé par les entreprises qui adoptent la gestion de projet comme
levier de transformation de ses résultats pour une recherche d’une performance « économique »
accrue et optimale.

Il est très évident qu’on met toujours tout le focus sur l’aspect économique du pilotage des
projets, pour augmenter la marge et le bénéfice, et pour multiplier le profit… Mais que l’on est-il
des autres aspects du pilotage et de performance des projets à savoir l’aspect organisationnel,
humain, temporel, et même social et environnemental ?

Contrairement aux activités permanentes de l’entreprise, le projet a des caractéristiques


spécifiques qui impactent la performance de l’entreprise.

D’un côté, le projet fait appel à une gestion transversale faisant appel à des corps de métiers
différents, cette coopération inter-métiers engendre des conflits au sein de l’entreprise ce qui
impactent négativement la performance de celle-ci.

11
D’un autre côté, ayant une nature unique et innovante, chaque projet a ses propres
caractéristiques et objectifs, et nécessite par ailleurs, une étude spécifique et une gestion spéciale.
Ce qui exige de la part de l’entreprise : une formation préalable pour les différents acteurs du
projet dont le contrôleur de gestion, une communication en temps réel à chaque étape du projet,
et une coordination minutieuse entre le contrôleur de gestion de projet et les différents corps de
métier impliqués.

Outre des variables économiques et financières, le projet est résultat d’autres variables comme la
gestion des délais, la résolution des conflits, la formation en temps réel, la communication, la
coordination… etc.

La question qui se pose est la suivante : dans le cadre de son rôle de pilotage de la performance
des projets, le contrôle de gestion de projet s’intéresse-t-il réellement à ces aspects ? Que l’on est-
t-il du Maroc

2. Le contrôle de gestion de projet au Maroc : un état de l’art


2.1. Contexte international

- Selon une étude du Gartner Group(fondée en 1979, est une entreprise américaine de conseil et
de recherche dans le domaine des techniques avancées dont le siège social est situé à Stamford,
Connecticut. Elle mène des recherches, fournit des services de consultation, tient à jour
différentes statistiques et maintient un service de nouvelles spécialisées) seulement 16% des
projets respectent les délais et les budgets et 75% des projets aux États-Unis sont considérés
comme des échecs par ceux qui sont responsables de leur lancement. 9

Les causes d'échec ne résident pas seulement dans la sous-estimation des charges ou dans le
cadrage budgétaire défaillant mais l’échec des projets résulte aussi : des spécifications techniques
incomplètes ou imprécises, sous-estimation du temps et des délais, non résolution des conflits,
l’ambigüité de la charte et des objectifs du projet, des manques de ressources, de coordination ou
de communication. Il ne faut absolument pas oublier l'aspect humain et communication. Les gens
du groupe doivent adhérer à l'objectif du projet et s'y raccrocher tout le long du projet, pour ne

12
pas perdre le focus. De plus, il est nécessaire de communiquer, sous diverses formes, aux diverses
étapes du projet, même les gens indirectement concernés.

- Une étude de Valérie LEHMANN (Prof en management et technologie et Candidate au Ph.D. en


administration et chargée de cours, École des Hautes Etudes Commerciales de Montréal, Québec,
Canada) a montré que les directeurs de projet, rarement formés à la communication au travail,
appliquent des principes de communication hérités de modèles anciens. Alors que les nouvelles
théories de gestion et de communication présentent la communication comme une activité
stratégique pendant le processus de déroulement d’un projet. 10

Certes la communication peut ne pas avoir un impact direct sur la performance d’un projet mais,
communiquer avec l’équipe, l’informer à chaque étape du déroulement du projet, l’impliquer
dans les décisions chacun en ce qui le concerne, ne peut être qu’un facteur indispensable pour la
motivation de l’équipe projet et en conséquent un facteur pour accroitre la performance humaine
du projet.

2.2. Contexte marocain

Pour explorer la conceptualisation du contrôle de gestion de projet au Maroc, ses spécificités, ses
outils ainsi que ses obstacles ; nous avons fait une étude sur des entreprises installées au Maroc
qui adoptent la gestion de projet comme style de management.

L’étude concerne 40 entreprises, elle a été faite sous forme d’un questionnaire destiné aux
contrôleurs de gestion de projets et aux chefs de projet, et nous avons ressorti les statistiques
suivantes :

13
2.3. Informations générales de l’étude

- Les entreprises représentées : ventilation par chiffre d’affaires :

Ventilation par chiffre d'affaire

15% De 0,5 à 1 Md DH
45%
De 1 à 5 Md DH
40% Plus de 5 Md Dh

L’échantillon étudié contient de grandes structures ayant toutes un chiffre d’affaire qui dépasse
500 millions de dirhams, dont 45% dépassent un chiffre d’affaire qui dépassent 5 milliards de
dirhams au titre de l’année 2015.

- Profils des répondants :

Fonction des répondants Ancienneté des répondants


15% Contrôleur de 5%
gestion
Moins de 5ans
10% Resp financier
40% De 5 à 10 ans
75% 55%
Autres Plus de 10 ans

 75% des répondants sont directement liés au contrôle de gestion, les responsables
financiers et assimilés représentent 10% des répondants, et les autres (chef de projet,
responsable qualité…) représentent 15%.
 En termes d’année d’expérience, l’échantillon contient 55% des répondants ayant moins
de 5 ans et 40% entre 5 à 10 ans et 5% plus de 10 ans.

14
2.4. Contrôle de gestion de projet au Maroc :

- Conceptualisation de la fonction contrôle de gestion de projet :

Seulement 20% des entreprises représentées, disposent d’une fonction spécifique contrôle de
gestion de projet (équipe, ou une seule personne) tandis que 80% des entreprises qui travaillent
par projet ne conçoivent pas un poste ou une fonction de contrôleur de gestion de projet. Cela
montre que la culture de la fonction contrôle de gestion de projet, n’est pas encore perçues par les
décideurs au Maroc, et même si les entreprises adoptent la gestion de projet comme style de
management, elles font toujours appel au contrôle de gestion permanent pour piloter la
performance de leurs projets.

- Statistiques de réussite des projets à fin 2015 :

120%

100% 5%
0% 0%
20%
80% 35% 25% 100%
De 75 à 99%
60% 25% 45% De 50 à 74%
40% De 25 à 29%
40% 10%
Moins de 25%
20%
20% 35%
20%
15%
0% 5%
Performance globale Coût prévisionnel Délai prévu

D’une vision générale, on remarque que seulement, 35% des entreprises représentées ont réussi
plus de 75% de leurs projets à fin 2015.

Le pilotage économique connait beaucoup de dérapage (plus de 95% des projets ne finissent pas
par le coût qui a été prévu). Mais ce dérapage n’est pas la seule cause d’échec, on trouve aussi la
sous-estimation des délais. En effet, seulement 20% des entreprises qui arrivent à livrer 75% de
leurs projets dans les délais prévus. A côté de la sous-estimation des charges et de la mauvaise
budgétisation des projets, la gestion du temps et des délais, s’avère d’après notre étude, un facteur
néfaste à prendre en considération dans le cadre du contrôle de gestion du projet au Maroc.

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- Formation préalable au projet :

Pour la question « De combien de jours de formation disposez-vous avant le lancement de


projet ?», 65% des réponses ont été négatives, 35% ont déclaré qu’ils ont eu des formations
d’une durée qui varie entre 2 jours à un mois selon la taille des projets.

Le projet est caractérisé par son aspect innovant et unique, il apporte des idées et des techniques
nouvelles à l’entreprise, et requière certaines compétences particulières et des méthodes de
gestion spécifiques d’un projet à l’autre ; ce qui rend nécessaire une phase préalable pour la
découverte des spécificités des projets dans le cadre des formations, et des échanges de
communication entre le top management et les acteurs de projet.

Au Maroc, cette phase de formation préalable au projet n’est pas toujours prise en considération
par les entreprises, ce qui a un impact négatif sur le déroulement du projet.

- Les risques des projets :

Il était demandé aux participants de répondre à la question suivante « A votre avis et dans un
point de vue global, les risques d’un projet sont-ils liés ? », et grâce aux réponses données, nous
avons pu classer les risques par ordre de répétition et d’importance pour les participants.

 La prise de décision et la gestion de conflits s’avèrent être les principaux risques liés au
projet : 60% des répondants affirment que les risques les plus menaçant à la réussite des projets
ne sont pas liés à la gestion économique et financière des projets mais plutôt à la gestion des
conflits et différences interculturelles ainsi que les processus décisionnels.
 La définition des rôles et des responsabilités : 50% des répondants (surtout les contrôleurs
de gestion de projet) déclarent que les risques des projets sont liés à des considérations
organisationnelles et structurelles, et que la légitimité de leurs fonctions constitue un obstacle
pour l’accès à l’information.

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- Les difficultés contraignant la mission du contrôleur de gestion de projet :

Il était demandé aux participants de répondre à la question « Quelles sont les principales
difficultés qui contraignent votre travail en tant que contrôleur de gestion opérant dans une
activité à risques : le projet ? », et nous avons classé les difficultés par ordre d’importance :

 La principale difficulté réside dans la mauvaise gestion du temps : 60% des répondants
déclarent qu’ils n’arrivent pas à produire l’information demandés dans les délais prévus.
 En second lieu, les répondants affirment que la gestion des différences interculturelles
engendrées par le projet est une variable décisive pour le bon pilotage des projets.
 En troisième lieu, la formation est considérée comme base préalable à la bonne
compréhension des spécificités du projet.

2.5. Conclusion de l’étude empirique

Le domaine de la gestion de projet dans les organisations actuelles s’élargit. C’est un style de
management de plus en plus adopté par les entreprises pour accompagner la recherche accrue de
la performance.

La gestion de projet se base principalement sur le contrôle de gestion de projet pour le pilotage
de la performance globale des projets de l’entreprise, En effet, il prend en compte les objectifs
stratégiques assignés au projet et la traduction de ses objectifs en objectifs opérationnels et
décisions quotidiennes. Il a pour objectif de prévoir, planifier, budgétiser, suivre, et contrôler Il
ne s’agit plus seulement de contrôler des coûts mais de s’assurer de l’adéquation des réalisations
avec les stratégies décidées au niveau de l’entreprise.

L’analyse de la revue de littérature concernant le contrôle de gestion de projet, met tout le focus
sur la contribution de ce dernier au pilotage économique des projets, toutes les recherches faites
en ce domaine s’intéressent à l’aspect financier du contrôle de gestion de projet (critères de choix
des projets, méthodes d’estimation des coûts de projet…) alors qu’il est nécessaire de prendre en
considération d’autres aspects qui ont dans la plupart des cas des effets néfastes sur la
performance des projets.

17
Au Maroc, la gestion de projet prend de plus en plus de l’importance dans les styles de
management des entreprises, mais la discipline du contrôle de gestion de projet n’est pas encore
très répandue.

Selon l’étude que nous avons faite sur une vingtaine d’entreprises installées au Maroc, nous
avons remarqué que les processus de contrôle de gestion de projet mettent l’accent surtout sur les
méthodes de sélection et de choix des projets ainsi que les méthodes d’estimation des coûts, alors
que d’autres variables tel que : la formation préalable au lancement des projets, la gestion du
temps, la communication, la gestion des conflits… restent malheureusement dans l’ombre.

18
Notes

1
Garel G. (2003), «Pour une histoire de la gestion de projet », Gérer et comprendre, Décembre,
n°74, pp. 77-89
2
Guillemet R. (2007), « La gestion de projets fondés sur des connaissances scientifiques en voie
d’émergence : le cas d’un projet de recherche relatif à un emballage biodégradable à base de
bio polymère issu d’amidon de blé », thèse de doctorat, université de Reims, p. 54 – 56.
3
Bouin X., Simon F.X., (2015), « Les nouveaux visages du contrôle de gestion », 4ème édition,
Dunod, p. 15.
4
Bollecker M., (2003), « Les contrôleurs de gestion : l’histoire et les conditions d’exercice de la
profession », L’Harmattan, p. 167-169.
5
Anthony R.N., « La fonction contrôle de gestion », Paris, 1993, p. 15.
6
"Le contrôle de projet s'intéresse au projet ; tandis que le contrôle de gestion des opérations
permanentes se centre sur une période de temps donnée, telle qu'un mois". R.N. Athony
7
Anthony R.N., « La fonction contrôle de gestion », Op. cit., p. 112
8
ALAZARD C., SEPARI S., 2012, « contrôle de gestion », édition Dunod, p. 591.
9
Why Projects Fail - Mastering the Monster (Part 1) par Brian Sutton, 2010.
10
La communication et la gestion de projet : une équation à réinventer, par Valerie LEHMANN.

19
Bibliographie

 Livres :

Aim R., (2009), L’essentiel de la gestion de projet ; édition Gualino, 4ème édition.

Anthony R., (1993), La fonction contrôle de gestion, Publi-Union, Paris.

Arnaud H. Garmilis A. Vignon V., (2001) ; Le contrôle de gestion… en action ; édition Liaisons,
2ème édition.

Alazard C. Separi S., (2001) ; Contrôle de gestion, édition Dunod, 5ème édition. Paris.

Bollecker M., (2003), Les contrôleurs de gestion : l’histoire et les conditions d’exercice de la
profession, L’Harmattan, p. 167-169.

Bouin X., Simon F.X., (2015), Les nouveaux visages du contrôle de gestion, 4èmeédition,
Dunod,

Demeestere R. LorinoP. & Mottis N., (2006), Contrôle de gestion et pilotage de l’entreprise ;
Edition Dunod. Paris.

Garel G. (2003), Pour une histoire de la gestion de projet, Gérer et comprendre, Décembre, n°74.

Gervais, M., Contrôle de gestion, Paris, Economica, 2009.

Midler C. & Giard V., (1997), Management et gestion de projet : bilan et perspectives,
L’Encyclopédie de gestion, Economica, Paris.

 Thèses et mémoires :

Guillemet R., 2007 ; « La gestion de projets fondés sur des connaissances scientifiques en voie
d’émergence : Le cas d’un projet de recherche relatif à un emballage biodégradable à base de bio
polymères issus d’amidon de blé ». Thèse d’Etat en science de gestion, Université de Reims.

Gautier F., 2003, « Le contrôle de gestion des projets : estimation, coûtenance et analyse des
risques ».

 Articles :

Lehmann V.La communication et la gestion de projet : une équation à réinventer, École des
Hautes Etudes Commerciales de Montréal, Québec, Canada.

Brian Sutton, 2010, Why Projects Fail - Mastering the Monster (Part 1).

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