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Petit résumé des règles de

prononciation et de
déclamation restituées
du XVIIème et XVIIIème siècles
avec des citations des traités de l’époque

Lisandro Nesis
Octobre 2018
LES VOYELLES

Remarques générales :

 « …dans la Musique on ne peut faire aucune modulation, aucun tremblement, aucune tenüe,
aucun port de voix que sur une pure voyelle. » F.S. Régnier-Desmarais, Traité de la grammaire
françoise, 1706.

 « Les écrivains qui ont traité jusqu’à présent de la Prononciation et de l’Articulation, n’ont point
assez distingué l’une de l’autre : on dit cependant tous les jours : Voilà une personne qui
prononce bien, c’est dommage qu’elle articule mal : l’on dit aussi, voilà une personne qui articule
bien, c’est dommage qu’elle prononce mal. (…) La Prononciation consiste à ne point donner aux
lettres d’accent étranger : elle dépend beaucoup de la connaissance pratique des brèves et des
longues, des ê ouverts et des ê fermés, etc. elle est assujettie en ce genre à des règles fixes et
déterminées. (…) L’Articulation n’est que l’Art de bien faire sentir en chantant les lettres et les
syllabes de chaque mot (…) Il me semble qu’il y a bien des différences à démêler entre
l’articulation et la prononciation : (…) l’une se propose de charmer les oreilles, et de peindre aux
esprits par des Sons heureusement modifiés ; l’autre ne prétend offrir aux premières, que de
sons nets et distincts, forts ou foibles. » J.A. Bérard, L’art du chant, 1755.

 « Qu’il est important de bien prononcer dans le Chant.


Si l’on observe que le Chant n’est qu’une déclamation plus embellie que la déclamation
ordinaire, on comprendra qu’on doit se soumettre au joug de la Prosodie Françoise, et qu’on ne
sçauroit impunément refuser aux lettres leurs différentes qualités, puisque ces dernières sont
l’ame des paroles : les langues sont des divinités, tout ce qui a rapport avec elles est sacré. » J.A.
Bérard, L’art du chant, 1755.

 De la quantité :
o La consonne s, non prononcée, placée immédiatement après la voyelle simple ou la
diphtongue, modifie son timbre et sa durée.
« La prononciation de a, et des autres voyelles est ordinairement longue, lorsque dans
une mesme syllabe, la voyelle est immédiatement suivie d’une s qui ne se prononce
point. Ainsi dans paste, blasme, gresle, fresle, hoste, brusle, abysme… Au contraire elle
devient ordinairement breve quand l’s, qui suit la voyelle, se prononce, comme dans
asthme, faste, desastre, peste, geste, reste, piste, triste, poste, juste, et dans tous les
autres mots semblables » F.S. Régnier-Desmarais, Traité de la grammaire françoise,
1706.
o Les consonnes doublées ne doivent pas se faire sentir dans la prononciation soignée du
XVIIème et XVIIIème siècles, et cela est considéré comme une grave faute de
prononciation. Le redoublement de la consonne est institué pour abréger la syllabe
(abrégeant la voyelle ou diphtongue qui précède la consonne doublée). Nicole Rouillé, Le
Beau Parler François, Ed. Delatour, 2008
 A

2 possibilités

 A bref, ouvert, clair (et antérieur) : ex. rage, carnage, mal, sage, jardin…
 A long, fermé, sombre (et postérieur) : ex. blâme, âme, Madame, alarme, flamme, larme…
Sur des mots finissant en –able, le a peut être bref ou long. (souvent bref et clair en début de vers et long
et grave en fin de vers)

 E
« L’e, fermé et masculin se prononce en ménageant une ouverture de bouche en large, en
découvrant les dents supérieures et les inférieures et en les tenant un peu séparées : cette lettre
est une lettre claire, on forme l’ê ouvert par une ouverture de bouche plus grande et plus ronde
que la précédente, et en éloignant davantage les dents que dans le premier cas. L’e muet
féminin n’exige qu’une petite ouverture de bouche. » J.A. Bérard, L’art du chant, 1755.
« pour ce qui est du chant, souvent l’e muet étant bien plus long que les autres, demande bien
plus d’exactitude et de régularité pour la Prononciation que les autres Voyelles & je ne vois rien
de si général, que de le mal prononcer, & si difficile à corriger, à moins que d’observer
soigneusement le remede que je croy avoir trouvé, qui est de le prononcer à peu près comme la
voyelle composée eu, c’est-à-dire en assemblant les lèvres presque autant comme on le fait à
cette dyphtongue, avec lesquelles ces sortes d’e ont un grand rapport. » B. de Bacilly, L’art de
bien chanter, 1679.

 I
Cette voyelle « délicate et aigüe » se prononçait au XVIIème siècle comme aujourd’hui, sauf quand elle
suit une autre voyelle ou quand elle en précède une autre (diphtongues), ou bien, dans certains cas
précis, quand elle est suivi d’une autre voyelle et qu’elle devient i consonne ou i long, apparentée au j
(j), comme dans le mot ie (je)…
« De toutes les Voyelles, l’i est la plus délicate, et par conséquent la plus scabreuse pour la
Prononciation, et parce que pour la bien prononcer, il faut avoir soin de l’affiner autant que faire se peut,
sans toutefois la rendre trop aiguë ; autrement elle siffle, ou elle va dans le nez, pour peu que l’on ait de
la disposition à chanter du nez, qui est chose que tout le monde abhorre. » B. de Bacilly, L’art de bien
chanter, 1679.

 O
2 possibilités

 O ouvert et bref (O): ex. cotte, trope, obeïr, bosse…


 O fermé et long (o) : ex. hôte, côte, abhorre, gros, fosse…

 U
« Avancez les lèvres de manière qu’elles forment une petite ouverture : donnez au gosier une molle
secousse ; l’u est appelé lettre gutturale et demi-labiale » J.A. Bérard, L’art du chant, 1755.
 Y
Semblable à un i double, son utilité principale est celle de permettre de « mouiller » deux syllabes
consécutives comme dans le verbe essayer (y=ii , essayer =essaiier =èsèJér). En ancien français, le y est
préféré au i dans les diphtongues qui finissent les mots: ex. toy, loy, delay, ennuy, foy, sçay…
 Voyelles nasalisées :

 « … les sons de An, En, In, ou Un, sans prononcer l’N, seroient de vrayes Voyelles, si l’on eust
inventé quelques lettres particulières pour les signifier. » L. Chifflet, Essay d’une parfaite
grammaire de la langue françoise, 1659.

 « Quelques-uns mettent pareillement au nombre des voyelles les sons qui résultent de chacune
des cinq voyelles a.e.i.o.u lors qu’y adjoustant une n, on les prononce comme dans les mots an,
lien, fin, lion, un. Et il paroist mesme que les Latins les ont considerez de la sorte dans tous les
mots terminez en m. Car autant qu’on le peut conjecturer, ils ne prononçoient pas l’m finale
comme nous avons accoustumé de la prononcer en Latin, mais comme nous la prononçons
d’ordinaire en François dans certains mots pris du Latin, sans nul changement, comme quidam,
Te Deum, totum et quelques autres. Et de là vient apparemment, que comme ce son obtus et
écrasé a quelque sorte de rapport avec le son qu’on entend dans le mugissement des bœufs,
Quintilien appelle l’m finale, une lettre mugissante. » F.S. Régnier-Desmarais, Traité de la
grammaire françoise, 1706.

Quelques règles :

 EN = AN = A nasalisé (et antérieur) : ex. chant, enfant, amant, sans… Avec une légère
dénasalisation ou voyellation à la québécoise.
Plus forte dénasalisation devant un double N ou M, qui rend la voyelle a (ennuy = /anVi/ ) sauf
dans certains cas où l’usage veut déjà au XVIIème siècle qu’on garde la sonorité du E
ouvert devant un double N : Ennemi se prononçait /ènemi / et non pas / anemi /.
 IN = apparemment la prononciation de mots comme intéressant ou dinde aurait évolué pendant
le XVIIème siècle. Au début du siècle, on peut penser que la prononciation du i nasalisé était
proche d’une voyelle pure, i, puisque en 1623 on donne comme exemples de la prononciation du
i les mots ici, irrité, imper. Plus tard, on dira que devant un n ou un m « le son aigu et délié de l’i,
se change en un autre qui tient beaucoup de l’é ouvert, tel qu’il se prononce dans le mot lien ; et
il se forme, avec l’m soit avec l’n une de ces voyelles obtuses… » F.S. Régnier-Desmarais, Traité
de la grammaire françoise, 1706.
 ON = La prononciation s’apparente à un son intermédiaire entre l’o et l’ou.
« Premièrement, lors que l’o est joint à une n ou une m, et dans la mesme syllabe, il faut avoir
soin de prononcer on, et om, comme s’il y avoit un petit u entre deux et comme s’il y avait
boune et coume au lieu de bonne et comme (…) Secondement, il faut remarquer que l’o joint à
l’n dans la mesme syllabe, ne souffrent pas de longues Diminutions… à sçavoir pour éviter le
chant du nez, qui paraîtrait fort dans un passage sur la syllabe on que l’on est obligé de
prononcer dès la première notte de la diminution, sans qu’il soit permis de séparer en aucune
manière l’o d’avec l’n, ce qui ne se rencontre pas dans l’an (…) si on me demande la raison, je
dirais que c’est l’usage qui le veut ainsi» B. de Bacilly, L’art de bien chanter, 1679.
 UN = Il est préférable de garder les lèvres arrondies pour prononcer cette voyelle nasalisée.
Sorte de eu nasalisé, on pourra ainsi entendre la différence entre brun (brD) et brin.

Les Liaisons de voyelles nasales sur les voyelles :

 « On ne liait que l’n avec la voyelle commençant le mot suivant. Les voyelles nasales écrites par
un m, nom, faim, parfum, etc. terminent des substantifs et ne se lient pas. »
DIPHTONGUES ET TRIPHTONGUES

« Comme les diphtongues sont un son composé de deux voyelles, aussy les triphtongues sont un son
composé de trois, ce que le mot mesme denote en grec. »

Début du XVIIème siècle (P. de la Noue, De l’Ortographe françoyse, 1623):

 16 Diphtongues propres (on doit entendre le son des deux voyelles dont elles sont composées):
ia (estudia, opiniastre), ya (payant, delaya), ié (tiéde, lumiére, amitié), ie (hierre), yé (payée), ye
(payera), ye (voyelle), ai (aide), ei (obeï, plein), oi (oindre, coniointe, besoin), ui (vuide,
destruite, nuit), au (hauteur, eschaude), eu (heure, demeure, peu), ou (coude, laboure, hybou),
io (dirions), uy (fuyant, ennuyé, appuy), yo (voyons).
 Triphtongues propres : ouä (pouäcre), ouë (fouët), eau (beauté, nouveauté, fardeau), yau
(noyau), ieu (lieutenant, Monsieur), yeu, yeuse (ioyeusement, payeur), aou (aoust), ouy
(enfouyra, ouy).
 Diphtongues impropres (« pource qu’elles ne retiennent tout au plus que le son d’une des
voyelles dont elles sont compozées ») : aa (aage), oe (œil), ai (laide, fait), ei (neige, ameine), oi
(roide, deçoit), ao (paon), eu (seûre, alleure, reçeu), ay (plus ou moins propres dans aymant,
pourtraya, attray), oy (boy, foy).
 Triphtongues impropres : oye (soyent), yoi (voyoit), oeu (cœur, manœuvre, soeur)

Pendant les premières trente années du XVIIème siècle on peut donc légitimement penser que les
diphtongues et triphtongues propres se faisaient encore entendre dans le discours soutenu, en
particulier dans les diphtongues suivantes : au et eu.

Entre 1630 et 1660 (L. Chifflet, Essay d’une parfaite grammaire françoise, 1659) :

 « Dix vrayes diphtongues : ia, ie, io, ieu, üi, eaü, oüa, oüe, oüy » A cette époque, le nombre de
vrayes diphtongues (ou diphtongues propres) a diminué, et les triphtongues vrayes ou propres
ont complètement disparu de la langue vulgaire ou savante.
 « Les autres diphtongues sont fausses et impropres ; parce qu’on n’y entend pas de sons
différens, serrez ensemble par une habile prononciation ; mais un seul, et par une mesme
ouverture de la bouche, et une mesme posture de la langue, quand elle y coopere. »
 Les diphtongues ie, ié sont vraies dans les mots suivants : piéd, pitié, amitié, inimitié, mauvaistié.
Dans tous les autres cas, elles forment deux syllabes (diérèses).

« Au prétérit imparfait qui sont terminés en ois, comme ie parlois, tu parlois et ie parlerois, tu
parlerois, ois se prononce de meilleure grace et avec plus de douceur en e ouvert ; ou, qui en est de
mesme, en ai : ie parlais, ie parlerais etc. Quoy qu’à la rigueur, on ne condamne pas pour une faute
de les prononcer en oi . Les estrangers ont tort de dire que cette prononciation est une nouveauté :
car il y a plus de quarante ans que ie l’ay veüe dans le commun usage. Il est vray qu’on lui a
longtemps resisté, comme à une mollesse affectée de langage effeminé : mais enfin elle a gagné le
dessus … »

 Fausses diphtongues :
o au se prononce ô ;
o finales en eau, qui ne sonnaient déjà plus qu’en diphtongues eô au début du XVIIème
siècle, ne demeurent plus que dans les mots qui ont leur dernière syllabe en eau,
commençant par un s, c ou z comme les mots sceau, pinceau, ruisseau, morceau, roseau,
museau, les autres comme tombeau, nouveau, se prononcent en ô fermé.
o Eu ne se diphtongue plus du tout et parfois ne retient dans la prononciation que le u : j’ai
veue (j’ai vu), j’ai creu (j’ai cru). Eu prend le même son que oeu dans l’adjectif jeune qui
se prononce comme le jeûne.
o Ou se prononce comme l’u des espagnols et des italiens.
o Aou se prononce ou. (saouler = souler)
o Oi devant gn sonne comme on.
o Ui et uy font entendre clairement l’u et l’i comme dans nuit, luit, luy, etc

Durant la deuxième moitié du XVIIème siècle, la prononciation des vraies diphtongues évolue un peu
pour se fixer définitivement sur le discours soutenu.

o Ai et ei, nasalisés en aim, ain, ein se prononcent désormais comme in et im dans tous les
cas
o La diphtongue nasalisée oin, « où l’on entend distinctement les sons de l’o et de l’i se
joignant l’un avec l’autre font un son complet » ex : point, soin, besoin, moins, loin

A la fin du XVIIème siècle :

Citations de F.S. Régnier-Desmarais, Traité de la grammaire françoise, 1706.

Il y a treize diphtongues en français : eau (bateau), ia (diable), iau (piautre), ie (ciel), ieu (dieu), ion
(aurions), oe (poële), oi (gloire, pointe), oua (pouacre), oue (foüet), oui (oui), ue (escuelle), ui (nuire)
« Quand l’a est devant un i, dans une mesme syllabe, il perd ordinairement sa prononciation, en sorte
qu’en plusieurs mots, comme en plaire, plaisir, faire, contraire, etc, les deux voyelles ensemble ne se
prononcent que comme un è fermé ; et qu’en plusieurs autres, comme en pain, faim, main, air, paix etc
elles se prononcent comme un è ouvert »
« Du son de l’a devant l’y. Lorsque l’y est suivi d’un è masculin, ou de quelque autre voyelle, alors l’a et
l’y ensemble changent le son d’è ouvert en è fermé ; et la voyelle suivant devient moüillée, comme si elle
avait un i devant elle ; ainsi qu’on peut le voir dans les mots payer, essayer, payant, essayant, payons,
essayons, qui se prononcent comme s’ils étaient écrits pé-ier, essé-ier, pé-iant, essé-iant, pé-ions, essé-
ions. L’a et l’y se prononcent de la mesme sorte dans les mots pays, paysage, paysant [pé-is, pé-isage,
pé-isant]»
« Mais quand l’e et l’i n’admettent point de consonne à leur suite dans la mesme syllabe, alors ces deux
lettres ensemble prennent d’ordinaire la prononciation d’un é fermé. Car à la réserve du mot de Reine,
où l’é et l’i se prononcent comme un é ouvert, (…) tous les autres, comme peine, pleine, veine, haleine,
treille, veille, peigne, feigne, atteigne, etc ont accoustumé de se prononcer par un é fermé. »
« Dans les mots d’heureux et d’heureuse, la premiere syllabe et la seconde, quoyque composées toutes
deux des mesmes voyelles, se prononcent tout differemment l’une de l’autre ; la premiere par un u
simple, et la seconde, comme dans feux et dans jeux. »
« …dans gloire, l’i se prononce comme un è extrêmement ouvert et dans pointe il approche un peu de l’é
fermé… »
Regnier-Desmarais précise également que oi se prononce [oé (fermé) ] partout à l’exception des mots
froid, droit, croire, noyer, nettoyer et leurs dérivés, où l’on prononçait un é ouvert. Aussi, les mots de
nationalité comme françois, anglois se prononcent avec un é ouvert dans le parler familier et d’après la
règle générale -avec un é fermé- dans le discours public.
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LES CONSONNES
Au XVIIème siècle, la prononciation des consonnes finales en fin de période fait l’unanimité absolue chez
les grammairiens. Il en va de même quand le sens grammatical complet régit les ponctuations à
l’hémistiche (alexandrin) ou à la rime dans la déclamation des vers : il faudra à ces moments-là
prononcer les consonnes finales.

Consonnes qui ne se prononcent jamais, même dans le discours soutenu :

 Au début des mots :


o Le h muet
o Le p dans les mots ptisanne et psaume (prononcés : tisanne, sôme)
 Au milieu des mots :
o D devant j, m, v (adjouter, adjoint, advis, adveu => ajouter, ajoint, avis, aveu)
o G devant n (cognoistre = > connaître)
o P devant t (bapteme, exempter, compte), mais il se prononce dans redemption,
redempteur.
 A la fin des mots :
o Le c dans le mot donc quand ce mot n’est pas suivi d’un autre commençant par une
voyelle.
o La conjonction et. « C’est pourquoy elle n’est jamais mise en poésie devant les voyelles »
o Dans le mot nez le z ne se prononce jamais.

Consonnes qui quittent leur propre prononciation pour prendre celle d’une autre :

 Au milieu des mots :


o B devant le s et le t se prononce comme un p. Ex. observer, obtenir
o C devient g dans les mots second et secret et dans tous leurs dérivés, mais pas dans le
mot secretaire
o G devant n donne une consonne mouillée, comme aujourd’hui sur le mot regner.
o T devient s dans quelques mots venant du latin. Ex : intention, ambitieux, séditieux.
 A la fin des mots :
o G devient k. Ex: Sang, rang, estang, harang.
o D devient t dans les liaisons (devant une voyelle ou devant un h muet). Ex : quand on le
dira.
o F devient v consonne dans les liaisons. Ex : il est neuf heures.
o S et x deviennent un z dans les liaisons. Ex : vos beaux yeux, nous aimons.
o X devient ss dans les mots six et dix.

Le cas d’une succession de consonnes différentes :

 A la fin des mots, même devant un autre mot commençant par une consonne :
o Le t se prononce après c, s, g. Ex. correct, exact, pact, suspect, respect, rapt. Dans ces cas
les c et les p se prononcent aussi. (mais pas dans laict, object, lict où l’on prononce le t
mais pas le c)
o Nt ne prononcent jamais quand elles constituent la terminaison de la troisième personne
du pluriel des verbes. Parfois on peut faire la liaison en prononçant le t.
o Rt et rd en finales. D’habitude, « on ne prononce que le r et on mange le d et le t », mais
en lisant en public on fait sonner le d et le t lors des liaisons avec une voyelle. Ex : renard
affamé .

Le cas du pluriel des mots terminés par une ou plusieurs consonnes:

 D, t, g, p devant l’s. « Les consonnes qui sont devant l’s finale comme d, t, g, p etc ne se
prononcent point : mais l’s seulement ». Ex : grands amis, loups et brevis.
 Fs, ls, rs. « dans le discours soutenu, ou en lisant des vers, on fait sonner la pénultième consone
avec la dernière, devant une voyelle. Exceptez les pluriels des noms finis par e masculin suivi d’un
r comme bergers, rochers dont les r se mangent et dont on ne prononce que le s »
 Cs, cn finales. On peut ne pas prononcer le c quand il s’agit d’une rime. Ex. Ce sont des
dangereux frimats / aux débiles estomacs.
 Rs devant la diphtongue ou la diérèse ié. On peut ne pas prononcer le r quand il s’agit d’une
rime. Ex. Bien souvent entre les héritiers / on trouve peu d’amitiés.
 Rsd, rts en finales. « aux mots terminés en triple consones, comme rds, rts, on ne fait sonner que
l’antepenultieme, qui pour lors est longue, comme bords, verds, concerts, prononcez bôr, vêr,
concêr, etc. mais en lisant des ouvrages de poësies, on fait sonner l’r et l’s et on mange la
consone du milieu qui est d ou t.

Les particularités :

 « on prononce toujours les consones finales des noms étrangers »


 Le mot toûjours. « Là où dans le mot de toûjours on supprime l’r et l’on dit toûjouz avec elle, par
une bizarrerie de la Langue Françoise, qui souvent n’est fondée que sur l’usage. Toutesfois il faut
prendre garde que bien que dans le toûjours on supprime l’r et l’s, soit dans le chant, lorsqu’il ne
suit point de Voyelles, il faut excepter les endroits où il sert de rime aux mots et où l’on est
obligé de tout prononcer, comme amours, courts, lequel embarras fait que l’on devroit bien
éviter ces sortes de rimes dans la Poesie Françoise. » B. de Bacilly, L’art de bien chanter, 1679.
 Les finales en ere, iere, iege. « Au XVIIème siècle, les mots en ere, en particulier père, mère, frère
et les mots en ège comme collège, privilège, continuèrent à se prononcer par un é fermé
(exemple : frére, mére, pére, collége, privilége). Le d’ié devint ouvert dans tous les mots où il est
suivi d’une consonne qui n’est pas muette. Il resta pourtant fermé dans tous les mots en iére et
iége : matiére, entiére, siége, piége, etc. » C. Thurot, De la prononciation française, depuis le
commencement du XVIème siècle, d’après les témoignages des grammairiens, 1966.
Au XVIIIème siècle, père, mère, frère commencèrent à se prononcer avec un è ouvert. L’ e
tonique s’est prononcé ouvert dans les mots en ière vers la fin du siècle. Il ne s’est prononcé
ouvert dans les mots en ège qu’au XXème siècle et est resté fermé dans les mots en iége.

 Le h aspiré.
o « L’h… n’est pas proprement une Lettre, elle n’est que la marque d’une aspiration » F.S.
Régnier-Desmarais, Traité de la grammaire françoise, 1706.
o « L’aspiration figurée par l’h (au XVIIème siècle) était encore sensible. » Abbé de Wailly,
Principes généraux et particuliers de la langue française, 1763.
o Voir listes de mots avec h aspiré, muet ou douteux.
 L et LL mouillés.
o La consonne l ne devient mouillée que quand elle est précédée d’un i pur (seulement
dans les mots : peril, mil, gentilhomme) ou d’un i joint à une voyelle (ex. bail, œil, deuil,
cercueil, mail).
o Dans le cas d’un i situé devant deux ll mouillés, la voyelle garde le son qui lui est propre
et le i sonne après les deux ll (l mouillé s’écrivait autrefois lh), comme le mot muraille qui
se prononçait muralie ou le mot sommeil qui se prononçait somelie, à l’exception de la
diphtongue ui qui garde dans ce cas la prononciation du i comme dans aiguille qui se
prononce aiguilie (aiguilhe) et ses dérivés.
o « Le changement qu’elle [la lettre L] reçoit dans la composition des mots, lorsqu’elle est
double et précédée d’un i, consiste en ce qu’à l’exception de deux mots, qui sont ville et
mille, dans tous les autres, comme par exemple dans paille, fille, treille, feuille, rouille elle
se prononce toujours moüillée, de mesme que la double ll des Espagnols dans llanto,
llorar, llover, etc et de mesme que le gl des Italiens dans paglia, figlia, maglio, etc. » F.S.
Régnier-Desmarais, Traité de la grammaire françoise, 1706.
 La consonne r :
o « Il porter la langue au-dessous des dents supérieures, et pousser l’air du gosier, de sorte
que cet air réfléchi par le palais, détermine la langue à une espèce de tremblement, c’est
pourquoi l’ r doit être appelé dentale et linguale » J.A. Bérard, L’art du chant, 1755
o Le r en position forte et en position médiane se prononçaient différemment à la Cour. Le
grasseyement, ou prononciation grasse de la gorge, s’est peu à peu imposé chez les
courtisans durant le XVIIème siècle pour le r tonique ; le r médiant conservant la
prononciation du bout de la langue. Ces différences s’estompèrent pour n’aboutir
finalement au XVIIIème siècle qu’à une seule prononciation de la luette encore en
vigueur aujourd’hui.
o Pour le chant et la déclamation, il est conseillé de garder la prononciation du r roulé, qui
se révèle être beaucoup plus efficace et expressif, quelque soit sa place dans le mot. « Le
grasseyement est un défaut de l’organe, qui gâte la prononciation ordinaire, celle que
nous désirons dans la déclamation et dans le chant, sur-tout dans celui du théâtre (…)
Ainsi le mot race, dans la bouche de ceux qui grasseyent, sonne comme le mot grace ou
crace dans celle des gens qui parlent bien. » Dictionnaire des gens du monde, 1771.
o D’après Bacilly, dans le parler public le R se prononçait fortement lorsqu’il est situé en
position capitale (rien) ou avant une consonne (partons), il se prononçait moyennement
fort lorsqu’il est en fin de mot (infinitifs des verbes comme gémir, aimer et noms comme
berger, soupir) et dans les cas des R « liquides » qui suivent une consonne (grâce,
agréable, crainte) à moins que le sens demande qu’ils aient plus de force (comme dans
cruelle). Enfin, le R se prononce doucement (avec un simple battement) lorsqu’il est
entre deux voyelles (comme le premier R dans mourir)
 « De la règle gna, gne, gni, gno, gnu : exceptez ces mots signe, signer, contresigner, soubsigner,
et tous les mots derivez de ces verbes dont le gn se prononce ordinairement comme s’il n’y avait
qu’un n : ainsi prononcez siner, consiner, etc. » J. Hindret, L’art de bien prononcer et de bien
parler la langue françoise, 1687
La Cour, la Province et l’Etranger :

 « On peut envoyer un Opéra en Canada, et il sera chanté à Québec, note pour note, sur le même
ton qu’à Paris. Mais on ne sçauroit envoyer une phrase de conversation à Montpellier, ou à
Bordeaux, et faire qu’elle y soit prononcée, syllabe pour syllabe, comme à la Cour. » P.J.Thoulier,
abbé d’Olivet, Traité de la prosodie françoise, 1736.

Les différentes sortes de prononciation :

 « Aretin, Moine Ferrarois, est célèbre pour avoir divisé le Chant en trois espèces, en Chant dur, en
Chant doux, et en Chant naturel, lequel participe des deux premiers : j’ose ajouter deux nouvelles
espèces, le Chant obscur, et le Chant clair : on doit distinguer tout autant de sortes de
prononciations. (…) C’est au caractère des paroles de décider l’usage qu’on doit faire des
différentes sortes de prononciations : ce caractère est déterminé par la nature des objets que les
paroles représentent : elles peuvent être signes d’objets sérieux, terribles ou tristes, d’objets
frivoles, aimables, gais ou indifférents, d’objets qui deviennent, par exemple, plus tristes ou plus
gais par degrés, d’objets terribles qui succèdent à des objets aimables : les paroles peuvent
exprimer des objets analogues entr’eux, des objets qui ont les airs des objets opposés. Dans toutes
ces suppositions différentes, la prononciation doit varier. Il faut que la prononciation soit dure et
obscure lorsque les paroles représentent des bruits terribles (…) On doit imprimer un caractère de
dureté et d’obscurité à la prononciation dans tous les endroits sérieux, et toutes les fois que les
paroles expriment des passions terribles ; comme quand il est question de discours d’un grand
Prêtre, d’oracles d’une divinité, de jalousie d’un Cyclope, du désespoir d’Armide, de la fureur des
Démons (...) La prononciation doit être extrêmement obscure, c’est-à-dire étouffée, dans le
pathétique larmoyant (…) Des paroles destinées à peindre des bruits gracieux, comme le murmure
d’un ruisseau, ou le chant des oiseaux, etc doivent être prononcées d’une manière douce et claire.
(…) Il faut prononcer avec douceur et clarté les paroles qui expriment les passions tranquilles,
tendres et aimables : c’est pourquoi les Ariettes, les Brunettes et les Vaudevilles, et tous les
morceaux badins, tendres et galans ressortent du domaine de la prononciation douce et claire. (…)
Les paroles qui n’ont point de caractère marqué, c’est-à-dire qui signifient des choses
indifférentes, n’exigent qu’une prononciation naturelle : cette régle s’étend à presque tous les
vers destinés à préparer les Scènes, ou à les lier entr’elles. (…) Les diverses prononciations sont
dans le Chant ce que les couleurs sont dans la peinture » J.A. Bérard, L’art du chant, 1755

Règle importante pour l’articulation :

 « Les personnes émues par quelque passion doublent, ou ce qui est le même, préparent ou
retiennent ordinairement les lettres dans l’articulation, soit que le sentiment veuille se peindre
non seulement dans chaque mot, dans chaque syllabe, mais encore dans chaque lettre : soit qu’il
regne alors un certain trouble dans les Organes, qui fait que les mouvements dont résulte la
prononciation des lettres, persevére trop long-tems, seul et vrai moyen de rendre deux fois le son
d’une lettre. Dans les passions violentes, il regne un trouble extrême et une grande agitation dans
nos Organes (…) les lettres seront alors doublées fortement : dans les passions tranquilles, il ne
regne que peu de trouble dans nos Organes (…) les lettres seront doublées foiblement. De ces
principes, on peut déduire cette régle : On doit doubler les lettres dans tous les endroits marqués
au coin de la passion. » J.A. Bérard, L’art du chant, 1755
Quelques sources (en ordre chronologique) :

 P. de la Noue, De l’Ortographe françoyse, 1623


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7813j

 L. Chifflet, Essay d’une parfaite grammaire de la langue françoise, 1659


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k109109c

 B. de Bacilly, L’art de bien chanter, 1679


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53059239w

 J. Hindret, L’art de bien prononcer et de bien parler la langue françoise, 1687


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k506715

 F.S. Régnier-Desmarais, Traité de la grammaire françoise, 1706


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7883g

 J. L. Grimarest, Traité du Récitatif, 1708


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50664w

 P.J.Thoulier, abbé d’Olivet, Traité de la prosodie françoise, 1736


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50813j

 J.A. Bérard, L’art du chant, 1755


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8623287n

 Nicole Rouillé, Le Beau Parler François, Ed. Delatour, 2008


http://www.laflutedepan.com/livre/5000113/nicole-rouille-le-beau-parler-francois-.html

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