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12-16 mai 2015 Retrouvez l’actualité du VIIème Forum Foncier Mondial sur www.flammedafrique.

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Les autres voix de l’Afrique

FORUM FONCIER MONDIAL - ACCES A LA TERRE

Les défis et les obstacles Le combat


d’une femme
pour la terre
Une vocation
à hauts risques
en Amérique
Latine
Les gages
d’une économie
africaine
inclusive
Des ministres
en quête de
coexistence
pacifique
Des Etats
cupides, des
populations spoliées
VOS RÉACTIONS NOUS INTÉRESSENT

FAITES ENTENDRE VOTRE VOIX ET VOS IDÉES !


Parce que les voix de chacun comptent, nous vous invitons à prendre part aux échanges d’idées en rejoignant les groupes
de discussions sur le site de Flamme d’Afrique. Postez vos commentaires et réagissez de vive voix aux débats !!!

« FLAMME D'AFRIQUE » : une réalisation de l'Institut Panos Afrique de l'Ouest www.flammedafrique.org


C M J N
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Les autres voix de l’Afrique

DROITS FONCIERS DES FEMMES

Les coutumes, principal obstacle à leur accès à la terre


Birame FAYE

Les droits fonciers des femmes en


Afrique ont fait lʼobjet dʼune plénière
au Forum foncier mondial. Il en res-
sort que la situation commune à tous
les pays africains reste le difficile
accès de la femme à la terre à cause
des réalités coutumières.

lles représentent 43% de la force ou-

E vrière dans lʼagriculture en Afrique. Par-


lant toujours des femmes, elles
constituent 80% des acteurs de la chaîne de
production alimentaire. Dès lors, la place qui
leur revient dans lʼagriculture est aussi para-
doxale que ridicule. Il sʼagit même dʼune in-
justice dʼautant plus criarde que lʼégalité des
droits dans lʼaccès au foncier sʼaffiche dans
les instruments juridiques nationaux, confor-
tés par les conventions internationales. Ainsi,
entre les textes et les réalités sur le terrain,
le fossé est énorme.
En Afrique, moins de 2% des terres revien-
nent aux femmes. Ce que le droit moderne
leur donne dʼune main, le droit coutumier le
leur arrache de lʼautre. Car dans nombreux
pays africains, cʼest la capacité même de la
femme à fructifier la terre qui lui est niée. Un
argument qui cache surtout une volonté dʼac-
caparement dʼune ressource qui renforce le
pouvoir des hommes.
Lʼignorance des lois par les populations
«perpétue le déni du droit dʼaccès, du
contrôle et de la propriété sur la terre pour la Une coopérative agricole de femmes en République démocratique du Congo : dans toute lʼAfrique, les femmes sʼoccupent de la plus grande partie
femme», selon la chargée de programmes des cultures mais disposent rarement de titres de propriété à leur nom. Photo : Panos / Giacomo Pirozzi
au niveau du Réseau Femmes, droits et dé-
veloppement en Afrique, Kafui Kuwonu. souligne Soyata Maiga, rapporteur spécial raux». Pour changer cette donne, lʼUnion pour surmonter certaines croyances cultu-
Les conséquences de cette absence de sur les droits de la femme en Afrique pour la africaine (Ua) a déclaré 2015, année de ren- relles qui font de la terre un bien strictement
reconnaissance du droit dʼaccès de la Commission africaine des droits de lʼHomme forcement de la capacité des femmes pour destiné à lʼhomme.
femme à la terre sont nombreuses. «Seul 1% et des peuples (Cadhp). Elle croit aussi que leur permettre de jouir de leurs droits dʼaccès Lʼacceptation, par les sociétés, du droit de
des crédits destinés à lʼagriculture leur sont les mariages précoces dans le monde rural à la terre. la femme dʼaccéder à la terre, peut faciliter
accordés et cette faiblesse des revenus les dénient à la femme «sa capacité à participer Mais le problème est plus sociologique lʼeffectivité de la loi qui nʼest pas discrimina-
empêche de moderniser leurs techniques au développement agricole puisquʼelles sont que politique. Un travail à la base avec les toire, pour une égalité des chances dʼaccès
agricoles et dʼavoir plus de rendements», souvent dépourvues de droits successo- chefs coutumiers est aussi à promouvoir à la terre. n

ACCES DES FEMMES ET DES JEUNES A LA TERRE


Les gages d’une économie africaine inclusive
Les chiffres de croissance ont beau augmenter, la lutte contre la pauvreté
en Afrique ne pourra aboutir au mieux-être pour tous tant que lʼaccès à la
terre ne sera pas une réalité dont pourront jouir les jeunes et aux femmes.
e développement de lʼAfrique aurait pu lʼémigration irrégulière.

L dépendre grandement de ses impor-


tantes potentialités de terre cultivables.
Mais autant ce facteur de production est dé-
DISCRIMINATION POSITIVE
Le Sénégal cherche une voie plus progres-
terminant, autant sa mise en valeur souffre du sive dans ce sens, en sʼappuyant notamment
fait quʼune bonne frange de la population y a sur la loi sur la parité dans les fonctions élec-
un faible accès. Notamment les jeunes et les tives qui donne plus de parole et de visibilité
femmes. Les obstacles ne sont pas juridiques. aux femmes dans lʼespace publique et dans
Sur ce plan rien ne sʼy oppose. Les barrières les secteurs de décision. Président de la
sont plutôt culturelles et sociales qui fondent Commission nationale de réforme foncière,
la logique dʼexclusion. Moustapha Sourang, souligne que cette loi
Lʼimportance de cette question en a fait un sur la parité devra être traduite dans le nou-
point central de la table ronde interministé- veau dispositif juridique relatif au foncier.
rielle tenue le mardi 12 mai, lors de la Journée Dans les faits, cela pourrait aider à la création
de lʼAfrique qui a été le point de départ du de domaines agricoles communautaires ré-
Forum foncier mondial. servés aux femmes paysannes et dotés dʼun
Ministre dʼEtat malgache en charge des «statut inaliénable».
Projets présidentiels, de lʼAménagement du Des évolutions se font aussi sentir au Ca-
territoire et de lʼEquipement, Rivo Rakotovao, meroun où, selon le ministre des Domaines,
se montre formel : «La logique économique, du Cadastre et des Affaires foncières, Jacque-
la recherche dʼune croissance inclusive vou- line Koung, le Conseil national des chefs tra-
drait que les femmes et les jeunes accèdent ditionnels a fait des recommandations en
à la terre. Mais ce nʼest pas gagné.» Et cʼen faveur des femmes. Un projet de loi, ajoute-t-
est une grosse perte pour le continent, car la elle, sera bientôt soumis à lʼAssemblée natio-
production agricole africaine repose essentiel- nale. Cette question foncière tient cependant
lement sur les femmes et les jeunes qui ex- de lʼurgence, sur un continent dont la crois-
ploitent les domaines familiaux. sance démographique importante fait que
Une discrimination positive en faveur de plus de 60% de la population sont constitués
ces couches aurait pu induire des situations de jeunes. Une telle pression exige des auto-
plus favorables. Mais orientations politiques rités une gestion rationnelle des réserves fon-
ne tendent pas vers de telles approches. cières pour que les générations futures
Une des conséquences est que sans pers- puissent en bénéficier.
pective dʼinsertion socioprofessionnelle ras-
L'accès à la terre, un frein à l'émancipation des femmes rurales. Photo : PNUD Togo surante, nombre de jeunes sont attirés par Suite à la page 3
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Les autres voix de l’Afrique

Commentaire EXPLOITATIONS FAMILIALES

Que la société civile Les oubliées des politiques foncières


se détermine Les politiques publiques ne favorisent pas toujours lʼagriculture
Aminatou AHNE familiale, le cadre légal non plus. Dès lors, un peu partout en Afrique
e Sénégal a souvent été cité en exemple

L parmi les pays réputés champions en ma-


tière dʼélaboration de bons textes. Mais, à ʼexemple du Mali dans le domaine
la situation des petits producteurs ne cesse de dégrader.

bien des égards, dans les faits, lʼapplicabilité


des dispositions pose problème. Pris sous lʼan-
gle de la réforme foncière, il est difficile de dé-
mentir une telle réalité. Dès les premières
L des exploitations familiales est édi-
fiant en matière de reniement poli-
tique. En 2005, les organisations
Marthe Nzabakurana,
membre dʼune associa-
tion de cultivatrices au
Rwanda : le gouverne-
paysannes de ce pays saluaient la poli- ment a adopté une loi qui
années dʼindépendance, en 1964, le Sénégal tique dʼun gouvernement décidé à les accorde aux femmes les
a eu à mettre en place la première réforme fon- écouter et à tenir compte de leurs avis mêmes droits quʼaux
cière en Afrique noire francophone, à travers la pour la définition dʼune politique agricole. hommes en matière dʼhé-
Loi sur le domaine national. Cinquante ans Selon la Coordination nationale des orga- ritage de terres et dʼau-
après, voilà ce pays encore penché sur le dos- tres biens, contrairement
nisations paysannes (Cnop) dont un des
sier du foncier, avec la mise en place une Com- aux traditions qui privilé-
membres a participé à une plénière du giaient les hommes.
mission nationale de réforme foncière (Cnrf). Forum sur lʼavenir des systèmes agri- Ph.: Panos / Crispin Hughes
La vision que le gouvernement en a, le mi- coles de petite échelle. Il a suffit de
nistre de lʼAgriculture lʼa déclinée au premier quelques années pour que le même gou-
jour du Forum. Le discours avait la conviction vernement change de braquet et revoit sa
du politique. Mais faudrait-il fermer les yeux et politique en procédant à une cession
applaudir des paroles auxquels serviront massive de terres à des investisseurs
dʼécho ceux du président de la Commission de étrangers. Un déplacement de milliers de
la réforme foncière ? Les faits du passé ne doi- villageois sʼen suivit Le cadre légal qui encadre la cession peut être développée à grande échelle,
vent-ils pas pousser à plus de prudence ? Le cas du Mali nʼest pas isolé. Un peu de terre existe dans les dispositifs juri- avec la mise en œuvre de plans de déve-
La boulimie foncière au niveau des terres de partout en Afrique la situation des petits diques, mais leur application fait défaut. loppement agricole porté sur les exploita-
lʼaéroport Léopold Senghor et les plaies cau- producteurs ne cesse de dégrader. Dé- Les clauses des contrats restent secrètes tions familiales.
sées par lʼaccaparement des terres de Fanaye possédés de leurs terres pour des raisons et pourtant les entreprises étrangères ne On ne parle pas assez du potentiel des
ainsi que de Mbane, sans que lʼEtat puisse y de sécurité alimentaire, les investisseurs sont pas les seuls investisseurs privés. exploitations familiales. Les soutenir est
apporter des remèdes idoines, continuent dʼen- étrangers qui en héritent pour constituer Les agriculteurs dans les exploitations fa- «un choix économique qui a un impact
tretenir des conflits avec les populations. Sans de grands espaces nʼont dʼintérêt que miliales sont également des investisseurs surtout sur la lutte contre le chômage»,
oublier la non application de certains volets de pour lʼagro business. Les populations des privés, mais il manque des politiques pro- soutient le vice-président du Fonds inter-
la Loi sur le domaine national comme la notion zones où sont implantés les projets ne tectrices alors que le paysan a lui aussi national pour le développement agricole
de résidence et de mise en valeur, par lʼautorité cessent de se mobiliser pour contester, besoin de sécurité. Cʼest un droit légitime, (Fida), Michel Mordasini.
administrative. révoltées par la situation de pauvreté puisque 70% des produits agricoles pro- Dʼautres défis sont aussi à relever en
Au regard de cette situation, la société civile dans laquelle elles sʼenfoncent parce que viennent des exploitations agricoles de Afrique, comme la lutte contre la pau-
ne devrait-elle pas avoir une analyse critique et privées de leurs terres. petite échelle. vreté, la préservation des ressources et
sans complaisance du discours servi par les A Ndiael, dans le nord du pays, 20 000 Les politiques publiques ne favorisent lʼoccupation dʼune nombreuse main
autorités, jouant ainsi son rôle de veille et hectares ont été octroyés à Senhuile-Se- pas toujours lʼagriculture familiale, le dʼœuvre. Lʼagriculture familiale peut jouer
dʼalerte ? Cʼest bien de se féliciter de la vision néthanol. Lʼopposition des populations à cadre légal non plus. Il faut donc des po- un rôle important à condition quʼon en
de lʼEtat en matière foncière incarnée par le mi- lʼaccaparement de leurs terres et leurs litiques pour accompagner les agricul- tienne compte quand on élabore les poli-
nistre de lʼAgriculture, mais cʼest encore mieux marches de protestations nʼont pas em- teurs nationaux dans leurs initiatives afin tiques foncières. Mais les exploitants agri-
de se poser en sentinelle et ne pas se limiter à pêché le déroulement du projet. Les in- que leurs investissements soient «plus coles devraient aussi avoir des
des propos du genre : «Cʼest un bons discours vestisseurs sont devenus des ennemis importants, efficaces et durables avec productions diversifiées allant du maraî-
et on attend les actes.» Faudrait-il attendre à des populations, là où les vrais accapa- moins de risques», suggère Auxtin Ortiz chage à lʼaquaculture, en passant par
ce que des décisions soient prises pour ruer reurs de terres sont les Etats qui cèdent du Forum rural mondial. Lʼagriculture fa- lʼaviculture pour multiplier leurs opportu-
dans les brancards ? des milliers et des milliers dʼhectares. miliale à petite échelle a un potentiel et nités. n
Cʼest en ce moment où le processus sur la
réforme foncière est dite inclusive, comme on
lʼannonce urbi et orbi, que les axes doivent être AGROBUSINESS ET EXPLOITATIONS FAMILIALES EN AFRIQUE
bien définis et les repères posés, au lieu de se
limiter à de simples recommandations en atten-
dant la décision finale qui pourrait être fatale.
Pour jouer ce rôle, il faudrait aussi que la so-
Des ministres en quête de coexistence pacifique
ciété civile reste dans son domaine de défini- Les réformes en cours dans plusieurs pays africains ne peuvent manquer de préoccuper des communautés
tion. Sinon comment comprendre que certains locales. Avec lʼencouragement de bailleurs de fonds, nombre de gouvernements laissent apparaitre une volonté
experts fonciers, membres de cette même so- de promouvoir lʼagrobusiness dont le développement est plutôt asphyxiant pour les exploitations familiales.
ciété civile, puissent accepter dʼêtre les consul-
ntre ministres sénégalais, malawite, connait Rakatavao, ne sont pas indiffé- ventions de partenariat gagnant-gagnant»
tants de cette la Commission de réforme pour
ensuite changer de costume pour défendre les
intérêts des communautés qui peuvent être à
lʼopposé ?
E camerounais et malgache en charge
des questions foncières, lʼobjectif des
réformes ne prête pas à équivoque. Ces
rents aux «10% de terres cultivables» de
territoire malgache.
avec les investisseurs. Cette démarche
vise à amener lʼindustriel à sʼengager
dans des réalisations sociales et environ-
Cette double identité peut gêner et nuire au pays ont entrepris des processus de révi- QUETE D’UNE APPROCHE ADEQUATE nementales en échange de la parcelle que
regard critique que devraient avoir ces mem- sion du droit foncier pour deux raisons : sé- Si ces ministres sʼaccordent à dire lʼautorité locale va lui affecter «sous forme
bres de la société civile dans le processus en curiser mais surtout faire place à quʼune bonne gouvernance foncière est de bail», un titre sécurisant.
cours. De toute façon il nʼest pas encore trop lʼagrobusiness. La table ronde qui a mar- un facteur de développement, ils recon- Toutefois, ce mode de gouvernance,
tard pour bien faire et ce forum offre une véri- qué la première journée du Forum foncier naissent par ailleurs que lʼapproche qui une fois validé, peut encourager la ruée
table opportunité aussi bien pour lʼEtat que la mondial dédiée à lʼAfrique, a été lʼoccasion prendrait en charge, dans une même dy- des promoteurs agricoles étrangers en
société civile pour poser les vrais débats sur la pour les gouvernements invités de parta- namique, les préoccupations des popula- Afrique. Or à lʼéchelle mondiale, les chif-
réforme foncière au Sénégal. Honni soit qui mal ger leurs expériences de gouvernance des tions et de lʼagriculture commerciale nʼest fres peuvent inquiéter. Selon un document
y pense. n terres. pas encore bien définie. rendu public par Action Aid International,
Secrétaire dʼEtat à lʼAgriculture, Mous- Dans les faits, les grands investisseurs qui cite lʼorganisme Land Matrix, les États-
tapha Lô Diatta a rejoint ses homologues agricoles ne se préoccupent guère du défi Unis sont à lʼorigine de la plupart des in-
africains dans la quête en cours dʼune de la souveraineté, ou tout au moins de la vestissements conclus, avec 7,09 millions
Suite de la page 2 «cohabitation et dʼune complémentarité» sécurité alimentaire, qui restent des défis dʼhectares. Ils sont suivis par la Malaisie
entre les exploitations familiales et lʼagri- que les pays africains déclarent vouloir re- (3,35 millions ha), les Émirats Arabes Unis
Au rythme où lʼagrobusiness accapare les
culture industrielle. Tout comme la Banque lever depuis les indépendances. Ils préfè- (2,82 millions ha), le Royaume Uni (2,96
terres, les perspectives qui se dessinent destinent
mondiale appuie le Programme de déve- rent investir dans des productions à forte millions ha), lʼInde (1,99 millions ha), Sin-
les populations rurales, notamment les jeunes, à
loppement inclusif et durable dʼagrobusi- valeur ajoutée sur les marchés des pays gapour (1,88 millions ha), les Pays-Bas
un avenir dʼouvriers agricoles. Le fait commence
ness au Sénégal (Pdidas), elle soutient la occidentaux, mais éloignés des habitudes (1,68 millions ha), lʼArabie saoudite (1,57
même à sʼancrer dans les réalités. Au Sénégal, un
réforme en cours au Malawi. Lʼinstitution alimentaires locales, et les exporter. millions ha), le Brésil (1,37 millions ha), et
rapport récemment publié par le Conseil des Ong
financière nʼest pas non plus insensible à Ministre camerounais des Domaines, la Chine (1,34 millions ha)».
dʼappui au développement renseigne que «80%
ce qui se passe au Madagascar, où le mi- du Cadastre et des Affaires foncières, Jac- Une autre étude menée par la Deutsche
des femmes nʼont pas un accès direct au foncier
nistre en charge de lʼAménagement du queline Koung à Bessike propose la défi- Bank Research met en lumière lʼexistence
et 24% lʼutilisent à travers les petites exploitations
territoire, Rivo Rakatovao, annonce le nition dʼun espace vital pour les villages, de trois grands groupes dʼacteurs écono-
familiales». Selon cette étude, 18% des femmes
dépôt dʼun projet de loi à lʼAssemblée na- où les paysans pourront habiter et exercer miques impliqués dans le secteur des
sʼadonnent à la location de terres. De même, 77%
tionale dans les prochains jours. Ce pays leurs activités de production. terres agricoles. Il sʼagit des gouverne-
des jeunes nʼont pas un accès direct au foncier et
souffre toutefois dʼune centralisation de la Président de la Commission nationale ments cherchant à acquérir de la terre à
54% dʼentre eux exploitent la terre à travers les
gouvernance foncière au moment où il est de réforme foncière, Moustapha Sourang, lʼétranger, dʼentreprises agricoles et des
champs familiaux. Des disparités à corriger si
la risée des promoteurs de lʼagriculture in- lui veut agir en amont en permettant aux investisseurs financiers. n
lʼEtat veut développer une économie inclusive. n dustrielle. Les investisseurs étrangers, re- B. FAYE
B. FAYE collectivités locales de signer des «con-
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Les autres voix de l’Afrique

DEVELOPPEMENT ET POLITIQUE FONCIERE EN AFRIQUE REFORME FONCIERE AU SENEGAL


Enjeu décisif pour l’implication des acteurs De beaux discours
locaux dans la gestion des terres en attendant les actes
Jacques Ngor SARR
Aminatou AHNE Il est difficile de saisir ce sur quoi se fondent les approches par rapport
à la gestion du foncier en Afrique. Nombre de pays ont entrepris des ré- e Sénégal est-il en phase de réussir la réforme fon-
formes, mais la place qui revient aux autorités locales et populations au-
tochtones ne répond pas toujours aux attentes de ces dernières. Alors quʼelles sont au cœur de la question. L cière amorcée depuis lʼaccession à la magistrature
suprême du président Macky Sall ? A écouter les dis-
cours du président de la Commission de réforme fon-
cière, le professeur Moustapha Sourang et du ministre de
lʼAgriculture Pape Abdoulaye Seck, lors du Forum foncier
mondial tenu à Dakar, on peut, à prime abord, dire que la
voix est bien tracée. Reste le «mais»…
Dʼabord cʼest Pr Moustapha Sourang qui donne le ton
pour dégager tout soupçon, en parlant de « démarche in-
clusive » dans le processus de la réforme foncière. En-
suite cʼest autour du ministre de lʼAgriculture qui le
conforte dans ses propos et donne lʼassurance quʼ«ici au
Sénégal nous ne sommes pas pour un marché foncier
rural assimilable à un accaparement des terres». Et
dʼajouter que «les questions des gouvernances foncières
doivent tenir compte des jeunes, des femmes des handi-
capés mais aussi des éleveurs qui ont besoin dʼespace».
Devrait-on se limiter à ces belles déclarations pour en
déduire que le combat est déjà gagné, si lʼon sait que la
quasi-totalité des réformes politiques foncières annon-
cées par les différents gouvernements ont toujours
étaient remises aux calendres grecques ? En tout cas
Une chose est sûre. Les faits qui se sont succédés de-
puis des années en terme dʼaccaparement des terres et
de boulimie foncière voudraient quʼon soit circonspect par
rapport à de telles déclarations. Surtout au regard des
tragédies causées, dans certaines zones, par le non ap-
plication de certaines dispositions de la Loi sur le do-
maine national de 1964 concernant les notions de
Une réunion de lʼObservatoire du Foncier tenue à Addis Abeba du 11 au 14 Novembre 2014 avec comme thème : résidence et de mise en valeur. Lʼexemple des terres de
«Les politiques foncières en Afrique au cours de la prochaine décennie : assurer le développement agricole et la Fanay et de Ourour pour ne citer que, celles-là, prouve à
croissance inclusive». suffisance.
A cause du non-respect de ces dispositions, les popu-
ouant un rôle primordial dans les mai, dans le cadre du Forum, a été populations. lations se sont soulevées contre lʼagression de lʼagrobu-

J politiques publiques en Afrique, le


foncier fait lʼobjet dʼune convoitise
sans commune mesure. Les agricul-
pour lui lʼoccasion dʼun plaidoyer en
vue dʼune implication des acteurs tradi-
tionnels dans la gestion foncière, sur-
Des efforts doivent continuer dʼêtre
consentis pour que des telles politiques
soient effectives et continues. La mise
siness rendue possible par lʼaffectation de 20  000
hectares des terres de Fanay à la multinationale Senhe-
tanol et contre lʼaffectation de 750 hectares des terres de
Ourour donnés à la société African National Oil Corpora-
teurs vivant dans le monde rural voient tout en milieu rural. en place dʼune Commission nationale
en la terre le moyen de survie suscep- Un plaidoyer qui apparait légitime si de réforme foncière, rattachée directe- tion (Anoc) pour la culture du jatropha. Des conflits aux
tible dʼêtre transmis dʼune génération à lʼon sait que dans certaines zones où ment à la présidence de la République, conséquences douloureuses, avec morts dʼhommes, ont
une autre. Dès lors, se pose la ques- se déroulent des exploitations minières, dénote dʼune implication au plus niveau laissé des traces indélébiles dans la mémoire des com-
tion de sa sécurisation par tous les ac- par exemple, les populations ainsi que sur la question. Toutefois, lʼEtat doit être munautés.
teurs qui dʼhabitude se le disputent. les autorités locales sont presque tou- plus vigilant pour la garantie réelle dʼun Cʼest fort de ces expériences quʼune partie de la so-
Les réformes en cours en Afrique se jours mises devant le fait accompli. équilibre social autour du foncier. La ciété civile, sʼest voulue prudente - même si certains de
présentent comme une réponse à ap- Elles ne reçoivent presque jamais dʼin- terre est toujours source de conflit, sur- ses membres qui participent au Forum ont applaudi – de-
porter aux nombreux différends qui op- formations avant lʼimplantation dʼune tout quand les limites ne sont pas bien vant les propos du ministre de lʼAgriculture pour décliner
posent investisseurs étrangers et société dans leur zone. Cʼest pour met- définies entre lʼagraire et le pastora- la «vision» du gouvernement sur le processus de la ré-
producteurs locaux, ou encore Etat et tre fin à de telles pratiques quʼau Ca- lisme. forme foncière amorcé. Cʼest le cas de Thierno Cissé, as-
autorités locales. la promotion dʼun en- meroun, note une des panelistes, Au Niger, apprend-on du secrétaire sistant du coordonnateur du Conseil national de
semble de mesures est lancée afin de lʼimplication des populations est jugée permanent du Code rural, la situation concertation des ruraux (Cncr), qui, bien que appréciant
sécuriser les terres avec le respect de primordiale avant la réalisation dʼun est des plus confuse. Non seulement le discours du ministre tel que formulé, souhaiterait que
tous les droits. Chef traditionnel au quelconque projet. Il sʼagit ainsi de pré- les zones ne sont pas délimitées, mais «la mise en œuvre puisse être discutée pour voir la meil-
Ghana, Awulae Amihere Kpanyili III venir des hostilités qui finissent par de- les chevauchements dʼinstitutions et de leure formule permettant dʼintégrer les deux types dʼagri-
sʼinscrit dans cette dynamique. Le venir dramatiques sur le long terme. textes conduisent à un mélange entre culture. Et éviter que lʼagrobusiness soit un prétexte pour
panel sur «les politiques foncières et Mieux, les investissements arrivent à le niveau local et le niveau central, sou- lʼaccaparement définitivement des terres au Sénégal».
les collectivités locales», tenu mardi 13 se réaliser sur en partenariat avec les ligne Alhou Abey Bazou. n Une préoccupation partagée par Amadou Kanouté, di-
recteur exécutif de lʼInstitut panafricain pour la citoyen-
neté, les consommateurs et le développement (Cicodev),
coordonnateur du comité dʼorganisation du Forum, qui
ACCAPAREMENT DE TERRES EN EUROPE déclare en plus que «cʼest très beau dʼentendre que nous
nʼaccepterons pas un marché foncier rural, mais il faut

Quand le Mur de Berlin s’effondra… quʼon sʼassure que ce qui est dit colle à la réalité».
Eu égard à toutes ces considérations, il reste évident
que la réforme foncière au Sénégal est devenue plus
Dès quʼon parle dʼaccaparement de terres, tous les esprits se tour- cultiver ces espaces, ils nʼont pu faire quʼune nécessité. Mais une chose est sûre : quelle que
nent vers les pays du Sud, en particulier vers le continent africain. autrement que de donner leur droit soit la politique foncière et la loi foncière qui doit sortir du
Pourtant, le phénomène nʼépargne pas lʼEurope, notamment les dʼusage aux plus offrants. processus de réforme en cours, il est important de garder
Cʼest ainsi que de gros financiers et le contrôle de la terre. n
pays de lʼEst.
des acteurs de lʼagri-business ont com-
écouvrir que lʼEurope nʼest pas organisations de producteurs et des

D
mencé à passer des contrats de bail
en réalité «un exemple phare» de acteurs institutionnels. Ce qui a motivé avec des centaines de milliers de dé-
bonne gouvernance foncière, sa réaction, cʼest le fait quʼil ait été tenteurs de titres dépourvus de tout
peut surprendre plus dʼun. Mais non constaté une accélération des proces- moyen pour mettre en valeur leurs
seulement le «vieux continent» connaît sus relativement anciens qui se démul- terres.
une forte concentration foncière, lʼac- tiplient aujourdʼhui, avec les Dans la lutte contre cette forme dʼac-
caparement des terres y progresse, concentrations des droits sur les res- caparement de terres, Agter essaie de
surtout dans sa partie orientale, si lʼon sources naturelles et sur les terres. déconstruire le mythe de la plus
se fie à Mathieu Perdrio, chargé du dé- En Europe de lʼest, la chute du bloc grande efficacité de lʼagriculture sala-
veloppement et des projets de lʼasso- soviétique a entrainé un transfert des riale à grande échelle.
ciation Amélioration de la gouvernance droits des ouvriers et des unités collec- Au prochain forum qui portera sur
des terres, de lʼeau et des ressources tives de travail. Des acteurs privés sont lʼaccès à la terre, Mathieu Perdrio con-
naturelles (Agter). alors arrivés et ont pu mettre la main fie que lʼAgter mettra sur la table cette
Basée à Paris, Agter cherche à sur des ensembles fonciers de plu- question pour voir comment allier agri-
contribuer à lʼélaboration de proposi- sieurs dizaines de milliers dʼhectares. business et exploitation familiale. n
tions de réponses avec des Ong, des Les ouvriers nʼétant pas en mesure de A. AHNE

C M J N
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Les autres voix de l’Afrique

INVESTISSEMENTS ETRANGERS EN AFRIQUE


Des Etats cupides, des populations spoliées
Lʼappel aux investisseurs étrangers devient une porte ouverte à tout. Dans certains cas, la pertinence
des investissements est non seulement douteuse, mais visiblement préjudiciables aux populations et
aux autorités locales.
Amadou C. Kanouté, directeur de Cico- soire que les révoltes finissent par sʼen
Aminatou AHNE dev, sʼest appuyé sur lʼexemple diffé- suivre. Ce fut le cas à Diogo, dans la
rents codes miniers lancés dans la région de Thiès, avec lʼexploitation du
es politiques des ajustements

L
course à lʼattractivité, dʼun pays à un zircon. Ou encore à Ourour, dans la ré-
structurels imposés aux pays afri- autre. Et les multinationales bénéfi- gion de Kaolack, où la société Africa
cains et la libéralisation des mar- ciaires de ces cadres propices à leurs National Oil Corporation a payé 20 000
chés au début des années 1980 ont investissements, bafouent les droits F par hectare aux paysans, pour entrer
bouleversé les économies sur le conti- des populations autochtones. Un en possession de 720 hectares en vue
nent pendant des décennies. Devant exemple parlant est celui du village de de produire de lʼhuile de jatropha.
les situations de crise qui se sont ins- Khoudia Diène, à quelque 70 kilomè- Cʼest fort de ces constats que les
tallées, la course recherche effrénée tres de Dakar. Une étude montre que gouvernants africains sont exhortés à
dʼinvestisseurs a poussé les gouverne- des exploitations minières présentes mettre en place des mécanismes pour
ments à tailler leurs lois à la juste me- dans cette zone ont été installées sans sécuriser les terres, mais aussi à impo-
sure des appétits privés étrangers. La étude dʼimpact environnemental. Cʼest ser la transparence aux investisseurs
terre nʼy a pas échappé. Non seule- seulement deux ans après leur implan- étrangers.
ment chaque pays facilite les investis- tation que les entreprises se sont sou- Détenant 50% des terres arables du
sements aux plus offrants, mais fait de mises à cette exigence qui devait être monde, lʼAfrique devrait privilégier les
son mieux pour être plus attractif que un préalable. propriétaires de ces terres afin quʼils
son voisin. Dans dʼautres localités où prospèrent puissent devenir investisseurs, soutien-
Pour analyser ce phénomène et ses des industries extractives, cʼest le mon- nent les acteurs de la société civile.
impacts sur les ressources du conti- tant des indemnités de compensations Cʼest le préalable pour sʼassurer une
nent, au cours du panel portant sur « la versées aux populations pour leurs souveraineté alimentaire à courte
terre et lʼinvestissement en Afrique», terres perdues qui est tellement déri- échéance. n
EMMANUEL LAKA
LIBASSE HANNE - Chargé des Programmes Bonne gouvernance à l’Institut Panos Afrique de l’Ouest Coordonnateur national du foncier au Malawi
«Sans le travail des médias la réforme foncière ne pourrait aboutir au Sénégal» «On a pu avoir un climat apaisé
Propos recueillis par Yacine CISSE cʼest la mise en place de clubs radio
grâce à une démarche inclusive»
citoyens avec lʼappui des organisa- Propos recueillis par A. AHNE
LʼInstitut Panos Afrique de une méthodologie de recherche en tions communautaires de base qui ont
lʼOuest anime depuis quelques action sociale quʼon a adaptée à la des problèmes fonciers. e Malawi est cité en exemple dans la façon dont
années un projet de bonne gou-
vernance foncière. En sʼap-
puyant sur les médias, il sʼagit
radio pour produire des magazines et
documentaires qui permettent dʼinfor-
mer, dans les langues locales, les po-
Dans une approche de résolution
des problèmes, on a initié une métho-
dologie qui permet, dans un cycle qui
comporte beaucoup dʼémissions, de
L lʼEtat mène la politique foncière, pouvez-vous
nous dire les actes posés par votre pays ?
Emmanuel Laka : Le gouvernement du Malawi a com-
dʼinformer et de faire lʼintermé- pulations, sur les grands enjeux mencé la réforme foncière avant que lʼUnion africaine ne
fonciers et les problèmes vécus par partir de lʼidentification dʼun problème, mette en place une politique visant la réforme foncière
diation entre décideurs et po-
les populations. Cʼétait aussi pour de faire réagir les membres du club et dans les pays africains. Ainsi la collecte et la recherche
pulations autour des questions de créer un processus qui mène à un
combler le vide informationnel dans impliquant tous les acteurs du foncier avait été lancée.
foncières. Son chargé des pro- certaines localités. débat de clarification, afin de trouver Dès lors, une politique dʼinformation consistant à revoir
grammes revient sur le rôle Sur le plan de lʼinvestigation, nous une solution avec les décideurs pour la politique de la réforme foncière a été envisagée pour
central des médias dans la avons travaillé avec les médias enfin terminer par une émission de voir les terres dont certains avaient héritées de leurs an-
veille pour la bonne gestion des mainstream, qui, à partir de lʼinvesti- bouclage qui fait lʼhistorique du pro- cêtres. Lʼautre point était de voir comment lʼEtat utilisait
ressources publiques. gation journalistique, ont pu éclairer la blème. Nous avons appliqué cette les terres et comment le gouvernement les gérait et les
lanterne des citoyens sur les vérita- méthodologie dans beaucoup de loca- distribuait. Après cela, le président de la République
uel est lʼintérêt de collaborer

Q bles enjeux qui se cachent derrière lités au Sénégal. nomma une personne pour diriger cette réforme foncière.
avec les médias dans un pro- lʼaccaparement des terres et sur le fai- Quʼest-ce que des rencontres Celui qui a dirigé ces réformes présenta son rapport en
jet sur la gouvernance fon- ble accès des femmes et des jeunes comme le Forum foncier mondial 2000, approuvé en 2002.
cière ? à la terre. Ces investigations ont com- qui se déroule à Dakar peuvent- Comment les populations ont-elles accueilli cette
Libasse Hanne  : Dans le cadre mencé à régler des problèmes extra- elles apporter de plus à ce travail démarche ?
dʼun partenariat que nous avons avec ordinaires au Sénégal. dont lʼobjectif est la bonne gouver- Après lʼapprobation du rapport par le cabinet présiden-
lʼUnion européenne, lʼInstitut Panos Y a-t-il dʼautres formats que lʼIns- nance foncière ? tiel, le ministre de la Justice a été saisi pour faire de ces
avait initié un projet intitulé «Médias titut Panos utilise dans le cadre de Nous avons des expériences dʼor- résultats une loi parlementaire. La société civile voulait
femmes et jeunes : Coopérer pour un ce travail ? ganisation de débats publics sur des en sus un large consensus sur son propre rôle, celui des
débat critique et inclusif sur la gouver- Il y a également les débats en radio. questions dʼenjeux fonciers mais le chefs traditionnels ainsi que des propriétaires des terres.
nance du foncier au Sénégal». Il Cʼest pour permettre aux communau- Sénégal à beaucoup à gagner en re- La loi a été portée à lʼAssemblée pour la première fois en
sʼagissait de sʼappuyer sur les médias tés, affectées par des phénomènes cevant ce forum, parce quʼil y a des 2006, mais elle a été rejetée par les parlementaires qui
pour ouvrir un débat qui permettrait comme lʼaccaparement des terres pays très en avance qui ont dépassé avaient décelé des manquements et des failles. Elle est
aux femmes et aux jeunes de donner liées à la mal gouvernance foncière, le stade de discussions pour aboutir à revenue à lʼAssemblée en 2013, mais des amendements
de la voix afin dʼêtre pris en compte de sʼasseoir autour dʼune table avec une réforme foncière consensuelle. ont été faits. Du coup elle nʼa pas pu être votée. Elle re-
dans le processus de la réforme fon- des décideurs et dʼautres acteurs pour Le Sénégal pourrait beaucoup ap- viendra toutefois à lʼAssemblée au mois de novembre et
cière qui est en cours au Sénégal. faire prévaloir leurs préoccupations prendre de ces expériences. pourra certainement être votée par la majorité des parle-
Il faudrait que certaines couches dans le cadre dʼéchanges interactifs. Et quʼest-ce que le Sénégal peut mentaires.
marginalisées dans la gestion foncière La démarche de concertation initiée apporter aux autres pays partici- En fait, les parlementaires nʼont pas adopté la loi quand
puissent se faire entendre par le biais par ceux qui sont chargés de piloter pants puisquʼon parle dʼéchanges elle a été amenée à lʼAssemblée parce que des pro-
de lʼinformation et de la communica- ce projet est classique. On se déplace dʼexpériences ? blèmes majeurs restaient sans réponses. Les députés se
tion. Cʼest pour cela que nous avons dans les localités, on regroupe les lea- Notre pays a des expériences que demandaient si la faisabilité et la durabilité prévues suffi-
cherché à utiliser les capacités of- ders dans le cadre de fora qui ne peu- les pays qui ont participé à ce forum ront pour appliquer la loi. La domanialité est aussi un pro-
fertes par les médias pour les connec- vent mobiliser plus de cent personnes. pourraient capitaliser pour voir com- blème à résoudre ainsi que les enregistrements que
ter avec les acteurs de la réforme, afin Or une simple émission à la radio peut ment, en utilisant simplement les mé- doivent effectuer ceux qui ont des terres. Cela demeure
dʼamplifier leurs voix pour quʼelles permettre de toucher dans la localité dias, on pourrait identifier un problème une obligation si on hérite dʼune terre.
puissent être entendues des déci- 30 à 40 000 personnes. La puissance et le résoudre sans effusion de sang. Toutefois, il faut relever un souci non négligeable à sa-
deurs quand il sʼagira de définir des que les médias peuvent apporter dans Il serait important que les autres pays voir la perte que vont enregistrer les chefs traditionnels.
axes de la réforme. lʼinformation entre décideurs et admi- essaient de voir comment les journa- Quand la loi sera votée, ils nʼauront plus de terre et cʼest
Quels enseignements peut-on nistrés est énorme. listes sénégalais, même si cʼest un la raison pour laquelle il faut trouver une réponse à cette
tirer de ce travail avec les médias Je pense que le rôle dʼintermédia- nombre assez restreint, ont pu faire situation.
après des années de collabora- tion social des médias doit être pris au pour mener une démarche dʼinvesti- Quʼest-ce que les autres pays africains peuvent ap-
tion ? sérieux par ceux qui pilotent le pro- gation grâce à la technique de lʼen- prendre de votre pays en matière de gouvernance
Sans le travail des médias, la ré- cessus de réforme foncière au Séné- quête par hypothèse pour aboutir à foncière?
forme foncière ne pourrait aboutir au gal parce que sans les médias qui une nationalisation de problèmes lo- Le Malawi a réussi à mettre en place un climat apaisé
Sénégal. Nous avons cherché à poser jouent le rôle de transmetteurs de lʼin- caux. en adoptant une démarche inclusive dans la gestion fon-
dʼabord un débat au niveau local en formation, je ne suis pas sûr que le Ces rencontres sont des occasions cière. Il a impliqué la société civile dans la réforme fon-
formant les médias à utiliser des for- processus puisse trouver un aboutis- de confrontations dʼexpériences et je cière et a également réussi à éviter des conflits entre les
mats simples et innovants comme pense que toutes les parties ont à ga-
sement consensuel différents acteurs. n
lʼutilisation du témoignage oral. Cʼest Lʼautre format non moins important gner. n

C M J N
Page 6

Les autres voix de l’Afrique

Témoignage DROIT DES COMMUNAUTES AUTOCTHONES A LA TERRE


NDIOUCK MBAYE L’Uefa au secours des pygmées
Le combat d’une femme pour onsidérée comme autochtone, la communauté pygmée mais aussi de louer et dʼacheter des terres avec lʼappui de
la terre, au péril de sa vie
lle passe plus inaperçue
C est victime de lʼaffectation de ses terres ancestrales à des
firmes étrangères du bois, par gouvernement de la Ré-
publique démocratique du Congo. Selon le rapport
partenaires. «Nous avons acheté 4 ha et construit 10 maisons
pour les femmes pygmées grâce à Sonia, une fondation ita-
lienne», témoigne-t-elle. Vu que la sédentarité est devenue

E dans la région de Kao-


lack du fait de son com-
bat pour lʼaccès des femmes
Jackson&Lattimer publié en 2004, elle fait environ 250 000
personnes qui vivent essentiellement dans les régions de
lʼEquateur, des Nord et Sud Kivu. Créée en 1998, lʼUnion pour
inévitable à cause de déforestation galopante, lʼassociation
est parvenue à louer 18 ha grâce au ministère des Affaires
étrangères belges et lʼorganisation Cordaid, depuis six ans.
à la terre. Elle, cʼest Ndiouck lʼémancipation des femmes autochtones (Uefa) travaille pour Durant les trois dernières années, précise Espérance Sonya,
Ly Ndao Mbaye. Présidente la reconnaissance des droits socio-économiques de ce peuple ce loyer est assuré par lʼorganisme Diakonia.
de la Fédération nationale de forêt. De nos jours, lʼUefa plaide pour lʼadoption dʼune proposition
des associations féminines En partageant son expérience mercredi 13 mai, sa prési- de loi qui reconnait les droits fonciers des peuples autoch-
du Sénégal, elle préside dente Espérance Sonya a affirmé que les pygmées ont été dé- tones de la Rdc. Dʼoù lʼappel quʼelle a lancé à lʼendroit des or-
aussi la Fédération des femmes rurales du Sénégal, placés de leurs espaces forestières à «coups de matraque». ganisations qui militent pour le respect des droits humains.
tout comem elle fait office de conseillère municipale Ils ont été expropriés alors quʼils vivent de chasse et de cueil- Dans sa démarche, lʼUefa ne défend pas de droits indivi-
et de conseillère économique social et environne- lette. Ceci à cause de la loi du 20 juillet 1973 qui a conféré à duels, mais collectifs de la communauté en question car «les
mental. Autant de responsabilités qui découlent de lʼEtat congolais la gestion des ressources foncières du pays. violations sont subies collectivement». n
détermination à conscientiser les femmes sur leurs LʼUefa a pris lʼinitiative de rencontrer les chefs coutumiers, B. FAYE
droits, mais aussi un engagement qui lui a valu, de
la part de certains villageois dans la zone du Saloum,
dʼêtre lʼobjet de vindicte et même de menaces de
mort. Ceux qui ont failli la lyncher un jour «pensent
que la terre ne doit appartenir quʼaux hommes». Et
Mme Mbaye témoigner :
«Jʼai eu une expérience malheureuse dans le dé-
partement de Nioro, au village de Ndjigane Sérère.
Un jour une femme qui avait perdu son mari est
venue se confier à moi pour ce qui concerne lʼhéri-
tage foncier laissé par son époux. Elle mʼa expliqué
que la famille de son mari sʼétait réunie et que la dé-
cision finale était que ni elle, ni ses enfants ne pou-
vaient prétendre à un lopin de terre. Je lʼai
conscientisée sur ses droits dʼaccès à la terre et lui
ai proposé dʼaller avec elle en justice.
«Il sʼest trouvé que le mari avait fait son testament
avant de mourir, dans lequel il a écrit quʼil cédait ses
terres à ses frères et non à ses enfants puisque que
la femme nʼavait que des filles. Mis devant le fait ac-
compli, les parents de la femme ont protesté et se
sont battus avec ceux de son mari au tribunal. Au fi-
nish elle a perdu le procès.
«Nous sommes retournés dans son village pour
continuer le combat. Jʼai appelé la majeure partie des
femmes du village pour leur dire de refuser le diktat
des hommes, car elles aussi ont droit à la terre. Cʼest
lorsque certaines ont commencé à se rebeller que
les attaques verbales et physiques se sont abattues
sur moi. Certains mʼont menacé de mort, si jamais je
remettais les pieds dans ce village. Mais jʼai réussi à
changer la mentalité des femmes sur les questions
foncières. Jʼai quitté le village tout en leur disant que
je reviendrai et que tant quʼil me restera un souffle je
dirai aux femmes quʼelles ont le droit hériter de la
terre». n Jacques Ngor SARR Un campement de pygmées en République démocratique du Congo.

VIIÈME EDTION DU FORUM FONCIER MONDIAL

Quand la terre réunit le monde


Le monde sʼest donné rendez-vous à Dakar pour la VIIème édition du Forum Foncier Mon-
dial. Des personnes venues des quatre coins du monde se penchent sur les questions liées
au foncier et tentent de proposer des solutions. Ils en profitent également pour tisser des re-
lations et découvrir de nouvelles cultures.
Marlyatou DIALLO pas toujours les échanges. «I donʼt Haingo Randrianomenjanahary
speak french, sorry» est la réponse espère lui aussi découvrir et appren- Photo de famille du Forum.
n cette matinée de mai, lʼentrée la plus courante lorsque lʼon essaie dre. Ce Malgache est le président de

E principale du King Fahd Palace


où se tient le Forum foncier
mondial fourmille de monde. Des
dʼentrer en communication. La lan-
gue de Shakespeare semble lʼem-
porter sur toutes les autres. Mais la
Solidarité des intervenants sur le
foncier, une organisation qui vient en
soutien aux paysans. «Ici je côtoie
sont attribués aux investisseurs.
Une situation quʼil juge révol-
tante,  compte tenu de la misère
et leur offre une vie convenable. Il
estime que le rôle du Forum foncier
mondial ne devrait pas se limiter à
hommes et des femmes venus de convivialité et la bonne humeur arri- des personnes venues du monde dans laquelle croupit une bonne par- émettre des recommandations.
tous les continents sont réunis le vent à triompher de cette barrière lin- entier et les échanges sont fruc- tie de la population. «La terre est «Des textes existent. Le problème
temps dʼune pause café. guistique. Certains essayent tant tueuses. Jʼespère en apprendre lʼunique source de revenus de cer- cʼest comment pousser les Etats à
Autour des tables, des conversa- bien que mal de se faire compren- assez pour mieux faire face aux pro- taines populations. Quand on les appliquer pour mieux protéger
tions naissent et des liens se tissent dre. Cʼest dans un français dé- blèmes liés au foncier dans mon confisque la terre, on confisque la les populations vulnérables».
entre des personnes qui ne se brouillé mais correct que Tom pays», laisse-t-il entendre avec hu- vie », sʼindigne-t-il. Le Forum se poursuit jusquʼau 16
connaissaient pas encore quelques Goodfellow nous apprend quʼil est milité. Il déplore lʼinjustice dont sont Selon lui, cette injustice est res- mai. Au-delà des discussions nour-
jours auparavant. « Jʼai eu à échan- professeur de Géographie Interna- victimes les plus démunis dans lʼat- ponsable de la pauvreté qui ries sur des sujets liés au foncier,
ger avec des personnes venues des tionale à lʼUniversité Sheffiled en An- tribution des terres. «Madagascar contraint des milliers de jeunes Afri- cette rencontre internationale per-
quatre coins du monde. Cʼest une gleterre. Avec ses sept étudiants qui possède dʼimmenses réserves fon- cains à risquer leur vie pour se ren- met à certains participants de dé-
expérience fort enrichissante pour lʼaccompagnent, il compte assurer cières, mais elles profitent davan- dre en Europe. «Ces jeunes nʼont couvrir le Sénégal pour la première
moi», se réjouit Amalia, une gha- une couverture médiatique du tage aux riches investisseurs quʼaux aucun espoir dʼavoir des conditions fois. «Cʼest un pays qui a une
néenne. En effet, le pari de la diver- Forum foncier mondial (Ffm) dans humbles paysans», regrette-t-il. de vie décentes dans leur propre grande renommée et je suis heu-
sité semble avoir été remporté. les réseaux sociaux. «Pour eux cʼest Une indignation que partage Jean pays. Voilà pourquoi ils tiennent à reux dʼy séjourner», se réjouit Wirsiy
Plusieurs nationalités sont repré- une occasion de faire des décou- François Mombia. Ce Congolais de partir à tout prix. Malheureusement Emmanuel. Venu du Cameroun, le
sentées. A travers leur habillement, vertes. Et en même temps ils vont la Rdc fait de la lutte contre lʼacca- lʼissue est souvent dramatique». jeune homme semble conquis. Il es-
certains participants constituent une partager ces découvertes grâce à parement des terres un combat per- Une situation quʼil juge dʼautant plus père profiter des visites de terrain
vitrine pour leur culture. Cependant, Facebook et twitter», explique-t-il sonnel. Sa motivation vient dʼun inacceptable que lʼAfrique a toutes prévues pour la dernière journée
la diversité linguistique ne facilite avec un accent britannique. constat : au Congo, 2/3 des terres les potentialités pour retenir ses fils pour mieux connaître le Sénégal. n
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Les autres voix de l’Afrique

LUTTE CONTRE LES ACQUISITIONS À GRANDE ÉCHELLE

Une vocation à hauts risques en Amérique latine


Les leaders sociaux qui luttent pour la défense a répertorié 43 morts dans le monde. Les assassinats sont
des terres des paysans en Amérique latine vivent particulièrement répandus en  Colombie, au  Guatemala,
avec la psychose de lʼassassinat. Les investis- au Honduras, au Mexique et aux Philippines.
Selon Juan Pablo Chumacero, de lʼInstitut pour le déve-
seurs nʼhésitent à faire appel à des mercenaires
loppement rural de lʼAmérique latine, les activistes de cette
pour éteindre des voix qui compromettent leurs région sʼélèvent surtout contre «le manque dʼéquité» qui ca-
intérêts. Plus de 40 morts ont été enregistrés dans ractérise les affectations des ressources foncières. «Vous
le monde ces quatre dernières années. rencontrez un paysan qui a du mal à disposer de 4 ha ; là
aussi une compagnie étrangère parvient de décrocher
ans les pays dʼAmérique latine, les leaders sociaux qui

D
300 000 voire 600 000 ha au Brésil, en Argentine, en Colom-
sʼactivent contre lʼacquisition de terres à grande échelle bie, etc. Ces firmes exploitent lʼhuile de palme, le jatropha,
risquent leurs vies. Lorsque les intérêts des compa- la canne à sucre ou le soja. Elles sont très puissantes.
gnies sont sérieusement compromis, ces dernières ont re- Quand des personnes menacent leurs projets, elles cher-
cours à la violence pour les éliminer. LʼObservatoire pour la chent parfois à sʼen débarrasser avec lʼaide de mercenaires.
protection des défenseurs des Droits de lʼhomme, partenaire Ces cas de meurtres sont fréquents au Brésil et au Para-
de la Fédération internationale des ligues de droits de guay», confirme ce chercheur.
Une firme comme Nestlé et Coca Cola ne tolèrent plus
lʼhomme et de lʼOrganisation mondiale contre la torture a re- Ce Bolivien qui prend part au Forum foncier mondial à
les violations des droits sociaux des communautés là
censé «106 cas de harcèlement à lʼencontre de 282 défen- Dakar prend comme repères les «latifundia» pour lesquelles
où elles sont implantées.
seurs des droits à la terre et de 19 Ong. Quelque 112 la superficie autorisée est de 5 000 ha.
agressions ou menaces dʼagression physique ont été no- Au-delà, il peut parler dʼaccaparement de terres. Membre
tées. du Mouvement régional pour la terre, M Chumacero souligne
Le rapport de 2014 publié par cette organisation renseigne que les mouvements sociaux sont assez bien organisés
que «les menaces et atteintes physiques peu- dans cette partie du monde, malgré les assassinats dont cer-
vent aller jusquʼà la disparition forcée et le meurtre». Dʼaprès tains leaders sont victimes. Parmi les plus célèbres per-
cet observatoire, «les exécutions sont fréquentes, notam- sonnes assassinées, il y a lʼactiviste brésilien Nisio Gomes
ment en Amérique latine et en Asie». De 2011 à nos jours, il tué en novembre 2011. n Birame FAYE

CULTURE D’UN PRODUIT IMPROPRE A LA CONSOMMATION


Mali Biocarburant réussit à sauvegarder la sécurité alimentaire
Selon le coordonnateur régional de Mali Biocarburant Sa, son entreprise privée qui sʼactive dans le
business a réussi à faciliter la cohabitation de deux cultures que tout oppose.
epuis son introduction en Afrique, sambara a révélé que son entreprise a pas de développement séparé, lʼen-

D afin de résorber les problèmes


énergétiques, le jatropha curcas
nʼa pas tout le temps donné les résul-
qui fait du business, focalise certes ses
activités sur le biocarburant, mais a
réussi à garantir la sécurité alimentaire.
treprise privée malienne a su faire des
producteurs des actionnaires sur leurs
propres terres.
tats escomptés. A Ourour par exemple, Il déclare en sus que la culture du jatro- La transparence prônée dans leur
lʼimplantation de ladite culture en 2008 pha ne compromet pas la culture vi- démarche, a pu faciliter la communica-
a été néfaste pour les populations qui vrière ou encore la sécurité alimentaire. tion de la base au sommet. Selon M.
nʼavaient plus de terres où développer Ce pari semble avoir été gagné grâce Kassambara, Mali Biocarburant essaie RESPECT DES DROITS DES COMMUNAUTES
leurs cultures vivrières. Alors que, pen- à une démarche concertée avec les dʼallier «pertinence, adaptabilité et op-
dant près de 7 ans, la société African
National Oil Corporation (Anoc) qui y
producteurs des cultures à haut rende-
ments telles que le maïs ou encore le
portunité». Ce qui fait que les droits
fonciers et les droits coutumiers des lo-
Oxfam indexe la responsabilité
développait le jatropha nʼa pas produit
un litre dʼhuile. Cependant, cette mau-
sorgho. Donc, sur le même sol, lʼentre-
prise peut avoir du jatropha et des cul-
caux sont respectés. Les femmes peu-
vent faire du jatropha à travers les
sociétale des firmes
vaise expérience du jatropha vécue par tures vivrières. Lʼexpérience de Mali haies vives et ceux qui ont leurs pro- e nouvelles normes de gouvernance pour les in-
les habitants de Ourour au Sénégal est
bien loin de celle que vit actuellement
les Maliens, si lʼon en croit Bara Kas-
Biocarburant montre quelque part que
la réflexion sur un investissement via-
ble est plus que nécessaire pour mieux
priétés peuvent le faire en plein champ.
Le Coordonnateur de Mali Biocarbu-
rant souhaiterait en outre que chaque
«D vestissements du secteur privé dans le foncier»,
cʼest le thème de lʼatelier qui a mobilisé jeudi 14
mai lʼOng Oxfam. Selon Chloé Christian, la campagne de
sambara, coordonnateur régional de garantir la soutenabilité ou encore la citoyen de chaque pays ait un numéro plaidoyer mis en œuvre à lʼéchelle internationale a fait que
Mali Biocarburant Sa. durabilité des activités des entreprises dʼidentification nationale par rapport à des compagnies commencent à respecter des droits des po-
En prenant la parole mercredi au dans des zones où la sécurité alimen- la terre, pour contribuer à résoudre de pulations à la terre. En revanche, pour certaines industries
Forum foncier mondial, à un panel por- taire est menacée. façon significative de nombreux pro- alimentaires, Il revient aux fournisseurs agricoles de prendre
tant sur « durabilité, droits fonciers et Conscient que le développement est blèmes. n en compte les droits des communautés qui habitent leurs
gestion environnementale», M. Kas- tout dʼabord global et intégré et quʼil nʼy Aminatou AHNE zones de production. Ce combat nʼest pas encore gagné. «Il
faudra beaucoup de temps pour que les producteurs respec-
tent le droit des communautés», a reconnu cet agent dʼOx-
fam. Des firmes comme Nestlé et Coca Cola, se réjouit-elle,
«ne tolèrent plus» des violations des droits sociaux des com-
munautés là où elles sont implantées. Dʼoù lʼintérêt pour le
Représentant dʼOxfam Sénégal, Bastiaan Kluft, de maintenir
le poursuivre le plaidoyer au niveau mondial. n

ALAIN DIOUF de MCA sur l’acaparement des terres


«80% des affectations sont
le fait d’élus locaux»
n matière dʼaccaparement des terres dans le monde,

E on nʼindexe pas le plus souvent la responsabilité des


collectivités locales. Le Directeur du Millenium Chal-
lenge Account (Mca) en charge du foncier a déclaré, jeudi
14 mai, que «80%» des affectations de terres sont le fait
dʼélus locaux. «Donc,  quand on parle dʼaccaparement des
terres, il faut parler de responsabilité partagée. Les élus lo-
caux affectent des terres à leurs corps défendant peut-être,
parce quʼils ne sont ni assistés et ni encadrés», estime M.
Diouf. Ce dernier qui partageait lʼexpérience que Mca-Séné-
gal à Ngalinka (nord du pays) assure que plusieurs cas dʼaf-
fectations massives ont été également faits au profit de
nationaux dont la capacité de mise en valeur nʼest pas évi-
dente. Selon lui, il faut cinq millions de francs Cfa pour amé-
nager et irriguer un hectare. Il lui reste à savoir les motifs
qui ont guidé des personnes à acquérir 100 à 1000 ha, si ce
Faire des producteurs des actionnaires sur leurs propres terres. nʼest une volonté de sʼaccaparer de terres. n
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Les autres voix de l’Afrique

AMADOU KANOUTE

«L’objectif du Forum est atteint, mais notre


rôle en tant que société civile demeure»
Le président du comité dʼorganisa-
tion du forum foncier mondial, Ama-
dou C. Kanouté est loin dʼêtre déçu
par le déroulement de la rencontre.
Après trois jours de travaux, il a fait
un bilan à mi-parcours.

Propos recueillis par Jacques Ngor SARR

près trois jours de travail, pouvez-

A vous nous faire le bilan à mis par-


court du forum foncier mondial
Amadou C. Kanouté : Dʼabord cʼest la
première fois, à la 7e édition du Forum fon-
cier mondial, que nous avons pu réunir autant
de personnes. Au total nous avons accueilli
740 personnes et 80 pays sont présents.
Donc au niveau mondial, nous pouvons dire
que ce Forum a un caractère représentatif.
Deuxièmement, cʼest la présence des minis-
tres africains en charge de lʼaménagement
du territoire, de lʼhabitat, de lʼagriculture du
foncier. On a eu six ministres accompagnés
de fortes délégations. Cela montre tout lʼen-
jeu que représente le foncier aujourdʼhui en
Afrique. Cʼest un acquis et on peut dire que
la question foncière est devenue un enjeu
continental.
Mais au-delà de cette représentativité,
est ce que lʼobjectif a été atteint ?
Au niveau global, certainement oui. Cʼest à
ce niveau que nous avons pu poser la ques-
tion consistant à dire quʼil faut que tout le tant que société civile demeure. Que le mi- même lʼévaluation écrite, ont trouvé que sur avons voulu que les panelistes réagissent à
monde sʼaccorde pour une gouvernance fon- nistre sénégalais dise que nous nʼaccepte- le plan du contenu des débats, sur le plan or- cela. Mais on nʼa pas toujours pu avoir une
cière qui soit inclusive. Toutes les sessions rons pas au Sénégal un marché foncier rural, ganisationnel ils étaient très satisfaits. Cer- réaction spécifique. Le modérateur était
que nous avons eu sʼaccordent à dire quʼau- cʼest un gros acquis pour la société civile sé- taines sessions on les avait voulu obligé chaque fois de leur rappeler la ques-
jourdʼhui que si on veut aller vers la sécurité négalaise. Que le gouvernement dise que interactives, où le modérateur pousse les tion. Les gens étaient plutôt braqués sur la
alimentaire, si on veut éviter les conflits, si on nous ne souhaitons pas que les gens les plus gens à sʼexprimer sur des questions spéci- communication quʼils avaient préparé et quʼils
veut nous assurer que la terre réponde aux riches puissent venir pour acheter des terres fiques. Et nous avons voulu, dans chacune voulaient absolument lire. Cʼest un aspect sur
besoins des citoyens africains, il faut que chez nous, parce que après ça sera lʼexclu- de ces sessions, prendre quelquʼun qui fasse lequel on était resté sur notre faim. Mais en
nous puissions ensemble nous entendre sur sion de la paysannerie, des exploitations fa- une communication qui défie les autres du termes dʼéchanges dʼexpériences, en termes
une gestion foncière qui soit inclusive, parti- miliales, je pense que cʼétait un de nos panel. Vous avez entendu la communication dʼoutils pour rendre la gouvernance foncière
cipative. objectifs. de Ibrahima Coulibaly où il disait quʼon ne inclusive, équitable, participative, je crois que
Les gens se sont entendus aussi sur le Mais tout nʼa pas été rose, quelles sont peut pas nous battre contre lʼaccaparement personne ne peut sortir de cette session pour
temps de lʼaction. Quand les gens disent que les insuffisances que vous avez notés ? des terres et demander à nos décideurs de dire je ne sais pas comment mʼy prendre pour
les cadres normatifs sont clairs, ça veut dire On a besoin dʼentendre ça. Mais jusque-là trouver une solution alors que cʼest eux- faire en sorte que le processus de réforme
quʼils sont prêts à lʼaction. Mais notre rôle en tous ceux qui sont venus vers nous, avant mêmes qui sont les accaparateurs. Nous foncière ne soit pas inclusive. n

VICTOR NACLAN TOURE - Président par intérim du Club Union Africaine

«Le gouvernant a fait l’erreur de s’appuyer sur le droit coutumier»


ʼaccès de la femme à la terre est-elle dʼIvoire, la terre est gérée par les hommes. curisée, il va sʼen dire quʼelle ne peut pas en dépit des règles coutumières. Ce sont des
L réellement garantie en Côte dʼIvoire ?
Depuis 1998, la Cote dʼIvoire sʼest dotée
Cependant, dans certaines régions comme
à lʼEst, les exigences coutumières sont en-
jouir dans le long terme. Cette situation ex-
clut la femme des activités économiques et
habitudes, des comportements multisécu-
laires difficiles à changer. Cʼest pourquoi il
dʼune loi relative au foncier rural. Elle régit core plus souples. Des femmes sont déten- sociales. Elle est obligée dʼêtre dépendante faut beaucoup de sensibilisation. Ce qui nʼa
aujourdʼhui la question de la terre. Cette loi trices de terre. Mais il reste que dans la de son mari ou dʼun de ses frères parce pas été fait. Lʼerreur également a été de
en son article 1 donne la possibilité à toute région du Nord, Ouest, Sud-ouest, etc., la quʼelle ne gère pas une propriété de façon sʼappuyer sur le droit coutumier. Les initia-
personne physique ivoirienne de bénéficier gestion de la terre est une affaire dʼhommes. durable. teurs nous ont fait comprendre quʼil sʼagissait
dʼun droit de propriété dans le domaine du Malgré nos campagnes de sensibilisation les A qui incombent les responsabilités? dʼavoir un certain équilibre entre droit coutu-
foncier rural. Homme comme femme peu- lignes peinent à bouger. Lʼautorité a sa part de responsabilité, dans mier et moderne. Mais nous avons des mo-
vent bénéficier dʼun titre de propriété. Main- Y a-t-il des chances que les choses la mesure où la loi quʼelle a prise, rien nʼest tifs de satisfaction car dans certains endroits
tenant, dans les faits, il faut relever que la loi changent en faveur des femmes ? fait pour la faire appliquer effectivement sur où nous sommes passés, des femmes ont
sʼappuie sur le droit coutumier pour gérer la Oui, bien sûr. Car il y a une porte qui est le terrain. Il appartient à lʼEtat de faire com- initié des procédures dʼimmatriculation de
question de la terre. Or le droit coutumier ouverte par la loi. Le problème se situe au ni- prendre aux usagers que la femme a les leurs terres. n
dans certaines régions du pays ne favorise veau de la coutume. Dans certaines cou- mêmes droits que lʼhomme sur la terre en Entretien réalisé par A. TRAORE
pas lʼaccès de la femme à la terre. tumes, les gardiens de la tradition nous font
Dans beaucoup de communautés en Côte savoir que la terre, cʼest une affaire
dʼhommes. La femme, pour avoir un lopin de
terre, doit faire référence à son mari, son
frère qui peut lui en conférer pour juste
Editeur : lʼusage. Mais pas pour avoir un titre de pro-
Institut Panos Afrique de lʼOuest priété. Sinon la loi ne fait pas de distinction
entre les hommes et les femmes sur la ques-
n Editorialiste : Tidiane KASSE tion.
n Rédaction : Aminatou AHNE - Yacine CISSE Selon vous, quelles sont les consé-
Marlyatou DIALLO - Birame FAYE quences de cette «exclusion» des
Fatoumata KANTE - Jacques Ngor femmes ?
SARR Les conséquences sont nombreuses sur
le plan socio-économique, culturel, politique,
THIAM Mamadou - Abou TRAORE
etc. La santé financière de la femme dépend
n Maquette - Mise en page : Alioune KASSE
de son activité agricole. Et si la terre sur la-
n Réalisation : UEMM-IPAO quelle elle mène cette activité nʼest pas sé-

C M J N

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