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Les barrages-poids :

Les barrages-poids sont très anciens. Mais leur conception a beaucoup évolué
notamment depuis un siècle.

De façon très schématique, un barrage-poids est un bloc (en maçonnerie ou en béton),


assez lourd pour résister à la poussée qui cherche à le faire glisser sur sa base ou à la
faire basculer.

Les premiers barrages poids étaient des murs et leur profil se rapprochait d’un
rectangle. Cette forme ne conduisait pas à l’économie maximale pour un degré de
sécurité donné.

Barrage du Gouffre d’Enfer

C’est dans la seconde moitié de XIXème siècle qu’une approche s’appuyant sur la
théorie de l’élasticité et la résistance des matériaux, commença à être définie avec les
études de MERY (1840), SAZILLY (1853), DELOCRE (1865), RANKINE (1872-
1873) et LEVY(1885).

Les auteurs français établissaient un profil dit d’égale résistance défini de telle
manière qu’en aucun point les maçonneries n’aient à supporter de trop fortes
pressions d’une part et que le mur ne puisse glisser sur sa base d’autre part.

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Les barrages étaient à l’époque construits en maçonnerie de moellons et le taux de
contrainte maxima à la compression jugé admissible était très faible : 0.6 ou 0.7 MPa.
Analysés suivant la méthode ci-dessus, 6 barrages espagnols existant à l’époque
accusaient des contraintes maximales variant de 0.65 MPa à VALDE INFIERNO à
1.4 MPa à ALMANSA.

Les barrages-poids ont ensuite été réalisés en béton. Il s’agit de béton non armé, très
peu dosé pour réduire les phénomènes thermiques lors de la prise du béton. A la
construction, le barrage est découplé en plots verticaux. Des étanchéités entre les
plots sont mises en œuvre avant le remplissage de la retenue. Un voile d’étanchéité
par injection dans la fondation et un drainage du rocher et du corps du barrage
améliore les conditions de stabilité.

Coupe d’un barrage-poids

Le plus haut barrage-poids du monde est le barrage de la Grande Dixence en Suisse


avec 284 m de hauteur au-dessus des fondations. Le plus grand barrage français de ce
type est celui de Sarrans.

Barrages en béton compacté au rouleau

Les plus récents sont en béton compacté au rouleau (BCR) : le barrage est construit
par couches successives mises en place par des engins de terrassement et compactées
avant de passer à la couche suivante. Les barrages sont ainsi construits très
rapidement, ce qui apporte pour les chantiers un intérêt économique certain.

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Barrage du Riou

Barrages-poids évidés
La réalisation d’un barrage-poids nécessite la mise en place d’un volume important
de matériaux qui, dans la plus grande partie de l’ouvrage, ne subit que des efforts peu
importants. Il semble donc intéressant de faire mieux participer la matière au travail
de la structure, en la concentrant dans les zones où elle est nécessaire et en la
supprimant là où elle ne l’est pas.

Ce type de barrage a été proposé dès 1900 par FIGARI. Il se compose d’une
succession de contreforts ou piliers triangulaires en béton non armé, épaissis à l’aval
et à l’amont de manière à réaliser des masques continus, en laissant à l’intérieur de
l’ouvrage d’important évidements en forme de cellules verticales dont le fond est au
niveau de la fondation et le sommet à une certaine distance au-dessous du
couronnement. Le parement amont est incliné comme dans les barrages à contreforts.
Les joints de contraction sont placés en général dans l’axe des évidements ; souvent
les contreforts sont jumelés deux à deux pour assurer une plus grande rigidité
transversale, les joints étant alors placés dans l’axe d’un évidement sur deux.

Le domaine d’application de ce type d’ouvrage est proche de celui des barrages-


poids. Il dispute aussi le terrain d’application aux barrages à voûtes multiples ou à
contreforts, qui sont plus délicats à construire et résistent moins bien au gel.

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Le premier barrage construit de ce type a été celui de la DIXENCE en SUISSE, en
1935. Il avait 87m de hauteur et 459m de longueur. Il a été submergé depuis par le
barrage de GRANDE DIXENCE. En France, le barrage de PLAN D’AMONT est un
bonne exemple de ce type d’ouvrage.

Barrage de Plan d’Amont

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Les barrages-voûtes :

Les barrages-voûtes sont des ouvrages remarquables par leurs dimensions, leur
finesse. Ils tirent au maximum partie de la capacité de résistance des matériaux et du
rocher de fondation. Leur conception est aussi plus complexe que pour les autres
types de barrages.

Fonctionnement :

Fonctionnement en arc

Comme son nom l’indique, un barrage-voûte résiste à la pression de l’eau par l’effet
voûte, c’est à dire en s’arc-boutant sur les flancs de la vallée. Son mode de résistance
est donc très différent de celui d’un barrage-poids et met en jeu, non plus l’équilibre
statique de tranches verticales parallèles, mais l’équilibre élastique de l’ensemble de
l’ouvrage. Par contre, il sollicite fortement ses appuis et exige donc un rocher de
bonne qualité pour rester dans le domaine élastique. Ce type de barrage est
particulièrement adapté aux vallées étroites et profondes et de forme assez régulière.
Ils sont notamment utilisés lorsque la largeur de la gorge ne dépasse pas 5 à 6 fois la
hauteur du barrage projeté. Pour des largeurs plus importantes des dispositions
constructives particulières doivent être adoptées.

C’est le type de barrage le plus achevé en ce sens que c’est celui qui utilise le mieux
les matériaux employés. Ses progrès sont allés de pair avec l’amélioration de la
qualité des ciments et la maîtrise de la fabrication et de la mise en place des bétons.

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Construction :

Barrages de Tignes - Photo BETCGB

Les barrages-voûtes sont des barrages monolithiques mais ils ne sont évidemment pas
construit en une seule étape. Pour la phase de construction, le barrage est découpé en
plots verticaux de dix à vingt mètres de longueur. Chaque plot est lui-même construit
par levées de bétonnage successives, le béton étant serré par vibration.

Lorsque tous les plots sont construits, on procède au clavage de la voûte en injectant,
sous pression, les espaces entre les plots. Cette opération permet de redonner à la
structure un fonctionnement d’ensemble.

Méthodes de calcul :

La sécurité de la voûte résulte de la comparaison entre la contrainte unitaire subie par


l’ouvrage en chaque point et la résistance mécanique du béton et de la roche d’appui.
Comme on ne fait travailler le béton dans les ouvrages modernes qu’au tiers ou au
quart de sa résistance, le coefficient de sécurité est donc très élevé sous réserve que
les appuis tiennent. Il est remarquable que le barrage de VAJONT en Italie n’ait pas
souffert de la rude épreuve à laquelle il a été soumis lorsque plus de 260 millions de
m3 de roche ont glissé brusquement dans le lac produisant une gerbe d’eau de plus de
150 m au-dessus de l’ouvrage suivie par le déversement prolongé d’une lame d’eau
de 15 à 20 m d’épaisseur.

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L’expérience montre que les barrages-voûtes sont sûrs. La catastrophe
deMalpasset résulte de la faiblesse de la roche de fondation et non de la structure elle-
même.

Le calcul des barrages voûtes est en réalité très complexe. Son développement a
commencé vers la même époque que pour les barrages-poids. DELOCRE avait fait
une première approche du problème (avec une grosse erreur de calcul !). Il avait
conclu que l’effet voûte se développerait tant que l’épaisseur du barrage serait
moindre que le tiers du rayon de courbure du parement amont. M. PELLETRAU
écrivait, en 1877, que le critère était le demi rayon, tandis que J.R. KRANTZ estimait
que le rayon devait avoir moins de 20 m pour que cet effet soit effectif.

Formule du tube

La méthode la plus simple est basée sur la formule du tube établie par Mariotte en
1673 et démontrée par Navier en 1826. Elle consiste à partager le barrage en anneaux
horizontaux et à supposer que chaque anneau résiste à la pression de l’eau qui lui est
directement appliquée. Cette pression p ayant une valeur, en MPa, proportionnelle à
la profondeur h en mètres à son niveau, la formule dite " du tube " donne la contrainte

moyenne , e étant l’épaisseur de l’arc en mètres et R le rayon de la courbure.

Cette formule oblige à des adaptations pour obtenir les contraintes réelles dans la
voûte en raison par exemple de l’encastrement de la structure dans ses fondations.
C’est ainsi que lorsque l’arc est élancé, ses sections sont partout comprimées, mais à
partir d’une certaine épaisseur les conditions dans lesquelles travaille la voûte font
qu’il apparaît des zones tendues. Tenant compte du fait qu’on doit négliger la
résistance à la traction, RESAL a proposé, en 1919, de substituer à la voûte réelle,
une voûte fictive également circulaire et d’épaisseur constante inscrite dans la voûte
réelle mais dont le béton serait partout comprimé.

L’hypothèse des anneaux horizontaux indépendants ne tient pas compte de leur


interaction qui est loin d’être négligeable. L’étape suivante a été de considérer les

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barrages voûtes comme l’ensemble de deux systèmes coexistants : un système d’arcs
horizontaux indépendants fixés à leurs extrémités, et un système de consoles
verticales fixées à leur base et libres au sommet.

Coupe d’un barrage-voûte

Dès 1905, une version élémentaire de cette méthode de calcul était utilisée aux Etats-
Unis. La déformation radiale en clé de chaque arc était calculée, ainsi que celle de la
console de clé. Par une méthode d’approximations successives, la charge d’eau était
répartie sur les arcs et sur la console de manière que les déformations radiales des
deux éléments à leur point d’intersection soient égales entre elles.
Une méthode analogue a été proposée en 1919 par RESAL.

En 1922, STUCKY a perfectionné cette méthode en considérant, non plus seulement


la console centrale mais plusieurs consoles verticales et en ajustant, en tous les
nœuds, les déformations radiales de ce système réticulé (méthode des arcs murs).
Ensuite en 1929, la théorie de l’élasticité fut introduite aux États-Unis et en 1931, la "
TRIAL LOAD METHOD " était mise au point par les ingénieurs américains du "
BUREAU OF RECLAMATION " à DENVER. Cette méthode consistait à ajuster
aux nœuds du système, non seulement la déformation radiale, mais aussi la
déformation tangentielle et les rotations locales des arcs et des consoles en procédant
par tâtonnement à l’aide de tableaux de chiffres calculés une fois pour toutes. Cette
méthode d’essais successifs est restée en usage jusqu’aux années 70, époque à partir
de laquelle la montée en puissance des ordinateurs suscita un développement de

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nouveaux et puissants algorithmes de résolution.
Ainsi la méthode des éléments finis, mise au point par ZIENKIEWICZ, décompose
les structures en petits éléments et calcule les contraintes dans ces éléments et les
déformations aux nœuds. Son utilisation s’est vite généralisée.

Modèle de voûte aux éléments finis

Différents types d’approches ont plus récemment été mis au point. En allant du plus
simple au plus complexe, on peut trouver :

 ceux qui considèrent les voûtes comme des coques (les éléments ont une
épaisseur égale à celle de la voûte)

 ceux à caractères tridimensionnels (plusieurs éléments dans l’épaisseur)

 ceux qui sont capables de tenir compte de la non-résistance à la traction du


béton et du rocher

 ceux qui prennent en compte les effets du couplage entre l’eau et la structure
(poroplasticité et poroendommagement).

La forme des barrages voûtes présente de nombreuses variantes ; les plus simples
sont cylindriques mais, par suite de la variation de l’épaisseur, les 2 parements n’ont
généralement pas la même définition géométrique. La forme peut alors être celle d’un
cylindre ou d’une surface à double courbure, sorte de dôme ou de coupole.

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Voûtes non cylindrinques
Barrages remarquables

L’origine des barrages voûtes est comme on l’a vu assez lointaine (époque romaine).
La première voûte en France est le barrage ZOLA, construit en 1843 par François
ZOLA, le père d’Émile ZOLA pour alimenter en eau la ville d’AIX EN PROVENCE.
Il a 42m de hauteur au dessus de ses fondations, 6m d’épaisseur en crête et 12,75m à
la base. Son rayon de courbure est de 48,20m.

Barrage Zola

André COYNE, associé à Jean BELLIER, a été le concepteur de la plupart des grands
barrages voûtes construits en France dont le barrages de MAREGES.

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Barrage de Marèges - Photo BETCGB

On a construit de très hauts barrages voûtes. Le record de hauteur a longtemps été


détenu par le barrage d’INGURI (Géorgie) de 272m de hauteur. Il appartient
aujourd’hui au barrage de XIAOWAN en Chine avec 292 m de hauteur.

En France, le plus haut barrage voûte est celui de TIGNES avec 180 m au-dessus des
fondations. Le dernier grand barrage-voûte construit en France est celui
de PUYLAURENT, mis en eau en 1996.

Barrages poids-voûtes

Entre les barrages-poids et les barrages voûtes se situent des ouvrages mixtes, poids-
voûte ou voûte épaisse, tels que ceux qui ont été réalisés dans la Dordogne.

Les formes sont habituellement simples : le parement amont est un cylindre vertical,
le parement aval présente un fruit de 40 à 50% au lieu des 80% du barrage-poids
classique. La courbure en plan fait participer les appuis à la résistance de l’ouvrage.

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Barrage de Bort-Les-Orgues -Photo
EDF

Les ouvrages sur la Dordogne les plus importants sont de ce type : barrages
de CHASTANG, L’AIGLE et BORT LES ORGUES. Dans le monde le barrage
de HOOVER (USA) est le plus grand barrage poids-voûte (221m de hauteur).

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Les barrages à contreforts

Les barrages à contreforts sont des barrages en béton constitués :


 des murs, généralement de forme triangulaire, construits dans la vallée parallèlement
à l’axe de la rivière. Ces murs sont les contreforts.
 des bouchures entre les contreforts pour maintenir l’eau de la retenue. Ces bouchures
s’appuient sur les contreforts auxquelles elles transmettent la poussée de l’eau.

Les bouchures sont très souvent inclinées vers l’aval pour que la poussée de l’eau soit
orientée vers le bas de façon à améliorer la stabilité des contreforts. Dans le sens
transversal, notamment vis-à-vis des effets sismiques de rive à rive, les contreforts
peuvent être munis de butons.

Les bouchures elles-mêmes peuvent être de plusieurs types :

 un épaississement amont du contrefort. Une étanchéité doit donc être prévue entre
chaque demi-bouchure. Les deux rives du barrage de ROSELEND sont de ce type.

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 une dalle plate en béton armé. Les premiers d’entre eux ont été conçus par
AMBURSEN au tout début du XXème siècle (barrage d’Ellsworth - 1907).

 une voûte de faible dimension. Les voûtes sont en béton armé et de très faible
épaisseur. L’un des plus bel exemple en France est le barrage de la GIROTTE dont la
conception originale est due au grand ingénieur Albert Caquot.

Ces barrages offre un avantage considérable pour la quantité de béton nécessaire : il


faut 4 à 5 fois moins de béton pour un barrage à contreforts par rapport à un barrage-
poids de même hauteur. Inversement, il s’agit de structures complexes, plus sensibles
aux effets thermiques et aux séismes et qui nécessitent une attention particulière pour
le contact avec le rocher de fondation.

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Une variante majeure de ce dernier type forme les barrages à voûtes multiples : une
vallée trop large pour être barrée par une seule voûte est découpée par plusieurs
contreforts et la bouchure est constituée par une voûte plus importante. Le barrage
de GRANDVAL est en France le plus important d’entre eux avec près de 80 m de
hauteur ; le record de hauteur appartient au barrage canadien DANIEL JOHNSON,
conçu par André COYNE : 214 m de hauteur !

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Les barrages en terre

Depuis la plus haute Antiquité, les hommes ont pétri la terre pour en faire des digues
soit le long des cours d’eau en vue de limiter les zones d’inondation, soit en travers
pour créer des retenues d’eau potable ou d’eau destinée aux irrigations.

Un barrage en terre homogène est le type de barrage le plus simple et, sans aucun
doute, le plus ancien. Il consiste à construire en travers du lit de la rivière un massif
en terre dont les pentes sont assez douces pour assurer la stabilité et la terre asse
imperméable (typiquement de l’argile) pour éviter ne passe au travers du barrage. Les
parements peuvent comprendre des banquettes intermédiaires appelées risbermes, ce
qui améliore encore la stabilité et facilite le surveillance et l’entretien. Comme pour
tous les barrages en remblai, ce type de barrage s’accommode de fondations moins
performantes que pour les barrages en béton. La conception de ces ouvrages est
fortement dépendantes de la quantité de remblai de qualité suffisante disponible sur le
site ou à proximité immédiate (les volumes sont tels qu’un gisement éloigné
augmenterait fortement le prix du barrage à cause des frais de transport.

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Pour faciliter la mise en place du matériau, la terre est corroyée. Elle est aujourd’hui
mise en place en couches successives compactées.

Le développement réalisé au XXème siècle, est issu d’un véritable saut technologique
marqué par deux faits principaux :

 le développement de la mécanique des sols, constituée en discipline à part


entière à partir de 1930, avec trois grandes étapes : le calcul du réseau de sous-
pressions (FORCHEIMER, 1914), le calcul de stabilité (FELLENIUS, 1926) et
le principe des contraintes effectives (TERZAGHI, 1924) ; (des ingénieurs de
l’USBR expliquent cependant en 1960 à la conférence de Boulder que ce n’est
qu’à partir de 1937/1938 qu’ils considérèrent la pression interstitielle pour
expliquer l’instabilité des pentes.

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 le développement d’engins de terrassement de plus en plus puissants. Ces
derniers ont rendu possible la mise en place et le compactage de volumes de
plusieurs dizaines de millions de mètres cubes de remblais, dans les délais
rapides.A partir du modèle simple (massif en terre), plusieurs dispositions ont
été utilisées pour améliorer la sécurité des ouvrages :

 assèchement du parement aval par la mise en place d’un cordon drainant en


pied ou par un drain vertical placé au milieu du barrage et dont les eaux de
collecte sont ramenées vers l’aval au moyen d’un tapis où de bretelles
drainantes.

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 protection de la pente amont pour un perré, des dalles non jointives, des
enrochements… pour protéger le remblai contre les effets des vagues
(batillage). La pente aval est généralement simplement engazonnée en évitant
la pousse des arbres dont les racines, cherchant l’eau, pourrait créer un chemin
de fuite dangereux.

Les concepteurs doivent se prémunir contre deux dangers potentiels :


 ces ouvrages résistent mal à une submersion prolongée importante et par
conséquent on doit prévoir un revanche suffisante (notamment pour éviter la
submersion par les vagues) et prendre des marges supplémentaires pour
l’évacuation des crues.
 la circulation inévitable de l’eau au travers du barrage fait courir des risques
d’érosion interne (entrainement des particules du matériau par l’écoulement) et
il convient de s’en prémunir par un choix judicieux des matériaux et une mise
en œuvre soignée.

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Simples de conception, les barrages en terre homogènes sont des barrages de taille
limitée. Parmi les barrages français les plus hauts de ce type, on peut citer le barrage
de Matemale (34 m) ou celui de Montbel (36 m). Mais ils constituent, de très loin, la
part la plus importants des petits barrages (moins de 10 m de hauteur) sans compté les
digues de protection contre les inondations.

Barrage de Matemale

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Les barrages à masque:

Un barrage à masque est formé par :


 un massif en enrochements construit en travers de la rivière avec des pentes de talus
assez douces pour assurer la stabilité. Les enrochements ne sont pas imperméables et,
à eux seuls, ils sont incapables de retenir l’eau.
 une couche d’étanchéité appelée masque posée à l’amont du massif en enrochement
et qui s’appuie sur ce massif. Le masque est étanche sur toute sa surface. Un soin
particulier doit être porté à ce que l’étanchéité soit aussi assurée sur la périphérie du
masque aussi bien en pied de barrage et dans la fondation qu’en rive pour éviter que
le masque ne soit contourné.

Les barrages en enrochements rangés, tiennent avec des talus plus raides et
permettent de réduire les volumes à mettre en place. Ils se tassent d’autant moins que
les enrochements sont mieux rangés. Cette technique est aujourd’hui abandonnée
pour des raisons de coût de main d’œuvre.

Actuellement la tendance générale est de construire les barrages en enrochements


compactés. Grâce au compactage, les tassements des enrochements de bonne qualité
peuvent être réduits à de 0.3 à 0.4% de la hauteur du barrage.

Le masque lui-même peut être réalisé :

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 par une dalle de béton armé coulé par plots successifs sur toute la surface du
parement amont ;

Barrages de Gréziolles

 par une ou des couches de béton bitumineux mises en place par des engins similaires
à ce qu’on trouve sur des chantiers routiers (adaptés par tenir sur la pente) ;

Barrage de Monnes

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 par des géomembranes (typiquement des feuilles de PVC de forte épaisseur) livrées
en lés et soudées les unes aux autres. Les feuilles sont posées sur une coche de
transition en matériau fin ( pour éviter de déchirer la membrane qui s’appuierait
directement sur les enrochements) et protégées par des dalles, des pavés…Ce type de
masque est très utilisé pour les petits ouvrages et notamment les retenues d’altitude
pour la neige artificielle ;
 plus rarement par une tôle métallique galvanisée.

 Le masque s’appuie sur une plinthe, parfois complétée par une dalle ancrée. Cette
plinthe assure le rôle de transition avec la fondation et permet une certaine rotation de
la dalle pour suivre les mouvements du barrage au cours du temps.
 Grâce aux travaux de Barry COOKE, les barrages en enrochements à masque en
béton armé font l’objet d’une quasi-normalisation. Ils sont connus dans le monde
anglo-saxon sous l’acronyme CFRD (Concrete Faced Rockfill Dam).

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 On a ainsi construit des barrages de taille considérable. Le record du monde est
aujourd’hui détenu par le barrage de Shuibuya en Chine avec 233 mètres de hauteur
au-dessus des fondations. Le record français, plus modeste, apparient au barrage
des Fades dans le Puy-de-Dôme avec 64 mètres de hauteur.

Barrage des Fades

 S’apparentent à ce type, les barrages à voile d’étanchéité : le masque amont est


remplacé par un rideau d’étanchéité réalisé en paroi moulée (avec du béton plastique
admettant des déformations) comme au barrage de l’Agly ou en béton bitumineux
comme pour les deux barrages de Lastioulles.

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Les barrages zonés :

Les barrages zonés sont d’une conception bien plus récente et moderne que les
barrages simples en terre. Ils séparent les fonctions principales dans des matériaux
distincts :

une zone centrale, appelée noyau, assure le rôle d’étanchéité. Placée au cœur du
remblai, elle est constituée de matériaux argileux, imperméable. Le noyau est
généralement d’épaisseur variable, plus épais à la base à cause des pressions
interstitielles plus fortes. Il peut être vertical ou incliné ;

des recharges à l’amont et à l’aval du noyau en zone centrale, apporte la fonction de


stabilité. Ces massifs plus perméables que le noyau sont réalisés en enrochements, ou
en terre plus grossière.

Pour éviter que les particules fines d’argile ne migrent dans les recharges sous l’effet
des pressions d’eau qui règnent dans l’ouvrage et donc ce prémunir contre des
phénomènes d’érosion interne, le noyau est entouré de couches filtrantes. On utilise
pour cela des matériaux dont la granulométrie spécialement étudiée est intermédiaire
entre la taille très petite des grains d’argile et les grains bien plus grossiers des
recharges. Plusieurs de filtres successifs peuvent être nécessaires.

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Le plus grand barrage du monde, Nurek au Tadjikistan, est un barrage en remblai
zoné qui atteint 300 mètres de hauteur : la Tour Eiffel presque noyé sous une
« montagne » en enrochements ! Le record aurait dû être détenu par le barrage de
Rogoun dans le même pays et qui devait atteindre 335 m. Le record français
appartient au barrage de Grand’Maison dans ’Isère avec 140 mètres de hauteur. Le
volume considérable de matériaux à mettre en place a imposé l’ouverture de carrières
spéciales, un découpage des recharges avec plusieurs types de remblai. Il est suivi de
près par celui de Serre Ponçon.

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Barrage de Grand’Maison

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Les barrages mobiles :

Sur les fleuves ou dans la partie aval des rivières les vallées s’évasent, les débits de
crue augmentent et l’occupation humaine devient importante. Pendant les crues, il
faut éviter la montée du plan d’eau ; le barrage doit alors s’effacer presque
entièrement pour permettre le libre passage du débit du cours d’eau. Les barrages
mobiles répondent à cet objectif.

Vue en plan d’un barrage mobile

Les barrages mobiles sont essentiellement constitués de piles parallèles à l’axe de la


rivière et de vannes, parfois de grande largeur, entre ces piles. Un radier général sous
l’ouvrage permet de protéger le fond du lit contre les affouillements qui pourraient
notamment se produire pendant le passage des crues avec des vitesses importantes du
courant.

Sur les rivières navigables, ils sont souvent accolés à des écluses.

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Barrage de Chatou

Sans remonter aux barrages à aiguilles (POIREE 1842), sortes de perches placées
jointivement les unes à côté des autres pour réaliser une surface plus ou moins
étanche, qui constituaient les organes de fermeture des anciens barrages de
navigation, l’espace entre les piles des barrages modernes est obturé par :
 des vannes segments qui permettent le passage par un mouvement de rotation autour
de l’axe,
 des clapets articulés sur le radier et qu’on abaisse pour laisser passer la crue,
 des vannes plates qui se déplacent verticalement et qui peuvent être constituées par
plusieurs corps permettant à l’eau de passer par dessus ou par dessous,
 des hausses, sortes de panneaux rectangulaires qui, accrochés par un côté au fond de
l’eau, peuvent être levés et calés en position par un système mécanique (crémaillère
par exemple),
 des boudins gonflables (à l’eau), généralement protégés par des tôles métalliques
pour éviter les chocs par les corps flottants,
 de vannes toits

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Clapet

Les ouvrages construits récemment sur les grands fleuves français : Rhin, Rhône,
Garonne sont de ce type. Le barrage de la Caserne sur Couesnon est un barrage
mobile à clapets qui peut fonctionner dans les deux sens selon la marée. Il participe
au désensablement de la baie du Mont Saint Michel.

Barrage de la Caserne

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Ce type d’ouvrage fait souvent l’objet d’études sur modèle réduit dans le but de
préciser :
 les formes hydrauliques des piles et radiers de pertuis,
 le calibrage du bassin d’amortissement aval,
 l’allure de l’écoulement dans les pertuis et à l’aval, ainsi que vers les prises
d’eau,
 le passage des crues,
 les conditions de dérivation de la rivière pendant l’exécution des travaux.

Barrage de l’Escale

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Les évacuateurs de crue :

Les crues constituent un des risques principaux affectant la sécurité des barrages. Le
bulletin 99 de la Commission Internationale des Grands barrages (CIGB) montre que
plus d’un tiers des accidents graves ayant affecté des barrages sont causés par le
passage des crues. La maîtrise du risque crue, constitue donc une préoccupation
importante et légitime, à laquelle les pouvoirs publics, les concepteurs et exploitants
de barrage, se doivent d’être sensibles et d’accorder une attention soutenue et
continue.

Les évacuateurs de crue sont les organes qui permettent le transit des crues à travers
le barrage en contrôlant les côtes maximales atteintes par le barrage de manière à ce
qu’elles restent inférieures aux côtes assurant la stabilité de l’ouvrage.
Plusieurs classifications sont possibles parmi les évacuateurs de crue. On peut par
exemple diviser les évacuateurs de crue en deux grande familles :
 Les évacuateurs de crue à "surface libre" encore appelés déversoirs à seuil
libre.

 Les évacuateurs de crue "vannés". Cette seconde famille se décompose elle-


même en deux grandes sous-familles d’organes :

 Les évacuateurs vannés de surface.

 Les évacuateurs vannés dit "de fond" ou de "demi-fond".

 Les évacuateurs de surface prélèvent l’eau à évacuer à une cote proche de la


cote normale de retenue du barrage.

 Les évacuateurs de (demi)-fond fonctionnent en charge en prélevant l’eau à


une cote très inférieure à celle de la retenue.

 La créativité des ingénieurs les à amener à concevoir une grande variété


d’évacuateurs de crue différents dans ces grandes familles :

 Vannes plates, vannes secteurs, clapets abaissant etc.. pour les évacuateurs
vannés.

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 Déversoir à seuil libre à crête plate ou profilé, à entonnement frontale ou
latérale, avec un seuil rectiligne, circulaire, voire de forme labyrinthe.

 Il n’est pas rare de voir, sur un même barrage, des évacuateurs de crue de
nature très différente.

 La plupart des évacuateurs de crue des barrages français sont des évacuateurs
de surface.

Principaux avantages et inconvénients :

Les déversoirs à seuils libre se révèlent la meilleure option en terme de fiabilité,


simplicité, sécurité, coûts de construction et maintenance. Ils ne nécessitent aucune
intervention humaine pour leur fonctionnement et ne sont donc pas susceptible de
tomber en panne en cas de crue, ou bien de s’ouvrir intempestivement en période
normale. Cependant, ils ne permettent aucun maîtrise du débit déversé (et donc des
variations de débit à l’aval). La cote de crête du seuil est fixée à la retenue normale
du barrage. La cote maximale atteinte en crue peut être nettement supérieure à la cote
de retenue normale.

Les évacuateurs vannés ont un seuil calé sous la cote de retenue normale du barrage.
Ils permettent d’évacuer un débit significatif à cette cote. Ils autorisent donc une
optimisation du volume d’eau stockée en période normale pour une même cote des
plus hautes eaux en crue. C’est la raison pour laquelle ce type d’évacuateurs a la
préférence des exploitants de barrage dont le but principal est la production
d’hydroélectricité.

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33
Coupe type d'une évacuateur vanné de surface (de type secteur) et (...)

34
Déversoir libre

35
Déversoir libre à crête circulaire de type "tulipe"

Déversoir libre de type labyrinthe dit à "touche de piano"

36
Vanne de surface de type clapet abaissant (avec vérin par en-dessous)

37
Les rôles des barrages
Hydroélectricité

La production d’électricité :
L’eau a été de tout temps une énergie très appréciée (voir le chapitre un peu
d’histoire). L’énergie hydroélectrique avec une production de 3100 TWh, représente
actuellement 16% de la production électrique totale et 7% environ de toute l’énergie
consommée dans le monde, avec une puissance installé de 870 GW. Dans les pays en
voie de développement c’est souvent la seule ressource disponible localement.

Fonctionnement d’une centrale hydro électrique

Aristide Bergès (1833-1904) a créé en France une des premières chutes d’eau de
grande hauteur (200 m) pour alimenter une turbine en 1869. Son invention a si
rapidement attiré les industries métallurgiques et chimiques qu’il l’a qualifiée de
Houille Blanche pour symboliser son impact énergétique et son origine celle d’un lac
alpin.
La production constante d’électricité exige un débit qui ne soit pas variable comme
celui des fleuves et qui soit disponible au moment voulu. La création des barrages a
résolu ces deux problèmes. L’eau accumulée dans le réservoir est dérivée dans des
conduites qui l’amènent à l’usine. Elle actionne une turbine qui entraîne un
alternateur qui produit l’énergie électrique.

Actuellement en France, 4/5 de toute l’eau stockée à l’amont des barrages est
destinée à la production d’électricité et dans le monde, c’est 90% de l’électricité de
source renouvelable qui est produite grâce à l’hydraulique.

38
Barrage de Tignes

La question de l’indépendance énergétique en France, a été soulevée très tôt, dès la


première guerre mondiale, et la mise en valeur de ressources hydrauliques du pays a
constitué une volonté politique marquée dès la première moitié du XXème siècle.
Après la seconde guerre mondiale, la France avait encore plus cruellement besoin
d’énergie pour assurer sa reconstruction. Un grand programme d’équipement
hydroélectrique a été lancé. Le barrage de GENISSIAT a été construit en 1948 pour
éviter les coupures d’électricité à Paris. Les travaux de TIGNES débute en 1947 pour
s’achever six ans plus tard. Celui de SERRE-PONÇON, construit entre les années
1955 et 1960, avec sa retenue de 1200 hm3 constitue une des plus grandes réserves
d’eau artificielles d’Europe. Il est la clé de voûte de l’aménagement de la Durance et
du Verdon et son rôle, outre la production d’électricité, est la régularisation du haut
bassin de la Durance pour l’irrigation et le contrôle des crues.

De cette époque également datent les grands projets de mise en valeur des deux
grands fleuves que sont le Rhône et le Rhin. Ces projets que l’on qualifie de « fil de
l’eau » permettent de valoriser l’énergie des fleuves ayant des débits moyens assez
importants et assez réguliers tout au long de l’année pour produire beaucoup
d’énergie, même avec des chutes d’eau relativement modestes. Les retenues à
l’amont des barrages qui constituent ces aménagements sont peu importantes et dans
tous les cas insuffisantes pour assurer la régulation de ces débits : les usines
hydroélectriques qui les équipent turbinent alors le débit qui se présente et doivent
permettre l’évacuation naturelle des crues. Ces centrales également appelées usines
de basse chute, ont été sources d’innovation pendant toute cette période et ont ainsi
permis le développement de nouveaux types de turbines, les groupes bulbe. Parmi les
premières applications industrielles de ces groupes, on peut trouver l’usine
marémotrice de la Rance, envisagée dès 1942, et construite entre 1961 et 1966. Cet
aménagement est aussi du type centrale de basse chute puisqu’elle utilise la

39
différence de niveau entre la marée haute et la marée basse sur un site donné. Même
si ce site est situé dans une zone où les marrées sont parmi les plus fortes du monde,
la chute moyenne d’une usine marémotrice reste faible. L’importance du barrage est
alors caractérisée non par sa hauteur, mais par sa longueur et par sa capacité à
transiter des débits importants.
Sur le Rhône, c’est la Compagnie Nationale du Rhône, créée en 1933 qui a construit
18 aménagements entre 1935 et 1987. Avec 3000 MW installés, elle produit
annuellement une moyennne de 15,7 TWh. L’aménagement de Donzère-Mondragon
réalisé entre 1947 et 1953, avec son canal de dérivation de 28 km, ses six groupes de
59 MW pour une chute moyenne de 22,5 m, et sa production de 2,14 TWh en
moyenne (13% de la production totale de CNR) en reste une des réalisations les plus
emblématiques.

Aménagement type du Rhône

40
Aménagement de Kembs sur le Rhin

Sur le Rhin, après le début de la construction du Grand Canal d’Alsace en 1928, des
accords franco-allemands ont permis à EDF après 1946, en association avec des
partenaires allemands d’installer toute une chaîne d’aménagements de basse chute.
Dès les années 1930 l’aménagement de Kembs a été mis en service, et les deux
derniers aménagements à l’aval de Strasbourg, Gambsheim a été terminé en 1974 et
celui d’Iffezheim en 1978. Au total 1400 MW installés sur 10 grands aménagements
(dont 4 franco-allemands) produisent en moyenne 8 TWh chaque année.

L’aménagement de ces deux fleuves a également permis d’améliorer les conditions


de navigation, en associant des écluses à chacune des usines et en permettant ainsi sur
chacun des biefs créés, à assurer un tirant d’eau suffisant quelle que soit la période de
l’année (voir la page « Navigation »).
Si la plupart de ces aménagements de mise en valeur du potentiel énergétique en
France est désormais réalisée (le dernier « grand aménagement », celui de
Grand’Maison - 1800 MW installés en pompage-turbinage, ayant été terminé en
1985), une énorme tâche est de maintenir et d’enrichir ce patrimoine, en améliorant et
en optimisant l’utilisation de cette énergie propre, en remplaçant le matériel obsolète

41
ou vieillissant et tout simplement en entretenant cette richesse léguée par les
générations qui nous ont précédés.

De plus, les qualités de cette « énergie propre », que l’on découvre en voulant
augmenter la part des autres énergies vertes dans la production totale (énergie
stockable par l’intermédiaire des stations de transfert, réserve tournante et non
tournante, régulation et réponse en fréquence sur le réseau, capacité de contrôle de la
puissance réactive, démarrage à froid, etc.) conduisent au développement de
nouveaux projets hydroélectriques, même dans les zones où l’on avait pensé que ce
développement avait atteint un stade n’autorisant plus de nouveaux projets ambitieux.
(voir la page « Barrages et Environnement – L’énergie verte »)

42
Alimentation en eau :
L’alimentation en eau pour les usages domestiques et industriels

La création de réservoirs de stockage d’eau est fréquemment destinée à l’alimentation


en eau, qu’il s’agisse des usages domestiques ou industriels. Les réservoirs associés
aux barrages permettent ainsi de compléter les autres ressources en eau, qu’il s’agisse
des prélèvements directs dans les rivières ou du pompage de l’eau dans les nappes
aquifères. Ces différentes ressources sont d’ailleurs souvent utilisées de manière
conjointe en veillant en particulier à ne pas trop sur-exploiter telle ou telle ressource.

Barrage de Lavalette

L’eau prélevée dans les retenues de barrages fait l’objet d’une attention particulière
en matière de qualité, notamment chimique et biologique. Les prises d’eau sont
adaptées de façon à capter une eau de bonne qualité. L’eau brute provenant des
barrages est généralement traitée avant d’être utilisée.

Les retenues et les réseaux d’eau associés sont souvent interconnectés de façon à
sécuriser l’approvisionnement.

43
Irrigation et agriculture :
L’organisation des cultures

 Exemple de Barrage

Face au développement de la population mondiale dont la croissance n’a guère


commencé à se réduire, le problème essentiel est de produire, les années sèches,
des quantités croissantes de nourriture et donc de développer les surfaces
irriguées : pendant la saison sèche avec de l’eau stockée en saison humide,
pendant les années sèches avec de l’eau stockée les années humides.

L’importance du problème est certes très variable d’une région à l’autre. Il n’existe
pratiquement pas en Autriche, en Suisse, en Suède. Par contre dans certains bassins
versants, on est déjà conduit à utiliser, donc à stocker, la quasi totalité de l’eau de
surface s’écoulant normalement vers la mer. Il en est ainsi dans les régions en voie de
développement où vivent 70% de la population mondiale et où sont constatés les plus
forts taux de natalité.

Dans ces pays, la croissance de la production vivrière passe inévitablement par


l’irrigation, irrigation parfois partielle et complémentaire pendant les périodes les
plus sèches, ou irrigation totale dans les zones quasi désertiques transformées
aujourd’hui en zones vertes.

Aujourd’hui, l’irrigation concerne environ 277 millions d’hectares, soit 18% de la


surface cultivée totale, avec un rendement qui est à peu près le double de celui des
terres non irriguées, mais surtout un rendement à peu près constant d’une année à
l’autre.

Les deux tiers de la consommation mondiale d’eau sont utilisés à l’irrigation (il s’agit
de l’eau artificiellement contrôlée par l’homme car il faut autant d’eau pour produire
1 kilo de vivre en une terre non irriguée que sur une terre irriguée, mais dans le

44
premier cas, seule l’eau du ciel y pourvoit). En fait il faut beaucoup plus d’eau pour
faire croître les aliments dont l’homme a besoin (cultures vivrières ou élevage
d’animaux) que pour assurer son alimentation en eau.

En France, compte tenu de son climat tempéré, les besoins en matière d’irrigation
sont moins présents que dans beaucoup de pays. Toutefois les barrages construits
pour cela sont assez nombreux, notamment dans le sud-ouest. Il s’agit généralement
de barrages de dimensions modestes.

L’activité agricole associée aux barrages peut également concerner l’élevage (réserve
d’eau pour le bétail) et la pisciculture.

45
Ecrêtement des crues :
La limitation des crues moyennes
Certains barrages sont conçus pour écrêter les crues, c’est à dire diminuer le débit
maximum de la rivière pendant une crue. Normalement vides à l’arrivée de la crue,
ils se remplissent pour empêcher l’eau de poursuivre sa course. Le volume ainsi
stocké provisoirement est restitué à la rivière après le passage de la crue.

Ces aménagements vont souvent de pair avec des systèmes d’endiguement pour
protéger directement des zones habitées situées plus à l’aval.

Il existe deux types d’aménagements de ce type :

 Réservoir sur le cours d’eau de la rivière. Le barrage est muni d’un pertuis ouvert
situé en pied de barrage et qui limite le débit entrant pendant que le réservoir se
remplit. Le barrage de Villerest sur la Loire permet ainsi d’écrêter les grandes crues
du fleuve.
 Réservoir alimenté par un canal dérivant l’eau de la rivière. L’Etablissement public
territorial de bassin « Seine Grands lacs » gère trois grands réservoirs sur la Seine,
l’Aube et la Marne qui participent au dispositif permettant de protéger notamment
l’Ile de France et Paris contre les grandes crues de type crue de 1910.
Ces ouvrages sont dimensionnés pour un niveau de crue dit crue de protection. Pour
toutes les crues inférieures à la crue de protection, les zones aval ne connaissent plus
que des crues limitées.
Attention, si la crue réelle est plus grande (en débit, en volume) que la crue de
protection, le réservoir se remplit et le débit de la crue passe par l’évacuateur de crues
de surface : la crue n’est plus alors écrêtée, le débit dans la rivière augmentant en
outre très rapidement.

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Barrages à buts multiples :
De nombreux barrages sont construits pour un usage principe mais, très souvent, ils
peuvent remplir plusieurs rôles et parfois simultanément. Un barrage destiné à la
production hydroélectrique est aussi un lieu d’activité touristique mais aussi, grâce à
la grande quantité d’eau stockée, participer au soutien d’étiage. Un tiers des barrages
de plus de 15 mètres de hauteur cumule plusieurs usages.

Les grands réservoirs à l’amont de Paris (par exemple le barrage de Pannecière)


retient en hiver une partie du volume des crues (fonction d’écrêtement) et,
inversement, pendant les mois les plus chauds participe à maintenir dans la Seine un
débit suffisant à l’entrée dans la région parisienne. Situé en amont de la chaîne de la
Durance, le barrage hydroélectrique de Serre-Ponçon remplit également un rôle
essentiel pour l’irrigation de la toute la zone à l’aval de ce grand aménagement (150
000 ha irrigués), l’alimentation en eau potable de nombreuses communes dont
Sisteron et Marseille, sans compter le capital touristique qu’il apporte à toute la
région.

Des accords contractuels entre le propriétaire de l’ouvrage et les autres parties


intéressées définissent les volumes d’eau, les périodes d’utilisation....

Il faut cependant noter qu’à un instant donné, certains usages peuvent être
incompatibles ; par exemple la production d’énergie hydroélectrique en hiver est
optimale quand la retenue est pleine alors que la fonction d’écrêtement des crues
exigerait une retenue vide.

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Navigation :
Plusieurs grands barrages français, parmi les plus anciens, permettent le
fonctionnement des canaux grâce à des réservoirs alimentant en eau les biefs de
partage qui sont les points hauts des canaux. Par exemple le barrage de Saint Ferréol
dans les Montagnes Noires fournit au ruisseau du Laudot puis à la rigole de la Plaine
un débit suffisant pour alimenter, même en période sèche, le canal du Midi au niveau
du seuil de Naurouze (ou seuil du Lauragais). Le barrage de Saint-Ferréol est en haut
à droite sur la carte ci-dessous.

Extrait de la carte de Cassini

Sur les rivières navigables (dont le Rhin et le Rhône), des barrages associés à des
écluses créent des plans d’eau et régularisent le cours des rivières. En offrant un tirant
d’eau suffisant, ces barrages maintiennent les capacités de navigation sur ces cours
d’eau. Le barrage de Vaugris (photothèque CNR) sur le Rhône comporte en rive
droite une écluse (écluse des Sablons) de 233 m de longueur et une largeur de sas de
12,10 m.

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Barrage-écluse de Vaugris

Tourisme :
Le Tourisme et les loisirs
Les lacs de retenues créés par les barrages constituent un attrait paysager indéniable
et favorise l’activité touristique autour et sur la retenue. Ces lacs peuvent permettre
en effet le développement de la pêche, du canotage, de la baignade et de l’ensemble
es activités nautiques. Ceci apporte ainsi un développement et des retombées
économiques certains à la région, qu’il s’agisse des activités elles-même, de
l’hébergement hôtelier ou de camping ou du commerce en général.

Certaines grandes retenues ont des consignes d’exploitation qui permettent de


maintenir un niveau de lac stabilisé pendant les périodes de fortes fréquentation
touristique. Parfois un barrage secondaire construit dans la retenue crée un zone à
niveau quasi constant. Par exemple, la retenue de Naussac de plus de 1 000 hectares
est découpée par le barrage du Mas d’Armand qui isole une petite retenue de 12
hectares seulement

Par ailleurs, de très nombreux barrages ont été construits dans les dernières décennies
de façon à créer des réserves d’eau destinées à la production de neige artificielle ; il

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s’agit, grâce à la neige de culture, de limiter les inconvénients des fluctuations inter-
annuelles de l’enneigement naturel, de garantir les dates d’ouverture et de fermeture
des stations, d’assurer la bonne skiabilité des pistes. Les barrages d’altitude
permettent alors d’utiliser une réserve d’eau en période d’étiage hivernal.

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Risques naturels :

Glissements de terrain
Généralités

Les principaux risques naturels auxquels sont exposés les barrages sont :

 Le risque de crues exceptionnelles


 Le risque sismique
 Le risque de glissement de terrain dans la retenue pouvant créer une vague important
au barrage

Liens utiles :

 Bouquet Prévention des risques majeurs


 Site d’information sur les risques majeurs en Rhone-alpes
 Revue Risque Info "La Maîtrise des risques associées aux barrages en Rhone-Alpes".
Quoique daté de Juin 2008, ce numéro reste pleinement d’actualité.

La crue est un phénomène naturel :

Les crues sont des phénomènes naturels causés par la pluie, la fonte des neiges
ou la concomitance des deux. Lors d’épisodes de crues en France, le débit
normal d’un cours d’eau peut être décuplé en quelques heures (crues torrentielles de
type « cévenoles ») ou en quelques jours (crues de plaine ou fluviales) sur les
principaux fleuves.
Les barrages ont été dimensionnés pour résister aux crues.
Comme le volume d’eau apporté par une crue importante excède souvent
la capacité de stockage des grands réservoirs, les barrages ont été équipés à la
conception de dispositifs spéciaux situés en sommet ou en fond de
barrages, les évacuateurs de crues, qui permettent le passage de débits extrêmes sans

51
mettre en cause la tenue des ouvrages.
Ils ont été dimensionnés pour résister à des crues de probabilité très faible.
La pratique jusqu’à présent pour les ouvrages français consistait pour les grands
barrages français à se protéger vis à vis de :
 la crue milléniale pour les barrages en béton
 la crue déca milléniale pour les barrages en remblais (plus sensibles au risque de
submersion).
Le débit sortant d’un barrage ne doit pas, dans la mesure du possible, être supérieur
au débit entrant (ce n’est pas toujours possible pour les barrages à seuil libre non
vannés). Pour ne pas aggraver les conséquences de la crue naturelle, ni mettre en péril
la sûreté du barrage, les exploitants sont tenus de respecter deux principes
d’exploitation fondamentaux :

 Le débit maximum sortant du barrage ne doit jamais dépasser le débit maxi- mum
atteint par la crue en amont.
 L’Exploitant n’aggrave pas la crue naturelle.
Ainsi, face à une crue, les exploitants de barrage privilégient toujours la protection
des personnes et des biens, notamment en protégeant le barrage.

Les exploitants de barrage essaient d’anticiper les crues en s’appuyant sur des
services technique de prévision hydrométéorologiques et des services d’annonce des
crue.
Des dispositifs permettent d’estimer les débits de crue qui seront atteints sur les
tronçons aval et d’alerter un peu à l’avance les exploitants de barrage, afin que les
mesures nécessaires soient mises en œuvre. Les règles d’exploitation en cas de crues
sont définies en concertation avec les préfectures et les DREAL.

Rôle de l’exploitant en période de crues

En crue l’exploitant gère l’ouvrage conformément aux consignes approuvées par


l’administration de contrôle (DREAL ou DDAF) pour le compte du Préfet.
En début de crue, l’exploitant avertit les autorités des déversements imminents du
barrage en raison de l’augmentation naturelle des débits amont.

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Pour les ouvrages dits « au fil de l’eau », l’exploitant peut en crue être amené à ouvrir
totalement les vannes. Dans ce cas, l’écoulement de l’eau redevient totalement libre
et la rivière retrouve son lit naturel. On dit que le barrage est effacé et l’exploitant n’a
plus aucune action sur le débit de la rivière.

Barrage de Grangent - © Photo EDF - Chuilliat

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Les séismes :

Les accidents de barrages liés à des séismes sont rares. Les publications de la CIGB
montrent que les accidents les plus importants concernent les ouvrages en remblai,
intrinsèquement plus sensible au séisme que les barrages en béton.

Ce bon comportement peut s’expliquer intuitivement par le fait que les barrages sont
des structures massives intrinsèquement dimensionnés pour résister à des efforts
horizontaux importants (poussée de la retenue), à la différence des structures de génie
civil habituels qui sont conçus pour reprendre essentiellement des efforts verticaux.

Pour les barrages en remblai


Le retour d’expérience mondial est qu’aucun grand barrage en remblai d’une
hauteur supérieure à 15 m, de conception moderne, ne s’est rompu après séisme.
On retient surtout la rupture partielle, très étudiée, du barrage Van Norman (séisme
de San Fernando du 9 février 1971).
Il faut noter que, mis à part des barrages atypiques de stériles miniers, seul un barrage
endommagé par un séisme a occasionné des victimes. Il s’agit du petit barrage de
Fujinuma construit en 1947, lors du terrible séisme de Tohoku au Japon en 2011.
Au Japon,hormis le barrage de Fujinuma, seuls les barrages en remblai construits
avant 1918 ont été sérieusement touchés par les séismes et un
seulement s’est rompu.
Pour les barrages en béton
Aucun barrage en béton ou en maçonnerie n’a subi de destruction à l’occasion des
séismes les plus violents, à l’exception de la ruine du barrage de dérivation de Shih-
Kang (Taïwan), directement construit sur une faille sismique importante.
La présence de cette faille, sensiblement parallèle à la vallée et non détectée pendant
les travaux, provoqua un rejet vertical de 3 à 4 m entre les pertuis vannés de la rive
droite mais sans lâchure catastrophique d’eau de la retenue.
Qu’il s’agisse de barrages-voûte ou de barrages-poids, en béton ou en maçonnerie, la
stabilité globale des ouvrages n’a pas été mise en cause et les dégâts observés se sont
révélés mineurs (apparition de fissures en partie supérieure des ouvrages localisées en

54
général à des changements d’inertie des structures, ouvertures ou décalages au droit
des joints de plots).
Pour en savoir plus
La Commission Internationale des Grands Barrages (CIGB) est un lieu privilégié de
recueil d’informations sur le comportement des barrages, notamment à l’occasion des
séismes. Le thème "barrages et séismes" a été traité, à plusieurs reprises, au cours des
congrès qu’organise la CIGB tous les trois ans.
Le bulletin n° 120,édité en 2001 par la CIGB, intitulé
"Aspects de la conception parasismique des barrages - Recommandations et
exemples" expose notamment le comportement des barrages à l’occasion de séismes,
parfois très importants. Il est disponible gratuitement sur le site de la CIGB.
On peut citer également le rapport général et des rapports de la question 83 du
congrès de Montréal consacrée aux barrages et séismes (2003).
D’autres bulletins de la CIGB traitent de sujets non directement liés au comportement
des barrages.

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Les glissements de terrain :
Les glissements de terrain des berges des retenues peuvent représentent un risque
potentiel pour les barrages.
La rentrée brutale dans la retenue d’un vaste volume de terre suffisamment rapide, est
susceptible de provoquer une vague pouvant déferler par dessus le barrage.
Les risques seraient alors de deux ordres :
 Rupture du barrage par la surverse : augmentation instantanée mais de courte durée
de la charge hydrostatique sur le barrage ou érosion des matériaux du barrage pour
les barrages en remblai
 Risque d’inondation à l’aval du volume d’eau ayant submergée le barrage.
C’est ce dernier cas qui est arrivé en Italie au barrage de Vajont en Octobre 1963.
L’accident s’est produit dans la nuit du 9 au 10 octobre 1963.
Au soir du 9 octobre, un énorme glissement de terrain d’une vitesse estimée à 90
km/h s’est produit dans la retenue à l’occasion du premier remplissage de ce barrage
haut de 260 m. Ce glisserment a provoqué une vague de plus de 200m. de hauteur qui
a franchi le barrage, et causé la destruction massive du bourg de Longarone et de trois
autres villages, faisant plus de deux milles victimes.
Il est cependant remarquable de constater que la structure du barrage et ses appuis
n’ont guère été endommagés malgré l’importante surcharge.
Un accident du type de ce qui s’est produit à Vajont en 1963 ne s’est jamais produit
en France et reste extrêmement rare de part le monde.

Depuis cet accident l’analyse de ce risque est faite par les maîtres d’ouvrage des
barrage. Les dispositifs et mesures de surveillance en place permettent de détecter les
signes avant-coureurs d’une rupture plusieurs jours avant la catastrophe et d’en
informer les Autorités. Par conséquent, cela laisse le temps aux Pouvoirs publics
d’informer le public et d’organiser l’évacuation si nécessaire ; c’est ce que l’on
appelle les Plans Particuliers d’Intervention (PPI).
La décision et l’organisation de l’évacuation proprement dite sont du ressort des
pouvoirs publics (Préfet).
La sécurité d’un ouvrage vis-à-vis d’un glissement de terrain est assurée par une
surveillance régulière et des capteurs de mesure adaptés pour pouvoir juger des

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évolutions. Si le remplissage de retenue est la période la plus délicate pour un
ouvrage, il est nécessaire de poursuivre cette surveillance pendant son exploitation.
Les dispositifs de mesure et de contrôle mis en place par les exploitants de barrage
garantissent que si un glissement de terrain devait se remettre en mouvement, des
signes avant-coureurs permettraient de s’en rendre compte et de prendre les
dispositions adéquates pour le stabiliser, ou dans le pire des cas, évacuer la
population menacée.
Les progrès enregistrés par la science depuis les années 50/60, en matière de
mécanique des roches notamment, nous permettent de mieux connaître et de mieux
maîtriser ce risque. En outre, peu de nos sites sont placés dans des zones sujettes aux
glissements de terrain et les volumes de glissements répertoriés sont très largement
inférieurs à ceux de Vajont.

Barrage de Vajont après le glissement de terrain - Octobre 1963

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Barrage de Vajont de nos jours - © Frederic LAUGIER

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