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RECOMMANDATIONS

SYNTHÈSE ET
POST’U ( 2015 )

Recommandations internationales
sur la pancréatite aiguë
;;Philippe Lévy
(u)  Past-president de l’International Association of Pancreatology, Pôle des Maladies de l’Appareil Digestif, Service de Gastroentérologie et Pancréatologie
Hôpital Beaujon, APHP, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92118 Clichy cedex, France.
E-mail : philippe.levy@bjn.aphp.fr

méthodologie employée a été d’une


Introduction grande rigueur et les conclusions por-
tant sur 12 domaines et 38 questions
ont été âprement discutées en public
La prise en charge de la pancréatite
lors d’un congrès.
aiguë (PA) fait l’objet de nombreux
articles originaux, d’études randomi- Le document qui en est résulté est
sées parfois apparemment contradic- d’une grande clarté et d’une non moins
toires, portant sur divers aspects grande utilité.
­thérapeutiques : équilibre hydroélec-
trolytique, antibiothérapie, drainage de Ce sont ces guidelines qui sont présen-
la nécrose, nutrition artificielle, traite- tés ici en insistant sur les évolutions
ment de la cause notamment biliaire, par rapport à la conférence française
etc. Trente guidelines ont été publiés de 2001. L’auteur de ces lignes a ajouté
depuis 1988 après un processus dont quelques commentaires personnels
la rigueur, la méthodologie et l’exhaus- issus de son expérience (ou des com-
tivité étaient variées, issus soit de mentaires publiés à propos de ces
sociétés savantes « uni-spécialité » recommandations), présentés systé-
(réanimateurs, chirurgiens, etc.) soit matiquement en bleu. Certains aspects
Objectif pédagogique multidisciplinaires [1]. ne seront pas traités en raison de leur
rareté comme, par exemple, le syn-
–– Savoir ce qui a changé dans la prise En 2001, à l’initiative de la SNFGE en drome du compartiment abdominal.
en charge de la pancréatite aiguë association avec de nombreuses socié-
depuis la recommandation française tés savantes françaises, une conférence
de 2001 de consensus s’est tenue, aboutissant Diagnostic de la pancréatite
à des conclusions intéressantes dans
aiguë et causes
de nombreux domaines [2]. Même si
de nombreux changements de pra-
tique ont été notés après sa publica- Définition de la pancréatite aiguë
tion, à la fois dans les hôpitaux univer-
sitaires et non universitaires [3], force Le diagnostic de PA repose sur l’asso-
est de constater que les pratiques ne ciation de deux des trois critères sui-
suivent pas toujours les recommanda- vants :
tions. De nombreuses erreurs sont •  Douleurs typiques
encore commises, en particulier dans
l’utilisation de la nutrition artificielle, •  Élévation des enzymes pancréa-
de l’antibiothérapie, dans la prise en tiques au-dessus de trois fois la nor-
charge des PA biliaires et dans la male
recherche des causes. •  Imagerie par scanner, IRM ou écho-
graphie
En 2012, à l’initiative de l’International
Association of Pancreatology et de Rappelons que les recommandations
l’American Pancreatic Association, s’est françaises sont de ne doser que la lipase
tenue une conférence multidiscipli- et d’abandonner celui de l’amylasémie.
naire et multinationale sur le même Le scanner peut être utilisé à visée de
sujet dont les conclusions ont été diagnostic positif devant une urgence
publiées en 2013 dans Pancreatology abdominale non étiquetée. En cas de dés-
[4]. Cette conférence a été dirigée par hydratation ou de fonction rénale pré-
le très dynamique Marc Besselink, issu caire, il doit être fait sans injection de
d’une équipe hollandaise ayant publié produit de contraste. L’ingestion de pro-
de nombreuses études importantes sur duit hydrosoluble n’a aucun intérêt et
la PA. Sans entrer dans les détails, la peut gêner la visualisation de calcifica-

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tions pancréatiques ou de calcul biliaire non vus en échographie [6]. Le scanner l’admission a une sensibilité de 100 %
enclavé. abdomino-pelvien peut être répété à mais une spécificité de 31 % [9].
distance, surtout en cas de récidive de
Le dosage de l’amylasémie n’a aucun inté- Eu égard à la simplicité de ce score, sa
la PA.
rêt, comme celui des enzymes pancréa- mémorisation facile, la possibilité de le
tiques en général : Les conclusions de la conférence de l’IAP répéter, aucun des autres scores (APACHE
–– chez un malade n’ayant pas de symp- ne font pas référence à la recherche d’une II, Ranson, Glasgow) ou marqueurs (y
tôme évoquant une PA, tumeur (notamment une tumeur intra­ compris la CRP) n’a été retenu.
canalaire papillaire et mucineuse qui
–– à titre de dépistage, C’est ici un apport majeur et une modi-
constitue une cause prédominante de PA
–– comme élément de gravité ou de sur- fication importante de nos pratiques qui
non alcoolique non biliaire après 50 ans)
veillance d’une PA. a fait son entrée dans le thésaurus des-
[7]. C’est pour cette raison que l’obtention
tiné aux étudiants de second cycle dans
Autrement dit, la lipasémie ne devrait être d’une IRM de qualité avec coupes épaisses
sa prochaine version à paraître.
dosée qu’une seule fois, aux urgences de centrées sur le canal pancréatique prin-
l’hôpital devant un malade ayant un syn- cipal (et non pas sur la voie biliaire) est
drome abdominal aigu. fondamentale et manque encore trop Quelle est la bonne stratégie
souvent dans le bilan. Dans cette tranche pour prédire l’évolution d’une
d’âge, l’IRM devrait être le premier exa- pancréatite aiguë à l’admission ?
Quel bilan faire à l’admission men de cette seconde ligne.
dans le cadre du bilan étiologique ? Cette réflexion doit être conduite selon
Au-delà de cette seconde ligne et au-delà
trois axes :
Outre l’anamnèse orientée, le bilan ini- seulement, il faut chercher des causes
tial doit comporter un dosage : plus rares en fonction du contexte (âge 1. Le terrain (comorbidités, indice de
+++), de l’imagerie (chercher une pancréa- masse corporelle)
–– des enzymes hépatiques,
tite auto-immune par la biologie sans 2. Évaluation de la présence ou non
–– de la triglycéridémie argument d’imagerie n’est pas souhai- d’un SIRS
–– et de la calcémie. table).
3. Évolution après les premières
En termes d’imagerie, une échographie mesures thérapeutiques comme la
abdominale est impérative et urgente réhydratation (persistance du SIRS,
Diagnostic de gravité urée sanguine, créatinine).
pour mettre en évidence une lithiase
vésiculaire avant qu’elle ne soit éven-
tuellement induite par le jeûne. Quel est le meilleur score ou
La chronologie des prélèvements san- marqueur pour prédire la sévérité Imagerie
guins est essentielle car la plupart des à l’admission et à 48 heures ?
anomalies sont fugaces. Ainsi, une éléva- Quelles sont les indications
tion transitoire des transaminases dans Le seul score qui a été retenu est le
score du syndrome de réponse inflam-
et le bon moment pour réaliser
les 48 premières heures a une valeur
prédictive positive de 85 % pour le dia- matoire systémique (SIRS). Le SIRS est un scanner ?
gnostic de migration lithiasique mais n’a défini par l’association de deux ou plus
Les indications pour un scanner initial
plus aucune valeur diagnostique au-delà des conditions suivantes:
sont :
de ce délai [5]. C’est donc bien le bilan –– température < 36°C ou > 38°C ;
hépatique à l’admission aux urgences 1. Le doute diagnostique (éventuelle-
qu’il faut considérer. Il en est de même –– fréquence cardiaque > 90/min ; ment scanner sans injection chez un
pour l’hypertriglycéridémie qui peut se –– fréquence respiratoire > 20/min ou malade déshydraté)
normaliser (ou en tout cas passer au-des- PaCO2 < 32 mmHg ; 2. La confirmation de la sévérité fon-
sous du seuil p ­ ancréato-toxique de dée sur les critères décrits précédem-
–– leucocytose > 12 000/mm3, < 4 000/
10 mmol/L) en quelques heures. ment
mm3 ou présence de formes imma-
Rappelons aussi que c’est l’hypercalcé-
tures circulantes (> 10 % des cel- 3. La non réponse aux traitements ini-
mie qui est toxique et non la PTH. Le
dosage de cette dernière chez un patient lules). tiaux ou détérioration de l’état cli-
nique.
sans hypercalcémie n’a pas d’intérêt. Sa présence à l’admission et surtout sa
persistance plus de 48 heures prédisent Le meilleur moment pour faire un
Quelles sont les investigations une évolution sévère et un sur-risque scanner d’évaluation est entre la 72e et
à mettre en œuvre au-delà de mortalité. la 96e heure après le début des symp-
tômes.
pour le bilan causal ? Il faut ici annoncer une mauvaise nou-
velle pour les plus anciens d’entre nous : Dans la plupart des cas, le diagnostic posi-
Après un premier bilan négatif, les exa- l’enterrement du score de Ranson et de tif de PA ne pose pas de problème. La
mens nécessaires au bilan causal sont toutes ses variantes. Rappelons que ce réalisation d’un scanner précoce ne modi-
la pancréato-IRM qui est essentielle score a été publié en 1973. Un SIRS persis- fie pas la stratégie thérapeutique. Les
pour chercher une anomalie canalaire tant plus de 48 heures est associé à une scores de sévérité tomodensitométrique
(en particulier un obstacle tumoral) mortalité de 25 % versus 8 % pour un SIRS (notamment le score de Balthazar) ne
puis l’échoendoscopie. Celle-ci permet transitoire [8]. La sensibilité et la spécifi- sont pas plus efficaces que les scores cli-
un diagnostic dans 32 à 88 % des cas, cité d’un SIRS persistant pour la prédic- niques cités ci-dessus. Enfin, un scanner
notamment pour mettre en évidence tion de la mortalité sont respectivement avec injection, trop précoce, pourrait
du sludge biliaire ou des microcalculs de 77-89 % et 79-86 %. Un SIRS présent à aggraver la PA sans parler de la néphro-

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RECOMMANDATIONS
SYNTHÈSE ET
toxicité potentielle. Enfin, il faut ajouter
que la répétition des scanners aboutit à Soins intensifs Prévention des
une irradiation non négligeable. L’indication complications infectieuses
de ceux-ci doit donc être particulière-
ment réfléchie chez un jeune malade Quelles sont les indications
ayant par exemple une pancréatite héré- d’une admission en soins intensifs Doit-on ou non donner des
ditaire. pour une pancréatite aiguë ? antibiotiques à visée préventive ?
Les auteurs de la recommandation de La réponse à cette question est claire-
Quand refaire un scanner
l’IAP/APA se sont fondés ici sur celles ment NON !
au cours de l’évolution ? de la Society for Critical Care Medicine
pour rappeler que les indications de Les membres du jury se sont ici appuyés
Un scanner doit être refait en cas de sur une méta-analyse récente regroupant
passage en réanimation étaient les sui-
non-amélioration, a fortiori de détério- 14 essais randomisés [12]. Il s’agit là d’une
vantes :
ration de l’état clinique ou lorsque un question particulièrement importante et
geste interventionnel est envisagé. –– pouls < 40 ou > 150 ; des malades sont trop souvent ainsi trai-
Cette recommandation rompt donc avec –– pression artérielle systolique tés sans aucune preuve bactériologique
la pratique d’une imagerie systématique < 80 mmHg ou pression moyenne d’une infection bactérienne, ceci aboutis-
toutes les semaines ou tous les 10 jours. <60 mmHg ou pression diastolique sant à la sélection de germes, délétère
C’est un point important. La seule com- > 120 mmHg ; non seulement pour le malade mais aussi
pour l’écologie bactérienne de l’établisse-
plication qui pourrait ne pas être détectée –– fréquence respiratoire > 35 ;
par l’évaluation uniquement fondée sur ment. Il faut souligner la difficulté de
–– natrémie < 110 ou > 170 mmol/L ; ­distinguer un syndrome inflammatoire
des arguments cliniques et biologiques
est un pseudo-anévrysme artériel. –– kaliémie < 2 mmol/L ou > 7 mmol/L ; présent chez tout malade ayant une PA
sévère et un syndrome infectieux. Ceci
Celui-ci peut ne se révéler qu’au stade –– paO2 < 50 mmHg ;
hémorragique. C’est une complication souligne l’importance de savoir faire des
suffisamment exceptionnelle pour ne pas
–– pH < 7,1 ou > 7,7 ; prélèvements si nécessaire au niveau de
recommander de scanner systématique. –– glycémie > 44,4 mmol/L ; la nécrose pour authentifier l’infection.
–– calcémie < 3,75 mol/L ;
–– anurie ; Faut-il proposer une
Équilibration décontamination digestive ?
–– coma ;
hydroélectrolytique
–– SIRS persistant. Les conclusions sont ici moins tran-
chées, certains travaux ayant démontré
Ces notions sont classiques. Les rappeler
Quel est le meilleur soluté ? un intérêt, mais le niveau de preuve a
permet de fixer les bornes.
été jugé trop bas pour une telle recom-
Le Ringer lactate est recommandé bien mandation.
que peu d’études l’aient comparé au Quand transférer un patient
sérum salé.
dans un centre spécialisé ? Faut-il proposer des probiotiques ?
Le Ringer lactate serait plus efficace dans
la prévention du SIRS [10]. Les indications retenues de transfert L’utilisation de probiotiques n’est pas
sont les malades ayant une forme recommandée.
sévère, en particulier lorsque sont
À quel débit ?
nécessaires des gestes intervention- Dans la littérature, de nombreuses formu-
La perfusion doit être rapide au débit nels d’endoscopie (échoendoscopie, lations et dosages ont été utilisés empê-
de 5-10 ml/kg/h jusqu’à l’obtention CPRE), de radiologie ou de chirurgie. chant toute conclusion. Rappelons
cependant qu’une étude randomisée a
d’une amélioration des paramètres Comme pour la chirurgie lourde, plus on montré une surmortalité dans le groupe
biologiques. en fait, mieux on le fait. Et ceci est corro- probiotique par rapport au placebo sans
boré par une mortalité diminuée de 26 % prévention de l’infection de nécrose [13].
Comment mesurer l’efficacité dans les centres « à haut débit » par rap-
port aux centres à faible activité [11].
de la rééquilibration
hydroélectrolytique ? Apport nutritionnel
Peut-on prévenir la survenue
Les moyens cliniques ont une fré- d’un SIRS ?
quence cardiaque inférieure à 120, une Quand renourrir les malades
pression artérielle moyenne entre 65 Le seul moyen à l’efficacité prouvée est après une pancréatite aiguë
et 85 mmHg et un débit urinaire la rééquilibration hydroélectrolytique non grave ?
> 0,5-1 ml/kg/h. L’hématocrite main- rapide dans les 24 premières heures.
tenu entre 35 et 44 % est le meilleur La nutrition peut être reprise dès que
moyen biochimique. La rééquilibration hydroélectrolytique ne les douleurs diminuent et que les mar-
modifie pas le risque et l’extension de la queurs inflammatoires s’améliorent
Il semble que la mesure de la pression nécrose mais diminue le risque de SIRS, (ceci n’incluant pas la lipase).
veineuse centrale ne soit pas plus de défaillance d’organes et de mortalité.
fiable que les marqueurs ci-dessus qui C’est donc un moyen trivial, mais essen- Ceci n’inclut pas la lipasémie dont les
ont encore l’avantage de la simplicité. tiel, qui ne doit pas être négligé. dosages itératifs n’ont que peu d’intérêt.

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À cette recommandation, nous en ajou- faite au lit du malade sans recours à un biliaire chez un patient dont l’échogra-
tons une autre : il ne faut pas renourrir per endoscopiste ± une anesthésie et permet phie n’a pas été démonstrative [6]. Dans
os un malade qui a eu une PA biliaire tant aussi de gagner quelques jours qui ce cas, le choix du moment de la réalisa-
que le problème biliaire n’est pas résolu peuvent être précieux (cf. supra). tion de l’endoscopie est délicat : trop pré-
de préférence par une cholécystectomie, coce et le risque d’être gêné par les lésions
à défaut par une sphinctérotomie endos- inflammatoires est élevé, trop tard et le
Reste-t-il une place
copique à froid. Le risque de récidive de risque de laisser exposé au risque de réci-
PA biliaire est d’environ 20 % à un mois et pour la nutrition parentérale ? dive croît avec le temps.
de gravité imprévisible.
La nutrition parentérale ne doit être
Plusieurs études randomisées ont montré prodiguée qu’en cas d’intolérance ou
que l’on pouvait réalimenter très rapide- d’impossibilité (ex : syndrome du Indications des interventions
ment les malades avec PA bénigne [14] et ­compartiment abdominal) de donner
qu’il n’y avait pas d’intérêt à une alimen- la nutrition.
pour la nécrose pancréatique
tation légère ou liquide au début [15].
Nous effectuons cependant une réali- Cette place est donc très réduite. Le cas
échéant, la possibilité de switcher vers Quelles en sont les indications ?
mentation peut-être trop prudente et
peut-être trop progressive. une nutrition entérale devrait être éva-
luée tous les jours. Quelle que soit la voie d’abord (chirur-
gicale, radiologique, endoscopique), les
Quelle est l’indication indications indiscutables de nécrosec-
d’une nutrition entérale ? tomie sont :
Pancréatite aiguë biliaire •  Une infection de nécrose suspectée
Tous les malades ayant une PA sévère cliniquement ou démontrée chez un
ou avec des critères prédictifs de sévé- malade dont l’état clinique se
Quelle est l’indication de la CPRE
rité doivent être placés sous nutrition dégrade, de préférence lorsque la
artificielle entérale. ± sphinctérotomie précoce en cas nécrose s’est organisée (délai habi-
de pancréatite aiguë biliaire ? tuel > 4 semaines).
Ici encore, les habitudes sont longues et
difficiles à changer ! Pourtant, plusieurs •  La CPRE précoce n’a aucune indica- •  En cas d’apparition d’une défaillance
études randomisées et méta-analyses ont tion dans la PA biliaire bénigne. d’organe, plusieurs semaines après
montré que la nutrition entérale était •  La CPRE n’a sans doute aucune indi- le début de la PA, sur une nécrose
supérieure à la nutrition parentérale en cation dans la PA biliaire sévère sans organisée.
termes de prévention des défaillances angiocholite.
d’organe, d’infections systémiques, de Les indications moins classiques sont :
•  La CPRE est probablement indiquée
nécessité d’intervention chirurgicale et •  Un syndrome du compartiment
en cas de PA biliaire associée à une
même de mortalité [16] ! abdominal.
obstruction biliaire.
Une étude suggère que la nutrition enté- •  Une hémorragie non contrôlable.
•  La CPRE est indiquée en cas de PA
rale doit être débutée aussitôt que pos- •  Une ischémie mésentérique.
biliaire associée à une angiocholite.
sible (< 48 h) [17] non pas pour des raisons
nutritionnelles mais pour des raisons de Les recommandations de l’IAP/APA sont •  Une obstruction gastrique, intesti-
prévention des infections de nécrose, ici traduites littéralement ! On se rappelle nale, biliaire (en rapport avec une
secondaire aux translocations bacté- en effet les vives discussions lors de la masse nécrotique).
riennes. conférence de consensus française de Le corollaire de ces recommandations est
2001 sur ce sujet qui avait d’ailleurs abouti que la vaste majorité des malades ayant
quasiment aux mêmes conclusions [2]. une nécrose stérile ne doit pas être opérée.
Quel type de nutrition entérale ?
La présence de bulles d’air dans une
Aucun type de nutrition n’a montré Quelles sont les indications de nécrose est le reflet soit d’une infection
une différence d’efficacité. Une nutri- la bili-IRM et de l’échoendoscopie ? anaérobie soit d’une perforation diges-
tion polymérique « classique » peut
tive qui surinfecte systématiquement la
donc être administrée. L’intérêt de ces deux techniques est nécrose. C’est donc une indication inter-
d’éviter une CPRE s’il n’y a pas d’angio- ventionnelle.
Il est donc inutile d’utiliser des nutritions
cholite en démontrant la vacuité de la
élémentaires ou des immunonutritions
voie biliaire principale. L’échoendoscopie Un petit nombre de malades ayant une
qui sont plus onéreuses et n’apportent
aucun avantage.
reste supérieure à l’IRM pour les petits infection prouvée peut être traité par anti-
calculs de moins de 5 mm. biothérapie dès lors qu’ils restent clini-
quement stables [20].
Par quelle voie délivrer En tout état de cause, ces deux examens
ne doivent pas être faits trop précoce-
la nutrition entérale ? Quel est la place de la ponction
ment en raison des remaniements induits
La voie gastrique comme la voie jéju- par la PA. Ils peuvent surtout être utiles de la nécrose ?
juste avant une cholécystectomie sous
nale peut être utilisée.
cœlioscopie dans une équipe peut habi- La réalisation d’une ponction de la
Deux essais randomisés de petits effectifs tuée à réaliser une cholangiographie per nécrose n’est pas recommandée car
n’ont pas montré de différence entre les cœlioscopie. Rappelons aussi le rôle l’état clinique, l’évolution des mar-
deux voies [18, 19]. La première voie a essentiel de l’échoendoscopie à distance queurs inflammatoires et l’imagerie
l’avantage de sa facilité, elle peut être pour « rattraper » le diagnostic de lithiase (bulles de gaz) sont de bons indicateurs

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RECOMMANDATIONS
SYNTHÈSE ET
d’infection et la ponction peut être inflammatoires ou l’organisation des
faussement négative (12-25 %). Quelle stratégie adopter pour coulées de nécrose.

Nous avons une attitude plus agressive


les interventions : drainage Dans cette situation, la cholécystectomie
et réalisons plus facilement une ponction radiologique, endoscopique, est à risque, majorée de difficultés tech-
que ce qu’indique la recommandation, car nécrosectomie chirurgicale niques pouvant aboutir à une plaie biliaire
il nous paraît essentiel de savoir quelle ou une surinfection de nécrose. Dans
coulée de nécrose est infectée, quelle est mini-invasive ou chirurgie cette situation, soit nous laissons le
la nature du germe et surtout son antibio- ouverte ? patient sous nutrition entérale exclusive
gramme ; a fortiori, chez un malade ayant pendant plusieurs semaines permettant
reçu à tort une antibioprophylaxie qui a une régression des phénomènes inflam-
pu sélectionner des germes.
La stratégie recommandée est de com- matoires, soit nous proposons une CPRE
mencer par un drainage transcutané avec sphinctérotomie à froid sur voie
radioguidé ou par endoscopie puis, si biliaire souvent fine et alithiasique, afin
Quels sont les indications nécessaire, par chirurgie. d’autoriser une reprise alimentaire en
d’interventions sur une nécrose limitant le risque de récidive. Cette atti-
Cette approche dite en « step-up » a été
tude est en partie validée par une petite
stérile ? démontrée comme supérieure dans un
étude [22].
essai randomisé [21] . Les voies d’abord
Quelle que soit la voie d’abord (chirur- rétropéritonéal (essentiellement par la
gicale, radiologique, endoscopique), les gauche) doivent être privilégiées. L’idée Faut-il faire une cholécystectomie
indications d’intervention sur une générale est de laisser du temps pour après sphinctérotomie ?
nécrose stérile sont : l’organisation de la nécrose, d’aller du
•  Une obstruction gastrique, intesti-
moins invasif au plus invasif et de passer S’il n’y a pas de contre-indication
nale, biliaire par un effet de masse
à la marche suivante uniquement en cas chirurgicale, la cholécystectomie est
(1 % des malades ayant une PA
d’échec ou de dégradation de l’état cli- recommandée pour éviter le risque de
nécrosante).
nique. Tout ceci est très dépendant de colique hépatique ou de cholécystite
l’anatomie des lésions et des possibilités (risque évalué à 10 %) [23].
•  La perpétuation des douleurs en pré- locales interventionnelles. Cela requiert
sence d’une nécrose organisée. des discussions multidisciplinaires avec
des chirurgiens, des gastroentérologues
•  La présence d’un pancréas décon- endoscopistes et des radiologues inter-
Conclusions
necté à gauche en raison d’une rup- ventionnels. Il n’est pas souhaitable que
ture pancréatique (environ 40 % des le traitement soit choisi en fonction de De nombreuses études randomisées
PA nécrosante), dès lors que celle-ci l’endroit où le malade est hospitalisé. sont venues apporter des réponses
est symptomatique (intervention claires à des questions très pratiques.
nécessaire dans environ 50 % des D’autres sont encore en cours et per-
cas). mettront d’affiner encore les choses ou
Quand faire la
d’éclairer les zones obscures.
D’autres indications sont plus excep- cholécystectomie
tionnelles : C’est en respectant ces recommanda-
et éventuellement
•  Compression urétérale, épanche- tions que la mortalité de cette maladie
la sphinctérotomie ? purement inflammatoire et réversible
ments de séreuses.
diminuera.
En cas de pancréatite aiguë
Quel est le bon moment
bénigne Références
pour intervenir en présence
d’une nécrose infectée prouvée La cholécystectomie doit être faite le
1.  Loveday BP, Srinivasa S, Vather R, Mittal A,
ou suspectée ? plus vite possible, dans la même hos- Petrov MS, Phillips AR, et al. High quantity
pitalisation, au mieux avant de réali- and variable quality of guidelines for acute
Le moment d’intervenir de façon inva- menter les malades per os en raison du pancreatitis: a systematic review. Am J
sive doit être reculé le plus possible afin risque élevé de récidive à court terme. Gastroenterol 2010 Jul;105(7):1466-76.
de permettre l’organisation de la col- PubMed PMID: 20606652.
lection. La prise en charge non rare de PA grave 2.  Conférence de consensus: pancréatite aiguë.
d’intervalle, alors que cette recomman- Gastroenterol Clin Biol 2001;25(2):177-92.
Cela suppose que l’infection est contrôlée dation n’avait pas été respectée, nous fait PubMed PMID: 11319443.
par des moyens médicaux et que le insister fortement sur ce point essentiel. 3.  Rebours V, Levy P, Bretagne JF, Bommelaer
malade est stable. Chez certains patients, Le report d’une cholécystectomie pour G, Hammel P, Ruszniewski P. Do guidelines
la nécrosectomie est impossible, car la cause d’emploi du temps complet pour- influence medical practice? Changes in
nécrose n’est pas encore organisée. rait être opposable. management of acute pancreatitis 7 years
Certaines complications nécessitent une after the publication of the French guide-
lines. Eur J Gastroenterol Hepatol 2012
intervention immédiate comme une Feb;24(2):143-8. PubMed PMID: 22123707.
hémorragie (embolisation radiologique Après une pancréatite sévère
urgente si possible), syndrome du com- 4.  Working Group IAPAPAAPG. IAP/APA evi-
dence-based guidelines for the manage-
partiment abdominal, perforation). Le Dans ce cas, la cholécystectomie ne ment of acute pancreatitis. Pancreatology
transfert en centre spécialisé est recom- peut pas être faite et doit être reportée 2013 Jul-Aug;13(4 Suppl 2):e1-15. PubMed
mandé avant un geste invasif. jusqu’à la disparition des coulées PMID: 24054878.

23
5.  Levy P, Boruchowicz A, Hastier P, Pariente A, 11.  Singla A, Simons J, Li Y, Csikesz NG, Ng SC, 14;19(6):917-22. PubMed PMID: 23431120.
Thevenot T, Frossard JL, et al. Diagnostic Tseng JF, et al. Admission volume deter- Pubmed Central PMCID: 3574890.
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24
5
RECOMMANDATIONS
SYNTHÈSE ET
Les Cinq points forts
La sévérité d’une pancréatite aiguë se juge sur l’existence de défaillances
viscérales et le risque d’évolution sévère sur le calcul du score SIRS. Le
score de Ranson doit être abandonné.
La nutrition entérale est le seul traitement médical ayant un effet
positif sur la mortalité.
Il ne faut pas faire d’antibiothérapie prophylactique.
Le traitement de la nécrose infectée nécessite une approche
multidisciplinaire et doit suivre une stratégie dite « step-up » débutant
par un drainage radiologique ou endoscopique jusqu’à un drainage
chirurgical si nécessaire.
Le traitement de la lithiase biliaire est essentiel au cours de la
pancréatite biliaire. Il repose sur une cholécystectomie précoce si
possible avant la reprise alimentaire en cas de pancréatite bénigne. La
sphinctérotomie en urgence n’est indiquée de façon formelle qu’en cas
d’angiocholite associée.

Questions à choix unique

Question 1
En cas de pancréatite aiguë biliaire bénigne sans signe prédictif de lithiase de la voie biliaire principale, quelle est l’attitude
qui vous paraît la bonne et la plus en adéquation avec les recommandations internationales ?
❏❏ A. Sphinctérotomie endoscopique en urgence
❏❏ B. Sphinctérotomie endoscopique à froid
❏❏ C. Échoendoscopie à froid suivie d’une sphinctérotomie endoscopique, en présence de calcul de la voie biliaire principale
❏❏ D. Consultation en externe en chirurgie en vue d’une cholécystectomie
❏❏ E. Cholécystectomie au cours de la même hospitalisation

Question 2
Parmi les scores suivants, lequel est le plus utile pour évaluer la gravité d’une pancréatite ?
❏❏ A. Score de Ranson
❏❏ B. Score de Balthazar (version 1985 en lettres de A à D)
❏❏ C. Score de Balthazar (version 1990 de 0 à 10)
❏❏ D. Score SIRS
❏❏ E. Score APACHE II

Question 3
Devant une pancréatite nécrosante, quelle est la bonne proposition ?
❏❏ A. Antibioprophylaxie systématique couvrant les bacilles gram négatif et les anaérobies
❏❏ B. Nutrition parentérale totale
❏❏ C. Nutrition entérale totale très précoce
❏❏ D. Nutrition entérale au bout d’une semaine
❏❏ E. Sonde gastrique en aspiration systématique pendant au moins 4 jours

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Notes

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