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L’APPROCHE PAR LES COMPETENCES (A.P.

C)
Dieudonné BELEMSIGRI

I. APPROCHE CONCEPTUELLE

L‟introduction de l‟enseignement et de l‟apprentissage fondés sur les compétences est au


cœur des projets de réforme actuels pour adapter l‟École aux besoins de notre temps. Alors,
quel contenu revêt ce concept ? Qu’est-ce que l’A.P.C ?

En didactique et en pédagogie, une « approche » peut être considérée comme une base
théorique constituée d‟un ensemble de principes sur lesquels reposent l‟élaboration d‟un
programme d‟études, le choix de stratégies d‟enseignement ou d‟évaluation et de rétroaction.

Quant à la compétence, elle est selon Philippe PERRENOUD dans Construire des
compétences, tout un programme !, « une capacité d‟action efficace à une famille de situations,
qu‟on arrive à maîtriser parce qu‟on dispose à la fois des connaissances nécessaires et de la
capacité de les mobiliser à bon escient, en temps opportun, pour identifier et résoudre de vrais
problèmes ». Pour lui, il n‟y a de compétence que de compétence en acte. Selon Xavier
ROEGIERS, « la compétence est la possibilité, pour un individu, de mobiliser de manières
intériorisée un ensemble intégré de ressources en vue de résoudre une famille de situations-
problèmes ».
Exemples de compétences :
Résumer un texte,
Placer le circuit électrique d‟une maison…

La situation-problème est un ensemble contextualisé d‟informations à articuler pour


la réalisation d‟une tâche déterminée. Elle présente un défi aux apprenants, mais ne fournit pas
toutes les informations nécessaires pour le surmonter. Mais, le défi ne doit pas être audessus
des possibilités des enfants.
Les ressources sont des habilités c‟est-à-dire des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être
qui permettent à l‟élève de se construire des compétences.
L’intégration selon ROEGIERS consiste en un réinvestissement des acquis dans un contexte
nouveau (une nouvelle situation-problème). « Il n‟y a intégration que si l‟élève s‟implique
personnellement dans la résolution de la situation-problème. L‟élève doit trouver lui-même
quels sont les savoirs, les savoir-faire qui doivent être mobilisés et les articuler pour résoudre
la situation-problème. »

L’APC est donc est une approche qui met l’accent sur la capacité de l’élève d’utiliser
concrètement ce qu’il a appris à l’école dans des tâches et situations nouvelles et
complexes, à l’école tout comme dans lavie. L’élève devient de ce fait l’acteur principal
de ses apprentissages.

II. CONTEXTE D‟EMERGENCE

L‟approche Par les Compétences (A.P.C) est apparue en formation professionnelle


pour répondre aux impératifs du marché de l‟emploi qui vise à se doter d‟une main d‟œuvre
de plus en plus qualifiée pouvant évoluer dans un environnement en perpétuelle mutation.
Cette approche vient donc du monde économique ou de l‟entreprise (pression d‟un
néolibéralisme avec les phénomènes de mondialisation et de globalisation). La société en
général s‟attend de plus en plus à ce que les diplômés soient compétents pour accomplir leur
travail et non seulement pour acquérir un diplôme ou pour réussir des activités académiques
(HABERMAN & STINNETT, 1973; NASH & AGNE, 1971). À des travailleurs qui
connaissent bien les théories ou même les techniques, on préfère des travailleurs « compétents
», c‟est-à-dire prêts à exercer efficacement leur métier (MARCHESE, 1994).

La forme la plus connue est celle développée dans le système canadien. Elle est apparue
vers le début des années 70-80 et s‟adresse au départ à l‟enseignement et professionnel dans
le domaine du secteur électrique et électronique, avant de gagner l‟enseignement général sous
la pression des entreprises économiques, mais aussi d‟organismes internationaux tels que la
Banque mondiale, l‟UNESCO, le PNUD, l‟OIF

Au niveau pédagogique, les principes qui sous-tendent l‟approche par compétences sont
issus du constructivisme (Piaget, 1947), du cognitivisme (Tardif, 1992) et du
socioconstructivisme(Vygotsky, 1984, Jonnaert et Borht, 1999). Avant les années 80, la
conception dominante en pédagogie fut le béhaviorisme, théorie de l‟apprentissage fondée sur
un morcellement des contenus d‟apprentissage suivant des objectifs comportementaux. A la
fin des années 80, la conception cognitiviste prend le pas sur les autres conceptions. Ainsi, au
lieu du renforcement des comportements, mis en place par le béhaviorisme, on préconise la
responsabilisation et l‟autonomisation de l‟apprenant considéré comme l‟acteur principal des
apprentissages. L‟apprentissage est perçu comme un processus complexe de construction
progressive des connaissances. Il s‟apparente à un traitement de l‟information par l‟élève qui
sélectionne, encode, transforme en faisant le lien avec les acquis précédents et emmagasine
des informations dans sa mémoire de façon à pouvoir les repérer en cas de besoin soit pour de
nouveaux apprentissages, soit pour exécuter une tâche. Pour la psychologie cognitive,
« l‟apprentissage est considéré comme un processus de traitement de l‟information qui
implique des activités mentales : la sélection, l‟élaboration et l‟organisation des informations,
le transfert des acquis de même qu‟une activité de supervision de ce processus nommée la
métacognition. »

III. AVANTAGES

Selon Roegiers « l‟école est le levier le plus important pour faire progresser un pays.
Pour cela, elle doit être à l‟écoute des besoins de la société. Mais très souvent, des jeunes qui
sont allés à l‟école pendant plusieurs années ne sont pas en mesure d‟utiliser leurs
connaissances scolaires dans la vie de tous les jours ». L‟APC permet, un tant soit peu, de
résoudre ou de minimiser cette inadéquation de l‟école avec la vie sociale. En effet, à chaque
niveau correspond un profil qui se décline en termes de familles de situations
complexesauxquelles l‟élève doit pouvoir faire face, de manière contextualisée et
personnalisée ; ce type de profil est présent depuis longtemps dans certaines filières
professionnelles, les familles de situations complexes étant liées aux tâches professionnelles à
accomplir. Dans l‟enseignement général, ce profil répond à des finalités d‟insertion de l‟élève
dans un tissu socio-économico-culturel en perpétuelle évolution.

En étant une pédagogie du projet, l‟APC donne du sens à l‟apprentissage. Ce qui


augmente la motivation des élèves et garantit des acquis solides pour continuer la scolarité.
Car elle installe chez l‟apprenant des comportements durables. « Les classes sont décrites
comme plus dynamiques et plus participatives, les élèves plus responsables de leur formation,
des comportements socioculturels plus réceptifs sont observés chez les élèves. L‟amélioration
de la confiance que les enfants ont en eux-mêmes est citée fréquemment. » Roegiers
L‟APC, qui s‟appuie sur la pédagogie différenciée (à travers les travaux de groupes,
les remédiations, évaluation critériée…), permet d‟accroître les rendements scolaires. C‟est
une approche démocratisante qui prend en compte tous les apprenants. Elle fait de l‟erreur,
comme le dit Astolfi, « un outil pour aider à l‟apprentissage ». Elle contribue à réduire les
écarts entre le niveau des élèves, à ce que tous les élèves apprennent.

IV. LIMITES

Pour nombre d‟auteurs, la notion de « compétence » ne saurait s‟appliquer à l‟école.


Ainsi, pour Crahay, « la logique de la compétence est au départ, un costume taillé sur mesure
pour le monde de l‟entreprise ». Il ajoute que « dès lors que l‟on s‟obstine à en revêtir l‟école,
celle-ci est engoncée dans un habit trop étriqué eu égard à sa dimension nécessairement
humaniste » .Selon Olivier Reboul, l‟école dispense des savoirs désintéressés. Pour lui, « à
l‟école, l‟élève est traité comme une fin, c‟est lui pour lui qu‟il travaille, c‟est sa propre
autonomie qu‟il apprend. La formation professionnelle ne peut se faire que hors de l‟école, ou
qu‟après l‟école, et elle sera d‟autant plus efficace qu‟elle aura été précédée d‟un
enseignement personnel, capable de structurer la mémoire et de former le jugement. » inLa
Philosophie de l‟Education 1989.

L‟APC ne permet à l‟apprenant de tendre vers une culture universelle. En effet,


l‟apprenant est doté d‟un profil qui ne lui permet pas de réfléchir sur des valeurs autres que
celles apprises en classe. Le type d‟homme qui sortira de l‟école risque fort de ne pas avoir
d‟esprit critique, un homme bon pour les usines, un robot chargé de faire fructifier la
productivité.

Loin de résoudre le problème de la fracture sociale, L‟APC risque de creuser le fossé


entre riches et pauvres puisqu‟il faudra aller très loin dans les études pour pouvoir acquérir
plusieurs profils indispensables à l‟insertion sociale.

Les conditions de mise en œuvre de L‟APC posent problème car peu adaptées à
certaines réalités surtout dans les pays sous-développés où les effectifs pléthoriques, le manque
ou l‟insuffisance de moyens didactiques sont des facteurs limitants.

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