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Sylvie Benzoni
11 mai 2007
2
Chapitre I
Introduction
La forme la plus générale d’une équation différentielle ordinaire (en abrégé É.D.O.) est
F (t, u, u0 , . . . , u(k) ) = 0 ,
où u est une fonction inconnue de la variable réelle t à valeurs dans Rn ou plus généralement
dans un espace de Banach X, u0 ,...,u(k) désignent les dérivées successives de u, et F est une
fonction donnée, supposée « régulière » (on précisera comment par la suite) sur I × U × U 1 ×
· · · U k où I est un intervalle ouvert de R, U , U 1 , ..., U k sont des ouverts connexes de X. On ne
s’intéressera dans ce cours qu’à des équations différentielles résolues, pour lesquelles il existe
une fonction G, régulière sur I × U × U 1 × · · · U k−1 telle que
F (t, u, u0 , . . . , u(k) ) = 0 ⇔ u(k) = G(t, u, u0 , . . . , u(k−1) ) .
On observe de plus que
u(k) = G(t, u, u0 , . . . , u(k−1) ) ⇔ U 0 = G(t, U ) ,
u 0 I ... 0 0
u0 .. .. .. 0
U := . . .
, G(t, U ) := U + ,
.. ..
. I .
0
u(k−1) 0 ... 0 G(t, u, u , . . . , u(k−1) )
la fonction G étant évidemment aussi régulière que G. On supposera donc sans perte de généralité
k = 1.
Désormais, on considère « une »1 équation dite d’ordre 1, de la forme
du
= f (t, u)
dt
où u est une fonction inconnue de la variable réelle t à valeurs dans un espace de Banach X, et
f est une fonction donnée sur I × U , ouvert connexe non vide de R × X. Lorsque f ne dépend
pas de t, l’équation différentielle est dite autonome.
Remarque I.1 On peut toujours se ramener, par une astuce, à une équation autonome. En effet,
il suffit de considérer l’équation étendue
d u f (t, u)
= .
ds t 1
1
Les guillemets sont là pour souligner qu’en général il s’agit en fait d’un système d’équations !
3
4 CHAPITRE I. INTRODUCTION
Cette approche, parfois utile, est malgré tout artificielle. Il faut savoir étudier directement
certaines propriétés des équations dites à coefficients variables, où f dépend vraiment de t. Ce
sera le cas au moins dans les deux premiers chapitres.
Exemples et contre-exemples. De nombreux modèles physiques (en mécanique, électricité,
chimie, écologie, etc.) s’expriment au moyen d’équations différentielles ordinaires en dimen-
sion finie. Citons simplement l’équation de la mécanique des points matériels :
d2 x
m = F (x) ,
dt2
qui s’écrit de façon équivalente dans le plan de phase
dx
dt = v ,
dv 1
= m
F (x) .
dt
Dans cette équation, posée dans R2 et autonome, F (x) représente la résultante des forces ap-
pliquées au point x, supposé de masse m. Des exemples d’équations différentielles en dimen-
sion infinie peuvent venir de la discrétisation d’équations aux dérivées partielles. Prenons par
exemple l’équation de la chaleur
2
∂t v = ∂xx v.
Une façon d’approcher les solutions de cette équation est de chercher v(j∆x, t) ' uj (t) (où
∆x est un pas de discrétisation et j ∈ Z) avec
duj 1
= 2
uj+1 − 2 uj + uj−1 .
dt ∆x
Ceci est une équation différentielle ordinaire dans l’espace de suites `p (Z), qui est un espace
de Banach quel que soit p ∈ [1, . . . , +∞]. Attention, pour voir l’équation de la chaleur elle-
même comme une équation différentielle ordinaire, il faudrait disposer d’un espace fonctionn-
2
nel qui soit un espace de Banach stable par ∂xx ! De façon générale, la théorie des équations
différentielles ordinaires ne s’applique pas aux équations aux dérivées partielles. (Toutefois, les
équations aux dérivées partielles d’évolution linéaires posées dans tout l’espace se ramènent à
des équations différentielles ordinaires grâce à la transformation de Fourier...)
alors
Rt
Z t Rt
a(s) ds a(s) ds
u(t) ≤ e 0 u(0) + b(τ ) e τ dτ , pour tout t ∈ [0, T ] .
0
En effet, l’inégalité différentielle implique
d − R t a(s) ds Rt
e 0 u(t) ≤ e− 0 a(s) ds b(t) ,
dt
et donc par intégration entre 0 et t on obtient immédiatement l’inégalité annoncée. Le lemme de
Gronwall est un peu plus subtil, puisqu’il suppose une inégalité intégrale et non une inégalité
différentielle (la seconde impliquant la première mais pas l’inverse). Or les estimations a priori
que l’on obtient en général sont plutôt du type intégral, d’où l’intérêt de ce lemme, dont la
preuve est néanmoins élémentaire.
Lemme I.1 (Gronwall) Si u ∈ C([0, T ]; R+ ) est telle qu’il existe a et b ∈ C([0, T ]; R+ ) avec
Z t
u(t) ≤ b(t) + a(τ ) u(τ ) dτ , pour tout t ∈ [0, T ] ,
0
alors Z t Rt
a(s) ds
u(t) ≤ b(t) + b(τ ) a(τ ) e τ dτ , pour tout t ∈ [0, T ] .
0
Cette version du lemme de Gronwall est donnée surtout pour mettre en évidence la méthode
de calcul. On pourrait donner une autre version de l’inégalité obtenue, en intégrant par parties
si b est dérivable :
Rt
Z t Rt
u(t) ≤ b(0) e 0 a(s) ds
+ b0 (τ ) e τ a(s) ds dτ , pour tout t ∈ [0, T ] .
0
En pratique, il est conseillé de refaire rapidement le calcul pour éviter les erreurs.
Chapitre II
Soit U un ouvert connexe non vide d’un R-espace de Banach X, I un intervalle ouvert de
R, et f : I × U → X une fonction continue. On appelle solution de l’équation différentielle
du
(1) = f (t, u)
dt
une fonction u de classe C 1 sur un intervalle J ⊂ I et à valeurs dans U , dont la dérivée vérifie
(Il est parfois d’usage de noter par une lettre différente la fonction inconnue dans (1) et les
solutions.) On appelle condition initiale une égalité de la forme u(t0 ) = u0 avec (t0 , u0 ) ∈
I × U . On appelle problème de Cauchy le système d’équations
0
u (t) = f (t, u(t)) , t ∈ J ,
(2)
u(t0 ) = u0 .
7
8 CHAPITRE II. LE PROBLÈME DE CAUCHY GÉNÉRAL
Dém. Pour éviter de « traı̂ner » des valeurs absolues, on fait la démonstration en remplaçant
l’intervalle centré [t0 − τ, t0 + τ ] par [t0 , t+ ] avec t+ = t0 + τ > t0 (le cas de l’intervalle
[t0 − τ, t0 ] s’en déduisant par le changement de variable t 7→ (t0 − t)).
L’étape 0 consiste à choisir un voisinage de (t0 , u0 ) de la forme
avec t+ > t0 et R > 0, où B̄(u0 , R) désigne la boule fermée de centre u0 et de rayon R, dans
lequel f est bornée, disons par une constante M :
u(t0 ) = u0
et à chercher une solution comme limite de la suite (un )n∈N définie par
Z t
0 n+1
u = u0 , u (t) = u0 + f (τ, un (τ )) dτ .
t0
L’étape 1 est très facile. Elle consiste à vérifier que pour t+ assez proche de t0 , la suite
(un )n∈N est bien définie dans [t0 , t+ ] et à valeurs dans B̄(u0 , R). En effet, la fonction u0 constante
est bien à valeurs dans B̄(u0 , R). Supposons qu’on ait construit un continue sur [t0 , t+ ] et à va-
leurs dans B̄(u0 , R). Alors un+1 est bien définie et de plus :
Z t
n+1
ku (t) − u0 k ≤ kf (τ, un (τ ))k dτ ≤ (t+ − t0 ) M .
t0
on voit que Z t
u(t) = u0 + f (τ, u(τ )) dτ .
t0
Comme u est continue ainsi que f , le second membre de cette égalité est de classe C 1 et donc u
aussi. (Plus généralement, si f est de classe C r , r ≥ 0, u est de classe C r+1 .) Et u vérifie :
et donc Z t
ku(t) − v(t)k ≤ L k u(τ ) − v(τ ) k dτ .
t0
Ln (t − t0 )n
kun+1 (t) − un (t)k ≤ sup ku1 − u0 k pour t ∈ [t0 , t+ ] .
n! [t0 ,t+ ]
P Ln (t+ −t0 )n
Comme la série n!
est convergente, on en déduit que (un ) est de Cauchy dans
C([t0 , t+ ]) sans avoir à diminuer t+ .
• Le théorème s’applique en particulier aux fonctions f de classe C 1 , qui sont localement
lipschitziennes (d’après le théorème des acroissements finis).
10 CHAPITRE II. LE PROBLÈME DE CAUCHY GÉNÉRAL
2 Solutions maximales
Le théorème II.1 fournit des solutions locales. L’unicité de ces solutions permet de démontrer
le résultat suivant.
Lemme II.1 Sous les hypothèses du théorème II.1, si u1 ∈ C 1 (J1 ; U ) et u2 ∈ C 1 (J2 ; U ) sont
deux solutions sur des intervalles J1 et J2 respectivement, et s’il existe t0 ∈ J1 ∩ J2 tel que
u1 (t0 ) = u2 (t0 ), alors
A = { t ∈ J1 ∩ J2 ; u1 (t) = u2 (t) } .
D’après l’unicité locale des solutions, A est un ouvert. De plus, il est clairement fermé par
continuité de u1 et u2 . Donc A est égal à J1 ∩ J2 . 2
Ce lemme montre qu’il existe un plus grand intervalle J sur lequel le problème de Cauchy
(3) admet une solution, et que cette solution est unique. Cette solution est appelée solution
maximale : par définition, on ne peut pas la prolonger à I\J. Lorsque J = I on dit que cette
solution est globale.
La question naturelle est ensuite de savoir à quelle(s) condition(s) une solution maximale
est globale.
Théorème II.2 Sous les hypothèses du théorème II.1, soit u ∈ C 1 (J; U ) une solution maximale.
Notons b la borne supérieure de I et β la borne supérieure de J. Alors ou bien β = b ou bien
« u sort de tout compact » de U , c’est-à-dire que pour tout compact K ⊂ U , il existe η < β tel
que
u(t) ∈ U \K , pour t ≥ η avec t ∈ J .
Et on a le résultat analogue pour les bornes inférieures.
Dém. Supposons β < b et raisonnons par l’absurde. S’il existait un compact K et une
suite tn tendant vers β telle que u(tn ) ∈ K pour tout n, quitte à en extraire une sous-suite,
on pourrait supposer qu’elle converge vers u ∈ K. Soient τ > 0 et R > tel que f soit bornée
et Lipschitzienne par rapport à u dans [β − 2τ , β + 2τ ] × B̄(u, 2R). Alors en vertu du lemme
II.2 ci-après, il existe τ ≤ τ tel que pour tout (t0 , u0 ) ∈ [β − τ, β + τ ] × B̄(u, R) la solution
maximale du problème de Cauchy (3) est définie sur un intervalle contenant [t0 − τ, t0 + τ ]. Or,
pour n assez grand, (tn , u(tn )) ∈ [β − τ, β + τ ] × B(u, R), et tn + τ > β. Ceci contredit le fait
que u soit une solution maximale. 2
Lemme II.2 Supposons que f soit continue, bornée et Lipschitzienne par rapport à u dans
[t − 2τ , t + 2τ ] × B̄(u, 2R) pour τ > 0 et R > 0. Alors il existe τ ∈ ] 0 , τ ] tel que pour tout
(t0 , u0 ) ∈ [t − τ , t + τ ] × B̄(u, R), la solution maximale du problème de Cauchy (3) soit définie
sur un intervalle contenant [t0 − τ, t0 + τ ].
3. EXISTENCE GLOBALE 11
3 Existence globale
On peut parfois montrer que toutes les solutions maximales sont globales. C’est le cas si la
fonction f est définie sur X tout entier et si elle est globalement Lipschizienne : car alors il n’y
a pas de risque de sortir de son domaine de définition, ni du domaine de validité de sa constante
de Lipschitz.
Attention ! L’hypothèse de ce théorème est très forte. En général, il ne s’applique pas à des
fonctions f non-linéaires. (Penser à l’exemple de l’équation de Riccati, où I = R, X = R et
f (t, u) = u2 : seule la solution nulle est globale.) En revanche, il s’applique aux fonctions f
affines : si b ∈ C(I; X) et A ∈ C(I; L(X)) (où L(X) désigne l’espace des application linéaires
continues de X dans X), toutes les solutions maximales de
du
= A(t) u + b(t)
dt
sont globales. On reviendra plus en détails sur ce type d’équations au chapitre III.
Lemme II.3 Dans le cadre du lemme II.2, il existe C > 0 tel que si (ti , vi ) ∈ [t − τ , t + τ ] ×
B̄(u, R) pour i = 1 ou 2, avec |t2 − t1 | ≤ τ , les solutions ui des problèmes de Cauchy
correspondants vérifient l’estimation :
Dém. Par hypothèse, l’intervalle [t1 − τ, t1 + τ ] ∩ [t2 − τ, t2 + τ ] est non vide et contient
l’intervalle d’extrémités t1 et t2 . En faisant la différence des deux relations :
Z t
ui (t) = vi + f (τ, ui (τ )) dτ ,
ti
on obtient l’inégalité :
Z t
k u1 (t) − u2 (t) k ≤ k v1 − v2 k + M |t1 − t2 | + L k u1 (s) − u2 (s) k ds ,
t1
Théorème II.4 (du flot) On suppose f de classe C 2 sur I × U , où I est un intervalle ouvert de
R et U est un ouvert de X. Soit (t0 , u0 ) ∈ I × U . Il existe un voisinage W × V = [t0 − τ, t0 +
τ ] × B̄(u0 , R) de (t0 , u0 ) dans I × U et une unique application φt0 ∈ C 1 (W × V; U ) telle que
∂φt0
(t, v) = f (t, φt0 (t, v)) , pour tout (t, v) ∈ W × V ,
∂t
t0
φ (t0 , v) = v , pour tout v ∈ V .
La fonction φt0 est appelée flot (local) au point t0 de l’équation différentielle. En particulier,
ce théorème affirme que pour toute donnée initiale v proche de u0 l’application u : t 7→
φt0 (t, v) est solution du problème de Cauchy
0
u (t) = f (t, u(t)) , pour tout t ∈ [t0 − τ, t0 + τ ] ,
u(t0 ) = v ,
et qu’en plus elle dépend de manière C 1 de v. Lorsqu’il n’y a pas d’ambiguı̈té, on écrira simple-
ment φ au lieu de φt0 .
La démonstration du théorème II.4 repose sur le calcul suivant, formel pour l’instant. Sup-
posons que l’on ait construit φ et que l’on puisse dériver l’égalité
∂φ
(t, v) = f (t, φ(t, v))
∂t
par rapport à v. Désignons par D la différentiation dans X, et soit ψ(t, v) = Dφ(t, v) (par
∂
définition, c’est une application linéaire continue X dans X). Alors, en permutant ∂t avec D (on
suppose les fonctions suffisamment régulières pour pouvoir appliquer le lemme de Schwarz),
on obtient :
∂ψ
(t, v) = Df (t, φ(t, v)) ◦ ψ(t, v) .
∂t
En supposant φ connue, ceci est une équation différentielle linéaire par rapport à ψ ! De plus,
en dérivant la relation φ(t0 , v) = v on obtient la condition initiale
ψ(t0 , v) = IX .
4. DÉPENDANCE PAR RAPPORT AUX DONNÉES INITIALES 13
est aussi continue. Par suite, pour tout v ∈ V l’équation différentielle linéaire, appelée équation
aux variations :
dΨ
(3) = Df (t, φ(t, v)) ◦ Ψ ,
dt
admet une solution unique sur W tout entier satisfaisant la condition initiale Ψ(t0 ) = IX .
Notons ψ(t, v) = Ψ(t) cette solution à l’instant t. On veut montrer que φ est continûment
différentiable par rapport à v et ψ(t, v) = Dφ(t, v).
La première étape de la démonstration consiste à montrer que ψ dépend continûment de
(t, v). D’après l’inégalité triangulaire, on a
kψ(t, v) − ψ(σ, v)k ≤ |t − σ| max 9Df (s, φ(s, v)) 9 max kψ(s, v)k
s∈[σ,t] s∈[σ,t]
D’autre part, on peut aussi majorer le second terme grâce au lemme de Gronwall. Après calcul
(voir le lemme II.4 ci-après), on obtient :
où
b(σ; v, w) := 9Df (σ, φ(σ, v)) − Df (σ, φ(σ, w))9 ,
α(σ; v, w) := max (9Df (σ, φ(σ, v))9 , 9Df (σ, φ(σ, w))9) .
Par continuité de Df et de φ, les fonctions a et α sont localement bornées, tandis que b(σ; v, w)
converge vers 0 lorsque v tend vers w. Donc kψ(t, v) − ψ(σ, w)k tend vers 0 lorsque (t, v) tend
vers (σ, w).
La seconde étape est de montrer que Dφ(t, v) existe et coı̈ncide avec ψ(t, v). Considérons
pour cela l’accroissement :
Z t
+ k Df (s, φ(s, v)) ( θ(s, h) − ψ(s, v) · h ) k ds .
t0
Le premier terme se majore en utilisant le fait que f est de classe C 2 (on aurait besoin seulement
de C 1 en dimension finie, puisqu’alors Df serait localement uniformément continue). Quitte
à réduire R on peut en effet supposer D2 f bornée sur [t0 − τ, t0 + τ ] × B̄(u0 ; R), et donc,
d’après le théorème des accroissements finis, pour tout ε > 0, il existe η > 0 tel que pour
x, y ∈ B̄(u0 ; 2R), ky − xk ≤ η entraı̂ne
kf (s, x) − f (s, y) − Df (s, y) · (x − y)k ≤ ε kx − yk
pour tout s ∈ [t0 , t]. Donc, pour khk ≤ η/C, on a
kf (s, φ(s, v + h)) − f (s, φ(s, v)) − Df (s, φ(s, v)) · θ(s, h)k ≤ ε C khk .
D’où pour tout t ≥ t0 :
Z t
kθ(t, h) − ψ(t, v) · hk ≤ ε C khk (t − t0 ) + a(t0 , t; v) k θ(s, h) − ψ(s, v) · h k ds
t0
avec la même signification pour a que dans la première étape. On appliquant une nouvelle fois
le lemme de Gronwall, on déduit pour t ∈ [t0 − τ, t0 + τ ] :
kθ(t, h) − ψ(t, v) · hk ≤ ε C khk τ ea(t0 −τ,t0 +τ ;v) τ .
Ceci montre que
1
lim (φ(t, v + h) − φ(t, v) − ψ(t, v) · h) = 0 ,
h→0 khk
c’est-à-dire que φ est différentiable par rapport à v et Dφ(t, v) = ψ(t, v).
En conclusion, φ est continûment dérivable par rapport à t et à v et donc de classe C 1 . 2
1
En prime, on a montré que la différentielle de φ par rapport à v, Dφ est de classe C et
solution de l’équation linéaire (3) avec la condition initiale
Dφ(t0 , v) = IX .
Pour compléter, montrons maintenant le lemme utilisé dans la démonstration.
4. DÉPENDANCE PAR RAPPORT AUX DONNÉES INITIALES 15
×exp τ max max(9A(s, v)9 , 9A(s, w)9
s∈[t0 −τ,t0 +τ ]
Dém. Quitte à faire une translation en t on peut supposer t0 = 0. Et on peut faire la preuve
pour t ≥ t0 (le cas t ≤ t0 s’en déduisant par symétrie). Enfin, pour simplifier les écritures,
introduisons les notations
De plus, Z t
kψ(t, w)k ≤ kψ0 k + a(τ, w) kψ(s, w)k ds .
0
Donc, par une première application du lemme de Gronwall,
On en déduit
Z t
kψ(t, v) − ψ(t, w)k ≤ a(τ, v) kψ(s, v) − ψ(s, w)k + b(τ, v, w) et a(τ,w) kψ0 k ds .
0
dµ
= 0.
dt
Soit Φt0 le flot local en t0 de ce système. Alors la solution du problème de Cauchy :
0
u (t) = f (t, u(t), λ) ,
u(t0 ) = v
Équations linéaires
du
(1) = A(t) u + b(t) ,
dt
avec b ∈ C(I; X) et A ∈ C(I; L(X)) (où L(X) désigne l’espace des application linéaires
continues dans l’espace de Banach X). On dit que sont des équations « linéaires » (car A(t) est
linéaire) avec « terme source » (b). On qualifie parfois (1) simplement d’équation linéaire (par
abus de langage, le terme correct étant plutôt affine).
1 Existence globale
D’après le théorème II.3, les solutions de (1) sont globales.
Théorème III.1 Pour b ∈ C(I; X) et A ∈ C(I; L(X)), quel que soit (t0 , u0 ) ∈ I × X, il existe
une unique fonction u ∈ C 1 (I; X) solution de (1) telle que u(t0 ) = u0 .
Théorème III.2 Soit T un opérateur sur un espace de Banach dont une puissance est contrac-
tante. Alors T admet un point fixe unique.
Dém. Ce résultat est une conséquence facile du théorème de point fixe de Banach-Picard.
Par hypothèse, il existe un entier k tel que T k soit contractant et donc admette un point fixe
unique u. Alors
T k (T (u)) = T (T k (u)) = T (u) .
Donc T (u) est aussi un point fixe de T k . À cause de l’unicité de ce point fixe on a ainsi T (u) =
u. De plus, tout point fixe de T étant évidemment un point fixe de T k , u est l’unique point fixe
de T . 2
17
18 CHAPITRE III. ÉQUATIONS LINÉAIRES
Pour simplifier, on suppose (sans perte de généralité, il suffit de translater toutes les fonctions
en jeu) t0 = 0. Soient α et β tels que α < 0 < β et [α, β] ⊂ I. Définissons alors l’opérateur :
et donc
pour tout t ∈ [α, β]. C’est vrai à l’ordre 1 comme on vient de le voir. Supposons l’inégalité
vraie à l’ordre n. Alors
(β − α)n
kT n v − T n wk ≤ C n kv − wk
n!
quels que soient v et w. Donc T n est contractant pour n assez grand et d’après le théorème III.2,
T admet un point fixe unique. 2
2. RÉSOLVANTE 19
2 Résolvante
Considérons l’équation différentielle linéaire dans L(X) :
dM
(2) = A(t) ◦ M .
dt
D’après le théorème III.1, ses solutions maximales sont globales.
dv
= A(t) v
dt
v(s) = u(s)
D’où
R(t, t0 )u0 = R(t, s) ◦ R(s, t0 )u0 .
Ceci étant vrai quel que soit u0 , on en déduit la formule voulue. 2
20 CHAPITRE III. ÉQUATIONS LINÉAIRES
Corollaire III.1 Pour tout (t, t0 ) ∈ I × I, R(t, t0 ) est un isomorphisme, d’inverse R(t0 , t).
De plus, R est continûment différentiable comme fonction de deux variables, et ses dérivées
partielles satisfont
∂R ∂R
(t, s) = A(t) ◦ R(t, s) et (t, s) = − R(t, s) ◦ A(s) .
∂t ∂s
Dém. La première partie est conséquence immédiate de la proposition III.1 :
Isom(X) → Isom(X)
M 7→ M −1 ,
dont on sait qu’elle est (continûment) différentiable. Pour exprimer effectivement la dérivée
partielle de R par rapport à sa seconde variable, on dérive simplement l’identité
R(t, s) ◦ R(s, t) = IX
Lemme III.1 Pour tout A ∈ L(X), l’application t 7→ et A est continûment dérivable (et même
de classe C ∞ ), et
d tA
e = A et A = et A A .
dt
2. RÉSOLVANTE 21
La démonstration est laissée en exercice. Elle utilise de façon cruciale la propriété de l’ex-
ponentielle :
e(t+s) A = et A es A .
Le lemme III.3 montre que la résolvante de l’équation différentielle linéaire autonome
du
= Au
dt
est donnée par
R(t, s) = e(t−s) A .
du
= a(t) u
dt
où l’inconnue u est à valeurs réelles et a : I → R est continue est donnée par
Rt
a(τ ) dτ
R(t, s) = e s .
du
(3) = A(t) u ,
dt
c’est-à-dire que pout tout (t, s) ∈ I × I,
∂R
(t, s) = A(t) R(t, s) et R(s, s) = In .
∂t
Si (e1 , . . . , en ) est une base de Rn , alors les applications t 7→ R(t, t0 )ei (pour i ∈ {1, . . . , n})
forment une famille indépendante de solutions de (3). Inversement, si u1 , . . . , un est une famille
indépendante de solutions de (3), soit B : t ∈ I 7→ B(t) ∈ GLn (R) dont les vecteurs colonnes
sont u1 (t), . . . , un (t). Alors la résolvante de (3) est donnée par
Dém. La première partie découle de la définition et du corollaire III.1, qui montre que
R(t, s) ∈ GLn (R). La preuve de la seconde partie consiste simplement à remarquer que l’ap-
plication t 7→ B(t) B(s)−1 est solution du même problème de Cauchy que t 7→ R(t, s). 2
22 CHAPITRE III. ÉQUATIONS LINÉAIRES
Remarque. On peut aussi montrer que R(t, s) est inversible en vérifiant que son déterminant
satisfait une équation différentielle scalaire linéaire (d’ordre 1). C’est l’objet du résultat suivant,
parfois appelé formule de Liouville.
Dém. C’est un petit calcul qui utilise la différentielle du déterminant, dont on rappelle
qu’elle est donnée par :
d(dét)(M ) · H = tr((comM )t H) .
Par conséquent, la règle de dérivation des fonctions composées montre que :
∂∆ ∂R
(t, s) = tr (comR(t, s))t (t, s) .
∂t ∂t
D’où
∂∆
t
t
(t, s) = tr (comR(t, s)) A(t)R(t, s) = tr (comR(t, s)) R(t, s) A(t) = ∆(t, s) tr(A(t))
∂t
d’après la formule (comR)t R = (détR) I. 2
3 Formule de Duhamel
Ce paragraphe est consacré à un résultat très facile à démontrer et néanmoins fondamental.
Il exprime le principe de superposition bien connu selon lequel : la solution générale d’une
équation linéaire avec terme source est donnée par la solution générale de l’équation homogène
plus une solution particulière de l’équation avec terme source.
est solution de l’équation avec le terme source b. Comme t 7→ R(t, t0 ) · v est solution de
l’équation homogène, la somme des deux est, par linéarité, solution de l’équation avec terme
source. De plus elle vaut v à t = t0 . Donc c’est l’unique solution cherchée. 2
4. ÉQUATIONS LINÉAIRES AUTONOMES 23
Proposition III.5 L’application t 7→ etA est bornée sur R+ si et seulement si les valeurs
propres de A sont toutes de partie réelle négative ou nulle et si les valeurs propres imaginaires
pures sont semi-simples. Elle tend vers 0 en +∞ si et seulement si les valeurs propres de A sont
toutes de partie réelle strictement négative.
(A − λj I)kj Πj = 0 ,
Par suite
p p p kj −1
X X X X tk
tA tA t λj t (A − λj I) t λj
e = e Πj = e e Πj = e (A − λj I)k Πj ,
j=1 j=1 j=1 k=0
k !
ce qui tend bien vers 0 en +∞ si les λj sont toutes de partie réelle strictement négative. Par
ailleurs, si les λj sont de partie réelle négative ou nulle et si les kj valent tous 1, alors et A est
bornée sur R+ . Les réciproques sont faciles à vérifier :
- S’il existe λ de partie réelle strictement positive tel que A v = λ v pour un vecteur v non
nul, alors
et A v = et λ v
est non borné.
- Si λ ∈ i R est une valeur propre non semi-simple, il existe des vecteurs non nuls v et w
tels que
Av = λv, Aw = λw + v.
On montre par récurrence que
Am w = λm w + m λm−1 v
et A w = et λ ( w + t v )
est de norme supérieure ou égale à t kvk − kwk pour t ≥ 0, ce qui est évidemment non borné.
- Enfin, si λ ∈ i R est une valeur propre même simple, A v = λ v avec v non nul entraı̂ne
que
et A v = et λ v
est de norme égale à kvk, ce qui ne tend pas vers 0. 2
4. ÉQUATIONS LINÉAIRES AUTONOMES 25
Définition III.4 Une matrice n’ayant pas de valeur propre imaginaire pure est dite hyperbo-
lique.
Proposition III.6 Soit A ∈ Mn (R) une matrice hyperbolique. Alors les ensembles
sont des sous-espaces vectoriels de Rn stables par A, appelés respectivement sous-espace stable
et sous-espace instable, et il existe des projecteurs Πu et Πs commutant avec A tels que Πu +
Πs = I satisfaisant les estimations suivantes. En notant σ(A) l’ensemble des valeurs propres
de A et
Dém. Le fait que E s et E u soient des sous-espaces vectoriels de Rn stables par A est évident
(rappelons que etA commute avec A). On va commencer par définir les projecteurs Πu et Πs ,
et on vérifiera ensuite que E s = Im(Πs ) et E u = Im(Πu ). On reprend pour cela les mêmes
notations que dans la preuve de la proposition III.5. Soient
X X
Πs := Πj et Πu := Πj .
j ; Reλj <0 j ; Reλj >0
Noter que ces projecteurs sont bien à valeurs dans Rn : en effet, les valeurs propres non réelles
de A sont deux à deux conjuguées, et Πj 0 = Πj si λj 0 = λj donc Πj + Πj 0 est à valeurs dans
Rn .
Comme les Πj , Πs et Πu sont bien des projecteurs commutant avec A. Et comme A n’a pas
de valeur propre imaginaire pure on a
p
X
Πu + Π s = Πj = I .
j=1
d’où, pour t ≥ 0,
K
tA s k s −βt
X tk
ke Π k ≤ p max k (A − λj I) k k Π k e
j≤p,k≤K
k=0
k!
avec K = maxj kj − 1. Le dernier terme, polynômial en t, étant majoré par une constante
fois eε t pour ε > 0, on en déduit l’estimation de ket A Πs k. L’estimation de ket A Πu k s’obtient
exactement de la même manière. On déduit directement de ces estimations les inclusions
Im(Πs ) ⊂ E s et Im(Πu ) ⊂ E u .
26 CHAPITRE III. ÉQUATIONS LINÉAIRES
Définition III.5 On appelle spectre de A ∈ L(X) l’ensemble σ(A) des nombres complexes λ
tels que ( A − λ IX ) ∈
/ Isom(X) (ensemble des isomorphismes de X). Le spectre ponctuel est
inclus dans le spectre : c’est l’ensemble des valeurs propres, c’est-à-dire des nombres λ ∈ C
pour lesquels ( A − λ IX ) est non injectif.
Remarques.
• L’ensemble des isomorphismes étant un ouvert, l’ensemble résolvant de A :
ρ(A) := C\σ(A)
C → L(X)
λ 7→ ( A − λ IX ) .
cette série étant normalement convergente. Plus précisément, on a (voir la preuve ci-après)
Attention ! Si A était un opérateur non borné (c’est-à-dire linéaire mais pas continu), on pour-
rait encore définir son spectre mais il pourrait être vide ou non borné.
4. ÉQUATIONS LINÉAIRES AUTONOMES 27
Démonstration de (5). C’est un peu subtil, car rien ne dit a priori que la limite de 9Am 91/m
existe. Nous allons le prouver, en même temps que la formule du rayon spectral :
(Si on savait que σ(A) est exclusivement constitué de valeurs propres, la preuve serait plus
facile.) On sait déjà que σ(A) est un compact, inclus dans le disque de centre 0 et de rayon
9A9. Le critère de Cauchy sur la convergence des séries montre que
d’où
σ(A) ⊂ { λ ; |λ| ≤ lim sup 9Am 91/m } .
En fait, on a mieux presque sans effort. En effet, si λ ∈ σ(A) alors λm ∈ σ(Am ). Ceci résulte
simplement de la formule
m
X
m m
(A − λ IX ) = ( A − λ IX ) λk Am−1−k .
k=0
On en déduit
d’où
σ(A) ⊂ { λ ; |λ| ≤ lim inf 9Am 91/m } .
m→+∞
d’où sA = lim inf m→+∞ 9Am 91/m = lim supm→+∞ 9Am 91/m . Ceci implique évidemment
(5) (pour la seconde partie de (5), on dit simplement que le sup de la fonction continue λ 7→ |λ|
est nécessairement atteint sur le compact non vide σ(A) ; autrement dit : il existe λ ∈ σ(A) sur
le cercle de centre 0 et de rayon sA = rA !)
La démonstration des deux propriétés énoncées ci-dessus utilise le
RA : ρ(A) → L(X)
λ 7→ ( A − λ IX )−1
Dém. On sait déjà que cette application est continue, comme composée des applications
continues λ ∈ C 7→ A − λ IX et u ∈ Isom(X) 7→ u−1 . De plus, pour λ et λ0 dans l’ensemble
résolvant ρ(A),
(7) ( A − λ IX )−1 − ( A − λ0 IX )−1 = (λ − λ0 ) ( A − λ IX )−1 ( A − λ0 IX )−1 .
Ceci résulte du calcul facile suivant :
(λ − λ0 ) ( A − λ IX )−1 ( A − λ0 IX )−1 =
( A − λ IX )−1 ( A − λ0 IX ) ( A − λ0 IX )−1 − ( A − λ IX )−1 ( A − λ IX ) ( A − λ0 IX )−1 .
On déduit de la formule (7) que
d
( A − λ IX )−1 = ( A − λ IX )−2 .
dλ
2
Comme RA est à valeurs dans l’algèbre de Banach L(X), il faut prendre quelques précautions
si l’on veut appliquer la théorie classique des fonctions de variable complexe. L’astuce consiste
à considérer les applications
f : ρ(A) → C
7→ ϕ ( A − λ IX )−1 ,
λ
avec ϕ ∈ L(X)0 . Le théorème de Hahn-Banach montre qu’il existe au moins un ϕ ∈ L(X)0
pour lequel f n’est pas identiquement nul. De plus, f est holomorphe (par composition), et elle
admet le développement
+∞
X
−1
f (λ) = − λ λ−m ϕ(Am )
m=0
est convergent dans le disque de rayon 1/sA . En particulier, on doit donc avoir
sup |λ−m ϕ(Am )| < ∞ pour |λ| > sA .
m
Grâce au résultat d’analyse fonctionnelle donné dans le théorème III.4 ci-après (appliqué à
l’espace B = L(X) et à la famille Bm = λ−m Am ), on en déduit qu’il existe des nombres
réels positifs C(λ) tels que
sup |λ|−m 9 Am 9 ≤ C(λ) pour |λ| > sA ,
m
d’où
lim sup 9Am 91/m ≤ |λ| pour |λ| > sA .
m
Ceci achève la démonstration de (5). 2
4. ÉQUATIONS LINÉAIRES AUTONOMES 29
Théorème III.4 Si (Bm ) est une famille d’éléments d’un C-espace de Banach B tel que pour
tout ϕ ∈ B 0 ,
sup |ϕ(Bm )| < ∞
m
alors
sup kBm k < ∞ .
m
2
Grâce à l’astuce mentionnée plus haut (utiliser des formes linéaires continues ϕ pour revenir
dans C), on peut faire passer les résultats classiques de la théorie des fonctions de variable
complexe aux fonctions à valeurs dans une algèbre de Banach. En particulier, on a le
Théorème III.5 Soit Ω un ouvert connexe non vide de C et B une algèbre de Banach. Si
f : Ω → B est holomorphe elle est analytique, c’est-à-dire développable en série entière
(et réciproquement). De plus, si Γ et Γ0 sont des lacets homotopes dans Ω, alors
Z Z
f (z) dz = f (z) dz .
Γ Γ0
Par suite, on a
+∞
X n+1
RA (λ) = (λ − λ0 )n RA (λ0 ) ,
n=0
cette série étant convergente pour |λ − λ0 | < 1/9RA (λ0 )9 . Ceci montre que RA est analytique
dans ρ(A). « Inversement » si la série ci-dessus converge, alors sa somme est
+∞
X n+1
SA (λ) := (λ − λ0 )n RA (λ0 ) = ( IX − (λ − λ0 ) RA (λ0 ) )−1 RA (λ0 ) .
n=0
Or
RA (λ0 ) ( A − λ IX ) = IX − (λ − λ0 ) RA (λ0 ) .
30 CHAPITRE III. ÉQUATIONS LINÉAIRES
D’après ce qui précède, tous les points du disque de convergence devraient être dans ρ(A), mais
ce n’est pas le cas de λ. 2
Nous sommes maintenant armés pour aborder l’extension de la proposition III.6 en dimen-
sion infinie. Comme en dimension finie, on dit d’un opérateur qu’il est hyperbolique s’il n’a pas
de spectre imaginaire pur.
on démontre l’estimation de etA lorsque A a son spectre de partie réelle négative ; l’estimation
« symétrique » s’en déduit par le changement de variables t 7→ −t.
1) Le spectre de A étant un compact disjoint de l’axe imaginaire pur, il existe des courbes
fermées simples Γ± incluses dans les demi-plans de droite/gauche et qui entourent les en-
sembles
Σ± := σ(A) ∩ {λ ; Re λ ≷ 0}
(par exemple, on peut prendre le bord de demi-disques de rayon 9A 9 +ε). Soient alors
Z Z
1 −1 1
s
Π = ( z IX − A ) dz , Π = u
( z IX − A )−1 dz .
2 iπ Γ− 2 iπ Γ+
Prenons par exemple le cas de Πs , et pour alléger les notations on omet l’exposant s ainsi que
l’indice − à Γ.
On commence par vérifier que Π est un projecteur. Pour cela, on remarque que d’après le
théorème III.5 Π est invariant par un petit déplacement de Γ (puisque l’ensemble résolvant est
ouvert). Soit Γ0 un chemin fermé simple entourant Γ et ne rencontrant pas l’axe imaginaire.
Alors Z Z
1
Π◦Π = ( z IX − A )−1 ( z 0 IX − A )−1 dz dz 0
(2 iπ)2 Γ Γ0
Z Z
1
= 2
(z 0 − z)−1 ( z IX − A )−1 − (z 0 − z)−1 ( z 0 IX − A )−1 dz dz 0
(2 iπ) Γ Γ0
4. ÉQUATIONS LINÉAIRES AUTONOMES 31
d’après la formule (7). Or, puisque Γ0 est extérieur à Γ, l’indice des points de Γ0 par rapport à
Γ est nul, tandis que l’indice des points de Γ par rapport à Γ0 vaut 1. Donc il reste seulement le
premier terme, qui est égal à Π.
Pour vérifier que Π commute avec A, on utilise le fait que les résolvantes commutent entre
elles (d’après la formule (7)). Ceci implique, pour tout λ ∈ C\σ(A) (ensemble non vide !),
( A − λ IX )−1 Π = Π ( A − λ IX )−1 ,
d’où
Π ( A − λ IX ) = ( A − λ IX ) Π et donc ΠA = AΠ.
Considérons alors A− la restriction de A au sous-espace X − := Im(Π) (stable par A) et
A la restriction de A au sous-espace X + := Im(IX − Π) (également stable par A). On a
+
( A± − λ IX ± )−1 = ( A − λ IX )−1 |X ± .
σ(A± ) = Σ± .
Pour cela, on commence par observer que pour tout λ ∈ / σ(A) qui n’est pas sur Γ,
Z
−1 1
( A − λ IX ) Π = − ( A − λ IX )−1 ( A − z IX )−1 dz
2 iπ Γ
Z Z
1 −1 dz 1 dz
= ( A − λ IX ) − ( A − z IX )−1
2 iπ Γ z − λ 2 iπ Γ z −λ
d’après la formule (7).
- Pour λ à l’extérieur de Γ, le premier terme est nul, et il reste donc :
Z
−1 1 dz
( A − λ IX ) Π = ( A − z IX )−1 .
2 iπ Γ λ−z
Le membre de droite est analytique en λ, quel que soit λ à l’extérieur de Γ, et fournit donc un
prolongement analytique de ( A − λ IX )−1 Π à tout l’extérieur de Γ. Ceci montre que σ(A− )
est à l’intérieur de Γ, et donc σ(A− ) ⊂ Σ− .
- Pour λ à l’intérieur de Γ, on a
Z
−1 −1 1 dz
( A − λ IX ) Π = ( A − λ IX ) + ( A − z IX )−1
2 iπ Γ λ−z
2) Il s’agit maintenant d’obtenir une estimation de etA Π = etAΠ . Pour simplifier, on note
A à la place de AΠ, ce qui revient à supposer que le spectre de A est tout entier à l’intérieur
d’une courbe fermée simple Γ, elle-même incluse dans un demi-plan {λ ; Re λ ≤ γ } avec
γ ∈] − β, 0[. On veut montrer qu’il existe b > 0 tel que pour tout t ≥ 0,
9etA 9 ≤ b eγt .
Là encore, il faut faire preuve d’imagination car la démonstration faite en dimension finie ne
s’adapte pas. L’idée repose sur la transformation de Laplace, qui suggère qu’au moins formel-
lemement Z
1
tA
e = ezt ( z IX − A )−1 dz .
2iπ Re z = γ
(Noter que par construction la droite verticale {z ; Re z = γ} est incluse dans l’ensemble
résolvant ρ(A).) Toutefois, rien n’assure que cette intégrale soit convergente ! En effet, l’ex-
ponentielle est oscillante mais pas décroissante à l’infini, et ( z IX − A )−1 = − RA (z) se
comporte a priori en 1/z à l’infini. En revanche, si l’on modifie convenablement le chemin
d’intégration on peut rendre l’intégrale absolument convergente : en l’occurrence (puisque le
spectre de A est borné) on va voir qu’on peut tout simplement remplacer la droite { z ; Re z =
γ } par la courbe fermée Γ (ce qui supprime tout problème de convergence) !
Soit en effet Z
1
S(t) := ezt ( z IX − A )−1 dz .
2iπ Γ
Comme Re z ≤ γ le long de Γ, il existe évidemment C > 0 tel que pour tout t ≥ 0,
9S(t)9 ≤ C eγ t .
R
D’après l’étape 1) on sait que S(0) = IX . De plus, par dérivation sous le signe , on a
Z
0 1
S (t) = z ezt ( z IX − A )−1 dz
2iπ Γ
Z
1
= ezt ( z IX − A + A ) ( z IX − A )−1 dz = A S(t)
2iπ C
puisque Z
ezt dz = 0
Γ
zt
(la fonction z 7→ e n’ayant évidemment pas de singularité à l’intérieur de Γ). Autrement dit,
S est solution du du problème de Cauchy :
dS
= AS , S(0) = IX .
dt
C’est donc que S(t) = etA . La formule ainsi obtenue :
Z
1
tA
e = ezt ( z IX − A )−1 dz
2iπ Γ
du
= A(t) u ,
dt
et R : R × R → Isom(X) sa résolvante :
∂R
(t, s) = A(t) ◦ R(t, s) et R(s, s) = IX .
∂t
Définition III.6 Quel que soit s ∈ R, on appelle l’opérateur
C(s) := R(s + T, s)
Proposition III.8 Les opérateurs de monodromie sont tous conjugués. Pour qu’il existe une
solution T -périodique non-triviale de l’équation différentielle, il faut et il suffit que 1 soit valeur
propre de ces opérateurs.
R(t + T, s + T ) = R(t, s)
pour tout (t, s) ∈ R × R. (Les deux membres, vus comme fonctions de t, sont solutions du
même problème de Cauchy.) Grâce à la formule de la proposition III.1, on a donc, quels que
soient t et s :
du
= A(t) u
dt
si et seulement si t 7→ v(t) := Q(t) u(t) est solution de
dv
= Bv.
dt
34 CHAPITRE III. ÉQUATIONS LINÉAIRES
Dém. La dimension finie permet d’appliquer le lemme III.3 i) ci-après : il existe donc B ∈
L(X) tel que
eT B = C(0) = R(T, 0) .
Soit alors Q définie par
Q(t) = etB R(0, t) .
On a bien Q(t) ∈ Isom(X), et d’une part
eB = In + N
e e, e := λ−1 N .
N
(Noter que N e est nilpotent comme N .) Car alors il suffira de poser B = β In + B.
e Désormais
on omet les tildes (ce qui revient à supposer λ = 1). Par analogie avec le développement en
série entière de ln(1 + t) au point t = 0, un candidat est
+∞ k
X (−1)m+1 m X (−1)m+1 m
B = N = N .
m=1
m m=1
m
Donc L(eB ) = B. On en déduit que pour tout M ∈ V1 , eL(M ) = M . Cette formule se traduit
en particulier, pour M ∈ V1 ∩ (In + Nk ), par
eLk (M ) = M .
Soit N ∈ Nk . Regardons l’application
t 7→ eLk (In + t N ) − In − t N .
Elle est polynômiale (car l’application t 7→ Lk (In + t N ) est polynômiale et à valeurs dans
Nk , donc il ne reste qu’un nombre fini de termes lorsqu’on compose par l’exponentielle), et
nulle au voisinage de 0. Elle est donc identiquement nulle. En particulier,
eLk (In + N ) = In + N .
ii) Voir par exemple [6]. 2
36 CHAPITRE III. ÉQUATIONS LINÉAIRES
Définition III.7 Les valeurs propres des opérateurs de monodromie sont appelée multiplica-
teurs caractéristiques. Les nombres µ tels que eµT est un multiplicateur caractéristique sont
appelés exposants de Floquet.
Proposition III.9 Si 1 n’est pas dans le spectre des opérateurs de monodromie de l’équation
homogène, l’équation avec terme source admet au moins une solution périodique.
où R est la résolvante de l’équation homogène. Toute solution u de l’équation avec terme source
vérifie d’après la formule de Duhamel (itérée), pour tout n ∈ N, u(nT ) = P n (u0 ) où u0 =
u(0). Donc s’il existe une solution bornée, c’est qu’il existe u0 ∈ X tel que la suite P n (u0 ) soit
bornée.
On va raisonner par l’absurde et montrer que la non-existence de solutions périodiques
empêche P n (u0 ) d’être bornée. S’il n’y a pas de solution périodique c’est que l’opérateur P n’a
RT
pas de point fixe. Autrement dit, le vecteur y := R(T, 0) 0 R(0, s) b(s) ds n’appartient pas à
E := Im (IX − R(T, 0)), qui est fermé puisqu’on a supposé l’espace de dimension finie. Donc
il existe ϕ ∈ E ⊥ tel que ϕ(y) 6= 0 (sinon on aurait y ∈ (E ⊥ )⊥ = E = E). Par construction,
ceci implique
ϕ(v − R(T, 0)v) = 0 pour tout v ∈ X ,
c’est-à-dire ϕ(v) = ϕ(R(T, 0)v) et donc ϕ(v) = ϕ(R(T, 0)n v) pour tout entier n. Or une
récurrence facile montre que
n−1
X
n n
P (v) = R(T, 0) v + R(T, 0)k y .
k=0
On en déduit
ϕ(P n (v)) = ϕ(v) + n ϕ(y) ,
ce qui n’est pas borné puisque ϕ(y) 6= 0. 2
Équations autonomes
1 Champs de vecteurs
Définition IV.1 On appelle intégrale première d’un champ de vecteur f sur U une fonction
E ∈ C 1 (U, R) telle que
On dit aussi que E est une intégrale première de l’équation différentielle (1).
Par définition, quel que soit u ∈ C 1 (J; U ) solution de (1), si E est une intégrale première de
(1) alors E ◦ u est indépendant de t.
Définition IV.2 Un champ de vecteurs f est dit complet si et seulement toutes les solutions
maximales de (1) sont globales, c’est-à-dire définies sur R tout entier.
39
40 CHAPITRE IV. ÉQUATIONS AUTONOMES
Attention ! La régularité d’un champ de vecteurs n’a rien à voir avec le fait qu’il soit complet
ou non, comme le montre l’exemple très simple de l’équation de Riccati, où X = R, f (u) =
u2 (donc f est analytique !) et les solutions non triviales « explosent » en temps fini.
Pour démontrer qu’un champ de vecteurs est complet, on peut faire appel au
Théorème IV.1 Supposons que pour tout intervalle ouvert borné J, toute solution u ∈ C 1 (J; U )
de
du
= f (u)
dt
soit à valeurs dans un compact KJ de U . Alors le champ f est complet.
Dém. C’est une conséquence du théorème des bouts (théorème II.2), un peu subtile car le
compact KJ peut a priori dépendre dangereusement du diamètre de J. En fait, on va appliquer
le théorème des bouts à un système (équivalent) augmenté.
Soit u ∈ C(J; U ) une solution maximale de
du
= f (u) .
dt
Alors l’application s ∈ J 7→ (u, t) = (u(s), s) est une solution maximale du système aug-
menté :
du
ds = f (u) ,
dt
= 1.
ds
Supposons que β = sup J et α = inf J soient finis. Choisissons T > max(β, − α).
D’après le théorème II.2, la solution maximale (u, t) du système augmenté doit sortir du com-
pact KJ × [−T, T ]. Comme u reste dans KJ , c’est que t sort de l’intervalle [−T, T ] et donc de
J ; ce qui est absurde puisque t = s ∈ J.
Donc l’une au moins des bornes de J est infinie. Et en fait les deux le sont. On s’en convainc
aisément en reprenant la démonstration du théorème des bouts : si on avait par exemple J =
] − ∞, β[ avec β < +∞, alors, pour tout γ < β et T > max(β, − γ), la solution (u, t) ∈
C 1 (]γ, β[) du système augmenté devrait sortir du compact K]γ,β[ × [−T, T ] lorsque s % β, ce
qui est impossible. 2
En dimension finie, vérifier les hypothèses de ce théorème revient simplement à trouver des
estimations a priori, c’est-à-dire une majoration des solutions sur les intervalles bornés.
1
kv(s)k2 ≤ E(x(s), v(s)) = E(x(0), v(0)) ,
2
2. FLOT 41
et donc
p
kx(t)k ≤ kx(0)k + T 2 E(x(0), v(0))
pour t ∈] − T, T [. Ainsi la restriction de (x, v) à tout intervalle borné est à valeurs dans un
ensemble fermé borné de R2n . Donc on peut appliquer le théorème IV.1.
Définition IV.3 Les trajectoires des solutions maximales de (1), c’est-à-dire les courbes dans
X de la forme { u(t) ; t ∈ J} où u ∈ C 1 (J; U ) est une solution maximale de (1), sont appelées
courbes intégrales du champ de vecteurs f .
2 Flot
Les flots locaux φt0 et φt1 d’une équation différentielle autonome (1) se déduisent l’un de
l’autre par translation. En effet, les applications t 7→ φt0 (t, v) et t 7→ φt1 (t + t1 − t0 , v) sont par
définition deux solutions de (1) et elles prennent la même valeur v en t = t0 , donc elles sont
égales.
C’est pourquoi on fixe t0 = 0 une fois pour toutes. On notera désormais φt (v) = φ0 (t, v).
2.1 Orbites
Si le champ de vecteurs f est complet, le flot est global, c’est-à-dire que pour tout v ∈ U ,
l’application t 7→ φt (v) est définie sur R tout entier. De plus, l’ensemble
{ φt ∈ C 1 (U ; U ) ; t ∈ R }
φs ◦ φt = φt ◦ φs = φt+s
Définition IV.4 Pour tout v ∈ U on appelle orbite de v (pour l’équation différentielle (1)) la
courbe intégrale de f passant par v, c’est-à-dire l’ensemble
{ φt (v) ; t ∈ J}
Remarque. Si l’on dispose d’une intégrale première E, toute orbite est évidemment incluse
dans un ensemble de niveau de E.
Proposition IV.1 L’orbite d’un point v est réduite au singleton {v} si seulement si f (v) = 0.
Si ce n’est pas le cas et s’il existe t0 6= s0 tel que φt0 (v) = φs0 (v) alors t 7→ φt (v) est une
solution globale périodique et l’orbite de v est une courbe fermée simple.
Dém. Supposons que φt (v) soit défini pour t ∈ [0, T [ avec 0 ≤ s0 < t0 < T < +∞. Soit m
le plus grand entier tel que
m (t0 − s0 ) < T .
L’application
t 7→ φt+t0 −s0 (v)
est solution de l’équation différentielle et vaut
En particulier,
φm(t0 −s0 ) (v) = φ0 (v) = v .
Par conséquent, l’application u définie par
u(m(t0 − s0 )) = v
et prolonge t 7→ φt (v) au delà de T . C’est donc que φt peut être prolongée à tout R. Et elle est
périodique de période (t0 − s0 ).
L’ensemble {t > 0 ; φt (v) = v} contient en particulier t0 − s0 . On peut donc définir
Si v n’est pas un point fixe, T est strictement positif. En effet, il existe ϕ ∈ X 0 tel que ϕ(f (v)) 6=
0. Supposons par exemple ϕ(f (v)) > 0. Par continuité de t 7→ ϕ(f (φt (v))) on a donc, dans un
intervalle [0, η] avec η > 0 assez petit, ϕ(f (φt (v))) ≥ ε > 0. Par suite,
Z t
ϕ(φt (v) − v) = ϕ(f (φs (v))) ds ≥ t ε
0
pour t ∈ [0, η]. Donc φt (v) − v ne peut s’annuler dans [0, η] en dehors de t = 0. Ceci montre
que T est strictement positif. De plus T est atteint par continuité de t 7→ φt (v).
Avec cette définition de T , l’application t 7→ φt (v) est injective sur [0, T [, et l’orbite de v est
la courbe fermée { φt (v) ; t ∈ [0, T [ }, qui est sans point double car φt (v) = φs (v) implique
φt−s (v) = v et donc t − s ≥ T si t > s. 2
2. FLOT 43
Définition IV.5 On appelle point stationnaire ou point fixe ou point d’équilibre un point v ∈ U
dont l’orbite est réduite à {v}, ce qui équivaut à ce que le champ de vecteurs s’annule au point
v : on dit aussi que v est un point singulier du champ de vecteurs.
{ φt (v) ; t ∈ R}
reliant deux points fixes différents en +∞ et −∞. On appelle orbite homocline une orbite
{ φt (v) ; t ∈ R}
En particulier, il existe toujours des sections planes, c’est-à-dire incluses dans un hyperplan
affine. En effet, si f (y) 6= 0, il existe un hyperplan (vectoriel) fermé H tel que
R f (y) ⊕ H = X .
(En dimension infinie, ceci repose sur le théorème de Hahn-Banach.) Par continuité de f , l’en-
semble { u ∈ U ; f (u) ∈/ H } est ouvert. Donc il existe r > 0 tel que pour tout u ∈ B(y, r) (la
boule ouverte de centre y et de rayon r), f (u) ∈ / H. Par conséquent, l’intersection de l’hyper-
plan affine y + H (dont l’espace tangent en tout point est précisément H) avec B(y, r) est une
section locale en y.
Théorème IV.2 (de redressement du flot) Si R f (y) ⊕ H = X, alors il existe τ > 0 et r > 0
tels que
Sr := y + Hr avec Hr := { h ∈ H ; khkX < r }
soit une section locale en y et l’application
3 Portraits de phase
Définition IV.9 On appelle portrait de phases d’un champ de vecteurs f , ou de l’équation
différentielle associée (1), la partition de U en orbites.
Obtenir des informations sur le portrait de phase ne nécessite pas de savoir résoudre expli-
citement l’équation différentielle !
Le point de départ consiste à repérer les orbites stationnaires, ce qui revient à résoudre
l’équation algébrique f (v) = 0. On verra plus loin (Chapitre V) comment trouver l’allure des
orbites au voisinage des points stationnaires (où précisément le théorème de redressement du
flot ne s’applique pas !)
Il y a d’autres orbites remarquables à rechercher. La recherche de cycles et d’orbites homo-
cline ou hétéroclines est en général non triviale. On verra dans la suite du cours quelques outils
pour cela.
Remarque. Si l’on dispose d’une intégrale première E, les orbites sont évidemment incluses
dans des ensembles de niveau de E. En dimension finie n, si l’on dispose de n − 1 intégrales
premières indépendantes, les intersections de leurs ensembles de niveaux forment des courbes,
qui fournissent le portrait de phase complet. (C’est une situation idéale et rare !)
Quoi qu’il en soit, en dimension finie on obtient des informations intéressantes sur l’allure
des orbites par une simple étude du signe des composantes du champ de vecteurs.
Les portraits de phase en dimension 1 sont essentiellement triviaux : ils reposent seulement
sur le tableau de variations de la fonction f . En dimension supérieure à 3 ils sont difficiles
à représenter et d’une grande complexité en général. Le cas de la dimension 2 est à la fois
riche et pas trop compliqué... (On en verra une raison profonde avec le théorème de Poincaré-
Bendixson.)
Il est important de remarquer que le portrait de phases dépend en fait seulement de la direc-
tion du champ de vecteurs.
3. PORTRAITS DE PHASE 45
Proposition IV.2 Le portrait de phases d’un champ de vecteurs f coı̈ncide avec le portrait de
phases de tout champ de vecteurs de la forme λf , où λ ∈ C 1 (U ; R+∗ ).
Soit alors Z s
T (s) = λ(u(σ)) dσ ,
0
qui est une fonction strictement croissante puisque λ est par hypothèse à valeurs positives, et
soit S la fonction réciproque de T , définie sur
Z s±
]t− , t+ [ , où t± := λ(u(σ)) dσ .
0
On a
d dS 1
u(S(t)) = u0 (S(t)) = λ(u(S(t))) f (u(S(t))) = f (u(S(t)))
dt dt λ(u(S(t)))
U (0) = v .
De plus, U est maximale. Supposons en effet que l’on puisse prolonger U à ]t− , t+ + ε], ε > 0.
Prolongeons alors S à ]t− , t+ + ε] par
Z t
dτ
S(t) = .
0 λ(U (τ ))
Et on trouve que U ◦T est solution du même problème de Cauchy que u sur l’intervalle ]s− , s+ +
η], contenant strictement ]s− , s+ [. Cela contredit le fait que u soit maximale. C’est donc que U
est aussi une solution maximale (pour le champ f ). Autrement dit, l’orbite de v sous le champ
λf , c’est-à-dire la courbe
Remarque IV.2 Quel que soit le champ de vecteurs f ∈ C 1 (U ), il existe λ ∈ C 1 (U ; R+∗ ) tel
que g := λ f soit complet. En effet, il suffit de poser λ(u) := 1/(1 + kf (u)k2 ) car alors
g = λ f est borné et le théorème IV.1 montre que ce champ g est complet.
46 CHAPITRE IV. ÉQUATIONS AUTONOMES
4 Ensembles ω-limite
Dans ce qui suit f est un champ de vecteurs de classe C 1 sur l’espace de Banach X tout
entier pour simplifier.
(Ces noms ont été choisi parce que α et ω sont respectivement la première et la dernière
lettre de l’alphabet grec.)
Exemples.
• Si v appartient à une orbite hétérocline, alors par définition il existe v− et v+ ∈ U tels que
limt→±∞ φt (v) = v± . Par conséquent, Lα (v) = {v− } et Lω (v) = {v+ }.
• Si v appartient à un cycle γ, alors Lα (v) = Lω (v) = γ.
Proposition IV.3 Les ensembles ω-limite et α-limite d’un point v sont fermés et invariants par
le flot. Ils sont de plus inclus dans l’ensemble de niveau { w ; E(w) = E(v) } si E est une
intégrale première. Plus généralement, si F : X → R est une fonction continue et monotone le
long des courbes intégrales, les ensembles ω-limite et α-limite sont inclus dans des ensembles
de niveau de F .
Dém. Ces propriétés sont presque contenues dans la définition. Si w ∈ Lω (v), il existe une
suite tn tendant vers +∞ telle que φtn (v) tend vers w. Alors, quel que soit t,
appartient aussi à Lω (v). Donc cet ensemble est bien invariant par le flot. D’autre part, le
complémentaire de l’ensemble ω-limite est par définition l’ensemble des w tels qu’il existe
ε0 > 0 et t0 > 0 avec
kφt (v) − wk ≥ ε0
pour tout t ≥ t0 . Or pour un tel w, on a évidemment
kφt (v) − zk ≥ 21 ε0
Si y ∈ Lω (v), il existe une suite (tn )n∈N tendant vers +∞ telle que
(en particulier, |a| < ∞). Ceci prouve que Lω (v) ⊂ { y ; F (y) = a }. 2
Proposition IV.4 Soit v ∈ X. Si l’orbite {φt (v)} est définie pour tout t ∈ R+ et relativement
compacte, alors Lω (v) est compact non vide et connexe.
Dém. La compacité de Lω (v) est quasi-immédiate : c’est un fermé inclus dans le compact
{φt (v) ; t ∈ R+ } .
Il est non vide puisque l’orbite {φt (v) ; t ∈ R+ } admet au moins une valeur d’adhérence. La
connexité de Lω (v) demande un peu plus de travail. Raisonnons par l’absurde et supposons
qu’il existe deux ouverts disjoints U1 et U2 tels que
Lω (v) ⊂ U1 ∪ U2 , Lω (v) ∩ Ui 6= ∅ .
Par définition de Lω (v), pour tout n ∈ N, il existe donc une suite (τn ) strictement croissante
telle que φτ2n (v) ∈ U2 , φτ2n+1 (v) ∈ U1 . Comme l’ensemble { φt (v) ; τ2n ≤ t ≤ τ2n+1 } est
connexe (image d’un connexe par une application continue !), il ne peut être inclus dans U1 ∪U2 .
Donc il existe tn ∈ ]τ2n , τ2n+1 [ tel que φtn (v) ∈
/ U1 ∪ U2 . Or la suite φtn (v) admet une valeur
d’adhérence a ∈ Lω (v), et cette limite appartient au complémentaire de U1 ∪ U2 (car c’est un
fermé). Ceci contredit l’inclusion Lω (v) ⊂ U1 ∪ U2 . C’est donc que de tels ouverts U1 et U2
n’existent pas, ce qui montre que Lω (v) est connexe. 2
{φt (v) ; t ∈ R+ }
est relativement compacte, puisqu’elle admet au moins une valeur d’adhérence, et toutes ses
valeurs d’adhérence sont incluses dans le compact Lω (v).
Théorème IV.3 (de Jordan) Une courbe fermée simple divise le plan en deux régions connexes,
l’une bornée et l’autre non bornée.
Théorème IV.4 (de Poincaré-Bendixson) Pour un champ de vecteurs dans R2 , tout ensemble
ω-limite compact non vide et sans point fixe est un cycle.
Il existe d’autres versions de ce théorème ( sans l’hypothèse « sans point fixe » notamment).
La démonstration n’est pas difficile mais un peu longue. Elle utilise les résultats préliminaires
que voici.
48 CHAPITRE IV. ÉQUATIONS AUTONOMES
y1
y0
y~
0 y~
0
y0 D y1
D
Lemme IV.1 Si S est une section locale, si (tn ) est une suite croissante telle que yn = φtn (v) ∈
S, alors la suite (yn ) est aussi monotone le long de S, c’est-à-dire
dét(yn+1 − yn , yn − yn−1 ) ≥ 0 .
Dém. Il suffit de faire la preuve pour trois points y0 , y1 , y2 . Fixons donc y0 = φt0 (v) et
y1 , = φt1 (v) appartenant à S avec t0 < t1 et y0 6= y1 . On peut supposer que l’orbite de v ne
coupe pas S dans l’intervalle I := [y0 , y1 ] : si tel était le cas, on remplacerait y0 par ye0 = φet0 (y1 )
le premier point appartenant à S en partant de y1 dans le sens des t < t1 (cf Figure IV.1), car
montrer que y0 , y1 et y2 = φt (v), t > t1 sont ordonnés revient à montrer que ye0 , y1 et y2 le sont.
Soit C la courbe formée de la réunion de I et de {φs (v) ; s ∈ [t0 , t1 ]}. C’est une courbe
fermée, simple grâce à la précaution que l’on a prise et au fait qu’une orbite ne s’intersecte pas
elle-même. Donc d’après le théorème IV.3, elle divise le plan en deux composantes connexes.
Soit D celle qui est bornée. Puisque S est une section, le champ f pointe vers le même demi-
plan le long de S, et en particulier le long de I. En particulier, il pointe soit vers D soit vers
R2 \D. Quitte à renverser le temps (et échanger y0 et y1 ), on peut supposer qu’on est dans le
second cas. Alors D est négativement invariant par le flot, c’est-à-dire que pour tout y ∈ D,
φt (y) ∈ D pour t < 0. En effet, le flot ne peut sortir ni par I ni par {φt (v) ; t ∈ [t0 , t1 ] }. Ceci
implique en particulier que φt (y1 ) appartient à R2 \D pour tout t > t1 . De plus, S\I est constitué
de deux intervalles I0 et I1 contenant respectivement y0 et y1 dans leur bord. Or on peut joindre
tout point de I0 assez proche de y0 à φ−ε (y0 ) avec ε > 0 assez petit, point appartenant à D, sans
passer par le bord de D, on en déduit que I0 est dans D. Donc, si y2 = φt2 (v) ∈ S et t > t2 , y2
appartient nécessairement à I1 . 2
Corollaire IV.1 Si S est une section locale, pour tout v ∈ U , Lω (v) ∩ S contient au plus un
point.
Dém. Supposons que Lω (v) ∩ S contienne deux points distincts, y1 et y2 . Soient alors des
boı̂tes à flot disjointes, V1 3 y1 et V2 3 y2 . Comme ces points sont dans Lω (z), l’orbite z
repasse une infinité de fois dans chacune de ces boı̂tes, et donc aussi par chacun des intervalles
I1 = V1 ⊂ S et I2 = V2 ⊂ S. Plus précisément, il existe une suite (tn ), croissante et tendant
vers +∞ avec n, telle φt2n+1 (v) ∈ I1 et φt2n (v) ∈ I2 . Comme I1 et I2 sont disjoints, ceci
contredit le lemme IV.1. 2
4. ENSEMBLES ω-LIMITE 49
An
A1
yn ∈ Lω (v) ∩ An et yn ∈
/ γ.
Les ensembles An+2 et (U \ An+1 ) étant ouverts, cela contredirait la connexité de Lω (v) (voir
la proposition IV.4).
Maintenant, par compacité de Lω (v), la suite (yn ) admet une sous-suite convergente vers un
point z et par construction de (yn ), dist(z, γ) = 0, donc z ∈ γ puisque γ est compact. Pour
simplifier, on note encore (yn ) la suite extraite. Soit S une section locale en z et Z une boı̂te à flot
50 CHAPITRE IV. ÉQUATIONS AUTONOMES
associée. Pour n assez grand, yn ∈ Z, donc il existe sn ∈] − τ, τ [ tel que xn := φsn (yn ) ∈ S,
et xn 6= z puisque yn ∈ / γ. Comme yn ∈ Lω (v), on a aussi xn ∈ Lω (v). Autrement dit, z et xn
sont deux points distincts de Lω (v) ∩ S. Ceci est en contradiction avec le corollaire IV.1.
C’est donc que notre hypothèse était absurde : on a nécessairement
γ = Lω (v) .
2
Chapitre V
1 Théorie de Lyapunov
Définition V.1 Un point singulier v d’un champ de vecteurs f ∈ C 1 (U ) est dit stable s’il existe
un voisinage V0 de v dans U tel que
i). le flot φt (w) est défini pour tout t ≥ 0 et pour tout w ∈ V0 ,
ii). pour tout voisinage W de v dans U , il existe un voisinage V ⊂ V0 tel que φt (w) appartient
à W pour tout t ≥ 0 et pour tout w ∈ V.
Si de plus, on a
iii). pour tout w ∈ V0 ,
lim φt (w) = v
t→+∞
Concernant la stabilité des équilibres pour les équations linéaires, la proposition III.5 se
reformule ainsi.
du
= Au
dt
si et seulement si
i). les valeurs propres de A sont toutes de partie réelle négative ou nulle,
ii). les valeurs propres imaginaires pures de A sont semi-simples.
51
52 CHAPITRE V. STABILITÉ DES SOLUTIONS STATIONNAIRES
Pour les équations non-linéaires, la stabilité des équilibres est plus délicate à étudier (en
dimension finie et a fortiori en dimension infinie). La théorie de Lyapunov repose sur l’existence
de fonctions (de Lyapunov !) qui permettent de « contrôler » , dans une certaine mesure, le
comportement asymptotique des solutions pour des données initiales proches de l’équilibre.
Dém. Soit η0 > 0 tel que f soit bornée, disons par M , et Lipschitzienne dans la boule
B(v, 2 η0 ) ⊂ V. La démonstration du théorème de Cauchy-Lipschitz montre que le flot φt (w)
η0
est défini pour tout w ∈ B(v, η0 ) et t ∈ [0, τ ] avec τ := 2M .
D’après l’hypothèse sur F et la formule de Taylor à l’ordre 2, il existe η ≤ η0 tel que
α
F (v + h) − F (v) ≥ 4
khk2
Par continuité de F ,
Vη := { u ∈ B(v, η) ; F (u) < m }
est un voisinage (ouvert) de v dans U . De plus, si w ∈ Vη ,
pour t ∈ [0, τ ] et donc kφt (w) − vk reste strictement inférieur à η ≤ η0 . En particulier, φτ (w)
appartient à Vη ⊂ B(v, η0 ). Donc on peut prolonger φt (w) à t ∈ [τ, 2τ ], et de proche en proche
à tout intervalle [kτ, (k +1)τ ] (k ∈ N), tant en restant dans Vη . En conclusion, pour tout w ∈ Vη ,
φt (w) est défini pour tout t ≥ 0 et à valeurs dans Vη . 2
Définition V.2 La fonction F du théorème V.2 est appelée une fonction de Lyapunov.
Exemple : une intégrale première ayant un minimum local (au sens strict de l’énoncé du
théorème V.2) en v est un fonction de Lyapunov !
Dans les modèles physiques, les fonctions de Lyapunov sont souvent reliées à une énergie.
Remarque V.1 En dimension finie, on peut affaiblir l’hypothèse sur F , en demandant que v
soit un minimum local strict sans nécessairement avoir d’estimation de D2 F (v).
1. THÉORIE DE LYAPUNOV 53
Si l’on dispose d’une fonction de Lyapunov dotée d’une propriété supplémentaire adéquate,
on peut obtenir la stabilité asymptotique de l’équilibre.
Dém. On sait déjà d’après la preuve du théorème V.2 qu’il existe un voisinage W de v inclus
dans V tel que
φt (W) ⊂ W
pour tout t ≥ 0. L’hypothèse renforcée sur F permet facilement de voir que
lim φt (w) = v
t→+∞
Or
α
F (φt (w)) − F (v) ≥ k φt (w)) − v k2
4
par construction de W. 2
Définition V.3 La fonction F du théorème V.3 est appelée une fonction de Lyapunov forte.
Remarque V.2
i). Bien sûr, une intégrale première n’est pas une fonction de Lyapunov forte. Cependant,
on peut parfois trouver une fonction de Lyapunov forte comme intégrale première d’un
système “approché”. C’est le cas par exemple pour l’équation du pendule avec amortis-
sement :
d2 x dx
2
+k + sin x = 0 , k > 0 .
dt dt
Soit E l’intégrale première connue pour k = 0 :
1 0 2
E(x, x0 ) = (x ) − cos x .
2
Alors pour une solution du système amorti on a :
d
E(x(t), x0 (t)) = x0 (t) ( x00 (t) + sin x(t) ) = − k (x0 (t))2 < 0
dt
pour x0 (t) 6= 0. La fonction E est donc une une fonction de Lyapunov aux points de la
forme(2kπ, 0) ; ce n’est pas tout à fait une fonction de Lyapunov forte, mais elle permet
de montrer que ces points sont asymptotiquement stables (ceci est laissé en exercice).
54 CHAPITRE V. STABILITÉ DES SOLUTIONS STATIONNAIRES
ii). Des systèmes admettant une fonction de Lyapunov forte évidente sont les systèmes gra-
dient, de la forme
du
= − gradV (u) .
dt
Si v est un minimum local strict de V alors V est une fonction de Lyapunov forte au point
v.
On dit aussi en abrégé que la stabilité spectrale (c’est-à-dire que le spectre du linéarisé
est inclus dans { λ ∈ C ; Re λ < 0 }) implique la stabilité non-linéaire. C’est un résultat
spécifique de la dimension finie1 , qui équivaut d’après le théorème V.1 à l’assertion suivante.
Si v est un point d’équilibre de f et si 0 est un point d’équilibre asymptotiquement stable du
système linéarisé autour de ce point d’équilibre :
du
= Df (v) u
dt
alors v est un point d’équilibre asymptotiquement stable du système non-linéaire.
Pour démontrer le théorème V.4, on aura besoin du
Lemme V.1 Soit A ∈ Mn (R) dont les valeurs propres sont toutes de partie réelle strictement
négative. Alors l’équation
du
= Au
dt
admet une fontion de Lyapunov forte qui est une forme quadratique.
Dém. On commence par “diagonaliser A à ε près”, c’est-à-dire à trouver, pour tout ε > 0,
une matrice Pε ∈ GLn (C) et une matrice Cε ∈ Mn (C) de norme (subordonnée à la norme
hermitienne sur Cn ) inférieure à ε telles que
Pε−1 A Pε = D + Cε
avec D diagonale de coefficients {λ1 , . . . , λn } les valeurs propres de A. Pour cela, il suffit
de trigonaliser A de façon particulière : si a est l’endomorphisme de matrice A dans la base
canonique de Cn , on fabrique une base (e1 , . . . , en ) dans laquelle la matrice de a soit une
matrice triangulaire supérieure D + B, c’est-à-dire que pour tout j ∈ {1, . . . , n} :
j−1
X
a(ej ) = λj ej + bij ei ,
i=1
1
Démontrer le même résultat en dimension infinie demande en général beaucoup d’efforts supplémentaires.
1. THÉORIE DE LYAPUNOV 55
ej = η j ej , de sorte que
puis on dilate les vecteurs de base en e
j−1
X
e j ) − λj e
a(e ej = bij η j−i e
ei .
i=1
Re (u∗ Q∗ C Q u) ≤ k Q u k k C Q u k ≤ ε k Q u k2
Dq(u) A u ≤ − 2 (β − ε) q(u) ,
ce qui implique que q est une fonction de Lyapunov forte pourvu qu’on ait choisi ε < β. 2
Dém. [Théorème V.4] On peut appliquer le lemme V.1 à la matrice jacobienne A = Df (v).
On a ainsi une forme quadratique q(u) = kQ uk2 , telle que
et
Dq(u) A u ≤ − β q(u)
avec α et β > 0. Alors F (w) = q(w − v) définit une fonction de Lyapunov forte pour le
champ f . En effet, on a de façon évidente :
k B(v, w) · (w − v, w − v) k ≤ c k w − v k2 ≤ 2c
α
kQ (w − v)k2 .
56 CHAPITRE V. STABILITÉ DES SOLUTIONS STATIONNAIRES
Par suite
Donc F est une fonction de Lyapunov forte pour f au point v, et l’équilibre v est asympto-
tiquement stable d’après le le théorème V.3. 2
Pour un “gros” système, il peut parfois être plus facile de trouver une fonction de Lyapunov
que de montrer que le système linéarisé a ses valeurs propres sont de partie réelle négative. En
dimension infinie, le spectre du linéarisé est encore plus difficile à localiser et il ne suffit pas à
prouver la stabilité. La recherche de fonctions de Lyapunov est donc très importante.
avec |α| 1 modifie dramatiquement le portrait de phase au voisinage de 0 ! Ces points sont
les prototypes de points fixes non hyperboliques.
Définition V.4 Un point singulier v du champ f est dit hyperbolique si le spectre de l’opérateur
Df (v) n’intersecte pas l’axe imaginaire.
Les points fixes hyperboliques sont précisément ceux qui sont structurellement stables, au
sens topologique du terme. C’est l’objet du théorème suivant, que nous admettrons.
Ce théorème signifie que l’on peut déformer continûment les orbites au voisinage de v pour
obtenir les orbites du système linéarisé
du
= Df (v) (u − v) ,
dt
et réciproquement. Il ne dit rien sur les propriétés de nature différentielle (tangentes, convexité,
etc.) de ces courbes. En particulier, il ne fait pas la distinction entre les différentes sortes nœuds
en dimension 2. Le théorème dit de la variété stable ci-après ne fait pas non plus de distinction
entre ces points, mais il donne des informations sur les propriétés différentielles des orbites,
souvent utiles dans les applications.
Théorème V.6 (de la variété stable locale) Si v est un point fixe hyperbolique de l’équation
différentielle
du
= f (u)
dt
(avec f ∈ C 1 (U ), U un ouvert de Rn ), dont le flot est noté φt (w), il existe un voisinage V de v
dans U tel que les ensembles
s
Wloc = { w ∈ V ; t 7→ φt (w) ∈ Cb1 (R+ ) } , u
Wloc = { w ∈ V ; t 7→ φt (w) ∈ Cb1 (R− ) }
soient des variétés (à bord) contenant v, tangentes respectivement à E s et E u , les sous-espaces
s u
stable et instable de Df (v), au point v : autrement dit, Wloc et Wloc sont des graphes de fonc-
tions différentiables sur des voisinages de v dans les sous-espaces affines v + E s et v + E u
respectivement, dont la différentielle s’annule en v.
s s s
De plus, Wloc est positivement invariante par le flot, c’est-à-dire φt (Wloc ) ⊂ Wloc pour tout
u u
t ≥ 0, tandis que φt (Wloc ) ⊂ Wloc pour tout t ≤ 0, et on a
s u
Wloc = { w ∈ V ; lim φt (w) = v } , Wloc = { w ∈ V ; lim φt (w) = v } .
t→+∞ t→−∞
s u
Définition V.5 Les ensembles Wloc et Wloc sont appelés respectivement variété stable locale et
variété instable locale.
Nous allons voir une démonstration du théorème de la variété stable (locale) à l’aide de la
méthode de Lyapunov-Schmidt.
Théorème V.7 (de l’application ouverte) Si B est une application linéaire continue surjective
d’un espace de Banach X dans un espace de Banach Y , alors B est ouverte, c’est-à-dire pour
tout ouvert Ω de X, B(Ω) est un ouvert de Y . Par suite, si B est bijective, son inverse B −1 est
continu.
(La démonstration de ce théorème se trouve par exemple dans le livre d’analyse fonctionnelle
de [5], p. 19–20.) On sait qu’une application linéaire injective admet un inverse à gauche au sens
algébrique, de même qu’une application linéaire surjective admet un inverse à droite. Du point
de vue de l’analyse fonctionnelle, l’existence d’un inverse à droite (continu) pour une applica-
tion linéaire continue surjective demande en plus que son noyau admette un supplémentaire to-
pologique3 , tandis que l’existence d’un inverse à gauche (continu) pour une application linéaire
continue injective demande que son image soit fermée et admette un supplémentaire topolo-
gique (voir par exemple [5], p. 23). Le lemme suivant rassemble en quelque sorte ces deux
résultats en un seul.
Lemme V.2 Soit B un opérateur linéaire continu d’un espace de Banach X dans un espace
de Banach Z. Si X0 := KerB admet un supplémentaire topologique X1 = KerP , où P est
un projecteur continu d’image X0 , et si ImB est fermé, alors il existe un opérateur K linéaire
continu de ImB dans X1 tel que
B K = IdImB et K B = IdX − P .
Dém. La restriction de B à X1 est injective d’image ImB. Donc, pour tout z ∈ ImB, il
existe un unique x ∈ X1 tel que z = B x. Si on définit l’opérateur K sur ImB, qui est
un espace de Banach comme sous-espace fermé d’un espace de Banach, par K z = x, K
est évidemment linéaire, et continu d’après le théorème de l’application ouverte ; il vérifie par
construction l’identité K B x = x pour tout x ∈ X1 . De plus, n’importe quel x ∈ X s’écrit
de façon unique sous la forme x = x0 + x1 avec x0 = P x ∈ KerB et x1 ∈ X1 . On a alors
B x = B x1 , d’où K B x = K B x1 = x1 = x − P x par définition de K. 2
Ainsi donc, si B est un opérateur satisfaisant les hypothèses de ce lemme, l’équation Bx =
G(x, ξ) (avec G ∈ C 1 (X × Rp ; Z)) équivaut à G(x, ξ) ∈ ImB et B (x0 + x1 ) = G(x0 + x1 , ξ)
avec x0 = P x ∈ X0 = KerB et x1 ∈ X1 . Si de plus il existe Q un projecteur continu sur ImB,
ceci équivaut à G(x0 + x1 , ξ) = Q G(x0 + x1 , ξ) et B x1 = Q G(x0 + x1 , ξ). En composant
à gauche par K, cette dernière équation implique x1 = x1 − P x1 = K Q G(x0 + x1 , ξ). On
arrive ainsi au système :
x1 = K Q G(x0 + x1 , ξ) ,
(1)
0 = (IdZ − Q) G(x0 + x1 , ξ) ,
x1 = K Q G(x0 + x1 , ξ)
3
Par définition, un supplémentaire topologique d’un sous-espace fermé est un supplémentaire au sens
algébrique, qui est de plus fermé et sur lequel il existe un projecteur continu.
2. POINTS FIXES HYPERBOLIQUES 59
se résout par le théorème des fonctions implicites. En effet, par hypothèse sur G, la fonction
F1 : X1 × X0 × Rp → X1
(x1 , x0 , ξ) 7→ x1 − K Q G(x0 + x1 , ξ)
est telle que F1 (0, 0, 0) = 0 et ∂x1 F1 (0, 0, 0) = IdX1 . Donc il existe une application χ1 de
classe C 1 au voisinage de (0, 0) telle que F1 (x1 , x0 , ξ) = 0 avec (x1 , x0 , ξ) voisin de (0, 0, 0)
équivaut à x1 = χ1 (x0 , ξ). En substituant cette relation dans la deuxième équation du système
(1), on voit que la résolution de l’équation de départ F (x, ξ) = 0 au voisinage de (0, 0) équivaut
à la résolution de
(IdZ − Q) G(x0 + χ1 (x0 , ξ), ξ) = 0
au voisinage de (0, 0). Cette dernière équation est trivialement satisfaite dans le cas où Q =
IdZ , c’est-à-dire si ImB = Z. Ce sera le cas dans la démonstration du théorème de la variété
stable par cette méthode.
Alors
dx
B : x ∈ X 7→ − Ax
dt
définit un opérateur linéaire continu de X dans Z. D’après le théorème III.6, on voit que
KerB = ImS
où
S : Eu → X
ξ 7→ Sξ : t ∈ R− 7→ etA ξ .
Un projecteur sur KerB est simplement donné par
P x = S ◦ Πu x(0) .
dx
= Ax + z
dt
60 CHAPITRE V. STABILITÉ DES SOLUTIONS STATIONNAIRES
assortie d’une condition à la limite en −∞ (par définition de X , x doit être bornée ainsi que sa
dérivée en −∞). Une telle solution s’obtient grâce à une formule de type Duhamel :
Z t Z 0
(t−τ ) A s
(2) x(t) = e Π z(τ ) dτ − e(t−τ ) A Πu z(τ ) dτ , t ≤ 0 .
−∞ t
cε
≤ γ−ε
kzkZ .
Donc la formule (2) définit bien une fonction continue bornée sur R− ; le fait que x0 (t) =
A x(t) + z(t) découle d’un calcul facile, en se rappelant que Πu + Πs = IX ; et on déduit une
borne pour x0 . Donc x appartient à X et vérifie B x = z.
Étant donné w ∈ X proche de 0, on peut reformuler à l’aide des opérateurs B et S le fait
que x : t 7→ φt (w) appartienne à X . En effet, par définition du flot, x doit être solution du
problème de Cauchy :
dx
= A x + g(x) ,
(3) dt
x(0) = w .
B x1 = g( S ξ + x1 ) .
D’après le lemme V.2, il existe un opérateur K linéaire continu de Z dans X1 tel que
B K = IdZ et K B = IdX − P .
D’après le calcul fait plus haut, on a même une expression explicite de K donnée par la formule
(2) : Z t Z 0
(K z)(t) = e(t−τ ) A Πs z(τ ) dτ − e(t−τ ) A Πu z(τ ) dτ , t ≤ 0.
−∞ t
Soit alors
F1 : X1 × E u → X1
(x1 , ξ) 7→ x1 − K g( S ξ + x1 ) .
On a F1 (0, 0) = 0 et dx1 F1 (0, 0) = IdX1 . Donc on peut appliquer le théorème des fonctions
implicites à F1 au voisinage de (0, 0). On en déduit que l’équation B x1 = g( S ξ + x1 ) admet
une solution unique x1 = χ1 (ξ) dans un voisinage V1 × W ⊂ X1 × E u de (0, 0), avec χ
de classe C 1 sur W et χ1 (0) = 0, dξ χ1 (0) = 0 (puisque Dg(0) = 0). Par suite, pour tout
2. POINTS FIXES HYPERBOLIQUES 61
w ∈ (Πu )−1 (W), le problème de Cauchy (3) admet une unique solution x ∈ S W + V1 ⊂ X ,
donnée par
x = S ξ + χ1 (ξ) , ξ = Πu w .
En particulier, on a w = x(0) = ξ + χ1 (ξ)(0). On peut noter que χ1 (ξ)(0) appartient à E s ,
car x1 = χ1 (ξ) appartient à Ker P et donc S Πu x1 (0) = 0, ce qui implique Πu x1 (0) = 0.
L’application
h : W ⊂ Eu → Es
ξ 7→ h(ξ) = χ1 (ξ)(0)
est de classe C 1 et vérifie h(0) = 0, dξ h(0) = 0 . Cela signifie exactement que
φt (V) ⊂ V
Ceci implique évidemment φt (w) ∈ W pour tout t ≤ 0 et, par continuité de h (qui vaut 0 en
0 !),
lim φt (w) = 0 .
t→−∞
Remarque V.3 À partir des variétés stable et instable locale on peut définir les variétés glo-
bales : [ [
Ws = φt Wloc s
et W u = u
φt Wloc .
t≤0 t≥0
3 Variétés invariantes
Plus généralement, on peut trouver des variétés invariantes par le flot d’une équation différentielle
en séparant de façon arbitraire le spectre de l’équation linéarisée : ceci ne demande plus l’hy-
perbolicité du point fixe !
De plus, on peut construire des « variétés globales », définies comme des graphes de fonc-
tions définies sur des sous-espaces entiers (invariants par l’équation linéarisée), à condition que
la partie non-linéaire du champ de vecteurs soit globalement assez petite.
C’est l’objet du résultat suivant, que l’on admettra mais dont on montrera comment il im-
plique en particulier le théorème V.6.
où −β < γ (sans rien supposer a priori sur leur signe). En notant g(x) = f (x) − Df (v) ·
(x − v), si kgkCb1 (Rn ) est assez petit, il existe un unique h ∈ C 1 (E + ; E − ) tel que
et le graphe de h :
W + := { v + ξ + h(ξ) ; ξ ∈ E + }
soit invariant par le flot φ de l’équation différentielle u0 = f (u). De plus, pour tout w =
v + ξ + h(ξ) ∈ W + et pour tout γ 0 > γ il existe C > 0 tel que
0
kφt (w) − vk ≤ C eγ t kξk .
Dans cet énoncé, si les deux paramètres β et γ sont strictement positifs, cela implique en
particulier que le point fixe est hyperbolique, et la variété obtenue est précisément la variété
instable.
Voyons comment en déduire précisément le théorème V.6. Pour fixer les idées, disons qu’il
s’applique pour kgkC 1 (Rn ) ≤ ε. En général, on ne peut espérer cette inégalité globale. Cependant
on peut s’y ramener, quitte à modifier f , et donc aussi g en dehors d’un voisinage de v. En effet,
il existe une boule B(v; η) dans Rn telle que
par le théorème des accroissements finis. Soit alors χ ∈ C ∞ (Rn ; R+ ), valant identiquement 1
dans B(v; η/3), identiquement 0 en dehors de B(v; η) telle que
(L’existence d’un tel χ, appelé fonction de troncature est laissée en exercice.) Considérons fe
définie par
fe(x) = Df (v) · (x − v) + ge(x) , ge := χ g .
3. VARIÉTÉS INVARIANTES 63
Donc le théorème V.8 s’applique à l’équation différentielle u0 = fe(u), dont le flot coincide
avec celui de u0 = f (u) dans B(v; η/3).
Définition V.6 Lorsque γ = 0 dans l’énoncé du théorème V.8, la variété obtenue W + est ap-
pelée variété centrale-instable (au point v) et généralement notée W cu . On obtient la variété
centrale-stable W cs par renversement du temps (t 7→ −t). On définit alors la variété centrale
(au point v) par W c := W cu ∩ W cs .
Quite à diminuer ε dans l’énoncé du théorème V.8, on peut démontrer que W c est le graphe
d’une fonction de classe C 1 au dessus de E c := E cu ∩E cs où E cu et E cs désignent naturellement
les espaces tangents respectivement à W cu et W cs au point v. D’après le théorème V.8, si w ∈
Wc , pour tout α > 0 il existe C > 0 tel que
Autrement dit, les solutions de problèmes Cauchy avec donnée initiale dans la variété centrale
Wc ne peuvent croı̂tre que de façon modérée (tout en restant à valeurs dans Wc du fait de son
invariance par le flot).
Attention, on rappelle que le théorème V.8 ne s’applique qu’aux champs de vecteurs dont la
partie non-linéaire est assez petite dans Cb1 (Rn ). En fait, on peut démontrer (notamment à l’aide
d’une troncature comme ci-dessus), l’existence d’une variété centrale locale.
Théorème V.9 (de la variété centrale locale) Si v est un point fixe de l’équation différentielle
du
= f (u)
dt
(avec f ∈ C 1 (U ), U un ouvert de Rn ), dont le flot est noté φt (w), si E c , le sous-espace central
de Df (v), c’est-à-dire la somme des sous-espaces caractéristiques associés aux valeurs propres
imaginaires pures de Df (v), est non trivial, il existe un voisinage V de v dans U et une variété
c
locale Wloc , tangente à E c au point v, c’est-à-dire que
c
Wloc = { w = v + ξ + h(ξ) ; ξ ∈ O ⊂ E c } ,
ii). Lieu des orbites globales proches de v : quel que soit w ∈ V, si φt (w) est défini et à
c
valeurs dans V quel que soit t ∈ R, alors w ∈ Wloc .
64 CHAPITRE V. STABILITÉ DES SOLUTIONS STATIONNAIRES
c
Attention, ce théorème ne prétend pas montrer l’unicité de Wloc : il peut exister plusieurs
c
variétés centrales locales, tangentes à E et vérifiant les propriétés i) ii). Un exemple très simple
est celui du système 0
x = x2 ,
y 0 = −y ,
dont on peut calculer explicitement les solutions et constater que les orbites sont incluses dans
les courbes ayant une équation de la forme
y = C exp(1/x) ,
où C est une constante arbitraire. Le portrait de phase montre ainsi une infinité de courbes
tangentes à l’axe Ox et vérifiant les propriétés i) ii) : ce sont précisément les graphes de toutes
les fonctions de la forme
0 x ≥ 0,
x 7→ .
C exp(1/x) x < 0 .
(Voir la figure V.3.)
Figure V.1: Portrait de phase du système (5) lorsque ∂λ g(0, λ0 ) > 0 et ∂x g(0, λ0 ) > 0.
admet une variété centrale locale en (u0 , λ0 ) de dimension 2. Le système réduit sur cette variété
est de la forme
dx
dt = g(x, λ) ,
(5)
dλ
= 0,
dt
où l’inconnue x est scalaire, g(0, λ0 ) = 0 et ∂x g(0, λ0 ) = 0. Supposons en outre que
∂λ g(0, λ0 ) 6= 0 , ∂x g(0, λ0 ) 6= 0 .
Pour fixer les idées, on supposera ces deux quantités positives. Dans ce cas, pour λ < λ0 , la
fonction g(·, λ) ne s’annule pas au voisinage de 0, pour λ = λ0 elle s’annule exactement au
point 0, et pour λ > λ0 elle s’annule en deux points de signes opposés. Plus précisément, au
voisinage de (0, λ0 ) dans le plan {(x, λ) ∈ R2 }, l’ensemble des zéros de g est une courbe,
tangente à l’axe Ox en (0, λ0 ), avec la concavité tournée vers λ > λ0 . Le portrait de phases du
système (5) est particulièrement simple à tracer, car sur les droites d’équation λ = constante, il
se ramène au portrait de phase d’équations différentielles scalaires ! Il est d’usage de tracer ce
portrait de phases avec le paramètre (λ) en abscisse, voir la figure V.1.
Le nom de cette bifurcation provient du portrait de phase de l’équation scalaire
dx
= g(x, λ)
dt
augmentée d’une équation hyperbolique, par exemple
dy
= −y .
dt
Le portrait de phase du système plan ainsi obtenu est qualitativement le même que celui du
système modèle :
dx 2
dt = x − λ + λ0 ,
(6)
dy
= −y,
dt
66 CHAPITRE V. STABILITÉ DES SOLUTIONS STATIONNAIRES
(aussi appelé forme réduite). Il change radicalement lorsque λ traverse la valeur critique λ0 ,
voir les figures V.2, V.3, V.4.
ii). on a une bifurcation surcritique : pour λ < λ0 , le champ de vecteurs f (·, λ) n’admet
aucun cycle autour de u∗ (λ), et pour λ > λ0 , il admet exactement
√ un cycle autour (et
assez proche) de u∗ (λ) ; le diamètre de ce cycle est en O( λ − λ0 ).
iii). on a une bifurcation souscritique : pour λ > λ0 , le champ de vecteurs f (·, λ) n’admet
aucun cycle autour de u∗ (λ), et pour λ < λ0 , il admet exactement
√ un cycle autour (et
assez proche) de u∗ (λ) ; le diamètre de ce cycle est en O( λ0 − λ).
La démonstration de ce théorème repose sur la théorie des formes normales, qui sort du
cadre de ce cours. Nous nous contenterons d’observer ce qui se passe sur la forme réduite de
Poincaré-Andronov : 0
x = −y + λ − x(x2 + y 2 ) ,
y 0 = x + λ − y(x2 + y 2 ) .
La valeur critique du paramètre est ici évidemment λ = 0. En passant en coordonnées polaires,
ce système se ramène à 0
r = λr − r3 ,
θ0 = 1 ,
c’est-à-dire finalement à l’équation scalaire
dr
= λr − r3 .
dθ
√
trois : 0 et ± λ. Attention,
√ λ < 0√cette équation a un seul point fixe, 0, et si λ > 0, elle en a√
Si
λ et − λ ne sont pas des points fixes du système de départ, mais λ est précisément le rayon
d’un cycle.
Index
équation phase
augmentée, 16, 40 plan de, 4
aux variations, 13 portrait de, 44
équation différentielle point
autonome, 3 d’équilibre, 43
ordinaire, 3 fixe, 43
résolue, 3 singulier, 43
stationnaire, 43
analytique, 29 polynôme
caractéristique, 23
caractéristique
minimal, 23
multiplicateur, 36
propre
polynôme, 23
sous-espace, 23
sous-espace, 23
valeur, 23
champ de vecteurs, 39
courbe intégrale, 41 résolvant
estimation a priori, 40 ensemble, 26
redressement
Floquet du flot, 44
exposant de, 36
flot, 12 semi-simple
valeur propre, 23
holomorphe, 27 simple
hyperbolique valeur propre, 23
matrice, 25 solution
globale, 10
intégrale première, 39 locale, 10
maximale, 10
Lyapunov-Schmidt
sous-espace
méthode de, 57
caractéristique, 23
minimal propre, 23
polynôme, 23 sous-espace instable, 25
multiplicité sous-espace stable, 25
algébrique, 23 spectre, 26
géométrique, 23 stabilité, 51
asymptotique, 51
opérateur de monodromie, 33 non-linéaire, 54
orbite, 41 spectrale, 54
hétérocline, 43 système
homocline, 43 gradient, 54
68
INDEX 69
valeur propre, 23
semi-simple, 23
simple, 23
variété
centrale, 63
centrale locale, 63
centrale-instable, 63
centrale-stable, 63
instable locale, 57
stable locale, 57
70 INDEX
Bibliographie
[1] V. Arnold. Équations différentielles ordinaires. Éditions Mir, Moscow, 1974. Champs de
vecteurs, groupes à un paramètre, difféomorphismes, flots, systèmes linéaires, stabilités
des positions d’équilibre, théorie des oscillations, équations différentielles sur les variétés,
Traduit du russe par Djilali Embarek.
[2] V. Arnold. Chapitres supplémentaires de la théorie des équations différentielles ordi-
naires. “Mir”, Moscow, 1984. Translated from the Russian by Djilali Embarek, Reprint
of the 1980 edition.
[3] A. Avez. Calcul différentiel. Collection Maı̂trise de Mathématiques Pures. Masson, Paris,
1983.
[4] Martin Braun. Differential equations and their applications, volume 11 of Texts in Applied
Mathematics. Springer-Verlag, New York, fourth edition, 1993. An introduction to applied
mathematics.
[5] H. Brezis. Analyse fonctionnelle. Collection Mathématiques Appliquées pour la Maı̂trise.
Masson, Paris, 1983. Théorie et applications.
[6] Carmen Chicone. Ordinary differential equations with applications, volume 34 of Texts
in Applied Mathematics. Springer-Verlag, New York, 1999.
[7] Shui Nee Chow and Jack K. Hale. Methods of bifurcation theory, volume 251 of Grund-
lehren der Mathematischen Wissenschaften [Fundamental Principles of Mathematical
Science]. Springer-Verlag, New York, 1982.
[8] Michel Crouzeix and Alain L. Mignot. Analyse numérique des équations différentielles.
Collection Mathématiques Appliquées pour la Maı̂trise. Masson, Paris, 1984.
[9] Jean-Pierre Demailly. Analyse numérique et équations différentielles. Collection Grenoble
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[10] Morris W. Hirsch and Stephen Smale. Differential equations, dynamical systems, and
linear algebra. Academic Press [A subsidiary of Harcourt Brace Jovanovich, Publishers],
New York-London, 1974. Pure and Applied Mathematics, Vol. 60.
[11] Gérard Iooss and Daniel D. Joseph. Elementary stability and bifurcation theory. Under-
graduate Texts in Mathematics. Springer-Verlag, New York, second edition, 1990.
[12] J. D. Murray. Mathematical biology. I, volume 17 of Interdisciplinary Applied Mathema-
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[13] Lawrence Perko. Differential equations and dynamical systems, volume 7 of Texts in
Applied Mathematics. Springer-Verlag, New York, third edition, 2001.
[14] Hervé Reinhard. Équations différentielles. Proceedings of Symposia in Pure Mathematics.
Dunod, Paris, 1982. Fondements et applications. [Foundations and applications.].
71
72 BIBLIOGRAPHIE
I Introduction 3
IV Équations autonomes 39
1 Champs de vecteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
2 Flot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
2.1 Orbites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
2.2 Redressement du flot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
3 Portraits de phase . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
4 Ensembles ω-limite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
4.1 Propriétés générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
4.2 Équations dans le plan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
73