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Fils de Serigne Touba et de Sokhna Faty Diakhaté, Serigne Saliou nous est parvenu
par la grâce de Dieu ; d’après ce qui est consigné par Serigne Mouhamadou Lamine Diop
« Dagana » dans son « Irwà u-n-Nadim » (L’abreuvoir du commensal) le (mercredi) 14 Dhul
qiᶜda 1333 de l’hégire ; soit le 22 septembre 1915, à Diourbel.
Serigne Touba avait alors fini de purger sa peine de plus de sept ans d’exil au Gabon
(1895-1902), quatre ans en Mauritanie (1903 - 1907), cinq ans de résidence surveillée à
Thiéyène (1907 - 1912) et se trouvait encore consigné en résidence surveillée à Diourbel
(1912 - 1927) où il passa le reste de son séjour terrestre.
Quant à Sokhna Faty, elle est la fille de Serigne Modou Diakhaté Méounou et de
Sokhna Dieng Sylla. Elle est la sœur du très célèbre Serigne Amsatou Diakhaté ; disciple de
Serigne Touba, et de Sokhna Mariama Diakhaté, mère de Serigne Abdoul Ahad et de Serigne
Shouᶜaybou Mbacké. Que Dieu soit satisfait d’eux tous.
« Puisse Dieu, invoqua-t-il, par Sa Grâce, nous préserver çâlihâ / l’Eternel Qui, par
lui, nous a gratifiés de la pureté
Que Dieu en fasse un soleil éternel dans le ciel de son époque / effaçant ainsi la face
obscurcie de celle-ci
I. FORMATION :
Serigne Saliou fit sa tarbiyyah (éducation religieuse) ; nous dit Serigne Khalil
Mbacké, petit fils qu’il a lui-même éduqué à l’emplacement actuel de la résidence de Serigne
Béthio Thioune à Djannatoul Maᶜwâ à Touba. Il y avait à l’époque des champs.
Après sa maîtrise du Livre Saint, il se familiarisa avec les sciences religieuses auprès
de Serigne Modou Dème de Diourbel, Serigne Habibou Mbacké, qui eut à occuper la
fonction d’imam de la grande mosquée de Touba, Serigne Mor Sassoum Diakhaté, fils du très
célèbre Cadi Madiakhaté Kala et de Serigne Mokhtar Dieng Gouyâr de Tindôdi. Il devint
ainsi un fin lettré, érudit à la vaste culture, maîtrisant la littérature (recueils des poètes maures,
andalous…) et la langue arabes (rhétorique, prosodie…) ; spécialiste en géographie...
Que ce soit avec ses parents, les disciples mourides ou les musulmans en général, les
rapports de Serigne Saliou ont toujours été au beau fixe.
Il considérait tous ses frères comme ses propres Cheikhs ; ne voyant en eux que
Serigne Touba. Il ne cessait d’œuvrer pour eux jusqu’à obtenir leur agrément, doublé d’un
large héritage spirituel. Il raffermissait les liens de parenté, prenait les fils et petits fils de
ceux-ci dans ses dâra et ne cessait de les faire fraterniser.
Peu importe que ce wird vienne d’Al Djîlâni (Abd Al Qadr), d’Ahmad Al Tîdjâni
Ou d’un autre parmi les Qutb pôles (que Dieu soit satisfait d’eux), car ils sont tous
dans la bonne direction. »
Cheikh Saliou considérait tous les musulmans comme sa propre famille. Aussi,
nourrissait-il à leur égard une compassion que nulle autre n’égalait. Et cela s’étendait
jusqu’aux animaux. C’est ainsi qu’en 2005 il fit une grande acquisition de tracteurs destinés à
Khelcom ; avec, entre autres raisons, d’alléger le travail des bœufs et de ne leur causer aucun
tort.
Tout en lui n’était que Miséricorde ! Ce n’est donc point un hasard que l’ode « Yâ
Rahmânu Yâ Rahîmu » (Miséricorde d’ici bas et de l’au-delà) soit divulgué sous son khalifat.
Il y faisait lui-même recours dans ces invocations (pour les disciples) ; répétant même à trois
reprises tout ou partie du vers où le Grand Cheikh implore le Tout Puissant en ces termes : «
Ô Toi le Détenteur de la Royauté, ô Toi Qui es trop Grand pour être revanchard! Fais
miséricorde à toutes les créatures, Toi Qui guides le damné ».
III. ŒUVRE :
Aussitôt fut-il intronisé khalife qu’il déclara son appartenance exclusive à la religion
musulmane, dans laquelle il circonscrivait toutes ses actions ; n’ayant ni à parfaire ni à défaire
en toute autre chose que ce fût. Dans une autre sortie il rappela que son cheval de bataille était
la revivification de l’œuvre de Serigne Touba ; celle-ci n’étant autre que la revivification de la
Tradition Prophétique!
Avec vingt-huit (28) dâra à son actif (Goth, Khabbân, Ndjapandal, Ndjouroul, Ndôkâ,
Gnârou, Dâru-s-Salâm, Gnîbi, Ngél, Ngêdjân, Guéloor, Ndienné, Ngâbou, Djannatoul maᶜwâ,
Touba Ndiârèem…) ; et où les pensionnaires sont logés, nourris et blanchis, il devient inutile
de clamer le profond amour et le culte exclusif que Serigne Saliou vouait au Coran. Qualités
qu’il tient indubitablement de son vénéré père qui déclara :
« Dieu m’a fait Lui-même le commentaire de Son Livre d’une manière qui a forcé
l’admiration des anciens et des modernes et nul autre que moi n’a obtenu ce
privilège. »
Dans les dâra, par exemple à Khelcom constitué de quinze dâra (Djannatu-l-mâᶜwâ,
Dâru-t-tannzîl, Touba Belel, Dâru-l-Muhtî, Dâru-r-Rahmân, Ndindi, Husnul ma’âb, Dâru-l-
Quddûs, Tûbâ khelcom, Dâru-s-Salâm, Dâru-l-Minnan, Dâru-l-Mannân, Ummu-l-qurâ, Dâru-
l-ᶜAlîmi-l Khabîr et Taïba) le Coran est mémorisé puis reproduit de mémoire ; d’une écriture
plutôt mince. Trois mille huit cent quatre-vingt deux (3882) exemplaires, nous dit Serigne
Khalil, furent écrits entre 1993 (date de la création de Khelcom) et 2007 (date du rappel à
Dieu de Serigne Saliou Mbacké).
Les maîtres coraniques (avec une prévision de trois cent trente-six (336) enseignants ;
à raison de douze (12) enseignants par dâra) y ont leurs propres demeures. De même, une
nourriture particulière leur est réservée ; ceci par révérence pour le Saint Coran.
La lecture du Saint Coran est fréquente dans les dâra, et ailleurs. Le Cheikh y fait
d’ailleurs référence dans son dernier sermon (samedi 13 octobre 2007 ; 1er chawwâl 1428 de
l’Hégire) : « je rappelle aux disciples mourides la lecture/étude du Coran. Le (Grand) Cheikh
l’aimait beaucoup. Nous rendons grâce à Dieu pour le grand nombre qui s’y évertue. Que
Dieu l’agrée et nous y assiste. »
Ce serait, tout comme pour le Coran, une lapalissade que de dire combien Serigne
Saliou vénérait qaçâ id, miracles de Serigne Touba.
« Mes écrits, déclare le Cheikh, font frémir les cœurs des prophètes (…) des anges,
(…) des vertueux (… et) de tous ceux qui bénéficient du Salut Divin (…) ».
« Quand j’écris, le Trône de Dieu exulte et les anges, émus, se mettent à proclamer la
sainteté de Dieu. »
« Dieu et son Prophète (PSL) préfèrent mes écrits à ceux de tous les autres. »
« Mes écrits, ajoute le Cheikh, sont estimés au dessus de toute forme de dévotion ».
La formation de base en sciences religieuses repose sur une collection de neuf (9)
livres écrits par Cheikh Ahmadou Bamba. Le disciple entame leur étude, après avoir
mémorisé le Coran. Ces livres sont :
Le Cheikh, nous dit Serigne Bassirou, ou encore Serigne Khalil, aimait beaucoup la
poésie et les belles-lettres. Aussi poussait-il les disciples à la composition d’odes à telle
enseigne que certains en arrivaient à une maîtrise de la versification qui faisait qu’on
confondait facilement leurs écrits à ceux des écrivains arabes eux-mêmes. Cette maîtrise se
vérifiait également dans la langue wolof avec le genre poétique dit wolofal qui consiste en des
poèmes wolofs écrits en caractères arabes.
D. LE TRAVAIL
L’homme étant composé d’âme (« rûh »), d’esprit (« ᶜaql ») et de corps (« jism »), il
fallait, pour parfaire l’éducation religieuse et spirituelle des disciples, y associer le travail
manuel. De plus, le travail constitue, au sens islamique du terme, un acte d’adoration. Le
Cheikh l’avait donc de facto inscrit dans son programme d’éducation.
En son temps, il dirigeait lui-même le travail des champs. Quant aux récoltes, il les
destinait au khalife de l’époque, à ses autres parents et aux démunis.
Serigne Saliou présida aux destinées du Mouridisme, la voie tracée par son vénéré
père, en tant que cinquième khalife, le vendredi 18 mai 1990. Il avait soixante-quinze
ans d’âge ; autant que Serigne Touba à son rappel à Dieu ( ?!). Serigne Abdoul Khadr
Mbacké, khalife de 1989 à 1990, venait alors d’achever son magistère. Il avait succédé en cela
à Serigne Abdoul Ahad Mbacké (1968 - 1989) qui avait reçu le flambeau de Serigne Fallou
Mbacké (1945 - 1968) ; deuxième khalife après Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké
(1927 - 1945).
Serigne Mouhamadou Moustapha fit venir le chemin de fer de Diourbel à Touba (de
1929 à 1930), posa la première pierre de la Grande Mosquée de Touba le 4 mars 1932 et
supervisa la construction jusqu’à érection des quatre minarets. Serigne Fallou acheva les
travaux ; ajoutant même un cinquième minaret qu’il baptisa « Lamp Fall » ; du nom de
Cheikh Ibrahima Fall, et inaugura l’édifice le vendredi 7 juin 1963. Il dirigea la grande prière
de vendredi jusqu’à son rappel à Dieu. Serigne Abdoul Ahad procéda, entre autres
réalisations, à l’extension de la Grande Mosquée. Quant à Serigne Abdoul Khadr, deuxième
« khalife-imam » après Serigne Fallou, il servit surtout d’entonnoir entre Serigne Abdoul
Ahad et Serigne Saliou ; étant sûrement averti de la courte période que son khalifat allait
durer (onze mois).
En continuateur de l’œuvre de ses prédécesseurs, Serigne Saliou rénova le mausolée
de leur vénéré père et réhabilita aussi bien l’intérieur que la cour de la Grande Mosquée. Il
reprit la construction de l'université islamique qu'avait entamée son frère aîné Serigne Abdoul
Ahad Mbacké et viabilisa quelques cent mille (100 000) parcelles. De même, il élargit le
réseau électrique et s’attela à l’assainissement de la ville…
« Borôm Goth ak Mbour » était aimé de tous, idolâtré par les mourides, respecté,
même des non musulmans ; tellement il était modeste, humble, généreux, bref imbu des belles
qualités (makârimal akhlâq) qui sont l’apanage des prophètes et autres hommes de Dieu ;
celles-là que le Prophète (PSL) était venu parfaire et dont Serigne Touba parle dans
« Matlabuch-chifâ i » : « Fais-nous (oh mon Dieu) don des belles qualités ». La
commisération de Serigne Saliou pour la race humaine et surtout pour sa frange la plus fragile
et pourtant porteuse d’espoir ; à savoir les jeunes, sa piété et son ascétisme forçaient
l’admiration.
Jusque dans sa méthode d’éducation, il privilégiait la douceur, l’amabilité et la
tendresse ; et faisait souvent usage, au delà de sa propre personne qui servait largement
d’exemple, de signes efficaces (ichâra) ; allusions éducatives. Ceci rappelle bien ceux-là dont
le Grand Cheikh parle dans « Huqqal bukâ u », « qui élèvent leurs disciples, tout le temps, par
un seul état, (ou) qui éduquent et élèvent par des signes (efficaces) ».
Hélas ! Toute vie ayant une fin, celle de Serigne Saliou arriva à terme le vendredi 28
décembre 2007 (17 Dhul Hijja 1429) ; pendant qu’à la Mecque les pèlerins accomplissaient
encore leurs rites. Là-bas, « sur les lieux où l’Ange Gabriel transmettait la Révélation au
Prophète Muhammad (PSL) », plusieurs kâmil (Sainte Vulgate) furent lus en son honneur.
Devenu khalife un jour de vendredi, il trépassa un vendredi. Son khalifat dura dix-sept
ans (nombre de « rak’a » des cinq prières canoniques).
Serigne Saliou « retourna » à son Seigneur, qu’il avait toujours servi et à qui il
renvoyait toujours, à l’âge de quatre-vingt douze ans (valeur numérique du nom de
Muhammad). Au demeurant, la valeur numérique de son propre nom (çâlih) renvoie au
nombre des « Plus Beaux Noms » (Asmâ ul husnâ) de Dieu !
Avec Serigne Saliou s’achève le cycle des fils-khalifes. Un autre s’ouvre avec
l’avènement de Serigne Mouhamadou Lamine Bara (2007 - 2010), fils du second khalife ; à
qui a succédé Serigne Sidy Moukhtar, fils de l’homonyme du prédécesseur.
Que Dieu soit satisfait des premiers, accorde longue vie et santé de fer à l’actuel
khalife et nous gratifie de leur agrément, amen !
Conférence prononcée le samedi 24 décembre 2011 à Diamaguene-Dakar, à l’occasion d’une journée annuelle de grâces, thiant ;
en l’honneur de Serigne Saliou Mbacké.