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Équations diérentielles non linéaires


d'ordre 1

53.1 Notations et dénition


1
Pour ce chapitre, U est un ouvert non vide de R2 et f une fonction de U dans R.
Dénition 53.1 On dit qu'une fonction u : I → R est une solution sur I de l'équation dié-
rentielle :
x′ = f (t, x) (53.1)
si :
 I est un intervalle d'intérieur non vide de R ;
 u une fonction dérivable de I dans R ;
 pour tout t ∈ I, on a (t, u (t)) ∈ U et u′ (t) = f (t, u (t)) .
Avec les notations et hypothèses de la dénition précédente, on dira que u est solution de
(53.1) sur l'intervalle I ou que le couple (I, u) est une solution locale de l'équation diérentielle
(53.1)
La représentation graphique d'une solution de (53.1) est appelée courbe intégrale de l'équa-
tion diérentielle.
Théorème 53.1 Si la fonction f est de classe C k sur U, avec k ≥ 0, et u est une solution de
(53.1) sur I, cette solution est alors de classe C k+1 sur I.

Démonstration. Soient f une fonction continue sur U et u une solution de (53.1) sur I.
Cette fonction u est dérivable sur I et la fonction u′ : t ∈ I 7→ f (t, u (t)) est continue sur I.
Le résultat et donc acquis pour k = 0.
Supposons le acquis jusqu'au rang k ≥ 0 et soit f ∈ C k+1 (U, R) . Comme f ∈ C k (U, R) ⊂
C k+1 (U, R) , une solution u de (53.1) est de classe C k+1 sur I et la fonction u′ : t ∈ I 7→ f (t, u (t))
est de classe C k+1 sur I comme composée de fonctions de classe C k+1 , la fonction u est donc est
de classe C k+2 sur I.
Remarque 53.1 En utilisant les notations du théorème, si la fonction f est de classe C 1 sur
U, la fonction u est alors de classe C 2 sur I avec :
∂f ∂f ∂f ∂f
∀t ∈ I, u′′ (t) = (t, u (t)) + (t, u (t)) u′ (t) = (t, u (t)) + (t, u (t)) f (t, u (t))
∂x ∂y ∂x ∂y
1. Version du 23/02/2013

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1320 Équations diérentielles non linéaires d'ordre 1

Étant donné (t0 , x0 ) ∈ U, résoudre le problème de Cauchy relatif à (53.1) avec la condition
initiale (t0 , x0 ) revient à trouver un intervalle I et une solution u de (53.1) sur I telle que
u (t0 ) = x0 .

Dénition 53.2 Si u1 : I1 → R et u2 : I2 → R sont deux solutions de (53.1) , on dit alors que


u1 est une restriction de u2 si I1 ⊂ I2 et si, pour tout t ∈ I1 , on a u1 (t) = u2 (t) . On dit aussi
que u2 est un prolongement de u1 , ou encore que u2 prolonge u1 .

Dénition 53.3 Une solution u : I → R de (53.1) est dite maximale si elle n'admet pas d'autre
prolongement qu'elle même.

Exemple 53.1 La fonction t ∈ R 7→ eλt est une solution maximale de l'équation diérentielle
x′ = λx.

53.2 Le théorème de Cauchy-Lipschitz


On suppose pour ce paragraphe que U est un ouvert non vide de R2 , que f une fonction
continue de U dans R, que (t0 , x0 ) est donné dans U et on s'intéresse au problème de Cauchy
qui consiste à chercher un intervalle réel I non réduit à un point contenant t0 et une fonction
u : I → R de classe C 1 telle que :
{
u (t0 ) = x0
∀t ∈ I, (t, u (t)) ∈ U et u′ (t) = f (t, u (t))

Lemme 53.1 Soient I un intervalle réel non réduit à un point, une fonction continue u : I → R
telle que (t, u (t)) ∈ U pour tout t ∈ I et t0 un point de I.
La fonction u est solution du problème de Cauchy :
{
u (t0 ) = x0
∀t ∈ I, u′ (t) = f (t, u (t))

si, et seulement si, elle est solution de l'équation intégrale :


∫ t
∀t ∈ I, u (t) = x0 + f (θ, u (θ)) dθ
t0

Démonstration. Comme la fonction f est continue sur U ⊂ R2 , la fonction u est continue


sur I de graphe contenu dans U, la fonction t 7→ f (t, u (t)) est continue sur I et on peut dénir
le fonction v : I → R par :
∫ t
∀t ∈ I, v (t) = x0 + f (θ, u (θ)) dθ
t0

Cette fonction est de classe C 1 sur I avec :

∀t ∈ I, v ′ (t) = f (t, u (t))

Si u ∈ C 1 (I, R) est solution de notre problème de Cauchy, on a alors u′ (t) = v ′ (t) pour tout
t ∈ I et u (t0 ) = v (t0 ) = x0 , ce qui équivaut à u = v.
Réciproquement si u = v, on a bien u (t0 ) = v (t0 ) = x0 et u′ (t) = f (t, u (t)) pour tout t ∈ I.
Le théorème de Cauchy-Lipschitz 1321

Le lemme précédent nous permet de transformer la recherche d'une solution locale de notre
problème de Cauchy en un problème de recherche d'un point xe de l'application :
φ : C 0 (I, R) → C 0 (I, R)
∫ t
u 7 → φ (u) : t 7→ x0 + f (θ, u (θ)) dθ
t0

où I est un intervalle contenant t0 à déterminer.

Dénition 53.4 On dit qu'une fonction f : U → R est localement lipschitzienne par rapport
à la seconde variable, si pour tout (t0 , x0 ) ∈ U, il existe deux nombres réels η > 0 et λ > 0 tels
que :
 l'ensemble C = [t0 − η, t0 + η] × [x0 − η, x0 + η] est inclus dans U ;
 pour tous (t, x1 ) , (t, x2 ) dans C, on a :

|f (t, x1 ) − f (t, x2 )| ≤ λ |x1 − x2 |

Exemple 53.2 En utilisant l'inégalité des accroissements nis, on vérie qu'une fonction f ∈
C 1 (U, R) est localement lipschitzienne par rapport à la seconde variable.

Théorème 53.2 (Cauchy-Lipschitz) Si la fonction f est continue sur l'ouvert U et loca-


lement lipschitzienne par rapport à la seconde variable, alors pour tout (t0 , x0 ) ∈ U, il existe
un réel η > 0 tel que l'équation diérentielle x′ = f (t, x) admette une unique solution u sur
l'intervalle I = [t0 − η, t0 + η] telle que u (t0 ) = x0 .

Démonstration. Soient (t0 , x0 ) ∈ U, η > 0, λ > 0 tels que C = [t0 − η, t0 + η]×[x0 − η, x0 + η] ⊂


U et :
∀ ((t, x1 ) , (t, x2 )) ∈ C 2 , |f (t, x1 ) − f (t, x2 )| ≤ λ |x1 − x2 |
Pour α ∈ ]0, η[ à préciser, on désigne par Eα l'espace vectoriel des fonctions continues de
Iα = [t0 − α, t0 + α] dans R muni de la norme u 7→ ∥u∥∞ = sup |u (t)| . On sait que (Eα , ∥·∥∞ )
t∈Iα
est un espace de Banach (théorème 53.2).
On désigne par u0 ∈ Eα la fonction constante égale à x0 et par :

F = {u ∈ Eα | ∥u − u0 ∥∞ ≤ η}

la boule fermée dans Eα de centre u0 et de rayon η.


On dénit sur F l'application φ qui associe à toute fonction u ∈ F la fonction :
∫ t
φ (u) : t ∈ Iα 7→ x0 + f (θ, u (θ)) dθ
t0

Cette application est bien dénie car pour toute fonction u ∈ F et tout θ ∈ Iα , on a :

|u (θ) − x0 | ≤ ∥u − u0 ∥∞ ≤ η

et donc (θ, u (θ)) ∈ [t0 − α, t0 + α] × [x0 − η, x0 + η] ⊂ C ⊂ U, ce qui permet de considérer


f (θ, u (θ)) .
De plus comme f est continue sur U et u est continue sur Iα , la fonction θ 7→ f (θ, u (θ)) est
continue sur Iα et la fonction φ (u) est dérivable sur Iα , donc continue.
En dénitive φ est bien dénie du fermé C dans l'espace Eα .
1322 Équations diérentielles non linéaires d'ordre 1

Pour u dans Eα et t dans Iα , on a :


∫ t

|φ (u) (t) − x0 | = f (θ, u (θ)) dθ

t0
≤ Mα

où on a noté :
M = sup |f (t, x)|
(t,x)∈C

(f est continue sur le compact C ).


En choisissant α ∈ ]0, η[ tel que M α < η, on aura |φ (u) (t) − x0 | ≤ η pour tout t ∈ Iα , soit
∥φ (u) − u0 ∥∞ ≤ η, c'est-à-dire que φ (u) ∈ F. Le fermé F de Eα est donc stable par φ.
Pour u, v dans Eα et t dans Iα , on a :
∫ t

|φ (v) (t) − φ (u) (t)| = (f (θ, v (θ)) − f (θ, u (θ))) dθ
t
∫0 t
≤ λ |v (θ) − u (θ)| dθ ≤ λα ∥v − u∥∞
t0

et prenant α ∈ ]0, η[ tel que M α < η et λα < 1, on aura ∥φ (v) − φ (u)∥∞ ≤ µ ∥v − u∥∞ avec
µ = λα ∈ ]0, 1[ .
En dénitive, pour α ∈ ]0, η[ assez petit, la fonction φ est strictement contractante sur le
fermé F.
Le théorème du point xe (théorème 48.1) nous dit que cette fonction φ admet un unique
point xe u ∈ F qui est solution sur Iα de l'équation diérentielle x′ = f (t, x) avec la condition
initiale x (t0 ) = x0 .
Si v est une autre solution de ce problème de Cauchy sur Iα , elle est aussi solution de
l'équation intégrale : ∫ t
∀t ∈ I, v (t) = x0 + f (θ, v (θ)) dθ
t0
∫ t


Cette fonction v est dans C (on a |v (t) − x0 | = f (θ, u (θ)) dθ ≤
t0

Théorème 53.3 Soient U une partie ouverte de R × Rm , f ∈ C 0 (U, Rm ) une fonction locale-
ment lipschitzienne en x, (t0 , x0 ) un point de U ; alors :
 l'équation diérentielle (E) admet une solution maximale unique u : I → Rm satisfaisant
à u (t0 ) = x0 ;
 son ensemble de départ I est un intervalle ouvert de R ;
 toute solution v de (E) telle que v (t0 ) = x0 est une restriction de u.

53.3 Équations diérentielles linéaires d'ordre 1


Ce paragraphe n'est pas à présenter dans cette leçon. Son intérêt est de rappeler quelques
résultats de base sur les équations linéaires, où la situation est beaucoup plus simple.
On se donne pour ce paragraphe :
 un intervalle réel I d'intérieur non vide ;
 deux fonctions continues a, b de I dans R (ou dans C).
Équations diérentielles linéaires d'ordre 1 1323

L'ouvert U est I = I × R et la fonction f dénie sur U par :

∀ (t, x) ∈ U, f (t, x) = a (t) x + b (t)

On s'intéresse donc à l'équation diérentielle linéaire du premier ordre :

x′ (t) = a (t) x (t) + b (t) (53.2)

On associe à cette équation diérentielle, l'équation homogène :

x′ (t) = a (t) x (t) (53.3)

On se xe un point t0 de I et on désigne par A la primitive de a nulle en t0 , soit la fonction


dénie par : ∫ t
∀t ∈ I, A (t) = a (z) dz
t0

Théorème 53.4 L'ensemble S0 des solutions sur l'intervalle I de l'équation diérentielle ho-
mogène (53.3) est un espace vectoriel de dimension 1 engendré par la solution particulière u0
dénie sur I par :
∀t ∈ I, u0 (t) = eA(t)

Démonstration. L'ensemble des solutions de (53.3) est non vide puisqu'il contient la fonc-
tion identiquement nulle nulle.
Plaçons nous tout d'abord dans le cas de fonctions à valeurs réelles.
Si u est une solution non identiquement nulle de (53.3) , il existe alors un réel t0 ∈ I tel que
u (t0 ) ̸= 0. Supposons que u (x0 ) > 0. Du fait de la continuité de u sur I, on peut trouver un réel
η > 0 tel que u (t) > 0 pour tout t dans J = ]t0 − η, t0 + η[ ∩ I et on peut écrire pour tout t ∈ J,
u′ (t)
= a (t) , ce qui équivaut à (ln (u (t)))′ = a (t) ou encore à ln (u (t)) = A (t) + µ, où A est
u (t) ∫t
la primitive de a nulle en t0 et µ une constante réelle. On a donc, en notant A (t) = a (z) dz
t0
la primitive de a nulle en t0 , u (t) = λeA(t) pour tout t ∈ J, où λ est une constante réelle
strictement positive.
Au vu de cette résolution locale de l'équation diérentielle, on se donne un réel t0 dans I,
on désigne par A la primitive de a sur I qui est nulle en t0 et à toute fonction u dérivable sur
I on associe la fonction v dénie par :

∀t ∈ I, v (t) = u (t) e−A(t)

Cette fonction v est dérivable sur I avec :

∀t ∈ I, v ′ (t) = (u′ (t) − a (t) u (t)) e−A(t)

et u est solution de (53.3) sur I si, et seulement si, v ′ (t) = 0 pour tout t ∈ I, ce qui équivaut à
dire que v est une fonction constante sur l'intervalle I. On a donc v = λ ∈ R (ou λ ∈ C) pour
toute solution sur I de (53.3) et u = λeA .
On en déduit qu'une solution non identiquement nulle de (53.3) ne s'annule jamais sur I et
garde un signe constant.
1324 Équations diérentielles non linéaires d'ordre 1

Théorème 53.5 L'ensemble S des solutions sur l'intervalle I de l'équation diérentielle (53.2)
est un espace ane de direction S0 . Précisément, il est formé des fonctions u dénies sur I
par : ∫ t
∀t ∈ I, u (t) = eA(t) b (z) e−A(z) dz + λeA(t)
t0

où λ une constante réelle (ou complexe).

Démonstration. Le réel t0 étant xé dans I, on dispose de la fonction u0 : t 7→ eA(t)


qui est une solution particulière de l'équation homogène (53.3) et cette fonction ne s'annule
jamais sur I. On peut alors associer à toute fonction u dérivable sur I la fonction λ dénie par
u (t)
λ (t) = = u (t) e−A(t) . Cette fonction est dérivable sur I et en tenant compte de u′0 = au0 ,
u0 (t)
on a :
∀t ∈ I, λ′ (t) = e−A(t) (u′ (t) − a (t) y (t))
de sorte que u est solution de (53.2) sur I si, et seulement si, λ est solution sur I de :

λ′ (t) = b (t) e−A(t)

ce qui équivaut à dire que λ est une primitive de be−A sur I, soit :
∫ t
∀t ∈ I, λ (t) = b (z) e−A(z) dz + µ = λ0 (t) + µ
t0

et u (t) = λ (t) u0 (t) = λ0 (t) u0 (t) + µu0 (t) . En dénitive, les solutions de (53.2) sont les
fonctions dénies par ;

∀t ∈ I, u (t) = (λ0 (t) + µ) eA(t) = u1 (t) + µu0 (t)


∫ t
où u0 (t) = e , u1 (t) = e
A(t) A(t)
b (z) e−A(z) dz est une solution particulière de (53.2) et µ une
t0
constante réelle (ou complexe).
La méthode utilisée pour déterminer une solution particulière u de (53.2) est la méthode de
Lagrange dite de variation de la constante.
Dans certains cas où le second membre b a une forme simple, une telle solution particulière
peut être trouvée directement.
1. Montrer que pour tout x0 ∈ I et y0 ∈ R, l'équation diérentielle y ′ = ay + b admet une
unique solution qui vérie la condition initiale y (x0 ) = y0 (c'est un cas particulier du
théorème de Cauchy-Lipschitz).
2. Traiter le cas où la fonction a est constante et le second membre est de la forme b (x) =
P (x) eαx , la fonction P étant polynomiale de degré n ≥ 0 et α une constante réelle (ou
complexe).
3. Traiter le cas où la fonction a est constante et le second membre b est de la forme
b (x) = P (x) eαx + Q (x) eβx , les fonctions P, Q étant polynomiales et α, β étant des
constantes réelles (ou complexes) distinctes (ou b est une somme de p ≥ 2 fonctions de la
forme P (x) eαx ).
4. On se xe un point x0 ∈ I. Montrer que les tangentes aux courbes intégrales de (??) en
x0 sont parallèles ou concourantes.

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