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permet d’établir un ISS (Injury Severity Score) dont L’équipe d’accueil est composée au mieux d’un
l’association lésionnelle éventuelle avec un score de anesthésiste-réanimateur, d’un chirurgien viscéral,
gravité de réanimation est un moyen habituel de d’un chirurgien orthopédiste, d’un neurochirurgien
quantifier la gravité du traumatisme et de prévoir le et d’un radiologue [6, 7, 10]. Des manipulateurs
pronostic du blessé [1]. radio, des infirmières et des aides-soignantes forment
Les décès des traumatisés graves surviennent dans l’équipe paramédicale. La coordination de l’activité
50 % des cas sur le lieu de l’accident et dans 30 % de cette équipe est fréquemment dévolue à
dans les 12 heures suivant l’admission ; ils sont sou- l’anesthésiste-réanimateur en France, en raison de sa
vent le fait d’un choc hémorragique ou de lésions responsabilité habituelle de la structure et de son rôle
neurologiques. Dans 25 % des cas, le décès est tar- dans le maintien des fonctions vitales [6, 7, 10]. La
dif, lié au développement d’un syndrome inflamma- répartition des tâches est parfaitement définie afin
toire conduisant au syndrome de défaillance multi- d’éviter toute redondance.
viscérale, à l’apparition de lésions neurologiques
secondaires ou en rapport avec des complications
liées à la réanimation [2-7]. La prise en charge du Recommandations habituelles d’exploration
patient au cours des premières heures conditionne le du traumatisé grave
pronostic : une hypotension non contrôlée, une
hypoxémie persistante ou une fracture du rachis Pratiquer des radiographies standard, systématiques
méconnue a un retentissement majeur sur l’évolu- pour certaines (thorax de face, bassin, rachis cervico-
tion. Sur le plan cérébral, l’apparition de lésions dorso-lombaire face et profil), orientées pour d’autres
secondaires neurologiques potentialise les dégâts liés (membres).
à la lésion primaire et dépend de l’équilibre entre des • Pratiquer une échographie abdominale et pel-
phénomènes locaux pro- et anti-inflammatoires dont vienne.
l’intensité peut être modulée par la réanimation • Pratiquer une tomodensitométrie (TDM) céré-
symptomatique [2, 4-6]. La prise en charge du blessé brale systématique devant un patient dans le coma.
est donc pluridisciplinaire selon une stratégie débu- • Pratiquer une artériographie ou une imagerie par
tant lors de la régulation par le Samu et finissant après résonance magnétique (IRM) selon les cas [8].
l’investigation exhaustive des différentes lésions [6-
En pratique, leur application nécessite des mobili-
13]. L’objectif de cette mise au point est de proposer
sations multiples du patient et le recours fréquent à
une synthèse des données actuelles sur les stratégies
la TDM [8]. L’amélioration des performances tech-
d’exploration intrahospitalière lors de l’admission
nologiques appelle une évolution des pratiques :
d’un traumatisé grave dans le coma.
– la durée de ce bilan, souvent de l’ordre de deux
ACQUISITION DES DONNÉES heures ou plus, est incompatible avec les données
actuelles concernant la prise en charge des polytrau-
La recherche bibliographique a été effectuée dans la matisés ;
base de données Pubmedt sur une période de dix – les radiographies standard réalisées dans le cadre
années et sur des ouvrages spécialisés. Les mots clés de l’urgence sont souvent de qualité médiocre, ren-
suivants ont été employés : management of multiple dant leur exploitation difficile. Même de bonne qua-
trauma ; 721 références publiées entre 1990 et 2000 lité, elles fournissent des informations limitées par
ont été obtenues. Les données les plus récentes ont rapport aux nouvelles techniques ;
été proposées. Quelques références antérieures sont
– les mobilisations multiples de ces patients par des
également citées.
équipes souvent réduites n’assurent pas une sécurité
suffisante pour la prise en charge de possibles frac-
SYNTHÈSE DES DONNÉES
tures instables ;
Prise en charge : généralités – l’échographie, excellent examen de débrouillage
dans la détection des hémopéritoines, manque
Les traumatisés graves doivent être pris en charge d’acuité pour rechercher des lésions viscérales pro-
dans des structures spécialisées [6, 7, 11, 12]. fondes ou des collections du rétropéritoine.
52 M. Leone et al.
Tableau I. Mortalité en fonction de la région atteinte lors d’un poly- être systématiquement privilégiée en cas d’instabi-
traumatisme [10].
lité hémodynamique et/ou ventilatoire.
Polytraumatisme Mortalité (%) Le transfert intrahospitalier, réalisé dès la stabili-
Avec Sans sation du patient, doit être parfaitement organisé. Les
Traumatisme crânien 30,5 24,4* manœuvres de réanimation, poursuivies tout au long
Traumatisme thoracique 28,7 25,1* du déplacement avec un minimum de deux accès vei-
Traumatisme abdominal 23,4 28,5 neux distincts, nécessitent la présence permanente
Traumatisme du bassin 25,6 27,5
Traumatisme des extrémités 27,4 26,6 de l’équipe médicale. Avant le départ, un accord télé-
phonique avec le service de radiologie est nécessaire
*p < 0,05. afin de libérer les sites d’exploration. La Société
française d’anesthésie et de réanimation a publié
des recommandations sur les transferts intra-
malgré une réanimation bien conduite avec la mise hospitaliers1 précisant : l’équipe de transfert doit dis-
en évidence d’un épanchement péritonéal à l’écho- poser du matériel permettant la prise en charge d’une
graphie est l’indication d’une laparotomie avant détresse respiratoire, circulatoire ou neurologique. Ce
d’effectuer la TDM cérébrale. Cette situation cons- matériel doit permettre en particulier de poursuivre
titue en pratique une exception. dans de bonnes conditions l’assistance ventilatoire,
Le bilan sommaire a un rôle central dans la hiérar- la perfusion de solutés et l’administration de médi-
chisation des urgences. La radiographie du thorax éli- caments. Si des médicaments spécifiques sont néces-
mine principalement un pneumothorax nécessitant un saires au traitement de la pathologie en cours de trans-
drainage thoracique en urgence. Le cliché du bassin port, ils doivent être disponibles. Le matériel
permet d’éliminer une fracture du bassin pouvant recommandé par la Sfar pour le transfert intrahospi-
expliquer un choc hémorragique. Dans ce dernier cas, talier d’un patient doit être portable et autonome en
une artériographie pour embolisation est prioritaire. énergie (tableau II).
L’échographie abdominale est l’examen de référence
pour le diagnostic des hémopéritoines [22]. Elle doit Tomodensitométrie du corps entier
rechercher et quantifier un épanchement qui conduit La TDM spiralée permet d’obtenir des coupes du
donc à effectuer une laparotomie devant une insta- corps entier en 50 min, le temps de transfert intra-
bilité hémodynamique. Les résultats de ce premier hospitalier étant compris, ce qui répond aux exigen-
bilan, l’évolution clinique et l’efficacité des traite- ces de rapidité et d’exhaustivité de la prise en charge
ments entrepris sont les déterminants de l’orienta- des patients ayant des lésions traumatiques multi-
tion du patient. ples [9, 13]. De ce fait, le choix stratégique est de
réaliser le maximum d’exploration lors de cet exa-
Transfert intrahospitalier men :
Les risques inhérents au transfert intrahospitalier de – les coupes du crâne sans injection renseignent
ce type de patient doivent être confrontés au béné- d’emblée sur les lésions cérébrales ;
fice apporté par l’examen réalisé. Une augmentation – les coupes du rachis cervical avec reconstruction
significative des pressions intracrâniennes est obser- éliminent une fracture stable ou instable ;
vée lors du déplacement de patients traumatisés crâ- – les coupes avec injection de produit de contraste
niens à la TDM [23]. Un ISS élevé et des lésions ins- du thorax et de l’abdomen permettent un bilan vis-
tables avant un déplacement intra-hospitalier sont céral et vasculaire ;
corrélés à une augmentation de la fréquence des – les clichés en mode radio (topogrammes) du bas-
lésions induites par ce déplacement [24]. Devant des sin, des racines des membres et du rachis dorso-
difficultés ventilatoires, l’exploration par la TDM est lombaire recherchent des fractures osseuses ;
retardée jusqu’à obtenir une amélioration des échan- – le chirurgien orthopédiste complète ce bilan par
ges gazeux par le drainage approprié d’un épanche- un examen clinique minutieux (recherche de frac ture
ment ou le réglage correct du ventilateur. La réalisa-
tion d’examens au lit du patient (radiographie du
thorax et du bassin, échographie abdominale) doit 1
www.sfar.org
54 M. Leone et al.
Tableau II. Matériel minimum recommandé par la Sfar pour les Séméiologie de la tomodensitométrie
transferts intra-hospitaliers.
déplacement de la ligne médiane > 5 mm et oblité- Corrélation gravité clinique et lésions observées
ration des citernes de la base ; à la tomodensitométrie
– une embarrure fermée compressive avec effet de La corrélation entre les données de la TDM et la sévé-
masse entraînant un déplacement de la ligne rité des lésions met en évidence trois facteurs perti-
médiane > 5 mm [25]. nents :
Les indications de la mesure de la pression intra-
crânienne (PIC) [30] sont les patients avec un – l’œdème cérébral (disparition ou non des citernes
GCS ≤ 8 associé soit à une TDM cérébrale anormale basales) ;
ou soit à deux de ces critères : âge > 40 ans, mouve- – l’hémorragie intraventriculaire ;
ments d’extension uni- ou bilatéraux, pression arté- – la déviation de la ligne médiane (avec ou sans
rielle systolique < 90 mmHg. hématome sous-dural associé).
56 M. Leone et al.
Tableau III. Classification et évolution des traumatisés crâniens en fonction de la tomodensitométrie cérébrale d’après la Traumatic Coma
Data Bank [31].
Radiologie conventionnelle
Elle explore le rachis cervical par des incidences de Tomodensitométrie du rachis
face, profil, voire de trois quart chez tout traumatisé La TDM explore les charnières cervico-occipitale et
grave. Si la prise en charge est conventionnelle cervico-thoracique et remplace les radiographies
stricte, ces clichés précèdent les autres explorations. conventionnelles par des images numérisées (topo-
La qualité des images et de leur analyse, réalisée par grammes de tout le rachis). L’exploration intéresse
deux médecins expérimentés, est fondamentale [40]. au moins les deux charnières et comporte des coupes
Les radiographies conventionnelles permettent fines. Dans notre établissement, les traumatisés gra-
d’observer : ves bénéficient d’une exploration du rachis cervical
par acquisition hélicoïdale et des topogrammes du
– l’alignement des sept vertèbres cervicales dont C7-
rachis dorso-lombo-sacré. Devant une image sus-
D1 ;
pecte au niveau dorso-lombaire, des coupes TDM
– l’alignement du mur antérieur, postérieur et des suivies d’une reconstruction sont pratiquées (figure
extrémités des épineuses ; 3) [42]. La confirmation rapide d’une lésion améliore
– la densité osseuse augmentée en cas de fracture- la qualité de la prise en charge et facilite le nursing
tassement ; du patient [43]. En période préopératoire, sa place
– la distance entre l’arc antérieur de l’atlas et l’odon- est fondamentale en visualisant les traits de fracture
toïde, pathologique au-delà de trois mm. et les fragments intracanalaires. Les études coût-
La normalité de ces clichés n’exclut pas une lésion bénéfice sont en faveur de la réalisation d’une TDM
ligamentaire. Les autres limites d’une telle explora- cervicale chez tous les patients à risque [25].
tion sont la mauvaise visualisation des territoires C1-
C2, et surtout C7-D1, impliqués dans 20 % des trau- Imagerie par résonance magnétique
matismes du rachis cervical. Des moyens simples L’IRM permet d’obtenir des images de la moelle
améliorent la qualité des radiologies, comme la trac- d’une excellente qualité en coupe sagittale. Sa seule
tion énergique des épaules vers le bas ou la position indication en urgence est une atteinte médullaire sans
dite du nageur. En cas d’échec, il est indispensable lésion osseuse décelable. Elle peut alors déceler une
d’obtenir d’autres types d’examens [41]. hernie discale traumatique, un HED ou une contu
58 M. Leone et al.
sion médullaire. Dans 10 % des cas, il existe des mothorax antérieurs [49]. Des fractures de côtes ou
lésions neurologiques définitives malgré la norma- un volet thoracique, défini par la superposition de
lité de l’IRM. Cet examen n’est pas adapté aux trau- plusieurs fractures costales sur deux lignes ou « un
matisés graves dans les premières heures. Elle est hublot pariétal », sont facilement identifiables [52].
l’examen de choix pour diagnostiquer les lésions Les contusions pulmonaires ne sont pas souvent visi-
médullaires non décelées par les examens standard bles sur les clichés thoraciques précoces. Un infiltrat
chez les patients dans le coma [44]. alvéolaire irrégulier apparaît à la quatrième heure
puis une opacification de la trame interstitielle à par-
Lésions traumatiques du thorax tir du deuxième jour, progressivement résolutive à
partir d’une semaine [53]. La rapidité des modifica-
Traumatismes pulmonaires tions radiologiques est corrélée à la gravité de la
Les traumatismes thoraciques représentent le tiers des lésion.
admissions en traumatologie avec une mortalité de La radiographie thoracique fournit également de
20 % [45]. Lors des autopsies, une lésion thoracique bons éléments d’orientation diagnostique en cas de
est retrouvée chez 50 % des polytraumatisés. La rupture de la coupole diaphragmatique ou de lésion
lésion thoracique est le plus souvent en relation avec médiastinale. En cas de lésion diaphragmatique, sa
un mécanisme de décélération brutale. Les fractures sensibilité est médiocre. Elle met en évidence une
osseuses sont décelées chez 10 % des traumati- élévation ou une absence de netteté d’une coupole
sés [46]. Elles n’ont intrinsèquement pas un carac- diaphragmatique, un viscère creux intrathoracique,
tère de gravité majeur mais reflètent la violence du un trajet aberrant d’une sonde nasogastrique ou un
traumatisme. De ce fait, une mortalité de 12 % leur hémopneumothorax [54]. La répétition des clichés
est associée [46]. Une rupture d’une coupole améliore la sensibilité de l’examen. Une anomalie de
diaphragmatique, le plus souvent à gauche (85 % des la radiographie standard est notée dans 85 % des cas
cas), est présente dans 3 à 7 % des traumatismes tho- de rupture de l’aorte [55-58], essentiellement un élar-
raciques graves. Des incidences respectives de 33 et gissement du médiastin (> 8 cm), un bouton aorti-
de 67 % de pneumothorax et d’hémothorax sont rap- que flou, une inclinaison de la bronche souche gau-
portées dans la littérature lors des traumatismes tho- che ou une déviation de la sonde nasogastrique.
raciques [47]. La contusion pulmonaire pose un pro-
blème de définition, ce qui explique les variations
retrouvées pour estimer sa fréquence (de 10 à 100 %) Tomodensitométrie thoracique
et sa mortalité (de 6 à 40 %) [48, 49]. Les lésions de La sensibilité et la spécificité de la TDM sont maxi-
l’aorte sont secondaires à une décélération brutale. males pour la détection des atteintes pleurales (figure
Elles sont retrouvées lors des autopsies chez huit à 4) [59]. Un pneumothorax antérieur découvert à la
16 % des victimes d’accident de la voie publique et TDM sans retentissement clinique ne constitue pas
chez 4 ‰ des accidentés de la voie publique admis à une indication de drainage [60-63]. L’attitude habi-
l’hôpital [50]. tuellement recommandée est l’évacuation de tout
décollement pleural visible sur la radiographie du
Radiographie thoracique de face thorax. Cette attitude empirique ne repose en fait sur
La radiographie thoracique de face, réalisée dès aucune donnée de la littérature récente. Notre équipe
l’admission du patient, a pour objectif de diagnosti- n’évacue un pneumothorax que devant une sympto-
quer les lésions traumatiques qui nécessitent un trai- matologie clinique ventilatoire et/ou hémodynami-
tement urgent ou susceptibles de s’aggraver lors de que. Des auteurs proposent le drainage quand le
la réalisation des examens radiologiques. Il convient décollement est supérieur à deux cm, ce qui consti-
de connaître les limites de cet examen qui a une mau- tue, en l’absence d’étude spécifique, une attitude pro-
vaise sensibilité indifféremment de l’expérience ou che de la pratique [63]. La sensibilité et la spécificité
de la formation du lecteur [51]. Un pneumothorax et de la TDM sont de 100 % pour dépister les contu-
un hémothorax, visibles à partir de 200 à 300 mL, sions [49, 53]. L’étude des densités permet d’indivi-
sont recherchés en priorité. Pratiquée sur des poly- dualiser une zone hématique caractéristique d’une
traumatisés allongés, la radiographie thoracique de contusion. L’aspect d’une contusion doit être distin-
face ne permet pas de mettre en évidence les pneu- gué d’un trouble ventilatoire postérieur survenant de
Le polytraumatisé 59
graphie transœsophagienne (ETO) est une alterna- polytraumatisés et 40 % des traumatisés thoraci-
tive pour l’exploration des traumatismes de ques [76]. Son retentissement clinique est au centre
l’isthme [70-72]. Une étude compare chez 209 de la problématique [77]. La pratique systématique
patients suspects de lésions aortiques les données de d’une coronarographie chez 40 patients ayant des
l’ETO et de l’angiographie ou de la TDM hélicoï- signes en faveur d’une contusion myocardique a mis
dale avec injection de produit de contraste [71]. Les en évidence des anomalies chez trois patients [76].
lésions sont différentiées en majeures ou mineures, Une méta-analyse a recherché l’identification des
selon leur sévérité. Quarante-deux patients présen- patients atteints de contusion myocardique suscepti-
tent une lésion. La sensibilité de l’ETO (100 %) est bles de développer des complications. Une anomalie
nettement supérieure à celle des méthodes d’opaci- de l’ECG associée à une élévation des CPK-MB (> à
fication (14 %) pour le diagnostic des lésions mineu- 5 %) est corrélée à des complications nécessitant la
res. Il faut noter que seulement sept patients présen- mise en route d’un traitement. À l’inverse, un ECG
tent ce type de lésion. Les deux méthodes sont donc et des CPK-MB normaux sont corrélés à l’absence
comparables pour déceler les lésions aortiques signi- de symptomatologie clinique. Les explorations iso-
ficatives. Pratiquée par des équipes spécialisées dans topiques ne permettent pas d’identifier les complica-
des structures adaptées, l’ETO permet un gain dia- tions potentielles [78] La troponine Ic ne donne
gnostique pour déceler des lésions mineures dont les qu’une information limitée. Les concentrations en
conséquences thérapeutiques doivent être mieux éva- troponine Ic et T ont été mesurées chez 26 patients
luées [71, 72]. Par ailleurs, l’absence de visualisa- atteints d’une contusion myocardique sans retentis-
tion des vaisseaux supra-aortiques rend l’aortogra- sement hémodynamique. La spécificité de ces deux
phie ou la TDM spiralée dans bien des cas marqueurs est bonne, mais leur sensibilité et valeur
indispensable [73, 74]. prédictive sont faibles. La mesure de ces deux mar-
queurs dans le plasma n’est pas un progrès signifi-
Fibroscopie œsophagienne et bronchique catif pour détecter la survenue de complications car-
Les ruptures trachéo-bronchiques sont associées dans diovasculaires au décours d’un traumatisme
90 % des cas à un pneumomédiastin, un pneumotho- cardiaque [79]. La place de l’échographie est limi-
rax et/ou un emphysème. Elles sont présentes dans tée. L’échocardiographie examine précisément les
0,3 % des traumatismes. Les signes cliniques sont anomalies des mouvements cardiaques mais ne
généralement bruyants. Les ruptures de l’œsophage détecte pas l’instabilité électrique qui caractérise les
sont suspectées devant un élargissement de la partie contusions myocardiques. Elle est recommandée en
supérieure du médiastin, un emphysème sous-cutané cas de détérioration inexpliquée de l’état hémodyna-
du cou et une augmentation de la distance entre la mique d’un patient, mais sa place reste mal détermi-
trachée et les vertèbres si la rupture est cervicale. née [78, 80].
Une fibroscopie doit être pratiquée devant chacun des
signes précédents. L’extubation du patient durant Lésions traumatiques de l’abdomen et du pelvis
l’examen permet d’obtenir une meilleure visualisa-
tion de la région [75]. Une lésion abdominale est mise en évidence chez 20
à 30 % des patients décédés d’accident de la voie
Traumatisme cardiaque publique. Les lésions siègent préférentiellement au
La contusion myocardique est la traduction la plus niveau de la rate (46 %), du foie (33 %) et de l’intes-
fréquente des traumatismes du cœur et siège préfé- tin (duodénum exclu) (25 %) [81]. Si l’échographie
rentiellement au niveau du ventricule droit. Son est l’examen de choix pour examiner le patient ins-
expression clinique paroxystique mime le tableau de table, la TDM permet d’établir un bilan lésionnel très
tamponnade. L’hémopéricarde est fréquent mais sans précis. Le tableau IV illustre les avantages et incon-
grand retentissement hémodynamique. Les lésions vénients des différentes méthodes d’exploration.
prédominent sur le ventricule droit en raison de sa
position rétrosternale au cours des impacts antérieurs. Échographie abdominale
Une atteinte basale est fréquemment observée au L’hémopéritoine est l’épanchement liquidien le plus
cours des hyperpressions abdominales. Elle est mise fréquent des traumatismes abdomino-pelviens.
en évidence chez respectivement 5 % des patients L’échographie abdominale le détecte avec une sen
Le polytraumatisé 61
Avantages Inconvénients
Lavage péritonéal Rapidité Procédure invasive
Patient sous
surveillance
Tomodensitométrie Procédure non Sédation nécessaire
invasive
Spécificité Transport
Lésions associées
Échographie Procédure non Opérateur dépendant
invasive
Liquide facilement Lésions d’organes
identifié ou de l’intestin :
Patient sous faux négatifs
surveillance
pique ou l’association d’une hématurie microscopi- Tableau V. Pertes sanguines estimées selon le site de la fracture.
que à une fracture pelvienne sont des indications Sites % du volume sanguin Litre (adulte)
d’exploration radiologique. Devant toute suspicion
Pelvis 20–100 1–5
de traumatisme grave du rein, l’exploration par TDM Fémur 20–50 1–2,5
est indispensable avec la réalisation de coupes tardi- Rachis 10–30 0,5–1,5
ves [99]. La radiologie interventionnelle a sa place Tibia, humérus 10–30 0,5–1,5
dans la prise en charge de ces lésions. Cependant, Cheville, pied 5–10 0,2–0,5
Radius 5–10 0,2–0,5
dans les traumatismes violents, les plaies veineuses Côte 2–4 0,1–0,2
associées fréquentes rendent l’embolisation souvent
impossible. Les traumatismes vésicaux sont présents
si le traumatisme a eu lieu vessie pleine [100].
L’hématurie est alors constante. Le diagnostic repose
sur la cystographie ou mieux sur un cysto-scanner.
Les ruptures intra-péritonéales nécessitent une chi-
rurgie d’urgence, les ruptures sous-péritonéales pou- pare la fixation précoce (dans les 24e heures) et tar-
vant le plus souvent bénéficier d’un simple traite- dive (après la 48e heure). Les auteurs mettent en évi-
ment conservateur avec sonde vésicale. dence une augmentation de l’incidence des
complications respiratoires, de la durée de séjour hos-
Fractures des membres et du bassin pitalier et du coût d’hospitalisation en cas de fixation
tardive [101]. La fixation précoce permet d’obtenir
Les fractures des membres sont observées au cours une diminution de la mortalité [104], du nombre de
de 70 % des traumatismes graves. L’examen clini- SDRA [105] et du syndrome d’embolie grais-
que initial, effectué par un chirurgien orthopédiste, seuse [106, 107]. Elle facilite le nursing du patient
doit les rechercher avec minutie. Un bilan radiologi- en réanimation. L’intervention précoce doit se dérou-
que sur tous les sites suspects est ensuite effectué. ler durant les premières 24 heures. Il semble donc
Le cliché du bassin de face, réalisé lors de l’admis- logique de différer de quelques heures la fixation d’un
sion du patient, permet l’observation du cadre osseux. foyer de fracture afin de préciser l’ensemble des
La mise en évidence d’une fracture associée à lésions avant le début de l’intervention, de stabiliser
l’absence de pouls sur le même membre évoque une l’état hémodynamique et ventilatoire du patient et de
ischémie aiguë et constitue une urgence vasculaire. ne pas mobiliser inutilement l’équipe de garde.
Dans les autres cas, l’immobilisation dans une attelle, Les fractures du bassin peuvent provoquer une
le parage et la fermeture du foyer sont nécessaires et perte de quatre litres de sang [99, 100-111]. Un tou-
suffisants. En dehors des situations où la fracture cher pelvien est systématiquement pratiqué afin de
osseuse est à l’origine d’un choc hémorragique rechercher une saillie osseuse. Il s’agit fréquemment
(essentiellement dans les fractures du bassin), elles d’un saignement veineux qui se tarit spontanément.
ne sont pas une contre-indication à la poursuite des Quand le saignement incontrôlable est secondaire à
explorations à visée diagnostique. Le tableau V indi- une fracture sévère, le traitement précoce par angio-
que les saignements prévisibles en fonction du site graphie est la solution de choix, excepté si une lapa-
de la fracture. rotomie est nécessaire [99]. Dans ce cas, la mise en
Les topogrammes réalisés à la TDM éliminent une place d’un fixateur externe en période per-opératoire
fracture des parties supérieures du fémur et de la cein- suivie d’une embolisation post-opératoire est préco-
ture scapulaire. La recherche de fractures des extré- nisée [108]. Cette situation n’est pas fréquemment
mités et de luxations des articulations est particuliè- observée en pratique quotidienne [109, 110]. En
rement attentive. Le délai de l’intervention est absence de retentissement hémodynamique majeur,
débattu. L’analyse des données de la littérature com- la TDM précoce est un examen déterminant. Elle per-
parant fixation précoce et tardive chez des patients met une quantification de l’hématome rétropérito-
traumatisés avec lésion cérébrale est en faveur d’une néal, précise les lésions osseuses postérieures et
fixation précoce [10, 101-103]. Une seule étude pros- détermine l’indication d’une angiographie [111].
pective, réalisée entre 1985 et 1987, chez 83 patients Dans la majorité des cas, un traitement orthopédique
polytraumatisés ayant une fracture du fémur, com- est suffisant.
Le polytraumatisé 63
CONCLUSION 7 Cooper DJ, McDermott FT, Cordner SM, Tremayne AB. Qua-
lity of assessment of the management of road traffic fatalities
at a level I trauma center compared with other hospitals in Vic-
La TDM du corps entier est la pierre angulaire toria, Australia. Consultative committee on road traffic fatali-
ties in Victoria. J Trauma 1998 ; 45 : 772-9.
actuelle de la prise en charge du traumatisé grave. 8 Collège des enseignants de radiologie de France. Indications
En effet, l’analyse des examens complémentaires des examens d’imagerie 1997. Le Concours Médical 1997 ; 26
nécessaires appareil par appareil met en évidence que (Suppl) : 64.
9 Portier F, Martin C, Zappa M, Lafay V, Martin C, Girard N, et
cet examen est le « plus grand dénominateur com- al. Une nouvelle approche de la prise en charge radiologique
mun ». Le polytraumatisé dans le coma nécessite tou- du polytraumatisme : le scanner corps entier systématique
jours une TDM cérébrale. Par ailleurs, la TDM résumé. Ann Fr Anesth Réanim 1997 ; 16 : 719 R238.
10 Regel G, Lobenhoffer P, Grotz M, Pape HC, Lehmann U,
convient à l’exploration du cerveau et du rachis cer- Tscherne H. Treatment results of patients with multiple
vical, élimine une rupture de l’aorte et identifie l’ori- trauma : an analysis of 3406 cases treated between 1972 and
gine d’un saignement intra-abdominal. La disponi- 1991 at a German Level I Trauma Center. J Trauma 1995 ; 38 :
70-8.
bilité des appareils, la rapidité de l’examen et la 11 Lopez FM, de La Coussaye JM. Imagerie du polytraumatisé.
possibilité d’une surveillance continue du patient en In : Bruel JM, Lopez FM, Eds. Imagerie et urgences. Collec-
ont fait l’examen de référence de la plupart des cen- tion Médecine-Sciences. Paris : Flammarion ; 1996. p. 213-21.
12 Clavier N, Hilbert U. Analyses des indications de transfert inte-
tres de traumatologie. rhospitalier. Ann Fr Anesth Réanim 2000 ; 19 : 304-7.
Il est important de connaître les limites d’une telle 13 Leidner B, Adiels M, Aspelin P, Gullstrand P, Wallen S. Stan-
stratégie d’exploration. L’obtention d’une stabilité dardized CT examination of the multitraumatized patient. Eur
Radiol 1998 ; 8 : 1630-8.
hémodynamique et/ou ventilatoire est un prérequis 14 Cohen JE, Montero A, Israel ZH. Prognosis and clinical rele-
indispensable à sa réalisation. Le transfert intrahos- vance of anisocoria-craniotomy latency for epidural hematoma
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