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Tendances

Évolution des séances d’EPS de 1965


à nos jours : quelques tendances

Jacqueline Marsenach

propos de l’histoire contraintes d’un découpa-

A des disciplines
scolaires.
L’histoire de la discipline d’en-
ge horaire très strict, néces-
sité d’apprentissages bien
ciblés et évaluables, grou-
seignement « EPS » ne peut pes hétérogènes de niveau.
se limiter à l’histoire des tex- Quelques éléments du
tes institutionnels ou à celle contexte : que nous limi-
des discours de spécialistes terons volontairement au
dont la fonction consiste à contexte « sport » et
faire des propositions pour « éducation physique » ;
l’enseignement. A. Chervel et ● le contexte général est
le service d’histoire de l’édu- très favorable au sport :
cation de l’INRP affirment, l’explosion des effectifs des
depuis de longues années, fédérations olympiques (à
que : « ce sont les maîtres et titre d’exemple la fédéra-
les élèves qui, par un patient tion française de football est
et incessant dialogue dans passée durant cette pério-
des milliers de classes, met- de de 380 000 licenciée à
tent au point, affinent, per- 1962 : Bois-Colombes, collège-lycée Albert Camus, initiation collective 602 000) est telle que l’on
fectionnent la discipline qu’ils à la perche. peut parler « d’âge d’or des
enseignent »1. Remarquons sports olympiques » ;
que de ce point de vue, en EPS, l’histoire tions qui peuvent, dans leur ensemble ● la parution des IO de 1967 qui préci-
de la discipline reste à faire. ou séparément se retrouver dans les sent que « parmi toutes les activités
Aller au plus près des pratiques ensei- séances de tel enseignant concret ; physiques, le sport doit, dans la majori-
gnantes effectives est une opération c’est dire que nous mettons en garde té des cas, tenir la plus grande place ».
coûteuse en temps ; la constitution d’un contre la recherche de convergences Les objectifs les plus couramment
échantillon représentatif est redoutable complètes entre l’ensemble des traits mis annoncés par les enseignants : deux
; quant à l’analyse, souvent qualitative, en évidence et ce que chaque ensei- types d’objectifs reviennent avec cons-
elle est toujours confrontée à l’implica- gnant-lecteur considère qu’il faisait à tance dans l’expression des intentions
tion forte de ceux qui la conduisent. (On l’époque. des enseignants :
trouvera en encart p. 28, l’explicitation ● Une « tendance centrale » : les traits ● le développement d’une aptitude au
des matériaux que nous avons analysés). mis en évidence sont ceux , à notre avis, changement qui se concrétise quel-
qui caractérisent la majorité, mais pas la quefois à partir d’une vision plus ou
A propos de quelques unes de nos totalité des séances à un moment donné. moins précise de l’homme de demain ;2
positions. Chaque période voit coexister (c’est, en lla socialisation, conçue comme la capa-
● Des périodes de 10 ans environ : tout cas, l’hypothèse que nous faisons) cité de prendre des initiatives et à assu-
considérant que le changement des pra- les tendances mises en évidence mais rer des responsabilités dans un groupe.
tiques enseignantes est un lent proces- aussi autre chose : présence de ten- L’ o r g a n i s a t i o n d e s p r a t i q u e s
sus d’innovations, de routines, de tâton- dances caractéristiques de l’époque scolaires :
nements à l’opposé de « on efface tout précédente ou de la suivante ou traits ● rappelons que l’arrêté du 3/07/1969
et on reconstruit tout », nous avons caractéristiques de problématiques fixe à 5 h l’horaire EPS pour l’ensemble
adopté la règle d’un découpage en alternatives. du second degré mais qu’en réalité les
décennies ; 10 ans semblant nécessai- collèges n’accordent, en moyenne ✒
res pour repérer des changements nota- 1ère période autour de 1965
bles. Chaque période sera identifiée par
une date approximative que l’on doit Scolariser les pratiques sportives
considérer comme couvrant une pério- pour les rendre compatibles avec les
1. A. Chervel « sur l’histoire des disciplines
de de 10 ans : 5 ans environ avant et 5 exigences scolaires. L’utilisation d’ac- scolaires » in « actions et recherches pour
ans environ après. tivités sportives dans la séance d’EPS a transformer l’école », Paris, INRP, 1986.
imposé de les adapter aux contraintes 2. On peut y voir l’influence du colloque
● Des traits caractéristiques et non de l’école ; rappelons quelques-une d’Amiens : « Pour une école nouvelle »
des séances-types : les faits que nous d’entre elles : obligation de présence, pas Association d’étude pour l’expansion de la
présentons ne sont que des orienta- de choix de la discipline pratiquée, recherche scientifique, Paris, Dunod, 1969.

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sieurs cycles dans l’année scolaire.


Nous proposons d’appeler ce type de
cycle : cycle de pratiques.
Le règlement sportif est important car
il est significatif d’une adaptation à
l’hétérogénéité de la classe. La classe
est divisée en 2 clubs sensiblement de
même niveau ; chaque club comprend
deux équipes : l’équipe 1ère, les meilleurs
du moment, l’équipe réserve, les « retar-
dataires » du moment avec des possi-
bilités constantes de changement
d’équipe en fonction de l’évolution de
chacun.
Les contenus :
leur formulation emprunte au vocabulaire
technique en cours : par exemple
apprentissage du service, apprentissa-
ge de la roulade.
Ils sont déterminés par l’observation des
compétitions et par la détermination du
pas en avant possible ; ce dernier prend
forme par la recherche dans la tech-
1964 : maîtrise de l’engin, maîtrise du corps, Justin Teissié. nique du sport considéré de ce qui
semble pertinent pour les élèves. Cette
✒ qu’1 h 1/2 à l’EPS, l’horaire lycées étant orientation, louable en elle-même, s’est
un peu plus élevé. heurtée aux analyses techniques dispo-
● Les activités sportives les plus fré- nibles à l’époque, fortement marquées
quemment pratiquées sont : l’athlétisme, par « le technicisme »4. On note cepen-
la gymnastique, les sports collectifs (sur- dant dans les situations proposées aux
tout ceux de petits terrains) ; la natation élèves, l’entrée en force de la nécessité
s’est développée plus tard avec l’ac- d’éduquer les élèves au plan de l’activi-
croissement du nombre de piscines. té perceptive (influence probable des
● L’organisation par cycle s’est pro- travaux de J. Le Boulch) et dépasser ainsi
gressivement imposée 3. Proposée par le seul perfectionnement des facteurs
les sports collectifs, elle s’est étendue d’exécution.
à l’athlétisme et à la gymnastique. Les situations pédagogiques : l’objectif
Ce type d’organisation a pour but « de de rechercher « une aptitude au chan-
reconstituer l’essentiel de l’organisation gement » incite à mettre les élèves en
sportive » c’est à dire une alternance situation de pratique « régulées » par
d’entraînements (moments d’appren- les interventions de l’enseignant. Nous
tissage) et de compétitions. Dans les avons ultérieurement qualifié cette façon
pratiques, les cycles courants sont de de faire de « pédagogie des réalisations
13 h à 20 h (selon la durée de la séan- corrigées » ; le contenu des « correc-
ce) répartis en 4 séances de compéti- tions » reste, cependant très imprégné
tions et 6 séances d’entraînements des normes techniques telles que défi-
(C-E-E-C-E-E-C-E-E-C). Remarquer que nies par le technicisme.
le nombre d’activités pratiquées étant res- Cette tendance pédagogique tranche
treint, une même activité bénéficie de plu- avec l’attitude adoptée pendant les
séances de compétition qui sollicitent
une implication importante des élèves
dans l’organisation, l’arbitrage, le mana-
1ère période : préparations de séances de 10 enseignants, articles gérat, l’observation.
d’enseignants faisant référence à leur pratiques et parus essentiellement dans
la revue Éducation physique et Sport. Une autre problématique : certains
2e période : 30 séances collèges enregistrées en 1980, 30 séances collè- collègues5, soucieux du manque de
ges enregistrées en 1983, analyse de 33 projets EPS recueillis en 1983. cohérence pour l’élève, conséquence du
Articles de la revue EPS. passage d’un cycle à un autre, s’inspi-
3e période : 90 situations dites d’incident critique didactique extraites de rent des travaux de J.Teissié pour pro-
séances enregistrées en 1989. poser des « leçons » organisées « suivant
4e période : les revues Contre Pied et particulièrement les N°8 et 16. quatre formes d’expression corporelle :
« la maîtrise des déplacements, la maî-
Les photos qui illustrent ce dossier sont extraites de « Images de 150 trise du corps propre, celle des engins
ans d’EPS » Jean Zoro, éditions AEEPS. Avec l’autorisation de l’auteur et de l’opposition ». Par exemple, autour
que nous remercions vivement. de la forme d’expression : maîtrise des
déplacements, il est enseigné, en 3e, l’in-
dépendance des segments, la ligne

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fonctionnelle d’impulsion et il est recher- pouvait progresser à son rythme (grou-


ché une musculation généralisée et orien- pes de niveaux), et dans la notation,
tée. L’auteur précise qu’il tente d’opé- le travail et les progrès étaient valori-
rationnaliser, dans ses propositions, sés.
« l’hypothèse du transfert des habitudes Statut de l’EP
motrices ». Si au cours des premiers conseils de
Des extraits du témoignage 6 de Mado classe au Puy j’ai été plutôt discrète
Portes, nommée en 1961 au lycée clas- et observatrice, j’ai pris progressive-
sique du Puy, puis en 1964 à la cité ment de l’assurance à Sète. J’ai ainsi
technique Joliot-Curie de Sète donnent pu mettre en évidence des aspects de
vie à cette période. la personnalité des élèves ignorés des
« Bien que les établissements soient autres collègues et par là même impo-
très différents, les horaires d’EP étaient ser l’utilité de l’EP auprès de l’en-
sensiblement les mêmes : 2 h + 3 h de semble de mes partenaires en édu-
« plein air » au Puy et 2x2 h à Sète. cation. En outre j’ai pris soin de per-
Les installations, convenables au Puy sonnaliser les appréciations portées
–plateaux à proximité du lycée et stade sur les bulletins scolaires espérant
plus éloigné –, étaient très satisfai- ainsi accrocher l’intérêt des familles.
santes ; à Sète – gymnase C, piste Les actions entreprises avec d’autres
d’athlétisme en cendrée de 333 m, collègues de l’équipe qui s’était renou-
terrain stabilisé de foot et plateaux de velée et étoffée dans le cadre du foyer
basket et de hand intra muros, pisci- socio-éducatif ou de
ne à 400m –. Là, les pratiques se la fête du lycée, ont
déroulant dans l’établissement, nous encore renforcé le
« vivions la discipline » au milieu des statut de l’EP dans
autres enseignements, fréquentions l’établissement, voire
la salle des professeurs ; les membres dans la ville ».
de la communauté scolaire nous
voyaient agir. Tout ceci a contribué à 2e période : autour
l’intégration rapide de l’EP dans la vie de 1975
communautaire ».
L’organisation du travail. Diversifier les activi-
Si au Puy il existait un début de répar- tés pratiquées pour
tition des installations et une associa- que chaque élève
tion sportive solide, il n’en était pas de trouve une voie de
même à Sète où il a fallu convaincre réussite.
les collègues déjà en place de l’utilité Le contexte est carac-
d’un planning d’utilisation facilitant la térisé par l’émergence
planification du travail de chacun de de deux tendances 1970 : Strasbourg, classe
nous… Les réticences ne manquaient lourdes : l’écologie et le corps. G. de première en gymnastique.
pas et les frictions furent rudes. Vigarello note un changement profond
Le contenu des séances. des mentalités sous la pression de la cri-
Si je me réfère aux rapports d’inspec- tique du progrès technico-économique
tions établis en 1963 et 1965, mes et de l’émergence de l’écologie 7 .
séances étaient conformes aux IO de Notons encore l’impact d’un numéro
1959 : une partie « construite » et une de la revue Esprit : « l’éducation phy-
partie « fonctionnelle ». L’inspection sique » dans lequel on peut lire, dès l’in-
suivante en 1967 porte sur une séan- troduction : « l’EP est depuis longtemps
ce d’initiation au basket comprenant envahie par les pratiques sportives…
un échauffement, un apprentissage Mais n’est-ce pas privilégier trop exclu-
technique et un match. sivement la dimension technique du 3. Des colloques de Vichy (1964-1965) au
A partir de cette époque j’ai travaillé par corps dans une perspective de maîtri- stage de l’amicale, ENSEPS, 16-25 sep-
tembre 1965, revue EPS,n°78, janvier 1966.
cycle de 6/8 séances successives se compétitive dans laquelle l’idéologie
4. Les innovations tentées, dans ce domaine,
dans la même APS, renouvelables sur sociale n’est pas toujours absente » ? 8 notamment aux stages M. Baquet, étaient
deux ans au moins. Ma connaissan- L’état d’esprit des enseignants encore inabouties. Voir : Les stages Maurice
ce des APS me permettait de tenir la d’EPS : il nous semble intéressant Baquet, 1965-1975, L’Harmattan, 2004.
distance. d’évoquer, ici, les résultats d’un impor- 5. R. Molières : « un plan annuel : essai de
Ma méthode d’enseignement était tant questionnaire réalisé par les respon- contribution à l’étude du transfert », revue
celle reconnue alors comme effica- sables FPC de l’académie de Grenoble. EPS, n°76, juillet, 1965.
ce : transmission d’un modèle d’effec- (388 réponses recueillies), parce qu’à 6. Les témoignages des collègues qui ont bien
tuation par démonstration, imitation, nos yeux significatif de l’état d’esprit de voulu répondre à notre demande, sont consul-
correction des réalisations des élèves l’époque. tables, dans leur intégralité sur le site Internet
du Centre.
pour les rapprocher du modèle. Il m’ar- Les enseignants d’EPS souhaitent : 7. G. Vigarello, « d’une nature à l’autre » in C.
rivait fréquemment de jouer avec les ● un élargissement de la programmation Pociello, Sports et Société, Paris, Vigot,
élèves. Compétitions, performances des APS avec l’entrée des APPN et de 1981.
tenaient une grande place dans les l’expression corporelle, 8. Esprit, « l’éducation physique », n°5, mai
séances. Néanmoins chaque élève ● la mise en œuvre d’une pédagogie ✒ 1975.

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Tendances

✒ résolument active avec la valorisation Les situations pédagogiques peuvent


des initiatives et de la créativité des être classées en, situations facilitantes,
élèves, situations « lâches » destinées à per-
● la prise en compte de la dimension mettre aux élèves des explorations quel-
émotionnelle de l’activité dans les pra- quefois tous azimuts associées à des
tiques sportives. La « classification » de situations contraignantes. Pourquoi
B. Jeu est, ici, fréquemment évoquée qui contraignantes ? Parce qu’elles confron-
distingue l’épreuve (activités comportant tent les élèves à un milieu souvent
un risque), la perfor- sophistiqué (de ce point de vue, on peut
mance (activités orien- dire que les interventions de l’ensei-
tées vers le dépasse- gnant passent désormais par le milieu).
ment de ses propres Une dernière caractéristique : la variété
limites) et la compéti- des situations proposées comme si vivre
tion où à chances éga- des expériences nombreuses et variées
les on lutte pour l’iné- était plus important que d’apprendre
galité du résultat. au sens de chercher véritablement à se
Ces réponses à des transformer.
questions précises
susceptibles d’être Une autre problématique pousse très
quantifiées sont signi- loin les tendances déjà repérées. Elle
ficatives du problème s’illustre par les propositions d’une
majeur rencontré par équipe d’enseignants d’EPS 9. A partir
les enseignants dans d’intentions éducatives clairement
les classes : « com- annoncées : importance de l’expérien-
ment faire réussir tous ce personnelle, déconditionnement d’un
les élèves », « com- cadre social rigide, l’organisation se fait
ment homogénéiser à partir de la combinaison de 3 types
des niveaux très dispa- d’activités :
rates, conséquence, ● fondamentales : EP généralisée, mise
1978 : Montpellier, football, dans la plupart des cas en condition physique (4 séances) ;
maîtrise du dribble. de pratiques extra-scolaires » ? ● ludiques (FB multi-ballons, mini-tennis)
Comment cela se traduit-il dans les ou de découverte (rinck-hockey, cyclo-
pratiques ? tourisme par exemple) : 2 séances ;
L’organisation des pratiques scolaires : ● sportives (4 séances).
● l’horaire réel consacré à l’EPS s’établit On trouve aussi, à la fin de cette pério-
à 2 h 20 environ bien que l’arrêté Haby du de une réflexion autour de la « pédago-
18/03/77 le fixe à 3 h semaine ; gie par objectif » (réflexion qui s’est
● les APS programmées : on assiste à surtout développée dans le cadre
un élargissement considérable des APS d’actions de formation professionnelle
pratiquées (que nous interprétons et continue). La PPO en EPS a donné
comme le moyen de permettre à chaque lieu à des réalisations inégales et peu
élève de trouver une voie de réussite) : homogènes. Le sens de ces tentatives
hockey, GRS, course d’orientation, est de relier des objectifs éducatifs géné-
cyclisme, natation synchronisée, expres- raux et les exigences techniques de telle
sion corporelle etc. En outre, certains ou telle APS. Par exemple, à partir d’un
grands jeux sont réactivés. objectif général comme : développer les
Cette programmation axée sur la diver- capacités d’adaptation intelligente à
sité a pour conséquence des cycles différents problèmes, on tente de traduire
plus courts, avec la disparition progres- cette visée générale en objectifs com-
sive des séances de compétitions inter- portementaux, aux plans affectifs, cognitif
médiaires. Nous dirions volontiers que le et moteur, pour chacune des APS
cycle change de nature ; il s’agît plus de pratiquées 10.
cycles de sensibilisation que de cycles Des extraits du témoignage d’Alain
permettant, comme c’était le cas aupa- Catteau donnent une idée des préoc-
ravant, de vivre une pratique sportive cupations d’un jeune enseignant, nourri
« sociale » dans sa complexité, avec ses des innovations de l’époque :
9. M. Missoum, P .Passe : « vers une péda- rôles sociaux et sollicitant l’activité des « J’ai été nommé en septembre 1973,
gogie de l’autonomie », revue EPS, n°157, élèves dans toutes ses facettes. au collège d’enseignement secon-
1979. Les contenus et les situations daire de Champagne-sur-Seine en
10. J. Marsenach : « qu’est ce qu’un objec- pédagogiques : Seine et Marne, après trois années de
tif en éducation physique » in sous la direction les contenus sont plutôt formulés en formation en tant que fonctionnaire
de P. Arnaud et G. Broyer, « la psychopéda- stagiaire de la dernière promotion de
termes d’actions à réussir pour être
gogie des activités physiques et sportives »
Toulouse, Privat, 1985. efficace. Exemple en javelot : lancer en l’ENSEPS.
11. Nous disposons, pour cette période de position de double appui, exercer sur Je découvre Champagne-sur-Seine,
l’analyse d’un important corpus de séances l’engin la poussée la plus longue possi- petite ville organisée autour de l’usine
à laquelle on peut se reporter : J. Marsenach ble (dans les intentions, on dit vouloir Jeumont-Schneider et de son activité
(et al.), Éducation physique et sportive : quel prendre en compte des composantes de industrielle. En plein centre ville, le
enseignement ? Paris, INRP, 1991. l’activité des élèves affective, rationnelle). collège, petite structure, utilise les

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bâtiments de l’ancienne école élé- marquer une orientation forte de l’EPS ge, succession d’un certain nombre
mentaire. Pour l’EPS, nous traver- vers les contenus et les apprentissages : de séances centrées sur la même APS
sons la rue et trouvons un terrain assurer l’appropriation des pratiques (8 à 10 séances environ).
goudronné servant de plateau d’é- corporelles, développer les capacités Les contenus 11 : cette période est
volution, un terrain de hand-ball y est organiques, foncières et motrices, assu- marquée par une avancée significative
tracé, ce plateau est entouré de rer à chacun les connaissances concer- dans ce domaine.
quelques préfabriqués, l’un de ceux- nant l’entretien de ses potentialités et Traçons les orientations dominantes :
ci est mis à notre disposition. Espace l’organisation de sa vie physique aux ● la détermination d’une « situation de
couvert, on l’utilise comme vestiaire différents âges de son existence ; référence », c’est à dire une forme de
pour les élèves et parfois pour des ● une enquête menée par l’INSEP sur pratique de l’APS mise en perspective,
activités de gymnastique au sol. « les pratiques sportives des français » respectant les caractéristiques de l’ac-
L’équipe des enseignants est resser- qui aboutit à la conclusion que « la forme tivité mais adaptée au niveau des élèves,
rée autour d’un principal et de son est au centre des modes de vie et des ● le choix d’un certain nombre d’élé-
adjointe. Elle est composée pour une valeurs d’aujourd’hui » pour conclure ments à enseigner et donc l’élimination
part de PEGC, instituteurs qui ensei- que « se préoccuper de son corps, le de certains autres,
gnent désormais en collège, souvent maintenir en forme devient un devoir ● l’analyse des éléments choisis et la
deux disciplines, de professeurs certi- envers soi » ; détermination de « savoirs » plus limités
fiés, de professeurs-adjoints. En EPS, ● dans certaines académies et notam- qui, en général permettent de descen-
je suis accueilli par deux collègues ment dans l’académie de Lyon, l’explo- dre jusqu’aux conditions à remplir pour
professeurs-adjoints, un homme, une sion de la violence dans certains que l’action efficace soit possible.
femme. établissements focalise sur une problé- Les documents d’accompagnement
Si je me réfère à mon 1er rapport matique qui se généralisera à la période des programmes de 6e, 5e, 4e sont
d’inspection, je constate que l’inspec- suivante : comment endiguer ces phé- significatifs de cette démarche puisqu’ils
teur principal pédagogique, après sa nomènes ? La recherche des solutions donnent des indications sur : la situation
visite et son observation d’une séance se faisant souvent au détriment des de départ et les conditions de réalisation,
de handball, caractérise la démarche contenus. sur ce que font habituellement les élèves,
qu’il a observée dans ma séance sur ce qu’il y a à faire et sur qu’il y a à faire
de « maïeutique ». Ainsi je viserai à L’organisation des pratiques pour faire.
accoucher les esprits et les corps scolaires :
des élèves des pensées et des actions ● les horaires sont, depuis 81 de 3 h en Les situations d’apprentissage :
qu’ils possèdent sans le savoir. En collège et de 2 h en lycée ; dans les séances analysées, nous ren-
réalité, mes préoccupations premiè- ● les APS programmées : une importante controns surtout « une pédagogie de la
res étaient de faire pratiquer tous les
élèves, le plus de temps possible
dans la séance avec une adhésion
« intelligente ». J’étais éduqué alors au
constructivisme, nourri des écrits de
J. Piaget et H. Wallon et nous avions
fait la critique du technicisme. Sous
l’influence des Instructions officielles
de 1967, nous voulions faire une EPS
complète. J’ai souvenir aussi de l’im-
portance de la relation humaine avec
les élèves impliquant à la fois proximité
et distanciation, empathie et ferme-
té. Je redécouvre aujourd’hui sur mon
attestation de service de l’époque,
que les groupes qui m’étaient confiés
n’étaient composés que de garçons,
j’avais oublié ».

3e période : autour de 1985 1980 : Bois-Colombes, lycée Albert Camus, cycle volley-ball en 5e.

Des apprentissages scolaires enquête réalisée par la direction des redécouverte » que nous caractérisons
(évalués) communs à tous les élèves. lycées et collèges en 1989 sur la pro- ainsi :
Avec le rattachement de l’EPS à l’Édu- grammation dans les établissements ● l’enseignant tente de repérer dans les
cation nationale , le contexte se carac- scolaires montre un maintien de la pro- réalisations des élèves des comporte-
térise par : grammation des activités classiques : ments typiques ;
● l’ouverture d’un vaste chantier de athlétisme et les 3 sports collectifs de lil propose un emboîtement de situations
réflexion sur les contenus, les modalités petit terrain, une perte de vitesse de la établies à partir des étapes par lesquel-
d’évaluation et les programmes de l’EPS. gymnastique, une montée en force de la les passent les pratiquants pour atten-
Cette réflexion a un 1er aboutissement : danse, le tennis de table, le badminton, dre un niveau de réalisation plus élaboré ;
les IO des collèges (1985) et des lycées l’escalade, les activités de maintien et de ● l’intention annoncée est celle de
(1986). Rappelons encore que, dès développement du potentiel physique ; proposer aux élèves « des situations-
1983, l’EPS avait pris place dans le 1er ● la programmation en cycles d’activités problèmes ». L’analyse montre toute-
groupe d’épreuves au baccalauréat ; subsiste même si la nature même du fois que l’on se trouve devant une
● les objectifs des instructions de 1985 cycle se transforme une nouvelle fois ; il alternance de « situations larges » signi-
sont à rappeler tant ils nous paraissent s’agit en fait de cycles d’apprentissa- ficatives de ce que nous avons appelé ✒
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Tendances

boutissait pas toujours. Il fallait


travailler d’abord sur les attitudes et
les comportements.
La deuxième surprise fut créée par le
décalage entre l’accueil et la place
réelle de l’EPS dans l’établissement.
Il fallait se battre pour tout : avoir la
parole en conseil de classe, avoir les
horaires obligatoires en 4eet en 3e,
éviter les suppressions de poste...
être reconnu quoi ! Chaque fois que
l’on voulait organiser quelque chose,
l’administration mettait un frein : cela
nuisait au bon fonctionnement du
collège.
En 1985, l’IPR note « une volonté du
professeur de prendre en compte les
besoins des élèves, de les faire par-
ticiper à la construction et à l’évolu-
tion de l’activité pour passer ainsi à un
contenu formation ».L’affichage de
documents, l’aménagement du
milieu, l’introduction de consignes
orientées progressivement vers les
règles spécifiques et la recherche du
dialogue sous forme de questions-
réponses constituent des moyens
très bien adaptés aux objectifs recher-
1987 : Caen, lycée Marcel Pagnol, chorégraphie d’acro-sport. chés...» mais il me demande ensuite
d’organiser des séquences à domi-
nante plus technique permettant
✒ « la magie de la tâche », suivies par des de 13 h 30 à 15 h ; ce qui crée un trou l’acquisition des gestes fondamen-
situations contraignantes (définies pré- dans chaque emploi du temps pour taux.
cédemment). l’EPS. En effet une de nos bibles de travail
Ce moment a été très utilisé pour le fut le n°18 des annales du CRDP de
Une autre problématique se développe travail collectif (didactique des Clermont-ferrand (bulletin régional de
(aujourd’hui essentiellement dans le pre- activités, projet péda, préparation de liaison et d’informations des ensei-
mier degré) autour de M. Delaunay et de réunions...), moment d’échanges très gnants d’EPS).
l’académie de Nantes. Les propositions riches entre les 6 collèges. Je voudrais terminer par une anec-
faites en 1986 faisaient des pratiques Les installations sportives permet- dote vécue un vendredi soir lors du
d’APS des vecteurs pour la motivation tent l’enseignement de l’EPS dans cours de badminton. Une bande de
et des supports de l’intégration des des conditions correctes : un gym- jeunes extérieurs au collège a péné-
savoirs. Les contenus sont formulés en nase type C (séparé en 1/3 pour les tré de force dans le gymnase afin de
terme de : agrès et 2/3 pour les sports collectifs, voir leur petit frère disaient-ils. Après
● principes opérationnels, principes qui dommage le rideau était au milieu !), de longues négociations, j’ai réussi à
indiquent les opérations à mettre en un autre gymnase utilisable 2 1/2 les faire sortir. A la fin du cours, les
œuvre. Exemple : le principe de liaison journées par semaine, une petite salle élèves n’étaient pas très rassurés ; j’ai
course-impulsion qui peut être intégré à de judo, une petite salle de danse, donc vérifié qu’il n’y avait personne
partir d’APS comme l’athlétisme ou le un stade à 20 mn de marche avec un dehors. Ayant quand même quelques
VB ; retour en car et une piscine à 15 mn doutes, j’ai fait le tour du quartier en
● principes de gestion, proches de ce de marche avec un aller en car. voiture où j’ai récupéré quelques
que l’on appelle parfois les objectifs de Le premier souci rencontré fut de élèves dépités... sans leur blouson
méthode. Exemple : le principe d’éco- pouvoir gérer 2 activités sur 2 heu- ou sans leur montre. Et pourtant je
nomie des actions, le principe de perti- res de cours. J’étais toujours à la croyais que mes élèves étaient des
nence. course, regardant la montre, attendant durs !
le collègue qui devait libérer l’instal-
Dominique Lucas témoigne de son lation suivante. L’impression de faire 4e période : période actuelle
entrée dans l’E.N en 1983, dans un beaucoup d’activités mais rien de
collège du 91. bien finalement. L’école, lieu de transmission de valeurs
« Ce collège 900 dit « le haricot » Pendant les cours, le décalage fut et d’une « culture commune ».
m’accueille chaleureusement, première assez grand entre ce que j’avais ima- (Ne disposant pas, pour cette période
impression, l’équipe dirigeante est giné et ce que je vivais régulièrement. d’analyses de séances, nous nous
sympathique. Les tensions entre les 36 nationalités appuyons, pour notre analyse sur l’étu-
Les cours sont dispensés de 8 h 30 qui composaient l’effectif du collège de de deux numéro de Contre Pied, le
à 12 h 30 et de 14 h à 17 h. étaient nombreuses. Ma casquette de n°8 « Les profs de gym, entre résistan-
J’apprendrais rapidement par l’équi- prof d’EPS se transformait souvent en ce et interrogations » et le n°16 « Osons
pe EPS que les installations sportives flic, assistante sociale ou psycholo- la gym ». L’utilisation de ces matériaux
sont réservées aux écoles primaires gue. Le cours préparé et prévu n’a- a pour conséquence de focaliser sur les

32
Contre Pied n°17

innovations plutôt que sur les pratiques nisés dans la vie scolaire, mobilisant
majoritairement mises en œuvre. souvent l’équipe éducative de l’établis-
Le contexte est marqué par : sement dans son ensemble et dont le but
● une explosion de la littérature concer- est de poser « la communauté éducati-
nant les problèmes de l’école d’aujour- ve » en tant que telle, de faciliter l’inté-
d’hui : difficultés d’apprentissage des gration des élèves et surtout de porter
élèves pouvant aller jusqu’au renonce- certaines valeurs. Citons, en vrac, les
ment, violence, malaise des enseignants, inter-classes qui concluent un cycle
risques de « dérive » de certains éta- d’enseignement par une rencontre
blissements mais aussi éclatement de favorisant le « mélange » des classes et
l’homogénéité de l’institution scolaire, l’échange de savoirs acquis en classe,
sous la pression de ce que certains les cross contre la violence, contre le
auteurs appellent « l’école de la péri- sida, pour la solidarité avec…, les stages
phérie12 » qui s’adresse le plus souvent (par exemple par capitalisation de la 4e
à une population spécifique : les familles h 6e) et les journées d’intégration, les
des classes populaires marginalisées fêtes, kermesses et festivals qui impli-
parmi lesquelles les familles d’origine quent l’ensemble des disciplines : théâ-
immigrée sont largement sur-représen- tre, chorale, danse etc. L’articulation de
tées. La situation vécue dans certains ces évènements avec
établissements focalise les enseignants l’enseignement par cycle
sur la résolution de ces problèmes au peut faire problème ; il s’a-
détriment quelquefois des contenus git, en effet d’articuler des
d’enseignement ; finalités éducatives et des
● parallèlement, on assiste à une relan- valeurs à des problèmes
ce de l’opération « programmes » fina- de contenus d’ensei-
lisée en 1995 par la nécessité, pour les gnement, ce qui n’est ni
collèges « de se recentrer sur l’essentiel, automatique ni évident.
d’alléger pour préciser les savoir essen- Les cycles : pour les
tiels et d’étudier l’organisation des caractériser et les distin-
champs disciplinaires pour déterminer un guer des cycles de la
socle commun de connaissances et de période précédente, nous
compétences à transmettre ». les nommerions volon-
tiers : cycles d’appren-
L’organisation des pratiques tissage « réussis ». Le
scolaires : problème essentiel est
● les horaires sont de 3 h en collège sauf, celui de la durée consa-
pour les classes de 6e où il y a désormais crée aux apprentissages,
4 h semaine et de 2 h en lycées ; après la prise de cons-
● les APS pratiquées : en extrapolant cience qu’un « saupou-
les résultats de l’enquête réalisée par drage » (ou un zapping)
S. Deltour, IPR de l’académie de de pratiques avait pour
Grenoble13, on note une tendance à la conséquence le maintien
diminution du nombre d’heures consa- des élèves dans un statut
cré à la gymnastique (nous pensons de débutant (« l’éternel
que l’on peut étendre cette tendance aux débutant »). Des ensei-
APS « classiques ») au profit d’activités gnants optent pour l’allon-
physiques artistiques, d’activités de gement de la durée des
raquette et des APPN. A ce 1er constat, cycles : de 20 h à 40 h
on peut ajouter l’élargissement des réfé- (20 séances de 2 h). Au
rences vers le cirque et l’acro-sport. Les plan d’APS multi-activité
1992 : Choisy-le-Roi, collège Matisse,
arguments avancés par les enseignants comme la gymnastique, il y a une ten- escalade.
sont le caractère collectif de ces activi- dance à réduire la diversité pour se
tés ajouté à leur nouveauté et au fait qu’ consacrer à un agrès même si la pratique
elles permettent une certaine égalité multi-agrès reste la plus importante
filles/garçons. dans les données chiffrées fournies par
Les sollicitations permanentes des ensei- l’académie de Grenoble.
gnants pour construire la revue Contre
Pied nous ont placé, ces dernières Les contenus :
années devant l’existence, dans les éta- l’axe du questionnement, sur ce plan, est
blissements scolaires et à l’initiative des incontestablement la recherche d’une
profs de gym de ce que, faute d’une « culture commune » ; mais faute d’une
meilleure expression, nous proposons problématique pour la définir on est
d’appeler « des temps forts » signifi- actuellement placé devant une diversi-
catifs, d’après nous, de la volonté de té qui fait problème. Tentons cependant
transmission d’un certain nombre de de cerner quelques points qui pour-
valeurs (moyens pédagogiques de raient faire consensus : 12. Voir « la recherche ça peut servir ! »
répondre à la détérioration du tissu ● distinguer l’APS en tant que pratique Contre Pied n°14 « Noter : pour quoi faire ? »
scolaire). Ce sont des évènements, orga- sociale et l’activité qu’elle suscite ✒ 13. Contre Pied n°16 « Osons la gym ».

33
Tendances

● la mise à disposition des élèves de


fiches de travail présentant, dans la plu-
part des cas des niveaux différents de
réalisation par le moyen de schémas et
figurines.
● Une alternance assez fréquente entre
réalisations et temps d’observation et de
jugement.
On conviendra avec nous que ces cons-
tats sont banals. Ils sont la conséquence
d’un manque d’analyse fine d’un échan-
tillon représentatif de séances et plaident
pour la reprise de ce type de recherche
voire de la création d’un « observatoire »
de l’évolution des séances d’EPS. En
effet, on ne peut véritablement entrer
dans la logique d’enseignement/appren-
tissage que par un travail d’analyse en
profondeur.

Des extraits du témoignage d’Anna


Clavel, entrée en fonction en 2004, au
collège Blaise Pascal de Plaisir, permet
de se faire une idée sur les difficultés à
enseigner dans certains établissements.

Jean Texier
« Cet établissement est classé APV
depuis cette année et prévention vio-
lence.
Au niveau des installations, le bilan est
mitigé : le collège se situe certes à
côté d’un gymnase facile d’accès
mais qui ne possède que 2 salles et
✒ (la gymnastique et l’activité gymnique). donc peu de classes. Il y a 2 ans le
Insistons sur le fait que cette distinction grand gymnase qu’utilisait l’EPS a
est nécessaire pour la recherche d’une été brûlé et en attendant la recons-
articulation renouvelée ; truction d’un futur palais des sports,
● se livrer à une analyse de l’activité nous nous rendons sur des installa-
suscitée par la pratique de telle ou telle tions temporaires que nous appe-
APS. C’est ici, à notre avis que se trou- lons bulles. Il y a 3 salles, une de
ve le point d’achoppement actuel. Il se gymnastique et 2 de combat.
heurte, en effet, à des problématiques L’inconvénient est que nous ne pou-
théoriques encore en chantier et inha- vons entreposer notre matériel mais
bituelles ; surtout qu’il se situe à une demi-
● faire des choix, un double choix : le heure minimum de marche du collège
choix de la spécificité de telle APS, de et que sur une heure et demi de cours,
son originalité par rapport aux autres le temps de pratique effective avec les
car l’EPS en tant que discipline est fon- élèves est vraiment mince.
dée sur une pratique d’APS coordon- Au niveau matériel, il y a pas mal de
nées ; le choix des éléments techniques choses mais qui ont une durée de vie
susceptibles de confronter les élèves à éphémère car nous les partageons
cette originalité. Notons qu’à ce niveau avec le lycée, l’école ouverte… et
on se trouve encore face à des diffi- quelques associations et ce matériel
cultés faute de recherches techniques se retrouve rapidement dégradé. De
renouvelées. plus, en cette fin d’année on nous a
Les situations d’apprentissage 14 : volé nos battes de base-ball et notre
Par rapport à la période précédente, caméra numérique a disparu. Nous
deux tendances lourdes peuvent être avons donc du matériel intéressant
repérées, le renforcement d’une péda- mais pas toujours les moyens de
gogie du projet sollicitant l’autonomie et l’utiliser de façon intéressante. De
la responsabilité des élèves (mais peut- plus, nous n’avons pas de lieu de
être est-ce spécifique à la gym) ; une repli en cas d’intempéries, excepté
moindre implication directe de l’ensei- une salle du collège, car toutes les
gnant au profit de l’organisation du milieu. installations sont exploitées au
Concrètement cela se traduit par : maximum et pratiquement toujours
● un travail par ateliers (5 ou 6 postes occupées.
en moyenne) avec une durée moyenne Mais depuis plusieurs années l’équipe
de travail sur un atelier de 11’ ; se bat pour avoir de meilleures condi-

34
Contre Pied n°17

tions de travail et nous espérons Le premier est la difficulté de faire


qu’avec le palais des sports nos réussir tout le monde dans le temps
difficultés s’atténueront. qui me semblait (toujours) trop court.
L’équipe de l’établissement est Je me sentais ainsi en difficulté lors de
vraiment sympathique mais le dyna- la notation. J’avais l’impression de
misme est émoussé. Les enseignants noter plus mon travail (la pertinence
semblent fatigués des élèves, par- des démarches, de l’objet d’ensei-
fois un peu défaitistes voire fatalistes gnement, de l’outil d’évaluation…)
et le système des fiches de signale- que celui réalisé par mes élèves,
ment est très développé : il faut en comme si la relation entre mes pro-
remplir une à chaque difficulté avec un positions, mes interventions et la réus-
collégien. Et utiliser ce moyen comme site était linéaire et unidirectionnelle.
chantage auprès des élèves me gêne Cette problématique a bousculé mes
un peu. conceptions de l’EPS et m’a ques-
Je me faisais une autre idée des rela- tionné sur la contribution de la disci-
tions entre enseignant et élèves. Pour pline à une formation physique et
moi, il faut montrer de l’autorité pour sportive de tous les élèves.
se faire écouter mais il faut égale- Enfin le deuxième point est la place
ment tenir compte de leur vécu et des contraintes (de quelque nature
essayer de ne pas plaquer des exi- que ce soit) dans une éducation qui
gences « idéales » mais qui cor- se veut (et qui ne se prétend pas
respondent à leurs réalités. Les prin- encore) émancipatrice et humaniste.
cipes de respect sont immuables Comment concrètement au quotidien
mais savoir tenir compte de leur envi- se traduisent les grands discours ?
ronnement, de leur âge, de leur réali- Ces questions font que c’est finale-
té est également important. Aussi ment un certain souci de cohérence
j’essaie de leur faire sentir que je leur entre le dire et le faire qui anime mes
montre de l’intérêt, du respect, de la réflexions et ma pratique quotidiennes
confiance, qu’ils ne sont pas « bêtes », et que j’essaye de poursuivre
qu’ils ont un avenir… Mais il est vrai maintenant que je suis « plus armé »
que c’est plutôt difficile quand il n’y a de ma petite expérience de 5 ans
aucune réponse de leur part et aucun d’enseignement ».
retour ou évolution. Ce travail « dans
le vide » est très frustrant et les satis- Le processus de démocratisation
factions bien rares. Et l’idée des rela- dans les pratiques enseignantes.
tions que je pourrais entretenir avec L’évolution des séances est significative
eux est parfois très difficile à appliquer. de la démocratisation, au jour le jour
Car de leur côté, les efforts d’inves- des contenus de l’EPS. A condition de
tissement ne sont pas faits. se dégager d’un certain nombre de
J’ai vraiment l’impression de ne plus présupposés qui fonctionnent souvent
insister sur les contenus mais plus sur comme « allant de soi » :
les savoir-faire, ce qui est très différent l’illusion « finaliste » d’abord, qui consi-
de ce qu’on apprend en IUFM et en dère que les pratiques sont ordonnées
STAPS. Les satisfactions sont rares par rapport à un plan préétabli et par l’a-
ce qui rend parfois le travail un peu gencement des moyens par rapport à
frustrant. Aucun cours n’est prévisi- une fin clairement posée. Cette illusion
ble : selon l’état des élèves, la dispo- a pour conséquence de penser l’action
nibilité des installations etc. » comme téléguidée, commandée par
des fins qui existeraient comme des
Bruno Chaisy, entré dans la profession absolus, en dehors d’elle même.
en 2000, dans un collège de la Côte d’Or La tendance courante ensuiteconsiste à
pose d’autres types de problèmes. penser la théorie et la pratique dans un
« Je me suis retrouvé avec une équi- rapport vertical de cause à effet.
pe pédagogique dynamique qui faisait Les théories modernes de la connais-
de l’EPS un des piliers de la vie de sance pensent au contraire que théorie
l’établissement et une voie de réali- et pratique fonctionnent en circularité :
sation pour nombre d’élèves dans le faire provoque le connaître et réci-
ce collège. proquement et ceci en une spirale sans
Cette première année m’a amené de fin, les solutions engendrant de nou- 14. Rappelons notre source : l’enseignement
nombreuses satisfactions et m’a per- veaux problèmes. Les valeurs, les fins, des activités gymniques, tendances obser-
mis de participer à de nombreuses la théorie ne sont pas absentes pour vées dans les établissements de l’académie
autant. Plus ou moins conscientes, plus de Grenoble in Contre Pied n°16, « Osons
réalisations extrascolaires et dans le
la gym ».
cadre de l’EPS. ou moins élaborées, elles agissent 15. La notion de « recul réflexif » avançédans
Malgré ces aspects largement positifs, comme « une tendance » organisatrice les conceptions actuelles de la formation des
quelques points (plus particulièrement qui oriente les démarches de décou- enseignants, a justement pour objectif
deux) m’ont fortement questionné verte des solutions ; ces dernières contri- l’élucidation des présuposés de l’action et
ces premières années. buant à « mieux connaître »15. ✒ la relance de nouvelles tentatives en acte.

35
Tendances

ment accéder à la maîtrise des contenus les possibilités momentanées des élèves.
et former des citoyens c’est-à-dire des En outre, une conjonction de réflexions
individus autonomes, pleinement respon- et de productions (institutionnelle, INRP,
sables de leurs décisions ». FPC) a contribué à faire naître une effer-
L’analyse de l’évolution des séances vescence d’innovations. Notons toute-
entre 1965 et aujourd’hui montre que tel fois que la sophistication de certaines
ou tel levier est prioritairement manipu- propositions a pu poser pour les élèves
lé à telle période, qu’il permet d’obtenir des problèmes de sens ; les cycles que
certains résultats mais qu’il engendre nous avons qualifié « d’apprentissage »
aussi de nouveaux problèmes à résou- ont pu perdre la référence qui les finalisait
dre. c’est-à-dire la pratique d’une APS déter-
Autour de 1965, démocratiser a signi- minée avec toutes ses composantes.
fié faire accéder tous les élèves à des Cette dynamique se verra enfin freinée,
pratiques sportives ; pour cela une en fin de période, par la focalisation sur
πadaptation des pratiques sociales a l’évaluation et par les préoccupations
été nécessaire qui a pris forme dans les engendrées par l’apparition de phéno-
« cycles de pratique ». La délégation mènes de violence dans certains
aux élèves de l’organisation des com- établissements scolaires.
D. R.

pétitions, de l’arbitrage et la participation


à l’observation ont été une contribution La période actuelle est une période
à la formation d’individus responsables de questionnements généralisés.
✒ Quel processus de démocratisation voire citoyens. Contradictoirement avec On veut redonner du sens à l’EPS : en
en acte ? ces avancées notables, objets, contenus finalisant les enseignements par des
Démocratiser les contenus d’enseigne- d’enseignement et méthodes d’ap- motifs externes (sida, racisme etc.) ou en
ment, c’est d’abord faire accéder tous prentissage ont posé problème puisque recherchant, au cœur même des pra-
les élèves à ces contenus ; cet aspect nous écrivons que, malgré quelques tiques les raisons qui les ont fondées ?
quantitatif de la démocratisation, consub- tentatives novatrices, les normes tech- On veut que les élèves réussissent mais
stantiellement lié à la fonction ensei- niques issues de la haute performance réussissent quoi ? D’où le double pro-
gnante, est inséparable d’une définition de l’époque et un apprentissage fait de blème de la définition d’une culture com-
de la nature même des contenus : que corrections de ces écarts à la norme mune et de la durée des apprentissages.
peut-on entendre par : contenus démo- restent la règle. On conçoit, dès lors On veut que les élèves soient autonomes
cratiques ? que cette voie étroite pénalise certains dans leurs apprentissages (pédagogie
La formule : former des citoyens capa- élèves notamment les débutants, sans du projet) mais comment les préparer
bles de comprendre le monde dans pratique extra-scolaire. à entrer dans ce type de pédagogie ?
lequel ils vivent et capables d’agir sur lui Ne rencontre-t-on pas à nouveau un
résume ce que l’on trouve dans la plu- Autour de 1975, le levier essentiel de la problème de temps ?
part des IO ; par exemple, on lit dans les démocratisation est celui de l’élargis- Ce questionnement généralisé, ces ten-
IO de 1985, 1986 que les élèves doivent sement des APS pratiquées. Le contexte tatives parfois contradictoires, nous
« acquérir la culture nécessaire à leur vie, était, on l’a vu, favorable à l’entrée à paraissent significatives de la crise de
leur travail et leur existence de citoyens » l’école d’activités nouvelles moins stric- l’école dans une société elle-même en
que cette culture doit leur « permettre de tement codifiées, susceptibles de crise. Comment reconstruire une EPS
maîtriser les changements qui caracté- valoriser des investissements autres que mieux adaptée aux problèmes actuels
risent notre société et être capables de compétitifs. Les enseignants justifient sans remettre en cause les avancées et
choix éclairés ». aussi cet élargissement par la nécessi- les acquis d’une profession dynamique
Comment donner forme dans les pra- té de créer les conditions permettant à et inventive ? La période actuelle nous
tiques à ces intentions louables ? chaque élève de trouver une voie de semble être, à la fois celle de tous les
Les enseignants disposent de plusieurs réussite. possibles mais aussi de tous les dangers.
leviers : Mais les cycles que nous avons qualifiés Nous avons tenté de décrire le proces-
le levier des références : à quelles APS « de sensibilisation », la variété des situa- sus de démocratisation mis en œuvre par
va-t-on se référer ? En sachant que le tions plutôt finalisées pour permettre les enseignants dans leur classes. Sans
renouvellement des références, leur des expériences posent évidemment le cesse affiné, perfectionné au jour le jour,
modernisation s’impose pour éviter un problème de l’utilité scolaire de l’EPS. ce processus est significatif du rôle déter-
décalage trop grand entre les pratiques Peut-on se contenter à l’école de vivre minant des enseignants dans la cons-
scolaires et les pratiques sociales. des situations sans réellement se truction de leurs pratiques.
Le levier des objets et contenus. Que préoccuper de les maîtriser ? Cette Les injonctions institutionnelles donnent
va-t-on enseigner en référence à telle ou période a néanmoins contribué à « dé- une orientation politique mais on ne peut
telle APS ? Rappelons que l’enseigne- conditionner » par rapport aux formes « décréter » ce qui va se passer effecti-
ment secondaire français est encore traditionnelles de pratiques et ouvert la vement pendant l’horaire de l’EPS.
majoritairement un enseignement géné- voie à la période suivante que l’on peut L’institution peut, par contre favoriser, sti-
ral c’est-à-dire qu’il ne prépare pas direc- qualifier de résolument didactique. muler, la recherche active des solutions ;
tement à une profession mais qu’il la formation continue est l’un des leviers
dispense une culture préparatoire à une Autour de 1985, contenus et appren- privilégiés (voir, à ce propos et dans ce
multiplicité de possibles. D’où l’affirma- tissages ont été les leviers de la démo- numéro le dossier de la FPC dans l’a-
tion, maintes fois répétée que l’EPS ne cratisation : formes de pratiques adap- cadémie de Lyon de 1970 à 1995).
prépare pas à une carrière sportive mais tées au niveau des élèves, distinction Encore faut-il faire confiance aux ensei-
ouvre sur toutes les formes de pratiques. entre APS et activité des pratiquants, gnants et les considérer non comme
Le levier du projet d’apprentissage apprentissages par adaptation à des des fonctionnaires d’application mais
enfin. Ici, la question clé est : « com- milieux conçus en « écart optimal » avec comme de véritables professionnels ❏

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