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L'Homme

Les Embera du Bassin du Baudo


Ariane Deluz

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Deluz Ariane. Les Embera du Bassin du Baudo. In: L'Homme, 1971, tome 11 n°4. pp. 84-90;

doi : https://doi.org/10.3406/hom.1971.367214

https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1971_num_11_4_367214

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NOTES ET COMMENTAIRES

LES EMBERA DU BASSIN DU BAUDO

Compte rendu de mission

par

ARIANE DELUZ

Détachée du Centre national de la Recherche scientifique auprès de l'Institut


français d'Études andines, j'ai pu accomplir à cette occasion plusieurs missions
d'un total de quatorze mois chez les Embera du Choco (Colombie). J'ai bénéficié
de l'aide financière du Centre national de la Recherche scientifique et, sur place,
de l'appui de l'Instituto Colombiano de Antropologia et des conseils éclairés de
M. le Professeur G. Reichel-Dolmatoff, alors Directeur du département
d'Anthropologie de l'Université des Andes.
Les Embera avaient été choisis pour les raisons initiales suivantes :

a) Cette ethnie est numériquement une des plus importantes de Colombie et


compte de nombreux représentants au Panama où ils sont fortement acculturés ;
le résultat des recherches de L. Faron le montre clairement. Or, le mouvement de
migration des Embera colombiens vers Panama allant en s'accentuant, on pouvait
craindre que cette importante population perde bientôt son identité culturelle,
comme c'était en partie le cas des Katio et des Chami.
b) Une étude approfondie des Nwanama, l'autre grande tribu du Choco, avait
été effectuée tout récemment par une anthropologue britannique, E. Kennedy, et
il était intéressant d'ouvrir la voie à une étude comparative.
c) Les Embera sont géographiquement proches des Noirs « Libres » du Choco.
Sur le versant Pacifique, les « Libres » occupent l'embouchure et les Embera le
haut des fleuves : dans le Baudo, les « Libres » vivent sur le fleuve et les Embera
sur les affluents. Cette proximité spatiale s'accompagne de rapports sociaux
ambigus et d'emprunts culturels complexes dont j'espérais que mon expérience
africaniste antérieure m'aiderait à débrouiller l'écheveau.
d) Des travaux importants — route panaméricaine, canal Atrato-San Juan,
exploitations minières, etc. — étaient en projet dans le Choco. Quelle que soit la
date de leur réalisation, ils ne seront pas sans conséquences pour les Embera.
L'étude préalable — donc effectuée dans les meilleures conditions — de cette
population serait alors précieuse pour les aider à défendre leurs droits. Depuis 1968,
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époque de mon premier contact avec les Embera, la pénétration de la route


apparaît de plus en plus imminente et les droits des Indiens ne sont pas toujours
sauvegardés.

Considérés avant toute analyse, les premiers résultats du travail de terrain


peuvent se résumer comme suit :

Organisation socio-familiale

On doit distinguer deux groupes embera : celui des rivières Dugbasa, Catru,
Purricha, et probablement des rivières situées plus au sud ; un deuxième groupe
est formé par les Embera du Nauca, Haut-Baudo, des rivières Nuqui, Chori, Jurru-
bida, El Valle, Jurado, et comprend également les Embera du Darien panaméen.
Ces groupes se différencient notamment par leurs dialectes et leurs terminologies
de parenté, de type eskimo chez les uns, hawaïen chez les autres.
Il me semble avoir repéré trois niveaux d'organisation socio-familiale : 1) la
famille élémentaire ; 2) une famille étendue d'extension très variable : certains
siblings d'une phratrie, leurs conjoints et leurs enfants, ou un couple et ses enfants
mariés, ou parfois des cousins au premier degré et leurs enfants, etc. Cette unité se
manifeste lors des beuveries et travaux collectifs, tels que la fabrication d'une
pirogue, le débroussaillage d'une planche de riz ou de maïs. Elle implique souvent
la possession en commun de certains outils (moulins à maïs en fonte, moulins à
canne à sucre) , et un partage de la viande de chasse. Elle englobe de deux à quatre
ou cinq cases ; 3) la « rivière », qui présente une certaine homogénéité culturelle
et dont on peut se demander si elle forme une unité à caractère endogamique du
type dème. Seule la détermination de l'ensemble des alliances du Nauca permettra
de répondre à cette question, mais on peut déjà supposer qu'on a affaire à une
préférence pour la duplication des alliances antérieures par des alliances parallèles
qui entraîneraient des déplacements de groupes entiers d'une rivière à une autre
et formeraient en définitive le modèle d'un schéma migratoire.
La filiation est bilatérale. La résidence est binéolocale ; le mariage est interdit
avec tous les cousins du premier degré, et il est peut-être préférentiel avec les
cousins au deuxième degré.

Chamanisme

J'ai rencontré des chamanes sur chacune des rivières visitées. Mais alors que
les chamanes du premier groupe se sont instruits soit chez d'autres Embera soit
chez des Nwanama, ceux du deuxième groupe ont le plus souvent été en contact
avec des chamanes du Putumayo (probablement Inga).
Pour se mettre en transe, ceux du premier groupe ne consomment,
apparemment, avec la chicha cérémonielle ou Y aguardiente, que de l'herbe dite borrachora
(enivrante) , alors que ceux du deuxième groupe consomment une décoction de la
liane connue en Amazonie sous le nom de y axe qui, là où elle est cultivée dans le
Choco, porte le nom de pilde, mais dont le plant est vendu aux Embera par des
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chamanes du Putumayo. Les objets de culte utilisés lors des cérémonies du


deuxième groupe sont par ailleurs plus riches et comportent des mannequins
plats tressés, outre les poupées sculptées, bâtons et bateaux.

Tradition orale

Les Embera du deuxième groupe conservent vivace une tradition qu'ils


continuent aujourd'hui à enrichir par des variations sur des thèmes modernes ou des
récits importés. Dans les récits traditionnels, on peut distinguer un cycle du jaguar,
un cycle du tonnerre, un cycle de l'agouti, un cycle des jeunes aventuriers. Les
influences africaines paraissent importantes. Grâce à des bribes éparses dans des
contes ou des légendes familiales relatives à des chamanes, on pourra approcher ce
que devait être l'univers mythique des Embera avant la dernière vague d'influence
missionnaire. Toute cette tradition orale est vivante, les veillées se passent
souvent à raconter des contes, à se poser des devinettes. Dans certaines familles où la
langue de communication est l'espagnol, la tradition ne se perd pas pour autant
(à Panama surtout) . Souvent, des contes lus dans des almanachs ou des fables
modernes sont racontés tels quels ou attribués aux personnages d'un cycle
traditionnel. Les femmes chantent des berceuses, et, quand elles sont ivres, expriment
leurs problèmes sous forme de chants improvisés ; de même certains jeunes, qui
contrefont alors des voix de femmes.
Au cours des mois de vie quotidienne passés chez les Embera du Dugbasa,
dont le mode de vie est beaucoup plus traditionnel et le dialecte plus riche que
ceux des Embera du deuxième groupe, je n'ai pas été capable, au contraire, de
recueillir un seul conte ni une bribe de légende. Il ne s'en racontait ni lors des
veillées ordinaires ni lors des beuveries. Mes diverses tentatives pour déclencher
un processus de narration ont été vaines, y compris celle consistant à leur faire
entendre des contes enregistrés dans le Baudo. De même, les femmes fredonnent
des berceuses sans paroles et, ivres, s'expriment rarement et sous forme de plainte
à peine scandée.
Quelques vieux du Dugbasa (et plus probablement du Catru) conservent
certainement des bribes de tradition orale qu'ils se refusent à communiquer, même
à leurs enfants. Une des raisons de cette fermeture pourrait être le choc culturel
causé par l'implantation de la mission catholique de Catru, mission qui, jusqu'à
cette dernière décennie, a littéralement tenu en ses mains les destinées
socioculturelles des Embera du bassin du Dugbasa. Beaucoup d'Embera ont émigré,
entre autres motifs, pour échapper à l'emprise des missionnaires, et on en retrouve
certains, conteurs dans d'autres vallées ou à Panama. Quoi qu'il en soit, cette
lacune pose un problème.

Contacts et changements sociaux : les migrations

Difficiles à chiffrer, les mouvements migratoires à l'intérieur de l'aire embera


de Colombie et les alliances matrimoniales qui en sont le prétexte sont
concomitants. Souvent, les jeunes gens élevés en aval des rivières, là où il y a pénurie de
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terres cultivables et de poissons, cherchent à se marier en amont, où il reste des


terres disponibles et où le poisson est abondant. La surpopulation du bas est due
à la pression des Noirs (dits « Libres ») qui remontent les affluents du Baudo et à la
croissance démographique propre des Embera. C'est ainsi que les Embera sont
amenés à s'installer de façon permanente sur les petits affluents complètement
inhabités jusqu'à il y a quinze ans, et que d'autres y installent de sommaires
campements de cultures. Un bassin comme celui du Catru est déjà perçu comme
surpeuplé et on rencontre des jeunes gens de Catru mariés un peu partout. Le manque
de terre n'est pas la seule raison des migrations. Elles permettent aux jeunes gens
un vagabondage amoureux et sexuel qui se termine souvent par le choix définitif
d'une conjointe quasi impossible à trouver chez soi, une fois éliminées les sœurs
et les cousines du premier degré prohibées.
Quand elles sont temporaires, les migrations constituent pour chaque homme
jeune l'équivalent des voyages initiatiques qu'accomplissent les chamanes. Elles
permettent une connaissance du monde, la vision d'un ailleurs. L' ailleurs
privilégié est Panama, où une proportion importante des habitants des rivières du
Darien sont des Embera ou des Nwanama venus de Colombie. Outre les
motivations traditionnelles du voyage, ils y ont été attirés par de meilleures possibilités
économiques, d'éducation, de soins médicaux et un minimum de respect de leur
autonomie culturelle. Il paraîtrait que les emigrants du premier groupe embera
ont tendance à s'installer à Panama à titre définitif, pour échapper au
surpeuplement et aux missions, alors que ceux du Haut-Baudo effectueraient plutôt des
migrations pendulaires (notamment pour se procurer des biens de consommation) .
L'émigration vers Panama n'est pas découragée par les autorités panaméennes
qui traitent ces Embera comme leurs nationaux mais par contre contrôlent
sévèrement celle des Noirs colombiens. Faute d'une politique indigéniste rompant
radicalement avec l'incurie qui a présidé jusqu'à maintenant à l'administration
des Indiens du Choco, le départ vers Panama représentera pour ces derniers la
seule réponse au dédain et aux formes larvées d'oppression auxquelles ils sont
soumis en Colombie ; mais l'émigration représente aussi une difficile rupture avec
un environnement naturel auquel, seuls, ils sont adaptés.

Contacts et changements sociaux: missions et « Libres »

Les premiers contacts des Embera avec la civilisation occidentale eurent lieu
avec les Espagnols, et à une époque où les Embera occupaient un autre habitat
(le bassin de l'Atrato) . Dans les cinquante dernières années, et en ce qui concerne
l'aire du Baudo, les contacts ont eu lieu uniquement avec les missionnaires et avec
les « Libres ».

Les missions
Dans les années trente, une mission de prêtres d'origine espagnole s'est installée
au confluent des rivières Dugbasa et Catru. Elle bénéficiait du régime du
concordat, la partie indienne du Choco étant considérée comme « terre de mission ». Ses
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activités étaient économiques (bétail, plantain pour la nourriture des prêtres, des
nonnes, des élèves, et pour la vente), judiciaires (les prêtres punissaient les délits,
tranchaient les différends que les Embera étaient invités à leur soumettre, et
profitaient de la main-d'œuvre fournie par les condamnés), médicales, éducatives
et finalement évangélisatrices. Les prêtres n'autorisaient pas les « Libres » à résider
en amont de la mission, qui devait rester un territoire indien. Les colporteurs
« libres » étaient contrôlés et on leur interdisait la vente d'alcool. La mission ouvrit
une échoppe qui pendant quelques années vendit des marchandises courantes
(sel, outils, tissus) à des prix assez compétitifs pour souvent dissuader les Embera
de se rendre à Quibdo. Un village de regroupement fut construit autour de la
mission, qui compta bientôt un quartier indien et un quartier noir. Peu d'Indiens s'y
installèrent de façon permanente, quoique beaucoup y soient descendus
régulièrement pour visiter leurs enfants élevés à l'internat mixte dirigé par les Pères et
par les Sœurs de la Madré Laura (ordre colombien). Cet internat compta jusqu'à
deux cents élèves à la fois et, jusqu'à il y a peu d'années, le recrutement en était plus
ou moins forcé. Les enfants vivant à plus d'une journée du village (70 % environ)
y furent rarement amenés, non que les parents refusaient que leurs enfants fussent
éduqués, mais ils ne supportaient pas d'être à ce point séparés d'eux.
L'enseignement ne dépassa jamais le niveau de la troisième année primaire. Quelques
garçons furent envoyés dans des écoles au dehors. L'un devint moniteur d'agriculture
et revint à la mission comme instituteur, un autre revint également à Catru comme
artisan tailleur, un troisième se réintégra à la vie tribale, un dernier enseigne dans
une petite école sur la rivière Nauca. Quelques filles élevées à Catru vivent à
Medellin.
Sauf pendant une ou deux années, les valeurs embera furent niées ou ignorées
et l'enseignement de qualité plus que médiocre. Dans ces toutes dernières années,
certains aspects de la vie embera — parure et nourriture — furent valorisés à
l'extrême. Finalement, à la suite de conflits internes à la mission (qui entre-temps
était devenue colombienne), celle-ci déclina économiquement de façon brutale.
L'enseignement y fut de plus en plus déficient et la mission fut finalement fermée
en 1970, une petite école restant ouverte. J'insiste par ailleurs sur le fait que tous
les essais de regroupements en villages conjointement avec l'ouverture de petites
écoles tenues par des moniteurs et soutenues par les missionnaires — que ce soit
à Nauca ou sur le Haut-Baudo — échouèrent. Le développement économique des
Indiens par les prêtres a simplement consisté à les faire travailler comme main-
d'œuvre salariée, sans qu'on leur facilitât jamais la sélection, le transport et
l'écoulement de leurs produits, à titre individuel ou sous forme de coopérative.
A Catru, ces dernières années, les prêtres avaient remis leurs fonctions
judiciaires à un « inspecteur de police » noir qui s'était installé avec sa parentèle sur les
terres des Indiens ; il perçoit des amendes indues dont le montant n'est jamais
versé au Trésor public et des frais de « commission » élevés pour des messages dont
il charge ses parents. En résumé, après trente ans de tutelle missionnaire, les
Embera du bassin du Dugbasa se retrouvent très superficiellement christianisés,
divisés entre « incultes » et « civilisés », complexés par rapport à une civilisation contre
les effets de laquelle ils ne sont pas vaccinés comme les Embera du Haut-Baudo.
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Pour eux, comme pour tous les Embera, le problème est maintenant celui du
rapport avec les « Libres ».

Les « Libres »
Les Noirs « Libres » ont repris leur technologie aux Indiens et l'ont dégradée
en l'adaptant. Méprisés, considérés par les Indiens comme infra-humains, les Noirs
terrorisent. Ils imposent des échanges de biens de valeurs inégales, répandent des
rumeurs alarmantes, annoncent la fin du monde pour acquérir à vil prix les
produits des Embera, leur vendent de l'alcool de contrebande ou de l'alcool médicinal
additionné de sucre (colaz) . Ils représentent la barrière qui sépare les Indiens du
monde extérieur, mais aussi leur seul lien avec ce monde. Le racisme réciproque
est nourri par l'accroissement démographique de la population noire, consécutif
aux migrations de l'époque de la violence1, et par la remontée des Noirs de plus en
plus vers l'amont. Des conflits ouverts opposent déjà « Libres » et Embera dans le
Bas-Dugbasa, les rivières Ampora, Nauca, etc. Partout, les Embera sont coupés
de tout recours politique ou juridique et certains se déclarent « en esclavage ».
Aucun titre de propriété n'a été distribué aux Embera, que ce soit au niveau
individuel, familial ou collectif, temporaire ou définitif. Il semble que quelques
« Libres » aient réussi à faire enregistrer quelques hectares. Or les disponibilités
en terres se réduisent de plus en plus, cependant que les Embera aiment leur
habitat, auquel ils sont les seuls à être adaptés et dont leur mode d'agriculture tire le
meilleur parti concevable. Ils sont lucides et déclarent spontanément que leur
mode de vie a peu de chance de se perpétuer pendant plusieurs générations encore,
mais tout aussi lucidement, ils désirent que leurs droits de culture et de pêche
soient protégés et veulent s'assimiler au niveau le plus élevé de ce qu'ils connaissent
de la culture occidentale ; ils expriment cette revendication en termes très clairs :
des droits sur les terres, des soins médicaux, et surtout des écoles — de bonnes
écoles.
Enfin, contrairement à ce qui se passe chez beaucoup d'Indiens, les Embera,
placés en situation de contact, ne se détournent pas brutalement de leur genre de
vie mais trient ce qu'ils acceptent et ce qu'ils rejettent, qu'il s'agisse d'outils, de
vêtements, de cuisine, de médecine ou de croyances.

Film

En mai-juin 1970, avec l'autorisation de mon directeur de recherche, j'ai


participé comme conseiller-ethnologue au tournage d'un film produit par Granada-
Television, qui sera un des quatre volets d'une série consacrée aux Indiens de
Colombie. Pour chacun des quatre films, un ethnologue spécialiste de la population
en cause a prêté son concours. Les séquences les plus représentatives de la

1. Période troublée par une guerre civile intermittente qui, de 1949 à 1964, ravagea la
Colombie, faisant des centaines de milliers de morts et déplaçant la population de régions
entières.
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vie embera ont été filmées, l'accent ayant été mis sur un nombre réduit de
personnages.
1. Scènes de la vie familiale
2. Débroussaillage et semailles du riz
3. Remontée de la rivière
4. Pêche au harpon
5. Chasse au pécari
6. Une fête de guarapo ; disputes
7. Fabrication et cuisson de poteries
8. Travail collectif et fête : fabrication d'une pirogue
9. Préparation de la chicha cérémonielle et séance de cure chamanique
10. Arrivée inattendue d'un prêtre pendant la fête
11. « Libres » venant vendre des chiens
12. Le village « libre » au bas de la rivière
13. L'avance de la route panaméricaine.
Le film est en cours de montage. Une copie sera remise au Laboratoire
d'Anthropologie sociale.

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