2619
. A112
L49
1991
; \LLI\1\UI
D 0 DJ B S
LE LIVRE
DE
L'HOSPITALITÉ
LL I R
le le
Où? Quand? Pourquoi?
11
Caresse ton âme. Caresse ton livre. Tous deux sont
assoiffés de tendresse.
Générosité de l'invisible.
Notre gratitude est infinie.
Un nouveau seuil?
-Un regard, tourné vers l'ailleurs; la brusque révision d'un
parcours.
15
Et il aj o utait ; ,, No tre quête d 'i nco nnu n 'e st. pe ut-ê tre, qu e
cela . »
Mot à mot.
Mur à mur .
17
«Ma responsabilité envers toi - avait-il écrit - est
comparable à celle du ciel envers les oiseaux et à celle
de l'océan envers sa faune et sa flore.
,, Quant à la terre, qui s'aviserait de la tenir res-
ponsable du jour qui naît, du jour qui me un?" avait-
il noté.
Vidé de « déjà vu ».
Mo n horizon est nu.
19
« Vous seuls me trouverez, car mes racines sont dans votre
livre.»
« Le livre n'appartient à personne - lui répondit un autre
sage-. Il n'appartient qu'aux vocables dont il se délivre, au
fur et à mesure. Que deviennent ceux-ci, une fois rendus à
leur errance? Notre dénuement, tel le leur, est infini.
«Un jour, je me rendis compte qu'aucun livre ne fut le
mien, n'étant, hélas que le livre inachevé que les mots m'ar-
rachaient sans remords. »
Et il ajoutait: « Dieu a menti. Il ne nous a jamais légué le
Livre. Il nous en a, seulement, légué le goût. »
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Ni crêtes.
Ni gouffres.
Sérénité. Sérénité.
Sérénissime sérénité.
21
« Si ce que je fais me rend heureux, c'est qu'il me convient »,
ava it noté un sage.
22
«Tu seras toujours l'h ôte de mon âme, même s1 j'ignore
qui tu e s », disait-il.
Dé sacra lise r le livre par un e a ttent ion perman e nte à l' His-
to ire e t à ses in é lucta bles déve loppe m e nts, comm e a u plus
insig nifia nt d e s fa its divers.
L l' tnnps Sl' fa it da ns ll' tnnps.
27
''Tu te sais juif. Demain tu le seras - disait-il -; car être
juif, c'est épouser l'au-delà d'un judaïsme épris de dépasse-
ments.»
Et il ajoutait: «Frapper un juif dans sa judéité, c'est, tou-
jours, le frapper dans son devenir juif. >>
À l'affût de la faute.
Un hymne au crime.
Tel est leur discours.
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<<Un mot de onze lettres est le territoire de l'hospitalité.
Protège chacune d'elles car, partout, est l'enfer, le sang, la
mort.,
Et l'enfant sécha ses larmes pour sourire au vieillard, par-
tiellement réconforté.
Racisme.
Antisémitisme.
Exclusion.
29
Il pleut sur Paris.
Un passant- est-ce lui? - relè ve le col de son imperméable
et poursuit son chemin .
Aimer, malgré tout.
«Je ne sais qui tu es - disait un sage - mais je sais que tu
me ressembles.
«Cependant, ce n'est pas à cause de ta ressemblance avec
moi, que tu m'es cher mais parce que tu n'as pas , encore,
pour moi, de nom .
<< Demain est notre premier jour. "
30
" Innocence de tout appel dans son aveugle confiance.
« Au seuil de la vie, comme aux portes de la mort, la pre-
mi ère image captée est celle d 'un cri inoubliable », disait-il.
Et le sage dit : << En ce jour béni de lumière, tes paroles
sont des joyaux. ...,
'' Si tu avai s parlé dans la nuit opaque , elles a uraient été,
pour nous , insaisissables.
« À l'entrée ensoleillée du mo nde, je les lis et, les décryp-
tan t, je les entends da ns l'immaculée blancheur où elles se
form ent. »
Min er la base.
Ébranler la ci me.
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« Prendre la parole.
«Pour ce qu'elle est.
,, Pour ce qu'elle peut.
« Avoir recour~ à elle. "
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mal contrôlée ont, rapidement, donné naissance à un discours
restructuré contre l'étranger, responsable de tou~ nos maux.
<<Avoir réuni ces trois discours en un discours unique, c'est
avoir permis, à chacun d'eux, de se développer avec et par
le truchement de l'autre; un moyen, surtout, de les réactua-
liser, au fil des circonstances; car ces discours sont , toujours,
inspirés par l'actualité, donc indéfectiblement liés à elle; c'est,
enfin, avoir inauguré un discours qui, dans sa confusion, per-
met toutes les interprétations; discours de haine et d'exclu-
sion. -.
«Exclure c'est, en quelque sorte, s'exclure soi-même. Le
refus de la différence conduit à la négation d'autrui. Oublie-
t-on que dire "Je" c'est, déjà, dire la différmce?
" Que signifie : La Franœ aux Français sinon : La Franœ à
la France? Et c'est normal. Le destin de la France n 'est-il pas
aux mains des Français? Mais, encore, faut-il savoir de quelle
France il s'agit?
,, Et sait-on assez que c'est à celui que l'on continue, dans
divers milieux, de regarder comme l'indésirable étranger,
!Intrus, l'exclu que la France doit, en grande partie, en tout
cas dans certaines régions du globe, son rayonnement?
<<En Égypte, par exemple, où je suis né et où j'ai vécu
jusqu'à mon installation à Paris, en 1957, ce sont les mino-
ritaires juifs, en premier par leur nombre, coptes, chrétiens,
de nationalité égyptienne ou étrangère, qui ont maintenu la
présence de la France, dans ce pays, faisant, de la langue
française, une langue commune et de sa culture, une culture
universelle. Un choix qui engage totalement celui qui l'a fait
et qui n'est autre, au départ, que la fidélité à une image à
laquelle il a profondément cru et aurait voulu, toujours, croire.
L'image d'un pays bâti sur trois mots : Liberté, Égalité, Fra-
ternité.
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«Si cette image de la France est devenue, pour les Français
mêmes, encombrante, alors, déchirons-la.
«Si nous la conservons, elle exige, en contrepartie, que la
France veille sur elle, afin que nul, et à aucun moment, ne la
ternisse.
« Penser que le discours raciste ne traduit, dans sa véhé-
mence, qu'une incapacité, sans doute regrettable, à tolérer
l'autre dans son intégrité, à l'accepter tel qu'il est, est absurde;
car le racisme n'est que l'expression renouvelée de la négation
de l'homme, de tout homme dans sa richesse et dans son
infinie pauvreté.
«Penser, avec ceux qui nous le répètent, pour probable-
ment s'en convaincre eux-mêmes, que le discours antisémite
est moins virulent, aujourd'hui, qu'avant la guerre de 1940,
par exemple, est une grave erreur; car il y a eu Auschwitz,
depuis. Et la question est la suivante : Comment pareil dis-
cours peut -il a voir encore droit de cité? Si 1'horreur d' Ausch-
witz n'a pu le briser, comment croire que Carpentras le
pourrait?
« Séparer les discours, pour mieux les cerner.
« Au discours antisémite est venu, petit à petit, se greffer
le discours anti-israélien.
« Ce discours tente de montrer que chaque juif, au nom de
son inconditionnel attachement à Israël, défendra to~jours,
sans réserve, la politique du gouvernement de ce pays, applau-
dira à ses décisions, les justifiera quoi qu'il arri·ue.
« Discours lourd de conséquences et qui tend à démontrer
qu'un juif français, parce que juif, est plus israélien que fran-
çais. Donc, étranger.
« Ridicule, dira-t-on. Et on aura raison.
«Cependant, une question s'impose à moi. Que veut signi-
fier ce Quoi qu'il arrive?
«J'y réponds, aussitôt, car il se trouve que cette question
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est à l'origine de ma relation à Israël, qu 'elle conditionne mes
réactions, mes prises de position face à tout ce qui s'y passe
et qui frise, parfois, l' intolérable.
«Au nom de quoi? Au nom, peut-être, de ma solidarité
avec son peuple dont le visage est, aussi, le mien; dont les
hommes et les femmes ont mon âme et parce que leur avenir
est plus menacé que le mien. Au nom, également, d'une vérité
et d'une exigence qui sont les miennes ; au nom , enfin, d'une
inquiétude accrue et d'une conviction, que je ne saurais tota-
lement exprimer, mais qui se résume à c~ci :Jamais la blessure
ne gulrira la blessure. Conscient, néanmoins, de la fragilité de
cette parole; attentif, seulement, à son tremblement ; parole
ne prenant appui que sur elle-même et qui ne peut ni s'im-
poser ni contraindre mais qui pourrait convaincre, si elle était
écoutée.
« Souscrire, d 'avance, à la politique du gouvernement e n
place de l'État hébreu, n'est-ce pas réduire, chaque fois, l'image
du pays à celle de sa politique du moment?
'' Et si, dans mon for intérieur, je pense que cette politique
est détestable, dangereuse, néfaste, pour cet État, dois-je me
taire?
« Me taire, au nom de quoi?
«Me taire serait, d'une certaine manière, approuver, par
mon silence, ce qui me heurte et me révolte; ce, au surplus,
que je dénonce et condamne ailleurs.
<< Et ce serait une trahison.
"Une parole solitaire ne dit, d'abord, que la solitude dans
laquelle elle se débat.
« Mais si cette parole est celle qui sauve; intime parole, à
la fois , de douleur et de raison ; parole d'appel? Alors, que
cet appel, privé d'échos, rejoigne celui de ces lucides militants,
groupés autour de deux mots solaires :justice et Paix.
« Deux mots, dépendants l'un de l'autre, comme les d e ux
37
battants d'une même porte. Puissent Israéliens et Palestiniens,
ensemble, ouvrir largement cette porte, pour y laisser entrer
le jour.
« Simplifier le discours.
<<L'axer sur l'essentiel.
«La force est une dangereuse illusion. L'oublier, c'est refu-
ser de regarder la réalité en face.
«À quelle réalité fais-je allusion? À celle qui déchire un
pays sans espérance mais qui, pour sa survie, continue d'es-
pérer.
<<Que les Palestiniens, unis derrière le porte-parole de leur
choix, se fassent entendre, par sa voix autorisée. Que les
Palestiniens qui n'ont pas de porte-parole se fassent entendre
par leurs blessures. Que les Israéliens qui savent qu'il n'y a,
pour eux, d'issue que dans le dialogue, se mobilisent.
« Sans appréhensions ni détours.
<<Avant qu'il ne soit trop tard.
«Celui qui accepte le dialogue n 'est plus un ennemi.
«La chance de tout dialogue est dans le dialogue même .
« Ne le perdons pas de vue.
<<Notre responsabilité nous le dicte.»
ARC-EN-CIEL, I
39
Hospitalité, bel arc-en-ciel,
avec tes sept couleurs légendaires.
Soleil et pluie, rires et pleurs.
Immense élan d'amour et de lumière.
La terre est liée à la terre.
Le plus clair aveu est transparent.
40
Une mouc he a autant de mal à mourir qu'un tout puissant
seigneur.
41
Ils prétendaient servir Dieu et mettaient Dieu à leur service.
Et le sage dit:
« La vérité n 'est pas à éc lipses.
<< jérusalem défigurée.
«Entre l'homme et l'homme, se dissimulent les tranchées
de l'obscure et sourde malédiction, enve rs creusé de l'hos-
pitalité. »
42
Limpide est l'extrême lieu: aérien.
Dans les airs, l'oiseau enivré ne fait confiance qu'à ses ailes.
43
Et il ajoutait: « L'âme, a ussi , se nourrit de fruits. "
Main tendue.
Le jour se lève .
44
Maître - dit Je disciple - . Ma question est impertin e nte .
j'ai. par co nséquent , du scru pule à la formuler.
Qu'est-ce qu ' un sage?
- Le sage est celui qui so uti ent que Je Tout est d ans Je Rien
e t que le Rien est une question.
On ne sait rien qui ne so it, d'abord, savoir illusoire de ce
Ri en .
Pour a voir, par exemple, une image du grain de sable. il
te faut, au préalable, te pencher su,._ tous les autres grains
desquels on ne le distingue plus; t 'attaquer à l' e nse mbl e -
un e poignée- pour te nte r , e n vain, de l'isoler.
45
Ils s'étaient, leur vie durant, épiés: c 'est pour cela yu ' ils ne
se reconnaissa ient pas.
Lin éch a nge d e véri tés n' e st q u' un échan ge d e convi ctions
contestées ou , au cont.ra ire , tra nsformées, pe u à pe u, e n
allian ces.
46
Pourquoi nous efforcer de persuader la mort de ne pas
nous faire mourir quand nous savons, d'avance, que nous
mourons sans elle.
47
Un rien?
Un livre?
-Que me reproches-tu?
51
-Aujourd'hui, la tienne.
-Enfin, tu avoues.
- Ne la partageons-nous pas?
- Nullement.
Tu l'as apprise. C'est tout.
Moi, je suis né avec.
52
-Tu ne peux revendiquer le passé de ma langue.
-Ils auraient pu, tout aussi bien, être mots d'une autre
langue.
Quelque chose qui n'est pas là, va l' ê tre, grâce à moi. Tel
est le mira cle de la création.
Un signe invente un vocable et l' univers , soudain, se u ·ouve
co nfronté à lui-même .
55
Conflit sans merci. Deux forces égales en présence.
Aussi redoutables, l'un e que l'autre.
56
«Le mot m'a conduit patiemment au livre. Le judaïsme
m'a familiarisé avec celui-ci», disait-il.
Je n'écris pas.
Je m'obstine.
59
Tous les livres, dans leur précarité, sont livres de nos mor-
telles faiblesses.
60
s'adressait à un absent, si proche de moi-même, que Je me
prends, souvent, pour lui.
Et la question est, simplement, celle-ci : "Jusqu'à quel point
sommes-nous, l'un et l'autre, l'un pour l'autre, la mort?»
La mort de l'un et de l'autre?
Question insensée, je vous le concède.
Mais sait-on jamais où et quand s'achève une vie? Et qu'est-
ce qui, sournoisement, se prépare à l'achever?
Qu'importe. Vous êtes là. Vous êtes mon invité. Il n'est pas
dans mon intention de vous importuner ni d'abuser de votre
crédulité. "
Soyez le bienvenu.
Acceptez, sans contrepartie, mon hospitalité.
61
On ne lit que sa propre lecture.
S'individualiser.
65
<< Ève et Adam se prirent , alors, à rêver d'un univers à leur
dimension . Il faisait nuit.
« Ils levèrent les yeux et découvrirent le cie l. Et, dans le
cie l constellé, une étoile proche qu ' Adam surnomma l 'ftoilr
dr l 'ichappù.
<< Son étoile."
Tel est le récit qu'un sage fit, une fois, à ses disciples.
66
<<T'intéresses-Tu si peu à moi?»
Et Dieu aurait, sans conteste, répondu :
<<Ingrates créatures. Vous m'accusez de faillir à mes devoirs
d'hôte. Sans bornes est l'hospitalité du Livre. Et vous ne vous
en êtes même pas douté. »
69
Le refus de la mort est, peut-être, l'affirmation du nom;
son avènement; mais nommer n'est-ce pas, également,
octroyer, à la mort, un nom?
- ... un nom à ce qui est? Une fois, déjà, qui fut?
'"
Le ciel, de loin, est ciel.
De près, il n'est plus rien.
Et le disciple dit :
«La question à Dieu est-e11e question à Dieu seul? »
Et le maître répondit: «Dieu change avec nous. Il a cessé
d'être Dieu avant d'exister, car Il n'existe que par nous. »
Et il ajouta : «Afin d 'être, chaque fois , l' invariable question
à l'infinie question à nous-mêmes. »
71
Tolérante absence. Originelle hospitalité.
Nul passe-droit.
La fatale fin.
72
dans le fer, comme un étonnement dans le diamant, comme
une langue dans le verre.
Ô paradoxe.
Dieu est crédible où Il ne peut être cru.
Dans sa cristalline absence.
73
Toute approche d e Dieu s'effectue sous le signe de l'indi -
cidablr.
Ici. l'instinct remplace la foi.
74
Et il ajouta: «Silence dans et hors du Livre. Les deux
tombeaux invisibles du prophète.»
75
Et le sage dit :
«Il connaissait mieux le ciel que la terre.
<<Le ciel , il le voyait toujours au-dessus de lui, tandis que,
de la terre, il ne connaissait qu'une infime partie. Et cette
toute petite partie connue de lui, ne ressemble, hélas, qu'à
elle-même. "
76
Lui-même, pourtant, étranger à la chose à laquelle je pense.
-Triomphe de l'étrangeté.
Dieu est-Il tout ce qu'Il n'est pas?
-Complexité de la relation.
-Toujours nous décevra le divin.
-Même dans l'émerveillement.
81
dans le cas où le mote ur de la voiture chauffe rait trop - il
faisait plus de cinqua nte degrés à l' ombre -, la planc he de
boi s et la toile métallique , e n cas d 'en lisement.
On nous a vait préve nus. La vague piste que nous suivions
n' était pas toujours visible. Nous risquions d e nous ensabler
à tout instant.
82
me n t. Le soir, on aurait vu les b r is de verre se métam o rph oser
e n d ia mants : « . .. comme des lunes na ines », disais-tu .
Ma is non . L'aigle , manifeste me nt, nous dédaign a it.
-La n uit était fraîche . Que l contraste. Nous gue tti o ns l' ho-
ri zon , atte ntifs au moindre bru it a mbiant.
U ne caravane, se dirigean t ve rs Suez, nous repé r era it cer-
tai ne me nt et se porterait à not re secours.
83
-Je m'en souviens.
La piste que nous suivions docilement nous rassurait.
Nous ne pouvions pas nous perdre.
84
- Deux jours plus tard, dans une voiture de l'armée, conduite
par un jeune soldat et mise à notre disposition par l'État-
Major, nous trouvant, à nouveau, devant son campement,
nous demandâmes à notre chauffeur de s'arrêter. Le temps
de saluer un ami.
À Suez, nous avions acheté, à son intention, une outre
remplie d'eau potable et quelques coupons de tissus de toile
bariolée pour sa famille.
li nous vit tout de suite et se dirigea vers nous pour nous
inviter à boire une tasse de thé. ..,
Pourquoi fit-il semblant de ne pas nous reconnaître?
Cette attitude nous parut anormale, nous heurta presque.
Quelle erreur! Nous n'avions pas, de toute évidence, assez
réfléchi sur ce qu'était l'hospitalité des bédouins.
Si notre hôte, nous avait reçu, en feignant de nous ignorer,
c'était pour marquer que nous restions, l'un et l'autre, à ses
yeux, les anonymes voyageurs qu'il lui fallait, au nom de
l'ancestrale hospitalité de sa tribu, honorer en tant que tels
car, autrement, notre visite improvisée aurait, rapidement,
fait figure d'éphémères retrouvailles.
Hospitalité, l'ultime voix
TOUTE CHOSE ÉGALE
89
eu besoin d e ta vie entière pou r r assembler un si petit nombre
d e m ots.
II
<< Rega rde les c hoses e n face. Par la force des choses , elles
t 'apparaîtront dans leur exemplarité», disait-il.
90
«Tout ce qw existe est, d'abord , inconcevable», di sait-il
encore.
« Les c hoses que tu imagines sont comme des carcels, é teints
jusqu' ic i, et que tu allumes. »
91
«Ne pas voir n'est, souvent, que la conséquence d'une
ancienne exclusive prononcée contre le mystère ; le formel
interdit de tout voir, auquel nous avons innocemment sous-
crit. »
93
« Inextricables derniers instants.
<<Ô fardeau du Rien que le Rien dénonce.>>
La terre se rapetisse.
Les hommes se rapetissent.
«Ce qui, chaque jour, nous tue- disait un sage- n'est pas
la mort mais la vie avilissante.
« Avilie. »
Incendiez le grain.
Enterrez le pain.
94
J'ai fait ce rêve. J'étais à la recherche d'une feuille de papier.
Une phrase rn' obsédait et je voulais la noter. J'écrivais, cepen-
dant que je n'avais pas de papier. Je souffrais de ne pas écrire
et j'écrivais cette souffrance.
Sur quoi, écrivais-je? Je ne saurais le dire. j'écrivais que je
ne savais pas sur quoi j'écrivais. J'écrivais même que je ne
savais pas si j'écrivais.
«Tu crois écrire- me dit un visiteur qui m'observait, depuis
quelque temps, sans que je m'en aperçoive-. Tu as, déjà,
tout écrit puis tout oublié. »
C'est, sans doute, cela, pensai-je. J'écris ~ur l'oubli ou, plu-
tôt, j'écris l'oubli et, au fur et à mesure, j'oublie ce que j'écris.
Qui lira ce qui n'est pas à lire? Je lis pour chaque lecteur,
ingratement frustré. Je lis pour tous.
Et ma lecture est un appel désespéré.
95
Le livre se détourne de son ne le
croit.
Ce
dr non-rrtour.
«Ombre
99
Je me suis appliqué à circonscrire le réel et l'irréel; l'absence
et la présence; la vie et la mort, le mot et le silence.
j'ai élargi le dialogue et défini le partage.
j'ai fait le point.
Se taire . Se terrer.
101
<< L'aurore n 'est pas l'adieu- avait-il noté-; mais tout adieu
est l' é blouissante audace d'une aurore.,
Et le sage dit :
«À Dieu, le fardeau du Tout.
<<À l'homme, la part du peu.))
"
Où? Quand? Pourquoi? 11
Où? 13
Un nouveau seuil 15
Quand? 17
L'attente 19
Pourquoi? 25
L'appel 27
Un jour de vie 33
Arc-en-ciel, I 39
L 'hospitalité de la langue 49
Arc-en-ciel, II 55
L'anonymat 59
L 'hospitalité divine 63
Arc-en-ciel, III 69
Arc-en-ciel, IV 71
L'hospitalité nomade 79
Hospitalité, l'ultime voix 87
Toute chose égale 89
Arc-en-ciel, V 93
Un espace pour l'adieu 97
L'adieu 101
Œuvres d'Edmond Jabès (suite)
Le L,ivre de l'Hospitalité
E. J.
!
1
1
1
L----------------------------------