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Abstract
ABSTRACT : The systematic comparison between formal pragmatics (Tl) and "théorie de renonciation" (theory of uttering) (T2)
shows the persistence of a bundle of difficulties in the treatment of indexicals. Do we need a clear cut distinction between first
degree and second degree pragmatics? Is it necessary to equate indexical semantics with first degree pragmatics? How can we
limit the multiplication of coordinates in side indices? Why is the definition of "enunciation" circular? Problems of reference are not
peripheral to T2. The very difference between these theoretical frames is expressed by the distinction between index and indice.
In his comparison the Author restricts Tl to an intensional form and T2 to the presentation of the standard theory of uttering as
given by the late E. Benveniste.
Résumé
RÉSUMÉ : Une comparaison épistémologique de la pragmatique formelle et de la théorie de renonciation, loin d'être incongrue,
révèle des difficultés profondes dans l'élaboration d'une théorie des indexicaux. L'A. insiste par exemple sur le problème de la
séparation entre pragmatique du premier et du deuxième degré, sur la prolifération des coordonnées dans les index, la circularité
de la définition formelle de renonciation... La problématique de la référence, loin d'être étrangère à la théorie de renonciation,
apparaît y tenir une grande place. La différence la plus profonde entre Tl et T2 est traduite dans l'opposition entre les notions
d'index et d'indice. L'A. se limite à une version intensionnelle de Tl et à la présentation de T2 exposée dans les textes de
Benveniste.
Nef Frédéric. Indexicalité et indicialité : pragmatique formelle et théorie de l'énonciation. In: Histoire Épistémologie Langage.
Tome 8, fascicule 2, 1986. pp. 257-275.
doi : 10.3406/hel.1986.2237
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hel_0750-8069_1986_num_8_2_2237
Histoire Éplstémologle Langage Vni-2 (1986) 257
INDEXICALITE ET INDICIALITE :
PRAGMATIQUE FORMELLE
ET THÉORIE DE DÉNONCIATION
Frédéric NEF
suivant que l'on estime trop fort ou pas le prix à payer pour rendre
compte d'une catégorie de faits somme toute assez exceptionnelle
- les «phrases indexicales pures» constituant un sous-ensemble
restreint des phrases indexicales. Si l'on pense au contraire que
Tl a pour objet de transformer la théorie des modèles de la
sémantique formelle - et que l'on considère alors les phrases
indexicales pures (22) comme une sorte de cas limite illustrant les
impasses de cette théorie des modèles « à un étage » -, alors il est
évident que l'on se tournera vers la version de Kaplan.
NOTES
(1) Nous avons, après beaucoup d'hésitations chois l'expression d'« indexicaux », de préférence
à « déictiques », < embrayeurs » etc. pour deux raisons : cette expression a le mérite de
posséder la même racine qu'« indices » - et l'on verra l'importance de cette proximité -,
c'est celle qui a été choisie par Bar Hillel 1954 et elle n'engage pas à une théorie linguistique
comme par exemple embrayeur qui présuppose la distinction de deux niveaux de langage,
l'énoncé, et renonciation. Pour les problèmes terminologiques on peut consulter Todorov
& Ducrot 1972 ou G. Kleiber 1986, p. 4.
(2) L'exclusion ou l'intégration de la pragmatique dans la sémantique est de ce point de vue
en large partie un problème interne à la pragmatique. Il s'agit donc, dans cette perspective,
non d'un problème de délimitation de la sémantique, mais d'articulation des différentes
composantes de la pragmatique.
(3) D. Laurier soutient que Tl dans la version fournie par Kaplan est inférieure à une version
de Tl qui serait une extension aux indexicaux des méthodes davidsoniennes. Il est exact
que l'on peut obtenir une version extensionnelle de Tl - contrairement à l'affirmation
de F. Jacques 1984 selon laquelle il n'y a pas de convention T pour les expressions
indexicales - cf. Burge 1974. Cependant du point de vue qui est le nôtre la méthode des
index de Scott-Lewis-Montague se prête plus facilement à une comparaison avec T2. De
plus Tl dans sa version intensionnelle a été confrontée à un plus grand nombre de faits
linguistiques.
272 Nef : Indexicalité et indicialité
(4) Nous avons discuté ce point en détail dans Nef 1984. Si l'on veut schématiser à outrance
on pourrait dire que la logique intensionnelle vise l'extensionalisation des contextes
opaques et que la pragmatique formelle du premier degré a pour objet de réduire
l'indexicalité du langage naturel en vue de cette extensionalisation.
(5) Carnap 1947, Martin 1959 sont des anticipations de Tl. Il faut souligner que la théorie
des mondes possibles élargira considérabledment la technique de l'indexation. On peut
remarquer de plus que Montague n'a jamais souhaité inclure l'étude des actes de parole
dans une pragmatique formelle ; selon lui une expression à l'impératif n'a pas de valeur
de vérité et tombe en dehors des techniques vériconditionnelles d'évaluation.
(6) On éclaircira plus loin la notion de contexte. Cette notion est d'origine juridique c'est
« l'ensemble d'un acte par rapport à l'enchaînement des dispositions et des clauses »
(Littré) ; l'acception philologique est seconde. Enfin le sens sociologique (construit par
analogie avec le sens philologique) est tardif (1900, d'après Lexis). Le « contexte
extra-linguistique» est une construction abstraite qui contient les circonstances de
renonciation que l'on peut reconstruire effectivement.
(7) On peut discuter le fait qu'une phrase soit vraie ; certains préfèrent parier de vérité de
l'énoncé, association d'une phrase et d'un contexte. On admettra ici qu'une phrase est vraie
relativement à un modèle et qu'un énoncé est vrai relativement à un modèle et un contexte
(représenté par un index). Il existe en effet des phrases qui sont vraies dans tous les
contextes. Pour la différence énonce/phrase voir infra.
(8) L'argument utilisé ici est employé par H. Kamp à propos de now (maintenant) dans Kamp
1971.
(9) La traduction à!egocentric particulars par «indicateurs de subjectivité» est due à
J. Vuillemin. Cf. Vuillemin 1971, p. 130 et ss. Benveniste 1966, p. 264, utilise l'expression
d'« indicateur de subjectivité » à propos des expressions comme je pense, je présume que.
(10) La réflexivité occurrentielle est définie dans Reichenbach 1947 p. 284 et ss. Les mots
occurrentiellement réflexifs peuvent être paraphrasés par «X... cette occurrence». Par
exemple «Je » c'est « la personne qui énonce cette occurrence », « maintenant » c'est « le
temps auquel cette occurrence est énoncée ». Si a est paraphrasable par « a est le A qui
0 cette occurrence de a". Il y a réflexivité parce que a renvoie dans sa signification à
l'occurrence de a (et non à son type). Pour une critique linguistique très pertinente cf.
G. Kleiber 1986 p. 13 et ss. Gale 1967 contient également une critique serrée de ce concept.
(11) Ce langage assez puissant est chez Montague la logique intensionnelle, une «logique
modale du second ordre ».
(12) Cf. sur cette opposition classique Strawson 1963 et Carnap 1963.
(13) Pour le lien entre théorie des modèles et pragmatique, cf. D. Kalish 1967.
(14) Bien entendu dans les développements postérieurs de la sémantique de Montague et plus
généralement de la sémantique fondée sur la théorie des mondes possibles, la place
réservée à la pragmatique du deuxième et même du troisième degré est beaucoup plus
grande. Voir par exemple dès 1972 Stalnaker, et Kartuunen & Peters 1984 (trad, franc.)
pour une synthèse des idées de Grice et de Montague. De plus à l'intérieur de la
pragmatique du troisième degré certaines tentatives de formalisations ont vu le jour, par
exemple Searle & Vandervecken 1984 dans leur tentative (discutable) de «logique
illocutionnaire ».
(15) Cette restriction est importante : Montague n'exclut pas que la pragmatique puisse
s'émanciper de la théorie des modèles.
(16) In Scott 1970.
(17) Cf. Thomason 1974, p. 63-68.
Nef : Indexicalité et indicialité 273
(18) Lewis 1972 se trouve également dans Lewis 1985 avec un post-scriptum inédit
(19) II nous semble plus exact de parler de dépendance contextuelle par rapport au lieu que
par raport à l'espace : le lieu est centré, comme le temps grammatical, tandis que l'espace
ne l'est pas, comme le temps physique.
(20) Montague 1974, p. 104 et ss. s'était intéressé à des phrases comme J'existe qui sont
pragmatiquement valides, i.e. vraies dans tout contexte d'emploi, mais non sémantique-
ment valides - il ne s'agit pas d'une proposition nécessaire.
(21) On peut discuter le degré de remise en cause de certains postulats frégéens de Tl par
Kaplan. Le principal de ces postulats est celui de la référence indirecte - i.e. que toute
référence se ferait via les intensions -. Kaplan, en effet, soutient que les indexicaux peuvent
référer directement. On laisse ce point de côté.
(22) On entend ici par «phrase indexicale pure», par abus de langage, une phrase qui ne
contient que des expressions indexicales, comme « J'existe», *Je suis ici».
(23) < La présence du locuteur à son énonciation fait que chaque instance de discours constitue
un centre de référence interne» (1974, p. 82) Benveniste attribue aux indexicaux une
< réalité de discours » (1966, p. 252), ce sont des « signes vides », non référentiels par rapport
à la réalité... n'assertant rien ils ne sont pas soumis à la condition de vérité (op. cit. p. 254).
Cependant les indexicaux renvoient aux instances du discours. C'est cette fonction de
renvoi qui constitue la « référence interne » (source de sui-référentialité).
RÉFÉRENCES
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