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REPERES - IREM.

N° 88 - juillet 2012

APPROCHE PAR
COMPETENCES

Afaf MAnsour
université Libanaise
(Faculté de Pédagogie
et Faculté des sciences)

Résumé : Aujourd’hui un grand nombre de systèmes éducatifs sont engagés dans des réformes pla-
çant l’approche par compétences au cœur des curricula : En effet les responsables des programmes
estiment qu’il s’agit là d’une des meilleures approches connues pour répondre aux exigences et aux
défis de la société, tant sur le plan économique que social. L’objet de cet article est de dégager les
spécificités de cette approche et, son influence dans le monde de l’éducation. Notons que cette approche
est loin d’être stabilisée  : elle est comprise de plusieurs manières et traduite à travers un certain
nombre de variantes dans les curricula. Je mentionnerai les origines et les fondements théoriques avec
une explication des processus qui sont en œuvre, et des avancées qui ont été réalisées, de plus la dif-
férence entre approche par objectifs et approche par compétences sera faite au moyen d’une étude com-
parative, et finalement j’essaierai d’apporter quelques éléments de réponse sur la contribution du cours
de mathématique au développement des compétences demandées aux élèves.

Introduction

«Approche par compétence». Ces mots raissent dans les programmes avec la réforme
sont difficiles à définir de façon satisfaisante. associée au Socle commun de compétences. En
Tantôt ils désignent un point d’arrivée marqué Suisse romande, la question commence à être
par un niveau de haute performance, tantôt un débattue, à la fois parce que la révision des
processus dont le déroulement est ponctué par plans d’études coordonnés est à l’ordre du jour
des bilans d’évaluation. Les auteurs, même les et parce que l’évolution vers des cycles d’appren-
plus convaincus de la pertinence et de la néces- tissage exige la définition d’objectifs-noyaux
sité de transformer tous les programmes d’études ou d’objectifs de fin de cycle, souvent conçus
en socles de compétences, sont loin de s’entendre en termes de compétences 1. Notons ici que les
sur la définition de ce concept-clé. Au cours des
années 90, la notion de compétence a inspiré 1 Perrenoud, P., (1998). Construire des compétences, est-
une réécriture des programmes, plus ou moins ce tourner le dos aux savoirs ?, Faculté de psychologie et
radicale, au Québec, et en Belgique. En Fran- des sciences de l’éducation, Université de Genève, In
ce c’est vers l’an 2000 que les compétences appa- Résonances, Mensuel de l’école valaisanne, n°3, Dossier
«savoirs et compétences», p. 1.

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premiers pas du ministère de l’Éducation vers qu’on arrive à maîtriser parce qu’on dispo-
l’approche par compétences remontent à 1975, se à la fois des connaissances nécessaires et
lorsque la Direction générale de l’éducation de la capacité de les mobiliser à bon escient,
des adultes (DGEA) a reformulé les programmes en temps opportun, pour identifier et résoudre
par objectifs dans le cadre d’un projet de for- de vrais problèmes».
mation industrielle. Jusqu’en 1980, on utilise
un modèle de programmation basé sur les per- Perrenoud précise sa conception : «une
formances plutôt que sur les compétences. compétence permet de faire face à une situation
C’est dans le cadre d’une relance de la forma- complexe, de construire une réponse adaptée sans
tion professionnelle québécoise au secondaire la puiser dans un répertoire de réponses pré-
(MEQ, 1986) qu’on a mis en place le modèle programmées ».
d’élaboration axé sur les compétences en 1986.
Guy Le Boterf 4, spécialiste du développe-
Qu’est-ce qu’une compétence ? ment de compétences dans le monde du mana-
gement et de l’entreprise, considère dès 1948
La notion de compétence n’appartient pas que « la compétence ne réside pas dans les res-
d’abord au monde de l’école, mais au monde des sources (connaissances, capacités…) à mobi-
organisations, du travail, des interactions sociales. liser, mais dans la mobilisation même de ces res-
Elle ne devient une notion pédagogique qu’à par- sources. La compétence est de l’ordre du
tir du moment où on veut la construire délibé- savoir-mobiliser ».
rément, dans des situations de type didactique.
C’est une notion qui est loin d’être claire et Jacques Tardif 5, professeur au dépar-
distincte. De nombreux chercheurs s’y sont tement de pédagogie de l’université de
vivement intéressés, visant à la caractériser de Sherbrooke (Canada) considérait, dans la
manière effective afin d’examiner de quelle conférence du 27 Avril 2006, qu’ « une
manière elle peut structurer les programmes de compétence est un savoir–agir complexe pre-
formation, initiale ou professionnelle. nant appui sur la mobilisation et la combi-
naison efficaces d’une variété de ressources
En 1989, Philippe Meirieu 2 définissait déjà internes et externes à l’intérieur d’une
la compétence comme un « savoir identifié famille de situations ».
mettant en jeu une ou des capacités dans un champ
notionnel ou disciplinaire déterminé. Plus pré- La notion de ressources se réfère non seu-
cisément, on peut nommer compétence la capa- lement à l’ensemble des acquis scolaires de
cité d’associer une classe de problèmes préci- l’élève, mais aussi à ses expériences, à ses
sément identifiée avec un programme de habiletés, à ses intérêts, etc. A cela, que l’on pour-
traitement déterminé». rait qualifier de ressources internes ou person-
nelles, s’ajoutent une multitude de ressources
Pour le sociologue Philippe Perrenoud, 3 externes auxquelles l’élève peut faire appel,
« une compétence est une capacité d’action tels ses pairs, son professeur, les sources docu-
efficace face à une famille de situations, mentaires, etc.
2 Meirieu, P., (1991). Apprendre… oui mais comment ?, 4 Le Boterf, G., (1994). De la compétence. Essai sur un
Paris, ESF éditeur, 8° éd., p.181. attracteur étrange, Paris, Éditions d’organisation, p. 16.
3 Perrenoud, P., (1999). Construire des compétences dès 5 Tardif, J., (2006). «L’évaluation des compétences : de la
l’école, Paris, ESF éditeur, p. 79. nécessité de documenter un parcours de formation », p.14.

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Les idées de mobilisation et d’utilisation effi- dernières : cela inclut aussi des attitudes, des
caces suggèrent que le savoir-agir propre à la valeurs……; l’idée de famille de situations obli-
compétence dépasse le niveau du réflexe ou de ge à circonscrire l’étendue des situations dans
l’automatisme. Ce savoir-agir suppose, dans lesquelles une compétence donnée peut être
la poursuite d’un objectif un réel défi pour mise en œuvre.
l’élève, c’est-à-dire des situations qui entraînent
une remise en question de ses connaissances et Les définitions ci-dessus ne sont qu’un
de ses représentations personnelles. témoignage restreint de l’abondante littératu-
re centrée ces dernières années sur l’approche
De plus, Marc Romainville 6, professeur par compétences de la formation scolaire ou pro-
au département Education et Technologie de l’uni- fessionnelle. Elles montrent la complexité de
versité de Namur (Belgique) estime, lui, qu’ « une la notion, la difficulté de la cerner, et quelque-
compétence est un ensemble intégré et fonctionnel fois même l’ambiguïté des termes utilisés.
de savoirs, savoir-faire, savoir-être et savoir-deve-
nir, qui permettront, face à une catégorie de situa- Philippe Jonnaert 7 professeur à l’université
tions, de s’adapter, de résoudre des problèmes du Québec à Montréal (UQAM) et chercheur
et de réaliser des projets ». à l’Observatoire des réformes en éducation
(Oré) a ainsi montré récemment combien les
En effet, l’approche par compétences ren- conceptions de la compétence en éducation
voie à un type d’élaboration de programme sont fortement dépendantes :
d’études qui répond à des critères précis et qui — de la position épistémologique des auteurs :
suit une logique définie en fonction d’une selon que l’on adopte une posture de type
conception du processus d’apprentissage. Entre comportementaliste, ou cognitiviste, ou
autres, chaque programme est construit à par- encore constructiviste, on sera davantage
tir d’une esquisse des compétences visées dans attentif à l’adaptation du comportement
un domaine donné, lequel est élaboré à partir de l’élève à la situation d’étude en fonction
d’un corpus cohérent de compétences, déterminées des stimuli exercés sur lui, aux processus
par les formateurs et intervenants concernés, pour qu’il élabore pour connaître, comprendre
répondre notamment aux attentes du marché de et agir, ou encore aux stratégies de construc-
travail et de la société. L’idée de mobilisation tion des savoirs et compétences via les
et de combinaison efficaces rend chaque com- interactions de l’élève avec son environ-
pétence indissociable des contextes dans lesquels nement proche ;
elle est mise en œuvre ; l’idée d’un ensemble — de la conception de l’objet principal, du «
de ressources internes fait référence à des noyau dur » autour duquel s’articule la
connaissances, mais elle ne se limite pas à ces notion de compétence : l’élève, l’activité,
la situation, les connaissances;
6 Romainville, M., Bernaerdt, G., Delory, Ch., Gérard, A., — de la dynamique propre à la notion de com-
Leroy, A., L. Paquay, L., Rey, B., Wolfs, JL., (1998).
pétence : considérée comme un état (vision
«Réformes: à ceux qui s’interrogent sur les compétences
et leur évaluation», Forum pédagogie, p.22.
statique) ou comme un processus (vision
7 Jonnaert, P., Barrette, J., Masciotra, D., Yaya, M., (2006). évolutive) ;
La compétence comme organisateur des programmes de — de l’amplitude attribuée à la compétence :
formation revisitée, ou la nécessité de passer de ce concept fait-elle appel à des ressources internes
à celui de l’agir compétent. Genève : Bureau internatio- seulement, uniquement cognitives (de
nal de l’éducation, UNESCO.

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l’ordre des savoirs, savoir-faire ; souvent Plusieurs travaux se poursuivent dans ce


encore dénommées plus précisément en domaine sans parvenir à proposer des pistes de
psychologie cognitive sous les termes de réflexion et d’action qui répondent vraiment aux
connaissances déclaratives, procédurales ou attentes des intervenants sociaux et éducatifs.
conditionnelles), ou bien également de Le débat est encore très vif pour la raison toute
type sensorimotrices par exemple (coor- simple que la fonction éducative répond à une
dination gestuelle etc.), ou fait-elle égale- autre logique que celle de l’industrie.
ment appel à des ressources externes
(sociales, matérielles) ? L’école a pour mission de préparer le
— de la finalité que l’on donne à la compé- citoyen de demain sous toutes ses dimensions
tence : est-elle destinée à effectuer une (affective, cognitive et sociale) ; elle ne saurait
tâche particulière, à réaliser un traitement s’en tenir au seul aspect socio-économique.
réussi d’une situation ?
Dans le monde francophone, le mouve-
Ces différents points sont lourds de consé- ment de réforme pédagogique baptisé « approche
quences, en termes de conception des curricu- par compétences » a commencé par se développer
la et de description des programmes de formation, au Québec et en Suisse romande, avant de
comme d’évaluation des compétences des s’étendre à la Belgique, à Madagascar et, plus
élèves. timidement, en France. En Communauté fran-
çaise de Belgique, c’est le « décret missions »
Origines et fondements théoriques de juillet 1997 qui a donné le coup d’envoi de
la réforme. Il y était question d’amener tous les
L’approche par compétences s’est imposée élèves à s’approprier des savoirs et à acquérir
dans le monde de l’éducation d’abord aux Etats- des compétences qui les rendent aptes à apprendre
Unis, en Australie et ensuite en Europe. Le toute leur vie et à prendre une place dans la vie
Royaume-Uni, la Suisse et la Belgique ont été économique, sociale et culturelle. Ainsi se trou-
parmi les premiers pays à vouloir repenser vaient associées officiellement, et pour la pre-
leurs systèmes éducatifs selon cette approche. mière fois, deux idées : celle de viser le déve-
loppement de compétences  (même si en 1996
Le domaine de l’éducation a établi des on les place encore sur le même plan que les
liens très étroits avec le constructivisme et plus savoirs) et celle d’utiliser plus efficacement
encore avec le socioconstructivisme 8. Il y a eu l’enseignement obligatoire au service de la vie
une tentative d’établir un lien entre une école économique. En mai 1999, le parlement de la
centrée sur les comportements observables et Communauté française adoptait les «  socles
une école fondée sur le développement cogni- de compétences » de l’enseignement primaire
tif de l’individu. et du premier cycle secondaire et, un an plus tard,

Le socioconstructivisme, inspiré des travaux 8 Rappelons que le constructivisme, dont le chef de file fut
de Vygotski (1896-1934), est considéré comme Piaget (1896-1980), désigne une école de pensée selon
une branche du courant précédent : l’élève crée laquelle le sujet construit ses connaissances et assume
ses connaissances en interaction avec ses pairs. son processus d’apprentissage : il est le « créateur » de ses
La conception du psychisme humain est, selon connaissances.
cet auteur, largement influencée par l’envi- 9 Boutin, G., (2004). L’approche par compétences en édu-
ronnement social 9. cation! : Un amalgame paradigmatique.

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il votait les «  compétences terminales  » à sur le savoir lui-même. Cette façon de procéder
atteindre en fin d’enseignement secondaire. interpelle un nombre grandissant de critiques qui
Les années 2001 et suivantes virent l’arrivée pro- craignent à juste titre de voir les connaissances
gressive, dans tous les niveaux et réseaux céder le pas aux compétences, en d’autres termes,
d’enseignement, de nouveaux programmes de devoir constater l’accélération de l’avènement
basés sur l’approche par compétences. d’une société axée uniquement ou presque sur
la performance.
Ces réformes ont eu lieu au moment où, paral-
lèlement, le Parlement européen et le Conseil Une approche par compétences exige de pas-
des ministres européens approuvaient (de 2000 ser du modèle de transmission des connais-
à 2006) un cadre de référence pour les «com- sances à celui de l’apprentissage. L’élève est doué
pétences-clé» nécessaires à l’apprentissage tout d’une capacité presque absolue de développer
au long de la vie, au développement personnel, les compétences attendues qui apparaissent
à la citoyenneté active, à la cohésion sociale et dans le programme d’études présenté à partir
à l’employabilité (Parlement européen, 2006). de domaines d’activités balisés à l’avance. Il est
Ce programme européen faisait suite à des ini- responsable de ses apprentissages et il lui appar-
tiatives semblables au niveau de l’OCDE et tient de construire lui-même ses propres connais-
de la Banque mondiale qui, elles aussi, propo- sances. Pour ce faire, il aura à sa disposition des
sèrent leurs listes de compétences de base pour instruments que lui fournira l’enseignant. Pour
entrer dans l’économie de la connaissance. cela, des gestes pédagogiques précis doivent être
mis en œuvre. Certains le sont déjà, ils seront
Approche par compétences validés, d’autres seront adoptés pour faciliter
dans le monde de l’éducation. l’apprentissage des élèves.

Dans le domaine de l’éducation, plusieurs Une compétence est un processus. Elle est
auteurs ramènent les compétences de l’élève à toujours en construction. La maîtrise totale
une capacité de mobiliser diverses ressources n’est jamais atteinte. Toute personne améliore
cognitives pour faire face à des situations ses compétences pendant toute sa vie, bien au-
singulières. delà du cadre scolaire. « Une compétence
constitue un savoir-agir résultant d’une com-
Perrenoud (1998), souvent cité par les préhension adéquate des savoirs, savoir-faire et
réformateurs des pays francophones, fait remar- savoir-être intégrés et accessibles en mémoire,
quer que ce langage faussement familier conduit mobilisables de façon efficiente parce qu’ils
à sous-estimer l’ampleur du changement de ont été utilisés régulièrement et avec succès dans
perspective. Une approche par compétences une grande variété de contextes et de disci-
appelle à une reconstruction complète des dis- plines, et ce, autant à l’école que dans la vie quo-
positifs et des démarches de formation. tidienne » 10.

L’influence de l’approche par compétence De cette définition analytique d’une com-


sur le domaine de l’éducation et de la formation pétence découlent des actes pédagogiques
est sans doute considérable. Les programmes prioritaires :
d’études sont rédigés la plupart du temps en termes
de compétences. Ces programmes mettent 10 Bissonnette, S., Richard, M., (2001). Comment construi-
l’accent sur la démonstration du savoir plutôt que re des compétences en Classe. Des outils pour la réforme,
Montréal, Chenelière / MC Graw-Hill, p. 74.

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— l’enseignant se préoccupe d’abord de la dant, ses limites ne tarderont pas à apparaître au


qualité de la compréhension des appren- grand jour. En effet, pendant longtemps, les
tissages effectués; le questionnement de contenus des programmes scolaires étaient décou-
l’élève est la méthode à privilégier afin de pés en de multiples micro-objectifs (objectif
saisir ce que l’élève comprend; principal, objectifs secondaires, objectifs opé-
— en cours d’apprentissage, l’enseignant aide rationnels) et l’élève apprend des morceaux sans
les élèves à discerner parmi tout ce qui a en comprendre le sens et sans savoir quel lien a
été vu, entendu et réalisé, les éléments qui son apprentissage avec la vie de tous les jours.
doivent être compris et mémorisés, tant C’est justement à ces questions essentielles que
au niveau des savoirs que des savoir-faire; l’approche par compétences apporte des solutions.
— après un premier apprentissage, l’ensei- Par conséquent, la pédagogie est passée
gnant présente aux élèves des contextes d’une centration sur les savoirs, considérés
d’apprentissage où ils utilisent leurs nou- comme préalables à l’activité et souvent abor-
velles connaissances, ce qui leur permet de dés de manière décontextualisée, à une prise en
les mobiliser dans des situations s’inspirant compte des activités dans lesquelles ces savoirs
du réel ; s’incarnent. Nous ne sommes plus dans un cadre
— pendant ces activités l’enseignant poursuit de savoirs stables dans leur configuration disci-
le questionnement pour s’assurer de la plinaire mais plutôt dans celui de savoirs en
compréhension correcte, par l’élève, de la construction dynamique, où ils sont en perma-
tâche à réaliser et donne à chacun des nence recombinés par l’élève. On vise moins à
retours pertinents par rapport au processus transmettre une science, des savoirs savants
et au résultat obtenu. (savoirs scolaires) reçus en héritage, qu’à faire
produire dans l’activité des savoirs qui s’expri-
ment par la production de résultats pratiques et
Approche par les objectifs de savoir-faire manifestés. C’est ainsi que la
– Approche par les compétences connaissance est appelée à devenir compétence,
au travers de pédagogies centrées sur l’activité.
L’approche par compétences s’appuie sur
les avancées de la pédagogie par objectif, Approche par compétences, ou pédagogie
méthode traditionnelle qui découpe les savoirs par objectif, dans les deux cas, on se retrouve en
à transmettre au sein des disciplines en autant présence de listes d’actions à accomplir qui sont,
d’objectifs à atteindre à chaque niveau de la sco- comme établies par des experts; toutefois
larité. La pédagogie par objectif consiste à apprendre, c’est se comporter en tenant comp-
répondre à la question  : que doit savoir, ou te de comportements, de compétences atten-
savoir faire l’apprenant à la fin d’une activité dues, donc de visées établies à l’avance. Les
donnée ? Grâce à de petites évaluations, elle per- élèves doivent savoir à quoi sert telle ou telle notion
met de vérifier si un objectif bien précis est atteint et comment ils pourront effectuer son transfert
par les élèves. dans un autre champ selon le principe de la
transversalité également imposé par les réformateurs.
Contrairement aux anciennes méthodes
pédagogiques, la pédagogie par objectif a eu le Si les compétences sont définies comme une
mérite de mettre l’apprenant au centre des pré- capacité d’action, il n’en reste pas moins qu’elles
occupations des programmes scolaires. Cepen- présupposent des connaissances, un savoir-

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faire, certains comportements et des capacités L’approche par compétences est une maniè-
intellectuelles et globales, qui constituent les fon- re de concevoir, de penser et de mettre en
dements de la compétence, mais non pas la œuvre l’enseignement/apprentissage qui vient
compétence elle-même. combler les insuffisances d’une approche par
objectifs.
Quelle différence entre
une approche par compétences Etude comparative
et une approche par objectifs ?
Essayons de comparer deux situations
• L’approche par compétences développe d’apprentissage visant toutes les deux une
l’idée que l’élève apprend mieux dans l’action, même compétence disciplinaire.
c’est-à-dire :
1) quand il est mis en situation de production • Approche par les objectifs
effective ;
Le déroulement de la séance dans une clas-
2) quand il est vraiment impliqué dans des se travaillant selon l’approche par objectifs se
tâches intégratrices qui nécessitent la mobi- fait selon les étapes suivantes :
lisation et l’intégration des acquis et don-
nent une vision globale des capacités à 1— Introduction de l’activité
mobiliser ;
3) quand la situation d’apprentissage a du sens Le maître introduit l’activité, s’assure que
pour lui, qu’elle est significative ; la consigne de l’activité proposée est bien com-
4) quand les erreurs qu’il commet lors de la réa- prise, il commence par une phase préparatoire
lisation de la tâche sont identifiées et exploi- au travail ultérieur. Ensuite il fait un rappel de
tées par l’enseignant dans le cadre d’une régu- ce qui a été déjà vu, et alors il lance l’activité.
lation, lorsque ces erreurs sont de nature à Chaque élève sait exactement ce qu’il a à faire,
créer un obstacle à la poursuite de l’activi- il commence à résoudre l’activité, en se réfé-
té ou des apprentissages ultérieurs ; rant aux outils d’aide nécessaire que suggè-
5) quand l’élève établit des contacts avec les rent les situations à exploiter.
autres pour construire ses connaissances et
son savoir. 2 — Rôle joué par
l’enseignant pendant l’activité
• L’approche par objectifs est centrée sur
l’acquisition des savoirs et savoir-faire négli- Le maître attire l’attention sur les erreurs,
geant l’acquisition des processus intellectuels. corrige quelques énoncés, répond aux sollici-
«Elle a comme porte d’entrée des comporte- tations. Le moment venu, il met fin à l’activi-
ments observables structurés, mais séparés les té. On lit les énoncés obtenus, on les commente
uns des autres, qui sont à développer chez les et on les corrige puis on range les travaux.
apprenants» 11.
3 — Constat
11 De Ketele, J-M., & Gérard, F-M., (2005)., La valida- Cette approche de l’apprentissage par objec-
tion des épreuves d’évaluation selon l’approche par les
compétences, in mesure et évaluation en éducation, vol. 28,
tifs permet certes d’obtenir un produit répon-
n°3, UCL – BIEF, p. 2. dant à une consigne précise et mobilisant des

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savoirs et des savoir-faire, mais l’activité est Ensuite ils proposent des activités : affiches, des-
convergente : tous les élèves font la même sins…… Puis ils discutent les propositions,
chose dans les mêmes conditions selon une leur originalité, leur faisabilité, les difficultés
consigne unique décidée par l’enseignant. La éventuelles, les ressources nécessaires, etc. Ils
situation est exclusivement scolaire c’est-à- choisissent parmi les propositions celles qui
dire ne visant qu’une micro-compétence dis- leur plaisent, qui sont accessibles… et justifient
ciplinaire très pointue, ne garantissant pas la maî- leur choix. Ils définissent les savoirs à mobili-
trise d’une réelle compétence de communication. ser. Ils se constituent en groupes de travail
Par ailleurs, certaines compétences transversales (avec la collaboration du maître) pour réaliser
énoncées ne peuvent être développées dans les activités retenues.
des activités individuelles de ce type et dans des
situations d’apprentissage de cette nature. 2 — Rôle joué par
l’enseignant pendant l’activité
4 — exercices réalisés
Le maître supervise la bonne marche et
Les exercices sont conservés dans les l’avancement des travaux. Il gère le temps, le
cahiers des élèves. rappelle souvent. Il sert de personne-ressources
pour aider, orienter, fournir des outils d’aide,
5 — Evaluation intervenir éventuellement en cas de conflit et
procéder à des régulations immédiates et ponc-
Si toute la classe a réussi l’exercice pro- tuelles. Il enregistre les lacunes qui nécessitent
posé, le maître rédige une appréciation sur le une remédiation ultérieure plus conséquente.
cahier ou attribue une note et programme un autre
objectif pour la journée suivante. Si un grand 3 — Constat
nombre d’élèves ne réussit pas l’exercice, le maître
programme une révision et poursuit la réalisa- Cette approche de l’apprentissage permet
tion des objectifs déjà planifiés pour la journée de développer des compétences disciplinaires orale
suivante. et écrite dans la mesure où les savoirs et savoir-
faire sont mobilisés et intégrés pour résoudre une
• Approche par les compétences situation-problème significative. Cette stratégie
d’apprentissage contribue aussi au développe-
Imaginons maintenant le déroulement de ment des compétences transversales telles que
la séance dans une classe travaillant selon travailler en coopération (avec des camarades)
l’approche par compétences. Les étapes suivies ; mettre en œuvre une méthode de travail
sont alors les suivantes : (recherche d’une démarche appropriée à la réa-
lisation de la tâche demandée) et exercer sa
1 — Introduction de l’activité pensée critique (lors du débat autour des premières
propositions). Les productions sont variées, les
Le maître introduit l’activité. Les élèves répon- élèves sont totalement impliqués dans le travail.
dent aux questions posées par le maître et réflé-
chissent ensemble sur la forme que prendra 4 — Travaux réalisés
leur participation. Ils définissent les paramètres
de la situation de communication : (qui va par- Les travaux terminés sont affichés. Ils sont
ler, écrire ? à qui ? pour dire quoi ? où ? etc.). présentés par leurs auteurs, commentés et cor-

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rigés par les autres groupes. La mise au propre gratrices sont planifiées en fonction des com-
qui est une étape très importante est prise en char- pétences. Ainsi, la compétence et ses capacités
ge par chaque groupe qui peut mener ce travail deviennent des outils pour s’approprier le conte-
soit à l’école au cours d’une séance ultérieure nu disciplinaire afin de réaliser des tâches. Il s’agit
soit hors de l’école : les élèves organisent libre- donc, non seulement de faire apprendre des
ment mais sont soumis à un contrat fixant la date contenus disciplinaires, mais aussi les savoir-faire
de remise des travaux et les modalités de pré- pour utiliser efficacement ces connaissances
sentation. La finalisation des travaux se tra- déclaratives reliées au contenu. De plus, ces
duit par leur affichage en classe, dans la cour, savoir-faire ne seront pas appris de façon mor-
leur publication dans le journal scolaire, etc. celée, mais intégrés dans une compétence.

5 — Evaluation Apprentissage Mathématique


et Approche par compétences 
Si au cours des activités, le maître a iden-
tifié des lacunes liées à des apprentissages non- La discipline mathématique et l’enseigne-
maîtrisés, il réalise une remédiation immédia- ment des mathématiques sont concernés par
te auprès des élèves concernés par ces erreurs l’approche par compétences autant que toutes
ou planifie une action de remédiation ciblée soit les autres disciplines.
immédiate soit à court terme soit à long terme
selon le degré d’importance des erreurs. Aux États-Unis, c’est le National Council
of Teachers of Mathematics (NTCM) qui a
François Lasnier 12, dans Réussir la for- établi les standards en mathématiques et ceux-
mation par compétences, précise : «…Certains ci sont également devenus un modèle pour des
diront qu’il y a une nette différence entre travaux dans d’autres disciplines. Les auteurs
l’approche par objectifs et l’approche par com- du NTCM ont opposé à l’approche tradition-
pétences, d’autres considéreront que l’approche nelle, axée sur les aptitudes de base, une approche
par compétences recoupe certains aspects de de l’apprentissage des mathématiques plus for-
l’approche par objectifs. Pour ma part, je pré- tement orientée sur les processus. La découverte
fère considérer l’approche par compétences et l’analyse de relations ou de rapports mathé-
comme une suite logique à l’approche par matiques devaient permettre un apprentissage
objectifs. » fondé sur la compréhension. (INRP, 2005, p.
10). Il semble donc que l’approche par com-
La relation entre les capacités (éléments pétences soit liée à une pédagogie centrée sur
de la compétence) et les connaissances décla- l’étudiant et son apprentissage. Le constructi-
ratives reliées au contenu disciplinaire représente visme est alors présenté comme l’unique envi-
un changement majeur apporté par l’approche ronnement pédagogique, même si le NCTM n’y
par compétences (APC). Alors qu’avec les pro- adhère pas explicitement, il utilise un langage
grammes définis par objectifs, en général, on orga- et préconise un modèle d’apprentissage dont se
nisait principalement les activités d’apprentis- réclame le constructivisme, qu’il accompagne
sage en fonction du contenu disciplinaire, en APC, cependant de lignes directrices représentées
les activités d’apprentissage et les tâches inté- par les Principes dont les caractéristiques sont :
— Le principe d’égalité des chances en vertu
12 Lasnier, F., (2000)., Réussir la formation par compé- duquel l’enseignement des mathématiques
tences, Montréal, Guérin, p.7. est exigé pour tous les élèves ;

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— Le principe de curriculum qui implique sent alors plus les connaissances à mémoriser,
que l’enseignement des mathématiques mais aident les élèves dans leur processus de
transmette, sous une forme cohérente et construction de compétences. A partir de leurs
globale, des contenus essentiels de cette matiè- connaissances et de leurs expériences anté-
re et intéressants tant au plan individuel qu’au rieures, ils enseignent des connaissances dis-
plan social ; ciplinaires et favorisent aussi les aptitudes de
réflexion créative et critique et la capacité à
— Le principe de l’enseignement qui sou-
apprendre en impliquant les élèves dans le tra-
ligne la nécessité de dispenser l’enseigne-
vail en classe. Le rôle de l’enseignant consis-
ment des mathématiques par des personnes
te à faciliter l’apprentissage en guidant les
hautement qualifiées en mathématiques,
élèves dans leur effort pour appliquer leurs
en didactique des mathématiques et en
connaissances et savoir-faire à de nouvelles
pédagogie ;
situations de manière à en faire des adultes
— Le principe de l’évaluation qui permet un compétents.
contrôle régulier du niveau de performan-
ce; l’évaluation doit cependant prendre en Contribution du cours de mathématiques
compte que l’enseignement des mathéma- au développement de compétences
tiques vise des processus de compréhension
et non en premier lieu des connaissances Pour les mathématiques la situation rela-
factuelles; tive à l’approche par compétences apparaît plus
— Le principe de la technologie qui souligne claire. En effet les programmes s’organisent autour
l’utilisation responsable de la technique d’une présentation cohérente des compétences
par les élèves. Les standards s’articulent en attendues, décrivant les objectifs, la démarche
deux parties, une partie relative aux conte- proposée et le dispositif d’évaluation capable
nus qui énumère les thèmes usuels de de rendre compte du niveau des élèves : « A tra-
l’enseignement des mathématiques, une vers la résolution de problèmes, la modélisation
partie orientée vers les méthodes ou les de quelques situations et l’apprentissage pro-
processus, qui réunit les principaux domaines gressif de la démonstration, les élèves prennent
d’activités de l’enseignement des mathé- conscience petit à petit de ce qu’est une véri-
matiques. (INRP, 2005, p. 11) table activité mathématique : identifier et for-
muler un problème, conjecturer un résultat en
Ainsi, selon le NCTM, l’enseignement des expérimentant sur des exemples, bâtir une argu-
mathématiques ne peut se satisfaire d’une didac- mentation, contrôler les résultats obtenus en éva-
tique générale et il propose de tenir compte luant leur pertinence en fonction du problème
des caractéristiques particulières à l’apprentis- étudié, communiquer une recherche, mettre en
sage de la discipline, les contenus mathématiques forme une solution. » 13
et les méthodes de travail spécifiques à cette dis-
cipline étant indissociables. L’enseignement Les mathématiques participent à l’enri-
doit donc adopter des méthodes pour faciliter chissement de l’emploi de la langue par les
et encourager le transfert nécessaire pour que élèves, en particulier par la pratique de l’argu-
les individus prennent leur vie en charge. Cela mentation. Avec d’autres disciplines, les mathé-
exige un glissement des méthodes d’enseigne- 13 Référentiel de compétences, (2008). discipline : mathé-
ment centrées sur l’enseignant vers celles axées matique, version 13 octobre, pp : 13-14.
sur l’apprenant. Les enseignants ne fournis-

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matiques ont également en charge l’apprentis- leurs multiples possibilités d’expression, ils
sage de différentes formes d’expression autres opèrent, communiquent et résolvent seuls leurs
que la langue usuelle (nombres, symboles, problèmes mathématiques ou le font avec l’aide
figures, tableaux, schémas, graphiques) ; elles d’autres enfants et adultes.
participent ainsi à la construction de nouveaux
langages. Compétences essentielles
dans le cours de mathématique
L’usage largement répandu des moyens
actuels de traitement de l’information et de Les macro-compétences sont les compétences
communication exige une bonne maîtrise de ces essentielles du cours de mathématique. Elles sont
formes variées d’expression. un reflet accentué des méthodes de travail mathé-
matiques dont l’importance dépasse les frontières
Avant d’entrer à l’école, les enfants font déjà de la discipline. Elles constituent la base pour
des expériences mathématiques lors de la décou- la formulation des compétences attendues.
verte de leur environnement en comparant, en
ordonnant, en classant, en comptant et en mesu- L’enseignement des mathématiques permet
rant des choses et des évènements qui les entou- aux élèves de découvrir des relations mathé-
rent. Dans leur langage et avec leurs multiples matiques dans leur environnement et de résoudre
possibilités d’expression, ils opèrent, commu- des problèmes avec des moyens mathéma-
niquent et résolvent seuls leurs problèmes tiques. Ils apprennent à saisir les problèmes, à
mathématiques ou le font avec l’aide d’autres rechercher des solutions, à échanger des idées
enfants et adultes. avec les autres, à les comparer à en débattre et
à les corriger. Dans ce contexte, des connais-
L’enseignement des mathématiques dans sances, des capacités et des habiletés mathé-
le premier part de ces concepts et expériences. matiques de base sont indispensables dans tous
Il les approfondit, les étend et aide les élèves les domaines mathématiques. La priorité se
à développer les compétences mathématiques situe donc dans la promotion des macro-com-
de base à partir de ceux-ci. Ces compétences pétences: Résoudre des problèmes, communi-
sont à la base de l’apprentissage des mathé- quer, argumenter, structurer et modéliser.
matiques dans l’enseignement secondaire et
au-delà et visent à développer la pensée objec- Macro-compétences
tive et rationnelle. pour le cours de mathématique :
La pensée objective, rationnelle inclut la capa- Résoudre des problèmes :
cité des élèves à réfléchir de manière ouverte, — Appliquer des connaissances, des capaci-
dynamique. Elle implique leur volonté et leur tés et des habiletés mathématiques lors du
aptitude à mener un dialogue objectif et ration- traitement de situations-problèmes.
nel lors de la découverte de leur environnement.
— Développer et utiliser des stratégies de
En effet avant d’entrer à l’école, les enfants
résolution (par ex. essais systématiques).
font déjà des expériences mathématiques lors
de la découverte de leur environnement en — Identifier et utiliser des relations, les appli-
comparant, en ordonnant, en classant, en comp- quer à des contenus similaires.
tant et en mesurant des choses et des évènements — Vérifier les résultats et analyser des démarches
qui les entourent. Dans leur langage et avec de résolution

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Communiquer : tifs primordiaux de l’enseignement des mathé-


— Décrire et présenter sa propre démarche, com- matiques est la modélisation de situations issues
prendre les méthodes de résolution des de l’environnement et des expériences de l’enfant.
autres et réfléchir en commun à propos de Les élèves apprennent à analyser et à structu-
ces-dernières. rer des situations de plus en plus complexes
— Utiliser correctement la terminologie et sous l’aspect mathématique, à en relever des infor-
les symboles mathématiques mations et à poser des questions pertinentes. Ils
développent des pistes de solutions qui leur
— Traiter les tâches ensemble, conclure des sont propres, les présentent en agissant, par le
accords à ce sujet et s’y tenir dessin, par l’expression verbale et écrite.
Argumenter :
— Mettre en question les propositions mathé- En classe de mathématiques, les élèves
matiques et en vérifier l’exactitude apprennent, par de multiples activités, à décou-
— Identifier les relations mathématiques, vrir des liens entre différentes notions, à iden-
développer et exprimer des hypothèses tifier des relations et à trouver des procédures
— Décrire et justifier les démarches de réso- propres et des formes de représentation appro-
lution priées. Ils décrivent des relations mathéma-
tiques et appliquent celles-ci par exemple lors
Structurer :
de la justification. Ce faisant, ils utilisent le lan-
— Ordonner, classer gage courant et recourent progressivement au
— Utiliser des formes de représentation langage spécifique. A travers le travail sur des
Modéliser : problèmes et des tâches mathématiques, les
— Relever les informations pertinentes de élèves élargissent leurs compétences métho-
textes spécialisés et d’autres représenta- dologiques, en se familiarisant avec des modes
tions de la réalité vécue par les élèves de réflexion et des méthodes de travail géné-
— Traduire les problèmes dans le langage raux et spécifiques. Les capacités d’inversion
mathématique, les résoudre sur le plan de raisonnements, de réflexion logique, abstraite
mathématique et mettre ces solutions en rap- et conclusive sont favorisées.
port avec la situation de départ
Lors de la résolution de problèmes mathé-
— Formuler des problèmes à partir de termes, matiques, ils réalisent à quel point il est impor-
d’équations et de représentations gra- tant de pouvoir se procurer des informations de
phiques. manière autonome, de les exploiter et d’appli-
quer des méthodes de manière réfléchie et
Compétences disciplinaires consciente.
Les élèves découvrent des moyens pour Compétences sociales
décrire et traiter des éléments et des situations
de leur environnement et de leurs propres expé- Les activités des élèves dans l’enseigne-
riences à l’aide de notions, de théorèmes et de ment des mathématiques sont étroitement liées
procédés mathématiques. Ils doivent mettre en à des expressions verbales et écrites. Celles-ci
œuvre de manière réfléchie et ciblée leurs exigent une représentation adaptée à la situa-
connaissances, leurs capacités et leurs habile- tion et à l’interlocuteur. Les formes de présentation
tés dans des contextes différents. L’un des objec- doivent être réfléchies et sélectionnées tant

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sous leurs aspects coopératifs que sous leurs de réfléchir de manière ouverte, dynamique et
aspects communicatifs. en réseau et augmentent leur disponibilité et leur
capacité pour un dialogue objectif et rationnel
Lors du traitement de problèmes mathé- lors de la découverte et l’analyse de leur envi-
matiques avec les autres, les élèves appren- ronnement.
nent à harmoniser leurs idées et représenta-
tions et à les utiliser pour agir en commun avec Evaluation
succès. Ils apprennent les uns des autres et les
uns avec les autres. Pendant le travail, il est non L’évaluation (qui ne se réduit pas au contrô-
seulement important de trouver une solution le noté) n’est pas un à-côté des apprentissages.
mathématique, mais aussi de communiquer sur Elle doit y être intégrée et en être l’instrument
le processus de résolution. Les élèves exposent de régulation, pour l’enseignant et pour l’élève.
leur démarche devant leurs condisciples et la Elle permet d’établir un constat relatif aux
justifient. Ils comprennent la résolution de leurs acquis de l’élève à ses difficultés. Dans cette
condisciples et peuvent l’intégrer. Ce travail peut optique, le travail sur les erreurs constitue sou-
être soutenu par des formes sociales corres- vent un moyen efficace de l’action pédago-
pondantes, comme par exemple le travail en par- gique. L’évaluation ne doit pas se limiter à
tenariat et en groupe. En outre, à tous les niveaux indiquer où en est l’élève ; elle doit aussi rendre
on peut inclure les mathématiques dans des compte de l’évolution de ses connaissances et
projets interdisciplinaires. de ses progrès. L’évaluation de la maîtrise
d’une capacité par les élèves ne peut pas se limi-
Compétences personnelles ter à la seule vérification de son fonctionnement
dans des exercices techniques. Il faut aussi
L’enseignement des mathématiques favorise s’assurer que les élèves sont capables de la
le développement des compétences personnelles mobiliser par eux-mêmes, en même temps que
des élèves. Grâce à des tâches (problèmes) adap- d’autres capacités, dans des situations où leur
tées et exigeantes, ceux-ci apprennent à croire usage n’est pas explicitement sollicité dans la
en leurs capacités, à soutenir leurs efforts, à question posée.
s’efforcer à ne pas abandonner et à analyser les
résultats obtenus de manière autocritique. Conclusion

Enseignement interdisciplinaire L’idée de compétence dénote le souci d’ini-


et transdisciplinaire tier dès l’école le développement d’habiletés com-
plexes qui seront essentielles à l’adaptation
En classe de mathématiques à l’école pri- ultérieure de l’individu à un environnement
maire et dans le secondaire, les élèves appren- changeant. Elle suppose le développement
nent que les mathématiques peuvent être liées d’outils intellectuels flexibles, aptes à s’ajus-
de multiples façons avec d’autres disciplines et ter aux transformations et à favoriser l’acqui-
domaines de vie et qu’elles sont nécessaires et sition de nouvelles connaissances.
utiles dans la vie quotidienne. Des relations
judicieuses avec d’autres disciplines sont évi- Ce concept de compétence est un concept
dentes et doivent être utilisées dans l’ensei- fécond en pédagogie puisqu’il provoque une
gnement. Grâce à des thèmes choisis les élèves mobilisation sans précédent autour des curricu-
développent leurs facultés cognitives dans le but la des systèmes éducatifs. Comme tout concept

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qui subit le passage d’un usage «savant» à des usages dans toute les situations de la vie. Ils appren-
«sociaux» (Legendre 2007), il a entrainé des dront à lire, à écrire, à compter, à résoudre des
compréhensions multiples et complémentaires de problèmes, à communiquer dans plus d’une
ce qu’on nomme approche par compétences. langue, à utiliser les nouvelles technologies de
l’information; ils développeront la conviction
L’approche par les compétences doit viser qu’ils peuvent réussir à condition d’y mettre les
à lutter contre la fragmentation des apprentis- efforts nécessaires et de s’y prendre adéquate-
sages – telle qu’elle est mise en œuvre dans les ment; ils sauront procéder méthodiquement,
stratégies de pédagogie par objectifs – en redon- car ils auront appris que pour réaliser toute
nant à ceux-ci une finalité visible, tout en tâche, il faut d’abord la comprendre et sélec-
conservant les objectifs de maîtrise des savoirs tionner l’essentiel, puis planifier, se réguler et
fondamentaux. Cette approche rappelle l’arden- vérifier l’exécution.
te obligation de donner du sens aux savoirs
enseignés à l’école, d’en augmenter la portée Donc il s’agit d’insister sur la nécessité
au-delà de l’horizon de la seule réussite aux d’accorder au sujet, à l’élève, la place qui lui
épreuves scolaires, et de mettre au premier revient dans le processus d’apprentissage et de
rang des missions de l’école la formation de la susciter des recherches approfondies dans le
pensée autonome. Il s’agit de porter une atten- domaine de la psychologie appliquée à l’édu-
tion accrue aux processus d’apprentissage, à la cation. Il faut bien reconnaître que des efforts
façon dont l’élève apprend et utilise ses connais- considérables sont actuellement entrepris afin
sances, et finalement au fonctionnement cogni- d’améliorer la qualité de l’éducation.
tif des individus.
Finalement, pour passer de l’enseignement
L’approche par compétences a soulevé un à l’apprentissage il faut donc effectuer un chan-
grand nombre de critiques qui paraissent exa- gement de nature pédagogique. Pour cela une
gérées aux yeux de certains car pour eux elle seule voie est possible pour généraliser le chan-
n’a pas réussi à assurer le succès attendu dans gement dans les écoles : instaurer une culture
le domaine de l’éducation et les résultats n’ont de formation continue : accompagnement péda-
pas été à la hauteur des attentes. Tandis que gogique, journées de formation, échanges avec
d’autres assurent que l’approche par compétences, les pairs, réflexivité par rapport à ses pra-
si elle est bien comprise et correctement mise tiques,…Tout ceci favorise la mise en œuvre de
en œuvre, aide les élèves à posséder une cul- pratiques pédagogiques qui améliorent la réus-
ture personnelle qui leur permettra de savoir agir site des élèves.

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