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M BENCIVINNI Jonathan
Académie de Montpellier
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Le lyrisme en chanson
Pourquoi et comment étudier la chanson en classe de
quatrième ?
Lettres Modernes
Classe de quatrième
Collège Alfred Crouzet, Servian
Este informe da cuenta del montaje, en una clase de cuarto, de una secuencia
completamente dedicada a la canción. Expone, primero, como se puede incluir una
secuencia sobre la canción francesa en un programa de la clase de cuarto. Luego, ese
informe presenta los fundamentos teóricos que han influido ampliamente la
organización de esa secuencia y propone también una reflexión sobre los intereses
pedagógicos y didácticos de tal trabajo.
Mots-clés
2
3
Table des matières
Résumé....................................................................................... 2
Table des matières..................................................................... 4
Introduction............................................................................... 5
Première partie ......................................................................... 7
L’insertion d’une séquence sur la chanson dans le
programme de quatrième......................................................... 7
1. Diversifier les supports pour vaincre la monotonie ...... 7
2. Les liens thématiques....................................................... 8
3. Le contenu poétique......................................................... 8
4. La pratique de l’oral........................................................ 9
Deuxième partie ...................................................................... 12
Pour une cantologie : présentation des apports théoriques 12
1. Qu’est-ce que la cantologie?.......................................... 12
La chanson: un genre à part entière .................................. 12
Une méthode d’analyse adaptée ......................................... 13
2. Comment étudier la chanson au collège?..................... 14
Troisième partie ...................................................................... 18
Analyse d’une séquence consacrée à la chanson .................. 18
1. Présentation de la classe et du projet de séquence ...... 18
2. Organisation et déroulement de la séquence ............... 19
La spécificité du genre chanson ......................................... 19
Le registre lyrique ............................................................... 22
Les procédés de l’écriture poétique .................................... 23
Conclusion ............................................................................... 27
Bibliographie ........................................................................... 29
Annexes.................................................................................... 30
4
Introduction
1
Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique
2
Nouvelle Revue Pédagogique - Collège / n°6 / février 2007/ p.10.
3
Jean-Jacques Goldman: l’esthétique du frôlement ou la rencontre le temps d’une chanson en 2003 et
Berger, Gainsbourg, Goldman: Entre chanson pour soi et chanson pour les autres en 2004.
4
L’ouvrage Jacques Brel Chant contre silence que je citerai à plusieurs reprises dans ce mémoire
constitue la version remaniée de cette thèse, publiée aux éditions Nizet en 1995.
5
d’analyser la démarche observée pour l’organisation de ma séquence sur la chanson et
sa réalisation avec mes élèves. Pour cela, j’exposerai dans un premier temps la
manière dont peut s’insérer une séquence sur la chanson française dans le programme
de Français de la classe de quatrième, tel qu’il est présenté dans les Instructions
Officielles. La seconde partie de ce mémoire s’attachera, quant à elle, à présenter
brièvement les fondements théoriques qui ont largement influencé l’organisation de
cette séquence sur les plans didactique et pédagogique. Enfin, la troisième et dernière
partie sera consacrée plus particulièrement à l’analyse a posteriori de la réalisation de
cette séquence avec mes élèves dans la période du 8 au 23 janvier 2007.
6
Première partie
L’insertion d’une séquence sur la chanson dans le programme de
quatrième
5
BOIRON Michel « Approches pédagogiques de la chanson contemporaine », NRP Collège, n°6,
février 2007, p.10.
7
2. Les liens thématiques
En insistant sur le contenu purement thématique des chansons étudiées il est
possible de créer un lien avec quasiment n’importe quelle dominante de lecture ou
d’écriture, qu’il s’agisse, pour la classe de quatrième de la lettre, de la presse, du
portrait, du dialogue, etc. De la même manière, il est possible d’insérer l’étude d’une
chanson en fin de séquence comme activité de prolongement.
J’ai eu l’occasion cette année de mettre en pratique, également, cette deuxième
solution. En effet, avant de construire une séquence entière sur la chanson je
souhaitais initier les élèves à ce nouveau support pédagogique en terminant les
premières séquences par l’étude d’une chanson ayant un lien sémantique avec
l’objectif principal de la séquence en question. J’ai pu ainsi, dans le cadre de l’étude
du portrait, faire écouter aux élèves la chanson Le coureur6 de Jean-Jacques Goldman,
dans laquelle un personnage fait son autoportrait et le bilan de sa vie. Les élèves ont
alors pu se rendre compte que ce qu’ils venaient d’apprendre sur le discours descriptif
et les techniques du portrait pouvait également s’appliquer dans le domaine de la
chanson.
3. Le contenu poétique
Le programme de Français de la classe de quatrième comprend « l’étude d’une
œuvre poétique ou d’un ensemble de poèmes du XIXe siècle7 » . Dans ce cadre il est
souvent difficile pour les élèves d’assimiler le vocabulaire technique de l’analyse
poétique et des procédés de versification et de métrique. Hors, il existe un lien étroit
entre l’écriture poétique et la forme versifiée des textes de chansons. Poésie et
chanson ont également en commun l’utilisation récurrente de comparaisons,
métaphores, jeux sur l’homophonie ou retour de mêmes sons (assonances et
allitérations). Une séquence sur la chanson peut alors constituer une première étape
vers l’acquisition de ces connaissances spécifiques si elle précède l’analyse du recueil
poétique ou alors une séquence d’approfondissement et de réinvestissement, si elle la
suit.
Confronté personnellement à ce problème d’assimilation du vocabulaire
poétique, j’ai voulu vérifier l’intérêt d’une étude sur la chanson s’inscrivant dans le
prolongement d’une séquence consacrée à la poésie. En effet, je me suis aperçu lors
6
Pour le texte: voir les annexes.
8
de la correction d’une évaluation formative que les élèves avaient de grandes
difficultés à comprendre le fonctionnement et l’intérêt de procédés, comme
l’assonance ou l’allitération, qui leur demandent de s’interroger sur la sonorité des
mots. L’une de mes problématiques lors de l’élaboration de ma séquence sur la
chanson fut donc de mettre en place une méthode d’analyse essentiellement basée sur
l’écoute et permettant donc aux élèves d’entendre l’intérêt de tels procédés en tant
qu’éléments réellement chargés de sens.
4. La pratique de l’oral
Depuis les années 1950 et la conception d’une certaine tradition de la chanson
française (ou francophone) autour de grands noms comme Brassens, Ferré ou Brel,
on a souvent coutume d’assimiler la qualité d’une chanson à la poéticité de son texte.
Rappelons d’ailleurs qu’il n’était pas rare dans les années 1960-1970 de devoir
expliquer lors de l’épreuve orale du baccalauréat des textes comme Le plats pays,
Chanson pour l’auvergnat ou Ne me quitte pas. Plus récemment encore, le texte de la
chanson Lily de Pierre Perret faisait partie du corpus sur lequel ont travaillé les élèves
des classes technologiques qui passèrent l’épreuve écrite du baccalauréat de Français
en juin 2005.
De la même manière, il n’est pas rare aujourd’hui de voir publiés de nombreux
textes de chansons au rayon « poésie »8 de nos librairies ou dans diverses anthologies.
Ainsi, on peut retrouver le texte de la chanson Lily de Pierre Perret, que nous
évoquions précédemment, dans l’ouvrage L’idée républicaine aujourd’hui, Guide
Républicain publié par le SCEREN/ CNDP aux éditions Delagrave avec le concours
de l’inspection générale de l’Éducation Nationale. Cet ouvrage, préfacé par Monsieur
François Fillon et contenant également le Discours relatif au respect du principe de
laïcité dans la République prononcé par le Président de la République, Jacques
Chirac, présente une anthologie de quatre-vingt-huit textes regroupés autour du thème
de « l’idée républicaine » . Hormis le texte de Pierre Perret, on peut retrouver dans
cet ouvrage plusieurs autres textes de chansons comme Né en 17 à Leidenstadt de
7
Programmes et accompagnements, CNDP, 2005, p.74.
8
C’est par exemple le cas pour les textes des chansons d’Alain Souchon, regroupés et publiés aux
éditions 10/18. Invité à faire la préface de cet ouvrage, Alain Souchon note toutefois: « Voici des demi-
chansons. L’autre moitié, la musique, est la plus importante (c’est moi qui souligne) et elle est restée
sur le CD ou dans la tête selon le destin, le succès (…). On finit par aimer faire cette musique de mots
qui n’est ni de la poésie ni de la littérature. Des allitérations et du rythme. Travail plaisir manuel et
sensible. » Alain Souchon, collection musiques & cie, 10/18, 2002.
9
Jean-Jacques Goldman, Armstrong de Claude Nougaro ou encore L’avenir est un long
passé du groupe Manau. Si la constitution d’une telle anthologie souligne bien la
valeur idéologique de ces textes, elle en revient néanmoins à considérer ces chansons
avant tout comme des textes mis en musique.
Michel Boiron s’est, lui aussi, interrogé sur ce problème, très français, de la
prédominance du texte: « Nous sommes professeurs de langue. La tentation serait
forte de se concentrer uniquement sur l’intérêt du texte, sur son exploitation en termes
d’acquisition de savoir-faire linguistiques. Pourtant, par définition, la chanson
introduit fondamentalement un univers non linguistique dans la classe: la
musique9…».
Prendre en compte, lors d’une étude en classe, la spécificité du genre chanson c’est
donc accepter ces éléments non linguistiques (souvent essentiels à la compréhension
globale du sens d’une chanson) et tâcher de les mettre à la portée des élèves. Dans ce
contexte, l’étude de la chanson devient un cadre privilégié à la pratique de l’oral.
L’écoute de chansons en classe est tout d’abord un bon moyen de favoriser
l’inter-échange entre les élèves. A partir d’une première écoute, un élève propose une
explication concernant le sens de la chanson. Le texte n’étant pas distribué, cette
première réponse sera souvent succincte et permettra à d’autres élèves du même avis
d’enrichir cette première interprétation. Par la suite sont invités à s’exprimer les
élèves en désaccord. Souvent le rôle du professeur consistera alors simplement à
donner la parole à tour de rôle aux élèves pour que le sens émerge de cet échange.
Une telle pratique de l’oral en classe permet donc comme le conseillent les
Instructions Officielles d’apprendre à l’élève à « écouter et parler de façon claire et
ordonnée, dans un dialogue où il prend en compte le point de vue d’autrui.10 »
Le fait de ne pas étudier la chanson uniquement par l’intermédiaire du texte
permettra également au professeur d’organiser une évaluation de l’écoute. C’est
d’ailleurs ce que préconisent les documents d’accompagnement de la classe de
quatrième:
« L’évaluation de l’oral prend également en compte l’aptitude à
écouter; une évaluation de l’oral bien conduite devrait logiquement
9
BOIRON Michel « Approches pédagogiques de la chanson contemporaine », NRP Collège, n°6,
février 2007, p.11.
10
Programmes et accompagnements, CNDP, 2005, p.76.
10
valoriser les attitudes de compréhension et de tolérance mutuelle.11 »
L’analyse de la chanson en classe permet bien sûr de mettre en place cette évaluation
de l’écoute, et cela de deux manières.
Dans un premier cas, il s’agira d’une évaluation non sanctionnée par une note
mais permettant de « valoriser la tolérance mutuelle ». Les élèves auront souvent à
donner leur opinion personnelle notamment lors de l’analyse de la musique. Certains
seront sensibles aux sentiments de tristesse ou de joie qui s’en dégagent, d’autres non.
Toutefois, pour qu’un adolescent accepte de se livrer devant ses camarades il faudra
que le professeur prenne soin de valoriser les réponses qui témoignent de l’expression
d’une sensibilité personnelle en en prenant, par exemple, note au tableau ou en
incitant les autres élèves à enrichir la réflexion de leur camarade. On devra donc
« s’attacher davantage à élaborer des hypothèses sur le sens qu’à imposer une seule
lecture.12 »
L’écoute d’une chanson pourra aussi donner lieu à une évaluation notée. Les
élèves auront alors un questionnaire permettant d’évaluer leur compréhension de la
chanson mais n’auront pas le texte sous les yeux. Le but de cet exercice étant de les
amener à retirer le plus d’informations possibles d’un document sonore.
L’élaboration d’une séquence consacrée à ce nouveau support pédagogique
qu’est la chanson devait donc me permettre, dans le cadre de séances à dominante
orale, de favoriser l’inter-échange ainsi que la prise en compte et la participation des
élèves en grandes difficultés devant le support textuel, deux points qui, jusque-là, me
posaient problème dans ma pratique quotidienne de l’enseignement du Français.
Après avoir évoqué les moyens d’insérer une séquence sur la chanson au
collège et plus particulièrement en classe de quatrième, il me reste à présenter les
fondements théoriques qui sur les plans didactique et pédagogique ont influencé ma
pratique personnelle de l’étude de la chanson.
11
id. p.123.
12
BOIRON Michel « Approches pédagogiques de la chanson contemporaine », NRP Collège, n°6,
février 2007, p.12.
11
Deuxième partie
Pour une cantologie : présentation des apports théoriques
13
Calvet Louis-Jean, Chanson et société, Paris,Payot, 1981, p.18.
14
Hirschi Stéphane Jacques Brel Chant contre silence, Paris, Nizet,1995, p.13.
15
Voir à ce sujet Cantaloubbe-Ferrieu Lucienne Chanson et poésie des années 30 aux années 60, Paris,
Nizet,1981.
12
l’analyse néglige souvent l’une des deux dimensions).16 »
À la juxtaposition des composantes, Hirschi préfère donc l’interaction et reprend en
cela le constat de Paul Zumthor dans son Introduction à la poésie orale:
« Parole poétique, voix, mélodie - texte, énergie, forme sonore -
activement unis en performance concourent à l’unicité d’un sens. Trop
peu d’études précises ont porté jusqu’ici sur cette sémiose. Les
remarquables travaux d’A. Amzulescu et d’A. Vicol sur les ballades
roumaines ne font qu’ouvrir une voie. La typologie dont ils posent les
bases fait valoir l’intensité des échanges sémantiques entre texte et
mélodie, au point que leur dissociation entraînerait l’absurdité du
poème17. »
Et Stéphane Hirschi de conclure:
« Point de départ donc: une sémiose organique. Cette notion implique
une sorte de perspective biologique: considérer, par delà ses
constituants, ce qui anime une chanson. Une analyse proprement
cantologique et non plus inféodée à quelque hiérarchie esthétique
préexistante (qu’y trône la musique ou la poésie…) ne peut donc se
dissocier de l’interprétation des chansons. Sur papier, texte et musique
sont, selon l’expression consacrée, couchés: une image grabataire,
signifiant bien qu’ainsi la chanson n’est pas vivante, bref, n’est pas18. »
Nous l’aurons compris, d’un point de vue cantologique une analyse purement
textuelle n’aurait aucun sens. La chanson vivant de l’interaction de ses différents
constituants (texte, musique, interprétations vocale et scénique), il faut donc pour
traquer ses traces de vie (finalité de l’analyse cantologique) nous en placer au
confluent.
16
Hirschi Stéphane Jacques Brel Chant contre silence, Paris, Nizet,1995, p.27.
17
Zumthor Paul Introduction à la poésie orale, Paris, Seuil, Collection ‘‘poétique’’,1983, p.184.
13
mais aussi éclairage, mise en scène, etc… et, pour le disque, au moins
timbre et intonations du chanteur, l’équivalent de la couleur de telle ou
telle interprétation orchestrale). Pour reprendre les distinctions opérées
par Louis-Jean Calvet dans son ouvrage, entre « chanson écrite (telle
que la manifeste la partition), chanson chantée (ce que l’interprète fait
de cette partition), et chanson reçue (telle que la perçoivent l’auditeur et
le spectateur)19 », seule la troisième dimension me paraît apte à
appréhender la chanson comme ce tout organique qui a jusqu’à présent
fait défaut comme fondement aux études portant sur ce genre20. »
Un autre de mes objectifs lors de l’élaboration de ma séquence fut d’ailleurs
d’initier mes élèves à l’étude de la chanson à réception afin qu’ils puissent cerner la
spécificité du genre et notamment les limites du raccourci trop souvent effectué entre
chanson et poésie mise en musique21. Il me fallait pour cela poser les bases d’une
didactique de la chanson au collège.
18
Hirschi Stéphane Jacques Brel Chant contre silence, Paris, Nizet,1995, p.27-28.
19
Calvet Louis-Jean, Chanson et société, Paris, Payot, 1981, Verso de couverture, prière d’insérer.
20
Hirschi Stéphane Jacques Brel Chant contre silence, Paris, Nizet,1995, p.29.
21
Nous retrouvons cette même perspective d’étude dans la séquence intitulée « La chanson populaire
du lyrisme à la dérison; nostalgie et humour » et que proposent Anne Schalchli et Martine Rodde dans
le dossier de la NRP de février 2007 consacré à la chanson: « Destinée à une classe de troisième, la
séquence propose de faire découvrir, à travers l’étude de chansons, traditionnelles, modernes ou
résolument contemporaines, les constantes qui caractérisent le genre; on s’intéressera à l’écriture des
textes, à leur contenu poétique et sémantique, aux rapports qui lient les paroles à la musique - mélodies
et orchestration - à la façon dont la chanson ne prend vie qu’au moment où elle est chantée, et donc au
rôle de la diction, de la voix. » Schalchli Anne et Rodde Martine « La chanson populaire du lyrisme à
la dérison; nostalgie et humour », NRP Collège, n°6, février 2007, p.24.
14
du sens d’une chanson à la première écoute n’allait pas de soi. Certains d’entre eux,
faisant preuve de logique, comprirent rapidement que si j’amenais une chanson durant
l’étude d’une séquence sur le portrait, il devait y avoir un lien quelconque entre le
thème de la chanson et l’objet de cette séquence. Cependant la plupart des réponses
restèrent vagues. J’organisai donc une discussion autour d’une série de questions
précises (concernant aussi bien le texte, que la musique, les instruments utilisés ou la
voix du chanteur) et des éléments qu’ils avaient relevés lors d’une deuxième écoute
afin qu’ils parviennent à faire émerger le sens de cette chanson et son intérêt pour
notre séquence. A la fin de l’heure je leur distribuai le texte pour qu’ils puissent
vérifier le bien-fondé de leurs observations.
Si cette première séance sur la chanson me conforta dans mon choix
pédagogique grâce à l’enthousiasme des élèves face à ce nouveau support, elle me
permit aussi d’envisager le déroulement des prochaines séances d’analyse de chanson.
Toutes seraient largement consacrées à l’écoute. Le texte, support secondaire pour
cette séquence, ne serait distribué qu’en fin de séance. Ainsi les élèves seraient
amenés à progresser d’une réception passive vers une écoute réfléchie leur permettant
de donner un sens à la chanson étudiée par la prise en compte globale de ses différents
constituants.
De même, les séances seraient largement centrées sur la pratique de l’oral et
l’expression de l’opinion personnelle. Là encore mon expérience trouve un écho dans
les réflexions de Michel Boiron:
« Nous proposons d’insérer la chanson dans une succession d’activités
interactives courte. Dès les premières secondes du cours, les apprenants
seront impliqués dans un processus de découverte du document axé sur
une stratégie de motivation et d’expression (…). L’élève sera sollicité
en tant qu’individu; nous ferons appel à son expérience du monde. Il
prendra position, donnera son opinion. Le professeur quant à lui
définira les étapes de travail et animera les mises en commun22. »
L’intérêt d’une telle méthode repose, bien sûr, sur l’expression de plusieurs
points de vue souvent complémentaires qui viennent nourrir le commentaire de la
chanson étudiée. Certains élèves seront plus sensibles à la musique et à ses effets,
d’autres à l’aspect poétique du texte, d’autres encore seront à même de distinguer la
22
BOIRON Michel « Approches pédagogiques de la chanson contemporaine », NRP Collège, n°6,
février 2007, p.10.
15
présence de tel ou tel instrument et d’en commenter l’intérêt. Il faudra simplement
accepter au départ de réfléchir sur une perception dissociative, de la part des élèves,
des différents constituants de la chanson pour les amener, par la suite, à réfléchir aux
interactions de ces différents éléments et au sens qu’ils produisent. Se nourrissant, au
fur et à mesure des séances, du savoir de leurs camarades, les élèves gagneront alors
rapidement en autonomie pour élaborer des hypothèses de sens issues d’une écoute
consciente.
Poser les bases d’une méthode d’analyse que les élèves pourraient reproduire
de manière autonome constituait d’ailleurs le dernier objectif à atteindre pour cette
séquence centrée, grâce à son support, sur la culture du quotidien. Tous les élèves
écoutent de la chanson, mais pourquoi préfèrent-ils tel ou tel chanteur? Que
recherchent-ils avant tout dans une chanson? Voilà des questions simples mais qui
peuvent amener des développements conséquents si on veut bien se les poser. Aussi
pour vérifier l’acquisition de cette démarche autoréflexive sur la culture du quotidien
j’organisai en milieu de séquence un travail de groupe. Chaque groupe devait choisir
une chanson de leur répertoire favori et la présenter devant la classe en la faisant
écouter à leur camarade. Ensuite, ils en faisaient un petit commentaire et justifiaient
leur choix en soulignant l’intérêt de cette chanson. Je pus ainsi m’apercevoir que pour
une grande partie des élèves, les premières séances avaient été productives, la
démarche d’analyse (qui préconise la prise en compte globale des différentes
composantes de la chanson) ayant été rapidement assimilée.
Reste enfin le problème de l’évaluation23. J’envisageais au départ de proposer
l’écriture d’une chanson, ou tout au moins de son texte. Cependant je m’aperçus que
la dominante orale de cette séquence ne permettrait pas aux élèves de disposer de tous
les outils nécessaires à la réussite d’un tel devoir. De plus, pour pouvoir vérifier la
pertinence de mon objectif, qui consistait à amener les élèves à prendre conscience de
la spécificité de la chanson en tant que genre à étudier à réception, il me fallait
proposer une évaluation adaptée. J’optai donc pour une évaluation de l’écoute;
évaluation dont je précisai, dès la première séance, le déroulement afin que toute la
classe réfléchisse d’emblée à l’intérêt d’une telle méthode d’analyse.
C’est donc sur les bases théoriques de la cantologie que je décidai d’élaborer
23
Problème que n’abordent, d’ailleurs, jamais directement les ouvrages cités dans la bibliographie.
16
une séquence entièrement consacrée à la chanson. La mise en place de cette séquence
avec ma classe de quatrième couvrit la période du 8 au 23 janvier 2007. La partie
suivante de ce mémoire me permettra de présenter en détails les objectifs poursuivis
lors de l’élaboration de cette étude de la chanson et de réfléchir, a posteriori, sur les
résultats obtenus.
17
Troisième partie
Analyse d’une séquence consacrée à la chanson
24
Voir en annexe le plan détaillé de cette séquence.
18
Le choix du corpus de chansons à étudier en classe fut largement influencé par
ces deux derniers objectifs mais je souhaitais également qu’il amène les élèves à
réfléchir sur des œuvres d’époques et d’horizons très différents.
Après quelques recherches j’optai pour les chansons suivantes25: Mistral Gagnant de
Renaud; La Corrida de Francis Cabrel, Caroline de MC Solaar et enfin Ne me quitte
pas de Jacques Brel. Deux autres me serviraient lors des évaluations de cette
séquence: Si seulement je pouvais lui manquer de Calogero et Baltique de Renaud.
25
Tous les textes de ces chansons sont reproduits en annexe.
19
ou sur la musique, le rythme, la voix de l’interprète,etc. Ce premier temps était donc
considéré comme une sorte de discussion au cours de laquelle chacun pouvait donner
son opinion ou exprimer son ressenti.
Ensuite, je distribuais un petit questionnaire qui permettait aux élèves de se concentrer
lors de la seconde écoute sur un ou deux éléments précis de la chanson.
Enfin, après avoir répondu au questionnaire, la troisième et dernière écoute était
précédée de la distribution du texte. L’attention des élèves était alors portée sur des
faits de langue ou des procédés stylistiques particulièrement porteurs de sens.
La répétition des écoutes permit aux élèves de se rendre compte de l’intérêt d’une
analyse à réception. Ils furent d’ailleurs rapidement sensibles dans leurs réponses aux
éléments non linguistiques constitutifs du genre.
Après ces trois écoutes, les dernières minutes étaient alors consacrées à la
formulation collective de la trace écrite. Les premières traces écrites visant
prioritairement le premier objectif de la séquence, je les accompagnais de quelques
éléments de lexique propre à l’analyse de la chanson comme les termes « couplet;
refrain; ligne mélodique; canteur26,etc.. ».
26
Terme désignant en cantologie, le narrateur de la chanson; celui qui, dans le cadre d’une chanson
lyrique, s’exprime souvent à la première personne du singulier mais qu’il convient de distinguer,dans la
plupart des cas, du chanteur lui-même.
20
Ce type d’exercice ne présenta, finalement, pas de problème particulier aux élèves.
Dans plusieurs copies, l’analyse de la chanson fut même la partie la mieux réussie du
devoir.
Conscient des progrès que les élèves avaient réalisés au cours de cette
séquence, je décidai de leur proposer, en devoir de fin de séquence, l’analyse de la
chanson Baltique27 de Renaud. Cette chanson présentait toutefois une difficulté de
taille puisqu’elle donne la parole à un chien qui exprime son regret de ne pouvoir
entrer dans l’église où avaient lieu les obsèques de son défunt maître28. Pour réussir
l’analyse de cette chanson, il fallait donc avant tout que les élèves parviennent à
comprendre qui en était le canteur. Je leur remis donc un questionnaire qui devait les
y aider:
1. Qui prend la parole dans cette chanson? Relevez un champ lexical (minimum trois mots)
qui vous permet d’identifier ce personnage.
2. Où la scène se déroule-t-elle? Relevez un autre champ lexical qui justifie votre réponse.
3. Que regrette le canteur dans cette chanson? Développez votre réponse dans un court
paragraphe dans lequel vous introduirez des extraits du texte.
4. Qu’apporte selon-vous la voix du chanteur?
5. Comment évolue la musique au fil de la chanson et quels sentiments s’en dégagent?
6. Retrouvez le refrain de cette chanson. Recopiez-le sur votre copie et expliquez-le en
quelques mots.
7. S’agit-il selon vous d’une chanson lyrique? Développez votre réponse en quelques lignes
et pensez à prendre en compte aussi bien les paroles que la musique de cette chanson.
Là encore, mes attentes ne furent pas déçues. La moyenne de la classe avoisina douze
sur vingt et ce devoir fut l’occasion pour une de mes élèves dyslexique d’obtenir l’un
de ses meilleurs résultats, et notamment, la seconde meilleure note de la classe.
27
cf. annexe .
28
Dans le livret de l’album, le texte de cette chanson est accompagné d’une introduction qui en
explique le contexte: « En janvier 1996, lors des obsèques de François Mitterrand, son chien n’a pas
été autorisé à pénétrer dans le petite église de Jarnac. C’est sous la pluie, tenu en laisse par un proche
de ‘‘feu-Tonton’’, qu’il a attendu la fin de la cérémonie. Ce beau Labrador noir s’appelait… Baltique. »
Les élèves ne bénéficiaient ni de cette introduction, ni du texte de la chanson.
29
L’orthographe et la syntaxe ont été corrigées.
21
qui m’est inconnue, je n’écoute pas que la mélodie mais aussi les
paroles (…). En général, j’ai adoré cette séquence car tout le monde a
sa propre idée et toutes les opinions sont intéressantes sur chaque
chanson. »
Le registre lyrique
Le second objectif de cette séquence était de réinvestir et d’approfondir la
notion de registre lyrique, abordée dans la séquence précédente à travers l’étude de
poèmes de Verlaine, Lamartine et Hugo. Ce réinvestissement me permettait en plus de
donner un cadre précis au corpus de chansons que nous allions étudier en classe,
chacune d’elles présentant un aspect de ce registre30. Enfin, les élèves seraient
amenés à réfléchir sur les manifestations particulières du lyrisme dans le cadre d’une
chanson.
L’un de mes objectifs était de faire comprendre aux élèves que le registre
lyrique pouvait être aussi présent dans le texte de la chanson que dans la musique ou
la voix du chanteur. Pour cela, j’insistais dans chaque questionnaire sur la prise en
compte d’au moins un élément non linguistique soulignant la présence de ce registre.
Ainsi dès la première étude, j’invitai les élèves à repérer dans la chanson Mistral
Gagnant l’intérêt de l’orchestration et de la mise en voix. Leur réflexion nous permit
de souligner que la forme du piano-voix, la ligne mélodique très douce et la voix du
chanteur, posée entre le chant et la parole, étaient propices à l’émergence d’un
sentiment nostalgique que l’on retrouve également à travers le thème lyrique de la
fuite du temps introduit par la référence à ces bonbons de l’enfance (« mistral
gagnant; roudoudous; et autres car-en-sac »), symboles d’un passé révolu.
Dès la seconde étude, une attention plus grande encore fut accordée à l’analyse de la
musique. A partir de la chanson La Corrida, je proposai aux élèves le questionnaire
suivant:
I. Une situation d’énonciation surprenante
a. Comment débute musicalement cette chanson (introduction et premier couplet)? Quelle
ambiance est ainsi créée?
b. Qui prend la parole dans cette chanson? Relevez un champ lexical qui vous permet
d’identifier ce personnage. Pouvez-vous en déduire le thème de cette chanson?
30
Voir en annexe , les objectifs indiqués pour chaque séance concernant le registre lyrique.
22
et au moyen de quels champs lexicaux opposés? Quel est l’effet créé?
c. Comment évoluent la musique et le lexique au couplet suivant? Quels sentiments
envahissent alors l’auditeur? Comment se nomme cet effet?
L’étude de la première question, permit aux élèves de repérer que les nappes de
violons et la tonalité basse créaient déjà une atmosphère empreinte de tristesse et de
noirceur qui semblait annoncer l’imminence d’un événement tragique. Ils
remarquèrent ainsi, qu’avant même le début du chant (et donc du texte) le sens de la
chanson se précisait. Par la suite, les élèves observèrent que l’orchestration permettait
la mise en place d’un effet de dramatisation donnant plus de force à l’expression
lyrique de la douleur physique.
Enfin, l’étude de Ne me quitte pas en fin de séquence amena les élèves à réfléchir sur
l’importance du travail d’interprétation. Il fallut d’abord que les élèves parviennent à
composer avec la voix de Jacques Brel qu’ils entendaient, pour la plupart d’entre eux,
pour la première fois. Leur réaction face à la voix de l’interprète fut d’ailleurs très
intéressante. Certains ne parvinrent pas à entrer véritablement dans la chanson à cause
du décalage entre l’interprétation de Brel et ce qu’ils avaient l’habitude d’écouter.
D’autres s’y habituèrent plus rapidement et finirent même par lui attribuer une
certaine dimension esthétique. Quoiqu’il en soit, l’étude de cette chanson, axée
principalement sur l’évolution du chant de couplet en couplet comme témoin de
l’évolution des sentiments du canteur, permit aux élèves d’aboutir à la conclusion que
la prise en compte de l’interprétation donnait véritablement du sens à la chanson. Ce
d’autant plus dans le contexte d’un corpus sur la chanson lyrique, le chanteur donnant
ici sa voix au canteur pour l’expression de ses sentiments personnels.
En conclusion, si, au départ, les élèves avaient besoin d’être guidés pour donner du
sens à ces éléments non linguistiques, très vite ils comprirent l’intérêt d’une telle
démarche et proposèrent parfois des pistes de réflexion fort pertinentes que je n’avais
pas, moi-même, repérées. De plus, les deux évaluations de la séquence et le travail de
groupe me démontrèrent que, pour la plupart d’entre eux, les élèves avaient très bien
assimilé les caractéristiques du registre lyrique ainsi que ses virtualités de traitement
dans le cadre de la chanson.
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poésie lyrique du XIXe siècle. La versification proprement dite étant beaucoup moins
travaillée dans le domaine de la chanson, je choisis d’insister lors des analyses sur
deux pôles particuliers: la création d’images d’un côté et les jeux sur la sonorité de
l’autre.
La différence entre métaphore et comparaison fut abordée lors de la séquence
sur la poésie et fut vite assimilée par les élèves. Par contre, le repérage et l’analyse des
métaphores leur posaient plus de problèmes. La séquence sur la chanson fut donc
également l’occasion de retravailler ce point.
La chanson La Corrida, par exemple, me permit de lier séance d’écoute et séance de
langue autour d’un travail sur la métaphore en tant qu’outil de reprise nominale. Pour
cela, après avoir analysé la chanson à l’écoute avec les élèves, je leur demandai de
travailler sur le texte à l’aide de ces questions d’observation:
1. Combien de fois Francis Cabrel fait-il référence aux toréador et toreros dans la chanson la
Corrida? Que remarquez-vous?
2. Relevez les différents pronoms personnels qui désignent ces personnages et indiquez leur
fonction.
3. Quels autres moyens l’auteur utilise-t-il pour ne pas répéter chaque fois la même
expression?
Lors d’une première séance de langue sur la catégorie des substituts, nous avions déjà
souligné que l’utilisation de pronoms personnels permettait, dans un texte court
comme celui d’une chanson, d’éviter les répétitions. A l’aide du questionnaire ci-
dessus, je voulais amener les élèves à repérer que l’auteur était parvenu à faire
référence six fois aux mêmes personnages (toréador et toreros) tout en évitant de
répéter les mêmes expressions. Pour cela, il avait eut recours aux pronoms personnels
mais également à différentes reprises nominales comme « cette danseuse ridicule»;
« ce pantin »; « ces acrobates », toutes construites autour d’une métaphore.
L’utilisation de ces images permettait à Francis Cabrel de désigner péjorativement ces
personnages. Ainsi,les élèves comprirent que la métaphore pouvait également servir
d’outil pour désigner plusieurs fois une même personne ou un même groupe en leur
conférant, au fil du texte, différentes valeurs.
Un autre travail sur la métaphore fut organisé lors de l’analyse de Ne me quitte pas.
Cette fois, il s’agissait d’étudier en parallèle certains outils linguistiques et non
linguistiques de la persuasion. Les élèves eurent donc à réfléchir à ces deux questions:
y Quels procédés utilise le canteur dans les couplets 2 et 3 pour que la femme reste à ses
côtés ? Pensez à prendre en compte l’évolution du chant dans ces couplets.
y Quelles figures de style apparaissent au 4e couplet? Quel est leur but?
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Après avoir noté que les modulations dans l’interprétation tenaient d’une logique de
la persuasion, les élèves ont pu remarquer, grâce à la seconde question, que les deux
métaphores du quatrième couplet (« On a vu souvent rejaillir le feu / De l’ancien
volcan qu'on croyait trop vieux / Il est paraît-il des terres brûlées / Donnant plus de blé
qu'un meilleur avril ») servaient, elles aussi, l’établissement d’une argumentation
faisant appel aux sentiments. Là encore, la prise en compte globale des différents
constituants de la chanson aura permis aux élèves d’en cerner l’intérêt aussi bien
esthétique que poétique.
Dans cette chanson, le canteur se présente dans chaque refrain comme « L’as de trèfle
qui pique ton cœur ». Après une discussion autour de cette expression, les élèves
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purent se rendre compte que le terme de portrait poétique que j’évoquais pour cette
chanson tenait de la création d’images aussi bien textuelles (métaphore filée du jeu de
cartes) que sonores (l’allitération en « qu » pouvant souligner la présence indélébile
du canteur dans le cœur de Caroline malgré leur séparation).
Le même travail fut effectué concernant le portrait de Caroline, et les élèves
repérèrent rapidement les assonances et allitérations sur lesquelles il reposait (« Elle
était ma dame, elle était ma came, elle était ma vitamine / Elle était ma drogue, ma
dope, ma coke, mon crack, mon amphétamine, Caroline… »).
Si la plupart de mes élèves éprouvent encore de grandes difficultés à interpréter ces
procédés d’écriture jouant sur la répétition de mêmes sons, beaucoup d’entre eux ont,
néanmoins, été sensibles, à l’écoute, à la valeur poétique de ces procédés.
Le lien ainsi établi entre la séquence sur la poésie et cette séquence consacrée
à l’étude de la chanson, aura ainsi permis aux élèves de revoir quelques notions qu’ils
n’avaient pu assimiler en une seule séquence. Peut-être ce lien les amènera-t-ils aussi
à réfléchir à la possibilité, qui leur est désormais offerte, de mener une réflexion
personnelle sur ce domaine de la culture qu’ils apprécient tout particulièrement.
26
Conclusion
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Il faudrait alors insister sur la double acception du verbe ‘‘interpréter’’ (du latin interpretari:
expliquer). En effet, s’il peut servir à exprimer l’exécution d’une œuvre musicale ou d’un rôle au
théâtre, le verbe ‘interpréter’ signifie aussi et surtout: « chercher à rendre quelque chose
compréhensible, à le traduire, à lui donner un sens » (Dictionnaire encyclopédique illustré, Larousse,
1991). L’interprète n’est, dès lors, plus seulement celui qui exécute mais aussi celui qui donne un sens,
qui crée donc.
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représentation et de la concrétisation du travail de chaque créateur soumis à
l’interprétation globale et ultime du spectateur? Bien sûr, toutes ces questions
pourraient être transposées et évoquées lors de l’étude de la chanson et de son
interprétation sous forme de vidéo clip. Cela permettrait aux élèves de mieux cerner
les enjeux de cette problématique de l’interprétation par la variation des supports.
Ce petit détour du côté du genre théâtral me permet, une fois encore, de
souligner l’intérêt de la prise en compte de la chanson dans l’enseignement du
Français. Bien d’autres activités, qui ne peuvent être développées dans le cadre de ce
travail, mériteraient pourtant d’être évoquées, comme par exemple la possibilité de
travaux interdisciplinaires (avec le professeur de musique notamment) autour de la
création d’une chanson, ou encore l’organisation d’une séquence sur le thème des
spectacles vivants.
Hors-d’œuvre donc que ce travail, dont la fonction principale est justement de
mettre en appétit. Introduction au plein sens du terme, ce mémoire aura finalement
rempli son rôle s’il est parvenu à éveiller une curiosité, voire à donner à réfléchir à
l’intérêt et aux virtualités qu’offre la chanson en tant que nouveau support
pédagogique.
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Bibliographie
HIRSCHI Stéphane, Jacques Brel , Chant contre silence, Paris, Nizet, 1995.
(Version remaniée d’une thèse de doctorat ès lettres soutenue en 1992 à l’Université
Paris IV-Sorbonne, cet ouvage présente les fondements de la « cantologie »: une
méthode d’analyse adaptée aux caractéristiques du genre chanson et appliquée ici à
l’œuvre de Jacques Brel).
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Annexes
Séquence 5
Le lyrisme dans la chanson
Objectifs:
y Étude du genre chanson.
y Réinvestissements: registre lyrique et procédés de l’écriture poétique.
Séance 1 (Lundi 08/01): Compte-rendu et correction devoir n°4 + mise en place des
travaux de groupes pour cette séquence.
Séance 8 (Vendredi 19/01) Oral: présentation des travaux de groupe. Durée: deux
heures.
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Le Coureur Mistral gagnant La corrida
J.J.Goldman Renaud F. Cabrel
Je courais sur la plage abritée des A m'asseoir sur un banc cinq minutes Depuis le temps que je patiente
alizés avec toi Dans cette chambre noire
Une course avec les vagues, juste un Et regarder les gens tant qu'y en a J'entends qu'on s'amuse et qu'on
vieux compte à régler Te parler du bon temps qu'est mort chante
Pieds nus comme couraient mes ou qui r'viendra Au bout du couloir ;
ancêtres oh j’ai bien vu derrière ses En serrant dans ma main tes p'tits Quelqu'un a touché le verrou
lunettes doigts Et j'ai plongé vers le grand jour
Un type avec un chronomètre Pis donner à bouffer à des pigeons J'ai vu les fanfares, les barrières
idiots Et les gens autour
Je suis rentré au soir quand les Leur filer des coups d' pieds pour de
vagues ont renoncé faux Dans les premiers moments j'ai cru
Il était déjà tard mais mes parents Et entendre ton rire qui lézarde les Qu'il fallait seulement se défendre
m’attendaient murs Mais cette place est sans issue
Y’avait l’homme bizarre à la table, Qui sait surtout guérir mes blessures Je commence à comprendre
ma mère une larme, un murmure Te raconter un peu comment j'étais Ils ont refermé derrière moi
Des dollars et leur signature minot Ils ont eu peur que je recule
Les bonbecs fabuleux qu'on piquait Je vais bien finir par l'avoir
J’ai pris le grand avion blanc du chez l' marchand Cette danseuse ridicule...
lundi Car-en-sac et Minto, caramel à un Est-ce que ce monde est sérieux ?
Qu’on regardait se perdre à l’infini franc Est-ce que ce monde est sérieux ?
J’suis arrivé dans le froid des villes Et les mistrals gagnants
Chez les touristes et les automobiles Andalousie je me souviens
Loin de mon ancienne vie A r'marcher sous la pluie cinq Les prairies bordées de cactus
minutes avec toi Je ne vais pas trembler devant
On m’a touché, mesuré comme on Et regarder la vie tant qu'y en a Ce pantin, ce minus !
fait d’un cheval Te raconter la Terre en te bouffant Je vais l'attraper, lui et son chapeau
J’ai couru sur un tapis, pissé dans un des yeux Les faire tourner comme un soleil
bocal Te parler de ta mère un p'tit peu Ce soir la femme du torero
Soufflé dans un masque de toutes Et sauter dans les flaques pour la Dormira sur ses deux oreilles
mes forces, accéléré plein faire râler Est-ce que ce monde est sérieux ?
d’électrodes Bousiller nos godasses et s' marrer Est-ce que ce monde est sérieux ?
Pour aller jusqu’où j’avais trop mal Et entendre ton rire comme on
entend la mer J'en ai poursuivi des fantômes
On m’a mis un numéro sur le dos S'arrêter, r'partir en arrière Presque touché leurs ballerines
Y’avaient des gens qui criaient , des Te raconter surtout les carambars Ils ont frappé fort dans mon cou
drapeaux d'antan et les cocos bohères Pour que je m'incline
On courait toujours en rond, des Et les vrais roudoudous qui nous Ils sortent d'où ces acrobates
clous aux deux pieds pour écorcher coupaient les lèvres Avec leurs costumes de papier ?
la terre Et nous niquaient les dents J'ai jamais appris à me battre
Je la caressais naguère Et les mistrals gagnants Contre des poupées
J’ai appris à perdre, à gagner sur les A m'asseoir sur un banc cinq minutes Sentir le sable sous ma tête
autres et le temps avec toi C'est fou comme ça peut faire du
A coup de révolver, de course en Et regarder le soleil qui s'en va bien
entraînement Te parler du bon temps qu'est mort et J'ai prié pour que tout s'arrête
Les caresses étranges de la foule, les je m'en fous Andalousie je me souviens
podiums Te dire que les méchants c'est pas Je les entends rire comme je râle
Et les coups de coude nous Je les vois danser comme je
Les passions, le monde et l’argent Que si moi je suis barge, ce n'est que succombe
de tes yeux Je pensais pas qu'on puisse autant
Moi je courais sur ma plage abritée Car ils ont l'avantage d'être deux S'amuser autour d'une tombe
des alizés Et entendre ton rire s'envoler aussi Est-ce que ce monde est sérieux ?
Une course avec les vagues, juste un haut Est-ce que ce monde est sérieux ?
vieux compte à régler Que s'envolent les cris des oiseaux
Puis le hasard a croisé ma vie Te raconter enfin qu'il faut aimer la Si, si hombre, hombre
J’suis étranger partout aujourd’hui, vie Baila, baila
Et l'aimer même si le temps est Hay que bailar de nuevo
Etait-ce un mal, un bien? assassin Y mataremos otros
C’est ainsi Et emporte avec lui les rires des Otras vidas, otros toros
enfants Y mataremos otros
Et les mistrals gagnants Venga, venga a bailar...
Et les mistrals gagnants Y mataremos otros
Si seulement je pouvais lui Caroline
manquer MC Solaar Claude MC prend le microphone,
genre love story raggamuffin
Calogero Pour te parler d'une amie qu'on
J'étais cool, assis sur un banc.
C'était au printemps. appelle Caroline.
Il suffirait simplement Elle était ma dame, elle était ma
Qu'il m'appelle Il cueille une marguerite : ce sont
deux amants. came, elle
Qu'il m'appelle
D'où vient ma vie Overdose de douceur.
Certainement pas du ciel Ils jouent comme des enfants.
Lui raconter mon enfance Je t'aime un peu beaucoup à la folie
passionnément. était ma vitamine,
Son absence Elle était ma drogue, ma dope, ma
Tous les jours Mais à la suite d'une douloureuse
déception sentimentale, coke, mon crack, mon amphétamine,
Comment briser le silence Caroline...
Qui l'entoure D'humeur chaleureuse, je devenais
brutal. Je repense à elle, femme actuelle, 20
La haine d'un être n'est pas dans nos ans, jeune et jolie.
Aussi vrai que de loin Remets donc le film à l'envers,
Je lui parle prérogatives.
Tchernobyl. magnéto de la vie.
J'apprends tout seul Pour elle, faut-il l'admettre, des
A faire mes armes Tcherno-débile.
Jalousie radioactive. larmes ont coulé.
Aussi vrai qu' j'arrête pas Hémorragie oculaire.
D'y penser Caroline était une amie, une superbe
fille. Vive notre amitié.
Si seulement Du passé, du présent, je l'espère, du
Je pouvais lui manquer Je repense à elle, à nous, à nos
cornets vanille, futur,
Est ce qu'il va me faire un signe Je suis passé pour être présent dans
Manquer d'amour A sa boulimie de fraises, de
framboises, de myrtilles, ton futur.
N'est pas un crime La vie est un jeu de cartes,
J'ai qu'une prière à lui adresser A ses délires futiles, à son style
pacotille. Paris un casino.
Si seulement Je joue les rouges, cœur,
Je pouvais lui manquer Je suis l'as de trèfle qui pique ton
cœur... Caro...
L'as de trèfle qui pique ton cœur... Je suis l'as de trèfle qui pique ton
Je vous dirais simplement cœur...
Qu'à part ça L'as de trèfle qui pique ton cœur...
Tout va bien Caroline...
A part d'un père
Je ne manque de rien Comme le trèfle à quatre feuilles, je
Je vis dans un autre monde cherche votre bonheur.
Je m'accroche tous les jours Je suis l'homme qui tombe à pic...
Je briserai le silence pour prendre ton cœur.
Qui m'entoure Il faut se tenir à carreaux.
Caro, ce message vient du cœur.
Aussi vrai que de loin Une pyramide de baisers, une
Je lui parle tempête d'amitié,
J'apprends tout seul Une vague de caresses,
A faire mes armes Un cyclone de douceur.
Aussi vrai qu' j'arrête pas Un océan de pensées.
D'y penser Caroline, je t'ai offert un building de
Si seulement tendresse.
Je pouvais lui manquer J'ai une peur bleue.
Est ce qu'il va me faire un signe J'suis poursuivi par l'armée rouge.
Manquer d'un père Pour toi j'ai pris des billets verts, il a
N'est pas un crime fallu qu'je bouge.
J'ai qu'une prière à lui adresser Pyromane de ton cœur,
Si seulement Canadair de tes frayeurs,
Je pouvais lui manquer Je t'ai offert une symphonie de
couleurs.
Elle est partie, maso, avec un vieux
macho
Qu'elle avait rencontré dans une
station de métro.
Quand je les vois main dans la main
fumant le même mégot,
Je sens un pincement dans son cœur,
mais elle n'ose dire un mot,
C'est qu'je suis l'as de trèfle qui pique
ton cœur...
L'as de trèfle qui pique ton cœur...
L'as de trèfle qui pique ton cœur...
Caroline...
Ne me quitte pas Baltique
Brel Renaud
Ne me quitte pas Des terres brûlées lls ont peut-être eu peur que je
Il faut oublier Donnant plus de blé pisse
Tout peut s'oublier Qu'un meilleur avril Sur le marbre du bénitier
Qui s'enfuit déjà Et quand vient le soir Ou pire que je m'accroupisse
Oublier le temps Pour qu'un ciel flamboie Devant l'autel immaculé
Des malentendus Le rouge et le noir Peur que je ne lève la patte
Et le temps perdu Ne s'épousent-ils pas? Quelque part dans les allées
A savoir comment Où siège cette foule ingrate
Oublier ces heures Ne me quitte pas Qui nous parle d'humanité
Qui tuaient parfois Ne me quitte pas Ils ont considéré peut-être
A coups de pourquoi Ne me quitte pas Que c'est un amour pas très
Le cœur du bonheur Ne me quitte pas catholique
Que celui d'un chien pour son
Ne me quitte pas Ne me quitte pas maître
Ne me quitte pas Je ne vais plus pleurer Alors, ils m'ont privé de cantiques
Ne me quitte pas Je ne vais plus parler
Ne me quitte pas Je me cacherai là Un jour pourtant je le sais bien
A te regarder Dieu reconnaîtra les chiens
Moi je t'offrirai Danser et sourire
Des perles de pluie Et à t'écouter Me voilà devant la chapelle
Venues de pays Chanter et puis rire Sous cette pluie qui m'indiffère
Où il ne pleut pas Laisse-moi devenir Tenu en laisse par un fidèle
Je creuserai la terre L'ombre de ton ombre Allergique aux lieux de prières
Jusqu'après ma mort L'ombre de ta main Les gens parlent à côté de moi
Pour couvrir ton corps L'ombre de ton chien Tu as de la chance toi au moins
D'or et de lumière La souffrance ne t'atteint pas
Je ferai un domaine Ne me quitte pas L'émotion c'est pour les humains
Où l'amour sera roi Ne me quitte pas Et dire que ça se veut chrétien
Où l'amour sera loi Ne me quitte pas Et ça ne comprend même pas
Où tu seras reine Ne me quitte pas. Que l'amour dans le cœur d'un
chien
Ne me quitte pas C'est le plus grand amour qu'il
Ne me quitte pas soit
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas Un jour pourtant je le sais bien
Dieu reconnaîtra les chiens
Ne me quitte pas
Je t'inventerai Je pourrais vivre dans la rue
Des mots insensés Etre bourré de coups de pieds
Que tu comprendras Manger beaucoup moins que mon
Je te parlerai dû
De ces amants-là Dormir sur le pavé mouillé
Qui ont vu deux fois En échange d'une caresse
Leurs cœurs s'embraser De temps en temps d'un bout de
Je te raconterai pain
L'histoire de ce roi Je donne toute ma tendresse
Mort de n'avoir pas Pour l'éternité ou plus loin
Pu te rencontrer Prévenez-moi lorsque quelqu'un
Aimera un homme comme moi
Ne me quitte pas Comme j'ai aimé cet humain
Ne me quitte pas Que je pleure tout autant que toi
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas Un jour pourtant je le sais bien
Dieu reconnaîtra les chiens
On a vu souvent Un jour pourtant je le sais bien
Rejaillir le feu Dieu reconnaîtra les chiens
De l’ancien volcan
Qu'on croyait trop vieux
Il est paraît-il