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Sujet : Portée et limites du concept de développement durable

Le développement durable est apparu dans le «rapport Brundtland» de


1987 et intervient en réponse à l’échec de l’idée d’éco-développement
issu des réflexions de la conférence de Stockholm en 1972. Il se définit
comme «un développement qui répond aux besoins du présent sans
compromettre la capacité des générations futures de répondre aux
leurs».

Tout développement étant censé être voué à durer, l’émergence de la


notion de développement durable fait à la fois le constat de l’échec du
modèle de développement contemporain et soulève la nécessité d’inscrire
dans la durée les choix effectués dans l’adoption des modes de
production. Dans ce cadre, il convient de s’interroger sur l’étendue d’un
tel concept ainsi que sur ses limites.

En effet, le développement durable permet de répondre aux besoins


actuels et futurs, par le biais d’un véritable modèle de gouvernance.
Toutefois, l’accroissement des inégalités et la récupération de cette
notion par les partis politique ou les entreprises induisent des oppositions
quant à la définition de la durabilité.

I / L’importance des enjeux du développement durable exige une


profonde transformation des modes de gouvernance

Le développement durable permet la satisfaction des besoins actuels


des individus comme ceux des générations futures et implique pour cela
une organisation rigoureuse et efficace.

A) La réponse aux besoins des générations actuelles et à venir


comme enjeu fondamental.

1) L’indispensable protection de l’environnement et la prise en compte


d’aspects économiques et sociaux.

La problématique environnementale a fait l’objet d’une prise de


conscience récente et met un terme à des siècles d’occultation de la
destruction des écosystèmes et d’exploitation irraisonnée des ressources
naturelles. En effet, la nécessité de protéger la diversité des gènes,
des espèces animales et végétales s’est progressivement érigée en devoir
pour l’humanité. Cette progression peut valablement s’expliquer par
l’émergence du concept de «bien public mondial». Cette notion est
utilisée depuis la fin des années 1990 par des organisations
internationales qui soulignent les effets du processus de mondialisation
sur certains risques et qui admettent l’idée que puisse exister des biens
appartenant à l’espèce humaine dans son ensemble et dont la protection
est l’affaire de tous. En ce sens, le politologue Bertrand Badie et la
spécialiste de politique internationale Marie-Claude Smouts affirment
que, dans les domaines de la santé, de l’évolution du climat ou de la
biodiversité, des biens publics mondiaux «appartiennent à l’ensemble de
l’humanité et doivent être considérés comme élément dont chacun est
responsable pour la survie de tous».

Il convient toutefois de souligner l’apparition récente d’une tendance


à la contestation des données sur les changements climatique et au doute
quant à la véracité des études menées dans le domaine environnemental.
En effet, les succès des films d’Al Gore, «Une vérité qui dérange», et
de Yann Arthus Bertrand, «Home», peuvent être révélateurs d’un attrait
certain des habitants des pays occidentaux pour les questions
écologiques. Toutefois ces questions n’ont pris une place centrale dans le
débat public qu’au cours des dernières décennies et certaines études
sont contestées à cause de l’absence de fondement scientifique qui les
caractérise. Par exemple, les premières analyses de l’effet de serre
dans les années 1980 ont alarmé les populations et les gouvernements
sur l’aggravation du trou de la couche d’ozone, cette partie de la
stratosphère qui absorbe une grande partie du rayonnement ultraviolet.
La cause unique qui a été désignée impliquait alors les
chlorofluorocarbures, ou «CFC», utilisés principalement dans l’industrie
du froid ou les bombes aérosols. Malgré la signature en septembre 1987
et la ratification universelle, par 196 pays, du Protocole de Montréal en
2009 prévoyant la réduction des émissions de 50% en dix ans, les CFC
ne semblent pas être la cause unique de l’élargissement du trou de la
couche d’ozone. En effet, l’existence de ce dernier a été avérée en
1956 et il a parfois connu des périodes d’amélioration, comme en 2002,
alors que les gaz incriminés se sont développés de manière exponentielle
depuis les Trente glorieuses.

Malgré ce vent de contestation qui semble souffler sur la question


environnementale, des méthodes de protection de l’environnement ont été
proposées, notamment à l’issue du sommet de la Terre qui s’est tenu à
Rio de Janeiro en 1992. Les réflexions qui en émanent conduisent à
entrevoir la possibilité d’une limitation de la croissance en fonction de
son impact à long terme sur l’environnement. Selon le degré de confiance
accordé aux mécanismes de marché, peut être adoptée l’optique dite de
la «soutenabilité faible» ou bien celle de la «soutenabilité forte».

Dans la première vision, les mécanismes incitatifs mis en place par


l’État sont réputés induire l’émergence de solutions techniques
compatibles avec l’environnement. Ainsi, le simple fait de la raréfaction
d’une ressource entraine une augmentation de son prix et incite les
agents à innover pour économiser celle-ci.

Dans le cadre de la seconde, il s’agit de définir des normes strictes


pour contraindre les agents à tenir compte de l’impact de leur activité
sur l’environnement et les ressources naturelles. Ainsi, ont pu être mises
en place des mesures destinées à garantir le renouvellement des
ressources halieutiques, par l’instauration de restriction périodiques à la
pêche.

La problématique environnementale est inséparable des deux autres


piliers du développement durable que sont les domaines économique et
social.

Dans la sphère économique, comme le souligne le philosophe Hans


Jonas en 1979 dans Le Principe Responsabilité , c’est le rôle du progrès
technique dans le développement économique par rapport aux problèmes
environnementaux, mais aussi sociaux, qui est en question. Jonas précise
également que même les événements jugés imprévisibles sont imputables à
l’homme et qu’il faut donc appliquer le principe de précaution pour
prévenir les conséquences nuisibles. Le principe de responsabilité appliqué
au développement durable implique une responsabilisation à la fois
individuelle et universelle sur les conséquences sociales,
environnementales et économiques des actions mais aussi des décisions de
chaque individu.

Dans le domaine social, se pose la question de l’équité. En effet les


individus les moins aisés subissent de manière accentuée les effets des
crises écologique et climatique. De plus, le désir légitime des pays en
développement d’atteindre le degré de prospérité des pays du Nord
pourrait, s’il est fondé sur les mêmes principes, conduire à une
accélération de la dégradation de l’habitat humain et de la biosphère.

Depuis les chocs pétroliers de 1973 et 1979, avec la succession des


crises économique et la diminution de la croissance économique observée
depuis les années 1970, le modèle du capitalisme productiviste qui est
celui des pays occidentaux depuis le XXème siècle semble être en crise
et soulève la question de sa pérennité.

2) L’abandon inévitable du modèle de développement contemporain

La fin de l’utilisation de la ressource pétrolière est inéluctable du


fait de son caractère épuisable. Cependant, l’abandon du pétrole comme
matière première dans le circuit productif serait loin d’être chose facile.
En effet, depuis près de deux siècles le modèle industriel est dépendant
de cette ressource et l’inertie du système productif contemporain comme
celle des logiques économiques et sociales seraient d’une intensité telle
que les délais proposés, à plusieurs reprises, pour envisager l’abandon
des huiles minérales seraient bien trop courts.

C’est donc sous le titre «Halte à la croissance» que parut en France, en


1972, le rapport dit du Club de Rome. Le rapport «Meadows» est l’un
des premiers à annoncer que, entre l’épuisement des ressources
naturelles et l’augmentation de la pollution, le modèle de croissance
continue adopté par les pays industrialisés conduirait à des catastrophes
écologiques et sociales majeures avant l’an 2100. Réalisé en collaboration
avec des experts travaillant pour le compte du Massachusetts Institute
of Technology, le rapport s’intitulait The Limits to Growth, mais dans le
contexte des mobilisations environnementales massives des années 1970,
de la première bataille du nucléaire, de la montée des critiques dirigées
contre les «dégâts du progrès» et de l’aliénation par la consommation, il
serait plus réaliste de parler d’un arrêt de la croissance plutôt que de
ses limites. Une génération plus tard, les objectifs sont loin d’être
atteints car les blocages et oppositions à la transformation des modes de
production et à la mise en place d’une économie plus autonome sont
massifs. Avec le rapport Meadows, le «Club de Rome» s’inscrivait dans
la continuité de la pensée du pasteur anglican Malthus. Ce dernier,
dans son Essai sur le principe de population publié en 1798, avait mis en
évidence la nécessité de mettre en place des politiques de restriction
des naissances. Il considérait en effet que la progression géométrique ou
exponentielle de la population n’était pas compatible avec l’évolution
arithmétique de la production. L’évolution des sociétés contredit l’analyse
malthusienne car celle-ci n’intègre pas l’influence de progrès technique.
Ainsi, malgré l’envolée démographique qui a caractérisé notamment les
pays industrialisés depuis le XIXème siècle, les sociétés n’ont pas connu
de véritable mouvement global de paupérisation. Toutefois, si le seuil de
déclenchement de la loi des rendements décroissants a été plus éloigné
que ce que Malthus annonçait, le moment à partir duquel le coût de la
mis en culture des terres disponibles, ou celui de l’exploitation des
ressources naturelles, sera supérieur au rendement qui en résultera ne
pourra pas être repoussé indéfiniment.

En outre, la question de la «soutenabilité» de la croissance a été


posée par les adeptes du «Club de Rome» qui mettaient en évidence les
effets de la pollution sur l’être humain. Lors de la mise à jour du
rapport Meadows, en 2002, le délai d’adaptation avant la rupture n’était
plus que d’un dizaine d’années. Pour prévenir la catastrophe, le «Club de
Rome» prévoyait des mesures radicales telles que la limitation du nombre
d’enfants à deux par femme dans le but d’accélérer le rythme de la
transition démographique. Une taxation importante de l’industrie était
également réclamée dans le but de parvenir à un arrêt de la croissance
et de transférer les ressources ainsi prélevées vers des secteurs comme
l’agriculture, les services mais surtout pour la lutte contre la pollution.
La désindustrialisation des économies développées, résultant de la
mondialisation et de la concurrence des pays pratiquant des bas coûts de
main d’œuvre, est en marche et elle est lourde de conséquences sur le
plan social notamment, avec une hausse du chômage et une paupérisation
des populations faiblement qualifiées. Par manque de réalisme
probablement, les solutions proposées par le «Club de Rome» sont un
échec. Ceci peut s’expliquer d’une part, par le refus des pays du tiers
monde de laisser perdurer les inégalités, et d’autre part des sociétés
occidentales attachées à leur nouveau confort et de moins en moins
soucieuses du lendemain. Si le pire n’est jamais sûr et si la ruse de la
raison qui a guidé les grandes évolutions historiques, selon Hegel, peut
conduire à une adaptation, même in extremis, des comportements
individuels, les modifications indispensables à la survie de la société
seront d’autant moins difficiles à supporter qu’elles seront engagées
rapidement.

L’instauration nécessaire d’une gouvernance du développement durable.

1) La gouvernance supra-étatique.

La plupart des problèmes environnementaux comme le réchauffement


climatique, en grande partie lié aux émissions de gaz à effet de serre,
ou bien les conséquences d’éventuels accidents nucléaires, se posent à
une échelle globale et planétaire. En effet, les caractéristiques
intrinsèques de ces difficultés conduisent à un anéantissement de l’action
isolée d’un ou de quelques États. L’accent est donc mis sur le fait que la
planète et son écosystème constituent un bien commun de l’humanité, et
que les actions dirigées contre les problèmes environnementaux doivent
être réalisées de manière collective.
Historiquement, le concept de développement durable a été introduit
à la suite d’une longue période de négociations au niveau mondial. La
première conférence internationale concernant le développement durable
a eu lieu à Stockholm en 1972. Ce «sommet de la Terre» a accueilli la
Conférence de Nations Unies sur l’Environnement Humain et a, pour la
première fois, admis les questions écologiques au rang de préoccupations
internationales. Cette conférence a conduit à l’adoption d’une déclaration
de vingt-six principes et d’un vaste plan d’action destiné à lutter contre
la pollution. Elle a également donné naissance à un Programme des
Nations Unies pour l’Environnement. À cette époque, les chefs d’État se
sont engagés à se rencontrer tous les dix ans pour faire le point sur
l’état de la Terre. En 1982, a eu lieu le sommet de la Terre de Nairobi,
au Kenya, puis en 1992 s’est déroulé le troisième sommet à Rio de
Janeiro et enfin, en 2002 c’est la ville sud-africaine de Johannesburg
qui a été sollicitée. C’est Rio qui devrait à nouveau accueillir le prochain
sommet de la Terre en 2012, avec pour thème principal l’émergence
d’une «économie verte». Lors de ces rencontres, les représentants des
États, des organisations non gouvernementales, et même des entreprises
discutent des grands enjeux au niveau mondial, mais également des
modes de pilotage à mettre en œuvre dans les collectivités territoriales
pour véritablement concrétiser le concept de développement durable.

Dans le cadre de l’Union européenne, certains pans du droit de


l’environnement se sont progressivement déplacés des États membres
vers le niveau européen car celui-ci est apparu subsidiairement plus
adapté pour traiter des question touchant à un phénomène global tel que
l’environnement. L’Union européenne a donc capté des compétences
autrefois détenues par les États dans un souci d’uniformisation du droit
en matière d’environnement. Cette réglementation devra, la plupart du
temps, faire l’objet d’une transposition dans le système normatif des
pays membres. L’apparition de ce nouvel échelon pourrait poser des
problèmes au niveau de l’échelle d’intervention qui conduiraient à un
ralentissement, voire à une paralysie de la politique de développement
durable. L’Union européenne exige en outre des États qu’ils définissent
et mettent en œuvre une stratégie nationale de développement durable.
En 2004, une charte de l’environnement a été rédigée sous l’impulsion du
président Jacques Chirac et la France s’est alors présentée comme le
premier État à inclure l’environnement dans sa Constitution. (À
VÉRIFIER, IL SEMBLE QUE CERTAINS ÉTATS AVAIENT DÉJÀ
INSCRIT L’ENVIRONNEMENT DANS LEUR NORME FONDAMENTALE)

2) La gouvernance infra-étatique.

Depuis le sommet de la Terre de Rio en 1992, puis la signature de


la charte d’Aalborg en 1994, qui prône une adaptation des fonctions
urbaines aux exigences du développement durable, les territoires
étatiques se sont placés au cœur des politiques de développement
durable. L’«Agenda 21», qui est désigné comme étant un plan d’action
pour le XXIème siècle, a été adopté lors du sommet de Rio de 1992. Ce
plan d’action décrit les domaines dans lesquels doit s’appliquer le
développement durable dans les collectivités. Pour ce faire, ces
dernières sont habilitées à coopérer avec les entreprises, les Universités
ou encore les centres de recherche pour parvenir à trouver des solutions
innovantes et viables pour l’application de la politique de développement
durable dans l’avenir. Il existe également des «Agenda 21 locaux» qui
peuvent être introduits à l’échelle de la commune, du département ou de
la région, mais également au niveau de la communauté de communes ou
d’agglomération. Après avoir défini les problématiques et les priorités
sociales, environnementales et économiques propres au territoire
concerné, un plan d’action est établi et mis en œuvre. S’en suivent des
évaluations et des ajustements des actions menées. Les initiatives en ce
sens se multiplient et, début 2010, neuf grandes villes on envisagé la
création d’un label écologique pour la gestion de leurs espaces verts. Ces
collectivités s’engagent notamment à ne plus utiliser de produits
phytosanitaires pour l’entretien des jardins publics. D’ici la fin de l’année
2010, un «référentiel écologique» devrait voir le jour pour définir le
cahier des charges à respecter pour l’obtention du futur label «jardin
écologique».
Certaines entreprises, du fait de leur poids sur la scène
internationale et de leur consommation élevée de ressources, peuvent
également disposer d’une capacité d’intervention conséquente nécessaire
à la mise en place de politiques de développement durable. En effet ce
sont elles qui participent directement au développement économique dans
le cadre de leur production. Elles influent aussi sur les inégalités, de par
les conditions de travail qu’elles proposent à leurs salariés. Ce sont enfin
elles qui consomment la plus grande part des ressources naturelles, qui
rejettent le plus de déchets et qui génèrent la plus forte pollution.
Elles on donc un rôle majeur à jouer dans le domaine environnemental. La
«responsabilité social » ou «sociétale» des entreprises, ou «corporate
social responsability», désigne le respect d’objectifs de développement
durable par les entreprises. Les entreprises intègrent donc des
préoccupations sociales et environnementales sur une base volontaire en
s’appuyant sur des normes établies, comme dans le cadre de la loi
française sur la «nouvelle régulation économique» de 2001 qui prévoit une
incitation des entreprises cotées en bourse à inclure dans leur rapport
annuel des informations relatives aux conséquences sociales et
environnementales de leurs activités. Des «directions du développement
durable» sont apparues au cours des dix dernières années dans les
entreprises pour parvenir à une évolution des comportements internes et
à une matérialisation des responsabilités sociales et environnementales.

II / Soumis au risque d’une instrumentalisation, le développement durable


reste une notion dont la clarification s’avère essentielle.

La question des inégalités et le risque de récupération de la notion


induisent des oppositions sur la définition même de la durabilité.

A) L’accroissement des inégalités et la récupération de la notion de


développement durable.

1) L’accroissement des inégalités.

Le concept de développement durable doit être associé au phénomène


de l’accroissement des inégalités. Ceci s’explique, d’une part, par le fait
que le développement durable a notamment pour finalité la réduction des
disparités économiques et sociales pouvant exister entre les individus ou
les pays, et d’autre part parce que le développement durable est lui-
même issu des problématiqueS liées aux inégalités de richesses. Il existe
en effet un risque que le concept polymorphe de développement durable
dérive vers une conception malthusienne de l’économie, qui ne serait pas
adaptée à l’évolution de la société. En effet, il serait légitime de se
demander dans quelle mesure des pays riches et comprenant une
industrie développée, pourraient proposer, ou plutôt imposer, une vision
limitative de leur processus de développement industriel aux pays en
développement. Malgré la viabilité théorique du concept et de ses
objectifs, le spectre de manœuvres protectionnistes de la part de pays
craignant une trop forte concurrence n’est pas à exclure. En outre, il
convient de préciser qu’en pratique, les pays développés ne se privent en
aucune manière de commercer avec la Chine, malgré les risques de dérive
de l’empreinte écologique de celle-ci.

Certaines puissances parvenues à la maîtrise des technologies de


l’information sont susceptibles de phagocyter les procédures de
normalisation et les mécanismes de régulation internationales pour
satisfaire leurs intérêts. Ceci peut constituer un risque de voir les plus
riches imposer aux plus pauvres un modèle encore plus inégalitaire dans
la répartition des savoirs et des ressources naturelles que le précédent.
C’est pour éviter cette situation que sont développés des logiciels dits
«open source» et que sont crées les sociétés destinées à leur mise en
œuvre telles que les «sociétés de services en logiciels libres».

2) La récupération de la notion de développement durable


par les partis politiques et les entreprises.

Le concept de développement durable est marqué par son caractère


vague et polysémique. L’un des risques majeurs qui peut alors se produire
est la récupération de la notion à des fins étrangères ou très éloignées
du but premier. Ainsi, le label «développement durable» peut être
récupéré pour justifier des actes n’ayant plus véritablement de rapport
avec l’acception commune du développement durable. Prenant appui sur ce
dernier, l’émergence d’un «tourisme durable» semble avoir pour mot
d’ordre l’élitisme. Ainsi, sous le prétexte de la protection de
l’environnement, cette forme de tourisme met en place des barrières
entre les classes sociales, les moins aisées ne pouvant pas toujours faire
face aux tarifs prohibitifs proposés pour vivre cette expérience. Cette
pratique semble donc ne pas tenir compte de l’aspect social du concept
de développement durable.

Une fois intégré dans le discours tenu par certains partis politiques
ou bien dans les milieux d’affaires en France, le développement durable
devient souvent un moyen de masquer l’inaction des gouvernants et de
continuer dans le même cadre productif, plus qu’un moyen de
réorientation. En effet, il convient de souligner l’écart de langage entre
la présentation des problèmes à affronter et les actions effectivement
engagées à cette fin. D’où la crainte partagée par certaines
organisations intergouvernementales attachées à la protection de
l’environnement, de voir la notion de développement durable devenir le
«cheval de Troie» d’une remise en cause précaire du modèle actuel, dont
certaines politiques environnementales ne furent pourtant mises en place
qu’au prix de vives luttes.

Le développement durable a été présenté, dès ses débuts, comme


une problématique globale visant à contraindre les individus à réfléchir
sur les modes de développement de la société dans son entièreté. Or la
discussion sur le développement durable semble ne tourner aujourd’hui
qu’autour de la responsabilité sociale des entreprises, comme si ces
entités étaient le niveau idéal pour agir sur les problématiques
environnementales et pour ériger des politiques de développement
durable. Même si les entreprises sont un lieu privilégié de discussion sur
ces questions, elles ne sont pas la seule alternative. Cette surestimation
de la place de l’entreprise semble être la résultante du discours tenu par
certains gouvernements ou responsables des collectivités publiques, qui
rejettent ainsi une responsabilité qui leur incombe naturellement. Le
discours tenu sur le développement durable tend également à véhiculer
l’idée selon laquelle les problèmes sont en passe d’être résolus, alors
qu’ils ne sont encore que dans une phase d’identification. Par exemple, en
ce qui concerne l’effet de serre, de nombreuses études, réflexions ou
discours ont été menés depuis plus de vingt ans. Malgré cet engouement
visible, les plans qui existent dors et déjà ne permettront probablement
pas à la France d’atteindre les objectifs fixés pour la période 2008-
2012. Certaines entreprises ventent les mérites d’une automobile plus
propre, comme pour la Prius de Toyota, ou d’un «kWh vert» comme dans
le cas d’EDF. Il faut alors se demander si le concept de développement
durable ne fait pas en réalité l’objet d’un dévoiement. D’aucuns ont pu
affirmer que la plus grande pollution est, sans nul doute, celle des mots,
et qu’il s’agit de préserver le développement durable du mensonge.

B) La définition même de la « durabilité » comme source d’opposition.

1) La complexité d’une alternative entre «durabilité faible» et


«durabilité forte».

En 1987, le rapport de la commission des Nations Unies présidée


par Gro Harlem Brundtland, alors Premier ministre de la Norvège, est
rendu public. Ce rapport propose une définition du développement durable
et sert de base au sommet de la Terre de Rio en 1992. Si la dimension
écologique du développement durable n’est alors plus à démontrer, ce
concept insiste également sur les notions de «solidarité
intergénérationnelle» et d’«équité intergénérationnelle», ce qui lui
confère une dimension sociale importante par l’objectif de réduction des
inégalités. Composante du développement durable, la croissance est
perçue comme l’outil nécessaire pour améliorer la situation des pays les
moins développés. Au vu de ces constatations et des risques de dérives
dans l’emploi de la notion de développement durable, la question qui se
pose alors est celle de la définition même de la soutenabilité, ou de la
durabilité de la croissance. Malgré des études très détaillées sur la
question, le rapport Brundtland ne parvient pas à trancher entre les
deux conceptions usuelles de la durabilité.
En premier lieu, la théorie de la «durabilité faible» postule l’existence
de trois types de capital qui peuvent se substituer les uns aux autres. Il
peut donc s’agir d’un capital naturel, humain ou physique. D’après cette
vision, des mécanismes de marché, tels que les prix relatifs, doivent
être associés à une politique environnementale adaptée, consistant par
exemple, soit en une taxation, soit en des droits de propriété comme les
droits à polluer issus de l’accord de Kyoto de 1997. Cette association
devrait être à même d’assurer, selon certains, la soutenabilité de la
croissance. Cette conception optimiste repose sur une confiance accordée
au progrès technique dans la réponse aux défis technologiques. Elle
s’appuie notamment sur la «courbe de Kuznets environnementale» issue
des travaux des économistes Grossman et Krueger en 1994. En vertu de
cette courbe, au début de la période de développement économique,
l’industrialisation relègue les problèmes environnementaux au second plan.
Une fois les besoins primaires pourvus, la tendance s’inverse et la
société à alors la volonté et les moyens de protéger l’environnement, et
l’utilisation des ressources pour créer une unité de richesse a tendance à
diminuer.

Pour ce qui est de la «durabilité forte», les trois formes de capital


ne sont pas substituables et des contraintes doivent être mises en place
dans la gestion du capital naturel. Par exemple il faut limiter le
prélèvement des ressources naturelles à leur capacité de régénération.
Cette seconde approche accorde une confiance moins grande dans le
recours aux mécanismes de marché comme moyen de gestion du capital
naturel, car cela pourrait avoir pour effet d’accroître la consommation
des ressources naturelles, jusqu’à en faire une utilisation excessive.

Ces hésitations quand à la marche à suivre dans la mise en œuvre de


politique de développement durable conduisent parfois à une contestation
des fondements mêmes de cette notion.

2) De la contestation de l’idée même de développement


durable à la tentation de la décroissance.
Malgré la multiplication des efforts, des conférences ou encore de
l’action des organisations non gouvernementales, l’évolution de la situation
mondiale depuis le début des années 1990 ne semble guère
encourageante. En effet, les émissions de gaz à effet de serre restent
préoccupantes, la déforestation ne ralentit pas et les espèces vivantes
continuent à disparaître à un rythme qui reste soutenu. Ces navrantes
constatations conduisent de plus en plus de spécialistes à rompre avec
l’idée même de développement durable. Certains en viennent même à
plébisciter la «décroissance soutenable» pour pallier les problèmes
rencontrés par les sociétés contemporaines. C’est notamment le cas de
l’économiste américain Nicholas Georgescu-Roegen qui est considéré
comme le théoricien de la décroissance. Il considère que le modèle
économique érigé par les économistes néoclassique ne prend pas en
compte le principe de dégradation applicable à l’énergie et à la matière.
Il introduit alors dans son modèle économique un principe, emprunté au
domaine de la thermodynamique, qui est celui d’«entropie». Aux flux
économiques qui parcourent le circuit productif, l’auteur ajoute de
l’énergie et de la matière et montre que par l’effet des différents
processus de production, celles-ci subissent une dégradation irréversible.
Par exemple, en ce qui concerne la fabrication d’un ordinateur, d’une
part, les matières premières nécessaires sont fragmentées et
disséminées dans le monde entier et l’entité d’origine reste impossible à
reconstituer, et d’autre part, l’énergie nécessaire à la fabrication de
cette machine s’est dissipée à jamais. C’est en tenant compte de ces
paramètres que N. Georgescu-Roegen préconise une remise en cause
radicale des modes de production et de consommation s’impose (?). Il
faut donc mettre un terme au mode de production productiviste et se
concentrer sur la qualité de vie, plutôt que sur la quantité de biens et
de services qu’il est possible d’acquérir. Cette position reste toutefois
minoritaire et beaucoup d’économistes soulignent qu’une part non
négligeable de la population reste privée de l’accès à un logement, à la
santé ainsi qu’à l’éducation. Une croissance négative ne serait, en
conséquence, surement pas une bonne solution à apporter à ces individus.
Conclusion :

L’objectif de satisfaction des besoins présents et futurs qui


caractérise le concept de développement durable d’après le rapport
Brundtland de 1987 ne peut être atteint que par le biais de
l’instauration et du renforcement d’une véritable gouvernance de cette
forme de développement.

Toutefois, la problématique sociale avec l’intensification des inégalités


mais également la récupération de la notion de développement durable à
des fins mercantiles ou, tout du moins, fortement éloignées des idées
fondatrices font vaciller les certitudes et soulèvent des interrogations
quant à la définition même de la «durabilité» ou de la «soutenabilité» du
développement. Certains économistes prédisent même la fin du
développement durable, tant la notion reste vague et susceptible de
dévoiement.

Au vu de ces constatations et de ces divergences, il s’agit de


s’interroger sur les manières, les instances et les procédures de
consultation qui pourraient conduire à une prise en compte effective d’un
intérêt collectif appréhendé à long terme et à l’échelle de la planète

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