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Le conte pour les décomptes…

Il se raconte qu’un jour, une amie personnelle de l’éminent savant Albert


Einstein lui aurait demandé conseil de lecture pour son fils. Le scientifique, sans
hésiter, lui aurait conseillé : « des contes de fées et encore des contes de fées ! ».
Ceci montre l’importance des contes, d’abord pour transmettre nos traditions,
aussi et surtout pour aiguiser l’imagination créatrice des enfants.

Le livre dont nous parlons aujourd’hui est un recueil de contes, l’ouvrage


d’un ouvrier dévoué, un intellectuel ivoirien dont l’œuvre, considérable, diverse
et variée reste gravée dans les mémoires comme une épigramme sur du marbre.
Amadou Koné n’est plus à présenter. Né en 1953 et auteur, à dix-huit ans, d’un
classique de la littérature ivoirienne, et par ricochet africaine en l’occurrence
Les frasques d’Ebinto, cet amoureux des Lettres continue d’écrire. Et ces textes
sont toujours, et de plus en plus, aussi verts et délicieux, – de qualité
irréprochable – que les fruits d’un karité.

Ce livre, que nous conseillons vivement, offre un panorama chatoyant de


récits flamboyants. Il est particulier, certes par la beauté imagée des textes qui le
composent, mais surtout par son genre. Il s’agit d’un recueil de contes, Les
contes de Korotoumou, du nom de la sœur aînée de l’auteur – spécifié dans le
prologue.

Ce recueil de contes comprend trois grandes parties. La première, intitulée les


animaux entre eux, porte, disposés dans sa reluisante galerie, cinq contes. Ici le
conteur relate, conformément au titre, des histoires ne mettant en exergue que
des animaux. En partant du lièvre rusé pour tirer son épingle du jeu, du cafard,
du coq, du renard qui se font avoir pour le miel, les aventures de l’oiseau, du
chat, du chien… Amadou Koné visite et forêts et savanes pour nous révéler les
secrets insoupçonnés de la vie animale. Et comme on l’a toujours appris en
écoutant les vieux sages au clair de lune, l’hyène demeure, souventes fois, la
trouble-fête des festivités du village des animaux… et l’auteur sait mêler
l’humour à sa narration, ce qui met en évidence l’aspect ludique du conte…

Après le village des animaux, le conteur nous fait visiter le royaume des
hommes entre eux. Ici aussi, comme pour un souci d’équilibre, Amadou Koné
nous raconte autour d’un feu nocturne imaginaire, les histoires de l’humanité.
Comme un tisserin habile, il tisse ce deuxième pagne fabuleux en commencent
par une vieille dame édentée qui dévorait ses propres enfants, ensuite il parle
d’une autre femme marginalisée, d’un jeune homme poursuivit par le spectre de
la malchance, du miracle d’un prince têtu et finit par l’histoire palpitante de trois
frères… le procès de la société humaine est fait dans ces passages avec une dose
de subtilité et de délicatesse, ce qui met en exergue l’aspect satirique du conte…

Pour finir, le sage Amadou Koné, file un pagne kita n’zassa pour effiler
l’écheveau de l’ennui et de l’ignorance. Dans cette troisième partie où cinq
autres histoires se chevauchent allègrement, l’anecdotier met en scène des
hommes, des animaux et des objets. Il illustre parfaitement un autre Amadou,
son aîné, Hampaté Ba qui stipule que la beauté d’un tapis réside dans la diversité
de ses couleurs…

La particularité de ce bouquin réside en ce qu’il est narré dans un langage


simple et accessible à tous. En plus, le diseur – comme un griot averti – place
quelques chants à chaque intersection des récits pour laisser le temps au lecteur
de souffler. La présence de ces chants, dits en dialecte souvent malinké et traduit
en français, montrent, démontrent et laissent à croire qu’Amadou Koné nous
invite – petits comme grands – à renouer avec l’essence de la littérature
traditionnelle orale africaine. Les contes, prenant parfois l’aspect de monogatari,
sont parsemés de proverbes et morales d’une richesse inépuisable.

Abdal’Art

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