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Conflit entre générations – le débat sur le climat divise-t-il les jeunes et les moins jeunes?
Les manifestations incessantes des jeunes pour la protection du climat contrastent avec l’image
dominante de la jeunesse apolitique. Le nouveau mouvement accuse les anciens de ne pas s’être
préoccupés de l’avenir durant trop longtemps. Par ailleurs, les plus de 60 ans l’emportent presque à
chaque fois aux urnes – et pas seulement en matière de climat. Y a-t-il une nouvelle menace de conflit
entre les générations? Un conflit de générations – qu’est-ce au juste?
Les jeunes manifestent pour la protection du climat sous la devise #FridaysforFuture. Ce mouvement
mondial, initié par la jeune Suédoise Greta Thunberg, a également motivé de très nombreuses personnes
en Suisse. Les rassemblements se succèdent depuis plusieurs mois. À ce jour, plus de 60 000 personnes se
sont regroupées dans les rues au plus fort de ces manifestations du vendredi. Les élèves exigent
notamment que la Suisse déclare une urgence climatique nationale. Selon eux, les émissions de gaz à effet
de serre devront être réduites à zéro d’ici 2030. La plupart des jeunes militants n’ont pas (encore) le droit
d’exprimer leur opinion lors des votations. Ils manifestent dans la rue et font ainsi entendre leurs
préoccupations. Au-dessus de cette marée humaine flottent des banderoles portant l’inscription «L’avenir
de qui? Notre avenir!» et des cris résonnent «Nous sommes ici, nous sommes bruyants, parce que vous
volez notre avenir!» Les jeunes militants accusent les générations plus âgées d’avoir manqué l’occasion de
réagir à temps à la crise climatique. Elles doivent enfin agir. Maintenant!
Une jeunesse apolitique?
Les événements actuels contrastent fortement avec l’opinion largement répandue selon laquelle les jeunes
sont apolitiques et participent à peine au système politique. Ce tableau est extrêmement persistant, entre
autres, en raison d’un taux de participation souvent très faible des électeurs les plus jeunes. En comparant
la jeunesse d’aujourd’hui avec celle d’autrefois, politique elle, on se réfère soit aux émeutes des années
1980, soit au mouvement de 1968. Le «Politikmonitor 2018» d’easyvote l’affirme clairement: «Si l’on
interroge les jeunes sur leur engagement politique auto-évalué, celui-ci tend à diminuer dans
l’ensemble.» Mais soudain, les jeunes sont dans la rue. L’inquiétude au sujet de la jeunesse apolitique
passe à l’arrière-plan et, parallèlement, un autre débat resurgit et capte l’attention: celui du conflit de
générations.
Qu’est-ce qu’un conflit de générations?
Un conflit de générations est un conflit entre membres de générations différentes, en particulier entre
jeunes et adultes. Il est souvent marqué par des préjugés mutuels. Un conflit de générations découle de
valeurs divergentes ou de conflits d’intérêts. L’assurance vieillesse est un exemple de conflit de
générations. L’AVS est en vigueur depuis 1948 et vise à garantir la sécurité financière des retraités.
Toutefois, en raison de l’évolution démographique, le nombre de cotisants diminue, alors que le nombre
de retraités augmente. Il en résulte un conflit d’intérêts entre les différentes générations, entre les
retraités et les cotisants. Les conflits entre générations doivent toujours être considérés dans leur contexte
historique; ils sont tributaires des opinions et des attitudes de la société à un moment donné.
Grands-parents engagés pour le climat
En ce qui concerne l’engagement pour le climat, précisons tout d’abord une chose: les jeunes ne sont pas
les seuls à s’investir pour cette cause, les générations plus âgées le font également. Les groupes GPClimat
sont actifs dans ce domaine depuis 2016 et comptent actuellement un millier d’adhérents. Ces «Grands-
https://www.intergeneration.ch/fr/blog/conflit-entre-generations-le-debat-sur-le-climat-divise-t-il-les-jeunes-et-les-moins-jeunes
2/Compréhension Écrite Pré-Avancée/Département de Français de l’Universitas Lampung/Mme. Setia
Article 2
« Ok Boomer » : Et si cette fois le conflit générationnel était réel ?
Guillaume Allègre Posté le 3 janvier 2020
L’expression « Ok boomer » a été popularisée lorsqu’une parlementaire néo-zélandaise de 25 ans, Chlöe
Swarbrick, s’est fait chahuté sur son âge durant un discours sur le changement climatique et qu’elle a
répondu par un simple « Ok boomer ». L’expression est devenue une réplique utilisée pour se moquer des
membres de la génération des baby-boomers, en particulier en réponse aux critiques faites aux générations
plus récentes. « Ok boomer » n’est pas le synonyme modernisé de « vieux schnock » ou autre expression
faisant référence à l’âge de l’interlocuteur. Boomer fait référence à une génération, définie non par l’âge
mais par l’année de naissance.
Faut-il relancer le conflit générationnel ? La dénonciation des iniquités générationnelles n’est pas nouvelle.
On trouve dans chaque génération des personnes pour se plaindre de son sort. En 1993, Christian Saint-
Etienne, né en 1951, publiait Génération sacrifiée, les 20-45 ans. Les personnes âgées de 45 ans en 1993
étaient nées en 1948 soit en plein dans le baby-boom, une génération supposée dorée. Notons aussi que la
génération sacrifiée selon Christian Saint-Etienne était la sienne. Louis Chauvel, né en 1967, s’est spécialisé
dans la dénonciation des baby-boomers. Dans Le monde, il écrivait en 2011 : « Les derniers retraités aisés
du début du baby-boom décident de l’appauvrissement des générations nées trop tard, victimes muettes
d’enjeux où leur absence est sciemment organisée », « les nouvelles générations nées après 1955, celles
entrées dans le monde du travail après 1975 dans le contexte du plein chômage, ont été affectées de façon
durable, voire définitive. » La génération de Louis Chauvel aurait donc été sacrifiée par celle de Christian
Saint-Etienne ! A l’heure de la réforme des retraites annoncée par Edouard Phillippe, ce serait la génération
née après 1975 qui serait sacrifiée. Dans un thread, Camille Peugny, né en 1981, écrit : « les cohortes nées
en 1975 et après ont d’abord trouvé sur leur chemin un taux de chômage des jeunes actifs
systématiquement 2 à 3 fois plus élevé que pour le reste de la population », « Rappelons ensuite que
lorsqu’elles ont trouvé un emploi, ce dernier est de plus en plus souvent précaire ».
Le discours sur les générations dorées et les générations sacrifiées s’appuient sur certaines réalités. Il est
vrai que les baby-boomers ont bénéficié des Trente Glorieuses qui leur a permis d’avoir des carrières
fortement ascendantes. De plus, étant nombreux, ils n’ont pas eu de mal à financer les retraites de leurs
ainés. Au contraire, les générations actives actuelles doivent financer les retraites des nombreux baby-
boomers, d’où une série de réformes des retraites ayant pour objectif d’allonger la période de cotisation.
Les baby-boomers ont également bénéficié de l’augmentation des prix immobiliers. A l’inverse, il est vrai
que les générations suivantes ont connu le chômage et la précarité lors de leur entrée dans la vie active, de
prix immobiliers importants lors de leur achat de logement ainsi qu’une croissance en berne : leur carrière
est ainsi moins ascendante que celle des baby-boomers.
Pourtant, il existe bien aujourd’hui une iniquité intergénérationnelle, mais ce n’est pas celle soulevée par
Christian Saint-Etienne, Louis Chauvel ou Camille Peugny. L’iniquité est soulevée par une génération plus
jeune personnifiée par Chöe Swarbrick et Greta Thumberg : c’est la dette climatique. Les baby-boomers ne
transfèrent pas que des héritages financiers et immobiliers, ils transfèrent également un capital naturel
fortement dégradé : accumulation de CO2 dans l’atmosphère provoquant le réchauffement climatique,
perte de la biodiversité, etc. Il n’est alors pas étonnant que ce soient les générations les plus récentes qui
s’insurgent : non seulement ils n’ont pas de responsabilité politique, n’ayant pas été au pouvoir et n’ayant
pas de poids électoral, mais ce sont elles – ainsi que les générations non nées – qui subiront le plus
fortement les dégâts et paieront, on peut l’espérer, le coût de la transition écologique, en termes
d’investissement vert, investissement vert qui n’a pas jusqu’ici été réalisé malgré la connaissance des
dégats. « Boomer » est la génération qui a fermé les yeux face au réchauffement climatique. C’est là la
véritable injustice générationnelle.
https://www.confluences.fr/2020/01/ok-boomer-et-si-cette-fois-le-conflit-generationnel-etait-reel/
La lutte des âges plutôt que la lutte des classes ? Selon les chercheurs Serge Guérin, et Pierre-Henri
Tavoillot, les oppositions entre jeunes et vieux ont toujours existé, ce qui n’empêche pas depuis plusieurs
années un renforcement des liens intergénérationnels.
La guerre entre les générations pourrait être un bel enjeu pour la campagne présidentielle. Retraites, droits
de succession, allocation pour l’autonomie, revenu universel : ces débats pourraient-ils faire exploser une
guerre latente, qui opposerait les jeunes précaires et les «papy-boomers» bien lotis, les adolescents
connectés et les seniors dépassés, les actifs et les oisifs ? Pour le sociologue Serge Guérin, spécialiste des
enjeux du vieillissement et de la solidarité, et le philosophe Pierre-Henri Tavoillot, le lien intergénérationnel
n’a, au contraire, jamais été aussi fort qu’aujourd’hui. Dans La guerre des générations aura-t-elle
lieu ? (Calmann-Lévy), les auteurs affirment que l’intergénérationnel est même le meilleur levier social
dont la France dispose. Une thèse qui va à rebours de celle du sociologue Louis Chauvel, qui affirme qu’il y
a bien une guerre entre générations.
Vous commencez votre livre en imaginant le saccage d’une boîte de nuit par des cadres refoulés du fait de
leur âge, une mutinerie dans une maison de retraite contre la tyrannie de la vitesse, une manifestation
d’enfants en colère contre la dette et la pollution, un lobby de cheveux gris qui fait la grève de la sagesse…
C’est une fiction impossible, un scénario drôle et absurde qui montre que la «guerre des générations» ne
veut rien dire parce qu’elle n’existe pas. Personne n’aime se battre contre lui-même. Un tel affrontement
n’a pas de sens parce que la vie suit son cours, et cet enfant, ce jeune, cet adulte, ce vieux, nous le sommes
tour à tour. C’est l’indétermination de la notion de guerre des générations qui nous révolte. Qu’il y ait ici ou
là des tensions entre générations ne veut pas dire qu’il y aura une guerre. Cette hypothèse catastrophiste
séduit parce que dans un monde complexe, on a besoin de scénarios simples. Après la lutte des classes, la
guerre des races, le clash des civilisations, l’antagonisme des sexes, on s’imagine une lutte des âges. Mais
on frôle l’idéologie en appliquant à l’ensemble de notre société le schéma explicatif de la guerre, comme
s’il pouvait suffire. Il ne s’agit pas de nier toute conflictualité entre générations, mais de se demander si elle
peut être une clé de lecture globale de la société.
Vous affirmez, au contraire, que les liens entre générations n’ont jamais été aussi forts. Pourquoi ?
Les liens entre générations, contrairement à tous les pronostics, se sont renforcés. Le lien
intergénérationnel était subi, évident et mécanique ; il est maintenant choisi, pensé et réciproque. Avec
l’avènement de la société des individus, ce lien n’est plus une évidence de l’esprit ou une contrainte de la
société. La famille s’est métamorphosée, on n’est plus enfant, parent ou grand-parent comme avant, ne
serait-ce que parce qu’on l’est plus longtemps qu’avant. La société a évolué, les marqueurs historiques
se sont restreints, et l’imaginaire commun tend à se fragmenter. Les rites de passage - diplôme, service
militaire, premier bulletin de vote, premier travail - ne sont plus des bornes aussi fixes qu’avant. Ce
sentiment de crise voire de guerre des générations n’est que le symptôme confus de cette nouvelle donne.
Les relations entre générations sont plus que jamais porteuses de sens, car ce sont elles qui nous relient à
une forme de permanence, et nous permettent de toucher encore à l’idée d’éternité.
https://www.liberation.fr/debats/2017/03/20/la-guerre-des-generations-est-une-fiction-impossible_1557086
négalités entre baby-boomers et «millennials»: le conflit de générations
Les sociétés sont structurées par des mouvements sociaux visant à réduire les inégalités. Le XIXe fut
marqué par la lutte des classes. Le XXe fut celui de la lutte pour l’égalité entre les sexes. Le XXIe siècle
sera celui d’un conflit de générations entre baby-boomers et «millennials»
Le baby-boomer est né entre 1946 et 1964. Il a aujourd’hui entre 54 et 72 ans. Il n’a pas connu les affres de
la Seconde Guerre mondiale, il a bénéficié de la croissance économique des Trente Glorieuses, a aisément
trouvé un emploi sans être nécessairement très qualifié. En France, de 1946 à 1964, le taux de chômage
était inférieur à 2%. Il était d’à peine 5% dans les années 80. Quand il était actif, le baby-boomer a payé les
retraites d’une génération décimée par la guerre, dont l’espérance de vie était limitée. Le millennial (ou
génération Y) est né entre 1988 et 2000. En 2018, il a entre 18 et 30 ans. Il a dû se former plus longtemps
pour espérer trouver un travail, il a connu et va connaître le chômage. En France, le taux de chômage a
atteint plus de 10% au début des années 90 et n’a depuis pas diminué. Il est aujourd’hui de 9,2% pour
l’ensemble de la population et de 22,6% pour les 18-25 ans. Les emplois peu qualifiés de ses aînés ne
cessent de disparaître sous l’effet de la robotisation et de l’informatisation.
Résultat: le millennial va travailler plus longtemps pour bénéficier d’une retraite et payer celles des baby-
boomers, il devra rembourser la colossale dette publique et financer le système de santé dont ses aînés
sont les principaux bénéficiaires. En France, en 1964, la dette publique était inférieure à 20% du PIB (21,6%
en 1978). Elle a atteint 60% en 2000 et 96% en 2018. Les baby-boomers ont vécu à crédit et ont accumulé
des dettes qui seront remboursées par leurs enfants et leurs petits-enfants.
Fracture sociale
L’inégalité sociale majeure du XXIe siècle est celle qui existe entre les générations. L’accroissement des
inégalités dénoncé par des économistes tels que Thomas Piketty résulte moins d’une différence entre les
classes que d’un fossé creusé entre les générations. Les rapports s’accumulent pour dénoncer cette
nouvelle fracture sociale. Le Fonds monétaire international calcule qu’aujourd’hui, dans les 28 pays de la
Communauté européenne, la pauvreté des 18-24 ans est deux fois plus élevée que celle des plus de 65 ans
et que cet écart a doublé en dix ans. La Fondation Caritas montre que les jeunes dans 17 pays européens
ont de très grandes difficultés pour accéder au logement et qu’ils constituent l’essentiel des working
poors. Caritas parle d’injustice intergénérationnelle. Les uns ont des revenus salariaux précaires, les autres
des retraites garanties par les pouvoirs publics.
A force d’être exclus de la société, les millennials finissent par la rejeter en s’en auto-excluant. Les taux de
participation des jeunes aux élections politiques, aux partis et aux syndicats sont historiquement faibles.
Quel employeur ne s’est pas plaint de leur comportement individualiste, de leur manque d’engagement
dans l’entreprise et de leur grande versatilité au point de mener des politiques de GRH qui leur soient
dédiées?
La raison en est que le contrat social intergénérationnel est devenu trop inégalitaire et que l’avenir paraît
bien sombre. La redistribution de la richesse va des plus jeunes aux plus vieux. Le vieillissement de la
population va accentuer cette logique pour financer la Sécurité sociale et creusera le fossé entre
générations.
https://www.letemps.ch/economie/inegalites-entre-babyboomers-millennials-conflit-generations
INTERVIEW. Le non-respect des gestes barrières semble faire naître un conflit entre les générations.
Attention aux clichés, prévient le sociologue Serge Guérin.
Entre milléniaux, nés à l'orée des années 2000, et baby-boomers, enfants gâtés du consumérisme, le
torchon brûle. Le confinement, obligeant les jeunes actifs à une retraite forcée, aura épargné des vies mais
aggravé la situation économique sur tous les fronts. De quoi faire réagir une jeunesse précarisée, avide de
changements. Du côté du troisième âge, on regrette l'insouciance de ces jeunes trublions, sortis trop vite
des interdits du confinement au risque de voir l'épidémie repartir de plus belle. Plusieurs fois annoncé,
maintes fois théorisé, le conflit des générations aura-t-il lieu en 2020, année de tous les dangers ? Serge
Guérin, sociologue spécialiste du vieillissement, revient pour Le Point sur une notion fluctuante en insistant
sur la force du lien intergénérationnel.
Le Point : Le confinement a-t-il exacerbé le ressentiment entre les catégories d'âge jusqu'au point de
non-retour ?
Serge Guérin : C'est assez amusant, mais avec la crise du Covid-19 est apparu un désir prononcé de
protection qui relève presque de l'infantilisation. C'est particulièrement visible pour les personnes âgées. À
la sortie du confinement, nous en étions presque à interdire aux anciens de sortir de chez eux, passé 65 ou
70 ans : « Ne sortez pas de chez vous. » Cette moralisation des usages du confinement a eu lieu
principalement en direction des plus âgés parce que plus vulnérables. En même temps, des gens eux-
mêmes relativement âgés, peut-être en mal de notoriété, sont intervenus dans les médias pour expliquer
que ce confinement mettait en cause l'avenir des jeunes à cause des vieux. Il y a quelque chose de régressif
à intimer aux gens tel ou tel comportement en fonction d'une catégorie d'âge.
Ne fermons pas les yeux sur les comportements incivils, mais c'est aussi méconnaître que beaucoup de
jeunes ont été solidaires de personnes âgées. C'est l'étudiant du coin qui demande à sa voisine sur le palier,
à qui elle n'a jamais parlé avant, si celle-ci a besoin d'aide pour les courses, par exemple. Ce sont des
choses très simples mais qui permettent tout simplement de faire société. Ces micro-solidarités ont été
très importantes durant le confinement. Pour en revenir au déconfinement, ce qui était prévisible, c'est
que les plus de 70 ans n'allaient pas se ruer en boîte de nuit. Les gens ne sont pas idiots, environ 80 % des
Français ont joué le jeu et puis d'autres, environ 20 %, pour des raisons diverses, refusent le commun. Il ne
faut pas confondre le besoin légitime de s'aérer, de sortir, de retrouver ses amis avec un certain mépris,
plus malsain, pour les normes. C'est ce que l'on a vu avec la rave party illégale en Lozère.
Les temps sont durs. La solidarité née du confinement existera-t-elle encore dans quelques années ?
J'aimerais rappeler que l'un des secteurs qui auront le vent en poupe sera justement celui de la santé et de
l'accompagnement auprès des personnes âgées. Aujourd'hui, on a plutôt du mal, y compris parmi les gens
peu diplômés, à trouver le personnel pour travailler ou s'occuper des personnes âgées en situation de
dépendance. Quand on dit qu'il n'y a pas d'emploi, c'est juste, mais il y a aussi plein de métiers que les gens
ne souhaitent pas faire. Question de dévalorisation, d'image, de salaire… mais il est intéressant de se dire
qu'au nom de la santé on a mis en péril l'économie. Dans le même mouvement, la santé est un des pôles
majeurs de création d'emplois.
Les personnes âgées continuent de faire attention. Nos vieux auraient-ils plus de mémoire ?
Les vieux ont surtout plus d'histoire. On ne peut pas demander à quelqu'un de 20 ans de se projeter de la
même façon. C'est normal. Mais il y a quelque chose qui s'est déjà produit au moment des attentats et qui
me fait penser à la fameuse phrase de Raymond Aron : « L'histoire est tragique. » C'est vrai que nos
sociétés préfèrent la notion du progrès selon le principe que le nouveau serait préférable à l'ancien. Et
pourtant, l'histoire est tragique. Elle est faite d'allers-retours. Finalement, cette épidémie n'a rien
d'incroyable. Pensez à la peste noire ou au typhus… Le regard porté sur notre histoire, notamment par les
plus âgés, devrait nous inviter à un peu plus de modestie. Malgré toutes nos technologies et les tablettes
du monde, c'est finalement un minuscule virus qui parvient à déstabiliser des économies entières. Rendez-
vous compte, nous étions presque aussi démunis qu'il y a un siècle, même si le nombre de décès n'avait
rien de comparable.
Si l'on vous suit, la guerre des générations relève plus du fantasme que du réel affrontement…
En effet, les gens âgés – je ne parle pas des personnes en Ehpad ou très âgées – ont globalement bien tenu,
tout en s'inquiétant pour les plus jeunes d'entre nous. Pour moi, cela renvoie à une notion que j'évoque
très souvent : la solidarité intergénérationnelle. Quand vous dites les vieux, vous pensez souvent à vos
propres parents ou grands-parents en fonction de votre âge et inversement. De leur côté, les vieux, comme
vous dites, pensent beaucoup à leurs petits-enfants. Ce sont des choses incarnées que nous faisons nôtres.
C'est pourquoi je pense qu'il n'y a pas de guerre des générations, contrairement aux discours entretenus
par certains décideurs qui adoreraient la voir éclater. Une telle guerre permettrait de ne pas parler d'autres
questions qui fâchent, la question sociale ou la question culturelle, par exemple. La différence, par rapport
à avant, c'est qu'il existe un écho médiatique.
https://www.lepoint.fr/societe/covid-19-jeunes-vieux-ca-ne-veut-strictement-plus-rien-dire-14-08-2020-2387767_23.php