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La première grève mondiale pour le climat, c’était en 2018. Depuis, les actions en faveur de la lutte
contre le réchauffement climatique ne font qu’augmenter. En Belgique, le mouvement "Youth for
Climate" s’inspire de la démarche de l’activiste suédoise Greta Thunberg et mobilise de milliers de
jeunes belges. Retour et analyse sur un mouvement en ascension.
A l’heure d’écrire ces lignes, Adélaïde Charlier, le visage namurois et francophone de "Youth for
Climate" se trouve à Glasgow. Avec elle, son pendant néerlandophone, Anuna De Wever. Elles
rejoignent une cohorte très grande d’activistes pour le climat, chapeautés par Greta Thunberg.
C’est la Suédoise qui a lancé le concept des grèves pour le climat, en 2018, en manifestant devant le
parlement suédois. Ses "Fridays for Future" gagnent vite du terrain. Aux quatre coins du monde, les
jeunes se mobilisent. Tous les vendredis, pas d’école, mais grève pour le climat. Le slogan est efficace : "
Pourquoi aller en cours si on n’a pas d’avenir ?". Les manifestations ont lieu dans plus de 120 pays,
Greta interpelle les politiques à l’Onu : "How dare you ? Comment osez-vous ?"
Malgré la crise sanitaire, les manifestations ont repris cet automne, dans l’objectif de faire bouger les
lignes en vue de la COP26.
Un changement de paradigme
Aussi, le mouvement écologiste n’est pas une nouveauté. Les scientifiques prennent conscience de
l’existence du réchauffement climatique dès les années 1970-1980 et le GIEC (Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat) est créé en 1988. Le mouvement écologique touche,
déjà à ce moment-là, certaines franges de la population, notamment en Allemagne, rappelle Geoffrey
Pleyers. En Belgique, par exemple, c’est le moment d’expériences comme celle de La Baraque à
Louvain-la-Neuve.
Pour le sociologue, il ne s’agit pas non plus du grand premier mouvement global dans nos sociétés
contemporaines. En revanche, on y ressent, aujourd’hui, un côté plus "mondialisé" : "Il s’agit d’un
mouvement très global. La présence des réseaux sociaux a contribué à lui donner cette dimension. Par
exemple, lors des manifestations à Paris, quand Greta Thunberg était là, tout le monde parlait en
anglais."
Selon le sociologue, mais aussi selon Bernard Feltz, il n’est pas non plus possible de comparer ce
mouvement à celui de mai 1968 : "On vit un moment charnière, un véritable tournant. Et on se rend
compte que l’enjeu est énorme : il s’agit de l’avenir de l’humanité et de questions urgentes. Par rapport à
mai 1968, on est face à quelque chose de plus fondamental : on touche aux possibilités des conditions
d’une vie sur Terre, alors qu’en 1968 les combats étaient différents et tous les pays n’ont pas été touchés",
explique le philosophe.
Pour lui, il s’agit de modifier radicalement notre vision du monde : le progrès, tel qu’on le connaissait,
reposait sur une vision du monde où les ressources seraient infinies. "Or cette vision impose un monde
sans limites, alors que là, on se rend compte de la finitude du monde".
Le mouvement, tout en demandant un changement et imposant une remise en question, a fait, lui
aussi, son bout de chemin. Aujourd’hui, il s’est professionnalisé. "Ces jeunes sont engagés d’une
manière peu classique. Ils ne sont pas organisés en syndicats ou structures de ce genre, mais leur action
impacte la vie quotidienne et leur mouvement est de longue haleine, comme c’est le cas pour de
nombreux mouvements de contestation aujourd’hui", analyse Geoffroy Pleyers.
Ce ne sont pas des syndicats, et pourtant, il suffit d’écouter les déclarations des porte-parole belges de
"Youth for Climate" pour se rendre compte qu’on va beaucoup plus loin dans la stratégie de
communication. On n’est pas dans de simples grèves d’étudiants, comme on a pu les voir par le passé.
"Lors de la COP21 de 2015, de jeunes Belges et Français étaient présents. Depuis lors, la communication
de ces activistes se professionnalise. Certains membres du mouvement ont des expertises en matière de
communication et d’organisation et consacrent leur carrière à ces enjeux après avoir renoncé à des jobs
bien plus rémunérateurs. Après, ce qui reste très intéressant dans ce mouvement, c’est qu’il est toujours
capable de mobiliser des adolescents de 13 ou 14 ans.", détaille le sociologue. Pour lui, le poids de ces
activistes au sein de la société est bien réel.