Doc. 1 : le succès fulgurant des majors américaines
Les studios d’Hollywood sont édifiés en 1914 à Los Angeles en Californie. Afin d’optimiser le tournage et de réduire les coûts de production, Hollywood s’inscrit très rapidement dans une logique de gestion « tayloriste». Le scénario devient un cahier des charges où l’écriture du scénario, sa forme, sa fonction restent tributaires des contextes de production, des conditions spécifiques de chaque tournage, des personnalités engagées dans l’élaboration du film à venir. La fragmentation des tâches et la diversification des métiers entraîne une spécialisation par secteur, [et une organisation en] clusters. Les majors, les maisons- mères, s’occupent de la gestion, des finances et de l’économie cinématographique. Hollywood devient alors progressivement une industrie cinématographique regroupant plusieurs majors. Elles sont regroupées en deux associations : la MPAA-Motion Picture American Association (1922), qui s’occupe de la diffusion des films sur le territoire et au Canada; la MPEA-Motion Picture Export Association (1945), qui gère la diffusion des films à l’étranger. Entre 1950 et 1970, le Japon et l’Europe sont les principaux destinataires des films hollywoodiens. Dès 1970, Hollywood commence à développer son réseau international et saisit le phénomène de la mondialisation en se réorganisant et en développant de nouvelles stratégies. Trois facteurs paraissent primer pour expliquer l’expansion d’Hollywood sur la scène internationale. Le premier est l’ouverture du marché aux investissements étrangers et la libre circulation des capitaux. Les majors sont rachetés par des multinationales étrangères dès 1980. Citons l’exemple de Columbia racheté par Matsushita, une firme japonaise, puis par Vivendi. Ou encore Universal racheté par la firme japonaise Sony. L’ouverture des marchés des pays étrangers permet aussi d’investir dans des multiplexes à l’étranger dès 1980. En plus de posséder leurs propres salles de cinéma, les majors ont des bureaux implantés à l’étranger. On assiste à la construction d’un réseau mondial. Le second est l’ouverture progressive de marchés fermés tels que la Corée du Sud. Dans les années 80, les productions hollywoodiennes occupaient une part de marché inférieure à 35 %. Depuis 1990 elles représentent près de la moitié des parts de marché du pays. La Corée du Sud est actuellement l’un des dix marchés les plus importants d’Hollywood. Par ailleurs, les accords de libre-échange avec divers pays favorisent la diffusion des films hollywoodiens. Le troisième est l’appropriation des données issues d’analyses de l’audience internationale. L’institut d’étude National Research Group, fondé en 1978, réalise à la demande d’Hollywood toutes les études du marché cinématographique. Il s’agit de décoder les goûts des spectateurs en fonction de leur âge, leur genre ou encore leur ethnie. L’institut se présente comme le leader des études et souligne son rôle dans la diffusion et la vente des films dans le monde entier. Le résultat de cette diffusion mondiale s’illustre par ces quelques données : depuis la fin des années 1990, la recette des films hollywoodiens est plus importante sur le marché extérieur que sur le marché intérieur. Hollywood détient entre 60 % et 75 % des parts du marché cinématographique international. […]A la tête, et au sein de la MPAA et de la MPEA se trouvent des élites politiques, en lien étroit avec Washington. La construction d’Hollywood et sa conquête du monde s’accompagne d’un fort lobbying auprès du Congrès et du gouvernement. Mais cette relation profite également aux dirigeants qui trouvent là un moyen pour propager les valeurs défendues par les Etats-Unis ainsi qu’un moyen pour propager une certaine vision du monde. Hollywood est un outil de soft-power. Extrait et adapté de L. Heidbrink, M. Noël, Hollywood, une expression de la puissance américaine, ClasseInternationale.com, novembre 2016