Vous êtes sur la page 1sur 17

07/03/2023 16:38 5. Une photo avec Greta | Cairn.

info

5. Une photo avec Greta


Edouard Morena
Dans Fin du monde et petits fours (2023), pages 131 à 151

Chapitre
« On pense parfois que l’on est en train de “dire la vérité aux puissants” alors qu’en réalité on est en train de “parler à un événement organisé
par ceux au pouvoir et pour les maintenir en place” ».
[1]
— Nathan Thanki, activiste climatique 

Je t’aime, moi non plus

S i une scène devait résumer à elle seule l’état actuel du débat climatique, ça pourrait être celle-là. Le 21 janvier 2020, au Forum
économique mondial de Davos, Greta Thunberg, jeune égérie du mouvement climat, s’est adressée à un parterre de hauts dirigeants et
personnalités politiques et économiques. Durant un peu moins de huit minutes, Thunberg a pris son auditoire à partie, l’accusant de ne pas
1

https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/fin-du-monde-et-petits-fours--9782348074554-page-131.htm 1/17
07/03/2023 16:38 5. Une photo avec Greta | Cairn.info

assez agir pour le climat : « Je me demande ce que vous allez raconter à vos enfants lorsqu’il faudra leur expliquer votre échec et le chaos
climatique que vous leur léguez sciemment. » Avant de conclure : « Notre maison brûle toujours, et votre inaction attise un peu plus les
[2]
flammes d’heure en heure   ».

Ce qu’il y a de saisissant dans cette scène, ce n’est pas tant le ton de son intervention et le décalage entre la militante climatique, en jeans, 2
baskets et sweat à capuche, et un auditoire dont le bilan carbone cumulé avoisine celui d’un petit État. C’est plutôt la réaction de ce dernier et
sa signification symbolique. Loin de signaler une soudaine prise de conscience ou un revirement idéologique ou stratégique, le tonnerre
d’applaudissements et la « standing ovation » qui ont suivi son discours scellaient la réappropriation d’un symbole – Greta Thunberg – et du
mouvement qu’il incarnait – les millions de jeunes mobilisés pour le climat à travers le monde. Peu importait, au fond, la violence de ses
paroles. Et peu importait sa sincérité ou l’émotion qu’elle dégageait. Ce 21 janvier 2020, il s’agissait d’accrocher Greta Thunberg à son tableau
de chasse, et par là même d’entretenir un statu quo qui, au-delà des slogans et des belles paroles, nous mène tout droit vers un monde à + 2 °C
ou + 3 °C.

Plus largement, le sommet de Davos de 2020 est l’expression d’un effort concerté de prise en main du débat climatique par les élites ; un 3
effort initié au début des années 2000 et dont les étapes successives ont été précédemment décrites : construction d’une conscience
climatique de classe (chapitre 1), travail de façonnage, à grand renfort de consultants, de communicants et d’experts en tout genre, des
institutions et processus internationaux censés tracer la voie à suivre en matière de politiques climatiques (chapitres 2 et 3), et orientation
du discours dominant sur la crise climatique et les solutions à y apporter (chapitre 4). En 2020, le mouvement climat représentait l’ultime
obstacle à surmonter dans cette lutte hégémonique. La réappropriation du mouvement était d’autant plus centrale qu’il constituait l’un des
principaux bastions de résistance face à l’OPA en cours et ses effets concrets : aggravation de la crise climatique, priorisation des
mécanismes de marché et du « technosolutionnisme », accroissement des inégalités sociales, crise démocratique…

La participation de Greta Thunberg au Forum de janvier 2020 faisait suite à une année historique de mobilisa tions en tout genre 4
déclenchées par la publication du rapport spécial du GIEC sur les 1,5 °C (publié en octobre 2018). La première grève climatique mondiale
organisée en mars 2019 par Fridays For Future, le mouvement porté par Thunberg, a rassemblé de par le monde près d’un million de
manifestants. Quelques mois plus tard, en septembre 2019, lors de la Semaine mondiale pour le futur, le chiffre a quasiment atteint
[3]
6 millions de manifestants  . Et c’est sans compter les nombreux happenings et actions de désobéissance civile non violents des activistes
d’Extinction Rebellion (XR), mouvement né au Royaume-Uni à la fin 2018, ou les nombreuses luttes plus locales en lien plus ou moins direct
avec la crise – ZAD de Notre-Dame-des-Landes, Ende Gelände, Keystone XL… La radicalité des discours et la dimension spectaculaire des

https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/fin-du-monde-et-petits-fours--9782348074554-page-131.htm 2/17
07/03/2023 16:38 5. Une photo avec Greta | Cairn.info

actions menées, conjuguées à leur croissante popularité et leur résonance médiatique, ont contribué à positionner le mouvement climat au
cœur du débat climatique international. Il ne pouvait d’autant moins être ignoré qu’il représentait une menace potentielle pour le régime
climatique institué par l’accord de Paris.

Afin d’influencer – et donc de neutraliser – le mouvement, les élites ont exploité ses faiblesses, et notamment ses difficultés à s’extraire d’un 5
agenda climatique international dont le séquençage et l’orientation répondent en priorité aux intérêts des élites climatiques. La présence de
Thunberg à Davos est symptomatique d’une difficulté plus large à exister hors des arènes – CCNUCC, GIEC, sommets climatiques de type
One Planet Summit – qui, mises bout à bout, constituent ce que l’on appelle communément le « régime de gouvernance climatique ». Cela
renvoie au fait que les origines et l’évolution du mouvement climat sont indissociables des institutions et processus internationaux créés à la
fin des années 1980 et au début des années 1990 pour traduire le consensus scientifique naissant autour du climat en politiques et actions
[4]
concrètes  . Et dès lors que ces institutions et processus ont été cooptés par les élites économiques, le mouvement climat est devenu
structurellement dépendant de ces élites et de leur agenda politique.

Un mouvement dépendant

Pour les scientifiques, les experts, les hommes politiques et les technocrates à l’origine du GIEC et de la CCNUCC, le déploiement d’une 6
« société civile globale » climatique était essentiel à la légitimation de l’enjeu et des institutions et processus nouvellement créés. Il fallait
aussi obtenir l’engagement des États en vue d’une réponse globale et négociée. Comme l’écrivait à l’époque un responsable de la Rockefeller
Brothers Fund (RBF), fondation très impliquée dans la construction et le financement des différentes institutions et processus climatiques,
« compte tenu de la lenteur glaciale à laquelle avancent les différents gouvernements du monde vers une action coordonnée pour traiter du
problème [climatique], les organisations non gouvernementales informées et compétentes, libérées des considérations politiques qui
[5]
contraignent les initiatives gouvernementales, ont un rôle important à jouer   ». À ses origines, les quelques ONG qui, mises bout à bout,
composaient le mouvement climat étaient donc perçues et conçues par les élites comme une force d’appui au processus onusien ; une force
d’appui dont le principal objectif était la mise à l’agenda politique de l’enjeu climatique et sa légitimation dans l’espace public – en particulier
face aux efforts coordonnés des climato-sceptiques et des intérêts fossiles. Créé en 1989, à la veille de la Second World Climate Conference
(SWCC) à Genève en 1990, le Climate Action Network (CAN) incarnait ce cadrage initial et ce rapport symbiotique entre mouvement climat
et processus onusien. Regroupant plusieurs dizaines d’ONG et de think-tanks environnementaux, parmi lesquels les grandes ONG
internationales telles que le WWF ou Greenpeace, le CAN a joué un rôle important de soutien et de promotion du GIEC et de la CCNUCC.
Plus largement, il a diffusé l’idée qu’une réponse globale devait être apportée à la crise climatique.

https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/fin-du-monde-et-petits-fours--9782348074554-page-131.htm 3/17
07/03/2023 16:38 5. Une photo avec Greta | Cairn.info

Il a fallu attendre les années 2000 pour voir les premières remises en cause sérieuses du monopole du CAN et de son positionnement vis-à- 7
[6]
vis des négociations en cours  . Plus la réalité de la crise climatique se faisait sentir, plus la science faisait consensus, plus l’orientation du
débat reflétait les intérêts de certaines élites économiques, et plus la proximité entre le CAN et le processus officiel devenait problématique
aux yeux de certains. Au début des années 2000, plusieurs voix se sont élevées à l’intérieur du CAN face à ses réticences à critiquer le faible
niveau d’ambition des États, la marginalisation des enjeux de justice, et la foi démesurée dans les mécanismes de marché et les nouvelles
technologies. À ces critiques internes se sont ajoutées celles de mouvements sociaux et d’ONG extérieurs à la CCNUCC et fraîchement
débarqués dans l’arène climatique. On pense aux organisations syndicales, indigènes, féministes qui ont réussi à officiellement se faire
[7]
reconnaître par la CCNUCC. On pense aussi aux acteurs de la justice environnementale aux États-Unis  et aux organisations
altermondialistes qui ont fait irruption sur la scène climatique dans la période qui précéda la COP15 (2009). Ouvertement opposés à
l’orientation prise par le débat climatique international, ils ont été les premiers à critiquer la mainmise des élites économiques sur le
processus de négociation.

C’est lors de la conférence climat de Bali en 2007 que les déçus du CAN et les transfuges de l’altermondialisme se sont rassemblés et ont 8
formé un nouveau réseau, Climate Justice Now! (CJN!). Et comme nous l’avons vu (chapitre 2), c’est également à Bali que les mécanismes de
marché et leur consolidation ont été placés au cœur du processus de négociation d’un nouvel accord. Face à cette évolution, les partisans de
la justice climatique se sont efforcés de réancrer le débat climatique dans des luttes et des enjeux sociaux, spatiaux et politiques plus
concrets : inégalités sociales et droits des travailleurs, droits des peuples autochtones, luttes paysannes et pour la souveraineté alimentaire,
inégalités Nord/Sud, antiracisme, droits des femmes, critique de la mondialisation néolibérale et des multinationales… Selon Nicola Bullard,
figure du CJN! et ancienne responsable de l’ONG Focus on the Global South, « la différence entre CAN et CJN! est en fait surtout une
différence d’approche : d’un côté (CJN!) la construction de mouvements et de l’autre (CAN) le lobby. […] Ce qui est critiqué, c’est leur
approche des négociations, leur choix de se situer complètement à l’intérieur des négociations. Ils se sont ainsi déconnectés des forces de
[8]
transformation sociale, de ce qui se passe sur le terrain   ».

Pour autant, et malgré ces prises de position critiques en marge du processus officiel de négociations, la montée en puissance d’une frange 9
plus radicale n’a pas entraîné de décrochage complet vis-à-vis d’un processus climatique onusien de plus en plus dépendant des intérêts de
certaines élites économiques. De Copenhague à Glasgow en passant par Paris, les COP offrent un semblant d’unité à un mouvement géogra
[9]
phiquement dispersé et idéologiquement et stratégiquement composite  . Comme l’a expliqué Nathan Thanki, cocoordinateur du réseau
Global Campaign to Demand Climate Justice, la COP « est un événement majeur du calendrier climatique. Elle occupe une place centrale, et
[10]
de nombreuses activités finissent par être centrées sur la COP   ». Ainsi, à Glasgow en 2021, pour la COP26, entre 20 000 et 30 000

https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/fin-du-monde-et-petits-fours--9782348074554-page-131.htm 4/17
07/03/2023 16:38 5. Une photo avec Greta | Cairn.info

personnes ont fait le déplacement. Soit une affluence comparable à celles de la COP21 à Paris ou de la COP15 à Copenhague. Cela témoigne
de la force d’attraction des conférences climatiques onusiennes en tant que points d’ancrage indispensables à la structuration, à la
mobilisation et à la visibilité des divers acteurs qui se réclament du mouvement climat.

Mobiliser les marges

Du côté des élites climatiques, il y a eu, au lendemain de la conférence de Copenhague, une prise de conscience de l’importance prise par les 10
mobilisations en marge des COP et de leur influence sur le processus de négociation. Les mobilisations de CJN! et d’autres mouvements
[11]
pour la justice climatique dans les rues de la capitale danoise ont été identifiées comme l’une des causes de l’échec de la COP15  . D’après
Nick Mabey, Liz Gallagher et Camilla Born, du think-tank environnemental E3G, ces mobilisations ont symbolisé l’entrée dans une nouvelle
phase du débat climatique : « La diplomatie climatique s’est déplacée d’une focalisation étroite sur le processus de la CCNUCC vers une
[12]
discipline plus large et complexe engageant de nouveaux groupes et intégrant des discussions géopolitiques plus larges  . » La priorité allait
désormais à la production et à la diffusion de « récits enchanteurs », au « façonnage de la perception publique, [au] recrutement et [à] la
formation de nouveaux leaders et [à] la mobilisation de groupes clés ». Tout ceci, mis bout à bout, créerait un cadre favorable à la possibilité
[13]
d’un nouvel accord international sur le climat  . Compte tenu de sa capacité à produire et diffuser des récits, le mouvement pour le climat,
et plus particulièrement ses composantes actives en marge de la CCNUCC, est devenu un acteur clé de la réussite (ou de l’échec) des COP et
en particulier la COP21. Sortir du cadre étriqué de la CCNUCC et s’assurer de la « bonne » interprétation de l’accord de Paris (comme un
succès) fut ainsi une condition de la réussite de la COP21.

Dès lors, et surtout à partir de Copenhague, les élites ont cherché à tirer parti de la dépendance du mouvement climat à l’égard du processus 11
onusien, et, dans la mesure du possible, à canaliser les mobilisations à sa marge en faveur d’un nouvel accord qui réponde à leurs attentes et
à leurs intérêts. Plutôt que de les dénigrer ou de s’en distancier, la priorité fut désormais de soutenir prudemment les mobilisations de rue.
Les images de Ban Ki-moon, Laurent Fabius (futur président de la COP de Paris), Al Gore et Ségolène Royal (ministre de l’Environnement),
bras dessus, bras dessous, sur la 5e Avenue à New York à l’occasion de la People’s Climate March en septembre 2014 sont symptomatiques de
cet intérêt soudain des élites climatiques envers ces manifestations et de cette volonté de faire du « off » un instrument au service du « in ».

Au-delà de ce soutien symbolique, les élites climatiques ont financé, notamment par le biais des fondations philanthropiques, plusieurs ONG 12
[14]
spécialisées dans l’organisation et l’orchestration de mobilisations en faveur du processus officiel  . Parmi elles, Avaaz.org, spécialisée dans
le cyberactivisme, a joué un rôle clé dans l’orchestration de campagnes d’information et de journées d’action qui, par le biais de slogans

https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/fin-du-monde-et-petits-fours--9782348074554-page-131.htm 5/17
07/03/2023 16:38 5. Une photo avec Greta | Cairn.info

volontairement consensuels et bon enfant, avaient pour seul objectif d’inciter à finaliser l’accord (« seal the deal ») en lui donnant un semblant
[15]
d’élan populaire  . L’arme philanthropique fut également mobilisée afin d’inciter les ONG et mouvements divers, et en particulier ceux qui
étaient actifs à la marge du processus onusien, à aligner leurs efforts sur ceux des architectes du nouvel accord. Par le biais de réseaux et de
plateformes comme le « Croissant Conspiracy » – un groupe informel de spécialistes en communication – ou l’International Politics and
Policy Initiative (IPPI) – « une plateforme de coopération philanthropique » créée en 2011 pour « [développer] des stratégies conjointes de
[16]
partage de ressources et d’alignement des financements dans le domaine de la gouvernance climatique internationale   » –, les élites
climatiques ont fait pression sur les différentes composantes du mouvement climat. Comme me l’expliquait un représentant d’ONG à la
veille de la COP21, « en monopolisant les flux de financements, l’IPPI rend difficile l’accès au financement pour ceux qui ont des idées
[17]
différentes   ». Pour un autre activiste, l’IPPI « a vidé de sens les ONG et la société civile ».

Tout en canalisant les fonds philanthropiques, l’IPPI a également participé à une homogénéisation des discours et des stratégies en 13
abreuvant le mouvement de conseils, de notes stratégiques et d’éléments de langage sur différents points en lien avec les négociations et
l’actualité climatique. Comme pour les scientifiques, il s’agissait aussi de marginaliser les voix dissonantes en les tenant responsables d’un
échec éventuel des négociations. Pour être du bon côté de l’histoire, il ne suffisait plus d’accepter la réalité du problème climatique et de se
mobiliser en conséquence. Il fallait désormais se conformer à l’approche dominante, et ce, que l’on soit au cœur ou en marge du processus
onusien.

« Signaux » et « momentum »

L’accord de Paris a opéré un tournant majeur dans la gouvernance climatique. Comme nous l’avons vu dans le précédent chapitre, il a signé 14
le passage vers un mode de gouvernance où les traités internationaux « apparaissent de plus en plus comme des outils stratégiques et
performatifs, dont la vocation n’est pas d’être appliqués à la lettre, mais d’influer sur les attentes et croyances des acteurs identifiés comme
[18]
centraux   », et en particulier les investisseurs et les entreprises. En étant axé sur un objectif global, sur un mécanisme volontaire de
soumission de plans climat nationaux par les États et de contributions par les entreprises, la production de récits enchanteurs, de
[19]
« signaux » et de « momentum » est devenue centrale dans ce nouveau « régime incantatoire » de gouvernance du climat  .

D’outil au service d’un nouvel accord et de sa bonne interprétation, le mouvement climat s’est mué en producteur et diffuseur de récits 15
climatiques, devenant dès lors un rouage essentiel du nouveau régime institué par l’accord de Paris. À travers ses slogans et actions
spectaculaires, il a participé à diffuser et à accroître le sentiment d’urgence qui est au cœur des efforts de communication déployés pour

https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/fin-du-monde-et-petits-fours--9782348074554-page-131.htm 6/17
07/03/2023 16:38 5. Une photo avec Greta | Cairn.info

« mettre l’accord de Paris en mouvement ». Les actions « radicales », dès lors qu’elles restent non violentes et se limitent à des appels à
« suivre la science » et à plus « d’ambition », sont tolérées, voire encouragées. Ainsi, la montée en puissance, courant 2019, d’Extinction
Rebellion et de Fridays for Future, le mouvement de Greta Thunberg, a été accueillie avec bienveillance par les élites climatiques. Al Gore,
Christiana Figueres, Arnold Schwartzenegger, Leonardo di Caprio, Richard Branson et tant d’autres se sont empressés de leur exprimer leur
soutien et de s’afficher à leurs côtés. Thunberg se souvient ainsi des files de personnalités en quête d’un selfie qui se sont formées à chacune
de ses interventions publiques : « Ils m’apercevaient et tout à coup ils voyaient l’opportunité de se faire prendre en photo avec moi pour leurs
[20]
comptes Instagram suivi du hashtag #sauverlaplanète  . »

À l’occasion de la grève pour le climat de mars 2019 et dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, l’ancienne secrétaire exécutive de la 16
CCNUCC et désormais femme sandwich du capitalisme vert, Christiana Figueres, a appelé les jeunes manifestants à « continuer à nous
[21]
demander des comptes » face au « manque d’action sur le changement climatique »  . Quelques semaines plus tard, elle leur a de nouveau
apporté son soutien dans une seconde vidéo : « Extinction Rebellion et les grèves scolaires […] font prendre conscience à tout le monde que
nous avons une urgence sur le climat. Nous n’agissons tout simplement pas assez vite. Cette indignation qui s’exprime dans les rues doit se
transformer en actions dont la vitesse et l’ampleur correspondent à l’urgence. On a tout ce qu’il faut pour y arriver. On a juste besoin
[22]
de décisions politiques claires et déterminées  . » Cette vidéo de Figueres est révélatrice de l’intention sous-jacente des élites climatiques
face à la montée en puissance de ces mobilisations d’un nouveau genre. Leur priorité est non seulement de les soutenir, mais aussi – et
surtout – de les interpréter, et en les interprétant de les mettre au service de leur projet politique et de leurs intérêts. Figueres insinue ainsi
que ce sont les élites qui ont les solutions à la crise et que le principal objectif de ces mouvements est de susciter une prise de conscience du
problème et de son urgence. En leur apportant son soutien, elle sous-entend également que, contrairement aux apparences, les élites et les
mouvements de type XR ou Fridays For Future sont en fait dans le même camp et complémentaires, unis par une même indignation face à
l’inaction et au manque d’ambition des décideurs politiques. En se distanciant des gouvernements et des bureaucraties étatiques – avec
lesquels ils entretiennent par ailleurs des liens étroits – et en prenant parti pour les manifestants, Figueres et les autres installent un peu
plus l’idée que le salut, du moins en apparence, viendra nécessairement « de la base », à savoir un mix détonnant d’activistes mobilisés dans
la rue et d’investisseurs et entrepreneurs.

En appui de ces efforts des élites climatiques, une petite armée de spécialistes en communication a été mobilisée pour accompagner 17
gratuitement les activistes et les aider à répondre aux nombreuses sollicitations de journalistes. C’est notamment le cas du Global Strategic
Communications Council (GSCC), un réseau international d’experts en communication fondé en 2009 et hébergé au sein de la Fondation
[23]
européenne pour le climat  . Deux communicants du GSCC ont ainsi apporté un « soutien technique et logistique » à Greta Thunberg. Un
autre communicant, Callum Grieve, ancien directeur de la communication de Mission 2020 (initiative de Christiana Figueres), de We Mean

https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/fin-du-monde-et-petits-fours--9782348074554-page-131.htm 7/17
07/03/2023 16:38 5. Une photo avec Greta | Cairn.info
[24]
Business et de The Climate Group (voir chapitre 1), lui a également porté assistance  . Mais, contrairement à ce qu’ont pu affirmer la
[25]
députée LR Valérie Boyer ou Michel Onfray, Thunberg n’était ni « sous leur emprise » ni un « produit manufacturé »  . Grieve et les
communicants du GSCC n’ont pas cherché à influencer ses prises de position mais simplement à la raccorder au calendrier climatique
international et, par ce biais, à la transformer en acteur du régime incantatoire né de l’accord de Paris. À l’image du mouvement climat dans
son ensemble, Thunberg s’est ainsi retrouvée prise au piège du calendrier infernal des « moments climatiques globaux » – Davos, COP,
sommets en tout genre – qui jalonnent le calendrier et sont censés créer le « momentum » et les « signaux » nécessaires à une transition bas
carbone réussie.

Diviser pour mieux régner

En septembre 2021, la nouvelle fondation de Jeff Bezos, le Bezos Earth Fund, a annoncé qu’elle s’engageait à verser près de 150 millions de 18
dollars à différentes organisations américaines pour la justice climatique, provoquant une onde de choc au sein du mouvement climat.
Fallait-il ou non accepter l’argent ? Était-il possible de séparer le Bezos philanthrope climatique du Bezos multimilliardaire et fondateur
[26]
d’une société, Amazon, qui exploite ses livreurs et ses préparateurs de commandes  , et qui émet plus de 60 millions de tonnes de CO2 par
[27]
an   ? Pour des organisations de terrain comme le Deep South Center for Environmental Justice, le Partnership for Southern Equity, WE
ACT for Environmental Justice ou le NDN collective, les 4, 6 voire 12 millions de dollars accordés étaient des montants considérables et
difficiles à refuser. Les arguments avancés pour justifier le fait d’accepter les financements sont révélateurs de l’embarras provoqué et de
l’incapacité à les refuser. Selon Angela Mahecha Achar, la directrice exécutive du Climate Justice Alliance, un réseau d’organisations pour la
justice climatique nord-américaines, il fallait « prendre tout l’argent qui vient vers nous » car de toute façon, « tout argent est de l’argent
[28]
sale »  . Pour Nick Tilsen, le directeur du NDN Collective, une organisation militant pour les peuples et communautés indigènes aux États-
Unis, il fallait voir dans ce soutien la preuve que les efforts déployés par les activistes climatiques portaient leurs fruits : « Nous devons
[29]
continuer à mettre la pression, car cela fonctionne  . »

Seul le temps nous dira si ces 150 millions de dollars sont le reflet d’une réelle prise de conscience de Bezos et ses amis et s’ils permettront de 19
les rendre encore « plus redevables et responsables » à l’avenir. Ce qui est certain, c’est que 150 millions c’est un montant conséquent, voire
historique, en termes absolus. Mais relativement faible comparé aux 500 millions de dollars attribués par Bezos aux « big greens » modérés
comme Environmental Defense Fund, Natural Resources Defence Council, The Nature Conservancy, World Resources Institute et World

https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/fin-du-monde-et-petits-fours--9782348074554-page-131.htm 8/17
07/03/2023 16:38 5. Une photo avec Greta | Cairn.info

Wildlife Fund, qui promeuvent activement les solutions de marché et le capitalisme vert. En d’autres termes, le choix de financer des
mouvements pour la justice climatique ne s’est pas accompagné d’un désengagement vis-à-vis des grandes ONG et think-tanks plus disposés
à défendre les intérêts des élites économiques. Bien au contraire.

Un rapide coup d’œil à l’organigramme du Bezos Earth Fund suffit à se convaincre que, pour Bezos, la justice climatique est plutôt un 20
supplément salade que le plat de résistance. Le PDG de la fondation, Andrew Steer, est un vétéran du débat climatique. Avant de rejoindre le
Fund, il dirigeait le World Resources Institute, un think-tank libéral proche du Parti démocrate et très prisé des élites climatiques. Avant cela,
ce Britannique d’origine était l’envoyé spécial pour le climat à la Banque mondiale qui, comme nous l’avons vu, a joué un rôle central dans la
promotion de mécanismes de marché pour résoudre la crise environnementale (voir chapitre 2). Le moins que l’on puisse dire, c’est que tout
cela soulève de sérieux doutes quant à la centralité de la justice climatique dans l’engagement de Bezos en faveur du climat. Et explique que
l’annonce de Bezos ait créé un si profond malaise au sein du mouvement. Accepter l’argent de son ennemi, c’est l’ultime humiliation, la
preuve de son incapacité à s’extraire d’un système que l’on prétend renverser. Et l’on peut raisonnablement imaginer que Bezos le sait.

Uberiser le mouvement climat

Pour les plus fortunés inquiets de la crise climatique, « investir » dans les mobilisations et protestations, c’est ce qui se fait de mieux en 21
termes de rapport coûts/bénéfices. En 2019, un petit groupe composé de certains d’entre eux – parmi lesquels l’entrepreneur et investisseur
Trevor Neilson, Rory Kennedy, la fille de Robert Kennedy, et Aileen Getty, la petite-fille du magnat du pétrole Jean Paul Getty – a créé le
Climate Emergency Fund. L’objectif affiché était de mobiliser leurs semblables en faveur d’organisations et mouvements engagés dans des
actions protestataires non violentes. Au cœur de leur démarche, la logique entrepreneuriale et la culture du capital-risque devaient
permettre d’atteindre un objectif immuable : se servir du mouvement pour promou voir un capitalisme vert qui garantisse leurs intérêts de
classe. De fait, à l’image d’un Al Gore, les activités professionnelles de Trevor Neilson sont directement liées à la transition bas carbone. Il
dirige WasteFuel, une entreprise spécialisée dans la production de carburants renouvelables (méthanol vert) ; entreprise dont les clients et
[30]
investisseurs incluent le géant danois du transport maritime et symbole du « capitalisme logistique   », Maersk. Avant de créer WasteFuel,
il avait cofondé, avec le petit-fils de Warren Buffett, i(x) Net Zero, une société d’investissement spécialisée dans la transition énergétique et
la durabilité en milieu bâti.

https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/fin-du-monde-et-petits-fours--9782348074554-page-131.htm 9/17
07/03/2023 16:38 5. Une photo avec Greta | Cairn.info

Cette logique entrepreneuriale se retrouve notamment dans le vocabulaire employé pour qualifier l’action philanthropique et la logique qui 22
[31]
la sous-tend. Il s’agit, comme l’explique CEF sur son site Internet, de promouvoir une « philanthropie du risque » (venture philanthropy)  . Les
mouvements de type XR et Fridays for Future sont qualifiés de « start-up innovantes » et présentés comme une extension en matière
d’activisme climatique de leur propre approche d’investisseurs et d’entrepreneurs. Ils voient en eux « une solution puissante et rentable » à la
crise climatique et un moyen de « disrupter » le mouvement climat. Dans leur viseur se trouvent notamment les ONG traditionnelles,
accusées d’être peu agiles, trop bureaucratiques et coûteuses du fait de leurs « coûts généraux élevés » et de leur « dépendance envers des
salariés nombreux, plutôt que des volontaires ».

Pour ces riches bienfaiteurs, investir dans XR et Fridays for Future, c’est investir dans des mouvements à leur image : innovants, 23
entreprenants, agiles, prêts à prendre des risques. C’est une façon indirecte de se valoriser, de se légitimer et d’installer un peu plus la figure
de l’entrepreneur innovant au cœur du débat climatique et de la société en général. La composition socio-professionnelle de ces
mouvements tend d’ailleurs à renforcer cette idée. Dans un rapport publié en juillet 2020, des chercheurs britanniques montrent que les
activistes de XR sont non seulement très éduqués, mais aussi pour beaucoup des travailleurs indépendants, notamment issus des
[32]
« industries créatives »  .

Dès lors que les riches philanthropes assimilent leurs financements à des investissements, ils favorisent une approche proactive axée sur des 24
[33]
indicateurs clés de performance et l’élaboration de « business plans »  . En conditionnant leur soutien à l’adoption d’une logique et de
pratiques entrepreneuriales, ils contribuent un peu plus à les ancrer au cœur du mouvement climat, y compris chez ses éléments les plus
radicaux, et ce, au détriment de modèles alternatifs d’organisation, plus adaptés aux réalités du terrain et aux enjeux de la justice climatique.
Pour justifier cette approche, ils insistent sur l’urgence de la situation et l’étendue du problème, mais aussi sur le caractère limité des moyens
disponibles. Puisque la philanthropie climatique représente moins de 2 % du total des fonds philanthropiques, nous expliquent-ils,
l’approche stratégique et entrepreneuriale est essentielle pour avoir un impact.

Mais, à l’image de leurs investissements dans les start-up, les philanthropes du mouvement climat sont avant tout motivés par les retours 25
immédiats. En bons capital-risqueurs, ils privilégient les investissements à court terme et faciles à délester en cas de nouvelle opportunité
plus alléchante. Dans le courant 2020, plusieurs mouvements en ont d’ailleurs fait les frais. Comme le constate la journaliste Amy Harder, la
crise du covid et la désignation du modéré Joe Biden dans la course à l’investiture démocrate ont entraîné un revirement stratégique du côté
de certains riches donateurs du Climate Emergency Fund. Les restrictions liées à la pandémie et le retour des démocrates à la Maison-
Blanche les ont amenés à délaisser les mobilisations de rue au profit d’initiatives « bipartisanes » moins radicales et centrées sur les
[34]
décideurs politiques de Washington  .

https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/fin-du-monde-et-petits-fours--9782348074554-page-131.htm 10/17
07/03/2023 16:38 5. Une photo avec Greta | Cairn.info

Se bercer d’illusions

Lorsqu’on l’interroge sur les raisons qui l’ont amené à reverser près de 200 000 livres sterling à Extinction Rebellion, le milliardaire financier 26
Christopher Hohn explique que « c’est parce que l’humanité est brutalement en train de détruire le monde avec le changement climatique et
[35]
qu’il y a un besoin urgent pour nous tous de prendre conscience de cela   ». Ce que Hohn omet d’expliquer, c’est que son soutien, par le biais
de sa fondation CIFF, s’inscrit dans une stratégie plus large, à l’image du Bezos Earth Fund, de promotion d’une certaine idée de la
transition bas carbone. Il suffit d’ailleurs de regarder à qui sa fondation consacre la majeure partie de ses fonds. Loin de signaler un
revirement stratégique, son financement d’Extinction Rebellion marque une nouvelle étape dans son effort de contrôle et d’orientation du
débat.

Du côté d’Extinction Rebellion, les explications données sont révélatrices de leur méconnaissance des intentions de Hohn et des autres 27
ultra-riches qui les financent. Roger Hallam, l’un des fondateurs de XR, évoque ainsi l’urgence de la crise : « La situation est urgente, et on
doit donc prendre des risques. L’urgence, ça veut dire que si on se plante, c’est terminé. On aura l’effondrement social. Le fascisme. Ça va
[36]
être terrible  . » Cette urgence concerne aussi les ultra-riches : « On a affaire à des riches qui pleurent la nuit comme nous ! Les riches non
plus ne veulent pas mourir ! Les riches s’inquiètent pour leurs enfants. » Avant de conclure : « Que voulez-vous qu’ils fassent ? Qu’ils se
suicident et qu’ils brûlent tout leur argent ? » En tentant de justifier son approche, Hallam contribue aussi à justifier les ultra-riches. Eux
aussi souffrent d’éco-anxiété. Ils sont, au fond, comme vous et moi. Avec son million de livres de revenus quotidiens en 2020, Hohn est l’un
[37]
des nôtres  .

À aucun moment, Hallam ne s’interroge sur les véritables raisons ayant mené Hohn et consorts à lui verser de l’argent. Il se contente de les 28
croire sur parole ou du moins à faire semblant de les croire. Or, si la crise climatique inquiète effectivement les ultra-riches, leur inquiétude
renvoie à des enjeux qui leur sont propres et concernent leur statut de classe. La planète, c’est un peu comme le Titanic : tout le monde se
dirige vers l’iceberg mais ce sont les riches passagers qui commandent le navire et qui, en cas de collision, auront prioritairement accès aux
canots et aux gilets de sauvetage. L’iceberg climatique, ils ont aussi intérêt à l’éviter, mais en cas de collision, ils ont intérêt à s’assurer que les
classes inférieures du navire ne se retournent pas contre eux. Si Hohn et d’autres ultra-riches choisissent de financer XR, c’est pour asseoir
un peu plus leur contrôle sur le navire. Et l’inquiétude exprimée par Hohn n’est pas celle d’un citoyen lambda, mais bien celle d’un
milliardaire. Ce qui est en jeu, ce sont ses intérêts économiques et son pouvoir.

L’effet miroir

https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/fin-du-monde-et-petits-fours--9782348074554-page-131.htm 11/17
07/03/2023 16:38 5. Une photo avec Greta | Cairn.info

On l’a vu, de Davos à l’université d’été du Medef, il est désormais de bon ton d’inviter des voix critiques et radicales et de s’afficher auprès 29
d’elles. À l’unisson, les médias s’extasient devant le « courage » et l’« audace » d’une Greta Thunberg et d’un Aurélien Barrau. Les extraits
vidéo se répandent à toute vitesse sur les réseaux sociaux et leurs soutiens se gargarisent d’avoir mis les élites face à leurs responsabilités.
« Dire la vérité aux puissants. » Tel est le mot d’ordre. Or on prend rarement le temps de s’interroger sur les raisons profondes qui ont poussé
les dirigeants du Medef et du Forum économique mondial à inviter ces trouble-fête. On part du principe qu’ils n’avaient pas le choix. Que,
face à la puissance du mouvement et sa résonance médiatique, ils se devaient de l’écouter. Et si, au contraire, les tribunes à Davos et les
offres de financement (acceptées) étaient moins l’expression d’une évolution des élites que le reflet d’une faiblesse structurelle du
mouvement climat ? Et si c’était la preuve que, malgré ses slogans chocs et ses actions de plus en plus spectaculaires, le mouvement climat ne
constituait pas une menace pour l’ordre établi mais plutôt, et bien malgré lui, une force d’appui au « business as usual » ? S’interroger sur les
raisons sous-jacentes qui poussent les ultra-riches à soutenir le mouvement climat, c’est se confronter à ses propres faiblesses et
incohérences. Et ce n’est pas agréable. Mais c’est indispensable, car la transition juste ne pourra pas aboutir sans rupture nette avec les élites
et leur calendrier climatique mortifère, où se succèdent indifféremment COP, forums et sommets climatiques.

Au cours des dernières années, la multiplication des mobilisations climat couplée à un contexte politique et social bouillonnant a ouvert des 30
brèches, et ce, malgré les efforts des élites climatiques. Les Gilets jaunes en France, Black Lives Matter aux États-Unis, la mobilisation
#MeToo, pour ne citer qu’eux, ont, compte tenu de leur ampleur, contribué à installer la justice, sous toutes ses formes, au cœur du débat sur
la transition bas carbone. Ils ont fait évoluer le récit et le rapport de forces. Désormais, les élites climatiques parlent à leur tour de « justice »,
d’« équité », de « changement systémique » et de « transition juste ». Mais cette réappropriation des questions de justice n’est qu’un artifice
et ne change rien à leur projet politique sous-jacent : un projet hégémonique centré sur le technosolutionnisme, les mécanismes de marché
et la prise en charge des risques et des coûts de la transition par la collectivité ; un projet qui leur donne le beau rôle et célèbre les
milliardaires entrepreneurs et les capital-risqueurs comme héros de la transition bas carbone, et désormais, de la justice climatique. Un
projet, enfin, qui place leurs intérêts de classe avant ceux des autres et de la planète. C’est à ce projet hégémonique qu’il faut désormais
s’attaquer.

Notes

Thanki, Nathan (@n_thanki) (2022), « Sometimes we think we are “speaking truth to power” when actually we are “speaking at an event organised by
power for the purposes of maintaining itself” », 30 septembre 2022, publication Twitter.

Sengupta, Somini (2020), « Greta Thunberg’s Message at Davs Forum. “Our house is Still on Fire” », New York Times, 21 janvier.

https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/fin-du-monde-et-petits-fours--9782348074554-page-131.htm 12/17
07/03/2023 16:38 5. Une photo avec Greta | Cairn.info

de Moor, Joost, Michiel De Vydt, Katrin Uba et Mattias Wahlström (2021), « New Kids on the Block. Taking Stock of the Recent Cycle of Climate
Activism », Social Movement Studies, 20(5), p. 619-625.

Morena, Édouard (2021), « The Climate Brokers. Philanthropy and the Shaping of a “US-Compatible” International Climate Regime », International
Politics, n° 58, p. 541-562.

Rockefeller Brothers Fund Records (1989), « From the Agenda and Docket for the RBF Executive Committee Meeting », FA005, RG 3, série 2, boîte 1446,
dossier 9048, 27 juin.

Newell, Peter (2005), « Climate for Change ? Civil Society and the Politics of Global Warming », in Anheier, Helmut, Mary Kaldor et Marlies Glasius
(dir.), Global Civil Society 2005/6, Londres, Sage, p. 90-119.

Schlosberg, David et Lisette Collins (2014), « From Environmental to Climate Justice », WIREs Climate Change, 5(3), p. 359-374 ; Chatterton, Paul, David
Featherstone et Paul Routledge (2012), « Articulating Climate Justice in Copenhagen. Antagonism the Commons, and Solidarity », Antipode, 45(3),
p. 602-620.

Bullard, Nicola, et Nicolas Haeringer (2010), « “Changer le système, pas le climat”. La construction du mouvement pour la justice climatique »,
Mouvements, n° 63, p. 47-57.

Caniglia, Beth, Robert Brulle et Andrew Szazs (2015), « Civil Society, Social Movements, and Climate Change », in Riley Dunlap et Robert Brulle (dir.),
Climate Change and Society. Sociological Perspectives, Londres, Oxford University Press.

Thanki, Nathan (2021), « What Really happens at a UN Climate Summit ? », Weekly Economics Podcast, novembre :
https://soundcloud.com/weeklyeconomicspodcast/cop26.

Chatterton, Paul, David Featherstone et Paul Routledge (2012), « Articulating Climate Justice in Copenhagen », loc. cit.

Mabey, Nick, Liz Gallagher et Camilla Born (2013), Understanding Climate Diplomacy. Building Diplomatic Capacity and Systems to Avoid Dangerous Climate
Change, Londres, E3G.

« European Climate Foundation (2011), Vision 2020, La Haye, ECF.

de Moor, Joost, Edouard Morena et Jean-Baptiste Comby (2017), « The Ins and Outs of Climate Movement Activism », dans Aykut, Stefan, Jean Foyer
et Édouard Morena, Globalising the Climate. COP21 and the Climatisation of Global Debates, Londres, Routledge, p. 77.

Voorhaar, Ria (2015), « Civil Society Responds as Final Paris Climate Agreement », Climate Action Network, 12 décembre.

European Climate Foundation (2014), Annual Report 2013, La Haye, ECF, p. 26.

Entretien avec l’auteur.

Aykut, Stefan (2017), « La “gouvernance incantatoire” », loc. cit.


https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/fin-du-monde-et-petits-fours--9782348074554-page-131.htm 13/17
07/03/2023 16:38 5. Une photo avec Greta | Cairn.info

Aykut, Stefan, Édouard Morena et Jean Foyer (2021), « “Incantatory” Governance », loc. cit.

SKY News (2020), « Greta Thunberg. World Leaders want Selfies with me so they can “look Good” », Sky News, 28 juin.

Figueres, Christiana (2019), (@CFigueres, « A whole new generation has understood the Paris Agreement’s significance and the urgent need to act on
climate to protect our future. #GlobalOptimism #YouthStrike4Climate, #SchoolStrike4Climate, #GlobalStrike4Climate @thebteamhq », publication
Twitter, 14 mars.

Figueres, Christiana (2019), « Christiana Figueres in support of Extinction Rebellion », Outrage & Optimism, vidéo YouTube :
https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=1wN9ppTnC0k&feature=youtu.be.

Wheaton, Sarah (2021), « The Climate Activists stealing Big Oil’s Playbook », loc. cit.

Brun, Maëlle (2020), « Greta Thunberg, la voix qui secoue la planète », L’Archipel, 20 août.

Buisson, Marine (2019), « Cinq questions que se posent les sceptiques et complotistes sur Greta Thunberg », Le Soir, 24 septembre.

Sainato, Michael (2020), « “I’m not a Robot”. Amazon Workers condemn Unsafe, Grueling Conditions at Warehouse », The Guardian, 5 février.

Webb, Samuel (2021), « Is Jeff Bezos Serious about Protecting the Environment ? », Independent, 9 décembre.

McDonnel, Tim (2020), « Jeff Bezos is now the Biggest Climate Activism Donor – and that’s a Problem », Quartz, 17 novembre.

Tilsen, Nick (2020), « Shifting Power and Emboldening Indigenous-led Climate Solutions. NDN Collective on Bezos Earth Fund Grant », NDN
Collective, 25 novembre.

​Quet, Mathieu (2022), Flux. Comment la pensée logistique gouverne le monde, Paris, La Découverte/Zones, p. 33.

Klein Salamon, Margaret (2021), « Venture Philanthropy for the Climate Emergency Movement. Funding Transformative Startups », site internet du
Climate Emergency Fund, 7 septembre, visité en octobre 2022.

Saunders, Clare, Brian Doherty et Graeme Hayes (2020), « A New Climate Movement. Extinction Rebellion’s Activists in Profile », CUSP Working
Paper No 25, Guildford, Centre for the Understanding of Sustainable Prosperity.

Rimel, Rebecca (1999), « Strategic Philanthropy. Pew’s Approach to matching Needs with Resources », Health Affairs, 18(3), mai-juin, p. 230 ; Bishop,
Matthew et Michael Green (2008), Philanthrocapitalism. How the Rich can save the World, Londres, Bloomsbury Press, p. 85.

Harder, Amy (2020), « Climate-Change Funders shift Focus amid Pandemic and Election », Axios, 14 mai.

Armour, Robert (2019), « Extinction Rebellion on Road to becoming Millionaires », TFN, 11 octobre.

https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/fin-du-monde-et-petits-fours--9782348074554-page-131.htm 14/17
07/03/2023 16:38 5. Une photo avec Greta | Cairn.info

Hallam, Roger (2019), « Should we take their Money? », Extinction Rebellion, vidéo YouTube, 20 août : https://www.youtube.com/watch?
v=UbHHv06QVBs.

Ward, Tom (2020), « Sir Chris Hohn. The Man who earned £1 Million a Day », Gentleman’s Journal, 26 octobre.

Plan
Je t’aime, moi non plus

Un mouvement dépendant

Mobiliser les marges

« Signaux » et « momentum »

Diviser pour mieux régner

Uberiser le mouvement climat

Se bercer d’illusions

L’effet miroir

https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/fin-du-monde-et-petits-fours--9782348074554-page-131.htm 15/17
07/03/2023 16:38 5. Une photo avec Greta | Cairn.info

Auteur
Édouard Morena

Maître de conférences en science politique au University of London Institute in Paris (ULIP), Édouard Morena est l’auteur de Le Coût de l’action
climatique (Croquant, 2018). Il a également codirigé deux ouvrages, Just Transitions (Pluto Press, 2020, avec Dunja Krause et Dimitris Stevis) et
Globalising the Climate (Routledge, 2017, avec Stefan Aykut et Jean Foyer).

Mis en ligne sur Cairn.info le 09/02/2023

 Chapitre suivant 
Pour citer cet article

Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte © La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf
accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le
https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/fin-du-monde-et-petits-fours--9782348074554-page-131.htm 16/17
07/03/2023 16:38 5. Une photo avec Greta | Cairn.info

stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

Cairn.info | Accès via Université Lyon 3

https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/fin-du-monde-et-petits-fours--9782348074554-page-131.htm 17/17

Vous aimerez peut-être aussi