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Introduction
Accroche : une plus grande internationalisation du yuan (RMB) face au dollar, mais à
pas comptés : au printemps 2023, l’introduction d’actions en renminbi – autre nom du
yuan chinois- à la bourse de Hongkong (doc. 7). Vers une dédollarisation progressive du
système monétaire international ? C’est aussi un objectif des BRICS avec leur New
Development Bank. Une problématique actuelle : cf. « Can BRICS De-dollarize the Global
Financial System ? » Zongyuan Zoe LIU, Mihaela PAPA, 2022
- Le dollar : la monnaie des Etats-Unis, dont le nom vient d’une déformation des
monnaies des pays germaniques des temps modernes, le « thaler », créée aux Etats-Unis
en 1792 : c’est l’une des premières affirmations de souveraineté de la jeune nation.
Appelé communément « billet vert ».
Rappels historiques
- Créé en 1792 donc. Les premières pièces sont frappées en 1793, dont la valeur est
indexée sur l’argent (24 grammes d’argent pour 1 dollar). A la même époque est créée
la First National Bank, première Banque centrale qui, résultat d’un compromis entre
Hamilton le fédéraliste et Jefferson l’anti-fédéraliste, gère la dette fédérale mais n’a pas
le droit d’émettre des dollars. Elle finit par disparaître dans les années 1830 et c’est le
gouvernement fédéral qui, dans un système très décentralisé, donne son accord à des
banques privées pour qu’elles émettent leur propre monnaie (8 000 banques pour des
dizaines de milliers de sortes de dollars différents- les faux monnayeurs s’en donnent à
cœur joie !).
- Le système est une première fois remis à plat dans les années 1860 par Lincoln : 1863,
un unique billet à dos vert (impossible à reproduire pour les faux monnayeurs), frappé
de l’aigle américain, dans un système bimétallique (argent et or). Le monométallisme-or
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est institué en 1900 (1,5 dollar l’once d’or), en application de la loi de Gresham (« la
mauvaise monnaie chasse la bonne »).
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Problématique. Comment les Etats-Unis ont-ils pu réussi à imposer une domination
pérenne du dollar dans le système monétaire international, malgré la récurrence des
crises, au service de leur hégémonie mondiale ? Peut-on dire que cette hégémonie du
dollar touche à sa fin en ce début de XXIème siècle, alors même que la toute-puissance
du dollar est de plus en plus contestée à l’image de l’hégémonie états-unienne dans le
monde ?
- A Bretton Woods en juillet-août 1944 (44 pays présents autour des Etats-Unis,
pratiquement tous les pays du « monde libre »), le dollar devient la monnaie pivot :
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1 / monnaie de référence : les autres doivent annoncer leur parité en or ou en dollar (et
ne pas fluctuer dans une proportion supérieure à 1%);
2 / seule monnaie convertible en or (cela résulte de la décision annoncée en 1947 et du
fait que le Royaume-Uni échoue au même moment à rétablir sa convertibilité) ; 35
dollars pour une once d’or
3/ la monnaie d'un pays qui dispose de la majorité (relative) des voix au FMI (avec un
droit de veto de fait car toute décision doit être prise à la majorité des 80%).
- Il en découle que le dollar est de plus en plus abondant dans le monde, également du
fait des guerres américaines (Corée, Vietnam), du fait de la course aux armements et à
l’espace (programme Apollo), de la politique d’internationalisation des FTN dans les
années 1950-60 (l’« Amérique bis »). D'où la montée d'une spéculation internationale
que le Pool de l'or essaie d'endiguer dans les années 1960 => 3/.
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3. La position dominante du dollar dans le monde cause des difficultés à l’économie
américaine (dilemme de Triffin), ainsi qu’à la puissance dans son ensemble
- Le dollar connaît des difficultés croissantes. Créé en 1961 avec le plan Kennedy et
dissout en mars 1968 du fait d'une spéculation trop forte. Il regroupe les principales
banques centrales des pays développés qui, décidées à maintenir la parité or à 35 dollars
l'once, décident de coordonner leurs actions en intervenant sur les marchés (vendre de
l’or, acheter du dollar), comme le voulait le système de l’étalon-or. A partir de la fin 1964
et du début de 1965, la France du général de Gaulle demande de plus en plus de
remboursement de ses dollars en or, l’Allemagne fait de même mais plus discrètement.
Ainsi, les réserves en or du Trésor s’effondrent dans la seule décennie 1960 de 20 000
tonnes à 9 000, soit de 70% à 30% du stock d’or mondial. Seules 20% des réserves
détenues par les Banques centrales étrangères sont réellement couvertes par l’encaisse
du Trésor en or.
- Avec des conséquences majeures sur l’économie mondiale. Les variations constituent
autant de chocs que l'économie mondiale a du mal à encaisser :
— le premier choc pétrolier que l'OPEP présente comme un rattrapage après la
dévaluation du dollar et le développement de l'inflation mondiale ; le deuxième en
pleine baisse du dollar également, avant une remontée brutale de celui-ci
— la dette du Tiers Monde qui pose un problème à partir du moment où le dollar
s'apprécie en 1979 (elle est largement libellée en dollar), en lien avec les hausses
de taux d’intérêt (la dette a été contractée à intérêts variables)
— le recyclage des pétrodollars du Moyen-Orient et des excédents industriels
japonais et asiatiques constituent un levier de la « globalisation financière ».
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II. Malgré la fin du système de Bretton Woods, l’hégémonie du dollar n’est
pas remise en cause et continue de constituer un instrument de domination
états-unienne sur le monde
- Par conséquent, sa domination ne s’en trouve pas réellement diminuée… Le billet vert
maintient ses positions contre toute attente. Serge SUR (doc. 2) : « La suprématie du
dollar est le fruit de la supériorité de l’économie américaine. Celle-ci est plutôt en déclin
relatif du fait de la montée puissance des économies européennes, de la Chine et des pays
industrialisés d’Asie comme des pays émergents. Le dollar n’en a été que modérément
affecté, il a survécu à ce déclin, il le compense même dans une large mesure. D’abord
produit, il est devenu vecteur et demeure sauvegarde ». Le dollar peut ainsi continuer de
remplir donc tous les rôles de la monnaie au niveau mondial : étalon de valeur (prix
annoncés en dollars : cf. matières premières, aéronautique…), réserve de valeur, moyen
de paiement. Les chiffres suivants le prouvent :
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Doc 6 :
- Le poids du dollar dans les réserves de change continue de dessiner une domination
globale :
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2. Le dollar est toujours capable d’organiser l’économie financière mondiale en centres
et périphéries :
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2/ Au-delà, 66 pays ont un ancrage de leur monnaie au dollar (currency peg) : un ancrage
fixe ou ancrage flottant. 8 ont actuellement un ancrage fixe : 8 pays ont actuellement un
taux de change fixe avec le dollar : Aruba, Bahamas, Barbade, Bermudes, Macao, Hong
Kong, Bahreïn, Belize. Cet ancrage fixe peut soit être temporaire (en cas de crise, comme
en Amérique du Sud), soit durable.
3. Enfin, les Etats-Unis continent de tirer un profit maximal du dollar au service de leur
hégémonie globale
Le dollar est désormais une « sauvegarde » (S. SUR) pour une hégémonie globale en
déclin.
- Revenir en deux mots sur les symptômes de ce déclin (voir autre sujet).
- Or, le dollar constitue toujours un moyen de financement aisé pour les acteurs de
l’économie états-unienne : le dollar continue de fournir des conditions de financement
exceptionnelles pour l’Etat fédéral mais aussi pour les acteurs privés (entreprises, fonds
d’investissements) = un « privilège exorbitant » (J. RUEFF). A relier à la domination
financière états-unienne : les bons du Trésor américain constituent 75% des obligations
« sûres » et l’essentiel de ceux affichant un taux d’intérêt positif. Les non-résidents
américains possèdent l’équivalent de 20 000 milliards de titres financiers américains, soit
100% du PIB US et 22% du PIB mondial. Sans compter que le dollar constitue une
protection financière contre les variations des taux de change, qui ne concernent ainsi
que les entreprises étrangères.
- La Chine et les BRICS. Dès 2009, en lien avec la crise mondiale : la Chine, alors premier
possesseur étranger de bons du Trésor américains (30 % du total environ, devant le
Japon, puis les pays de l’OPEP), met en cause la politique économique et monétaire
américain. La Chine a perdu confiance dans les Etats-Unis et veut s’autonomiser. Noter
que le yuan a été arrimé au dollar jusqu’en 2005 et qu’aujourd’hui il est arrimé à un
panier d’une vingtaine de monnaie dont le dollar (qui compte pour 22%). Deux actions
majeures :
● Revente des bons du Trésor US : moins de 1 000 milliards aujourd’hui, derrière l’UE et
le Japon.
● Internationalisation du yuan : dès 2007, possibilité d’émettre des obligations en
renminbi depuis HK puis bientôt Singapour, Londres… Puis encouragement au commerce
en renminbi notamment dans le cadre du projet des nouvelles routes de la soie, puis
lancement en 2015 du système de paiement interbancaire chinois, le CIPS, intégration
de la monnaie chinoise dans le panier DTS en 2016. 2018 contrats à terme en RMB sur le
pétrole brut. La Chine autorise ses exportateurs à opérer en yuan et les banques
centrales étrangères à acquérir ses bons du Trésor (la Malaisie est la première à le faire
en septembre 2010).
● Le DTS : échec après une nouvelle émission en 2009 incluant désormais le yuan. Les
droits de tirage spéciaux (DTS ; en anglais Special Drawing Rights, SDR) sont un
instrument monétaire international créé par le FMI en 1969 pour compléter les réserves
officielles existantes des pays membres. Le DTS est constitué d'un panier de devises
réévalué tous les cinq ans, constitué depuis le 1 er octobre 2016 des devises suivantes :
dollar américain euro, livre sterling, yen, yuan ou rénmínbì (RMB). La baisse du poids du
dollar dans ce panier face au RMB : environ 40% contre 10% (donc une baisse très
relative).
- Un euro en difficultés. Des progrès réels, mais une monnaie surtout à vocation
régionale. Des problèmes de gouvernance majeurs. A traversé de graves crises et
demeure fragilisé par la forte hétérogénéité des économies européennes. Ne devance le
dollar que pour la quantité de billets émis.
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● un montant de commerce encore faible – forte inertie des opérateurs qui rechignent
à changer de monnaie
● le refus de voir le taux de change fixé par le marché
● le refus de libéraliser les flux de capitaux et de devises : une stratégie de
« convertibilité contrôlée »
3. Il n’en reste pas moins que la politique monétaire américaine comporte de grands
risques pour l’avenir :
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- Elle pose plus largement la question de la redéfinition de la puissance américaine
dans le monde : repli néo-isolationniste et nationaliste (priorité au dollar comme
monnaie nationale ?) ou poursuite d’une mission universaliste (dollar comme monnaie
internationale ?). A relier aux questionnements sur la « transition hégémonique ».
Conclusion
Comme l’écrit Serge SUR (doc. 2), le dollar a donc été « produit, vecteur puis
sauvegarde » de l’hégémonie états-unienne dans le monde. Pour Patrick ALLARD,
l’hégémonie du dollar elle-même a été un « accident de l’histoire inscrit dans la durée » :
une monnaie de plus très recherchée dans le monde, au service d’une économie
dominante. Malgré la fin du système de Bretton Woods dans les années 1970, le dollar
est resté depuis un demi-siècle la monnaie de référence mondiale et la Fed continue de
faire la pluie et le beau temps sur les marchés, malgré la récurrence des « moments
Triffin » (P. Allard) qu’elle a su passer sans encombre. La dédollarisation n’est pas pour
demain…
• Bibliographie
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