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N.E. ABRIAK
Chargé de Recherches, Responsable du Laboratoire de Mécanique
des sols, Ecole des Mines de Douai *
R. GOURVES
Maître de conférence au CUST de Clermont-Ferrand * *
Résumé
On présente l'influence de la nature de la paroi sur le comportement statique
et cinématique du matériau analogique de SCHNEEBELI. Cette étude a été menée
sur un silo bidimensionnel à parois lisses ou rugueuses, à fond plat ou à trémie.
Abstract
The effect of the walls on the statical and kinematical behaviour of an analogi-
cal material (or SCHNEEBELI's one) is presented. A two dimensional model with
smooth or wrinkled walls, plane bottom or with a hopper, has been used during
this study.
The stress distribution within the material in the silo is determined by means
of a static analysis ; this study confirms the results of JANSSEN's theory, impro-
ving the experimental method. Some phenomena particular to flow of granular
media are explained, in a qualitative and quantitative manner, by means of rolls
displacements.
1. INTRODUCTION 0 x
az(z)
Plusieurs laboratoires de recherches se sont penchés
sur les problèmes des effets de parois au travers
d'expériences reproduisant partiellement les conditions z
industrielles. Certains auteurs (2, 6, 10) ont tenté
d'analyser les différentes situations en créant des z+dz
modèles approchant le plus possible la réalité en vue
d'élaborer des théories de plus en plus fines. C1 (Z.)+d
z
CTzC Z ) o( z )dz
À et IJ sont des coefficients qui dépendent des carac- Kaz; K = [(1 sin <p) / (1 + sin <p)]
téristiques géométriques de la plaque utilisée pour
déplacer les rouleaux. Pour déterminer ces coeffi- Dans le cas où la surface libre du massif est chargée,
cients, il est nécessaire d'opérer dans un champ de la solution de (1) est de la forme:
contrainte connu. Pour ce faire, GOURVES et FAU-
GERAS (5) ont conçu une machine de compression a z (Z) A o exp [(Ktgcp/Rh)Z]
biaxiale. Ainsi, les contraintes macroscopiques à l'inté-
rieur du massif sont déterminées à partir des relations + (yRh/Ktgcp) [1 - exp [( - Ktgcp/Rh)Z]J
suivantes:
Q : charge totale.
[li (À 2 IJ 2)] (ÀF z
A o se détermine par passage à la limite ; pour Z 0
[1/(À 2 1J2)] (ÀF x
nous avons:
az(o) = A o donc A o = Q/S) ;
On a choisi, pour ce travail, de ne mesurer que la
contrainte moyenne P = [(av + ah) /2] en utilisant d'où:
une tige de section circulaire de diamètre 2 cm.
az(Z) (Q/S) exp [( -Ktgcp/Rh)Z]
+ (yRh/Ktgcp) [1 - exp [( -Ktgcp/Rh)Z]
2.2. Méthode de JANSSEN
JANSSEN a étudié l'équilibre d'une couche horizon- Nota : Il existe diverses méthodes plus récentes qui
tale de matière ensilée d'épaisseur dZ soumise à des ne donnent pas, pour autant, de résultats plus satis-
charges verticales et horizontales (fig. 1). faisants.
ÉCOULEMENT D'UN MATÉRIAU GRANULAIRE A TRAVERS UN ORIFICE: EFFET DE PAROI 49
14 kPa
C
0 12
n 10
t
r 8
a 6
i
n 4
t 2
e
0
0 50 100 150
hauteur en cm
Fig. 2. - Comparaison des méthodes théorique et expérimentale (surface libre non chargée).
Fig. 2. - Comparison betweenn the experimental and theoretical methods (boundary free of charge).
ÉCOULEMENT D'UN MATÉRIAU GRANULAIRE A TRAVERS UN ORIFICE: EFFET DE PAROI 51
C 60
050
N
T 40
R 30
A
1 20
N
T 10
E
0
0 20 40 60 80 100 120 140 160
hauteur en cm
Fig. 3. - Comparaison entre les courbes théorique et expérimentale (surface libre chargée).
Fig. 3. - Comparison between experimental and theoretical curves (boundary submitted to charges).
Ainsi, pendant les 18 premières secondes d'écoule- 5.1.2. Silo à fond plat et parois rugueuses
ment, on a relevé toutes les deux secondes la valeur Le même principe que précédemment a été utilisé.
de la côte Z. Après 18 secondes les valeurs de la côte Ainsi les courbes des figures 9 et 10 montrent que
Z ont été notées toutes les secondes. Dans tous les dans ces deux zones la vitesse reste sensiblement
essais réalisés, les rouleaux se sont écoulés selon le constante, puisque les grains évoluent dans un fais-
mode dit « de cheminée », la dimension de l'orifice ceau très resserré. Une première conclusion est que
étant constante. dans ces deux zones les mouvements des grains au
sein du massif ne sont pas perturbés par la présence
5.1.1. Silo à fond plat et à parois semi-rugueuses de parois rugueuses. Par ailleurs, au voisinage des
parois les trajectoires des grains ne sont plus dans un
Les courbes des figures 4 à 7 représentent l'évolution même faisceau, mais ces dernières sont indépendan-
des particules au cours du temps ; ainsi la figure 4 tes les unes des autres.
est relative aux particules repérées au voisinage des
parois. La figure 5 correspond aux particules repérées Ceci montre que dans cette zone latérale, le mouve-
ment des grains est très perturbé par la rugosité des
dans la zone intermédiaire. La figure 6 représente parois. Ce phénomène s'accentue au fur et à mesure
l'évolution des particules dans l'axe de la colonne. Les qu'on se rapproche de celle-ci, cette augmentation de
courbes des figures 4, 5 et 6 montrent que les parti- la perturbation se fait sentir différemment sur la par-
cules dans les trois zones évoluent dans un fuseau tie haute du modèle.
assez restreint. Ceci s'explique par le fait que les grains
sont animés d'une même vitesse dans chaque zone. Le figure 11 montre clairement ce phénomène : elle
présente une comparaison entre l'allure des différen-
Si l'on compare la trajectoire d'un grain au voisnage tes trajectoires obtenues dans les trois zones du
des parois avec les deux autres trajectoires relatives, modèle. Toutefois, on note que l'évolution des dépla-
respectivement à un grain de l'axe de la colonne et cements des grains en fonction du temps, à la base
à un grain de la zone intermédiaire (fig. 7), on cons- supérieure de la paroi du modèle, après une vidange
tate que les grains évoluent dans un même faisceau centrée, semble indiquer qu'en début de vidange il
jusqu'à une certaine hauteur Z = 35 cm, puis les trois se produit un certain ralentissement. Ceci est égale-
courbes divergent. Ceci s'explique par le fait que les ment discernable, comme on le verra par la suite, sur
les mesures de déplacements faites au voisinage des
grains doivent changer de direction au voisinage des
parois.
parois lorsqu'ils atteignent la zone de transition pour
s'orienter vers l'orifice de vidange, ce qui provoque En conclusion, nous pouvons dire que les différen-
un certain ralentissement par rapport aux deux autres. ces relevées entre les trajectoires des particules des
Ce phénomène est évidemment très accentué dans différentes zones peuvent être imputées, non seule-
le cas d'un orifice excentré pour les grains qui se trou- ment à la position et à la dimension de l'orifice de
vent de l'autre côté de l'orifice. vidange mais surtout à la nature de la paroi. En fait,
52 REVUE FRANÇAISE DE GÉOTECHNIQUE
60 cm
50
H
a 40
u
t 30
e
u 20
r
10
o +--------+--------t---------+---------+----
o 5 10 15 20
50
H4Q
a
u
t 30
e
u
r 20
10
0
0 5 10 15 20Temps (sec) 25
5 10 l 5 Temps(sec) 20 25
Comparaison entre les trajectoires des particules des trois zones (parois semi-rugueusesJ.
Comparison of the trajeetories of partie/es situated in eaeh one of the regions (semi-wrik/ed wa//sJ.
54 REVUE FRANÇAISE DE GÉOTECHNIQUE
60
cm
50
H
A 40
U
T 30
E
U 20
R
la
a -+-------4.------+--------+--------+------+---.---1 ~~---~~_1
a 5 10 15 20 25 30 35
Temps en sec
60
cm
50
H
A 40
U
T 30
E
U 20
R
10
0 ~------~-------+--------+---------+--.__D___J
a 5 la 15 20 25
Temps en sec
60
cm
50
H
A 40
U
T 30
E
U 20
R
10
0
0 5 10 15 20 25
Temps en sec
60
50
H
A 40
U
T 30
E
~
U 20
R
10
0
0 5 10 15 20 25 30 35
Temps en sec
Fig. 11. - Comparaison entre les trajectoires des particules des trois zones (parois rugueuses).
Fig. 77. - Comparison between the trajeetories of partie/es of the three regions (in the ease of wrink/ed wa//sJ.
56 REVUE FRANÇAISE DE GÉOTECHNIQUE
SILai
, , 1 1 1
Fig. 14. -
Fig. 14. -
Déplacements relatifs entre photos 2 et 3
(parois semi-rugueuses).
Relative displacements trom photo 2 to photo 3
{semi-wrinkled walls}.
J , \ 1
la figure 16 montre que sur les parois latérales
rugueuses, les vitesses sont beaucoup plus faibles que
la moyenne, ce sont les grands carrés ombrés. En
revanche, quand on se déplace vers le milieu du silo,
on observe sur cette figure (fig. 16) qu'on passe des
carrés ombrés à des carrés clairs (blanc). Ceci con-
firme que la rugosité affaiblit la vitesse des grains au
1 1 voisinage immédiat des parois verticales du modèle.
La même analyse reste valable pour le modèle à tré-
mie d'inclinaison 60° à une différence près: en effet,
, \
\ 1 \ 1 1 1
on constate qu'au voisinage des parois de la trémie
d'inclinaison 45° les rouleaux s'orientent vers la zone
de la chute libre par des déplacements parallèles à
ces parois alors que dans le cas du modèle à trémie
d'inclinaison 60° nous n'observons plus ce phéno-
11 11 Il 1 mène.
Pour mieux mettre en évidence l'influence de la rugo-
sité dans les deux modèles, on a relevé sur toutes
les figures qui correspondent aux déplacements entre
les clichés, les valeurs du déplacement maximal
(Maxi) , du déplacement minimal (Mini) et du dépla-
cement moyen (Moyen) ; ainsi :
$lLer SILOZ
, CI
1 1
• • ~II
1 1 1 D
•
••
,11
1
1
1 Il
Il
• •
Cl 0 0 c
.-
\ J
c
cDD a
1
11 °OD
Fig. 15. - Déplacements entre photo 17 et 18 Fig. 16. - Déplacements relatifs entre photos 17 et 18
(parois rugueuses). (parois rugueuses).
Fig. 15. - Oisplacements trom photo 17 to photo 18 Photo 16. - Relative displacements trom photo 17 to photo 18
(wrinkled walls). (wrinkled walls).
Trémie 60°
N° des photos Maxi Mini Moyen N° des photos Maxi Mini Moyen
Trémie 45°
N° des photos Maxi Mini Moyen N° des photos Maxi Mini Moyen
Si 10 1
3
daN
2,5
E 2
F
F
o 1,5
R
T
0,5
o
o 20 40 60 80 100 120
PROFONDEUR <cm)
3,00
daN
2,50
E 2,00
F
F
o 1,50
R
T 1,00
0,50
0,00
° 20 40 60
PROFONDEUR <cm)
80 100 120
tate que les valeurs mesurées sont différentes, sauf On a ainsi pu signaler l'existence d'une zone de cisail-
dans le cas des parois semi-rugueuses où cette diffé- lement au niveau des parois. A ce propos, il est inté-
rence n'est pas trop élevée. ressant de souligner que le modèle utilisé permet des
observations irréalisables sur des silos prototypes et
D'un point de vue expérimental, cela signifie que les que les prises de vue vidéo peuvent être utilisées pour
effets de paroi sont négligeables dans le cas où celles- établir les trajectoires des particules au sein du maté-
ci sont lisses. En fait, la localisation du domaine riau ensilé.
influencé par la rugosité présente un grand intérêt du
point de vue expérimental. Il serait donc nécessaire En ce qui concerne le frottement entre le milieu et
d'apporter certaines précisions supplémentaires dans les parois, on a constaté, dans le cas des parois semi-
ce domaine et d'expliquer en particulier les raisons rugueuses, que les effets de celles-ci sont négligea-
pour lesquelles cette rugosité influe sur la répartition bles. En revanche, dans le cas des parois rugueuses,
des contraintes au sein d'un massif granulaire. le frottement entre elles et le matériau a une influence
non négligeable au voisinage des parois : cela peut
On peut donc dire que l'influence de la rugosité sur modifier l'équilibre de la masse ensilée. Naturellement,
la répartition des contraintes augmente très vite il faut rappeler que le matériau analogique de
lorsqu'on se rapproche de la paroi et surtout quand SCHNEEBELI est un modèle dans lequel les parti-
celle-ci est rugueuse. En fait, l'influence minimale n'est cules sont rondes et sans cohésion; ce qui limite
pas obtenue dans la zone intermédiaire mais dans nécessairement l'existence des voûtes de charges.
l'axe de la colonne. Cependant toutes les courbes
montrent que cette influence est atténuée à partir
d'une profondeur Z de l'ordre d'environ 60 cm, et au
fur et à mesure que la profondeur augmente, cette BIBLIOGRAPHIE
influence diminue et tend à disparaître à la base. Le
calcul des coefficients de variation confirme cette (1) ABRIAK N. (1991), Ecoulement d'un matériau
analyse dans la mesure où ceux-ci sont presque cons- granulaire à travers un orifice : effet de paroi.
tants dans les trois zones du modèle à parois semi- Thès de Doctorat de l'Université des sciences et
rugueuses. En revanche, au fur et à mesure que la techniques de Lille, Flandres, Artois.
rugosité des parois augmente, on constate une diffé- (2) CALIL C.J. (1988), Experimental study of com-
rence notable entre les coefficients de variation dans pact loads in silos with funnel flow. Silos-
les différentes zones, mais ceux-ci sont plus impor- Forschung und Praxis Tagung'88, Universitat
tants au voisinage des parois que dans les deux autres Karlsruhe.
zones. En conséquence, on peut confirmer que la (3) EIBL J., ROMBACH G. (1987), Stress and
rugosité a une très grande influence au voisinage des velocity fields at discharging of silos. Proc. of
parois sur la répartition des contraintes et, de ce fait, numeta. Swansea July.
peut modifier l'équilibre de la masse ensilée.
(4) FAUGERAS J.C., GOURVES G. (1980),
Mesure des contraintes au sein d'un massif ana-
logique de SCHNEEBELI. Revue Française de
6. CONCLUSION Géotechnique nO 11.
(5) GOURVES R., MEZGHANI F. (1988), Micro-
mécanique des milieux granulaires. Approche
On vient de voir qu'à l'aide de la technique expen- expérimentale utilisant le modèle de SCHNEE-
mentale de mesure des efforts nécessaires pour dépla- BELl. Revue Française Géotechnique nO 42.
cer un ensemble de rouleau, il était possible de décrire
(6) HATAHURA Y., TAKENCHI T., NAGAO T.
la répartition des contraintes au sein du matériau.
(1988), Similitude of stress in silo (from small
Ainsi, il a été confirmé que dans un silo contenant
model to large on Scale Modelling. Tokyo,
de la matière, soumis à une charge ou non, les efforts
Japan, p. 277-278.
n'augmentent pas indéfiniment lorsque la hauteur de
matériau croît; ils tendent vers des limites, comme (7) JANSSEN M.A. (1895), Versuche über-
diverses lois de détermination des efforts statiques getreichedruck in silozellen. Zeifschrift verein
dans les silos le montrent. Les résultats obtenus coïn- deutscher Ingenieure, Vol. 39, p. 1045-1049.
cident notamment avec ceux de JANSSEN. Les théo- (8) KHELIL A., ROTH J.C. (1989), Theoretical and
ries plus récentes n'ont pas fourni de meilleurs résul- experimental studies of stresses in full scale silos
tats compte tenu, notamment de la forte variabilité des at the chartres experimental base. Powder and
caractéristiques mécaniques des milieux granulaires. grains, BIAREZ et GOURVES.
Durant la vidange, le matériau situé directement au- (9) KHELIL A., ROTH J.C. (1990), Spécification
dessus de l'orifice forme une cheminée d'écoulement, des charges et des écoulements dans les silos
la paroi sert de limite à celle-ci. L'examen détaillé des métalliques. Revue Française de Géotechnique
déplacements et des vitesses a permis de proposer dif- nO 52.
férents modes de comportement du matériau au sein (10) TEJCHMAN J. (1988), A novel approach to the
du modèle au cours de l'écoulement et ceci suivant emptying mechanism of silos. Silos-Forzschung
la rugosité des parois et l'inclinaison de la trémie. und Paradix Tagung'88. Universitat Karlsruhe.