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Chapitre 2

La Courbe de Phillips

2.1 Introduction
Articles fondateurs :
1. 1958, Phillips, A.W. 1958. "The Relation Between Unemployment and the
Rate of Change of Money Wage Rates in the United Kingdom, 1861-1957."
Economica 25 pp. 283-299.
Relation négative entre
— Taux de chômage
— Taux de croissance des salaires nominaux
2. 1960 Samuelson et Solow
Samuelson, Paul A., and Robert M. Solow. ”Analytical Aspects of Anti-Inflation
Policy.” American Economic Review 50, no. 2 (1960) : 177-94. Données amé-
ricaines, 1900 — 1960, graphiques 2.1 et 2.2
Relation négative entre
— Taux de chômage et
— Taux de croissance des prix (taux de croissance du salaire horaire)

Graphiques 2.3 et 2.4 :


— Lorsque le taux de chômage est élevé, les salaires nominaux augmentent peu
— Lorsque le taux de chômage est faible, les salaires nominaux augmentent beau-
coup

Interprétation de la courbe de Phillips comme un arbitrage de politique écono-


mique, dilemme inflation — chômage
— Choisir entre inflation élevée et chômage faible
— Choisir entre inflation faible et chômage élevé
Chapitre Offre Globale / demande globale : le dilemme inflation chômage n’ap-
paraît que dans le cas d’une politique de demande expansionniste (pas dans le cas
d’une politique d’offre)

43
44

F. 2.1 — Samuelson, Paul A., and Robert M. Solow. ”Analytical Aspects of Anti-
Inflation Policy.” American Economic Review 50, no. 2 (1960), US Data : 1933 -
1958

F. 2.2 — Samuelson et Solow, AER 1960


La courbe de Phillips 45

F. 2.3 — Inflation et Chômage aux Etats-Unis, 1900 - 1960 (triangles noirs = 1931
- 1939)

F. 2.4 — Inflation et Chômage en France 1900 - 1960


46

Pourquoi Courbe de Phillips est-elle si importante ?


A quoi sert-elle aujourd’hui ?

2.2 Inflation, Inflation anticipée et chômage : mi-


croéconomie de la Courbe de Phillips
L’équation de la courbe de Phillips provient de 2 éléments
— maximisation du profit de la firme, fixation des prix, PS
— négocation salariales, WS
= relation entre taux de croissance des prix et taux de chômage

Les équations (1.7) et (1.8) conduisant à

Pt = (1 + µ) Wt
Pt = (1 + µ) Pte F (ut , z) (2.1)

On pose
F (ut , z) = 1 − αut + z
avec α > 0 : le paramètre qui traduit la sensibilité du pouvoir de négociation des
salariés au taux de chômage de l’économie. L’équation (2.1) devient donc

Pt = (1 + µ) Pte (1 − αut + z)

Pt Pe
= (1 + µ) t (1 − αut + z)
Pt−1 Pt−1
1 + π t = (1 + µ) (1 + π et ) (1 − αut + z)
1 + πt
= (1 − αut + z)
(1 + µ) (1 + π et )
Approximation pour des valeurs faibles de l’inflation, l’inflation anticipée et le
taux de marge

1 + π t − π et − µ = 1 − αut + z
π t = π et + µ + z − αut
1+π t
On pose A = (1+µ)(1+π e)
t
Après approximation, on retrouve les mêmes signes
— hausse de µ fait baisser A
— hausse de π t fait augmenter A
— hausse de π et fait baisser A

Commentaires sur π t = π et + µ + z − αut


— L’inflation est d’autant plus forte que l’inflation anticipée est élevée. Les sala-
riés anticipent une inflation élevée donc hausse des demandes de salaire, donc
les firmes répercutent cette hausse du coût marginal sur le prix
La courbe de Phillips 47

F. 2.5 — Inflation et chômage aux Etats-Unis, 1948 - 1969

— L’inflation passée nourrit l’inflation présente : des prix plus élevés hier donnent
lieu à une anticipation d’inflation pour aujourd’hui plus élevée donc effective-
ment une inflation aujourd’hui plus élevée
— Le pouvoir de monopole des entreprises nourrit l’inflation, toutes choses égales
par ailleurs
Pourvoir de monopole (accru par exemple par une fusion entre 2 entreprises
concurrentes opérant sur le même marché, ou baisse de l’élasticité de la de-
mande au prix)
— Le taux de chômage élevé réduit l’inflation car il modère les revendications
salariales des travailleurs

2.3 La courbe de Phillips

2.3.1 La courbe de Phillips originelle : les années 60


Boucle prix — salaire (spirale)
Faible chômage en t
— => hausse des salaires nominaux
— => entreprises répercutent cette hausse du coût marginal sur leur prix
— => face à cette hausse des prix, les salariés demandent une hausse des salaires
nominaux
— => entreprises répercutent cette hausse du coût marginal sur leur prix
— etc, . . .

Vérification empirique ?
— Dans les années 60, la courbe de Phillips est vérifiée : graphiques 2.5 à 2.6
— Guerre du Viet Nam (graphique2.7)
48

F. 2.6 — Inflation et chômage en France, 1953 - 1966

F. 2.7 — La guerre du Vietnam, Etats-Unis, fin des années 60

P YS
de court terme

∆P > 0

∆G > 0 Yd

∆Y > 0 Y
La courbe de Phillips 49

F. 2.8 — Inflation et Chômage aux Etats-Unis, 1970 - 2000

2.3.2 Les modifications apportées à la Courbe de Phillips :


les années 70
Dans les années 70, la relation se brise
graphiques 2.8 à 2.9

Pourquoi ?
— Chocs pétroliers :
— Hausse du coût marginal (hors salaires) : choc d’offre négatif, (graphique 2.10),
Interprété dans le Blanchard Cohen comme une hausse du taux de marge
(contestable)
— Explication principale : Modification des anticipations d’inflation
— Le taux d’inflation, en moyenne nul, devient positif
— Le taux d’inflation est persistant : un taux d’inflation fortement positif une
année => taux d’inflation fortement positif l’année suivante

Révision des anticipations :


Dans les années 60, π et = 0 en moyenne

π t = π et + µ + z − αut (2.2)
Anticipations adaptatives
π et > 0, on suppose

π et = θπ t−1
avec θ > 0 paramètre mesurant le degré de révision des anticipations des salariés en
fonction du taux d’inflation observé
— Dans les années 60, θ proche de 0, donc π et proche de 0. On retrouve la courbe
de Phillips initiale
50

F. 2.9 — Inflation et chômage en Europe, 1970 - 1998 : déplacement de la courbe


de Phillips vers la droite

F. 2.10 — Les chocs pétroliers des années 70


P
AS’

AS

E’
PE E’’

E
PE ‘

AD
Y
YE’ YE
La courbe de Phillips 51

F. 2.11 — Inflation aux Etats-Unis, 1900 - 2000

F. 2.12 — Inflation en France, 1891 - 2000


52

F. 2.13 — Inertie des anticipations

— Dans les années 70, π t−1 n’est plus proche de 0 en moyenne, θ > 0, donc
révision des anticipations d’inflation.

π t = π et + µ + z − αut
π t = θπ t−1 + µ + z − αut (2.3)

equation (2.3) : courbe de Phillips augmentée des anticipations

Remarque : graphique 2.13, There is a significant inertia in expectations. One


can to look at the persistence in economic forecasts around the point where policy
is reversed.

Interprétation :
— dans les années 60, courbe de Phillips originelle avec θ = 0
— dans les années 70, θ > 0. modification de la courbe de la courbe de Phillips.
Lorsque parfaite prise en compte de l’inflation passée dans l’inflation anticipée,
on a θ = 1. (2.3) devient

π t − π t−1 = µ + z − αut (2.4)

π t − π t−1 : variation de l’inflation, accélération de l’inflation

Interprétations : Dans les années 70 :


— En d’autres termes, la courbe de Phillips se déplace vers la droite dans le plan
(π, u). graphiques 2.14, 2.15 et 2.16.
— Disparition de la relation entre taux d’inflation et taux de chômage au profit
d’une relation entre variation du taux d’inflation et taux de chômage
La courbe de Phillips 53

F. 2.14 — Courbe de Phillips augmentée des anticipations et les années 70

πt
La courbe de Phillips
se déplace vers la droite
π te + µ + z

↑π te

π te + µ + z ut

F. 2.15 — La courbe de Phillips se déplace vers la droite aux Etats-Unis dans les
années 70-80
54

F. 2.16 — Les années 90 sont marquées par une faible inflation aux Etats-Unis :
La courbe de Phillips se déplace vers la gauche

Lien avec la productivité du travail


Dans les pays avec une plus forte productivité du travail, la relation entre l’ac-
célération de l’inflation et le chômage est plus favorable.

P = C  (Y ) (1 + µ)
Avec Y = AN où A représente un facteur technologique,
W
C(Y ) = W N et C(Y ) =
A
d’où
W
P = (1 + µ)
A
Une baisse du taux de chômage se traduit par une hausse du salaire. Mais les
entreprises qui bénéficient d’une productivité du travail accrue (A élevé) peuvent ne
pas répercuter l’ensemble de cette hausse du coût salarial dans le prix de vente

2.3.3 Taux de chômage structurel


NAIRU
Ou taux de chômage naturel, reflète les caractéristiques structurelles de l’écono-
mie (législation sur le travail, pouvoir de négociation des salariés, allocations chô-
mage, . . . )

Le taux de chômage naturel est tel que l’inflation est stable dans l’économie
(π et = π t ). La courbe de Phillips devient
La courbe de Phillips 55

F. 2.17 — Courbe de Phillips à long terme

πt

ut
un

0 = µ + z − αut
d’où
µ+z
un = (2.5)
α
Le taux de chômage naturel est déterminé par
— µ le taux de marge des firmes (pouvoir de monopole augmente le taux de
chômage naturel) :
— z les facteurs (autres que le taux de chômage) qui déterminent le salaire :
hausse des salaires, baisse des embauches, hausse de un
— α la sensibilité des négociations salariales au taux de chômage de l’économie.
Hausse de α, (donc modération salariale donc hausse de l’embauche des entre-
prises), baisse de un
A long terme, la courbe de Phillips est verticale dans le plan (π, u). graphique
2.17
Sachant (2.5), (2.2) devient
π t − π t−1 = µ + z − αut
π t − π t−1 = −α(ut − un )
avec π et = π t−1 , θ = 1
L’accélération de l’inflation dépend de la position du taux de chômage par rap-
port au taux de chômage naturel
— Quand ut > un : baisse de l’inflation (le niveau des prix augmente, mais moins
vite)
π t − π t−1 = −α(ut − un ) donc π t < π t−1
     
− +
56

F. 2.18 — Variation de l’inflation et chômage aux Etats-Unis, 1970 - 2000

F. 2.19 — Salaire réel anticipé et chômage en Europe, 1967 - 1999

— Quand ut < un : hausse de l’inflation (accélération de l’inflation), si les auto-


rités veulent baisser le chômage en deçà du taux de chômage naturel, il faut
alors accepter une inflation accélérée

π t − π t−1 = −α(ut − un ) donc π t > π t−1


     
+ −

— Quand ut = un : alors π t = π t−1 . Inflation stable (niveau des prix augmente


de manière constante). Donc un = NAIRU (Non Accelerating Inflation Rate
of Unemployment)

Vérification empirique :
Graphiques 2.18 et 2.19 :
La courbe de Phillips 57

F. 2.20 — Courbe de Phillips de long terme et de court terme

Friedman (1968) et Phelps (1967) :


— Friedman, Milton. "The Role of Monetary Policy." American Economic Review
58, no. 1 (1968) : 1-17.
— Phelps, Edmund S. "Phillips Curves, Expectations of Inflation and Optimal
Employment over Time." Economica NS 34, no. 3 (1967) : 254-81.

Au moment d’une forte popularité de la courbe de Phillips chez les économistes,


Friedman et Phelps remettent en cause la pertinence du dilemme inflation chômage
à long terme : graphique 2.20
— Le dilemme inflation chômage ne peut être que temporaire (la courbe de Phil-
lips est décroissante seulement à court terme)
— A long terme, le dilemme inflation chômage disparaît (la courbe de Phillips
est une droite verticale)
“There is always a temporary tradeoff between inflation and unemploy-
ment ; there is no permanent tradeoff. The temporary tradeoff comes not
from inflation per se, but from unanticipated inflation, which generally
means, from a rising rate of inflation”, Friedman (1968)

Raisonnement économique : graphiques 2.21 et 2.22


1. Partant du point A : taux de chômage naturel
2. Politique de demande expansionnsiste :
— baisse du chômage et inflation : point B.
— Hausse de l’emploi dans le passage de A vers B : baisse du salaire réel,
permise car les salariés sous-estiment l’inflation,
3. A long terme, les salariés apprennent à ne plus se tromper, point C
58

F. 2.21 — Friedman et Phelps : le dilemme inflation - chômage est temporaire

πt

C
π te + µ + z
B

A
↑π te

ut
π te + µ + z
α

— révision à la hausse des anticipations d’inflation (la courbe de Phillips se


déplace vers la droite)
— hausse du salaire réel,
— retour du salaire réel vers le niveau du chômage naturel, le salaire réel ne
bouge plus, retour vers le chômage naturel

Combien vaut le NAIRU ? graphique 2.18 et 2.19 :


— EU : un = 6% = 6% / 1%
— Europe : 8% = (7,6% - 1,5%)/0,76% (hausse tendancielle de la productivité
du travail de 1,5%)

Pourtant aux Etats-Unis, taux de chômage <6% sans accélération de l’inflation

2.4 Conclusion et extensions


2.4.1 Processus d’inflation et courbe de Phillips
Leçon sur la courbe de Phillips : instabilité de l’inflation se traduit par une courbe
de Phillips instable

Or, inflation élevée = inflation instable graphique 2.23


Les partenaires sociaux ne souhaitent pas fixer les salaires nominaux pour une
période longue
— Si baisse soudaine de l’inflation, hausse des salaires réels, faillite des entreprises
— Si flambée de l’inflation, baisse des salaires réels, mécontentement des salariés
La courbe de Phillips 59

F. 2.22 — Friedman et Phelps

F. 2.23 — Relation croissante entre niveau d’inflation et instabilité de l’inflation


60

Solution : Indexation des salaires à l’inflation

Exemple : 2 types de contrats


— contrat avec indexation des salaires nominaux à l’inflation courante π t , pro-
portion 0 ≤ λ < 1
— contrat sans indexation des salaires nominaux à l’inflation courante, indexation
sur l’inflation anticipée (supposée passée, π et = π t−1 ), proportion 1 − λ
La courbe de Phillips devient

π t = (λπ t + (1 − λ)π t−1 ) − α (ut − un )

On retrouve les résultats précédents avec λ = 0


λ>0:
α
π t − π t−1 = − (ut − un )
1−λ
α
Puisque 1 − λ < 1, 1−λ > α : la présence de l’indexation augmente l’impact du
chômage sur la variation de l’inflation
— Chômage faible : les salaires augmentent, les entreprises répercutent cette
hausse du salaire nominal sur leurs prix. En l’absence d’indexation, la boucle
prix - salaire s’arrête là
— En présence d’indexation, la hausse des prix nourrit à nouveau la hausse des
salaires nominaux, suivie à son tour par une hausse des prix, etc ...
L’effet d’un faible taux de chômage sur les prix est fort. Avec λ proche de 1, de
faibles variations du taux de chômage entraine de fortes variations de l’inflation =
relation entre chômage et inflation disparaît

2.4.2 La valeur du taux de chômage naturel n’est pas uni-


verselle
Différences internationales
appelons l’expression du taux de chômage naturel
µ+z
un =
α
Les paramètres sont spécifiques à chaque pays
— institutions sur le marché du travail
— état de la technologie
— degré de concurrence
— négociations salariales

Graphique 2.24
Graphique 2.25 :
The first step is to convert 22 first-level indicators of Employment Protection
Legislation (EPL) into cardinal scores that are normalized to range from 0 to 6,
La courbe de Phillips 61

F. 2.24 — NAIRU estimé pour 1999. Source : ESTIMATING THE STRUCTURAL RATE
OF UNEMPLOYMENT

with higher scores representing stricter regulation. These first level indicators in-
clude things such as Notice and severance pay for no-fault individual dismissals,
Procedural inconveniences, Difficulty of dismissal, and restrictions on temporary
employment. These cores were then aggregated and weighted by a subjective assess-
ment as to how each indicator affected overall EPL. Range of values is 1-6, with
higher values reflecting greater strictness of Employment Protection Legislation.

Instabilité temporelle
Dans un même pays, évolution :
— technologique
— pouvoir de marché
— composition de la population active
— institutions sur le marché du travail

Estimations (graphiques 2.26, 2.29 et 2.30)


— Légère baisse aux Etats-Unis,
— Hausse France et dans la zone euro
Dans le manuel de Blanchard et Cohen, baisse du taux de chômage structurel
(graphiques 2.28 et ??) : Depuis 1994, les points qui représentent le couple lnflation
- chômage dans l’économie sont situés sous la droite estimée sur l’ensemble de la
période. La courbe de Phillips a basculé vers le bas ? Dans ce cas, cela signifierait
que le taux de chômage naturel aurait baissé (cf : graphique ??).
Que s’est - il passé ? Hausse de l’inflation salariale (les salaires nominaux pro-
gressent plus vite) mais les entreprises n’ont pas répercuté cette progression salariale
sur leurs prix (inflation maîtrisée) car elles ont bénéficié d’autres éléments qui ont
réduit leur coût de production :
— allocations payées aux travailleurs par les entreprises (comme pour la santé)
ont progressé moins vite que les salaires.
— appréciation du dollar = baisse prix des importations
62

F. 2.25 — Source : OECD, Economic Outlook 1999

F. 2.26 — Nairu aux EU


La courbe de Phillips 63

F. 2.27 — NAIRU aux EU

F. 2.28 — Depuis 1994, les modifications de l’inflation sont moindres que celles
prévues par la courbe de Phillips estimée sur la période 1970 - 2000
64

F. 2.29 — Nairu en France

— baisse du prix de nombreuses matières premières = baisse des coûts non sala-
riaux

2.4.3 Limites
Nous ne comprenons pas tous les éléments qui déterminent le taux de chômage.
Exemple : choc pétrolier affecte le taux de marge µ? ou z?
µ+z
un =
α
Choc pétrolier : hausse de µ? mais les syndicats ont-ils acceptés une baisse de z
pour empêcher une hausse du chômage ?
La courbe de Phillips 65

F. 2.30 — Nairu dans la zone euro

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