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EDITORIAL

Mme Nada BIAZ


Directrice Générale du Groupe ISCAE

Face aux avancées technologiques changement constructif, à travers


ultra-rapides et aux défis clima- les systèmes de veille, de qualité, de
tiques, le maître mot est aujourd’hui pratique collaborative et d’innova-
«Transition». Qu’il s’agisse de tran- tion.
sition digitale, énergétique ou com- En phase avec l’intérêt particulier
portementale, il est question de bri- accordé aux PME, dans la plupart
ser le cercle de l’expérience, d’être des discours politiques au niveau
réactif et de trouver des solutions international, le deuxième article
créatives, en s’inscrivant dans la est une contribution à la réflexion
tendance globale du développement sur l’entreprise familiale, son évolu-
durable. Nous assistons bel et bien tion, ses principales réalisations et
à des stratégies de rupture, et la re- ses perspectives d’avenir.
cherche en management, qui se veut Le troisième article se présente
inspirée par les préoccupations comme une étude exploratoire qui
d’actualité, n’est pas en marge. combine les théories issues du
Quoiqu’il faille reconnaître que domaine des systèmes d’informa-
c’est la volonté politique en amont tion et celles du comportement du
des forces qui influencent le monde consommateur, à travers le cas des
qui confirmera ces ruptures, la ré- paiements électroniques.
flexion théorique se doit d’apporter Les deux articles suivants concer-
l’éclairage scientifique nécessaire nent deux tendances incontour-
pour les justifier et les faire aboutir. nables, au cœur de la transition
Au delà de l’exercice intellectuel, la dans le domaine de la finance, à
recherche a ainsi un rôle essentiel savoir la finance islamique et la fi-
à jouer dans l’avenir de l’humanité. nance responsable, en phase avec
Ainsi, les articles choisis pour ce l’actualité de la Cop 22.
cinquième numéro de la Revue Enfin, pour finir sur le terme clé de
Marocaine des Sciences de Mana- « Transition » et pour ne pas perdre
gement, ont été sélectionnés dans de vue les objectifs de performance,
cette optique de pertinence par rap- le dernier article traite de « L’adop-
port aux thématiques actuelles les tion des systèmes de mesure de la
plus brûlantes. performance dans les économie de
En effet, le premier article s’in- transition », dans le contexte parti-
téresse à la principale source de culier de la Serbie, vue comme un
création de richesse immatérielle marché en développement, offrant
que représente le «Knowledge Man- ainsi un terrain de recherche riche
gement». Celui-ci est seul à même et complexe n
d’impulser toute dynamique de

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AVANT-PROPOS
Pr. Tarik EL MALKI
Directeur du Développement, de la Recherche
Scientifique et des Relations Internationales

Depuis sa création, le Groupe ISCAE nous disposons de nombreux atouts


a fait de la recherche un vecteur –une école doctorale, un centre de
d’émancipation et d’intégration dans recherche, une chaire de recherche,
son environnement socioéconomique. une revue scientifique– qu’il faut
Il n’y a qu’à se référer aux nombreuses développer, optimiser et dont il faut
publications du Groupe dans des mutualiser les moyens, afin de créer
domaines tels que la gouvernance, la des synergies pour que le Groupe
PME etc. A cette fin, notre Groupe ne puisse devenir un pôle d’excellence
manque pas d’atouts en la matière, à en la matière.
savoir un corps professoral hautement Selon la nouvelle vision du Groupe, la
compétent et dédié ainsi qu’un bassin recherche au sein de l’ISCAE devrait
d’étudiants très bien formés et triés se spécialiser, d’abord, sur son métier,
sur le volet et une image de marque son ADN, à savoir le domaine comp-
qui reste intacte. table et financier. Le développement
Suite à l’installation de la nouvelle de la recherche dans les domaines du
Direction Générale, le Groupe a Marketing et de la Stratégie, ainsi que
mis en place une nouvelle stratégie dans les autres domaines du manage-
baptisée «ISCAE 2020», qui se donne ment doit se faire en liaison étroite
comme objectif principal de relever avec l’augmentation du nombre d’en-
trois défis : confirmer la place de seignants chercheurs et de leurs publi-
leader national ; gérer la collaboration cations dans ces domaines (articles et
internationale et gérer le tournant communications de recherche, livres).
digital. Le volet recherche occupe une C’est vers le resserrement des do-
place de choix dans l’élaboration de maines que nous devons aller si nous
cette stratégie à travers une politique voulons être reconnus pour la qua-
de recherche qui vise des objectifs lité de notre recherche. Sans oublier
bien précis : développer une pépinière que, dans la phase qui est la nôtre,
de professeurs pour l’enseignement la recherche doit toucher tous les do-
supérieur en général, développer maines du management, l’écrémage
les publications au nom de l’ISCAE, se fera avec le temps. Notre objectif
répercuter les efforts de la recherche au pour les quatre prochaines années
niveau des enseignements, développer en matière de recherche et d’innova-
du matériel pédagogique avec tion est de poursuivre cette politique
contenu local à travers la production à travers plusieurs axes, à savoir : le
d’études de cas et servir l’économie renforcement des pôles d’excellence
nationale. Le Groupe ISCAE doit se de la recherche, la consolidation des
positionner pour devenir le premier structures et des centres de recherche
centre de recherche en termes de par une politique scientifique active
production intellectuelle au niveau et une meilleure mobilisation des
national voire régional. Pour ce faire, moyens matériels et budgétaires,

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la consolidation de l’ouverture de la sans but lucratif. Le troisième objectif
recherche sur son environnement so- concerne l’Innovation en favorisant
cioéconomique et enfin l’affermisse- les projets innovants qui présentent
ment de la dimension internationale et un potentiel de retombées impor-
de la coopération universitaire. tant ; en soutenant l’entrepreneuriat
A ce titre, nous nous sommes fixés scientifique à travers la création d’
quatre objectifs stratégiques majeurs. un environnement qui conduit à la re-
Le premier concerne les Réalisations cherche novatrice; et en profitant des
scientifiques à travers la capacité à occasions émergentes – nouvel enjeu
assurer une croissance soutenue du de gestion, nouvelle technologie, nou-
nombre de publications dans les re- velle problématique – pour susciter
vues scientifiques et professionnelles l’innovation. Le quatrième et dernier
reconnues à l’échelle internationale objectif concerne la Formation en
ayant une influence majeure dans les recherche en veillant à l’intégration
domaines de la gestion; la capacité à rapide des étudiants des cycles supé-
Contribuer à la notoriété du Groupe rieurs (maîtrise, doctorat) dans les
ISCAE en renforçant sa présence dans différentes structures de recherche
les revues de prestige reconnues à existantes (CERGI, chaires, labora-
l’échelle internationale qui ont de l’im- toires) ; en recrutant davantage d’étu-
pact auprès de la communauté scien- diants au doctorat en faisant la pro-
tifique. Le second objectif concerne le motion du programme de doctorat du
Transfert de connaissances à travers Groupe dans la communauté univer-
l’augmentation du nombre de partena- sitaire internationale ; et en planifiant
riats de recherche et de mises en appli- des modules de formation pour les
cation des résultats de recherche dans formateurs dans des domaines spéci-
les secteurs privé et public en consoli- fiques tels que la conduite des projets
dant les relations avec la communau- et des programmes de recherche, les
té d’affaires et les autres milieux de partenariats et le financement de la
pratique; à travers un meilleur posi- recherche, la méthodologie d’élabora-
tionnement du Groupe ISCAE comme tion des études de cas en gestion, …
une source d’expertise à jour et per- L’ensemble de ces éléments pris en-
tinente sur tous les grands enjeux et semble devrait, dans les années qui
les dernières tendances en matière de viennent, faire de notre institution
gestion et ce, tant auprès des entre- une référence en matière de recherche
prises que des organisations gouver- appliquée dans les différentes disci-
nementales, paragouvernementales ou plines que compte la gestion n

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SOMMAIRE

FOCUS
Le Knowledge Management (KM) au service des prestations
de l’Agence Judiciaire du Royaume (AJR).......................................................... 7
Abdelhay BENABDELHADI, Idriss DOUKKALI

DOSSIER
La recherche sur l’entreprise familiale :
évolution, principales réalisations et perspectives d’avenir........................ 31
Abderrahmane SALHI

Les déterminants de l’adoption du M-Payment au Maroc :


Une étude exploratoire......................................................................................... 51
Dounia DAHAB, Hanan BEN ISSA

Indice boursier islamique à la Bourse des Valeurs


de Casablanca : Composition et Performance................................................. 62
Abderrafi EL MAATAOUI

Finance Carbone à l’heure de la COP22 : performativité


au prisme du Management Responsable au Maroc....................................... 73
Rachid BOUTTI, Florence RODHAIN, Isabelle BOURDON,
Adil EL AMRI

L’adoption des systèmes de mesure de la performance


dans les économies de transition : Le cas de la Serbie............................... 104
Karim CHARAF, Biljana PESALJ

Directeur de la publication : Nada BIAZ - Rédacteur en Chef : Mohamed SABAR


Comité de lecture : Karim AARAB, Hind KABAILI, Mohamed EL QASMI, Rachid M’RABET, Fawzi BRITEL,
Siham MOURAD, Abdelhaye BENABDELHADI, Younes LAHRICHI, Siham MEKNASSI, Tarik EL MALKI,
Fouad MACHROUH, Saïd MOUSTAFID, Hayat EL ADRAOUI, Abdellah AMELLAH, Nazha BOURKIA,
Amine ZENJARI, Ouafaa ZAÏM, Mohamed ASLOUN, Mehdi EL ATTAR, Inas EL FARISSI, Brahim KERZAZI.
Responsable Communication : Samira ALAOUI
Secretaire de la rédaction : Leïla EL MOUALIJ
Diffusion auprès des partenaires : Lamia MAKROUM
Réalisation : Ouragan Communication
Distribution : SOCHEPRESS
Dépôt légal 2012/PE0088 - ISBN 2028/8840

GROUPE ISCAE : Km 9,500, Route de Nouasseur - B.P. 8114 Oasis- Casablanca - Maroc
Tél. : (+212) 05 22 33 54 82 à 87 - Fax : (+212) 05 22 33 54 96
Site web : www.groupeiscae.ma

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BULLETIN D’ABONNEMENT
FOCUS

Le Knowledge Management (KM)


au service des prestations de l’Agence
Judiciaire du Royaume (AJR)
Résumé. Le savoir, érigé en facteur critique de production dans bien des
organisations, exige un traitement particulier basé sur la création, la
valorisation, la conversion et le partage. C’est dans ce contexte, prôné par la
volonté de sauvegarde de la mémoire organisationnelle, que la notion de gestion
de connaissances ou Knowledge Management (KM) a émergé dans les années
80 et ce, pour favoriser la croissance, la transmission et la conservation des
connaissances dans une organisation.
Ce travail est une étude préliminaire en vue du déploiement d’une stratégie de
gestion de connaissance au sein de l’Agence Judiciaire du Royaume (AJR). Il
pose la problématique du Knowledge Management dans une organisation où
la connaissance est l’outil principal de production. Le but est de répondre à la
question de l’opportunité d’une telle démarche et de proposer par la suite des
recommandations réalistes, c’est-à-dire à la fois faisables et peu coûteuses.

Mots-clés. Savoir – Gestion de la connaissance – Agence Judiciaire du Royaume


– déploiement stratégique
Abdelhay
BENABDELHADI
Enseignant
Chercheur Abstract. Knowledge, considered as a critical factor of production in many
à l’ENCG organizations, requires a special treatment that gives more importance to
Kénitra
benabdelhadi.abdelhay
creation, valorization, conversion and sharing. It is in this context, imbued with
@yahoo.fr the desire to safeguard organizational memory, that the notion of Knowledge
Management (KM) emerged in the 1980s to promote growth, transmission and
Idriss conservation of knowledge in an organization.
DOUKKALI This work is a preliminary study for the deployment of a knowledge management
Agence strategy within the Judicial Agency of the Kingdom (AJR). It brings to limelight
Judiciaire du
Royaume
the issue of Knowledge Management in an organization where knowledge is
idrissdoukkali@yahoo.fr the main tool of production. The aim is to explore the advisability of such an
approach, and to propose realistic, feasible and inexpensive recommendations.

Key words. Knowledge - Knowledge management - Judicial Agency of the


Kingdom - strategic deployment

Introduction taire à la création de richesses dans


la plupart des pays bien qu’absent
De nos jours, la part de l’immatériel des bilans comptables, le capital im-
dans la richesse des pays n’est plus matériel a parmi ses composantes
à démontrer. Contributeur majori- le capital humain qui lui, incarne la

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FOCUS

notion de compétence et de savoir- compétitivité. Le KM, en permettant


faire. Au sein d’une organisation, le de capitaliser les expériences, va ai-
capital humain se matérialise par les der aussi à la prise de décision pour
connaissances détenues et comprend faire face à la complexité de l’environ-
«l’ensemble des savoir-faire déve- nement et de la concurrence.
loppés, des comportements asso- L’action de l’Agence Judiciaire du
ciés, des contributions apportées»1 Royaume (AJR) s’inscrit dans un
par les individus. Ceci renvoie à la contexte d’exigence forte en termes
valeur ajoutée développé par les per- de qualité, d’efficacité et d’efficience
sonnes à partir d’aptitudes, de talents, pour répondre à la fois aux attentes
ou d’expériences accumulées. Dans des partenaires et aux contraintes
une organisation, le savoir «devient budgétaires. L’AJR doit répondre à
lui-même une ressource à part en- ses partenaires en fournissant une
tière, et exige désormais d’être trai- défense et un conseil de qualité tout
té comme tel»2. Bien évidemment, les en mobilisant le minimum de moyens
mécanismes de traitement du savoir possible. La qualité de ces prestations
vont différer des mécanismes de trai- a également un impact direct sur le
tement des ressources matérielles. budget. En effet, la mise en place de
Le savoir, érigé en facteur critique de dispositifs de prévention de risque
production dans bien des organisa- juridique pour conseiller judicieuse-
tions, exige un traitement particulier ment l’administration d’une part et
basé sur la création, la valorisation, réduire ou annuler les montants récla-
la conversion et le partage. C’est dans més en réparation d’autre part ne peut
ce contexte, prôné par la volonté de être que bénéfiques au Trésor public.
sauvegarde de la mémoire organisa- Le niveau de qualité des prestations
tionnelle, que la notion de gestion de est bien entendu toujours exigé bien
connaissances (GC) ou Knowledge que l’AJR doive faire face à deux
Management (KM) a émergé dans contraintes majeures qui sont un vo-
les années 80 et ce, pour «favoriser lume d’activités toujours croissant et
la croissance, la transmission et des contentieux de plus en plus com-
la conservation des connaissances plexes. Le KM permet de résoudre
dans [une] organisation»3. La dé- la première contrainte par la réutili-
cennie 80 marque «le passage de la sation, ce qui permettra de dégager
gestion de l’information à celle de plus de temps à l’innovation pour trai-
la connaissance»4. ter la seconde. Le niveau de qualité
Les organisations sont appelées à des prestations est intimement lié au
mobiliser tout leur capital de connais- niveau de qualité du personnel : «un
sances pour innover afin de se déve- personnel de qualité permet de pro-
lopper ou de maintenir leur niveau de téger le patrimoine de l’organisa-

1. Fourmy M., « Ressources humaines : stratégie et création de valeur. Vers une économie du capital humain ». Editions
Maxima, 2012, p.66.
2. Stophaye P. & Bouvard P., « Knowledge Management Vade Mecum ». Editions Management et Société, 2002, p.11.
3. Steels cité par Dieng-Kuntz R. & Alii., « Méthodes et outils pour la gestion des connaissances ». Dunod, 2ème édition,
p.1.
4. Goria S., « Knowledge Management et intelligence économique : deux notions aux passés proches et aux futures
complémentaires ». Revue ISDM, N°.27, 2006, p.3.

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FOCUS

tion et d’améliorer par la suite sa nisationnelle, la question principale


performance.»5 qui s’ensuit concerne la stratégie à
L’exigence de qualité dans une orga- mettre en œuvre pour arriver à une
nisation basée sur la connaissance véritable gestion de la connaissance
amène à penser que le KM peut être au sein de l’organisation.
la solution appropriée à mettre en Il s’agit de porter la réflexion sur la
œuvre. Ainsi, nous émettons l’hy- manière de :
pothèse qu’il est adapté au cas de • capitaliser les expériences et de les
l’AJR et qu’il lui sera grandement partager, en particulier celles à forte
profitable. Nous estimons qu’il contri- teneur intellectuelle ou ayant néces-
buera à plus de performance grâce sité la mobilisation d’expertises cer-
notamment à l’instauration de méca- taines ;
nismes de conversion et de diffusion • adopter des mécanismes de conver-
des connaissances, de capitalisation sion de connaissances ;
de l’expérience et de renforcement de • opter pour des méthodes d’appren-
compétences. Il permettra de réduire tissage ;
l’impact de la fuite de capital intellec- • conduire un changement progres-
tuel grâce à la conversion des connais- sif en accompagnement de la mise en
sances individuelles en connaissance œuvre du KM en vue de faciliter l’ad-
collective. hésion du personnel.

Les objectifs de cette étude sont


multiples et hiérarchisés selon la I - La connaissance et
logique suivante : sa gestion : définition,
• Montrer que le KM est une nécessité
concepts et champ
à l’AJR, que cette dernière en tirera
les bénéfices et que sa mise en œuvre d’application
est favorisée par une culture globale-
ment coopérative ; «Depuis toujours, les organisations ont
• Voir s’il existe une méthode qui pour- cherché à bâtir une interprétation objec-
rait être adaptée au cas de l’AJR pour tive et formelle de leur environnement
la capitalisation des expériences ; avec l’espoir d’en réduire la complexité et
• Proposer des méthodes de conver- l’incertitude »6.
sion des connaissances tacites et ex-
plicites ; 1. Pourquoi le Knowledge
• Proposer une méthodologie de mise Management ?
en œuvre du KM et recommander des Le KM est un moyen permettant de
méthodes de conduite de changement. créer véritablement un enrichisse-
ment du savoir collectif d’une organi-
La problématique tournant autour sation. Il vise à ce que « la performance
de la manière de faire pour préser- collective soit supérieure à la somme des
ver et enrichir la connaissance orga- performances individuelles »7. C’est un

5. Harakat M., « Les finances publiques et les impératifs de la performance : le cas du Maroc ». L’Harmattan, 2011, p.365.
6. Prax J-Y., « Le management des connaissances : des concepts aux expériences, des expériences à la méthode », 1998, p 2.
7. Prax J-Y., « Le guide du Knowledge Management ». Dunod, 2000, p 17.

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FOCUS

véritable créateur de valeur dans la de sauvegardes selon les travaux de


mesure où il permet l’amélioration Nonaka et Takeuchi : la transmission
de la gestion des compétences, de la Tacite – Tacite et la transmission
productivité, du processus de déci- Tacite – Explicite. Cette dernière « va
sion, favorise l’innovation8, impulse permettre à l’entreprise de capitaliser les
une dynamique de changement, connaissances individuelles pour les faire
améliore la connaissance de l’envi- partager et les diffuser au plus grand
ronnement (veille)9, la qualité et ca- nombre. »15
pitalise et développe les best prac-
tices internes10. Le KM vise pour cela • Pratiques collaboratives : Le KM
à aplanir deux difficultés majeures : les est une discipline qui ne se conçoit
pertes de connaissance individuelles et pas sans collaboration et échanges.
collectives11. La collaboration s’inscrit dans ce que
• Gestion des compétences : Selon Nonaka appelle la spirale du savoir.
Veybel et Prieur, «  les responsables Dans cette approche, il faut commen-
opérationnels attendent du KM un cer par faire la distinction entre savoir
moyen de préserver leur savoir-faire et explicite et savoir tacite.
de maintenir les expertises nécessaires Le savoir explicite est un savoir trans-
à la poursuite et au développement de missible dans un langage formel.
leur activités […] devant l’ampleur [de] « Les connaissances explicites sont captu-
départs programmés »12. En effet, la rées dans des bibliothèques, des archives
mobilité, l’évolution professionnelle, et des bases de données16. » Le savoir ta-
les départs à la retraite induisent un cite est, quant à lui, un savoir acquis
risque majeur de perte de la connais- du cumul des expériences et difficile-
sance individuelle. Le KM est ainsi un ment formalisable. Il « comporte une
révélateur de l’existence d’un « pro- part de compétences techniques, le type
blème de fond […] : les organisations ont de compétences informelles, difficiles à
peur de perdre les compétences et savoirs définir que l’on capte dans le terme sa-
propres aux individus mais également voir-faire […] le savoir tacite recèle une
la connaissance générée collectivement importante dimension cognitive. Il est
en leur sein »13. « La division du travail, fait de schémas mentaux, de croyances et
l’éloignement, la dispersion des équipes de points de vue […] profondément enra-
projets, les réorganisations ou encore les cinés. ».17 Le savoir tacite est un puis-
fusions, [sont] autant de causes de pertes sant levier d’innovation.
de compétences collectives. »14 Pour faire Selon les travaux de Nonaka, la colla-
face à ces pertes, il existe deux modes boration entre ces deux types de sa-

8. Balmisse G., «Gestion des connaissances, Outils et applications du knowledge Management»., Vuibert, 2002, pp. : 28-30.
9. Prax J,-Y., « Le manuel du Knowledge Management ». 3ème édition, Dunod, 2012, p 25.
10. Prieur P. & Veybel L., « Le Knowledge Management dans tous ses états ». Les Éditions d’Organisation, 2003 pp. : 21-22
11. Balmisse G., « Gestion des connaissances, Outils et applications du knowledge Management ». Vuibert, 2002, p 28.
12. Prieur P. & Veybel L., Idem
13. Marcon C. & N. Moinet N., « L’intelligence économique ». 2ème édition, Dunod, 2011, p 21.
14. Idem, p 28.
15. Balmisse G., idem, p 28.
16. Dieng-Kuntz, O. Corby, F. Gandon, A. Giboin,J. Golebiowska, N. Marta, M. Ribière, « Méthodes et outils pour la
gestion des connaissances »., 2ème édition, Dunod, 2001, p 6.
17. Nonaka I., « L’entreprise créatrice de savoir ». Harvard Business Review, Editions d’organisation, 1999, pp.: 35-64.

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FOCUS

voirs débouche sur 4 modes de conver- - Explicite-Explicite : La combinai-


sion de la connaissance : son est un processus d’explicitation
- Tacite-tacite : Ce type d’échange de la connaissance par ajout, tri, caté-
s’appuie sur la socialisation ou gorisation. C’est ce qui peut être fait
personnalisation. Les gens se ren- dans le cadre d’un travail de recherche
contrent pour échanger et partager ou de synthèse avec un apport person-
leurs expériences dans le cadre de dis- nel substantiel.
cussions constructives18. Par exemple, - Explicite-tacite : L’intériorisa-
un élève artisan apprend de son tion ou internalisation correspond à
maître par l’observation, l’imitation, l’apprentissage, c’est-à-dire à l’acqui-
la pratique ou encore la discussion. sition de connaissances à partir de
- Tacite-Explicite : L’extériorisation documents et manuels. C’est ce qui
ou externalisation ou énonciation se passe dans le cadre de la diffusion
est le principe même de création de au sein d’une organisation de savoirs
connaissance. Expliciter un savoir explicites et qui sont intégrés par les
tacite correspond à de la production salariés pour enrichir leur propre sa-
de savoir. «  Lorsqu’il y’a interaction voir tacite.
entre le savoir tacite et le savoir explicite, « Dans l’entreprise créatrice de savoir,
quelque chose de puissant se produit. »19 ces quatre schémas se retrouvent en inte-
La connaissance tacite se retrouve raction dynamique les uns avec les autres
ainsi extraite pour être conceptuali- formant une spirale de savoir. »20
sée et modélisée.

Figure 1 :
Modes de création de connaissances de Nonaka

Externalisation

Connaissances Connaissances
Socialisation Combinaison
tacites explicites

Internalisation

18. Perreau R. « Fiche de lecture sur l’ouvrage « La connaissance créatrice : La dynamique de l’entreprise apprenante ».
DESS Développement des Systèmes d’Organisation, CNAM, juillet 2005, p. 11.
19. Nonaka I. Idem, pp : 35-64
20. Nonaka I, Ibidem.

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FOCUS

Ces transmissions vont valoriser les innovant d’une entreprise. « D’après


compétences et enrichir le capital Nonaka et Takeuchi, les connaissances
individuel et collectif. La gestion des explicites sont moins susceptibles d’abou-
compétences « va renforcer la producti- tir à des innovations majeures que les
vité en permettant de transformer rapi- connaissances tacites qui sont le fruit
dement un débutant en expert »21. d’expériences et de savoir-faire malheu-
• Amélioration de la productivité : reusement difficilement formalisables».25
Le fait que le KM soit une démarche • Dynamique de changement : La
qui permette de capitaliser sur les ex- mise en place d’une démarche KM
périences antérieures (succès, échecs, au sein d’une organisation suppose
décisions performantes, etc.) évite nécessairement la conduite d’un chan-
aux collaborateurs de vouloir « réin- gement en profondeur ; changement
venter la roue », ce qui a pour consé- de perception, d’attitude, de culture,
quence directe une meilleure connais- d’organisation, redéfinition des rôles
sance du sujet et donc une réduction et des responsabilités, etc. De ce fait,
de la durée des divers traitements. le KM est perçu comme un puissant
« Cette capitalisation ne servirait à rien levier de changement.
si on ne donnait pas accès à ces connais- Ainsi, il peut être fait appel au KM
afin de provoquer un changement.
sances. De cette façon, on utilise le capital
Le KM oblige l’organisation à adop-
intellectuel disponible pour le rentabili-
ter un changement individuel et col-
ser»22. Cette démarche de capitalisa-
lectif notamment par la recherche de
tion a pour finalité l’efficacité voire
l’adhésion des personnes. Pour cela,
l’efficience de l’organisation, l’objectif
les questions que l’on peut se poser
poursuivi par le KM étant de « réaliser
concernent la manière de former au
une tâche en mobilisant le minimum de
KM, de l’intégrer à la vie de l’organi-
moyens».23 sation, de changer en direction d’une
• Amélioration du processus de prise culture de partage et enfin de mainte-
de décision : Le KM étant un proces- nir vivant le KM au sein d’une orga-
sus de réutilisation de la connais- nisation. Le changement provoqué
sance, il « permet donc de conserver, de par le KM vise à « assurer une fluidité
transmettre et de développer les connais- maximum des échanges de savoir, tacites
sances dans le but de faciliter la prise de et explicites, à travers des réseaux de
décision en situation complexe».24 coopération»26. Il en appelle à un chan-
• Favorisation de l’innovation : La gement à trois niveaux dans le cadre
socialisation et l’extériorisation sont de la spirale du changement : change-
les deux modes par excellence qui ment aux niveaux cognitif, comporte-
influent positivement sur le pouvoir mental et culturel27.

21. Ibidem., p 28.


22. Ibid., p 29.
23. Balmisse G., « Gestion des connaissances, Outils et applications du KM ». Idem, p 29.
24. Ibid., p 30.
25. Ibidem., p 30.
26. Prax J.-Y., « Le manuel du Knowledge Management » 3ème édition, Dunod, 2012, p 100.
27. Idem, p 101.

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FOCUS

• Amélioration de la connaissance • Valorisation et sauvegarde du ca-


de l’environnement et gestion des pital immatériel de l’organisation :
risques : Même si le KM est une dé- Bien qu’elle ne soit pas une fin en soi
marche se basant essentiellement sur dans la mesure où aucune action n’est
la conservation de la connaissance au fortuite et que préserver pour préser-
sein d’une organisation et sur son par- ver n’a pas de sens, la sauvegarde de
tage, il n’en demeure pas moins qu’il la mémoire d’entreprise est primor-
englobe la veille comme un processus diale et aurait au moins pour intérêt
à part entière. La veille, comme elle la traçabilité de l’action organisation-
a été définie plus haut permet de ré- nelle et l’apprentissage à partir d’er-
duire les risques liés à l’incertitude et reurs historiques.
la complexité de l’environnement. « La
mise en place d’une gestion des connais- 2. Méthodes de capitalisation
sances permet d’avoir une meilleure de l’expérience
vision de l’entreprise elle-même, ainsi 2.1. La méthode REX
qu’une meilleure connaissance de son REX (Retours d’EXpérience) a vu le
contexte: ses clients, ses collaborateurs, jour au sein du Commissariat à l’Éner-
son marché et le monde «extérieur» à gie Atomique (CEA) dans le but de
l’organisation».28 préserver les savoirs et savoir-faire ac-
• Amélioration de la qualité : Le KM quis lors de la conception et de la mise
étant un ensemble de processus capi- en route des réacteurs nucléaires30.
talisant les expériences antérieures, il Le principe de la méthode REX est
bénéficie pour cela du retour d’infor- assez simple et consiste à constituer
mations en matière de performance, une base de connaissances contenant
succès et échecs. Pour cela, il est en des éléments d’expérience et à les
parfaite intégration avec le processus mettre à disposition d’autres utilisa-
PDCA (Plan, DO, Check, Act). Le fait teurs en vue de leur valorisation31. Les
d’apprendre de ses erreurs permet éléments d’expériences sont relevés
une amélioration des biens ou ser- dans des fiches décrivant le contexte,
vices offerts par une organisation. la description d’un fait, des opinions,
• Amélioration et développement des commentaires, des recommanda-
des best practices internes : « La tions et éventuellement les décisions
connaissance des meilleures pratiques prises et enfin une liste de références.
est le socle de l’innovation. Favoriser Ces fiches sont élaborées à la fois sur
l’innovation demande donc d’encourager la base de connaissances explicites
l’assimilation et la compréhension de ces (documents, rapports de synthèse,
best practices pour augmenter la perfor- etc.) que tacites (entretiens avec les
mance et fournir une plate-forme efficace experts du domaine rapportant leur
pour l’innovation. Il s’agit de sélectionner expérience).
et d’assimiler la connaissance la plus per- Les éléments d’expérience sont orga-
tinente pour progresser».29 nisés dans un modèle du domaine. Ce

28. Balmisse G., « Gestion des connaissances, Outils et applications du KM »., op.cit., p 30.
29. Idem, p 30.
30. J-Y. Prax J.-Y., « Le manuel du K M »., op.cit. p 203.
31. R. Dieng-Kuntz, et alii, op.cit., p 239.

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 13


FOCUS

modèle se décline en un modèle des- • Création : une fiche MEREX conte-


criptif et en un réseau terminologique nant une solution métier après qu’elle
(lexique). ait été approuvée par le responsable
Ces éléments sont archivés électroni- métier et validée par le comité d’ex-
quement et une interface permet de perts est envoyée à l’animateur ME-
générer les résultats de requêtes sou- REX du métier correspondant ;
mises en langage naturel. • Partage : la fiche est publiée par
l’animateur MEREX sur l’intranet ;
2.2. La méthode MEREX • Consultation : elle à lieu via une in-
La méthode MEREX (Mise En Règle terface web avec la possibilité d’effec-
de l’EXpérience) a été mise au point tuer des recherches full-text et multi-
en 1995 au sein de l’usine Renault. critères.
Malgré un savoir-faire maîtrisé, les
erreurs conceptuelles se répétaient 3. Modélisation des systèmes à
et engendraient de fait des surcoûts. base de connaissances
Renault a jugé utile la mise au point Avant de commencer à traiter de la
d’une méthode de capitalisation de connaissance à capitaliser, les diffé-
l’expérience afin d’agir en amont, rentes structures appelées à faire de
au moment de la conception, par des la gestion de connaissances et d’expé-
actions préventives en remplacement riences se sont vues face à la nécessité
des actions curatives nettement plus avant tout de modéliser l’organisation,
onéreuses32. les processus métier, les interactions
L’objectif de MEREX est de capitali- entre les systèmes, etc. C’est à partir
ser l’expérience acquise dans les pro- de ce souci que sont nés les différents
jets antérieurs afin de la faire valoir modèles, dont quelques-uns seront ci-
dans de nouveaux projets. Afin de tés ci-dessous. Ce paragraphe n’a pas
« faire bon du premier coup », la mé- la prétention de passer en revue ni
thode permet de regrouper les savoir- l’ensemble des méthodes ni le détail
faire, de les diffuser, de les partager de chacune d’elles mais va donner un
et de les réutiliser dans de nouveaux bref aperçu de quelques-unes d’entre
projets. MEREX utilise des fiches et elles.
des check-lists. Les fiches, au format
A4, contiennent un ensemble d’infor- 3.1. La méthode CommonKADS33
mations et prend en charge également La méthode KADS (Knowledge Ana-
les retours d’expérience positives lysis and Design System), conçue en
(innovations dans la conception) et 1985 et améliorée en 1990 sous le nom
négatives (problèmes rencontrés). Les de KADS II, est une méthode d’ana-
check-lists regroupent l’ensemble des lyse et de modélisation de connais-
titres des fiches et sont utilisées pour sances partagées. La méthode place
le pilotage des processus. MEREX se l’interaction homme-système et le
retrouve ainsi être une méthode de cycle de vie de la connaissance au
mémoire de projet par excellence. centre de l’analyse. KADS I, conçue
MEREX se déroule en trois phases : par Anne Brooking du South Bank

32. Dieng-Kuntz O., et alii., op.cit., p. 256.


33. Idem, pp 79-80, 263-266.

14 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


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Polytechnic, Joost Breuker et Bob a été conçue avec six catégories de


Wielenga de l’Université d’Amster- connaissances industrielles. Ces
dam dans le cadre du projet ESPRIT connaissances sont structurées au
I, et KADS II, conçue dans le cadre sein de quatre documents34 :
du projet ESPRIT II, ont donné nais- • le glossaire métier : connaissances
sance à la méthode CommonKADS. singulières et terminologiques ;
La méthode n’a cessé d’évoluer depuis • le livret sémantique : connais-
lors pour offrir une modélisation de sances structurelles (ontologique et
l’organisation où sera intégré le futur factuelles) ;
système à base de connaissances ou • le cahier de règles : comprend les
la future mémoire d’entreprise. Afin connaissances comportementales et
de maîtriser la connaissance au sein décrit les règles utilisées pour la réso-
d’une organisation, la méthode pro- lution de problèmes ;
pose de développer six modèles des- • le manuel opératoire : contient les
criptifs : modèles d’organisation, de connaissances stratégiques et opéra-
tâche, d’agent, de connaissance, de toires.
communication et de conception. La méthode permet de définir des ré-
Le modèle de l’organisation décrit férentiels métiers et des référentiels
l’entreprise et ses fonctions princi- de bases de connaissances. Ces bases
pales et le modèle de tâches décrit les de connaissances utilisent des logi-
tâches nécessaires à la réalisation des ciels à base d’algorithmes de simula-
fonctions identifiées dans le modèle tion de raisonnements déductifs pour
d’organisation. Le modèle d’agent assister les opérateurs dans leurs acti-
identifie les agents humains et infor- vités de conception. CYGMA se base
matiques qui réalisent les tâches. sur des entretiens avec les experts du
Le modèle de communication décrit domaine afin de construire sa base de
la communication homme-machine. connaissances35.
Quant au modèle de connaissances,
il modélise l’expertise nécessaire 3.3. La méthode MKSM (Method for
à la réalisation des tâches. Enfin, Knowledge System Management)36
le modèle de conception traite de la Motivée par le souci d’éviter les fuites
conception d’un système à base de de connaissances dues au départ à la
connaissances destiné à implémenter retraite de chercheurs, le Commissa-
les connaissances modélisées. riat à l’Énergie Atomique par le biais
de son mathématicien J.-L. Ermine a
3.2. La méthode CYGMA mis au point la méthode MKSM en
La méthode CYGMA (CYcle de vie et 1995. La modélisation de la connais-
Gestion des Métiers et des Applica- sance se fait à travers l’analyse de six
tions) est essentiellement appliquée points de vue :
dans l’activité de conception des in- • selon l’approche sémiotique,
dustries manufacturières. Élaborée la connaissance est un signe qui
par la société KADE-TECH, CYGMA contient de l’information, a une signi-

34. Dieng-Kuntz, O. Corby, F. Gandon, A. Giboin, J. Golebiowska, N. Marta, M. Ribière, Méthodes et outils pour la
gestion des connaissances, 2ème édition, Dunod, 2001, p 249-253.
35. Idem, p 249.
36. Ibid., p 243-248.

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 15


FOCUS

fication et produit dans un certain Jean-Yves Prax au sein de Polia


contexte ; Consulting, cabinet de conseil en KM,
• selon l’approche systémique, la se base sur la réalisation de la carto-
connaissance est considérée sous graphie des connaissances au préa-
trois points de vue : structure, fonc- lable. Pour cela et avec la participation
tion, évolution de toutes les personnes concernées, la
La modélisation identifie les flots méthode se lance dans l’identification
d’informations et de connaissances et la qualification des processus cri-
ainsi que les acteurs producteurs et tiques de l’entreprise. Un logigramme
consommateurs de la connaissance. où figurent tâches et activités est pro-
De manière systémique, MKSM peut duit pendant cette étape. Puis, le flux
être représentée par trois systèmes, d’informations accompagnant le pro-
en l’occurrence les systèmes opérant, cessus est décrit. Ensuite, il s’agit de
d’information et de décision, intera- décrire dans une troisième étape la
gissant entre eux en se basant sur le fonction affectée à la tâche et les per-
patrimoine de connaissances de l’or- sonnes affectées à la fonction. La qua-
ganisation. Celui-ci comporte deux trième étape est destinée à affecter
éléments principaux : à chaque tâche un indice de criticité
• le livre de connaissances rassem- afin d’évaluer l’importance de la tâche
blant des modèles de connaissances par rapport à l’ensemble du processus
en plus des documents de l’entreprise. et par delà la vulnérabilité de l’orga-
Les modèles de connaissances sont re- nisation par rapport aux compétences
présentés à l’aide de techniques pré- affectées aux différentes fonctions. Eu
conisées par la méthode ; égard aux compétences disponibles et
• le système opérationnel de gestion à la situation de criticité/vulnérabilité,
de connaissances regroupant les sys- le manager dispose des écarts éven-
tèmes d’information, d’aide à la déci- tuels à combler en matière de compé-
sion, de supervision, de veille, etc. tences, chose qui peut être faite par de
MASK est une évolution de MKSM qui la formation, du tutorat, etc. KALAM
intègre dans son modèle la dimension peut paraître semblable à cet égard à de
d’appropriation et d’évolution du livre la Gestion Prévisionnelle des Emplois
de connaissance en devenant la réfé- et Compétences. Il reste que les ap-
rence au sein de l’entreprise. De plus, proches sont différentes, l’une émane
MASK intègre la notion d’évolution du responsable RH alors que l’autre est
par la modélisation de l’historique et bâtie de manière participative à partir
de la généalogie des connaissances. de la modélisation des processus.
L’étape 6 identifie les connaissances
3.4. La méthode KALAM nécessaires à l’agent pour être effi-
(Knowledge And Learning in Action cace dans sa tâche. L’étape suivante
Mapping)37 s’attache au développement de la pla-
Contrairement aux méthodes décla- teforme technologique à même d’of-
ratives de capitalisation de connais- frir l’accès en ligne à l’ensemble des
sances qui se basent sur l’initiative connaissances. Le support organisa-
d’experts, KALAM, développée par tionnel dans le cadre de la huitième

37. Prax J.-Y., « Le manuel du Knowledge Management »., op.cit. pp. : 245-256.

16 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


FOCUS

étape permet d’intégrer la capitalisa- J.-Y. Prax définit trois niveaux fonc-
tion dans la tâche elle-même. L’ultime tionnels de l’ingénierie des connais-
étape permet à l’approche de devenir sances : la production collaborative
un véritable outil de management par de connaissances, la capitalisa-
les compétences en permettant l’amé- tion et la diffusion38. Au niveau de
lioration permanente du processus. la production de connaissances, les
Ainsi, KALAM a pour vocation d’être outils rencontrés sont ceux qui vont
une méthode d’animation d’équipes favoriser le travail collaboratif, à sa-
par processus et compétences. voir les outils de communication et
En substance, il faut savoir que ces d’échanges d’idées, d’informations,
méthodes sont nées à partir d’un be- de documents, etc. On trouvera dans
soin exprimé dans chacune des dif- cette catégorie les forums, les ré-
férentes structures : Renault, CEA, seaux sociaux, la messagerie, les ou-
projet ESPRIT, industrie manufactu- tils de Groupware, de Workflow, de
rière, etc. Chacune de ces méthodes Visiocoférences ou d’apprentissage
est adaptée à la structure où elle a en ligne.
été élaborée et il n’y a pas lieu de les Lors de la capitalisation, les outils re-
voir comme contradictoires ou concur- trouvés sont ceux qui vont permettre
de donner de la valeur ajoutée à la
rentes. En fonction de notre besoin,
connaissance produite, à savoir tous
chacun peut opter pour l’une ou l’autre
les outils qui permettent de trier, fil-
des méthodes partiellement ou intégra-
trer, indexer et numériser les docu-
lement. Il peut être intéressant de s’ins-
ments. Les logiciels documentaires
pirer dans le cadre d’un projet KM
ainsi que le matériel de Gestion Elec-
d’une partie d’une méthode donnée et
tronique de Documents (GED) offri-
d’une partie d’une autre méthode, le
ront une plateforme pour un tel tra-
principal étant de garder à l’esprit la vail. Les outils de Datawarehouse,
cohérence globale du projet. de Text mining ou de Datamining
permettront de donner du sens aux
4. Les outils techniques textes et aux données et permettront
du Knowledge Management un aiguillage vers des prises de déci-
Dans ce paragraphe, nous évoque- sion pertinentes.
rons les outils techniques profession- Enfin, les portails d’entreprise qui
nels – que l’on peut déployer au sein eux permettent une diffusion à large
d’une administration ou d’une entre- échelle ainsi que les outils de produc-
prise – qui permettraient, de faire de tion coopérative de connaissances vont
la production, de la capitalisation et se retrouver également à ce niveau39.
de la diffusion de connaissances. En Tous les outils ne pourront pas être
fait, ces outils favoriseraient la trans- décrits bien évidemment et nous nous
formation de connaissances par les sommes limités à citer ceux qui sont
quatre modes de Nonaka. les plus couramment utilisés.

38. Prax J.-Y., « Le guide du Knowledge Management »., op.cit. pp. : 127-130.
39. Jochemczak F., « KM et partage des connaissances », Master Gouvernance et Management des Entreprises, Institut
International de Commerce et Distribution (ICD) et Université de Lille 2, 2005, p. 19

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 17


FOCUS

En guise de synthèse, et sur la base et d’un travail réalisé dans le cadre


de la classification opérée ci-dessus d’un mémoire de master par Florence
(production collaborative, capitali- Jochemczak42, un tableau récapitula-
sation et diffusion) et à partir des tif et synthétique présente quelques
travaux de G. Balmisse40, J.-Y. Pras41 outils techniques :
Tableau 1 :
Les outils de conversion de connaissances

VERS
TACITE EXPLICITE
PRODUCTION Communautés de pratique PRODUCTION Bureautique
COOPERATIVE Retours d’expérience COOPERATIVE
(positives comme négatives)
Documents papier
CAPITALISATION Outils de localisation CAPITALISATION Bureautique
d’experts (LinkedIn, Viadeo,
TACITE

Facebook, etc.)
DIFFUSION/ACCES E-learning DIFFUSION/ACCES E-learning
Visioconférence/ Vidéocoférence
Vidéocoférence Groupware
Groupware workflow
Workflow Messagerie
Messagerie instantanée
Forums de discussion
RSE
PRODUCTION PRODUCTION
DE

Bureautique
COOPERATIVE COOPERATIVE

CAPITALISATION Text mining CAPITALISATION Data Warehouse


Data mining
Textmining
Arbre de décision
EXPLICITE

Systèmes experts
Systèmes de raisonnement à
base de cas
GED
Systèmes de versionning
DIFFUSION/ACCES Bureautique DIFFUSION/ACCES Bureautique
Logiciels documentaires Logiciels documentaires
E-learning Portail d’entreprise
Portail d’entreprise Groupware, workflow
Messagerie Messagerie
RSE RSE
Source : Adapté à partir des travaux de G. Balmisse, J.-Y.Prax et F. Jochemczak

40. Balmisse G., « Gestion des connaissances ». Op. cit., p 58.


41. Prax J.-Y., Ibid, pp. : 127-130.
42. Jochemczak F.ibid,

18 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


FOCUS

II - La méthodologie contentieux de l’État. Quand les effec-


tifs sont stables d’une année à l’autre,
de l’enquête de terrain il y’a un besoin de capitalisation des
efforts antérieurement consentis afin
1. Le champ de l’enquête : L’Agence
d’améliorer les rendements indivi-
Judiciaire du Royaume (AJR)
duels et donc le rendement organisa-
1.1. Données générales
tionnel. Quand les effectifs augmen-
L’AJR est une direction du Minis-
tent, il faut transférer la connaissance
tère de l’Économie et des Finances
aux nouvelles recrues afin que celles-
en charge de la défense judiciaire de
ci acquièrent le plus rapidement l’auto-
l’État. Toutes les instances dirigées
nomie nécessaire à leur travail. De ce
contre l’État le sont contre le chef
point de vue, la gestion de la connais-
du gouvernement qui en est le repré-
sance trouve tout son intérêt au sein
sentant légal. De ce fait, l’AJR est
présente dans toutes les actions judi- de l’AJR et ce, quelque soit l’état des
ciaires qui concernent l’État43. effectifs. Il faut signaler aussi qu’un
Environ 12.000 nouvelles affaires ju- certain nombre de des compétences
diciaires voient le jour annuellement. se sont orientés dernièrement vers
Dans le cadre de leur traitement, l’enseignement supérieur. En outre,
l’AJR reçoit un peu moins de 20.000 les départs à la retraite, équivalent
courriers par an et en expédie à peu à ce jour à la perte de connaissances
près le double. Parmi ces courriers organisationnelles en l’absence d’une
envoyés, 5.000 sont des mémoires ou politique de transfert de l’expérience
des requêtes à destination des juridic- accumulée au cours de leur carrière.
tions. Les mémoires sont des écrits Une réflexion sur le transfert de com-
qui exigent la mobilisation de facultés pétences devient une nécessité pour
intellectuelles pour la compréhension faire face aux phénomènes de mobi-
du contentieux et des problématiques lité et de départ à la retraite. Pour
qu’il soulève, la mise en place d’une affronter une charge de travail sans
stratégie de défense, la consultation cesse grandissante, l’existence d’une
de la documentation juridique et judi- base de connaissances des retours
ciaire, etc. d’expériences s’impose pour pouvoir
Pour réaliser son travail, l’AJR dis- réutiliser la connaissance. La capi-
pose d’un effectif de 161 personnes talisation des expériences des uns et
avec un taux d’encadrement de 77% et des autres ainsi qu’un dispositif de
un âge moyen de 42 ans. Réparti pra- conversion de connaissances permet-
tiquement à part égale entre hommes traient de bonifier la qualité des pres-
et femmes, l’effectif est surtout consti- tations de l’organisation.
tué de juristes pour les deux tiers. Au-delà des arguments cités ci-dessus,
la nature même des métiers de l’AJR
1.2. L’AJR au centre de la réflexion motive tout l’intérêt à porter au KM.
sur le KM En plus de manipuler un flot immense
Le métier de l’AJR se passe dans un d’informations (textes de lois, projets
contexte de croissance continue du et propositions de lois à l’étude, juris-

43. Exception faite de celles spécifiées dans des textes particuliers.

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 19


FOCUS

prudence, …) et de connaissances proche quantitative et qualitative.


(différents types de mémoires et Bien que ce soit l’approche quanti-
requêtes rédigés en interne ou par tative qui ait été retenue au départ,
des avocats, mémoires des parties c’est finalement l’approche qualita-
adverses, études, etc.), la fonction de tive qui s’est avérée être la plus pro-
l’AJR reste une profession fondamen- bante dans notre cas et ce, en raison
talement intellectuelle manipulant à d’une difficulté majeure. Il aurait
la fois les savoirs explicites et tacites. fallu, dans le cas de l’approche quan-
Cette dernière émane de l’expertise titative, traduire les questionnaires
développée par chacun lors de son vers l’arabe étant donné la population
parcours professionnel et son expli- ciblée par l’enquête avec toute la dif-
citation va permettre la création de ficulté que cela comporte, notamment
connaissances. La connaissance la subtilité d’une langue par rapport
ainsi explicitée servira de nouveau à une autre et les différences d’inter-
comme intrant dans le processus prétation d’une personne à une autre.
d’intériorisation. Ainsi, la connais- Cette approche aurait nécessité for-
sance s’inscrira dans une dynamique cément des besoins d’éclaircissement
continue. de la part des interviewés. C’est la
Pour réaliser son travail, l’AJR dis- principale raison qui a poussé à ex-
pose d’un effectif de 161 personnes clure cette approche pour recourir
avec un taux d’encadrement de 77% et finalement à l’approche qualitative
un âge moyen de 42 ans. Réparti pra- qui présente de nombreux avantages :
tiquement à part égale entre hommes interactivité, cadrage, échange avec
et femmes, l’effectif est surtout consti- les deux langues, etc. L’approche qua-
tué de juristes pour les deux tiers. litative, menée à l’aide d’un guide, se
En substance, les activités remplies fonde sur des entretiens approfondis
par l’AJR, qu’elles soient judiciaires avec au minimum une douzaine de
ou extrajudiciaires sont basées sur la personnes.
connaissance, ce qui exige dans un L’enquête sur le terrain va permettre
premier temps l’accès à l’information de prendre en considération les divers
et dans un second temps la capacité aspects de la problématique ainsi que
de l’utiliser et la contextualiser pour les facteurs qui permettront le succès
assurer une défense adéquate et un de la démarche au sein d’une organi-
conseil scientifiquement rigoureux. sation comme l’AJR. Dans le cas du
Devant le flot de connaissances mani- sujet qui nous intéresse, l’enquête de
pulées, l’AJR ne peut plus se conten- terrain sera l’occasion de cerner plu-
ter d’une gestion intuitive ou infor- sieurs niveaux d’interaction et de col-
melle du savoir. Elle est appelée à se laboration (entre cadres, entre cadres
doter de moyens (méthodes et outils) et responsables, entre responsables),
et de processus nouveaux en mesure le degré d’appropriation par le per-
d’assurer une gestion moderne et sonnel du système informatique, le
efficace du savoir, savoir-faire, expé- degré d’explicitation des connais-
riences et expertises. sances, etc.
L’échantillon retenu a été choisi selon
2. Méthodologie de travail le critère de compétence. Il a ciblé
Avant de commencer l’enquête de ter- aussi bien des responsables (chefs
rain, il faut faire le choix entre l’ap- de service et chefs de division) dé-

20 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


FOCUS

tenteurs d’expertises pointues que 2.1. Méthode de recueil d’infor-


des cadres confirmés et des cadres mations
nouvellement recrutés. Ainsi, les dif- Le questionnaire a été conçu selon 7
férentes catégories d’intervenants axes de réflexion pour les cadres ju-
dans le traitement de contentieux se ristes et 8 pour les responsables en re-
trouvent représentées. lation avec la thématique du KM. Les
Après l’élaboration du questionnaire, axes ainsi que les buts recherchés par
un test a été effectué auprès d’un res- les questions sont présentés dans le
ponsable et d’un cadre, ce qui a permis tableau suivant :
de faire les ajustements nécessaires.

Tableau 2 :
Thèmes du guide d’entretien

Axe Objectif recherché

• Partage de la • Cerner s’il existe une culture de partage ainsi


connaissance et que des méthodes de capitalisation d’expérience
de l’expérience et de transmission de connaissances

• Transfert et • Voir si le renforcement des compétences en


renforcement de interne est nécessaire aux cadres dans l’exercice
compétences de leur fonction

• Transformation, • Estimer le degré de formalisme des procédures


explicitation de internes et évaluer le potentiel de création de
connaissances connaissances.

• Veille juridique (ou • Savoir s’il existe une veille juridique effectuée
Veille réglementaire) dans les règles de l’art.

• Capitalisation de • Identifier s’il y’a des dispositifs de capitalisation


l’expérience (Gestion d’expérience afin de mieux gérer le risque
du risque juridique) juridique

• Système informatique • Positionnement de l’informatique quant au


KM, disposition des cadres à l’usage des outils
de l’information et de la communication.

• Intérêt de la démarche • Valeur ajoutée du KM à travers la vision des


KM personnes interviewées, sondage sur leur degré
d’adhésion et d’encouragement à la démarche

• Conduite de • Identifier les leviers de changement, les facteurs


changement de succès et les éléments susceptibles de faire
échouer la démarche KM.

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 21


FOCUS

2.2. Lecture des résultats de l’en- nimité, les juristes ont considéré
quête sur le terrain qu’il fallait renforcer les compétences
Les conclusions de l’enquête de ter- également en interne à partir des
rain sont présentées à travers les huit expériences accumulées par les res-
axes mentionnés ci-dessus : ponsables et les collaborateurs expé-
• Partage de la connaissance et de rimentés.
l’expérience  : Les juristes se ren- Que ce soit les cadres ou les respon-
contrent entre eux pour échanger de sables, toutes les personnes inter-
manière généralement informelle. viewées ont estimé que le temps
Bien que des réunions de service se consacré au renforcement des compé-
tiennent, il n’existe pas à ce jour de tences en interne n’était pas suffisant.
réunions programmées régulières Une politique de renforcement de com-
que ce soit entre les cadres eux- pétences en interne par les juristes
mêmes ou entre un responsable et ses les mieux outillés, (en général, les res-
collaborateurs destinées à échanger ponsables) s’avère nécessaire.
et débattre. Par contre, il y’a échange La mobilité et la polyvalence sont
de dossiers « modèles » et de jurispru- deux caractéristiques perçues comme
dence. Des initiatives personnelles essentielles par le personnel.
ont été initiées afin que des réunions • Transformation, explicitation de
d’échange soient organisées de ma- connaissances : Les connaissances
nière régulière, probablement trimes- sont rarement matérialisées ou échan-
trielle, pour débattre de thèmes préa- gées par écrit. A une exception près,
lablement définis. aucun service ne dispose d’un manuel
Les juristes ont considéré à l’unani- de procédures. Toutes les personnes
mité que le partage de connaissance questionnées ont affirmé à l’unani-
était d’une utilité indéniable à leur mité que leurs connaissances tacites
travail et que la gestion des connais- pouvaient et devaient être explicitées,
sances dans une organisation comme et que cela contribuera à des échanges
l’AJR était indispensable et faisable. d’expériences et de savoirs-faires plus
Au même titre qu’ils voudraient bé- formels.
néficier des expériences des autres, • Veille juridique (ou veille régle-
ils sont prêts à partager la leur s’ils mentaire) : Au sein de l’AJR, la veille
étaient sollicités. juridique est une veille stratégique
En ce qui concerne les manières de car elle touche le cœur même de sa
gestion de l’expérience personnelle, mission. A l’unanimité, il est consi-
les réponses étaient disparates. Cer- déré qu’il n’existe pas de veille effec-
tains ne matérialisent leur expérience tuée de manière professionnelle. A
par aucun écrit alors que d’autres part quelques initiatives personnelles
utilisent des fiches manuelles ou des éparses de recherche documentaire
documents de bureautique. manuelle et informatique, il n’existe
• Transfert et renforcement de com- pas de processus de veille intégral.
pétences : Dans ce volet, il convient de L’AJR, et vu le nombre de partenaires
distinguer entre formation en interne avec lesquels elle traite, pourrait
et formation externe. Tout le monde a faire une démarche de benchmarking
considéré que les formations externes auprès d’organisations partageant le
étaient utiles mais qu’elles n’étaient même souci pour s’inspirer d’une dé-
pas à elles seules suffisantes. A l’una- marche de veille à mettre en place.

22 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


FOCUS

• Capitalisation de l’expérience Certaines personnes ont souligné


(gestion du risque juridique) : Il l’importance de disposer d’un serveur
s’agit de capitaliser sur les connais- documentaire qui centralise tous les
sances acquises par les uns et les écrits produits par l’organisation afin
autres pour contribuer à l’améliora- de pousser le partage au maximum.
tion du processus de prise de déci- Le système de gestion des dossiers
sion, notamment en matière de straté- SIGILE44, la GED45, le réseau social in-
gies de défense. Pour ceci, les juristes terne et le mail sont autant d’outils qui
se basent sur leur mémoire en recou- aideront à la gestion de la connaissance.
rant à des dossiers ayant des simi- • Intérêt de la démarche KM : Le
litudes avec le dossier qu’ils sont en KM est ressenti comme une démarche
train de traiter. A l’occasion, les col- nécessaire car la nature même du tra-
laborateurs communiquent entre eux vail l’impose. Celui-ci s’appuie sur la
sur les jugements défavorables pour connaissance juridique et jurispruden-
bénéficier des expériences des autres tielle entre autres, et oblige de fait à
et améliorer les argumentaires de leur échanger et capitaliser. Le KM au sein
stratégie de défense. de l’AJR est une démarche qualifiée
• Système informatique : Seulement
d’utile voire d’indispensable, de réali-
un nombre réduit de personnes uti-
sable, qui bénéficiera aux yeux de tous
lisent le système informatique à des
d’un bon retour sur investissement. Le
fins de capitalisation ou de partage.
KM est également perçu comme une
Pratiquement, aucune personne n’ac-
démarche qui contribuera à l’enrichis-
cède à la base de données jurispru-
sement des potentiels individuels et à
dentielle, et ce, par méconnaissance.
la performance organisationnelle.
Ce déficit en communication s’est fait
sentir au niveau du système intégré • Conduite de changement : D’après
de gestion des dossiers. En effet, per- les responsables, la conduite du chan-
sonne n’a connaissance de l’existence gement doit être participative. Le
de volets servant à capitaliser et à changement doit s’appuyer sur une
échanger. bonne communication en commen-
A l’unanimité, l’on estime l’impor- çant par sensibiliser le personnel sur
tance de la gestion électronique des les retombées positives du KM sur
dossiers et de la valeur ajoutée qu’elle leur carrière.
apportera. Un espace d’échange Il faut considérer la mise en place du
virtuel comme un réseau social in- KM comme un projet à part entière
terne est souhaité pour créer une avec des frontières bien délimitées. On
communauté professionnelle qui va peut interpréter ceci comme une volon-
échanger sous forme de plusieurs té de faire du KM une démarche qui
médias (image, texte, son, vidéo) de aurait ses processus, ses méthodes,
la connaissance (commentaires, docu- ses processus de contrôle et ses flux.
ments, analyses, etc.) et contourner Conduire le changement dans le cas
les limites de la messagerie interne. du KM consisterait, selon les respon-

44. Système Intégré de Gestion Informatisée des Litiges de l’Etat


45. Gestion Electronique des Documents

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 23


FOCUS

sables interviewés, en deux choses de conversion de connaissances à


essentielles : l’image de la matrice de Nonaka :
• l’implication de tous avec une sensi- • La socialisation.  Même si c’est
bilisation du personnel sur les avan- le mode le plus courant au sein de
tages du KM sur le renforcement de l’AJR, il faut également intégrer une
leurs compétences et l’évolution de dimension formelle à travers des dis-
leur carrière ; cussions de groupe mensuelles ou tri-
• une gestion de la mise en place du KM mestrielles pour l’échange, la capita-
comme un projet, ce qui implique une lisation, le transfert de connaissance,
mesure des résultats à l’aide d’indica- etc. Le changement de service serait
teurs. un moyen qui permettra pour un ju-
riste d’être confronté à d’autres expé-
III - La mise en place riences tout en gardant son domaine
de spécialisation. Il faut également
d’une stratégie KM réformer le modèle d’insertion des
au sein de l’AJR nouvelles recrues par un système de
mentorat et/ou tutorat.
Les résultats de l’enquête ont per- •  L’extériorisation. Réalisation
mis de confirmer que le KM est une d’études et leur publication dans un
démarche pertinente, indispensable à bulletin interne afin de les préserver, de
mettre en place au vu la nature même les généraliser aux chargés de conten-
de travail de l’AJR dont le « fond de tieux et d’enrichir le débat : création
commerce » est essentiellement le ca- dans ce journal de tribunes libres pour
pital immatériel. écrire les expériences individuelles ; ré-
Les résultats des questionnaires se daction des manuels de procédures.
sont trouvées confirmés par le dia- • L’intériorisation. Formation en
gnostic interne qui, lui aussi, a conduit interne avec support ; abonnement à
vers la même conclusion, à savoir la des bibliothèques en ligne et généra-
nécessité d’une gestion des connais- lisation des abonnements actuels aux
sances en bonne et due forme. sites juridiques en ligne à l’ensemble
La mise en œuvre du KM doit être du personnel ; appropriation du sys-
considérée comme un projet à part tème informatique SIGILE au travers
entière dont les résultats seront mesu- d’un guide de l’utilisateur final.
rés à l’aide d’indicateurs. • La combinaison. Création d’une cel-
lule de veille juridique et du métier de
1. Démarches de conversion veilleur.
des connaissances Tous ces modes de conversion de
Tel qu’il ressort à l’unanimité des en- connaissance peuvent être initiés aux
tretiens effectués, la mobilité, la poly- différents niveaux hiérarchiques.
valence, les formations en interne et
l’encouragement de l’écrit pour maté- 2. La mise en œuvre du projet KM
rialiser les expériences et les connais- à l’AJR
sances tacites sont une nécessité A la lumière des méthodes de gestion
aujourd’hui pour l’organisation. Les de projets et des bonnes pratiques en
échanges « tacite-tacite » étant mon- matière de KM, nous proposons une
naie courante, il reste néanmoins né- gestion de mise en œuvre du KM selon
cessaire de formaliser tous les modes 6 étapes comme suit :

24 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


FOCUS

Figure 2 :
Etapes de mise en œuvre d’un projet KM au sein de l’AJR
Phase de réflexion / Étude

1 - Réflexion stratégique 2 - Délimitation du projet 3 - Étude de faisabilité

Définir ce qui motive le KM Aligner le projet par rapport aux Aborder les aspects humains et
Identifier les domaines de l’organisation objectifs stratégiques organisationnels techniques
concernés par le KM Formuler de manière claire et précise Etudier le degré de maturité culturelle
Identifier les connaissances à gérer l’objet du KM au sein de l’organisation Estimer le coût et la rentabilité du KM
Réfléchir à la façon de les partager Identifier les parties prenantes du projet Déterminer les compétences requises
Identifier les connaissances à expliciter et leur degré d’implication (services Analyser l’environnement
Définir la nature et le degré de criticité prenant part au KM, détenteurs du
des connaissances. savoir, …
PROJET

bilité
Faisa

CONDUITE DE CHANGEMENT
Phase de concrétisation

4 - Planification 5 - Mise en œuvre


6 - Audit, évaluation
et organisation opérationnelle
Former l’équipe projet et désinger Formation aux nouvelles méthodes Evaluer les résultats atteints
le chef de projet Mettre en œuvre le plan d’action Dresser les bilans individuels
Assigner les tâches Observer les interactions Mener des sondages d’autoévaluation
Etablir un calendrier de réalisation Contrôler les réalisations Mener des enquêtes de satisfaction
Plan d’action Auditer les processus
Plan d’assurance qualité Evaluer le management du projet
Plan de communication

et
du proj
cès
Suc
Phase de maturité
PROCESSUS

7 - Pérennisation

Intégration du KM dans les pratiques


organisationnelles
Adhésion suite aux résultats concrets du
projet
Nouvelle culture organisationnelle
fondée sur le KM
Le KM en tant que processus

Le succès du projet KM est censé dé- tuel organisationnel, les exigences


boucher sur sa pérennisation par la du ministère en matière de trans-
généralisation et par l’adoption de nou- fert de compétences, la recherche de
velles pratiques organisationnelles. l’efficacité ne sont que quelques élé-
ments qui nous poussent aujourd’hui
2.1. Phase de réflexion et étude par la force des choses à adopter une
A ce propos, nous pouvons dire que approche KM à l’AJR. Il faut clarifier
ce modeste travail peut être un socle ceci dans un énoncé clair et concis
à un travail plus approfondi dans un émanant de la direction expliquant
avenir proche. Ce travail a permis de l’adoption du KM et sa contribution
réfléchir à une problématique don- aux objectifs de l’organisation. La
née et de sonder la culture actuelle direction est appelée à identifier les
à travers le panel interviewé. La na- connaissances à gérer, à partager, à
ture du travail, l’existence de profils créer, etc.
particuliers de travailleurs du savoir, Cette phase est à compléter par deux
la protection du patrimoine intellec- autres phases qui consistent à :

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 25


FOCUS

• délimiter clairement le projet : • partager, au fur et à mesure, les ré-


identifier les parties prenantes (ser- sultats du projet, et pas seulement par
vices et personnes impliquées), le sa- une simple publication sur l’intranet.
voir à gérer, le réservoir des connais- Une communication interne sur ce
sances tacites et explicites, ses type de projet doit participer à la nou-
détenteurs, les connaissances à expli- velle culture d’entreprise ainsi mise
citer, à capitaliser, etc. ; en place46.
• étudier la faisabilité du projet : Sans ces documents, le suivi du projet
les résultats de l’enquête de terrain deviendra vite difficile. Nous formu-
ont tous convergé vers le fait que le lons également les recommandations
projet était faisable et qu’il était indis- suivantes :
pensable. Néanmoins, à ce stade, il • Constituer l’équipe projet :
faut éviter que la réflexion soit portée - Chef de services des études juri-
uniquement sur des perceptions pour diques en qualité de chef de projet ;
s’intéresser concrètement aux compé- - Les 3 responsables de divisions (ils
tences à mobiliser, au coût horaire, à sont impliqués dans la chaîne de vali-
l’aptitude, l’attitude, la disposition et dation) ;
la disponibilité des parties prenantes, - 3 cadres à fort potentiel, à raison
etc. d’un par division, chargés de rédiger
Bien sûr, toutes ces étapes se gèrent les fiches de retours d’expériences ;
avec les techniques du management - Les chefs de services métier qui vont
de changement (communication, par- animer les journées de formation en
ticipation, implication du top manage- interne et animer les réunions de ser-
ment, etc.). vice consacrées à l’échange ;
- Un cadre du Service des études juri-
2.2. Phase de concrétisation diques chargé de l’animation du pro-
A ce stade, nous préconisons la rédac- jet KM ;
tion du plan d’action et de manage- - Le responsable de l’informatique
ment (ce que l’on va faire et les procé- qui doit mettre les outils nécessaires
dures associées), du plan d’assurance à disposition du projet KM (intranet
qualité (la manière de bien le faire) et et/ou RSE, application de gestion
du plan de communication. Ce dernier REX,…).
consiste à : • Etablir les calendriers de réalisa-
• mobiliser les détenteurs de la tion, fixer les objectifs opération-
connaissance, en réussissant à les nels et assigner les tâches :
faire entrer dans une logique de «ga- - Pour l’explicitation des connais-
gnant-gagnant» et donc les transfor- sances : Assigner aux 3 cadres la tâche
mer en porteurs de projet ; de réaliser chacun 12 fiches de retour
• obtenir un consensus sur les objec- d’expériences la première année du
tifs puis régulièrement sur les infor- projet sur la base de 36 dossiers im-
mations récoltées, et donc permettre à portants préalablement identifiés et
tout le monde, aux différents niveaux sélectionnés. Le projet se déroulant
de la hiérarchie, de s’intéresser et sur une période de 2 ans, 72 dossiers
d’adhérer aux résultats du projet ; seront concernés par la rédaction de

46. Michaux R. (Consultante en Formation à l’international chez « Automatic Data Processing »), Blog de knowledge
management http://rosettamichaux.over-blog.com

26 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


FOCUS

fiches. Celles-ci seront diffusées dans Ces étapes seront également su-
un premier temps par mail et pu- jettes aux principes de conduite de
bliées sur l’intranet de l’organisation. changement.
- Pour la socialisation : une réunion
d’échanges par semestre pour chaque 2.3. Phase de pérennisation
service. A l’issue d’une évaluation jugée posi-
- Pour l’intériorisation (formations en tive, le projet est appelé à devenir un
interne) : une formation assurée pen- ensemble de pratiques à généraliser.
dant 2 jours successifs par le chef de Pour le retour d’expérience, les trois
service pour ses cadres et les cadres cadres qui étaient chargés de la rédac-
des autres services à raison d’un bé- tion des fiches joueront le rôle de men-
néficiaire par service. tors auprès de leurs collègues de la
- La combinaison se fait à travers des division. La démarche ne se focalisera
études avec un noyau central qui est pas uniquement sur les dossiers déjà
la veille juridique. La constitution archivés comme lors du projet, mais
d’une unité de veille juridique doit englobera également les dossiers im-
être appréhendée comme un projet portants jugés définitivement et prêts
à part entière. à être définitivement archivés.

Avant de passer à la mise en œuvre
2.4. Conduite de changement
opérationnelle, le chef de projet aura
Sachant qu’une stratégie KM n’est ni
pour mission la formation des interve-
plus ni moins qu’une nouvelle façon de
nants aux nouvelles méthodes.
voir les choses, il faut se pencher désor-
La mise en œuvre opérationnelle
mais sur la manière de conduire effi-
consistera à mettre en œuvre le plan
cacement le changement, et ce tout au
d’action préalablement tracé. La mise
long du projet de mise en œuvre du KM.
en œuvre du KM est un projet qui doit
Concevoir, conceptualiser, ou adap-
durer 2 ans. Au cours de sa mise en ter des méthodes en faveur du KM est
œuvre, le chef de projet est appelé à certes nécessaire mais pas suffisant
juger les interactions, à solutionner étant donné le changement que peut
les blocages éventuels et bien sûr à apporter le projet et les éventuelles
contrôler les réalisations. résistances qui peuvent naître par
Une phase d’évaluation consistera à la exemple de l’incertitude, de l’incom-
fin du projet à évaluer numériquement préhension ou de l’appréhension.
les indicateurs opérationnels (nombre Par rapport à cela, nous pouvons
de fiches de retour d’expériences prendre comme référence les 10 prin-
rédigées, nombre de formations en cipes de réussite de changement énon-
interne, nombre de bénéficiaires, cés dans les travaux de J. Jones, de A.
etc.), à estimer le gain apporté par la Aguirre et M. Calderone47 :
démarche (renforcement de potentiel, • Prendre systématiquement en
transfert de compétences, etc.) et bien considération le côté humain : il
sûr à décider de l’avenir du projet. faut formaliser la gestion du chan-

47. Jones J., Aguirre D. et Calderone M., “10 principles for change management. tools and techniques to help companies
transform quickly”, Strategy + Business Magazine, Booz Allen and Hamilton, 2004, http://www.strategy-business.com/
article/rr00006?pg=all

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 27


FOCUS

gement avec la participation des appuient les nouvelles façons de faire.


dirigeants et des intervenants clés. Il faut modéliser et récompenser les
Comme le changement passe souvent nouveaux comportements. Cela néces-
par l’organisation, les personnes se- site le développement d’une feuille de
ront affectés et risquent de résister si route, la définition explicite d’un état​​
elles ne sont pas impliquées. Le chan- final ou culture souhaitée, et l’élabo-
gement doit commencer par l’équipe ration de plans détaillés pour faire la
dirigeante. transition.
• Commencer le changement par le • Se préparer aux éventualités :
sommet de la hiérarchie : le change- Aucun programme de changement
ment étant en soi inquiétant, le chan- n’épouse parfaitement le programme
gement de méthodes des dirigeants planifié. Gérer efficacement le chan-
peut encourager et motiver ; gement nécessite une réévaluation
• Impliquer les acteurs des dif- continuelle de son impact et de la
férents niveaux hiérarchiques : volonté et de la capacité à adopter
comme le changement va affecter la prochaine vague de transforma-
l’organisation dans son ensemble, re- tion de l’organisation. Les leaders
pérer les cadres à fort leadership des du changement doivent être capables
différents niveaux hiérarchies afin de de faire les ajustements nécessaires
pouvoir opérer le changement en cas- pour maintenir la dynamique et gé-
cade nérer des résultats.
• Formaliser le changement : L’en- • Communiquer individuellement :
gagement des individus est tributaire Les individus doivent savoir comment
d’un énoncé clair de la vision straté- leur travail va être impacté par le
gique. Cet énoncé clair est l’occasion changement, et ce que l’on attend
de créer ou de contraindre l’aligne- d’eux pendant et après le programme
ment des équipes. de changement. Ils doivent également
• Favoriser l’appropriation : L’ap- savoir comment ils seront évalués, et
propriation est toujours préférable. comment le succès ou l’échec se tra-
Elle est créée par la participation des duira concrètement pour eux et ceux
gens à l’identification des problèmes qui les entourent.
et à l’élaboration de solutions.
• Soigner la communication : La Conclusion générale
communication doit contribuer au
changement par la communication de Le travail a consisté au départ à défi-
messages et de conseils opportuns. nir ce qu’il faut entendre par le KM et
• Évaluer l’environnement culturel : les bénéfices qu’il engendre. Le KM
Les dirigeants doivent comprendre et n’est pour ainsi dire qu’un ensemble
prendre en compte la culture domi- de pratiques pour la sauvegarde de
nante de leur organisation. la mémoire de l’organisation. L’étude
• Cibler explicitement la culture : du contexte a présenté la spécificité
Une fois la culture comprise, elle doit du travail que réalise l’AJR dans son
être traitée minutieusement à travers environnement et a permis de se faire
un programme de changement. Les une idée sur l’opportunité du recours
dirigeants doivent être explicites sur au KM comme moyen d’amélioration
la culture et les comportements sous- des compétences individuelles et de
jacents qui répondent au mieux et qui la performance organisationnelle.

28 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


FOCUS

Comme tout projet, la mise en place gique. Une autre condition de réus-
du KM doit être tributaire tout d’abord site dépend des méthodes employées
d’un diagnostic objectif afin de ne pas qui doivent être simples, compréhen-
déboucher sur une voie irréaliste par sibles et adaptées. Ces méthodes ou
la suite. A l’issue du diagnostic, des manières de faire ne doivent en aucun
recommandations ont étés formu- être une charge entravant la bonne
lées pour capitaliser les expériences marche du service ou être perçues
et renforcer les compétences indivi- comme tel n
duelles par rapport aux différents
modes de conversion.
La technologie pour le KM va servir Références
plus à partager qu’à stocker. Tout sau-
vegarder n’a pas d’utilité. Stocker ce bibliographiques
qui est le plus important pour le par-
Ouvrages
tager est profitable aux individus et à
• Balmisse G, « Gestion des connaissances :
l’organisation. Ainsi la gestion élec- Outils et applications du knowledge Manage-
tronique de la jurisprudence et des ment ». Vuibert, Paris 2002, 266 pages.
retours d’expérience, l’intranet ou un • Davel E. Tremblay D.G., « Formation et
réseau social interne sont des dispo- apprentissage organisationnel : La vitalité de
sitifs qui visent à permettre un accès la pratique ». Québec : Presse de l’Univer-
généralisé à la connaissance. Le sys- sité du Québec, 2011, 285 pages.
tème intégré est un outil contribuant • Décaudin J-M., Igalens J., Waller S., « La
au partage et il est urgent de mettre communication interne : Stratégies et tech-
niques ». 3ème édition, Dunod, 2013, 210
en place un système de tutorat pour
pages.
que les usagers se l’approprient plei- • Delesse C., « Personnalisez l’intelligence
nement. économique : De la compréhension à l’ac-
La mise en place de projet de KM au tion », La Plaine Saint-Denis : AFNOR Édi-
sein de l’AJR doit se faire selon une tions, 2011, 125 pages.
logique de gestion de projet combi- • Dieng-Kuntz R. Corby O., Gandon F., Gi-
née à une conduite de changement. boin A., Golebiowska J., Marta N., Ribière
L’estimation de la valeur ajoutée du M., « Méthodes et outils pour la gestion des
projet se basera sur des valeurs d’in- connaissances ». 2ème édition, Paris. Dunod,
2001, 372 pages.
dicateurs tangibles mais pas seule-
• Fourmy M, « Ressources humaines ; Stra-
ment. Elle englobera également une tégie et création de valeur : Vers une écono-
part d’appréciation subjective basée mie du capital humain ». Paris : Editions
sur des perceptions en matière de Maxima, 2012, 327 pages.
renforcement des compétences. Cette • Prax J-Y., « Le guide du Knowledge Mana-
combinaison d’évaluation permettra gement ». Paris : Dunod, 2000, 265 pages.
la pérennisation du KM au sein d’une • Prax J-Y, « Le manuel du Knowledge Mana-
organisation qui en a grand besoin. gement ». 3ème édition, Paris : Dunod, 2012,
La réussite du KM dépend beaucoup 514 pages.
• Prieur P. & Veybel L., « Le Knowledge Ma-
de l’implication des hommes et des
nagement dans tous ses états : La gestion des
méthodes. Il faut veiller au cours du connaissances au service de la performance ».
projet à garder un niveau de motiva- Éditions d’Organisation, 2003, 129 pages.
tion constant au niveau opérationnel • Storhaye P. & Bouvard P., « Knowledge
et une croyance certaine en l’apport Management Vade Mecum », Editions Ma-
du KM de la part du niveau straté- nagement et société, 2002, 144 pages.

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 29


FOCUS

Articles de revues and techniques to help companies transform


• Nonaka I., « L’entreprise créatrice de sa- quickly”, Strategy + Business Magazine,
voir », Harvard Business Review, 3ème ti- Booz Allen and Hamilton, 2004. http://
rage, Paris : Editions d’organisation, 1999, w w w.s tr ategy-business.com/ar t icle/
pages 35-64, 277 pages. rr00006?pg=all
• Oubrich M., « L’intelligence économique : • Michaux R., « Blog de Knowledge Mana-
une réponse aux problématiques de création gement ». Consulté en ligne le jeudi 9 oc-
des connaissances », Gestion 2000, 2004, tobre 2014  : http://rosettamichaux.over-
juillet-août 2004, pages 51-73, 23 pages. blog.com
• Prax J-Y., « Le management des connais-
Articles en ligne (Blogs) sances : des concepts aux expériences, des
• Ballay J.F., « Plutôt que knowledge mana- expériences à la méthode », 1998, 17 pages.
ger, animateur de réseaux », http://www. Consulté en ligne le 29 janvier 2014 :
jou r n a ldu ne t . c om / s olu t ions/ emploi/ http://communicationorganisation.revues.
dossier/0504km/_ballay.shtm org/2024
• Jones J., Aguirre D., CalderoneM., “10
principles for change management. tools

30 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

La recherche sur l’entreprise familiale :


évolution, principales réalisations
et perspectives d’avenir
Résumé. Cette communication a pour objet de présenter les principales évolutions
passées et les tendances futures relatives à la recherche sur l’entreprise
familiale, découlant de la revue des états de l’art tels que documentés par
plusieurs chercheurs dans ce domaine. Deux principales conclusions peuvent
être dégagées : premièrement, un progrès significatif a été noté dans ce champ
de recherche, dont témoigne l’évolution exponentielle des recherches effectuées
sur les 30 dernières années ; deuxièmement, une conviction assez large a été
comfirmée au sein de la communauté scientifique quant à l’importance du travail
Abderrahmane restant à faire pour explorer et expliquer le phénomène « entreprise familiales».
SALHI
Doctorant en Mots-clés. Entreprise familiale, état de l’art, thèmes des recherches, réalisations,
Science de
Gestion CEDOC
orientations futures.
Groupe ISCAE
asalhi_doct17@groupeiscae.ma

Abstract. The purpose of this research paper is to present the main past
developments and future trends in family business research arising from the
review of the state of the art as documented by several researchers in this
field. Two main conclusions can be drawn: Firstly, a significant progress has
been noted in this field of research, evidenced by the exponential evolution of
the research carried out during the last 30 years; Secondly, there has been a
widespread belief within the scientific community about the importance of the
work still to be done to explore and explain the phenomenon «Family business».

Keywords. Family business, state of the art, research topics, achievements,


future orientations.

Introduction raison de son image «déconsidérée»


dans la recherche et de modèle
Malgré son ancienneté et son organisationnel obsolète.
importance économique, l’entreprise Tout récemment, et compte tenu de
familiale, était perçue, pendant cette importance de l’entreprise fami-
long temps, comme étant un liale dans le tissu économique mon-
modèle dépassé dans la littérature dial et, notamment, en raison de ses
économique et académique. Elle était, spécificités en tant que modèle por-
jusqu’à une date récente, absente des teur de certaines valeurs humaines,
débats académiques sur les systèmes comparativement à l’entreprise dite
de gestion et de gouvernance des «managériale», plusieurs chercheurs
entreprises  et ce, notamment en se sont attelés à explorer ses par-

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 31


DOSSIER

ticularités. L’entreprise familiale 1. Evolutions de


est devenue un nouveau champ de
recherche très attractif en raison
la recherche sur
de plusieurs spécificités découlant l’entreprise familiale
de l’interface entre deux systèmes :
le système « famille » et le système 1.1. L’Entreprise familiale :
« entreprise ». Par ailleurs, l’exten- jusqu’à une date récente, occultée
sion des activités des entreprises par la littérature sur l’entreprise
familiales, la recherche de l’effica- «managériale».
cité et la sauvegarde du patrimoine Plusieurs chercheurs sont d’avis que
familiale à travers les générations l’entreprise familiale a été, pendant
futures continuent à interpeller les longtemps, frappée d’une image dé-
chercheurs intéressés par cette typo- considérée dans la recherche. Elle a
logie d’entreprise. été « considérée comme une forme dé-
Le domaine de recherche sur l’entre- suète d’entreprise, renvoyée dans les
prise familiale a connu, depuis les douves de l’histoire, signe d’un déclin
années quatre vingt, une véritable annoncé (souhaité ?), face a un capi-
contagion des idées, donnant lieu à talise managérial triomphant et domi-
une profusion et une pluridisciplinari- nant » Allouche et Amann (2000)1. Ces
té des recherches, en particulier dans auteurs avancent plusieurs raisons
la littérature anglo-saxonne. Ainsi, pour expliquer ce désintérêt :
cette forme d’organisation est devenue • Une première raison qui est la coïn-
un objet de recherche pour les écono- cidence, à partir du 19ème siècle, avec la
mistes, les gestionnaires, les juristes, montée en puissance du capitalisme
les sociologues, les historiens, les psy- managérial aux Etats-Unis, devenus la
chologues, les ethnologues, etc. première puissance économique mon-
Etant convaincu que pour com- diale ; poussant à déduire que le capi-
prendre le présent et se projeter dans tal managérial américain, marqué par
le futur, il est important d’apprécier l’ouverture du capital, serait plus per-
le passé, plusieurs chercheurs dans formant que toutes autres formes alter-
le domaine de l’entreprise fami- natives. Cette situation, a contribué,
liale ont procédé à une revue des re- selon les mêmes auteurs, à éloigner les
cherches passées en vue d’unifier les chercheurs de l’étude des formes d’or-
tendances de recherches et les idées. ganisation à propriété concentrée.
Nous présentons, d’une manière syn- • Une deuxième raison réside dans
thétique, dans cette communication, les travaux de certains historiens de
des revues des recherches passées, l’économie qui ont contribué à margi-
réalisées par plusieurs chercheurs à naliser les entreprises familiales, au
des intervalles de temps qui se suivent. moins comme un sujet de recherche.
Ces revues présentent les principales Lesdits travaux avancent que les
réflexions des 25 dernières années de retards de certaines économies par
la recherche sur l’entreprise familiale rapport aux Etats-Unis seraient dus
et tracent ses principales perspectives à la prédominance de cette typologie
pour l’avenir. d’entreprises dans leurs économies.

1. Allouche, J. ; Amann, B. L’entreprise familiale : Un état de l’art, Revue Finance, Contrôle, Stratégie (2000), P34.

32 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

• Une troisième raison est liée au pro- - L’autre raison consiste au fait que
fil des premiers chercheurs qui se sont l’entreprise familiale a longtemps été
intéressés à l’entreprise familiale est considérée comme une phase transi-
qui sont, généralement, des consul- toire vers une organisation de type
tants financiers ou des thérapeutes managérial ; c’est ainsi que Caby et
familiaux, ayant fait des publications Hirigoyen (2002) précisent que la
peu propices à la structuration d’un résistance à étudier l’entreprise fami-
champ de recherche. liale s’explique par la croyance quasi
• Une quatrième raison est liée à la immanente quand à l existence d’une
mutation de l’entreprise familiale elle- évolution irrésistible des entreprises
même ; en effet, l’entreprise familiale vers un modèle de direction profes-
du 19ème siècle, se trouvant entre les sionnelle dans la lignée des analyses
mains exclusivement d’une petite fa- de Berle & Means sur le développe-
mille, n’est plus celle de ce jour ou il y ment de l’entreprise managériale.
a, en plus de cette forme classique, des En effet, Berles et Means (1932),
multinationales, de taille mondiale, ont constaté une forte dispersion de
mais à propriété familiale diffuse. l’actionnariat dans les grandes en-
• Une cinquième raison, qualifiée treprises américaines et une forte
d’idéologique qui amplifie les précé- séparation entre la propriété et le ma-
dentes raisons, c’est que l’entreprise nagement. Chandler (1988) estime que
familiale a été souvent considérée la croissance des entreprises en taille
« l’entreprise diabolisée (prégnance et en diversité et la professionnalisa-
du mythe des 200 familles), était la tion de leurs managers ont aboutis
mal aimée, la male vécue, le lieu du à séparer la propriété de ces entre-
profit abhorré, le lieu d’aliénation prises dans leur gestion.
et de dépérissement individuel » Al- Par ailleurs, Marchesnay (2004),
louche et Amann (2000), P.5. indique qu’après la seconde guerre
En plus de la raison liée à la montée mondiale, les progrès du management
en puissance du capitalisme managé- incitent à la recherche de la grande
rial, Lwango (2009), a parlé dans sa dimension, à la planification, à la hié-
recherche2, de deux autres principales rarchisation et à la formalisation. La
raisons : petite entreprise et le « petit patron »
- Tout d’abord, les chercheurs ont apparaissent comme des catégories
trouvé du mal à retenir comme voie dépassées, du fait de la course aux
de recherche, d’étudier deux systèmes économies d’échelle et à la grande
fonctionnant avec deux logiques com- taille. Les grandes entreprises sont
plètement opposées : «  l’entreprise » supposées être plus performantes,
conduite par des valeurs rationnelles, plus innovatrices et plus rentables.
et « la famille » conduite par de l’affec- La petite entreprise qui réussit à
tif. A ce choix des chercheurs, s’ajoute survivre est appelée à devenir plus
la difficulté de trouver des données grande, et à se transformer en organi-
empiriques sur les interactions entre la sation “managériale”.
famille et entreprises (Lansberg et al. C’est dans un contexte marqué par la
1998). valorisation des compétences des ma-

2. Albert B.R.Lwango.(2009), Entreprise familiale : une littérature à fonder sur les objectifs familiaux.

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 33


DOSSIER

nagers professionnels, que c’est concen- dominent les petites entreprises. De


tré la recherche sur l’entreprise mana- plus, celles-ci semblent avoir souvent
gériale ; et c’est dans cette perspective mieux résisté aux crises successives.
que la gouvernance de l’entreprise La réhabilitation de l’entrepreneur et
s’est développée, avec comme préoc- de l’esprit entrepreneurial, incarné
cupation de protéger les richesses des dans le créateur d’entreprise, se fera
différentes parties prenantes au sein dans les années 70, et s’intensifiera
d’une entreprise dirigée par des mana- dans les années 80.
gers non propriétaires. Selon Davis (1983), les débat sur la
Ce n’est qu’à partir du milieu des survie des grandes entreprises ont
années 80 que l’attention des profes- porté sur les aspects liés à la capa-
sionnels, des chercheurs et des uni- cité et à la compétence et ont ignoré
versitaires a porté sur le phénomène la dimension intentionnalité et enga-
«Entreprise Familiale». L’entreprise gement ; deux dimensions présentes
familiale qui a bénéficié, avant, de dans l’entreprise familiale, et qui lui
peu d’intérêt au 19ème et début du 20ème ont permis selon le même auteur, de
siècle, s’est affirmée comme étant une faire face aux crises, mieux que l’en-
voix de recherche prometteuse. Les treprise managériale.
raisons de cet intérêt récent sont pré- Par ailleurs, Davis et Stern (1988),
sentées ci après. indiquent que les membres de l’école
traditionnelle des Relations Humaines
1.2. Recul de l’entreprise et ceux de l’école Sociotechnique dé-
managériale et regain d’intérêt de crivent la performance de l’entreprise
l’entrepreneuriat dans la recherche comme étant une dérivée de l’agréga-
Ce n’est qu’après la crise des années tion des comportements individuels,
70-80, selon Allouche et Amman (2000), ce qui est en marge, notent-ils, du mo-
que l’espace entrepreneurial a été ba- dèle bureaucratique wébérien domi-
nalisée pour devenir un lieu nouveau nant dans lequel l’individu n’a aucune
de pacification sociale. Ces chercheurs importance en dehors de sa contri-
estiment que, lors de ces années de bution fonctionnelle aux processus
crise, la grande industrie a perdu du de l’entreprise. Compte tenu de cela,
terrain, et un recul des convictions Lwango (2009)4 précise que « les in-
dans les capacités de la grande entre- quiétudes exprimés par les l’école des
prise a été noté, au profit des petites Relations Humaines et les recomman-
entreprises qui se sont appuyées sur dations des théoriciens Sociotech-
leur flexibilité pour s’adapter aux nou- niques laissent présager la difficulté
velles conditions du marché. que devra connaitre la grande entre-
Face à leur échec dans leur réponse prise, cette dernière n’a pas intégré
à la crise des années 70, Marchesnay la dimension humaine dans les tech-
(2004)3, indique que les grandes entre- niques de management et de prise de
prises ont perdu leur légitimité. Il es- décision ».
time que les créations nettes d’emploi L’entreprise familiale, trouve en re-
viennent des secteurs d’activité où pré- vanche son avantage dans la prise en

3. In, Lwango (2009).


4. Lwango, A.B.R, «Entreprise Familaile : Une littérature autonome à fonder sur les objectifs familiaux», LCEECIS,
Lauvain School of Management, Page 8.

34 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

compte de la dimension humaine. En prenariat trouve sa raison dans l’asso-


effet, Davis et Stern (1988) estiment ciation simultanée de l’entreprenariat
que l’entreprise familiale demeure et de l’entreprise familiale à la petite
une entité viable. En période de crise, taille (Lwango, 2009). Ces deux der-
la dimension humaine devient un niers sont souvent opposés à la grande
atout précieux. entreprise managériale.
Par ailleurs, selon (Chrisman et Al.,
1.3. Développement da la recherche 2003), se sont les familles qui sont à
entrepreneuriale et émergence de la base de la création et du démarrage
l’entreprise familiale d’un grand nombre d’entreprises nou-
Le phénomène «  entreprenariat  » a velles ; (Astrachan, 2003) conclut que
commencé à susciter un véritable l’entreprise familiale est clairement
intérêt chez les chercheurs à partir un sujet important de l’entreprena-
des années 70 et ce, après une longue riat. C’est ainsi que (Chrisman et al.,
ignorance par la théorie économique 2003) reconnaissent que la recherche
(Baumol, 1968). Ce phénomène a posé entrepreneuriale n’a pas ignoré les
dès le début le problème de sa délimi- entreprises familiales. Cependant,
tation. Il en témoigne l’absence d’une ils ont constaté que cette recherche
définition unanime du terme « entre- n’a pas traité la dimension familiale.
preneur » (Brockhaus, 1994). Ils évoquent5, à ce sujet, un lien entre
Dès le début, la tendance était d’inté- la recherche en entrepreneuriat et la
grer la recherche en entreprise fami- recherche en entreprise familiale  :
liale dans ce vaste champ de l’entre- « La famille soutient et influence les
prenariat (Lwango, 2009). La question activités et le type de l’entrepreneu-
de l’entreprise familiale a été sou- riat et l’entrepreneuriat appelle à com-
vent agrégée à celle de l’entreprena- prendre comment les ressources de la
riat (Litz 1995). Cependant, les deux famille peuvent être exploitées pour
champs ne partagent pas le même comprendre aussi la performance de
contenu, même si ils se chevauchent l’entreprise ».
sur certains aspects (Amann, 2000). Ces deux types de recherches re-
En effet, la recherche sur l’entreprise tiennent « l’entreprise » comme voie
familiale s’intéresse à la propriété, commune et comme principal système
à la gestion et à la continuité d’une en étude ; ensuite, ses aspects straté-
connexion intra-organisationnelle à giques, sa gestion, sa production et sa
base familiale et d’une implication performance. Et enfin, ces recherches
familiale à travers les générations, portent attention sur les dimensions
alors que le thème entreprenariat temporelles, telles que les phases et
est l’initiative organisationnelle avec transitions comportant  : le démar-
la création et le démarrage d’entre- rage, la croissance, la maturité et la
prises nouvelles comme acte straté- disparition de l’entreprise (Rogoff et
gique fondamental (Rogoff et Heck, Heck, 2003).
2003). Le développement de la recherche sur
Toutefois, l’étude de l’entreprise fami- l’entreprise familiale et la prise en
liale dans le vaste champ de l’entre- compte de la dimension familiale en

5. Chrisman et ali, 2003, In Lwango, (2009) A.B.R, « Entreprise familiale : une littérature autonome à fonder sur les ob-
jectifs familiaux, CRECIS, Lauvain School of Management, p.11.

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 35


DOSSIER

entrepreneuriat a été aussi favorisé des recherches empiriques. Ces re-


notamment par un contexte américain cherches ont portés majoritairement
caractérisé par le vieillissement de la sur les domaines génériques suivant :
population entrepreneuriale, lequel a Organisation, Stratégie et Manage-
posé une question devenue urgente ment en général.
liée à la succession et qui demeure En 1994, Allouche et Amann ont pro-
d’actualité. Lwango, (2009). cédé à une consultation de la base
de données bibliographique ABI-
1.4. Développement récent de PROQUEST7 sur le mot-clef « fami-
la recherche autour de l’entreprise ly-owned-business  », sur la période
familiale allant de 1986 à 1994. Cette consul-
Allouche et Amann (2000), précisent tation a identifié 582 références, soit
que c’est à partir des années quatre- 33 références en moyenne par année
vingt que les recherches sur l’entre- entre 1986 et 1991 et 129 références
prise familiale se sont développées, en moyenne par année entre 1992 et
ces deux chercheurs parlent de véri- 1994. La même consultation, effec-
table contagion des idées autour de tuée par Lwango (2009) sur la période
l’entreprise familiale. Cette dernière 1995-2005, a identifié 5900 références
est devenue un objet de recherche avec une moyenne de 590 études par
pour les économistes, les gestion- année.
naires, les juristes, les sociologues, Par ailleurs, une recherche, effec-
les historiens, les psychologues, les tuée en 2004 sur le site ABI-inform
ethnologues, … par Sharma (2004), a indiqué que le
Ces recherches sont majoritairement nombre d’articles portant sur l’entre-
anglo-saxonnes  ; toutefois, des tra- prise familiale dans les revues à co-
vaux dans ce domaine ont été notés mité de lecture a connu une augmen-
en France. Ce qui a été constaté par tation très importante : en passant de
plusieurs chercheurs sur ce domaine, 33 articles jusqu’à 1989, à 110 articles
c’est d’abord une profusion contempo- sur la période de 1990 à 1999, et à 195
raine des recherches sur l’entreprise articles sur les quatre années de 2000
familiale et leur caractère pluridisci- à 2003.
plinaire. Cette épidémiologie des analyses est
En 1986, une recherche6 sur le Social due, selon Allouche et Amann (2000),
Sciences citations Index révélait que aux spécificités de l’entreprise fami-
53 articles sur les entreprises fami- liale « qui mêle trajectoires indivi-
liales ont été publiés depuis 1977 duelles, trajectoires familiales et tra-
dont une quinzaine étaient fondés sur jectoires d’entreprises »8.

6. Riordan. D (1988) , in Allouche, J. ; Amann, B. L’entreprise familiale : Un état de l’art, Revue Finance, Contrôle, Stra-
tégie ( dec 1999), p. 34.
7. ABI-PROQUEST rassemble les articles de plus de 1000 publications scientifiques anglo-saxonnes, les principaux work-
ing-papers et les principales thèses.
8. Allouche, J. ; Amann, B. L’entreprise familiale : Un état de l’art, Revue Finance, Contrôle, Stratégie ( dec 1999), p. 6.

36 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

2. Etat de la recherche et al. (2009) et, finalement, Short et al.


(2016).
sur l’entreprise familiale
selon la littérature 2.1. Evolution de la recherche selon
  Handler (1989)
Sharma (2004) considère que, au fur L’une des premières revues de l’état
et à mesure que la recherche sur un de l’art est celle de Handler qui date
champ particulier se développe, il de 1989. Ce chercheur considère
devient important de s’arrêter un que, malgré la prédominance des en-
moment pour faire un bilan en vue treprises familiales dans l’économie
d’évaluer le progrès effectué et d’iden- américaine, la recherche dans ce do-
tifier les nouvelles directions futures maine était relativement limitée avant
à suivre, à même de permettre d’avoir 1975. Depuis cette date, la recherche
une compréhension approfondie du sur l’entreprise familiale a évolué des
phénomène étudié. discussions initiales, portant sur les
Dans ce sens, plusieurs chercheurs frontières entre la famille et l’entre-
ont effectué des mise au points sur prise, pour toucher à d’autres théma-
l’état des études empiriques et théo- tiques qui ont émergé et qui ont eu l’at-
riques réalisées sur l’entreprise fa- tention des chercheurs telles que : la
miliale. Il s’agit principalement des succession (Davis, 1982 ; Dumas, 1998 ;
chercheurs suivants, listés chronolo- Handler, 1989 ; Lansberg,1988) ; la
giquement, sans toutefois prétendre culture (Astrachan, 1988 ; Dyer 1986) ;
à leur exhaustivité : Handler, (1989) ; la planification stratégique (Ward,
Wortman (1994) ; Sharma, Chrisman 1987), la structure familiale (Bateson,
& chua (1997) ; Allouche & Amann 1972 ; Bowen ; 1978...) , la généra-
(2000) ; Sharma (2004) ; Zara & Shar- tion de la relève (Birly, 1986 ; Ward &
ma (2004) ; Casillas & Acedo (2007) ; Patrick, 1986…) ; le conseil d’adminis-
Debicki et al. (2009) ; Chrisman, tration (Danco & Jonovic, 1981, Ward
Killermanns, Chan & Lian (2010), 1988) ; l’implication de la femme dans
Short et al. (2015). Chacun de ces l’entreprise familiale (Danco, 1981 ; Du-
chercheurs a apporté son points de mas, 1988 ; Lyman, 1988).
vue sur les recherches réalisées en Toutefois, Handler (1989) estime que
termes de niveau d’analyse et de ty- plusieurs de ces recherches n’ont trai-
pologie des thèmes abordés et a pro- té que d’une manière superficielle les
posé des pistes de recherches futures complexités liées à ces sujets ainsi
à même de faire avancer ce champ de que les éventuelles similarités de l’en-
recherche. treprise familiale à d’autres formes
Nous présenterons, dans les titres organisationnelles.
suivants, les principaux points sur L’auteur estime que, en vue de struc-
l’état de l’art et sur les orientations turer et de développer ce champ de la
futures en matière de recherche sur recherche, 5 points méthodologiques
l’entreprise familiale effectués sur critiques doivent être observés lors
des périodes différentes durant les 25 des recherches futures sur cette forme
dernières années successivement par d’organisation :
Handler (1989), Wortman (1994), Al- • Définir l’entreprise familiale :
louche et Amann (2000), Chrisman et Handler (1989) estime qu’il a n y a pas
al. (2003) et Sharma (2004) ; Debicki de certitudes sur ce qui définie une

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 37


DOSSIER

entreprise familiale, étant donné que pement du domaine de la recherche


le terme « entreprise familiale » peut sur les entreprises familiales en tant
inclure les toutes petites entreprises que champ avec des implications théo-
informelles, jusqu’à la grande entre- riques et pratiques uniques.
prise. et estime que toute définition a
besoin d’être spécifique sur comment 2.2. Evolution de la recherche
elle considère ces différentes formes. sur l’entreprise familiale selon
• Présenter la méthodologie de re- Wortman (1994)
cherche : Handler (1989) estime que Wortman (1994), estime que, mal-
la valeur et l’utilité de toute recherche gré le développement de plusieurs
est basée en partie sur la méthodolo- modèles conceptuels pour le champ
gie selon laquelle elle a été conduite. de l’entreprise familiale, ce dernier
Il estime qu’il est important que les ne dispose pas encore de paradigme
chercheurs discutent de l’usage et de unifié et souffre d’un manque de
les implications de leurs méthodes. cadre interprétatif cohérent. Certes,
• Recourir à l’auto-vérification : certains travaux conceptuels ont été
Handler (1989) estime qu’il y a un be- rédigés durant les la période 1985-
soin que les chercheurs soient expli- 1994, toutefois, l’auteur estime que
cites sur leurs contextes, leurs rôles, leur majorité était orientée vers des
et leurs hypothèses personnelles aspects très spécifiques des entre-
guidant la recherche. Ces éléments prises familiales  : l’intégration du
permettront, selon lui, à tout lecteur système famille et du système entre-
d’avoir une meilleure compréhension prise (Kepner, 1991 ; Whiteside &
du contexte de la recherche et l’in- Brown, 1991…) ; un cadre conceptuel
fluence personnelle du chercheur. de recherche incluant les critères de
• Ne pas baser sa recherche sur des succès dans les entreprises familiales
projets relevant du conseil : Lorsque (Churchill & Hatten, 1987) ; le déve-
la recherche occupe un plan secon- loppement de l’entreprise familiale
daire dans un projet, les résultats ne orienté vers les aspects familiaux de
peuvent que refléter cette position. l’entreprise y compris le fondateur, les
• Recourir à des méthodes de re- concepts de stade de développement et
cherche : Handler estime que les re- les approches systèmes (Hollander &
cherches sur les entreprises familiales Elman, 1998) ; et un cadre conceptuel
sont typiquement orientées vers des pour la finance incluant le contrôle
études de cas, basés sur des question- la liquidité et les besoins en finance-
naires ou sur des entretiens pour la ments (Dreux 1990).
collection des données. Handler (1989) Wortman (1994) estime qu’a cause
estime que la combinaison de plusieurs d’un manque de cadre théorique inter-
méthodes, incluent les entretiens, l’ob- prétatif, le champ de recherche de l’en-
servation participante, les enquêtes, treprise familiale n’a pas évolué aussi
la quasi expérimentation devrait per- rapidement qu’il devrait l’être ; et pré-
mettre d’avoir une description plus sou- cise que «one ne sait pas réellement com-
tenue, de la rigueur dans la recherche ment est ce champs de recherches dans sa
et de la cohérence des résultats. globalité ni où se trouvent ses frontières»
Handler (1989) estime que la prise en (P.4).
compte de ces cinq recommandations Compte tenu de cela, Wortman (1994)
seraient bénéfiques pour le dévelop- a proposé une typologie des re-

38 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

cherches dans le domaine de la straté- ments externes et internes qui leurs


gie de l’entreprise familiale basée sur sont spécifiques.
6 catégories : les composantes théo- • Les études organisationnelles :
riques, les composantes historiques, l’auteur a constaté aussi l’absence
les composantes environnementales, d’études sur les contextes organisa-
les contextes organisationnels, les tionnels spécifiques aux entreprises
composantes de contenu et finalement familiales ; et recommande d’étu-
le futur des entreprises familiales. dier l’impact des facteurs culturels
Sur la base de cette catégorisation, et gouvernementaux et ceux liés aux
l’auteur a procédé à une classifica- contextes globaux sur les dimensions
tion des recherches effectuées jusqu’à organisationnelles des entreprises fa-
1994. Ce travail lui a permis d’identi- miliales.
fier les segments qui nécessitent plus Compte tenu de ce travail de classi-
d’efforts de recherche dans le futur. Il fication des recherches sur les entre-
s’agit essentiellement des typologies prises familiales, Wortman (1994)
suivantes : estime qu’un progrès significatif a
• Les études théoriques : l’auteur été enregistré dans le champ de re-
estime qu’il y un besoin très cherche sur la période 1885-1994. Il a
important de développer des cadres noté que la cadence des recherches
théoriques à même de permettre a doublé durant la période 1990-1994
d’avoir des relations de causes-à- et estime à cette époque qu’elle va
effets dans les entreprises familiales. encore doubler sur les 5 années qui
Il recommande de transférer des suivent.
concepts appropriés appartenant à Enfin, la typologie que Wortman
différentes disciplines (management, (1994) a proposé constitue un début
sociologie, psychologie…) et de les d’élaboration d’un cadre conceptuel
utiliser comme support pour les adapté pour ce champ de recherche,
fondations théoriques des entreprises et recommande aux chercheurs d’élar-
familiales. Il recommande aussi de gir les perspectives de recherche pour
développer une ou des définitions des dépasser la thématique de la suc-
entreprises familiales qui peuvent cession et aller vers d’autres théma-
être communément acceptables. tiques ainsi suggérées.
• Les études historiques : l’auteur re-
commande d’effectuer des recherches 2.3. Etat de la recherche selon
qui intègrent la dimension temporelle Alouche et Amann (2000)
de l’entreprise familiale permettant Sur la base d’une revue de 341 réfé-
d’avoir des informations sur les cycles rences publiées depuis 1936 dans des
de vie des entreprises familiales, leur revues académiques internationales,
orientations interculturelles et les Allouche et Amann (2000) ont carto-
changements de leurs manières de graphié le domaine de la recherche de
fonctionner à travers le temps et sous l’entreprise familiale en trois grands
des conditions environnementales dif- axes présentés ci après.
férentes.
• Les études environnementales : 2.3.1. Définition et importance de
l’auteur a constaté un manque dans l’entreprise familiale
les études sur les impacts (sur les Les auteurs estiment que la littéra-
entreprises familiales) des environne- ture sur l’entreprise familiale pro-

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 39


DOSSIER

pose de multiples définitions de Une entreprise familiale, du fait du


l’entreprise familiale, à tel point que contrôle familial, gagne-t-elle en per-
Dery et al. (1993) estiment qu’il y a à formances par rapport à une entre-
peu près autant de définitions qu’il prise contrôlée par des managers ?
y a de chercheurs. Par ailleurs, plu- (Dailly et Dollinger-1992)9. L’hypo-
sieurs chercheurs ont fait un état des thèse de départ est basée sur l’idée
lieux sur les définitions de l’entre- que les entreprises, agissant dans l’in-
prise familiale existantes dans la lit- térêt du propriétaire, se caractérisent
térature ainsi que sur les éléments de par une plus grande efficience que les
consensus et de divergence relatifs à entreprises dans lesquelles l’objectif
ce point. est de maximiser la fonction d’utilité
Quant à l’importance des entreprises du management.
familiales, Allouche et Amann (2000) Selon Allouche et Amann (2000), ce
estiment que plusieurs recherches ont courant de recherches a suivi deux
pris cette voie, qui apparaît comme la pistes : une piste d’analyse de la
plus ancienne pour étudier, à travers performance financière et une piste
des analyses qui sont majoritairement d’analyse de la performance globale ;
quantitatives, le poids économique toutefois la piste de la performance
des entreprises familiales. Ces re- globale n’est pas le courant le plus
cherches ont montré la prédominance nourri. La recherche sur les modes
et l’importance économique de cette différencies de gestion des fonctions
forme d’organisation et sa contribu- de l’entreprise familiale est, par
tion significative à la création de la contre, un axe de recherche très si-
richesse, de l’emploi et à la compéti- gnificatif.
tivité.
b) Recherches sur les modes de
2.3.2. Les spécificités et particula- gestion différenciés
rités des entreprises familiales  Les questions de recherches dans
La quasi-totalité des études compa- ce domaine se posent par rapport à
ratives entre entreprises familiales l’existence de modes de gestion diffé-
et entreprises non familiales mettent renciées entre entreprise familiales
en évidence l’existence de spécificités et entreprises non familiales. Les
propres aux entreprises familiales domaines privilégiés dans cet axe de
(Allouche et Amann, 2000). Cette recherche portent sur la stratégie, la
voie de recherche a été prise par plu- finance et la gestion des Ressources
sieurs chercheurs (Jaffe, 1990 ; Welsh, Humaines.
1991, Gallo et Estapé, 1994, Allouche • Stratégie : Le domaine de la stra-
et Amann, 1995…). La question aux- tégie est celui qui a fait l’objet de
quelles les chercheurs essayent de plus de recherches, majoritairement
répondre est double : empiriques. Wortman (1994) à lis-
ter dans une étude qu’il a effectuée,
a) Recherches sur la performance les recherches conceptuelles et em-
La question de recherche fonda- piriques sur la question réalisées
mentale sur ce volet est la suivante : en langue anglaise. Concernant les

9. in Allouche et Amann 2000, page 17.

40 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

études conceptuelles, c’est essentiel- tiques organisationnelles et le mode


lement la question de la succession et de gestion des entreprises familiales
les stratégies à mettre en place qui a fait l’objet de plusieurs études. Dans
ont fait l’objet de plus de recherches ; ce cadre, deux référentiels théoriques
les plus anciennes datent du début majeurs ont été mobilisés : la théorie
des années 80. des droits de propriétés et la théorie
• Finance : Plusieurs travaux de re- de l’agence.
cherche ont été consacrés à l’étude • Les explications liées aux va-
des liens entre la structure de proprié- leurs : Parallèlement aux explica-
té et les comportements financiers tions fondées sur la structure de
des entreprises familiales. Allouche propriété, plusieurs études ont fondé
et Amann (2000) estiment que les ré- leurs explications autour de la notion
sultats de ces différentes études sont des « valeurs ». Un premier courant
globalement convergents. Les entre- de chercheur s’est référé aux ana-
prises familiales adoptent en général lyses comportementales, basées sur
des stratégies financières prudentes l’interpénétration famille –entre-
caractérisées par un recours faible à prise (Wortman 1994) et sur la simul-
l’endettement et une réticence quant tanéité des rôles parents-proprié-
à la distribution des dividendes pour taires-dirigeants. Un autre courant
celles non cotées. émergent a introduit le concept de
• Gestion des Ressources Humaines : «La confiance», comme facteur d’ex-
Les travaux sur ce domaine sont très plication possible de la supériorité
rares selon Allouche et Amann (2000). en termes de performances des entre-
L’étude d’ampleur citée est celle réali- prises familiales sur les autres types
sée par Astrachan et Kolenko (1994) d’entreprises.
portant sur 614 entreprises familiales.
Cette étude, intitulée, «A neglected 2.4. Etat de la recherche selon
factor explaining family business suc- Chrisman et al. (2003)
cess : Humain Resource Practices », Chrisman et al. (2003) estiment que
met en évidence le rôle important les économies de la majorité des na-
des pratiques différenciées des res- tions demeurent dominées par les
sources humaines dans la survie des entreprises familiales, et que la com-
entreprises familiales. munauté académique a commencé à
reconnaitre l’importance des études
2.3.3. Les justifications et explica- sur les entreprises familiales. Ces au-
tions teurs ont présenté les catégories les
Les recherches sur l’entreprise fa- plus importantes des thèmes étudiés
miliale ont suivi, selon Allouche et aux Etats-Unis avec indication à titre
Amann (2000), un troisième axe d’illustration des noms de chercheurs
consistant à justifier et à expliquer les concernés. Selon ces auteurs, plusieurs
particularités et les spécifications de chercheurs ont compris que la variable
ces formes d’organisation. Selon ces critique dans les études sur les entre-
auteurs, deux voies d’explication ont prises familiales c’est la famille et que
émergé : le cœur de ce domaine de recherche
• Les explications liées aux struc- c’est autour de la compréhension de
tures de capital : L’influence de la l’impact de la famille sur l’entreprise
structure de capital sur les caractéris- et de l’impact de l’entreprise sur la fa-

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 41


DOSSIER

mille ; c’est le cas de (Astrachan, 2003 ; Les recherches dans les différents
Dyer, 2003, Habbershon, Williams, travaux effectués depuis le début de
& MacMillan, 2003 ; Rogoff & Heck, ce siècle, ont porté sur l’exploration
2003, Zahra, 2003). d’autres thèmes tels que la dyna-
Chrisman et al. (2003) avancent aussi mique interpersonnelle de la famille
que certaines recherches ont mis en et de l’entreprise, le conflit, la perfor-
évidence que le succès de l’entreprise mance, la gouvernance, l’innovation
familiale dépend beaucoup plus de la etc. toutefois, Zahra et Sharma 2004,
gestion effective de l’interface famille- précisent que les recherches effec-
entreprise que de celle des ressources tuées n’ont pas attient un niveau de
et des processus dans les deux sys- compréhension profond, soufrant, sur-
tèmes (famille et entreprise). La re- tout, de l’absence de base théoriques
vue par les mêmes auteurs des articles adéquates. Le titre suivant donne une
publiés aux Etats-Unis entre 1996 et vision sur l’état de l’art du point de
2003, montre que les articles sur la vue de Sharma (2004).
succession continuent à dominer la
recherche et accordent une considéra- 2.5. Etat de la recherche
tion importante à la performance éco- selon Sharma (2004)
nomique des entreprises familiales. A l’issue d’un travail de recherche
Ils rajoutent que d’autres études sur qu’il a effectué sur217 articles pu-
l’entreprise familiale ont été effectués bliés, relatifs à des études sur l’entre-
en dehors des États-Unies, notamment prise familiale, Sharma (2004) a abou-
en Europe, en Asie et en Amérique tit à la conclusion que la littérature
du Sud et qui ont permis d’élargir les sur l’entreprise familiale est organi-
horizons de recherche sur l’entreprise sée selon quatre niveaux d’analyse :
familiale. niveau individuel, niveau groupe ou
Selon Chrisman et al. (2003), il y a interpersonnel, niveau organisation-
encore beaucoup à faire en matière nel et niveau sociétal.
de recherche sur l’entreprise fami- Ce travail de recherche, qui a pris
liale. Ils estiment que les fondements comme point de départ les résultats
théoriques de ce champ de recherche du travail de synthèse de la littéra-
et les systèmes de classification ont ture effectué par Sharma, Chrisman
besoin d’être développés. Ils estiment et Chua entre 1996 et 1997, a permis
aussi que plusieurs sujets sont sous- a Sharma (2004) de donner un état
étudiés, tel que le rôle des managers des lieux de la littérature sur l’entre-
externes à la famille, et que les métho- prise familiale, avec un focus sur les
dologies utilisées ne facilitent pas la recherches orientées vers la théorie.
généralisation. Les mêmes auteurs Il lui a aussi permis d’identifier des
estiment que 25% des articles publiés orientations futures de la recherche
aux USA entre 1996 et 2003, n’ont pas dans ce domaine, selon les quatre ni-
été fait dans une perspective de mana- veaux de recherche qu’il a retenus.
gement stratégique. Cependant ils ont
noté que les chercheurs s’appuient de 2.5.1. Niveau individuel
plus en plus sur deux approches théo- Ce niveau d’analyse comporte quatre
riques relevant de cette perspective ; catégories, représentant, selon Shar-
la théorie de ressources (RBV) et la ma (2004), des parties prenantes in-
théorie des agences. ternes :

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DOSSIER

• Les fondateurs  émotionnelle avec les membres de la


La littérature sur l’entreprise fami- génération de la relève.
liale reconnait l’influence significa- Par ailleurs, Sharma (2004) a noté que
tive des fondateurs sur la culture, les des recherches ont porté sur le trans-
valeurs et les performances de leurs fert de la connaissance à la nouvelle
entreprises. Les recherches portant génération. Selon lui, plusieurs cher-
les fondateurs des entreprises fami- cheurs sont d’avis que la performance
liales demeurent, selon Sharma (2004), de la prochaine génération est dépen-
à l’étape du développement théorique, dante du transfert générationnel effi-
nécessitant une validation empirique cient du savoir et des relations sociales.
en vue d’une généralisation. La littérature sur l’entreprise familiale
L’auteur estime que c’est très impor- s’est intéressée à l’influence du niveau
tant de comprendre le rôle de la com- de préparation de la relève sur la per-
position de la famille, des valeurs et formance. Dans ce sens, Sharma(2004)
des croyances et des traits de per- estime qu’il serait utile de comprendre
sonnalités des fondateurs sur l’entre- l’influence éventuelle des objectifs de
prise, et comment les différents types l’entreprise familiale, des attitudes et
d’implications familiales influencent des traits psychologiques des membres
le fondateur et la performance de l’en- de la famille impliqués dans le busi-
treprise. ness familiale. Il estime aussi néces-
• La génération de la relève « Next saire de comprendre les facteurs moti-
generation » vationnels qui orientent les membres
Handler (1989) a réussi, selon Sharma de la génération de relève vers l’entre-
(2004), à orienter les chercheurs vers prise familiale.
l’importance d’étudier les membres • Les femmes
familiaux constituant «la  prochaine Sharma (2004) estime que plusieurs
génération » et de comprendre leurs recherches sur ce sujet montrent
perspectives. Dans ce sens, plusieurs que la plus part des femmes dans les
recherches ont porté sur l’identifica- entreprises familiales continuent à
tion des principaux attributs devront occuper les lignes arrières ; Elles oc-
être observées chez la prochaine cupent souvent le rôle de gestionnaire
génération, de point de vue des fon- du foyer et prennent en charge la res-
dateurs des entreprises familiales. ponsabilité d’élever les enfants. Tou-
Il s’agit essentiellement des attri- tefois, des chercheurs estiment qu’un
buts suivants : l’intégrité, l’implica- tel positionnement leur permet d’avoir
tion dans le business, la capacité de un rôle émotionnel dans la gestion
prise de décision et l’expérience. A ce des relations entre les membres de la
niveau, des appels à la recherche de famille.
Sharma (2004) portent, premièrement, Sharma (2004) estime que les re-
sur la compréhension des raisons de cherches n’ont pas encore atteint des
la préférence des fondateurs d’un at- sujets tels que l’étude de l’influence
tribut par rapport d’autres, et, deuxiè- des observations, de l’intuition et du
mement, sur la recherche des attributs capital émotionnel de la femme sur le
estimées nécessaires par d’autres succès ou l’échec de l’entreprise fami-
membres de l’entreprise familiale et liale. Toutefois, cet auteur estime que
ce, au regard de la rationalité limitée des positions de leadership dans cer-
des fondateurs et de leur implication taines entreprises familiales sont oc-

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 43


DOSSIER

cupées par des femmes, et ajoute que rique qui peut expliquer le mieux
les recherches ne se sont pas encore les relations et les rapports dans le
intéressées à comprendre les facteurs cadre d’une entreprise familiale. Plu-
contextuels et individuels qui ont pu sieurs recherches ont été effectuées
propulser ces femmes vers ces posi- en mobilisant la théorie de l’agence
tions de leadership, leurs objectifs de qui prône la séparation entre le
performances dans les deux dimen- management et la propriété. Toute-
sions (familiale et entrepreneuriale) fois, Sharma (2004), a noté que la
ainsi que le style de leadership adop- théorie de l’intendance a été retenue
té par elles. Ces pistes constituent, par plusieurs chercheurs. Il estime
d’après Sharma (2004), des sujets in- que l’étude des relations d’agences
téressants de recherche. entre les parties prenantes internes
• Les employées non membres de la et externes constitue une voie de re-
famille cherche très riche.
Sharma (2004) estime que les em- • Sources de conflit et stratégies de
ployés non membres de la famille gestion : Sharma 2004 estime que la
constituent, selon plusieurs cher- littérature sur l’entreprise familiale
cheurs (Chrisman et al. 1998 ; Gal- se trouve dans la premières phases
lo, 1995 ; Ibrahim, Soufiani & Lam, de développement de modèles concep-
2001), une importante partie pre- tuels pour la compréhension de la
nante. Ces individus peuvent disposer nature, des causes et des implications
de connaissances sur l’entreprise qui des différents types de conflits au sein
seraient d’une grande valeur pour la fu- de l’entreprise. Il ajoute que ce thème
ture génération de leaders. Cependant, constitue un terrain très riche pour
Sharma (2004) estime que ce n’est que les futures recherches.
récemment que les efforts de recherche • Transition intergénérationnelle :
ont été orientés vers la compréhension Sharma (2004) à note que des efforts
de leur rôle dans l’entreprise familiale, de recherches très significatifs ont été
et qu’il y a un grand besoin d’orienter dédiés au sujet de la succession qui
plus d’attention pour la compréhen- a dominé les recherches durant les
sion de la perspective des employées années 80 et 90. Plusieurs recherches
externes à la famille et les facteurs en se sont intéressées aux dimensions et
relation avec eux qui pourraient mener phases de succession et à la différen-
à une performance supérieure de ces ciation entre des successions ayant
membres à travers différentes dimen- réussits de celles qui ont échoués, et
sions. à l’identification des facteurs qui ont
contribué à ces résultats.
2.5.2. Niveau interpersonnel/ Sharma (2004) estime que, par rap-
groupe port à ce sujet, les recherches futures
Sharma (2004) estime qu’un nombre doivent porter sur la compréhen-
significatif de recherches a été dédié sion des méthodes utilisées pour le
à ce niveau d’analyse. Trois thèmes Transfert du savoir, dans le cadre de
ont été traités par les chercheurs dans la théorie des ressources, à travers
le cadre de ce niveau : les générations pour différents types
• La nature et typologie des accords d’entreprises familiales et dans diffé-
contractuels Les recherches sous rentes cultures.
cet angle ont porté sur le cadre théo-

44 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

2.5.3. Niveau organisationnel 2.6. Etat de l’art selon Debicki et al.


Des efforts significatifs de recherche 2009
ont été orientés, selon Sharma (2004), Dibicki et al. (2009) ont procédé à
vers l’identification et la gestion des une analyse des articles publiés sur
ressources dans l’entreprise fami- les entreprises familiales dans 30
liale. La théorie des ressources a revues de management sur la période
été largement mobilisée dans les re- allant de 2001 à 2007. Leur revue a
cherches qui se sont inscrites dans ce permis d’identifier et de classer les
niveau d’analyse. Cette théorie a été chercheurs en fonction de leur produc-
utilisée dans la recherche orientée tivité en termes de publications. Ain-
vers l’identification et la gestion des si, les auteurs figurant sur la tête de
ressources distinctives résultant de la liste sont : Steir, suivi par Chrisman,
présence de la famille. Selon Sharma Chua, Sharma et Kellermans. Cette
(2004), les chercheurs devraient accor- revue leur a aussi permis de classer
der plus d’attention au niveau orga- les recherches en fonction des six ca-
nisationnel de l’entreprise familiale. tégories de Chrisman et al. (2003) sui-
A titre d’exemple, il estime qu’il y a vantes: Objectifs (2,8%), la formulation
un besoin de comprendre les méca- et le contenu de la stratégie (28,2%),
nismes que l’entreprise familiale uti- l’implémentation de la stratégie et le
lise pour développer, communiquer contrôle (42,3%), la gestion (33,7%),
et renforcer la vision souhaitée et la autres thèmes relevant du manage-
culture organisationnelle à travers ment stratégique (11,7%) et autres
les générations. sujets ne relevant pas du management
stratégique (9,6%).
2.5.4. Niveau sociétal & environ- Les auteurs ont noté que le sujet qui
nemental a eu le plus d’attention sur la période
La majorité des études ayant porté étudiée en termes de nombre d’ar-
sur le rôle des entreprises familiales ticles concerne les problématiques
au niveau sociétal ont visé l’étude de en relation avec la gouvernance d’en-
l’importance de ces entreprises fami- treprise qui fait partie de la catégo-
liales dans les différents pays. rie «Implémentation de la stratégie
D’une manière générale, Il est à no- et le contrôle». Cette catégorie inclut
ter que la revue de l’état de l’art de des investigations sur la théorie d e
Sharma a mis en évidence une évo- l’agence, la théorie de l’intendance et
lution positive de ce champ vers des divers autres sujets de gouvernance.
recherches plus sophistiquées basés Il estime que la gouvernance d’entre-
sur des conceptualisations théoriques prise était le sujet prioritaire sur 56
très riches de différents domaines sujets (19,2%) sur les articles de re-
d’intérêts. Toutefois tout en souhai- cherche traitant de l’entreprise fami-
tant que cet effort doit se poursuive liale durant ce début du 21 siècle.
dans le futur, l’auteur a considéré Par ailleurs, les auteurs estiment que
qu’il est important, pour la création les sujets traitant de la succession
de connaissance utiles, de soumette ainsi que le leadership et la propriété
les modèles théoriques développées à représentent une partie significative
des études empiriques qualitatives ou des recherches sur les entreprises
quantitatives. familiales durant la période d’inves-

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 45


DOSSIER

tigation (15% des articles examinés). pour identifier les écarts entre ce qu’il
Compte tenu de l’émergence de la a appelé “what we know” et “what we
théorie des ressources dans le do- need to know” concernant les thèmes
maine de l’entreprise familiale, les clés et les méthodes qui ont un inté-
thèmes relatifs aux ressources et aux rêt pour les chercheurs en entreprise
avantages compétitifs (relevant de la familiale.
catégorie formulation et contenu de la Les auteurs ont noté que le champ a
stratégie) représente plus de 8,6% des connu une évolution remarquable en
sujets de cette catégorie. termes de recherches publiées dans
Par critères, les auteurs ont aussi des revues à comité de lecture. En
examiné les sujets qui ont été effet, ils estiment que, bien qu’il n’y
peu étudiés et estiment que les ait que 111 articles revus par des pairs
chercheurs n’ont pas accordé sur les entreprises familiales avant
d’attention aux objectifs économiques 1970, le rythme de création de connais-
et non économiques des entreprises sances dans ce domaine s’est accéléré
familiales ainsi qu’au processus de dans les années 1990, produisant plus
définition des objectifs. de 2.000 articles. Au cours des 5 der-
Concernant les tendances constatées, nières années, entre 2010 et 2014,
le nombre de sujets traitant du lea- les auteurs notent que plus de 4000
dership, de la propriété et de la gou- articles sur les entreprises familiales
vernance d’entreprise a plus que dou- ont été ajoutés au pool de connais-
blé sur la période étudiée. De même sances. Ils estiment qu’à ce rythme, la
les sujets traitant des ressources et décennie actuelle donnera probable-
des avantages compétitifs ont aug- ment plus de 8000 nouveaux articles
menté de presque 50%. Cependant les de revues évaluées par des pairs sur
sujets traitant de la succession ont les entreprises familiales.
diminué de presque un tiers même si Toutefois, les auteurs considèrent
ils constituent encore l’un des sujets que, le domaine a besoin d’une unifi-
ayant était le plus publiés sur la pé- cation des tendances de la recherche
riode étudiée. et des idées et à des recherches orien-
Les auteurs ont constaté que, même tées « temps » à la fois vers l’histoire
si les chercheurs travaille en groupe et vers l’avenir.
stable, la concentration des cher- Les auteurs estiment que la néces-
cheurs au stade actuel du développe- sité d’une rigueur accrue dans la
ment de la recherche porte à penser recherche marque le développement
que la progression va être rapide et du champ. Ils ont noté que L’article
que l’opportunité de construire un de Evert, Martin, McLeod et Payne
paradigme de recherche pour ce do- (2015) met en évidence le passé et
maine est raisonnablement élevée. l’état actuel de l’empirisme dans la
recherche de l’entreprise familiale,
2.7. Short et al. (2015) : Un point sur en montrant les possibilités futures
les recherches effectuées et les pos- susceptibles d’aider à dévoiler la
sibilités futures dynamique, les comportements et
Short et al. (2015) ont procédé à une l’entreprise familiale et les perfor-
revue des articles publiés dans la mances complexes et uniques à la
revue Family Business Review, ayant fois sur les dimensions économiques
examiné plus de 774 publications, et non économiques.

46 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

La revue de recherches effectuées par réviser et élargir les connaissances


Short et al (2015) a mis en évidence clés de ce champ.
deux sujets au cœur de la majorité de
la recherche en entreprise familiale Conclusion
depuis le début de l’édition de la re-
vue Family Business Review, à savoir la Etant un domaine récemment devenu
succession et la gouvernance des en- l’objet de l’attention de la communau-
treprises familiales. Le renforcement té académique, nous assistons à une
des connaissances sur la succession véritable épidémiologie des connais-
dans les entreprises familiales repré- sances. Toutefois, le domaine de re-
sente l’un des sujets les plus étudiés cherche demeure, à l’heure actuelle,
dans le domaine. marqué par l’absence de théorie uni-
Les chercheurs sur les entreprises ficatrice, voire la multiplication de
familiales ont également démontré la théories contradictoires. Selon plu-
valeur de mettre en évidence des do- sieurs auteurs, ce domaine se trouve
maines particuliers de recherche afin dans une phase de pré-paradigme, ou
de générer des idées de différentes les premières explorations d’une réa-
disciplines professionnelles telles que lité conduisent à un ensemble de théo-
les études de la famille, de la finance, ries contradictoires et estiment que
le marketing, et le conseil….Short et l’étape ultérieure serait de progresser
al. (2015) sont d’avis que les hypo- vers une mata-théorie réconciliant les
thèses et implications tirées de do- modèles particuliers.
maines spécifiques pourraient aussi Par ailleurs, la littérature sur l’état de
permettre d’avoir une compréhension l’art portant sur l’entreprise familiale
riche de la façon dont un domaine spé- fait état d’une recherche qui a besoin
cifique contribue à la connaissance de de se développer et d’innover dans le
l’entreprise familiale. futur. Les développements recomman-
Concernant les fondements théoriques dés concernent l’élargissement des
applicables à l’entreprise familiale, frontières conceptuelles pour inclure
les auteurs estiment qu’à l’instar davantage la famille comme étant le
de l’étude de Madison et al. (2016), principal élément distinguant l’entre-
ayant retenu deux courant théoriques prise familiale des autres formes d’or-
contradictoires de l’agence et de ganisation, ensuite, par l’élargisse-
l’intendance, lors de leur études du ment des frontières temporelles pour
comportement et de la gouvernance de une meilleure appréciation du passé
l’entreprise familiale, les recherches et, enfin, par l’élargissement des fron-
futures pourraient explorer en tières spatiales, en vue d’ intégrer
profondeur d’autres théories des conclusions et observations pro-
communément appliquées dans la venant des contextes géographiques
recherche de l’entreprise familiale, et socioéconomiques différents. Ces
comme la théorie des ressources, élargissements du champ sont de na-
la théorie des parties prenantes, la ture à enrichir la compréhension de
théorie du capital social, la théorie l’entreprise familiale, à identifier de
de l’identité , et d’autres. Ils estiment nouvelles variables et à engager des
qu’ils existent de nombreuses débats et discussions.
possibilités et des besoins dans le Enfin, nous concluons cette commu-
domaine en croissance rapide pour nication sur la position de Litz et al.

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 47


DOSSIER

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50 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


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Les déterminants de l’adoption


du M-Payment au Maroc :
Une étude exploratoire
Résumé. Cet article propose une étude qualitative relative à l’adoption du
paiement par téléphone portable au Maroc. L’étude menée à travers des focus
groupes a révélé que les répondants étaient réceptifs à ce mode de paiement avec
néanmoins certaines réserves. Leurs inquiétudes les plus fortes ont concerné
les aspects liés à la sécurité des paiements et à la confiance vis-à-vis des pres-
tataires potentiels de ce service. L’étude a par ailleurs montré que les chances
d’adoption du paiement par téléphone portable seront augmentées lorsque ce ser-
vice sera plus pratique, plus facile et plus rapide que les moyens de paiement
électroniques actuels. La technologie employée devra être facile à utiliser afin
d’augmenter les chances d’adoption. Les résultats obtenus dans cette étude enri-
chissent la théorie existante sur le mobile payment et proposent des recomman-
dations pour les prestataires du M payment.

Mots-clés. Mode de paiement électronique, Paiement par téléphone portable,


risque perçu, confiance.
Dounia DAHAB
Enseignant-
chercheur Abstract. A qualitative study about the adoption of mobile payment services is
Groupe ISCAE presented in this paper. The results of the focus group interviews suggest that the
ddahab @groupeiscae.ma consumers are receptive to this payment system but not without some concerns.
The barriers to adoption are essentially associated to the perceived risks and
the trust in service providers. The chances of adoption will be enhanced if the
Hanan system is more convenient, easier or quicker than current electronic payments.
BEN ISSA The technology ease of use has also been mentionned as an adoption factor. The
Visiting
findings of this research provide insights for future research on mobile payment
researcher KTH
Stockholm adoption and practical recommendations.
hanan2@kth.se 2
Key words. Electronic payment methods, Mobile payment adoption, perceived
risk, trust.

Introduction nouveau mode de paiement, il existe


une grande disparité entre les pays
L’étude menée par Gartner Global quant au taux d’adoption du M-Pay-
Technoloy Research Firm (2013) pré- ment (Laforet et Li, 2005 ; Hanudin,
voit que le nombre d’utilisateurs de 2008). Les niveaux d’acceptation de
M-Payment atteindra les 450 millions ces nouveaux modes de paiement sont
d’utilisateurs en 2017 avec 721 bil- très variables d’un pays à l’autre.
lions de dollars de transactions. Mal- Ainsi, en 2012, la valeur des transac-
gré ces chiffres prometteurs qui ont tions a atteint 24 billions de dollars en
encouragé les investissements dans ce Amérique du nord alors qu’elle n’at-

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 51


DOSSIER

teignait que 19 billions de dollars en Problématique et objectifs


Europe de l’ouest.
Plusieurs initiatives d’introduction du
de la recherche
M-Payment dans les pays européens
Les premières recherches qui ont
telles que Simpay ou Paybox ont
tenté d’expliquer le succès ou l’échec
été vouées à l’échec (Mallat, 2007),
du mobile Payment ont mobilisé des
d’autres initiatives ont connu plus de
théories appartenant au paradigme
succès et sont citées comme exemple
de l’acceptation des technologies tra-
telles que M PESA au Kenya. La
ditionnellement utilisées en SI dans
Thailande (Phonthanukitithawornet
un contexte organisationnel. Une
al. 2015) ou encore la Finlande (Mat-
grande majorité de chercheurs dans
tila et Pento, 2002 ; Durlacher, 2001)
le domaine s’accordent à dire que le
connaissent des niveaux d’accepta-
développement du M-Payment est lié
tion plus bas. Les raisons du succès à son acceptation par l’utilisateur
n’ont pas toujours été bien comprises final et ce indépendamment du busi-
de façon à pouvoir être répliquées ness model choisi (Edgar dunn et
dans d’autres pays, de même les rai- Company 2007, Mallat, 2007, Diniz et
sons d’échec ne sont pas toujours ana- al, 2011).
lysées en profondeur afin d’en tirer le Néanmoins, ces approches ren-
maximum d’enseignements (Diniz et contrent certaines limites. Ainsi,
al. 2011). alors qu’elles permettent d’expliquer
Au Maroc, le M-Payment en est à ses l’échec de certaines solutions, elles
balbutiements avec des initiatives ne permettent pas d’expliquer pour-
timides de la part des banques en col- quoi différentes solutions pourtant
laboration avec les OTM (Mobicash, techniquement très similaires ren-
Lilkoul, Fatourati, etc ..) et proposent contrent un succès inégal. Face aux
essentiellement du transfert d’argent limites que présentent ces différentes
ainsi que le paiement de certaines fac- théories, certains auteurs soulignent
tures. Ces services ont pour certains l’importance d’élargir le champ des
échoué et d’autres tardent à décoller. recherches sur le M-Payment. Une des
Les raisons sous-jacentes ne sont pas explications avancées par ces cher-
connues et n’ont pas été étudiées. La cheurs est que les bénéfices procurés
majorité des études menées sur le par ce moyen de paiement sont forte-
M-Banking et le M-Payment ont été ment liés à des facteurs contextuels et
menées auprès de populations euro- situationnels (Mallat et al. 2006)
péennes et asiatiques et très peu dans Ce constat est à l’origine de l’objec-
les pays en voie de développement tif de cette recherche qui se propose
(Reid et levy,2008). Smith et al. (2011) d’enrichir l’étude de l’acceptation
de leur côté, attestent que la plupart du Mobile Payment en élargissant le
des études utilisent des modèles déve- champ de la recherche à des facteurs
loppés dans les pays occidentaux et contextuels, situationnels et person-
ne s’appliquent pas forcément à des nels liés à l’usage du service.
contextes culturels différents. Chau La problématique centrale de cette
et al. (2002) suggèrent que l’environ- recherche est de savoir s’il est pos-
nement culturel pourrait avoir une in- sible de combiner les théories issues
fluence sur les comportements d’adop- du SI et les théories du comportement
tion du M-Payment. du consommateur afin d’explorer les

52 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

freins et motivations liés à l’utilisa- sultats sont observables qu’il est pos-
tion du Mobile Payment auprès des sible de l’essayer et que son niveau
jeunes marocains. de complexité est faible. Parmi ces
L’interrogation générale de cette re- variables, la compatibilité qui rejoint
cherche conduit donc à se poser les la notion d’utilité perçue dans le TAM
questions spécifiques suivantes : a déjà permis d’expliquer l’intention
• Quelles sont les attitudes et attentes d’utiliser le M- Payment en Thailande
des marocains vis-à-vis des paiements (Phonthanukitithaworn, 2015) ou en
électroniques ? Inde (Kapoor et al. 2013).
• Quels sont les avantages et inconvé- Les théories sur le comportement du
nients perçus par le consommateur consommateur (Ajzen, 2005) mettent
marocain concernant différents types l’accent sur l’importance des facteurs
de paiement électroniques ? situationnels et contextuels dans les
• Quelles sont les barrières à l’utilisa- décisions d’achat.. Le contexte d’uti-
tion du Mobile paiement ? lisation s’est avéré significatif dans
• Quels facteurs encouragent l’essai l’explication de l’adoption du M- Pay-
et l’adoption de nouveaux systèmes de ment (Mallat et al., 2009).
paiement ? Les variables citées plus haut recon-
nues comme étant traditionnellement
1. Cadre théorique des freins ou motivations à l’utilisation
du M-Payment sont explorées dans le
Des modèles théoriques complémen- cadre de cette recherche. Il s’agit de :
taires constituent les fondements de • Les habitudes (expériences)
cette étude : le modèle d’acceptation • L’utilité perçue
de la technologie ou MAT (Davis,1989), • La facilité d’utilisation perçue
la théorie de diffusion des innovations • Le risque perçu
(Rogers, 1995) ainsi que les théories • le coût du service
du comportement du consommateur • La confiance
(Ajzen,2005). • Le contexte ou situation de consom-
Le MAT explique l’adoption des SI es- mation
sentiellement à travers deux concepts
l’utilité perçue et la facilité d’utili-
sation perçue. Le modèle originel a
2. Méthodologie
ainsi fait l’objet de plusieurs études de recherche
qui l’ont étoffé en y intégrant des va-
riables telles que la confiance (Wu et Nous avons choisi de réaliser une
Chen, 2005, Chandra et al. 2010), la étude exploratoire pour préciser et
perception de la sécurité sur le web affiner notre méthodologie de re-
(Cheng et al. ,2006) ou la valeur per- cherche. La méthode du focus groupe
çue du service (Laukannen, 2007).. avec un guide d’entretien semi struc-
La théorie de diffusion également turé a donc été utilisée pour cette
largement mobilisée pour expliquer phase qualitative, en raison de sa
l’acceptation paiement par téléphone grande flexibilité et de la richesse des
portable considère qu’une innovation informations qu’elle peut générer en
a d’autant plus de chance d’être adop- étudiant des services mobiles inno-
tée qu’elle a un avantage relatif, est vants (Jarvenpaa et Lang, 2005, Mal-
compatible avec l’existant, que ses ré- lat, 2007).

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 53


DOSSIER

Les entretiens ont permis de déga- Afin de promouvoir une dynamique


ger et conforter un certain nombre positive au sein du groupe, les diffé-
d’orientations de recherche. Le guide rents groupes ont été formés par des
d’entretien a été composé de ques- jeunes actifs et des étudiants qui uti-
tions larges et générales afin d’obte- lisent déjà les moyens de paiement
nir des premières informations sur électroniques. Cette population est
les moyens de paiement utilisés par considérée comme la plus suscep-
les répondants, avec notamment une tible d’adopter le mobile Payment et
partie spécifique et approfondie sur fait partie des cibles prioritaires des
la perception du paiement par télépho- banques marocaines.
nie mobile afin de mieux comprendre
les attitudes envers le M Payment.

Tableau 1 : description des focus groups

Groupes (4) Age Sexe Description

Etudiants I (8) De 20 à 22 ans 4 femmes et Etudiants universitaires


4 hommes

Etudiants II (6) De 20 à 24 ans 3 hommes et Etudiants universitaires


3 femmes

Jeunes adultes De 22 à 35 ans 4 femmes et Jeunes actifs depuis l’âge


actifs III (7) 3 hommes de 20 ans

Jeunes adultes De 25 à35 ans 4 hommes et Jeunes actifs depuis l’âge


actifs IV(9) 5 femmes de 22 ans

Dans cette recherche, les nouveaux 3. Résultats de l’étude


services de paiement mobiles ont été
définis comme suit : 3.1. Les habitudes d’utilisation
• « Personne à personne » l’argent est des services mobiles et de paiement
immédiatement transféré d’un indi- Les membres des différents groupes
vidu à l’autre par une société de ser-
possédaient tous des Smartphones et
vices de paiement mobile qui permet
avait une expérience d’utilisation de
aux individus d’avoir un compte.
téléphone mobile allant de 4 à 6 ans.
• SMS, qui permet à l’utilisateur de
payer de différentes manières : fac- Le niveau de familiarité avec l’utilisa-
turation directe sur le compte de té- tion des applications mobiles est glo-
léphone mobile, prélèvement sur la balement très élevé. Les applications
carte de débit ou de crédit, ou par l’in- les plus utilisées par tous sont celles
termédiaire d’une société de services relatives aux réseaux sociaux et aux
de paiement mobiles jeux.
• Services de paiement mobiles liés à Seules deux personnes parmi celles
un compte bancaire ou cartes de cré- interrogées avaient déjà acheté des
dit. applications payantes. Pour tous, les

54 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

applications gratuites sont privilé- rait très utile, pratique et globalement


giées. 3 personnes seulement avaient considèrent que l’idée est bonne no-
déjà utilisé des SMS payants pour tamment parce-que cela leur éviterait
participer à des jeux concours ou pour des déplacements inutiles ou de faire
voter lors d’émissions (the Voice, Star la queue dans certains cas. Ils ont es-
Academy…). Il n’y avait pas de diffé- sentiellement mentionné l’utilité de ce
rence de perceptions entre les diffé- service le Week end comme cité dans
rents groupes interrogés qu’ils soient les verbatims suivants :
étudiants ou jeunes actifs. «Le paiement via mobile va faciliter beau-
Certains notamment parmi les jeunes coup de choses, surtout si c’est opérationnel
actifs sont au courant de l’existence durant le Week End » (Etudiant groupe 2)
des applications mobiles proposées D’autres membres des groupes, au
par leurs banques mais ne les utilisent contraire ne voient pas l’utilité de ce
pas pour autant et ce pour diverses mode de paiement :
raisons : «Pourquoi pas... Mais honnêtement
« Ma banque m’a informé sur le service j’ai du mal à saisir l’intérêt !» (Jeune
mais je n’ai pas reçu mes identifiants actif groupe 2)
comme cela m’a été promis » (Etudiant «Je n’en vois pas vraiment l’intérêt. La
groupe 1) carte bancaire est déjà très pratique et
« Cela pourrait être intéressant pour j’y suis habitué. J’utiliserais ce moyen de
consulter mon solde, effectuer des tran- paiement seulement si j’y suis obligé mais
sactions gratuitement via le mobile » je préfère le paiement par carte ban-
(Etudiant groupe 2) caire». (Jeune actif groupe 3)
Le mode de paiement les plus fréquem- «le paiement par espèce est la meilleure
ment utilisés par l’ensemble des par- solution, c’est le mode de paiement accepté
ticipants est essentiellement l’argent dans toutes les situations, dans des restau-
liquide suivi de la carte bancaire. Le rants, des cafés…» (Etudiant groupe 2)
cash reste toutefois prédominant chez
les étudiants. 3.3. La facilité d’utilisation perçue
« Vous savez le cash est une habitude » Les répondants peuvent percevoir
(Jeune actif groupe 3) le paiement par téléphone portable
L’expérience préalable avec les ser- comme nécessitant le passage par
vices sur téléphonie mobile est sup- des étapes compliquées. Comme par
posée avoir un impact sur les expé- exemple le fait de s’enregistrer dans
riences futures, de plus, le lien entre un permier temps pour recevoir en-
l’expérience et l’utilité perçue a été suite un code. La facilité d’utilisation
démontré dans de nombreuses études a été mentionnée aussi bien par les
(Taylor et Todd, 1995, Karahanna et groupes d’étudiants que les groupes
al., 1999, Venkatesh et Morris, 2000). de jeunes actifs.
Il peut aussi y avoir également un «Pour que j’utilise un service de Paiement
effet de contagion entre des technolo- par téléphone portable, il faut que tout
gies perçues comme similaires. soit clair, les étapes, comment utiliser le
service, la facturation, aucune surprise ou
3.2. L’utilité perçue facturation cachée» (Etudiant groupe 1)
Les membres des différents focus «Nous pouvons utiliser ce service si c’est
group ont mentionné le fait que le pratique, c’est commode et rapide  »
paiement par téléphone portable se- (Jeune actif Groupe 3).

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 55


DOSSIER

L’importance de la facilité d’utilisa- Les notions de sécurité et de fiabilité


tion perçue perçue dans l’adoption du sont apparues dans le discours de plu-
M Payment a déjà été démontrée au- sieurs répondants comme étant une
près d’utilisateurs de M Payment aux motivation essentielle pour l’utilisa-
Etats unis ( Chen , 2008). tion de ce type de service :
«Si la transaction est sécurisée, je serai
3.4. Le risque perçu la première à adopter ce service, je vais
Le risque perçu a été étudié dans de l’essayer, si ça marche, je l’adopte » (Etu-
nombreuses études relatives au M Pay- diant groupe 2)
ment (Wang et Yi. 2012, Khalifa et Shen, «Ce qui me motiverait à utiliser ce service,
2008 ; Singh et al., 2010, Wang et Yi c’est la sécurité » (Jeune actif groupe 4)
2012). Dans cette étude le risque perçu
concerne essentiellement la possibilité 3.5. Le coût du service
de perdre son téléphone et qu’une per- Les jeunes actifs comme les étudiants
sonne tierce puisse l’utiliser pour payer. ont mentionné la crainte de frais liés
«les risques dont je parle est lié à la perte à d’autres éléments attachés à la tran-
de téléphone, la personne qui va récu- saction qui n’apparaîtraient pas expli-
pérer le téléphone peut l’utiliser à des citement ou tardivement sans attirer
fins malveillantes, ce n’est pas vraiment leur attention, soit des frais spécifi-
contre le service lui-même, mais le sup- quement liés au système de paiement.
port utilisé» ( Etudiant groupe 1) Ils craignent de voir des commis-
«j’aurais encore plus peur de perdre mon sions retenues lors de la transaction
téléphone»( Jeune actif groupe 3) qui seraient prélevées sans qu’ils en
«Comment je ferai si la batterie de mon soient informés (comme par exemple
téléphone me lachait au moment de des coûts d’appel sur un numéro sur-
payer» (Etudiant Groupe 1) taxé pour le paiement mobile etc.).Ils
«La peur de l’arnaque, du vol, de l’usur- craignent que les coûts associés au
pation d’identité, enfin des fraudes en service soient trop élevés.
tous genres dont je pourrais être victime, «Vous savez les coûts des SMS et MMS
surtout avec mon téléphone portable. J’ai sont chers au Maroc. Moi j’utilise internet
vu un reportage une fois sur la sécurité sur mon téléphone mobile pour passer
des mobiles, ça fait assez peur. Je peux te mes paiements » (Jeune actif Groupe 4)
dire que je préfère utiliser mon ordina- « Euhh..... pourquoi ? enfin, je n’en vois
teur». (Etudiant groupe 2) pas l’intérêt, je parie qu’ils ont trouvé
Ces résultats rejoignent ceux de Siau ça pour nous faire payer encore plus.
et al. (2001) et Khasawneh, (2015) qui Comme si on ne dépensait pas assez !»
mentionnent la crainte d’une éven- (Etudiant groupe 1)
tuelle utilisation frauduleuse de ses « Je n’apprécie pas le fait d’être débité sur
données personnelles par des per- des communications au delà du forfait.
sonnes malveillantes. Pour moi l’opérateur réalise une marge
Une autre crainte mentionnée par les sur mon dos. Je préférerais ¨être débité
interviewés concerne le fait de ne pas directement sur mon compte courant ».
pouvoir récupérer les montants saisis (Etudiant groupe 2)
sur le téléphone par erreur.
«si je me trompe de montant , je risque 3.6. La confiance
de perdre mon argent» (Jeune actif, Les interviewés se méfient des inter-
groupe 3) médiaires dans la transaction et leur

56 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

niveau de confiance en ces derniers 3.7. Le contexte d’utilisation


est variable. Leur niveau de confiance Certaines situations semblent plus
dans leur opérateur téléphonique est propices au recours au paiement par
ainsi complètement différent de celui téléphone portable :
envers leur banque Il s’agit du cas où la confirmation de
«Je ne vois pas mon opérateur télépho- paiement est instantanée par exemple
nique me permettre d’utiliser mon télé- lorsqu’il s’agit d’utiliser un téléphone
phone portable gratuitement » ( Etudiant mobile pour faire un transfert d’argent
groupe 1) de « personne à personne » grâce à
«J’ai une hésitation par rapport au paie- l’opérateur de téléphonie mobile. Ce
ment par téléphone portable parce-que mode de paiement peut être utilisé par
c’est nouveau, ceci dépend de la banque des personnes non bancarisées.
qui propose cela, si c’est ma banque, je lui C’est aussi le cas où la situation
fais confiance donc je l’utiliserai » ( Jeune d’achat est indépendante du lieu géo-
Actif groupe 3) graphique par exemple lorsque l’on
Hasnaoui et Lentz, (2011) men- peut à payer à l’aide de SMS. Ce mode
tionnent également deux niveaux de paiement permet aux consomma-
de confiance en ce qui concerne le teurs d’acheter des biens et services
paiement électronique : l’un lié à en tout lieu, étant donné que la majo-
la capacité du système (fonctionna- rité des gens portent leur téléphone
lité) et du fournisseur du service de mobile constamment sur eux.
paiement (compétence) à effectuer le «C’est pratique si j’ai besoin de payer
paiement pour le bon montant. D’un quelque chose d’imprévu, puisque mon
autre côte, Lee et al. (2003) sug- téléphone est toujours avec moi » (Etu-
gèrent que les utilisateurs peuvent diant groupe I)
généraliser l’expérience liée à un Ce mode de paiement permettrait ain-
service fourni par un prestataire si un gain de temps en évitant les files
donné à l’ensemble des services d’attente ont également évoqué les
fournis par ce dernier. participants.

Tableau 2 : Les facteurs qui influencent l’adoption du M Payment


Effet supposé sur
Les facteurs d’adoption Items l’adoption du
du M Payment M Payment

Risque perçu - Utilisation frauduleuse des données –


personnelles
- Erreur sur le montant pendant la –
transaction
- Sécurité du téléphone –
- Perte de téléphone

Confiance - Confiance vis-à-vis de la banque +


- Confiance vis-à-vis des opérateurs –
de téléphonie mobile

Utilité perçue - En complément d’autres moyens de +


paiement

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 57


DOSSIER

Facilité d’utilisation - Clarté de l’information +


- Commodité +
- Rapidité +

Coûts - Coûts de transaction –


- Coûts non-monétaires _

Contextes d’utilisation - Paiement indépendant du temps et +


du lieu géographique
- Gain de temps en évitant les files +
d’attente
- Utilisation en cas d’imprévu +

4. Discussion, apports et une variable qui mérite d’être rete-


nue dans une recherche future sur le
limites de l’étude M Payment Maroc. En effet, les per-
sonnes interviewées font une distinc-
Il est important de rappeler ici que
tion nette entre les opérateurs télépho-
nos résultats n’ont pas montré de dif-
niques et les banques. La banque est
férence claire entre les perceptions
perçue comme étant plus à même de
des jeunes actifs et des étudiants. Les
leur permettre de réaliser des tran-
résultats sont discutés ici dans l’ordre
sactions financières alors que l’opé-
dans leur fréquence d’apparition dans
le discours des différentes personnes rateur téléphonique se voit moins ac-
interrogées. cordé cette légitimité. Ce constat est
Parmi les freins principaux énoncés très intéressant à approfondir dans
par les participants aux focus group, le contexte marocain où l’image des
le risque arrive en tête des citations. trois opérateurs téléphoniques n’est
Il concerne aussi bien la confidentia- pas toujours positive.
lité et la protection de leurs données L’utilité perçue constitue un élément
personnelles que leur éventuelle utili- essentiel pour les participants à cette
sation frauduleuse. Il est apparu ainsi étude. Ils ont pour la plupart évoqué
clairement dans les verbatims des ré- ce construit dans un sens positif dans
pondants une distinction entre quatre le cas où le M Payment apporterait une
formes de risque perçu. réponse à un problème (si le cash ou
• Le risque d’une utilisation fraudu- sa carte bancaire sont indisponibles)
leuse de ses données par toute per- mais également dans un sens négatif
sonne malveillante parce qu’ils n’en voient pas l’utilité
• Le risque lié à un dysfonctionnement par rapport aux modes de paiement
du téléphone pour cause de problème existants. Dans ce cas, essentiellement
de batterie ou autre lorsqu’ils ont la possibilité de payer en
• Le risque lié à la perte du téléphone argent liquide, le paiement par télé-
• Le risque lié à une erreur dans le phone portable ne s’avère pas utile.
montant de la transaction qui ne pour- L’utilité perçue du M Payment semble
rait être récupéré aussi être liée à la situation de consom-
La confiance qu’ont les individus dans mation. Ainsi le Week end a été cité
les prestataires offrant le service de par les répondants comme un moment
paiement par téléphone portable est de la semaine où le paiement par télé-

58 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

phone portable devient intéressant. les notions de confiance et de contexte


Les raisons invoquées sont le manque de consommation largement étudiées
de liquidité dans certains guichets dans la littérature en marketing des
bancaires ou les frais liés au retrait services.
dans une banque autre que la sienne. Cette étude offre des recommanda-
Par ailleurs, malgré la perception de tions stratégiques pour les presta-
l’utilité du M Payment, le risque perçu taires de service qui souhaitent lancer
associé à ce mode de paiement semble le M Payment. Les résultats ont mon-
être plus fort. Ainsi la plupart des tré que la connaissance du M Payment
membres des focus group ont évoqué ainsi que la sécurité de ce moyen de
simultanément l’utilité et le risque per- paiement sont des éléments clés pour
çus dans une même phrase en condi- son adoption. Les banques et les opé-
tionnant l’utilité à la sécurité qui se- rateurs de téléphonie mobile devraient
rait associée à ce mode de paiement. sensibiliser et éduquer les consom-
La garantie de la sécurité semble être mateurs au paiement par téléphone
une condition sine qua non associée à mobile. Les opérateurs de téléphonie
la perception de l’utilité. mobile devraient veiller à ce que toutes
L’une des motivations essentielle au les méthodes de paiement soient sou-
recours au M Payment est liée à sécu- mises à des mesures strictes de sécuri-
risation des paiements mais aussi au té à l’instar des institutions bancaires
contexte d’utilisation du service. Seule afin de protéger les consommateurs
un contexte particulier (week end contre la fraude et l’utilisation abusive
dans notre cas ou absence défaillance des données. Ils devraient aussi four-
d’autres mode de paiement) peut jus- nir des informations claires et précises
tifier le recours au paiement par télé- concernant les différents recours dans
phone portable. Les recherches futures le cas d’une erreur pendant la procé-
devraient justement s’interroger sur dure de paiement.
les situations dans lesquelles le M Pay- Une des limites principales de cette
ment est plus adapté étude est liée au choix de la popula-
Cette étude fournit un éclairage nou- tion constituant notre échantillon.
veau aux études relatives au M Pay- En effet, seule une population jeune,
ment. Elle élargit ainsi le champ théo- bancarisée, ayant l’habitude de recou-
rique des SI généralement mobilisé rir à d’autres moyens de paiement a
dans la littérature pour étudier le paie- été interrogée dans le cadre de cette
ment par téléphone portable en y inté- recherche. Il serait judicieux de s’inté-
grant des concepts issus des théories resser aux consommateurs non banca-
sur le comportement du consommateur risés afin d’étudier leur perception de
utilisés dans la recherche en marke- ce mode de paiement.
ting. Ainsi, il a souvent été reproché au
modèle d’acceptation de la technologie Conclusion
d’être plus adapté à l’acceptation de la
technologie dans un contexte organisa- Cette étude avait pour objectif princi-
tionnel plutôt à l’utilisation individuelle pal d’explorer la perception des uti-
(Hasnaoui et Lentz, 2011). La démarche lisateurs marocains concernant le
exploratoire choisie a permis d’identi- paiement par téléphone portable. La
fier d’autres voies de recherche dans méthodologie qualitative choisie à tra-
le domaine du M Payment notamment vers quatre focus group auprès a per-

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 59


DOSSIER

mis d’ouvrir des pistes de recherches Bibliographie


futures notamment concernant les va-
riables à prendre en compte dans une • Ajzen I (2005) Attitudes, Personality and
modélisation de l’adoption du M Pay- Behavior. (2ndedn), Open University Press.
ment dans le contexte marocain. • Chandra, S., Srivastava, S., & Theng, Y.-
Les résultats de cette recherche ont L. (2010). Evaluating the role of trust in
montré que les répondants sont gé- consumer adoption of mobile Payment sys-
tems: An empirical analysis (Article 29).
néralement satisfaits des moyens de
Communications of the Association for Infor-
paiement électroniques disponibles
mation Systems, 27(1), 561- 588. http://aisel.
au Maroc. Ce sont des moyens de paie- aisnet.org/cais/vol27/iss1/29
ment qui dépendent des banques ; qui • Chau, Patrick Y. K.; Hu, Paul J. (2002).
mettent en place des mesures de sécu- Examining a Model of Information Tech-
rité nécessaires pour protéger contre nology Acceptance by Individual Profes-
la fraude et l’utilisation abusive des sionals: An Exploratory Study, Journal of
renseignements personnels et finan- Management Information Systems. Vol. 18
ciers. Issue 4, p191-229
• Chen , L, D. (2008), “A model of Consu-
Dans l’ensemble, les répondants
mer acceptance of Mobile Payment” Inter-
étaient réceptifs à l’idée du paiement
national Journal of Mobile Communications,
par téléphonie mobile dans certaines Vol 6, n°, p32-52.
situations spécifiques, néanmoins ce • Cheng, T. E., Lam, D. Y., & Yeung, A. C.
nouveau mode de paiement doit offrir (2006). Adoption of Internet Banking:An
certains avantages par rapport aux Empirical Study in Hong Kong. Decision
méthodes de paiement actuelles afin Support System, 42(3): 1558-72.
d’être adopté. Cette étude à montré • Durlacher Report (2001) ‘UTMS Report.
que ce mode de paiement doit être An Investment Perspective’, page avail-
able at www.durlacher.com/downloads/
plus pratique, plus facile et plus ra-
umtsrcport.pdf. Version current as of 9th
pide que les paiements électroniques
December, 2002
actuels. La technologie utilisée devra • Edgard Dunn & Company (2007). 2007
également être facile afin que ce mode Mobile Financial services study. Edgard,
de paiement soit adopté. Dunn & Company in cooperation with mo�-
Les services de paiement mobiles qui bile Payments World
sont liés aux banques par opposition • Gartner (2013). Gartner says worldwide
à ceux où les paiements sont traités mobile Payment transaction value to sur-
par les entreprises de télécommunica- pass $235 billion in 2013. Gartner: News-
room, 4th June 2013. Retrieved 11th Au-
tions sont susceptibles d’être perçus
gust 2013 from http://www.gartner.com/
comme étant plus digne de confiance.
newsroom/id/2504915
Les répondants estiment que les pres- •Hanudin Amin, (2008) «Factors affecting
tataires de services de paiement mo- the intentions of customers in Malaysia to
bile (comprenant les banques et les use mobile phone credit cards», Management
entreprises de télécommunications) Research News, Vol. 31 Iss: 7, pp.493 – 503
devraient être responsables de la pro- • Hasnaoui, A et Lentz , F.Mz, (2011), Pro-
tection des consommateurs en veil- position d’un modèle d’analyse des déter-
lant à ce que les mesures visant à as- minants de l’adoption et de l’usage des
systèmes de paiement électronique B2C,
surer la sécurité et la prévention des
Revue Management et Avenir. Juin,Issue 45,
fraudes soient mises en place n
p223-237.

60 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

• Kapoor, K., Dwivedi, Y., & Williams, M. • Mattila, M. & Pento, T. (2002). Develop�-
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REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 61


DOSSIER

Indice boursier islamique à la Bourse


des Valeurs de Casablanca :
Composition et Performance
Résumé. En finance islamique, l’investissement dans les marchés financiers est
soumis à des règles de filtrage quantitatifs et qualitatifs strictes. Cette recherche
s’intéresse à la création d’un indice bousier islamique «le Moroccan 10 Shariah»
propre à la bourse des valeurs de Casablanca. Sur la base des normes interna-
tionales en la matière et des indices boursiers internationaux conformes à la
Sharia, cette recherche se propose également de mettre en relief la méthodologie
de composition de cet indice, et sa performance spécifique comparativement à
l’indice parent MASI.

Mots-clés. Indices islamiques, bourse des valeurs de Casablanca, finance isla-


mique, DJIMI
Abderrafi
EL MAATAOUI
Doctorant
Ecole Doctorale Abstract. In Islamic finance, investment in financial markets is subject to strict
Groupe ISCAE quantitative and qualitative filtering rules. This research focuses on the crea-
maataoui@wanadoo.net.ma
tion of an Islamic specific index «the Moroccan 10 Shariah» applied to the Ca-
sablanca stock exchange. Based on international accounting standards and
Sharia-compliant international stock market indices, this research also sets out
to highlight the compositional methodology of this index and its specific perfor-
mance compared to the MASI parent index.

Key words. Islamic indices, Casablanca stock exchange, Islamic finance, DJIMI

Depuis plusieurs années, la mar- les choses se sont accélérées depuis


mite de l’introduction des banques 2011. Aujourd’hui, les attentes, à la
islamiques - dites participatives - au fois des investisseurs et des clients
Maroc est toujours en ébullition sur potentiels, sont grandioses pour per-
un petit feu. Ses frémissements ne mettre un élargissement du taux de
présagent guère, ni du temps de la bancarisation domestique de plus
fin de la cuisson, ni de la qualité du de 10%, et l’attraction des investisse-
plat à servir. Le Maroc est l’un des ments du moyen orient de l’ordre de
derniers pays de la zone MENA à vou- 100 Md$ d’ici 2020.
loir mettre en place un cadre législatif Pour y arriver, la place financière de
réglementant les banques participa- Casablanca devrait prendre les de-
tives. Malgré cet interminable retard, vants en vue de la constitution d’un

62 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

indice boursier «  shariah compa- • l’Euro Stoxx Islamic 50 : le premier


tible ». Le placement en actions, selon indice boursier islamique en Europe
les normes , est soumis à des condi- lancé en février 2011.
tions techniques particulières, elles Dans le cadre de ce travail de re-
mêmes issues des cinq piliers de la cherche, nous proposons la création
finance islamique : l’interdiction du d’un indice «  sharia compatible » à
prêt à intérêt, l’interdiction de l’inves- la Bourse des Valeurs de Casablanca.
tissement dans les secteurs illicites, En procédant aux filtrages financiers
l’interdiction de la spéculation et de et non financiers recommandés, nous
l’incertitude significative dans les verrons, dans un premier temps,
transactions et les contrats, le partage quelles sont les actions cotées qui y
des pertes et des profits, et l’adosse- sont éligibles. Notre recherche empi-
ment à des actifs tangibles (asset bac- rique porte sur la période 2011, 2012,
king). et 2013 par compilation et exploita-
Sur la plan international, plusieurs in- tion des états de synthèse de toutes
dices compatibles à la Sharia ont déjà les valeurs cotées à la bourse de Ca-
vu le jour. Les plus célèbres familles sablanca.. Dans un second temps,
d’entre eux sont : nous verrons, en termes de perfor-
• le DJIMI ( Dow Jones Islamic Mar- mance, comment se sont comportées
ket Index) : lancé aux États-Unis en les valeurs de cet indice par rapport
février 1999. La famille des indices à la performance du MASI pour la
DJIMI englobe plus de 90 indices même période. Cette mesure compa-
individuels répartis sur la base des rative des performances consiste en
secteurs géographiques, des secteurs une évaluation du couple «rendement /
d‘activité , et des tailles des sociétés risque encouru» des actions «sharia
qui y sont incluses. A juin 2014, 70 compatible». Cette mesure compara-
pays dont le Maroc sont couverts par tive se base sur les données des ren-
le DJIMI. tabilités financières quotidiennes sur
• le FTSE Shariah Global Equity la période 2012 à 2013, du MASI dans
Index : lancé en octobre 1999, cette sa globalité et des valeurs prises indi-
famille englobe les indices du DIFX viduellement
Shariah, le SGX 100, et la FTSE Bursa Par conséquent, la structuration de
Malaysia index (FTSE 2010). cet article passe d’abord par une
• l’indice Shariah Standard & Poor revue de la littérature synthétisant les
500 : L‘agence Standard & Poor’s a principales recherches entreprises
lancé, en 2006, la version islamique sur le sujet. Ensuite, nous aborderons
de ses indices de référence.. Ainsi, en la méthodologie de la composition
plus de l‘indice global S&P 500 Sha- d’un indice local compatible à la
riah, la famille des indices islamiques Shariah, et la comparaison des
regroupe des indices régionaux, des performances.
indices par pays, des indices secto-
riels, et d’autres indices globaux. I. Revue de la littérature
• l’indice MSCI : lancé en mars 2007,
la famille d‘indices islamiques de La Finance islamique, qui dispose
Morgan Stanley Capital International d’un référent religieux, est catégori-
permet une large couverture géogra- sée à la fois dans la famille de la fi-
phique (69 pays). nance éthique, et dans la famille de la

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 63


DOSSIER

finance socialement responsable. «Les ne génèrent pas une rentabilité sup-


financements éthiques peuvent être plémentaire par rapport aux fonds
socialement responsables ou morale- conventionnels (Kraeussl et Hayat
ment responsables et la finance dite is- 2008 ; Merdad et al. 2010). La dernière
lamique fait partie de cette deuxième catégorie de recherches empiriques
catégorie (Ghoul et Karam 2007)». spécifie l‘absence de différences statis-
Hassoune (2008) définit la finance tiques significatives de performance
islamique comme étant : «un compar- (El Fakhani et al. 2005 ; Abderrezak
timent de la finance dite «éthique», 2008). D’autres études complémen-
c’est-à-dire d’une finance qui entend taires montrent carrément que la per-
se mettre à la disposition de l’écono- formance des fonds conventionnels est
mie réelle et la servir, à l’aune d’un bien supérieure à celle des fonds isla-
nombre limité de principes structu- miques (Abdullah, Hassan et Moha-
rants». mad (2007).
Le nombre des fonds d‘investissement Hormis la performance, ces études
islamiques, s‘élève à près de 680 mettent en exergue quelques particu-
fonds gérant plus de 70 milliards larités des fonds islamiques :
de dollars américains d‘actifs • « les fonds islamiques se comportent
(Eurekahedge 2010). Ce sont des mieux que les fonds conventionnels en
fonds majoritairement «  equity », et période de crise, et inversement en pé-
majoritairement investis en Malaisie riode de croissance » (Abdullah, Has-
et en Arabie Saoudite. Ce sont des san et Mohamad, 2007 ; Hayat, 2006).
fonds supervisés par des « Shariah • «les fonds islamiques préfèrent en
Boards  », organes collégiaux moyenne investir dans les sociétés
compétents et indépendants composés de petite taille dites «small cap», et
de «  scholars  », des jurisconsultes dans les valeurs de croissance dites
spécialisés en droit musulman des «growth».
affaires. La littérature relative à ces Quant aux indices boursiers « Sharia »
fonds s‘est spécialement concentrée compatibles, la mesure de leurs
sur la Malaisie (Abdullah et al. 2007 ; performances boursières consiste
Muhammad et Mokhtar 2008; Saad à évaluer le couple rendement  /
et al. 2010). D’autres travaux et risque encouru, et le comparer
recherches, moins nombreux, se sont à celui des indices de référence
focalisé sur des fonds islamiques conventionnels (benchmarks). De
opérant en Arabie Saoudite (Merdad même que pour les fonds islamiques,
et al. 2010), en Italie (Collina 2009,) et les études empiriques réalisées sur la
au Pakistan (Iftikar et al. 2012). performance des indices islamiques
Globalement, les résultats de ces re- sont également divergentes (Guyot,
cherches se contredisent sur la sur- 2008 ; Hakim et Rashidian, 2004b ;
performance ou la sous-performance Hussein, 2004) :
des fonds islamiques étudiés, sous • Par comparaison de la performance
trois déclinaisons possibles. Les pre- du PTSE Global Islamic Index et celle
mières recherches concluent que les de son parent, le FTSE All-World In-
fonds surperforment leurs bench- dex, Hussein (2004) conclut que le
marks (Abdullah et al. 2007 ; Mansor couple « performance / risque » de
et Bhatti 2011). La seconde catégorie l’indice islamique est similaire à celle
de recherches conclut que ces fonds de son indice parent.

64 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

• Hakim et Rashidian (2004b) dé- islamiques sont similaires à celles des


montrent que : « les contraintes sup- indices classiques ». Par conséquent,
plémentaires induites par l’applica- il considère que : « les investisseurs
tion des règles issues de la Shariah, peuvent poursuivre leurs placements
ne se traduisent pas par un coût finan- en actions conformément à leurs
cier supplémentaire pour les investis- convictions religieuses sans sacrifier
seurs ». la performance financière ».
• Hussein (2004) conclut que « les in- • F . Jawadi, N .Jawadi, W.Louhichi
dices islamiques se comportent moins (2014) démontrent que  les indices
bien que leurs homologues conven- islamiques se sont mieux comportés
tionnels en période de crise, et inver- que leurs homologues conventionnels
sement en période de stabilité et de durant la période de crise financière
hausse des marchés financiers ». de 2008-2009, mais qu’ils ont été aussi
• Al-Zoubi and Magheyreh (2007) impactés par la crise mais dans une
concluent que : « les critères de fil- moindre mesure. Ils démontrent éga-
trage adoptés pour éliminer les entre- lement que les indices islamiques
prises non conformes à la shariah ne ont été moins performants durant la
conduisent pas à coût financier sup- période d’accalmie financière, avant
plémentaire pour les investisseurs ». juillet 2007. Ils concluent enfin que
• En s’intéressant aux indices isla- les résultats du benchmarking sont
miques du Dow Jones, Guyot (2008) hétérogènes selon la région étudiée
conclut à : « une surperformance de ( USA, Europe, ou Monde), ce qui est
la gamme des indices islamiques par attribué à plusieurs facteurs comme
rapport à leurs homologues conven- la différence du degré de maturité de
tionnels. Il conclut également que le la finance islamique dans ces régions,
filtrage « shariah compatible » conduit et les niveaux de filtrage des indices et
à une perte de diversification ». des fonds islamiques.
• « En période de baisse des marchés
financiers, les indices boursiers isla- II. Critères de sélection
miques ont des performances infé-
rieures à leurs homologues conven-
et de composition
tionnels à cause de l‘exclusion par des indices islamiques
filtrage des sociétés opérant des sec-
teurs interdits par la Shariah tels que Les indices boursiers islamiques
l‘alcool, le tabac ou les jeux de hasard, exigent, au préalable, un double fil-
réputées par ailleurs pour être plus ré- trage ( screening) négatif – qui est
sistantes en période de crise » (Hong initié et mis à jour trimestriellement
et Kacperczyk 2009). par les Shariah Boards - des actions
• « Les différences de performance en cotation sur les marchés financiers
peuvent être impactées par des dif- comme suit :
férences en matière de style de mana-
gement » (Girard et Hassan 2008; Bin- • Le premier filtrage est d’ordre
mahfouz et Hassan 2012). qualitatif :
• Boujelbene (2012), en utilisant les Il consiste à exclure les sociétés sur la
différences entre les tests de Sharpe base de leurs secteurs d’activités. Les
et le modèle CAPM, conclut que : « les sociétés ayant activités considérées
performances des indices boursiers par la Shariah comme étant illicites

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 65


DOSSIER

sont automatiquement exclues de la l’Iftâ d’Arabie Saoudite, les comités


composition de ces indices : alcool, Shariah de quelques banques isla-
tabacs, jeux du hasard, armement, miques (Dubaï Islamic Bank, Kuwait
banques et assurances convention- Finance House,. Banque Islamique
nelles, pornographie, divertissement Soudanaise.).
contraire aux mœurs,… Néanmoins, la solution qui s’est impo-
A titre indicatif, le comité Shariah sée sur les places financières interna-
du DJIMI a dressé une liste des sec- tionales prône une flexibilité et une
teurs d’activités jugés incompatibles tolérance sur la base d’un taux maxi-
aux préceptes islamiques, laquelle mum de 5% de revenus accessoires
se base sur la nomenclature secto- illicites par rapport à l’ensemble des
rielle ICB (The Industry Classification revenus des sociétés concernées.
Benchmark). Cette classification des C’est cette position qui a été adop-
secteurs d’activités se base sur un tée par l’AAOIFI1, la grande majorité
système à quatre niveaux qui com- des banques islamiques internatio-
prend actuellement 10 industries, 19 nales, la grande majorité des Shariah
secteurs primaires, 41 secteurs, et Boards, et les indices islamiques
114 sous-secteurs. Ainsi, toutes les boursiers réputés ( DJIMI, FTSE, S&P,
sociétés dont l’activité principale cor- MSCI, Stoxx). Toutefois, cette permis-
respond à la liste « noire » du DJIMI sion est assortie de l’obligation de
(en Annexe 1) sont purement et sim- purification des revenus illicites par
plement écartées. les sociétés concernées, qu’il y ait dis-
Toutefois, il reste à clarifier le traite- tribution ou non de ces revenus, que
ment des sociétés dont l’activité princi- la société soit bénéficiaire ou défi-
pale n’est pas prohibée par la Shariah, citaire. Ainsi, les montants issus de
mais qui disposent quand même de cette purification doivent être rever-
revenus accessoires illicites (intérêts sés à des œuvres caritatives externes.
financiers, ventes illicites, dividendes
de filiales à activité illicite, …). Ce trai- • Le second filtrage est d’ordre
tement ne fait pas l’unanimité entre financier :
les Scholars, les comités « Shariah », Sur la base de la liste résiduelle du
et les organisations des juriscon- premier filtrage, le second filtrage se
sultes. les partisans d’une exclusion focalise sur la structure bilantielle des
radicale sont nombreux : l‘Organisa- sociétés. Selon les règles du DJIMI,
tion de la Conférence Islamique de trois ratios financiers font l’objet
Jeddah, le Conseil de Jurisprudence d’analyse et doivent être inférieurs à
islamique de la Mecque, la Commis- 33% :
sion Permanente pour la Recherche et

1. L’AAOIFI (Accounting and Auditing Organization for Islamic Financial Institutions) est un organisme international de
normalisation basé au Bahrein. L’AAOIFI est soutenu par plusieurs banques centrales et de nombreux acteurs institution-
nels de premier plan.

66 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

Ratio Objectif Calcul DJIMI

RATIO 1 S’assurer que les sociétés ne sont pas Dettes à court moyen
fortement endettées (les investisseurs et long terme/
dans ces sociétés ne sont pas censés Capitalisation
acheter trop de «dette») boursière moyenne
des 24 derniers mois

RATIO 2 S’assurer que les actifs circulants ne Créances brutes/


sont pas significatifs dans la structure Capitalisation
bilantielle (les investisseurs dans ces boursière moyenne
sociétés ne sont pas censés acheter trop des 24 derniers mois
de «créance»)

RATIO 3 S’assurer que les volumes des liquidités Liquidités /


bancaires, en caisse, et placements à Capitalisation
court terme ne sont pas significatifs (les boursière moyenne
investisseurs dans ces sociétés ne sont des 24 derniers mois
pas censés acheter trop de «cash»)

Le choix du dénominateur commun à de calcul des ratios financiers adoptées


ces trois ratios, comme étant la capi- par le MSCI Islamic, et le FTSE Sha-
talisation boursière moyenne des 24 riah sont fournies respectivement en
derniers mois, s’explique par la vo- Annexe 2, et en Annexe 3.
lonté d’atténuer continuellement les les différences de calcul des ratios
effets des événements exceptionnels, financiers de filtrage entre les prin-
tels que les fortes variations des cours cipaux indices boursiers islamiques
bousiers à la hausse ou à la baisse, les aboutissent inéluctablement à des
opérations de réduction ou d’augmen- résultats de filtrage parfois très éloi-
tation de capital,.. gnés. Une étude menée par Derigs et
D’autres indices boursiers islamiques, Marzban2, deux professeurs allemands
moins restrictifs, comme le MSCI Is- de l’université de Cologne dresse les
lamic, et le FTSE Shariah, préfèrent conclusions suivantes :
retenir comme dénominateur l’actif • Les différences entre les familles
comptable des sociétés, au lieu de la des indices S&P and DJIMI sont né-
capitalisation boursière moyenne des gligeables (1,3%). Ceci est principale-
24 derniers mois. De même, le plafond ment dû à l’emploi du même dénomi-
des ratios de 33 % est revu à la hausse. nateur pour les trois ratios, à savoir la
le MSCI Islamic retient un taux de 70% capitalisation boursière moyenne.
pour le ratio 2 et le ratio 3, tandis que Le • Les différences entre les familles
FTSE Shariah retient un taux de 50% des indices S&P/DJIMI et les familles
pour les mêmes ratios. Les méthodes MSCI/ FTSE/ sont significatives (21-

2. Prof. Ulrich Derigs & Shehab Marzban, ‘Inequalities of screening’, Islamic Banking & Finance Volume 6, n° 2, p. 12.

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 67


DOSSIER

26%). La principale raison derrière ce potentiellement susceptibles de faire


constat est l’emploi d’un dénominateur partie de l’indice islamique propre à
différent pour les trois ratios pour les la bourse des Valeurs de Casablanca,
derniers indices (Total Actif). soit à peine 13% de l’ensemble de la
côte. Elles forment ce que nous appel-
III. Composition de l’indice lerons le « Moroccan 10 Sharia ». Le
taux de rejet de 87% des valeurs de la
islamique de la bourse côte Casablancaise est très élevé com-
des valeurs de Casablanca parativement aux taux de rejet consa-
crés par les études internationales
Filtrage qualitatif qui se situent généralement entre 60%
Le premier filtrage d’ordre qualita- et 75%.
tif consistant à exclure les sociétés Les dix sociétés éligibles à l’indice
côtées à la bourse de Casablanca sur islamique sont les suivantes :
la base de leurs secteurs d’activités,
a permis d’évincer de la composi-
CENTRALE LAITIERE
tion de l’indice islamique, un nombre
de 21 sociétés. Ce premier filtrage a CIMENTS DU MAROC
permis l’exclusion de près de 28% de ENNAKL
l’ensemble des sociétés côtées. Sans
HOLCIM
surprise, les secteurs qui s’acca-
parent une part prépondérante dans SOTHEMA
cette exclusion sont les secteurs de la MANAGEM
banque, des sociétés de financement,
ITISSALAT AL-MAGHRIB (IAM)
et des assurances.
LAFARGE CIMENTS
Filtrage financier MINIERE TOUISSIT
Le filtrage par le premier ratio rela-
SMI
tif au poids de l’endettement par rap-
port à la capitalisation boursière a été
très restrictif et a permis d’exclure 36
sociétés additionnelles appartenant à Il est à constater la surreprésentation
des secteurs variés. des secteurs du BTP (2 sociétés)
Le filtrage par le deuxième ratio rela- et du secteur minier (3 sociétés)
tif au poids de l’actif circulant par dans cette liste. Nous constaterons
rapport à la capitalisation boursière également l’absence totale des
a été également restrictif et a permis valeurs immobilières et des valeurs
d’exclure 40 sociétés, dont la grande technologiques, exclues notamment
majorité, soit 31 sociétés, a été déjà à cause de leur fort endettement. En
exclue par le premier ratio. plus, comme l’illustre le tableau ci-
Le filtrage par le troisième ratio rela- après, la valeur IAM s’accapare plus
tif au poids des liquidités par rapport de 54% dans la capitalisation moyenne
à la capitalisation boursière a été le flottante de cet indice sur la période
moins restrictif et n’a permis d’ex- 2011 à 2013, suivie de la valeur
clure que 5 sociétés. LAFARGE CIMENTS avec 13%.
A l’issue des filtrages qualitatif et
financier, seules dix sociétés sont

68 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

Capitalisation-
Valeur Secteur Moyenne MMDH Poids %

CENTRALE Agroalimentaire / 12 899 7%


LAITIERE Production
ENNAKL Distributeurs 1 232 1%
HOLCIM (Maroc) Bâtiment et Matériaux 8 895 5%
de Construction
ITISSALAT Télécommunications 98 928 54%
AL-MAGHRIB
LAFARGE Bâtiment et Matériaux 23 991 13%
CIMENTS de Construction
MANAGEM Mines 12 819 7%
MINIERE TOUISSIT Mines 2 873 2%
SOTHEMA Industrie Pharmaceutique 2 284 1%
CIMENTS Bâtiment et Matériaux de 12 333 7%
DU MAROC Construction
SMI Mines 6 109 3%
Total 182 362 100%

IV. Performance de l’indice internationales d’Hayat (2006) et Ab-


dullah, Hassan et Mohamad (2007),
islamique de la bourse selon lesquelles les indices boursiers
des valeurs de Casablanca islamiques se comportent mieux que
leurs homologues conventionnels en
Sur la période étudiée, le calcul des période de crise.
rentabilités quotidiennes annuali- Les calculs du Risque (par l’écart
sées de l’indice parent MASI aboutit à type annualisé des variations quoti-
une performance négative de -17,55%, diennes des rentabilités), et du Ren-
alors que celui de l’indice «Moroccan dement (annualisé Log Népérien)
10 Sharia » about à une performance est livré en synthèse dans la graphe
moyenne, beaucoup moins mauvaise suivant, comparativement à l’indice
de – 4%. Cette surperformance cor- parent MASI :
robore les résultats des recherches

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 69


DOSSIER

RISQUE VS RENDEMENT
RISQUE PAR ECART TYPE ANNUALISE RENDEMENT ANNUALISE LOG NEPRIEN

CENTRALE LAITIERE
80,00%
42,61%
CIMENTS
MASI
60,00% DU MAROC
41,10%
40,00%
7,30%
9,96%
SMI 20,00% ENNAKL
46,76% 0,00% -11,12% 40,78%
-18,52%
-5,84%
-20,00% -17,83%
-40,00%
-38,21% -23,67%
MINIERE TOUISSIT47,94% 41,99% HOLCIM
-34,46%-29,42%
-14,49%

41,07% 36,14%
10,79%
LAFARGE CIMENTS 21,90% MANAGEM

ITISSALAT SOTHEMA
AL-MAGHRIB 67,62%

Ces résultats montrent que le couple Conclusion


« performance / risque » de l’indice
islamique n’est pas similaire à celui Cette recherche nous a permis de
de son indice parent. Ils démontrent mettre la lumière sur l’intérêt de
également que les contraintes supplé- la création d’un indice bousier isla-
mentaires induites par l’application mique propre à la bourse des valeurs
des règles issues de la Shariah, se de Casablanca, sur la base des normes
traduisent par un coût financier sup- internationales en la matière.
plémentaire pour les investisseurs. Ce Sur la période considérée, soit de
qui contredit les résultats de Hakim 2011 à 2013, le Moroccan 10 Sha-
et Rashidian (2004b) et de Al-Zoubi riah semble à la fois être beaucoup
and Magheyreh (2007). plus risqué et légèrement plus per-

70 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

formant que son indice parent MASI. indexes ? A stochastic dominance ap-
Cet indice ne peut pas prétendre à la proach», Pacific-Basin Finance Journal, 28,
qualification d’un indice défensif en issue C, p. 29-46.
période de crise. Nous avons opté dans • Catherine Soke Fun Ho, Nurul Afiqah
Abd Rahman, Noor Hafizha Muhamad Yu-
cette recherche pour le non plafonne-
suf, Zaminor Zamzamin, « Performance of
ment des valeurs qui le constituent. Il global Islamic versus conventional share
serait alors judicieux de proposer des indices: International evidence », Pacific-
recherches retenant des indices de pla- Basin Finance Journal Volume 28, June
fonnement de 10% voire de 20% pour 2014, Pages 110–121, Special Issue on Is-
étudier l’impact d’une homogénéisa- lamic Banking and Finance
tion de sa structure. Il serait également • Jonathan Peillex, Loredana Ureche-
intéressant d’étendre les recherches à Rangau , «Création d’un indice boursier
des périodes de prospérité boursière islamique sur la place financière de Paris :
méthodologie et performance», Revue d’éco-
du MASI avant le déclenchement de la
nomie financière 2012/3 (N° 107)
crise de 2007/2008 n • Abdelbari El Khamlichi, Kabir Sarkar,
Mohamed Arouri, Frédéric Teulon, « Are
Islamic Equity Indices More Efficient
Bibliographie Than Their Conventional Counterparts? 
Evidence From Major Global Index Fami-
• F. Jawadi, N .Jawadi, W.Louhichi, lies», The Journal of Applied Business
«Conventional and Islamic stock price Research – July/August 2014 Volume 30,
performance: An empirical investigation», Number 4.
2014/5/31, Revue International Econo-
mics , Volume 137 Annexe 1 : Codes ICB des 23 secteurs
• Ulrich Derigs & Shehab Marzban, « In- interdits par le comité charia de Dow Jone
equalities of screening », Islamic Banking
& Finance Volume 6, n° 2. 2717 Défense
• El khamlichi A. (2010), « l’investisse- 3535 Distillateurs et viticulteurs
ment en bourse : les normes de la finance 3577 Produits alimentaires
islamique appliquées aux valeurs de la 3745 Produits de loisirs
place boursière de paris (cac 40 et sbf 3785 Tabac
250) ». Etudes en économie islamique 5337 Détaillants et grossistes – Alimentation
Vol.4, No.1. 5553 Audiovisuel et divertissements
• F. Z. Elihssini et M. Tkiouat, « Vers un 5555 Agence de médias
MASI et un MADEX islamiques sur la 5752 Jeux de hasard et d’argent
bourse de Casablanca », IFE-Lab- Labora- 5753 Hôtels
toire d’Etude et de Recherche en Mathéma- 5755 Services de loisirs
tiques Appliquées -Ecole Mohammadia d’In- 5757 Restaurants et bars
génieurs- Université Mohammed V- Agdal, 8355 Banques
Rabat, Maroc 8532 Assurance (services complets)
• Abdelbari El Khamlichi, « Ethique et 8534 Courtiers en assurance
performance : le cas des indices boursiers 8536 Assurance - immobilière et dommages
et des fonds d’investissement en finance 8538 Réassurance
islamique ». Université d’Auvergne - Cler- 8575 Assurance vie
mont-Ferrand I, 2012 8733 Patrimoine immobilier et développement
• S&P Dow Jones Indices: «  Dow Jones Is- 8773 Financement à la consommation
lamic Market Indices Methodology », 2014 8775 Activités financières spécialisées
• Al-Khazali, Osamah, Lean, Hooi Hooi 8777 Services d’investissement
and Samet, Anis, (2014), «Do Islamic stock 8779 Financements hypothécaire
indexes outperform conventional stock
Source : www.djindexes.com

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 71


DOSSIER

Annexe 2 :
Ratios financiers de filtrage adoptés par le MSCI Islamic

Ratio Objectif Calcul MSCI

Ratio 1 S’assurer que les sociétés ne sont pas for- Dettes à court moyen et long
tement endettées (les investisseurs dans terme / total actif
ces sociétés ne sont pas censés acheter
trop de «dettes») <33%

Ratio 2 S’assurer que les actifs circulants ne sont Créances brutes / Total actif
pas significatifs dans la structure bilan-
tielle (les investisseurs dans ces socié- <70%
tés ne sont pas censés acheter trop de
«créances»)

Ratio 3 S’assurer que les volumes des liquidités Liquidités/Total actif


bancaires, en caisse, et placements à court
terme ne sont pas significatifs (les investis- <70%
seurs dans ces sociétés ne sont pas censés
acheter trop de «cash»)

Annexe 3 :
Ratios financiers de filtrage adoptés par le FTSE Shariah

Ratio Objectif Calcul FTSE

Ratio 1 S’assurer que les sociétés ne sont pas for- Dettes à court moyen et long
tement endettées (les investisseurs dans terme / total actif
ces sociétés ne sont pas censés acheter
trop de «dettes») <33%

Ratio 2 S’assurer que les actifs circulants ne sont Créances brutes / Total actif
pas significatifs dans la structure bilan-
tielle (les investisseurs dans ces socié- <50%
tés ne sont pas censés acheter trop de
«créances»)

Ratio 3 S’assurer que les volumes des liquidités Liquidités/Total actif


bancaires, en caisse, et placements à court
terme ne sont pas significatifs (les investis- <50%
seurs dans ces sociétés ne sont pas censés
acheter trop de «cash»)

72 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

Finance Carbone à l’heure de la COP 22 :


performativité au prisme du Management
Responsable au Maroc
Rachid Résumé. Notre recherche a pour objectif d’analyser l’impact des stratégies et des
BOUTTI structures responsables sur l’implémentation et le déploiement de la Finance Car-
Président bone en vue de la réduction des émissions CO2 dans les organisations. Bien que plu-
du Comité
Directeur de la
sieurs recherches aient étudié la Finance Carbone, la question de son adoption et de
Chaire UNESCO sa performance au prisme du Management Responsable reste ouverte. Cela nous
en Energies a permis de mener une recherche empirique par le truchement d’un questionnaire
Renouvelables, rassemblant les principaux axes de notre étude. Nous avons ciblé principalement un
Directeur
de la Revue
échantillon de 40 entreprises du Forum International ELEC EXPO à Casablanca,
Scientifique Maroc, qui s’est tenu du 15 au 18 octobre 2014. Nous réexaminons les stratégies de
Internationale la Finance Carbone, analysons ses relations avec la structure de la conformité NRE
«Peer Review» (Nouvelles Régulations Économiques) et ISO 26 000. Par la suite, nous évaluons la
du Centre de
Recherches
validité de sa performance et de son adoption au prisme du Management Respon-
en Économie et sable à travers un modèle réflexif. Pour y parvenir, nous avons testé les relations
en Management structurelles de notre modèle, de même la nature réflective de nos construits et la
Africain vocation prédictive de notre modèle nous ont conduit à retenir la méthode Partial
(CREMA),
ENCG Agadir,
Least Squares (PLS) dans le cadre de la validation de notre modèle de recherche.
Université Ibnou Notre choix d’utiliser l’approche PLS se justifie par le fait qu’elle permet de traiter
Zohr. des analyses sur des échantillons à taille réduite (<100 observations). In fine, une
r.boutti@uiz.ac.ma
partie de la littérature affirme que les stratégies de la Finance Carbone comprennent
trois dimensions (MDP ; MOC et PEN). En effet, notre étude a relevé deux piliers très
Florence
RODHAIN
importants pour la performance de l’adoption de la Finance Carbone au plan maro-
Directrice cain ; la stratégie MDP et la structure de la conformité NRE (Nouvelles Régulations
du Groupe Économiques) et ISO 26 000. Nous discutons ensuite les implications théoriques et
Systèmes pratiques de cette découverte managériale.
d’Information,
Maître de
Conférences Mots-clés. Développement Durable - Responsabilité Sociale et Environnemen-
HDR, tale - Protocole de Kyoto - Stratégies - Finance Carbone - Structure NRE et ISO 26
Université 000 - Changement Climatique - COP 22 - Management Responsable - Émissions
Montpellier 2,
GES - Performativité - Modèle réflexif - Partial Least Squares (PLS).
France.
florence.rodhain@
univ-montp2.fr

Abstract. Our research aims to analyze the impact of responsible strategies and
Isabelle structures on the implementation and deployment of carbon finance for reducing
BOURDON
Groupe
CO2 emissions in organizations. Although several studies have investigated
Systèmes the carbon finance, the issue of adoption and performance through the prism
d’Information, Responsible
Maître de Management remains open. This allowed us to conduct empirical research
Conférences
HDR, Université
through a questionnaire involving key axes of our study. We targeted primarily
Montpellier 2, a sample of 40 companies ELEC EXPO International Forum in Casablanca,
France.
isabelle.bourdon@
univ-montp2.fr

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 73


DOSSIER

Adil Morocco, held from 15 to 18 October 2014. We review the carbon finance
EL AMRI strategies, analyze its relationship with the structure of the compliance NRE
Doctorant,
(New Economic Regulations) and ISO 26 000. subsequently, we assess the validity
Membre du
Laboratoire of its performance and its adoption prism Responsible Management through a
Accrédité reflexive model. To achieve this, we tested the structural relationships in our
LaRGe, model, as the reflective nature of our built and predictive vocation of our model
ENCG Agadir,
led us to retain the method Partial Least Squares (PLS) as part of the validation
Université Ibnou
Zohr et du of our research model. Our choice of using the PLS approach is justified by the
Laboratoire fact that it can treat analyzes on samples of reduced size (<100 observations).
MRM, Ultimately, some of the literature says that strategies of Carbon Finance
Université
include three dimensions (CDM, JI and PEN). Indeed, our study identified two
Montpellier 2,
France. important pillars for the performance of the adoption of the Carbon Finance for
adil.elamri@edu.uiz. the Moroccan plan; MDP strategy and structure of the compliance NRE (New
ac.ma
Economic Regulations) and ISO 26 000. We then discuss the theoretical and
practical implications of this managerial discovery.

Key words. Sustainable Development - Social and Environmental Responsibility


- the Kyoto Protocol - Strategies - carbon finance - Structure NRE and ISO
26000 - Climate Change - COP 22 - Responsible Management - GHG emissions -
Performativity - reflexive model - Partial Least Squares (PLS).

Introduction œuvre dans les organisations (Boutti,


Rodhain, Bourdon et El Amri, 2013b ;
Le champ de la Finance Carbone au Jaffe, Newell & Stavins, 2004 ; Daniel
prisme du Management Responsable & Pico, 2010 ; Carbonium, 2009 ; De
apparaît davantage occupé par les ges- Perthuis & Jouvet, 2015 ; Crassous,
tionnaires que par les économistes. 2008 ; Criqui, 2006 ; Strange & Bayley,
C’est ainsi que parmi les nombreux 2008 ; Haumont et Marois, 2010 ; IEA
travaux consacrés à ce thème, peu ont Ministerial Statement on Energy and
étudié spécifiquement la performance Climate Change, 2015 ; Lecompte
de l’adoption de la Finance Carbone et Adary, 2012 ; ISO, 2010 ; Morana,
(De Perthuis et Boccon-Gibod, 2006 2005 ; Agence De l’Environnement et de
; Laurence et Laurent, 2010 ; Férone, la Maîtrise de l’Energie, 2009 ; World
Debas et Genin, 2004) alors que ces Business Council for Sustainable Deve-
derniers sont le véhicule privilégié de lopment, 1998 ; World Ressources Ins-
l’implémentation et du déploiement titute, 1998). En même temps, la stra-
de la Finance Carbone. Pourtant, les tégie Mécanismes de Développement
structures de conformité – Nouvelles Propre (MDP) est plus que jamais
Régulations Économiques (NRE) et considérée comme un élément-clé du
ISO 26 000 – font face à de nombreux succès de la Finance Carbone car une
construits et il peut difficilement être préoccupation centrale dans du Proto-
exclu que la Performance de l’adop- cole de Kyoto (PK) consiste désormais
tion de la Finance Carbone puisse à trouver le meilleur moyen de créer un
dépendre significativement des pra- Développement Propre dans les Pays de
tiques managériales responsables en Sud (Boutti, Rodhain, Bourdon et El

74 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

Amri, 2013 ; 2013c ; Geres, 2008 ; Ro- de la Finance Carbone (MDP ; PEN ;
galski, 2011 ; Kleiche, 2006 ; Lacour MOC), notre étude conduite auprès
et Simon, 2012 ; Godard et Henry, de quarante (40) firmes inscrites au
1998 ; Abbas, 2011 ; Zelenko, 2012 ; Forum International ELEC EXPO à
Mozas, 2011). Dès lors, force est de Casablanca, Maroc, qui s’est tenu du
constater que la Stratégie des Permis 15 au 18 octobre 2014. Cette situation
d’Émissions Négociables (PEN) – défi- a suggéré qu’une quatrième dimension
nie comme une possibilité de vendre – structure de conformité Nouvelles
et d’acheter des quotas et des crédits Régulations Économiques (NRE) et ISO
CO2 vis-à-vis d’un acteur industriel 26 000 – est plus importante encore
inscrit dans une bourse carbone ; pour les domaines d’action du Mana-
le cas par illustration de l’European gement Responsable au plan environ-
Union Emissions Trading System (EU nemental : prévention de la pollution,
ETS) (Boutti, Rodhain, Bourdon et El utilisation durable des ressources, atté-
Amri, 2013 ; Wolff, 2010 ; Abbas, 2011 ; nuation des changements climatiques et
Percebois, 2007 ; Chalmin, 2012 ) – pa- adaptation et protection de l’environne-
raît particulièrement importante dans ment, biodiversité et réhabilitation des
l’implémentation et le déploiement de habitats naturels, que chacune des trois
la Finance Carbone dans un cadre dimensions traditionnellement prises
communautaire. Quant à la Straté- en compte. Nous discutons ensuite les
gie Mécanismes d’OEuvre Conjointe implications théoriques et pratiques de
(MOC), reposant sur l’obtention des cette découverte. De ce fait, l’article com-
crédits d’émission carbone, conver- prend trois parties. La première partie
tissables en quotas, par le truchement sera dédiée au modèle conceptuel et opé-
d’un investissement dans un projet rationnalisation des concepts du modèle
certifié « performant en émission de recherche. Quant à la seconde partie,
CO2 » (Boutti, Rodhain, Bourdon et El elle présentera la procédure d’échantil-
Amri, 2015). lonnage spécifiée dans le cadre de notre
En effet, bien que plusieurs recherches recherche. Enfin, la troisième partie
aient étudié la Finance Carbone, la entamera une discussion à chaud des
question de la Performance de son résultats obtenus.
adoption au prisme du Management
Responsable reste ouverte. Dans cette I. Modèle conceptuel
partie, nous réexaminons la notion de
l’adoption de la Finance Carbone, ana-
et opérationnalisation
lysons ses relations avec la structure des concepts du modèle
de la conformité aux Nouvelles Régu- de recherche
lations Économiques (NRE) et ISO 26
000 et évaluons la validité de sa per- L’objectif que nous visons dans cette
formance au prisme du Management recherche, en l’occurrence, est de pré-
Responsable à travers un modèle ana- senter aussi fidèlement les étapes du
lytique (réflexif). processus de mesure des dimensions
Alors que plusieurs travaux (Agliet- des concepts de notre recherche, de
ta, 2011 ; Fremont, 2006 ; Kleiche, leur validité de construit, convergente
2006 ; Pigou, 1932 ; Coase, 1960 ; Le- et discriminante, leur fiabilité en tant
cocq, 2006 ; Chevallier, 2012) ont étu- que mesure et en tant que concept ain-
diés les trois dimensions stratégiques si que leur cohérence.

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 75


DOSSIER

Nous pensons qu’en disséquant la justification de leurs arguments et


minutieusement chaque concept des hypothèses qui les sous tendent
par l’étude des caractéristiques aux caractéristiques des Pays En Dé-
des dimensions qui le constituent, veloppement (PED) et le cas échéant
et des items (questions) pour le le Maroc. La plasticité au niveau de
mesurer, on offrira aux chercheurs la spécification du modèle économé-
désireux de confronter notre modèle trique est indubitablement inévitable
à d’autres terrains de recherche, des eu égard au caractère contextuel et
éclaircissements sur les principales substantif des approches théoriques
étapes à suivre pour constituer des étudiant les déterminants de l’enga-
conditions de test identiques à celles gement responsable des entreprise
que nous réaliserons. et le cas échéant la performance du
Le point focal de cette phase méthodo- système de Management Responsable
logique se voue à la présentation de la pour l’implémentation et le déploie-
procédure de spécification du modèle ment de la Finance Carbone. Force est
économétrique servant de moyen de de reconnaître que, nous nous foca-
test pour notre modèle conceptuel et lisons sur les apports de notre accès
des critères de jugement de sa validité précoce au terrain et en l’occurrence
et de sa fiabilité. les résultats de nos entretiens-directifs
Conscients de la prépondérance de avec les spécialistes dans le domaine
cette phase s’omise dans plusieurs de l’économie de l’environnement et le
études empiriques, nous la conduisons Changement Climatique (CC).
en empruntant une approche joignant Nous essayons de vérifier les quatre
le conformisme économétrique et la (4) hypothèses suivantes dans le cadre
plasticité exigée dans les études où de notre méatmodèle de recherche :
le cadre de référence n’est pas assez • Hypothèse recherche n°1 (H1) : La
pointu pour expliquer l’ensemble des stratégie des Mécanismes de Dévelop-
contours d’un phénomène relevant du pement Propre (MDP) influence posi-
compte puisant dans le comportement tivement la performance de l’adoption
humain. de la Finance Carbone au prisme du
Le conformisme économétrique Management Responsable dans les
consiste à présenter les conditions organisations.
de contrôle, et le cas échéant, les fac- • Hypothèse recherche n°2 (H2) : La
teurs à écarter l’effet en vue de mieux stratégie des Permis d’Émissions Négo-
apprécier les liens de causalité entre ciables (MOC) a un impact positif sur la
les concepts de notre modèle de re- performance de l’adoption de la Finance
cherche. Le choix de ces facteurs se Carbone au prisme du Management
base, eu égard aux exigences de ce Responsable dans les organisations.
conformisme, sur les théories et mo- • Hypothèse recherche n°3 (H3) : La
dèles théoriques traitant les détermi- stratégie des Mécanismes d’OEuvre
nants de l’engagement responsable Conjointe PEN favorise positivement le
d’une entreprise pour protéger l’envi- déploiement et l’implémentation de la
ronnement et réduire les émissions performance de l’adoption de la Finance
Gaz à Effet de Serre (GES). Ainsi, à Carbone au prisme du Management
titre d’illustration, nous nous basons Responsable dans les organisations.
sur les arguments des approches rele- • Hypothèse recherche n°4 (H4) :
vant du néo-institutionnalisme de par L’implémentation et le déploiement des

76 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

structures de conformité NRE et ISO portant sur des concepts qualitatifs, le


26 000 améliorent positivement la per- recours à l’opérationnalisation de ces
formance de l’adoption de la Finance derniers par un instrument de mesure
Carbone au prisme du Management demeure inévitable. Cet instrument
Responsable dans les organisations. revêt la forme d’un questionnaire avec
L’intérêt pour notre recherche est de des échelles de mesure revêtant la
comprendre les stratégies et les struc- forme de questions avec des items.
tures favorisant la Performance de Dans un langage propres à la métho-
l’Adoption de la Finance Carbone au dologie d’opérationnalisation par
prisme du Management Responsable échelles de mesure, le concept s’inti-
dans le contexte marocain. Ainsi, la tule variable latente, et les items sont
question centrale de notre recherche a des variables manifestes. Se basant
été formulée de la manière suivante : sur cette conceptualisation, la rela-
« Quels sont les stratégies et les tion entre une variable latente et ses
structures favorisant la Perfor- variables manifestes s’intitule modèle
mance de l’Adoption de la Finance de mesure et peut être une relation
Carbone au prisme du Management reflexive ou formative. Nous avons
Responsable au maroc ? ». pu mettre en évidence le caractère re-
Pour tester notre méta-modèle concep- flexif de nos modèles de mesure.
tuel conçu par une approche abduc- En effet, les variables manifestes que
tive, nous opérons un passage du nous utilisons ne sont que la matériali-
monde théorique vers le monde empi- sation des variables latentes que nous
rique. Cette transition qui n’est pas cherchons à mesurer. Par illustration,
dénuée d’écueils méthodologiques, la Performance du Management Res-
requière une certaine vigilance quant ponsable prend la forme d’un style
aux choix des bons proxys permettant de management nait de l’implication
de cerner les principales facettes ou d’entreprise (engagement) qui se défi-
dimensions des concepts mobilisés nie comme les perceptions communes
dans notre modèle, ainsi que pour tes- partagées par les acteurs qui y évo-
ter leurs interactions. Mus par cette luent. De ce fait, lorsque prime une
finalité, nous scindons cet axe en deux culture de répartition équitable de la
points essentiels. Le premier permet valeur, de protection de l’environne-
de mettre en exergue la méthodologie ment, d’atténuer le Changement Cli-
de test de la validité et la fiabilité des matique (CC) de réduire les émissions
variables d’opérationnalisation. Dans GES et de la contribution au Dévelop-
un second point, nous consolidons le pement Durable (DD), des matériali-
choix de la méthodologie de test de sations de cette implication peuvent
la validité et la fiabilité des variables se voir à travers un ensemble de pra-
d’opérationnalisation de notre méta- tiques observables et mesurables
modèle. dans ce sens.
Ainsi, il est possible d’apprécier cette
1. Méthodologie de test implication de responsabilité socié-
de la validité et la fiabilité tale par des questions sur la protec-
des variables d’opérationnalisation tion de l’environnement naturel, la
Force est de constater que lorsque la préservation de la qualité de l’air,
recherche consiste à confronter des l’abstention du rejet des déchets dans
hypothèses à des données factuelles la nature, et la prise en compte des

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 77


DOSSIER

attentes des salariés, des clients et des permettant d’apprécier l’association


fournisseurs. Ainsi, il apparait claire- globale entre la variable latente et
ment que les variables manifestes sont ses variables manifestes peut servir
la matérialisation de la variable la- à apprécier la validité convergente.
tente (Performance de l’Adoption de la Dans notre présente étude, et tout en
Finance Carbone au prisme du Mana- s’alliant aux nouvelles revendications
gement Responsable) et donc il s’agit méthodologiques plaidant en faveur
d’un modèle de mesure réflexif. de deux procédures d’examen de vali-
Dans ce sens, pour examiner la validité dité et de fiabilité, nous testons la vali-
et la fiabilité d’un modèle de mesure dité du concept de notre instrument de
de nature réflexive, des paradigmes mesure à travers deux étapes de vali-
peuvent s’adopter comme celui de Chur- dité à savoir l’Analyse Factorielle Ex-
chill. Ce dernier se décline sous forme ploratoire (AFE) et la validité discri-
d’un processus de vérification assistés minante. Quant à la première phase,
par l’usage d’indicateurs statistiques. s’intitulant l’Analyse Factorielle Ex-
Dans cette recherche, nous examinons ploratoire (AFE), dont l’intitulé offre
la validité et la fiabilité de nos mo- une information sur sa portée descrip-
dèles de mesure en s’inscrivant dans tive. Dans cette phase, l’examen de la
le paradigme de Churchill (Churchill, validité de chaque concept se fera par
1979). Ce dernier préconise de véri- l’analyse factorielle des correspon-
fier deux types de validités à savoir dances, et plus particulièrement en
la validité du concept ou du construit se basant sur la part de la variance
et celle de l’instrument de mesure. de l’axe factoriel (qui est la variable
En effet, la validité du concept ou latente), captée par les dimensions
du construit se départementalise en (qui sont les variables manifestes).
deux types de validité à respecter et Nous admettons un pourcentage de
le cas échéant la validité convergente variance au moins égal à 50 % pour
et la validité discriminante. Ainsi, accepter à priori le modèle de mesure.
par validité convergente, le chercheur Cet examen de la validité convergente
examine si les variables manifestes se consolide par les résultats de l’uti-
qu’il utilise pour mesurer un concept lisation du coefficient de corrélation
ou un construit sont homogènes et se de Pearson qui est une mesure des-
destinent multilatéralement à effec- criptive de l’association linéaire entre
tuer la mesure en question (Thietart deux variables (Boutti, 2011). S’agis-
& Coll, 2014). Cet examen prend deux sant d’un modèle de mesure reflexif,
formes complémentaires dont l’une il est primordial que l’ensemble des
est de nature conceptuelle car il s’agit coefficients de corrélation soient
le cas échéant de démontrer que les positifs. Ainsi, un coefficient de cor-
variables manifestes, qui sont des rélation négatif entraine l’élimina-
questions ou items avec des modalités tion de la variable manifeste car elle
métriques, respectent littéralement engendre un biais de validité conver-
les notions utilisées dans la définition gente. Pour notre part, nous sommes
conceptuelle du concept. Le second vigilent à ce qu’il n’y ait aucun couple
examen de la validité convergente s’ef- de variables manifestes négativement
fectue par des méthodes statistiques associées, et que l’association soit
dont la liste ne peut être exhaustive. statistiquement significative au seuil
En effet, tout paramètre statistique d’erreur de 5%.

78 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

La seconde validité à examiner s’inti- bilité se décline en un examen bilaté-


tule : validité discriminante du concept ral portant en premier temps sur la
ou du construit, et qui consiste à véri- fiabilité du concept et sur la fiabilité
fier que les items (variables mani- du modèle de mesure (dit aussi l’ins-
festes) d’un concept ou construit ne trument de mesure) dans un second
convergent pas avec celles d’un autre temps. Pour le premier test de fiabi-
concept/construit. Ainsi, comme il a lité, nous recourons aux études empi-
été signalé, la liste des paramètres riques qui ont mesuré les concepts
statistiques à mobiliser pour s’assu- mobilisés dans notre modèle concep-
rer du respect de cette validité n’est tuel. Ainsi, chaque modèle de mesure
guère limitée car il suffit que ledit se juge fiable conceptuellement si le
paramètre établit que les variables modèle de mesure choisi pour l’opéra-
manifestes d’un même concept / tionnaliser bénéficie d’un consensus
construit s’associent positivement et auprès des auteurs des études empi-
significativement et se corrèlent néga- riques sur sa forte fiabilité eu égard à
tivement et/ou non significativement la validation des hypothèses conjectu-
avec celles d’un autre concept. rant sur ses interactions avec d’autres
Cette validité s’examine dans un se- modèles de mesure.
cond temps dans l’analyse factorielle Par ailleurs, la fiabilité du modèle de
explicative en utilisant la matrice mesure en tant qu’instrument pour
multi-traits-multi-méthodes (Althau- quantifier un concept ou un construit
ser & Heberlein, 1970) et la variance s’apprécie par sa cohérence interne.
moyenne extraite. Ainsi, par applica- Celle-ci peut être définie comme l’as-
tion de la matrice : multi-traits multi- sociation linéaire multiple entre l’en-
méthodes, nous vérifierons la validité semble des variables manifestes d’un
discriminante de nos concepts si leurs même modèle de mesure. Il s’agit d’un
variables manifestes sont fortement coefficient de corrélation multiple
corrélées et expliquées par la variable similaire au coefficient de détermi-
latente et faiblement corrélés et non nation d’un modèle de régression li-
expliqués par les variables latentes néaire multiple. Pour apprécier la fia-
des autres modèles de mesure. La bilité convergente et le cas échéant la
moyenne de la variance extraite nous cohérence interne de chaque modèle
servira aussi comme critère pour de mesure, nous utilisons l’indicateur
examiner la validité discriminante de l’Alpha de Cronbach. Nous jugeons
en s’assurant que la part de la varia- qu’un modèle de mesure présente une
bilité partagée entre chaque variable bonne cohérence interne si la valeur
latente et ses variables manifestes de son Alpha de Cronbach est au
soit supérieure au coefficient de cor- moins égale à 0,7 (Nunnally, 1978).
rélation simple entre chaque variable Dans cette présente recherche, nous
latente et les autres variables latentes. effectuons aussi une analyse facto-
Finalement, nous concluons nos exa- rielle explicative qui nous permettra
mens descriptifs entrepris dans le d’atteindre deux finalités. D’abord,
cadre de l’Analyse Factorielle Explo- cette analyse est l’assise fondamen-
ratoire (AFE), par le test de la fia- tale pour confirmer ou infirmer les
bilité de nos modèles de mesure et résultats de l’Analyse Factorielle Ex-
notamment la fiabilité convergente. ploratoire (AFE). En effet, l’analyse
Méthodologiquement, le test de la fia- confirmatoire s’avère une analyse

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 79


DOSSIER

multiple qui prend en compte les rela- de la moitié de la variabilité de ses


tions dans les modèles de mesure qui variables manifestes et le cas échéant
s’établissent entre chaque variable plus de la variance non expliquée de
latente et ses variables manifeste, et celles-ci qui est du à l’effet des autres
aussi entre les variables manifestes phénomènes autre que celui relatif au
du modèle structurel. concept dans le modèle de mesure.
De ce fait, les résultats de cette ana- Le second test de la validité conver-
lyse se considèrent comme étant plus gente que nous menons dans le cadre
exhaustifs car l’appréciation de la va- de l’Analyse Factorielle Confirma-
lidité et la fiabilité se fait en prenant toire (AFC) et que nous avons qualifié
en compte l’ensemble des hypothèses de contraignant, se focalisera sur l’ou-
dans le modèle de recherche. Cette til de la régression linéaire multiple.
méthode s’avère plus robuste que En effet, par la méthode du réechantil-
l’Analyse Factorielle Exploratoire lonnage (le bootstrap), nous estimons
(AFE). Ceci dit, cette méthode entre l’effet de la variable latente sur cha-
dans le cadre du test de modèle au cune de ses variables manifeste à par-
lieu du test d’hypothèse qui doivent tir d’un total d’au moins 300 échantil-
s’entrevoir dans une perspective de lons différents constitués à partir de
complémentarité plus que dans une notre échantillon recelant un total de
optique de dualisme. Nous suivons 40 individus.
ainsi les recommandations d’un en- La moyenne des coefficients de ré-
semble d’auteurs et nous établissons gression obtenus sur chacun des 300
les deux méthodes, tout en retenant échantillons s’examinant sur deux
finalement les résultats de l’analyse abords. Certes, nous vérifions que le
confirmatoire. De ce fait, la concor- coefficient de régression est positif et
dance des résultats des deux analyses aussi statistiquement significatif au
démontrera de la bonne qualité de seuil de signification de 5%. De ce fait,
notre instrument de mesure (Roussel, toute variable manifeste dont le coef-
Durieu, Campoy & El Akremi, 2002). ficient de régression sur la variable la-
Dans le cadre de l’Analyse Facto- tente est négatif et/ou non significatif
rielle Confirmatoire (AFC), la validité est éliminée.
convergente du construit/concept se Nous complétons notre analyse de la
test par deux méthodes dont la se- validité et la fiabilité de nos modèles
conde est plus contraignante que la de mesure par le test de la fiabilité qui
première. Ainsi, la première méthode est complémentaire à celui de l’alpha
se base sur l’indicateur de la moyenne de Cronbach. Le cas présent, nous uti-
de la variance extraite qui détermine lisons l’indicateur de la fiabilité com-
la part de la variabilité globale des va- posite (Reliability Composite) qui à
riables manifestes, expliquée par la l’instar de l’alpha de Cronbach, devra
variable latente. Nous jugeons qu’un s’établir à des valeurs qui sont au
modèle de mesure bénéficie d’une moins égales à 0,7.
bonne validité convergente, eu égard Nous synthétisons finalement, l’en-
au critère de la moyenne de la va- semble des étapes de la procédure de
riance extraite, si la valeur de ce der- vérification de la validité et la fiabilité
nier est supérieure à 0,5. Cela signifie de nos modèles de mesure dans le ta-
que la variable latente explique plus bleau suivant.

80 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


Tableau n°1 :
Résultats de l’Analyse Factorielle Exploratoire (AFE) et de l’Analyse Factorielle Confirmatoire (AFC)

Phase Résultats de l’Analyse Résultats de l’Analyse Factorielle Modèle de


conceptuelle Factorielle Exploratoire (AFE) Confirmatoire (AFC) mesure finale

Concept/ Dimensions Nombre Nombre d’items Variance Alpha Moyenne Impact de la Indicateur Alpha de Nombre
construit d’items corrélés totale de des variable latente de Cronbach d’items
positivement et expliquée Cronbach variances sur les variables fiabilité retenus dans
significativement (AFE) extraites manifestes composite le modèle
(AVE) de mesure

Performance de Performance 21 4 67,208% 0,818 0,672 Item1 (10,901)*** 0,89 0,834 4


l’adoption de de l’adoption Item2 (7,516)***
la Finance de la Finance Item3 (37,398)***
Carbone au Carbone au Item4 (6,89)***
prisme du prisme du
Management Management
Responsable Responsable

Stratégie MDP Stratégie MDP 7 3 91,115% 0,946 0,911 Item1 (54,266)*** 0,968 0,951 3
Item2 (60,813)***
Item3 (101,278)***

Stratégie MOC Stratégie MOC 9 1 93,818% 0,988 0,924 Item1 (50,962)*** 0,984 0,979 5
Item2 (62,979)***
Item3 (50,507)***
Item4 (112,586)***
Item5 (80,146)***

Stratégie PEN Stratégie PEN 7 5 90,342% 0,967 0,89 Item1 (19,864)*** 0,97 0,959 4
Item2 (21,628)***
Item3 (7,411)***
Item4 (21,464)***

Structure de Structure de 35 4 78,06% 0,943 0,532 Item1 (12,886)*** 0,885 0,85 7


conformité conformité Item2 (13,291)***
NRE et NRE et Item3 (4,566)***
ISO 26 000 ISO 26 000 Item4 (11,03)***
Item5 (2,547)***
Item6 (7,729)***
Item7 (8,11)***

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>>


* : sig au seuil de 10% ; ** : sig au seuil de 5% ; *** : sig au seuil de 1%

81
DOSSIER
DOSSIER

2. Méthodologie de spécification et déployer d’avantage d’efforts pour


du test du modèle de structure tenir en compte des exigences de
La spécification du modèle écono- l’ensemble des parties prenantes qui
métrique servant de test au modèle interviennent dans le processus de
de recherche est d’une importance création de la valeur.
monumentale. En effet, sur le plan Ainsi, plus l’entreprise est connue et
économétrique, le biais de spécifica- plus elle sera confrontée à des pres-
tion consistant en des omissions de sions médiatiques plus exigeantes.
variables explicatives dans le modèle, Ainsi, la taille de l’entreprise est un
en une forme de spécification inadé- facteur qui la pousse à s’engager
quate ou en un biais d’endogéneité sociétalement et adopter la Finance
des régresseurs, constitue le biais le Carbone sous-jacente au Management
plus dommageable au niveau d’un Responsable. Par ailleurs, la taille est
modèle de régression. D’ailleurs, plu- un proxy de la disponibilité des res-
sieurs auteurs avertissent au fait que sources financières, des économies
les études testant des modèles concep- d’échelle et de champ. De ce fait, la
tuels doivent prendre en compte l’effet taille de la firme peut expliquer son
des variables de contrôle d’une part, choix de l’une des stratégies envi-
et des relations de causalité entre les ronnementales, comme elle peut ex-
variables explicatives. Dans un se- pliquer son infrastructure d’accueil
cond temps, il est essentiel de respec- d’une démarche de responsabilité
ter certaines exigences imposées par environnementale. Cet effet de la taille
la méthode de régression employée. se complète par celui du secteur d’ac-
Il s’agit le cas présent d’un ensemble tivité. En effet, les pressions des par-
des hypothèses sous-tendant l’estima- ties prenantes diffèrent d’un secteur
teur et dont la violation altère la fiabi- à l’autre et son plus contraignantes
lité et la validité du modèle. lorsque l’entreprise opère dans un
Pour spécifier notre modèle écono- secteur réputé par ses méfaits sur
métrique (ou le modèle de test du mo- l’environnement naturel ou sur la
dèle conceptuel), nous nous référons, santé des employés. Donc, nous esti-
comme il a été souligné auparavant, mons que les entreprises qui opèrent
à l’approche puriste en économétrie dans les secteurs industriels sont plus
que nous combinons à une approche exhortées à mettre en place des struc-
plus laxiste. L’approche puriste porte tures pour l’entame de stratégies de
sur le choix des variables de contrôle, responsabilité sociétale sous forme
et la précision des liens de causalités d’initiatives de diffusion de bonnes
entre les variables explicatives en se pratiques en matière de protection de
basant sur la littérature théorique. En l’environnement et d’atténuation des
effet s’agissant du concept du Mana- Changements Climatiques à l’échelle
gement Responsable, la littérature continentale, internationale ou encore
théorique offre plusieurs éclaircisse- à échanger leur excédant d’émission
ments sur ces déterminants autres des Gaz à Effets de Serre (GES) avec
que ceux que nous traitons dans le des entités moins polluantes.
cadre de ce travail de recherche. En Bien que dans les toutes Petites
effet, la théorie des parties prenantes Entreprises (PE) et les Petites et
considère que les pressions insti- Moyennes Entreprises (PME) la for-
tutionnelles poussent l’entreprise à mation du dirigeant s’avère décisive

82 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

dans les orientations stratégiques, En plus de l’ajout des variables de


elle peut s’avérer contributive à l’ex- contrôle, nous prenons en compte
plication des stratégies des Grandes des interactions entre les variables
Entreprises ou celles de Taille Inter- explicatives. Dans ce sens, nous spé-
médiaire (ETI) dans le domaine de la cifions notre modèle de telle enseigne
protection de l’environnement et du à ce qu’il prend en compte de l’effet
Management Responsable. Dans ce de médiation. En effet, force est de
sens, nous supposons que plus le diri- reconnaitre que l’effet du dispositif
geant acquière une formation à la fois organisationnel facilitant l’adoption
managériale et technique plus il sera des pratiques environnementales af-
capable de juger l’ampleur des effets fectant directement la Performance de
de l’activité de l’entreprise sur l’envi- l’Adoption de la Finance Carbone au
ronnement naturel et la biodiversité, prisme du Management Responsable
et plus s’engageant à mettre en place de l’entreprise et indirectement à tra-
des stratégies responsables. Dans vers les stratégies de dépollution.
ce sens, nous contrôlons l’effet de la Par ailleurs, nous supposons que le
formation du dirigeant sur la Perfor- stock carbone (Gaz à Effet de Serre)
mance de l’adoption de la Finance de l’entreprise est une variable dont
Carbone au prisme du Management l’effet sur la performance de l’adoption
Responsable de l’entreprise. de la Finance Carbone passe à
Dans la littérature traitant les straté- travers le dispositif organisationnel
gies de la Finance Carbone, le cadre facilitateur de l’adoption d’un
réglementaire et institutionnel du Management Responsable. Ce stock
pays (ou communautaire pour le cas de carbone (émissions CO2) ou de Gaz
de l’European Union Emissions Tra- à Effet de Serre (GES) se détermine
ding System) joue un rôle prépondé- aussi par les variables sectorielles
rant dans l’adoption par les formes que nous supposons qu’elles
qui y évoluent de bonnes pratiques en l’augmentent lorsque l’entreprise
matière d’employabilité, de condition opère dans un secteur industriel ou
de travail, de protection de l’environ- énergétique (également le secteur des
nement naturel et d’acquittement des déchets). Nous soulignons que le test
impôts. Ainsi, force est de constater de l’effet de médiation des stratégies
que les entreprises de notre échantil- de dépollution se fait conformément
lon qui sont des filiales d’entités étran- à la procédure de test de médiation
gères (notre échantillon présente onze préconisée par Baron et Kenny (1986).
(11) entreprises étrangères c’est-à- Finalement, le modèle de recherche
dire multinationales) s’établissant prenant la forme de modèles de
dans des pays à fortes exigences en mesures et d’un modèle de structure
matière de responsabilité environne- avec l’ensemble des liens entre les
mentale. Par voie de conséquence, ces variables latentes se présente dans
firmes sont performantes au niveau la figure en infra. A cet égard, le
du style de Management Responsable tableau infra présente l’ensemble des
que les entreprises nationales. De ce variables : expliquées, explicatives et
fait, nous ajoutons une variable de les variables de contrôle.
contrôle portant sur la nationalité de
l’entreprise (variable de contrôle : ter-
ritorialité de la firme).

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 83


DOSSIER

Tableau n°2 : Synthèse des variables du modèle économétrique

Effet
Intitulé des variables Code Nature attendu sur
Hypothèse
la variable
endogène
Performance de l’adoption de la PAFCPMR Variable
Finance Carbone au prisme du endogène
Management Responsable
Stratégie Mécanismes de SMDP Variable Effet positif H1
Développement Propres explicative
Stratégie Mécanismes d’œuvre SMCO Variable Effet positif H2
Conjointes explicative
Stratégie Permis d’Emissions SPEN Variable Effet positif H3
Négociables explicative
Structure de conformité NRE SCNREISO Variable Effet positif H4
ISO 26 000 explicative
Taille de l’entreprise (mesurée par TEP Variable de Effet positif
l’effectif des employés permanents) contrôle
Territorialité de l’entreprise Nationalité Variable de Effet positif
contrôle
Contribution des énergies SMOCENR Variable de Effet positif
renouvelables contrôle
L’émission des gaz à effet de serre GES Variable de Effet positif
contrôle
Formation en ingénierie du top FormTMI Variable de Effet positif
management contrôle

Pour l’estimation des paramètres du dans le construit le plus importants (à


modèle, nous utilisons une méthode expliquer) dans le modèle, ou 10 fois
non paramétrique. En effet, d’une le nombre de liens de causalité. Dans
part la taille de l’échantillon est ré- les deux situations, nous devons avoir
duite pour des causes structurelles une taille d’échantillon supérieure à
liées aux caractéristiques du ter- 100 observations que nous atteignons
rain de recherche, et d’autre part, le à partir de la méthode du réechan-
nombre de liens de causalité spécifiés tillonnage. Ainsi, nous générons un
est conséquent afin de parer au biais total de 300 échantillons à partir des
de spécification. 40 observations dont nous disposons
Sur le plan méthodologique et eu égard et le cœfficient de régression de la
à l’estimation non paramétrique, le variable latente endogène sur chaque
nombre d’observation devant exister variable manifeste sera la moyenne
afin d’estimer un modèle économé- de l’ensemble des 300 cœfficients cal-
trique devra au moins être égal à 10 culés sur chacun des 300 échantillons
observations par variable manifeste (Chin, 1998).

84 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

Généralement s’agissant d’une expliquées (Boutti, 2011). Ainsi, bien


méthode d’estimation de type : que ce critère n’est pas essentiel en
moindres carrés partiels ou Partial fin de compte tant que les paramètres
Least Squares (PLS), les biais de du modèle respectent le signe prévu
l’héteroscédasticité, des corrélations par la théorie (Gujarati, 2004), nous
sérielles, de la multicolinéarité et de l’utilisons comme indicateur de la
la normalité des résidus ne sont pas bonne spécification du modèle.
préjudiciables (Chin, 1998). En effet, Nous apprécions la fiabilité de notre
l’estimation retenu est la moyenne modèle, en examinant la conformité
d’un total de 300 estimation différentes du signe de chacun de ses paramètres
ce qui permet de pallier à l’ensemble aux conjectures effectuées déducti-
des biais car comme s’il s’agit d’une vement. Ainsi, nous tranchons en
expérience réalisée plusieurs fois. De faveur d’un modèle fiable si d’une
ce fait, les éventuels biais entachant part les paramètres sont conformes
les paramètres du modèle dans une aux prédictions théoriques et si elles
estimation, se laminent par le calcul sont statistiquement significatives au
des moyennes qui tend à résorber seuil de 5%. La Figure suivante met
l’effet négatif des biais. en relief notre modèle conceptuel : les
Nous jugeons la validité de notre mo- construits, les items et les variables
dèle eu égard au critère du coefficient de contrôle (Cf. Annexe n°1 : Liste des
de régression ajusté qui mesure la construits et les items du modèle de
part de la variabilité de la variable ex- recherche).
plicative expliquée par les variables

Figure n°1 : Modèle conceptuel établit par les auteurs au moyen du logiciel
Smart PLS 3.0
Formatio TMI
TEP NATIONAL SMOCDENR GES

Formation TM
Nationalité ENR Ingénieur
TEP GES

SMDPCP

SMDPIP
MRIOPENR
SMDPPA
Stratégie MDP
MRIOPGIT
SPENEECO
MRIOPSG Performance
Adoption Finance
MRMPBC Carbone au prisme SPENEENV
Management
Responsable SPENHA
Stratégie PEN
SPENPR

SMOCAIDE

STRBPE

STRPRAP
SMOCIM

STREPREI SMOCPE

STRPRIP Stratégie MOC SMOCRSEA

STRUDRCR
SMOCTSC
Structure de
STRUDRER conformité NRE et
ISO 26 000
STRUDRGH

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 85


DOSSIER

Notre choix d’utiliser l’approche Par- doit se faire aléatoirement (Gavard-


tial Least Squares (PLS) pour tester Perret, Gotteland, Haon & Jolibert,
notre métamodèle de recherche se jus- 2008).
tifie par le fait qu’elle permet de por- A cet égard, nous consacrons le pré-
ter des analyses sur des échantillons sent point à la précision des spécifi-
à taille réduite (inférieur à 100 obser- cités de notre échantillon. En effet,
vations). A cet égard, notre étude s’est désireux de tester notre modèle
penchée sur quarante (40) entreprises conceptuel par une méthode explica-
qui ont répondu à notre questionnaire, tive, les sujets de recherche devraient
cela nous ne permet pas de recourir à être sélectionnés de manière à ce
d’autres logiciels comme celui de LIS- que les lois probabilistes trouvent les
REL1 exigeant un minimum de 100 conditions requises pour leur appli-
à 150 observations. Pour y parvenir, cation. Dans ce sens, l’obtention d’un
nous avons testé les relations struc- échantillon à la fois représentatif
turelles de notre modèle, de même la quantitativement et composé d’indivi-
nature réflective de nos construits et dus choisis de manière aléatoire de-
la vocation prédictive de notre modèle meure incontournable pour pouvoir
nous ont conduit à retenir cette mé- prétendre à des inférences sur des ré-
thode dans le cadre de la validation de sultats obtenus à partir de l’échantil-
notre modèle de recherche. lon sur la population de référence. De
ce fait, nous présentons les critères
respectés pour la détermination de la
II. Procédure taille de l’échantillon et ceux pris en
d’échantillonnage compte pour les sélectionner.
Notons que la population de départ
Sachant que nous envisageons de se compose de toutes les entreprises
tester un modèle conceptuel via un dont le management est intéressé
modèle économétrique, la procédure par les questions environnementales
d’échantillonnage demeure indubi- en raison de l’activité de l’entité (ju-
tablement séminale. En effet, en ab- gée altérante de la qualité de l’envi-
sence d’un échantillonnage aléatoire, ronnement), de l’implication de son
l’élaboration des tests, l’utilisation management (se démarquant com-
des paramètres de validité et de fia- mercialement par sa préservation de
bilité, et l’estimation des paramètres l’environnement) ou des exigences du
ainsi que la généralisation de leurs ré- pays où se trouve son siège social.
sultats reste non avenue (Elmarhoum, Ainsi, nous n’avons pas trouvé mieux
2005). Conscients des enjeux de la pro- que de repérer ces entreprises dans
cédure d’échantillonnage, nous res- un forum international répondant
pectons deux critères pour constituer fortement à notre thématique de re-
notre échantillon. Il s’agit de la taille cherche. Une fois notre questionnaire
de l’échantillon que nous veillons à ce a été élaboré, structuré et rédigé,
qu’elle soit représentative de la popu- nous avons participé au Forum Inter-
lation de référence, et les individus in- national ELEC EXPO à Casablanca,
tégrant l’échantillon dont la sélection Maroc, qui s’est du 15 au 18 octobre

1. Le logiciel SmartPLS est disponible sous le lien : http://www.smartpls.de/

86 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

2014, pour administrer notre ques- de gestion» (Gavard-Perret, Gotteland,


tionnaire. Helme-Guizon, Herbert & Ray, 2012,
Notre enquête a été réalisée par le tru- p. 87).
chement d’un questionnaire, qui est le «Le questionnaire est l’outil de collecte de
moyen de collecte de données. L’éla- données primaires le mieux adapté pour
boration du questionnaire est la phase réaliser des enquêtes et des sondages
la plus critique du processus de mise […]. Il permet de recueillir un très grand
en oeuvre d’une enquête par sondage. nombre d’information sur de larges
Il s’agit d’un travail qui porte à la échantillons de répondants. […] C’est
fois sur la rédaction des questions, le donc un outil très puissant dont l’effica-
choix des échelles de mesure, la struc- cité et la fiabilité dépendent de la justesse
turation du formulaire et la validation de sa mise en oeuvre, à savoir, de son éla-
de son contenu (Baumard, Donada, boration et de son administration».4
Ibert et Xuereb, 2007, p. 230). Le choix du mode de recueil des
D’après les travaux de Gavard-Perret, données est lié à la population que l’on
Gotteland, Helme-Guizon, Herbert & cherche à interroger, de sa situation
Ray (2008)2, les axes suivants élémen- géographique, de son nombre, de sa
taires à prendre en considération pour structure, de la durée du questionnaire
la rédaction du questionnaire : et des contraintes du temps et du coût.
• La formulation des questions ; Il existe de nombreuses méthodes
• Les biais de formulation des ques- d’administration d’un questionnaire,
tions ; le chercheur peut adopter pour une
• La formulation des modalités de ré- forme autoadministrative où le
ponses. répondant répond seul à l’enquête
À cette fin, nous avons choisi dans et l’ensemble des instructions et
le cadre de notre questionnaire, consignes figurent sur le support,
l’échelle de Likert de cinq (5) ni- ou une administration assistée où
veaux, qui «suggère aux répondants le répondant réagit à partir d’un
d’exprimer leur opinion à travers «degré texte énoncé par un enquêteur.
d’accord» avec une proposition. Initiale- Une fois le choix effectué, plusieurs
ment développé en cinq niveaux» (Ga- options d’administration s’ouvrent
vard-Perret, Gotteland, Helme-Gui- au chercheur : le questionnaire
zon, Herbert & Ray, 2012, p. 115). En postal, le questionnaire en ligne, le
d’autres termes, nous avons construit questionnaire téléphoniques et le
notre questionnaire autour de six (6) questionnaire en face à face. Notre
parties dont trois (3) parties sont au questionnaire a été administré par le
choix pour réponse.3 mode « face à face». Le tableau infra
«L’enquête est un mode de recueil de don- illustre les modes d’administration.
nées extrêmement répandu en sciences

2. Op. Cit. In GAVARD-PERRET, Marie-Laure, GOTTELAND, David, HAON, Christophe & JOLIBERT, Alain. p. 112.
3. Les trios parties au choix pour réponse dans le cadre de questionnaire sont en relation avec les mécanismes de la Finance
Carbone à savoir : Stratégie de Développement Propre (MDP), Stratégie d’OEuvre Conjointe (MOC) et en fin la Stratégie
des Permis d’Emissions Négociables (PEN).
4. BAUMARD, Philipe, DONADA, Carole, IBERT, Jérôme & XUEREB, Jean-Marc. Op. Cit. In THIETART, Raymond-
Alain. p. 230.

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 87


DOSSIER

Tableau n°3 : Quelques comparaisons entre les différents modes


d’administration d’un questionnaire5

Modes d’administration
Postal Email CAI6 Téléphonique Face à face

Coût Moyen à élevé Très faible Faible à élevé Moyen à élevé Elevé
selon les tarifs selon les dépenses
postaux et les nécessaires à la
dépenses de réalisation, à
reproduction l’administration et
à l’hébergement
du questionnaire
sur un site internet

Contrôle de Faible car le Faible lorsque Faible car le Elevé Très élevé
l’échantillon chercheur na le questionnaire chercheur peut
pas les moyens est envoyé en attribuer un numéro
de savoir qui a fichier joint car d’enregistrement
répondu le chercheur n’a au répondant
pas les moyens mais il ne peut
de savoir qui a pas véritablement
répondu. La contrôler
qualité des l’identité du vrai
réponses est répondant
impliquante car
pas d’anonymat

Temps de Assez court, Plus court que Très court Très dépendant Très
réalisation mais il faut le postal mais il de la taille de dépendant de
compter le faut aussi l’échantillon et la taille de
temps de la compter le de la l’échantillon
relance temps de la disponibilité des et de la
relance répondants disponibilité
des répondants

Étant donné que nous avons participé • Au plan du coût : « élevé » notre dé-
au Forum International ELEC EXPO placement à Casablanca et la durée du
à Casablanca, Maroc, qui s’est du 15 Forum International ;
au 18 octobre 2014, l’option d’admi- • Au plan du contrôle de notre échan-
nistration optée est celle «face à face». tillon : « très élevé », grâce notre pré-
En se basant sur le tableau supra, sence et notre animation de la réunion
nous pouvons mettre en relief et faire avec le répondant ;
un récapitulatif des conséquences de • Au plan du temps de réalisation :
cette option d’administration choisie, nous sommes très satisfaits de la du-
comme suivant : rée de quatre (4) jours du forum, ce

5. THIETART, Raymond-Alain. Op. Cit. p. 238 et s.


6. Computer Assisted Interview.

88 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

qui nous a permis d’avoir un échantil- Forum International d’autant plus


lon de quarante (40) entreprises spé- qu’aucun moyen n’a été disponible
cialisées avec un taux de réponse de pour le joindre. Ainsi, nous disposons
100%.7 d’un échantillon total de 40 entretiens.
Cette occasion inouïe nous a permis
d’accéder à une population de réfé- III. Principaux résultats
rence constituée de 175 entreprises
participantes d’après la liste exhaus- de la recherche et
tive communiquée par les respon- leur discussion
sables du Forum International. Or,
certaines des entités participantes ne 1. Résultats de la validité
sont pas des entreprises privées d’où du modèle de mesure
l’écartement des associations à but Nous commençons par le concept de
non lucratif, des entreprises consti- la performance de l’adoption de la
tuées sous forme de coopérative et des finance carbone. En se basant sur la
entités semi-publiques dont la part de définition opérationnelle du concept,
l’Etat dans leur capital excède le seuil il s’est révélé que ce dernier peut être
de 51% des actions votantes. opérationnaliser en utilisant un total
Les banques, institutions de finance- de 23 items. En effet, la physionomie
ment et les assurances ont été aussi large du concept nous a rend ardue la
représentées et sont écartées de notre tâche de le cerner à travers quelques
échantillon. Finalement, nous avons items d’autant plus que le risque d’ac-
basé notre procédure d’échantillon- céder au terrain de recherche tout en
nage sur une population de référence étant munis d’un nombre insuffisant
de 96 entreprises. Celles-ci ont été d’items nous a persuadé à prendre
toutes consultées, en leur adminis- toutes les précautions jugées adé-
trant le questionnaire le premier jour quates par l’intégration d’un nombre
du Forum International et en le récu- important d’items. Toutefois, l’ana-
pérant le dernier jour. lyse factorielle exploratoire nous a
Ainsi, lors de la récupération des révélé qu’il est possible de capter
questionnaires administrés, un total le concept et de l’instrumenter à tra-
de 56 questionnaires sont éliminés ou vers seulement quatre dimensions.
perdus pour deux raisons. A cet égard, Certes, le concept explique un total
les questionnaires éliminés sont ceux de 67,208% de la variabilité des quatre
contenant un nombre conséquent des items, avec une cohérence interne très
non réponses. importante se reflétant dans la valeur
De plus, lorsqu’il nous a été informé probante de l’Alpha de Cronbach égale
que le répondant était un employé à 0,818. Pour ce concept, les questions
subalterne n’étant pas associé au Top utilisées pour l’opérationnaliser se
Management de l’entreprise, nous sont avérées adéquates car les résul-
avons, par précaution, écarté le ques- tats des deux analyses (exploratoire
tionnaire en afférent. et confirmatoire) se rejoignent. En
Finalement un nombre de question- effet, l’Analyse Factorielle Confirma-
naire est perdu car le répondant toire (AFC) montre qu’effectivement
n’était pas présent le dernier jour du il suffit d’utiliser quatre items dont

7. Suivant la méthode d’échantillonnage « par jugement » dans le cadre de notre enquête.

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 89


DOSSIER

la moyenne de la variance partagée voilent qu’ils suivent, pour leur quasi


avec le concept est de 67,2% (excé- majorité, une distribution normale,
dant 0,5), d’autant que leur cohérence témoignant de la rareté des valeurs
interne mesurée par l’Alpha de Cron- extrêmes et aussi d’un comportement
bach et la cohérence total après Ana- conformes à la théorie des entreprises
lyse Factorielle Confirmatoire (AFC) questionnées. Les résultats de la
sont respectivement de 0,834 et 0,89. validité et la fiabilité se synthétisent
Finalement, l’Analyse Factorielle dans le tableau n° qui démontre leur
Confirmatoire (AFC) qui se base sur conformité à la suite de deux stades
la régression multiple montre que la d’examen et en l’occurrence l’Ana-
régression de chacun des variables lyse Factorielle Exploratoire (AFE) et
manifeste (items) sur la variable la- Confirmatoire (AFC). Ainsi, le concept
tente (Performance de l’Adoption de la de la stratégie.
Finance Carbone au prisme du Mana- Des résultats semblables à ceux obte-
gement Responsable) est significative nus pour le concept de la performance
au seuil de 1%. de l’adoption de la finance carbone
Cet axe se consacre à l’interprétation s’atteignent pour le concept de la stra-
des principaux résultats de l’Ana- tégie MDP. De fait, pour opération-
lyse Factorielle Exploratoire (AFE) naliser ce concept il a fallu dans un
et Confirmatoire (AFC). Nous com- premier temps recourir à sept items
mençons dans un premier temps par qui se sont réduits à trois items à
une lecture cursive du tableau supra l’issu de l’analyse factorielle explo-
[Cf. Tableau des résultats de l’Analyse ratoire. Celle-ci montre en effet que
Factorielle Exploratoire (AFE) et de le concept qui est la variable latente
l’Analyse Factorielle Confirmatoire parvient à capter un total de 91,115%
(AFC)]. de la variance des items. Par ailleurs,
Pour tester la validité et la fiabilité de ces items possèdent une très bonne
notre instrument de mesure, et le cas validité interne car ils interagissent
échéant le questionnaire, nous avons mutuellement à raison de 91,1%. Ces
privilégié de procéder par deux types résultats se cautionnent par ceux de
d’analyse factorielles qui sont complé- l’Analyse Factorielle Confirmatoire
mentaires. Assurément, les résultats (AFC) qui démontre qu’effectivement
de l’analyse de l’analyse exploratoire il suffit d’utiliser trois variables ma-
bien qu’ils sont supplétifs, demeurent nifestes (items) pour instrumenter la
essentiels car l’analyse confirma- variable latente de la stratégie MDP.
toire est susceptible de déboucher D’ailleurs la moyenne extraite des va-
sur des résultats aberrants d’autant riances est supérieure à 0,5 dénotant
plus qu’elle fait appel à des estima- que la part de la variance expliquée
teurs itératifs fondés sur le maximum par la variance latente dans chacune
de vraisemblance. Heureusement, la des variables manifestes est supé-
méthode des moindres carrés par- rieure à la part attribuable à l’erreur.
tiels s’adapte à de petits échantillons, Finalement, l’analyse confirmatoire
en outre, elle est moins biaisée en permet de trancher en faveur d’une
présence de valeurs extrêmes. Dans bonne fiabilité de l’instrument de me-
notre échantillon, les items sont des sure eu égard à la cohérence interne
variables métriques qui varient entre des trois items qui mesure le concept
0 et 5 et dont les tests de normalité dé- de la stratégie MDP. Effectivement,

90 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

l’Alpha de Cronbach est de 0,951 et variable manifeste et se particula-


l’indicateur de la cohérence compo- risent par une cohérence interne très
site est égal à 0,968. satisfaisante se reflétant dans les va-
L’instrumentation du concept des stra- leurs supérieures de l’Alpha de Cron-
tégies MOC n’a pas connu le même bach (0,979) et de l’indicateur de la
niveau de succès que ceux de la per- fiabilité composite (0,984).
formance de l’adoption de la finance Pour opérationnaliser le concept de
carbone et de la stratégie MOC. la stratégie PEN des résultats sem-
En effet, les résultats de nos ana- blables à ceux du concept de la stra-
lyses : exploratoire et confirmatoire tégie MOC. En effet, il y avait une
ont été relativement divergents. De certaine divergence entre les analyses
fait, l’analyse exploratoire permet factorielles exploratoire et confirma-
de conclure que pour mesurer le toire sur le nombre de variables mani-
concept de la stratégie MOC il a été feste à retenir et dans ce cas celle-ci
nécessaire de recourir à un total préconise de se contenter de quatre
de 5 items et d’éliminer deux items variables alors que la première a ré-
en raison de leur faible corréla- vélé la nécessité de faire appel à cinq
tion partielle avec les autres items. variables manifestes. Toutefois, le
Ainsi, cette purification permettait résultats des deux analyses concluent
d’avoir un construit dont la variance en une bonne validité de concept et de
totale avec ses variables manifeste fiabilité de ce concept eu égard aux
est de 93,818, avec une cohérence valeur de l’Alpha de Cronbach, de la
interne exprimé par une valeur de fiabilité composite, de la moyenne de
l’Alpha de Cronbach qui est égale la variance extraite et de la variance
à 0,988. Toutefois l’utilisation de des variables manifestes.
l’analyse confirmatoire donne lieu Nous concluons finalement par l’Ana-
à une préconisation selon laquelle lyse Factorielle Exploratoire (AFE) et
il faut conserver un item que l’ana- Confirmatoire (AFC) du concept de la
lyse exploratoire prône de rejeter. structure de conformité NRE et ISO
Pour notre part, nous nous fions aux 26 000. Pour ce concept et à l’instar
résultats de cette dernière analyse de celui de la performance, le souci
car elle se base sur la régression de ne pas pouvoir opérationnaliser
linéaire de chaque item sur sa va- convenablement le concept, nous a
riable latente. Conscient de la supé- exhorté à l’opérationnaliser par un
riorité de cet outil sur l’analyse de total de 35 variables latentes dont
la variance qui ne prend en compte nous ne retenons finalement que sept.
de la variable latente sur l’item sans Au niveau de ce concept également il
écarter son effet sur les autres items, y avait une certaine dissidence entre
nous nous baserons sur les résultats les analyses : exploratoire et confir-
de cette régression. Dans ce sens matoire, sur le nombre d’items à rete-
nous retenons finalement pour ce nir pour capter le concept. En fait, la
concept un total de cinq variables première recommandait un total de
manifestes pour l’opérationnaliser. cinq items dont la validité et la fiabi-
L’Analyse Factorielle Confirmatoire lité était assez probante (une total de
(AFC) montre ainsi que ces items et la variance expliquée de 78,061% et
le cas échéant ces variables latentes un Alpha de Cronbach de 0,943). Tou-
partagent un total de 92,4% avec leur tefois, l’analyse confirmatoire jugée

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 91


DOSSIER

plus contraignante sur le plan de l’ac- à une méthode explicative. Ainsi,


ceptation de la validité et la fiabilité comme il a été signalé dans la métho-
prodigue de retenir sept items dont dologie, notre échantillon ne compte
la moyenne des variances extraite est que 40 entreprises rendant les mé-
à peine acceptable (0,532), et l’Alpha thodes paramétriques inapplicables.
de Cronbach ainsi que la cohérence Ainsi, nous estimons les paramètres
composite s’établissent à des valeurs du modèle économétriques servant de
jugeant une bonne cohérence interne moyen de test du modèle structurel
(respectivement 0,885 et 0,85). par la méthode des moindres carrés
Somme toute, nous concluons par des partiels. De plus, nous générons un
résultats tendant à valider le modèle total de 300 échantillons aléatoires
de mesure de la performance et de à partir de celui des 40 individus en
la stratégie MDP avec une confiance utilisant des combinaisons sans répé-
assez réconfortante. Par ailleurs, les tition de quelques individus choisis
modèles de mesure des stratégies parmi les 40 individus de notre échan-
MOC et PEN s’accepte avec une assez tillon.
bonne confiance, et finalement nous L’estimation des paramètres se fait
acceptons avec précaution le modèle par le maximum de vraisemblance
de mesure de la structure de confor- sur chacun des 300 échantillons géné-
mité NRE et ISO 26 000. rés, et la valeur de chaque paramètre
du modèle constitue la moyenne de
2. Résultats des tests des 25 300 estimations différentes corres-
hypothèses du modèle structurel pondant chacune à un échantillon. Le
Afin de tester le modèle structurel qui tableau infra consigne l’ensemble des
met en exergue les relations structu- résultats obtenus à la suite de l’esti-
relles (Cf. Les hypothèses) entre les mation des paramètres du modèle en
variables latentes, nous recourons question.

Tableau n°4 : Résultats de l’estimation des paramètres du modèle

Effet
Intitulé des variables Code Nature attendu sur
Hypothèse
la variable
endogène
Performance de l’adoption de la PAFCPMR Variable
Finance Carbone au prisme du endogène
Management Responsable

Variables explicatives prédéterminées

Stratégie Mécanismes de SMDP Variable Effet positif H1


Développement Propres (MDP) explicative
pré-
déterminées
Stratégie Mécanismes d’œuvre SMCO Variable Effet positif H2
Conjointes (MOC) explicative
pré-
déterminées

92 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

Stratégie Permis d’Emissions SPEN Variable Effet positif H3


Négociables (PEN) explicative
pré-
déterminées
Structure de conformité NRE SCNREISO Variable Effet positif H4
ISO 26 000 explicative
pré-
déterminées
Variables explicatives de contrôle

Taille de l’entreprise (mesurée par TEP Variable Effet positif


l’effectif des employés permanents) explicative
(de contrôle)

Territorialité de l’entreprise Nationalité Variable Effet positif


explicative
(de contrôle)
Contribution des énergies SMOCENR Variable Effet positif
renouvelables (EnR) explicative
(de contrôle)
L’émission des gaz à effet de serre GES Variable Effet positif
(GES) explicative
(de contrôle)

Formation en ingénierie du top FormTMI Variable Effet positif


management explicative
(de contrôle)

Nous présentons le modèle économé- tion ci-dessous matérialise le modèle


trique d’opérationnalisation du mo- économétrique servant de test au mo-
dèle de structure. Le système d’équa- dèle de structure.

Système d’équation n°1 : Forme des équations du modèle économétrique


d’opérationnalisation du modèle de structure

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 93


DOSSIER

Nous commençons par expliquer le fet d’un ensemble de facteurs. A cet


comportement des entreprises enquê- égard, nous avons contrôlé l’effet des
tées en matière de la Performance facteurs suivants : la nationalité de
de l’Adoption de la Finance Carbone l’entreprise, la conformité de sa stra-
à l’épreuve du Management Respon- tégie et de sa structure aux objectifs
sable. Dans notre modélisation, nous de la réduction de la pollution environ-
avons supposé que cette performance nementale, la formation du Top Mana-
s’explique par la mise en place de gement, la taille de l’entreprise et ses
l’une des stratégies visant la réduc- émissions des Gaz à Effet de Serre
tion des émissions des Gaz à Effet de (GES).
Serre (GES), tout en contrôlant l’ef-

Tableau n°5 : Principaux résultats de l’estimation du modèle de structure

(0,649)** (0,788)**
(0,206) (0, 332)
(0,428) (1,532)*
(0,143) (0,018)
(0,167) (0,192) (0,491)***

(0, 311)** (-0,72)***


(0,095)
(0,331)*
(0,485)*** (0,441)*** (0,2)** (0,518)*** (0,242)*

(0,464)*** (0,343)*** (0,156) (0,504)*** (0,222)

* : sig au seuil de 10% ; ** : sig au seuil de 5% ; *** : sig au seuil de 1%

La première colonne du tableau supra management qui incarne les bases


montre qu’effectivement lorsque d’une culture prônant la protection
l’entreprise choisit de diffuser sa de l’environnement. En effet,
technologie auprès d’une ou de l’influence des stratégies de diffusions
quelques entreprises afin de les amener technologiques ayant pour finalité
à mieux contrôler leurs émissions l’accompagnement dans l’effort de
de Gaz à Effet de Serre (GES), celle- dépollution engendre des mutations
ci dispose automatiquement d’un conséquentes dans la culture

94 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

d’entreprise vers un management 46,6% du comportement de la Perfor-


responsable et sensible à l’égard mance de l’Adoption du Management
des questions environnementales. Responsable.
L’impact des stratégies MDP sur Les autres modèles que nous avons
la Performance de l’Adoption du intégré délibérément afin d’écarter
Management Responsable est l’effet de la multicolinéarité entre les
statistiquement significatif au variables explicatives et éviter le biais
seuil de 1% et montre que si nous de spécification, donnent des résultats
répétons l’étude sur un total de 100 que nous interprétons. En effet, dans
échantillons différents évoluant le modèle expliquant les déterminants
dans un contexte macroéconomique des structures adaptées au Manage-
similaire au Maroc, nous n’avons, ment Responsable, nous avons utilisé
pratiquement aucun risque de trouver les variables des stratégies de dépol-
des résultats différents. L’influence de lution et de variables de la taille et la
la stratégie MDP sur la performance formation du dirigeant. Ainsi seules
du management responsable tout les stratégies de la dépollution par
en écartant l’effet des structures diffusion de bonnes pratiques auprès
d’accueil d’un tel management. d’entreprises d’autres continents ou
Certes, les résultats de nos estimations auprès de celle évoluant dans le même
montrent que lorsque l’entreprise dis- continent qui expliquent l’adaptation
pose au préalable d’un style de mana- des structures au style de manage-
gement participatif, d’une stratégie ment protecteur de l’environnement.
prônant l’absentassions du gaspillage Dans ce sens lorsque l’entreprise pro-
dans l’emploi des matières premières, cède au conseil d’une autre entreprise
l’utilisation des énergies, et notam- appartenant à la même zone écono-
ment lorsqu’elle cherche l’obtention de mique ou à un continent jugé moins
label, celle-ci devient plus prédisposée développé, celle-ci met en place des
à accompagner des entreprises opé- moyens (machines qui économisent
rant dans d’autres continents à mieux l’utilisation des matières premières,
maitriser leurs émissions de gaz pol- technologies sobres en carbone, fil-
luant l’environnement (GES). treur de gaz avant leur émission, etc.)
Les autres stratégies à savoir la concourant à la limitation de l’émis-
diffusion technologique auprès sion des Gaz à Effet de Serre (GES).
d’entreprise du même continent ou Ce modèle bénéficie également d’une
la cotation à la bourse carbone, n’ont assez bonne fiabilité car toutes les
aucun effet statistiquement significatif variables respectent le signe attendu,
sur la Performance de l’Adoption du et peut se qualifier avec une validité
Management Responsable bien qu’elle externe moyenne car il ne parvient
respecte le signe le signe attendu. d’expliquer que 34,3% des variations
Nous pouvons conclure en faveur des stratégies des entreprises.
d’une assez bonne fiabilité du méta- La quatrième équation permet de
modèle eu égard au respect de ses corriger le biais d’endogénéité de la
variables du signe prévu de par les variable mesurant l’accès de l’entre-
prédictions théoriques. De plus, nous prise à la bourse de carbone vis-à-vis
pouvons considérer que la validité du de la variable qui apprécie l’intensité
modèle est moyenne car les variables de son émission des Gaz à Effet de
choisies expliquent en moyenne Serre (GES). Effectivement, plus l’en-

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 95


DOSSIER

treprise émet de tels gaz et en l’occur- de conseil de diffusion technologique


rence le gaz carbonique CO2, plus elle de bonnes pratiques de sobriété en
sera poussée à chercher une cotation carbone en matière de réduction des
à la bourse carbone afin d’échanger émissions à effet de serre auprès d’un
son excédant d’émission de ce Gaz à pays moins développé et appartenant
Effet de Serre (GES) contre la dépollu- à la même zone économique.
tion d’une autre entreprise moins pol- Les résultats de l’estimation des para-
luante en contrepartie d’une somme mètres du modèle structurel montrent
d’argent se déterminant eu égard au que l’ensemble des coefficients donne
prix d’équilibre du carbone. le signe attendu et que seulement deux
Généralement la fiabilité du modèle sont statistiquement significatifs. En
est bonne, mais sa validité est mé- effet, la stratégie MDP est un déter-
diocre. Toutefois nous utiliserons cet minant incontournable de la Perfor-
argument par le fait que ce modèle ne mance de l’adoption de la Finance
s’utilise que pour des fins de correc- Carbone au prisme du Management
tion du biais d’endogénéité et ne vise Responsable. Par ailleurs, la struc-
pas de faire des prédictions. ture de la conformité NRE (Nouvelles
Paradoxalement, les résultats de l’es- Régulations Économiques) et ISO 26
timation des paramètres de la qua- 000 constitue un réel facteur pour
trième équation ont était assez surpre- déployer la Performance de l’adoption
nants, car il s’est avéré que lorsque de la Finance Carbone au prisme du
l’entreprise émet d’avantage des gaz Management Responsable.
à effet de serre, elle devient moins
prédisposée à mettre en place une Conclusion
stratégie de dépollution par le conseil
diffusé auprès d’entreprise apparte- Dans le cadre de cette recherche,
nant à un continent moins développé. nous poursuivions deux objectifs fon-
Toutefois, ce résultats n’est pas aber- damentaux. Le premier était d’éva-
rant qu’il parait d’être car une forte luer et d’apprécier l’implication stra-
pollution par l’entreprise la pousse tégique environnementale des firmes
surtout à chercher une stratégie de inscrites au du Forum International
cotation en bourse carbone pour se ELEC EXPO à Casablanca, au Maroc,
débarrasser de son excédant de dé- oeuvrant dans les Énergies Renou-
pollution au lieu d’aller chercher de velables (EnR), Efficacité Énergé-
faire des actions responsables consis- tique (EE) et Green IT ; secteurs stra-
tant en activités. Aux yeux des diri- tégiques de la Finance Carbone, du
geants, éviter d’abord les sanctions Management Responsable et de Déve-
de la communauté économique (et le loppement Durable (Boutti, Rodhain,
cas échéant de la communauté euro- Bourdon et El Amri, 2013a).
péenne) s’avère plus alarmant et déci- Nous avons pu étudier à travers cette
sif que de faire de bonnes oeuvres). recherche la question de la Perfor-
Ce modèle est ainsi fiable et avec une mance de l’Adoption de la Finance
bonne validité externe car il explique Carbone au prisme du Management
plus que la moitié des variations de la Responsable à la lumière de certaines
performance du management respon- caractéristiques spécifiques aux en-
sable. Finalement, la nationalité ex- treprises enquêtées (taille mesurée
plique significativement la stratégie par l’effectif de personnel, territoriali-

96 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

té ou nationalité, contribution de l’uti- tion prédictive de notre modèle nous


lisation des Énergies Renouvelables, ont conduit à retenir la méthode Par-
émissions des Gaz à Effet de Serre de tial Least Squares (PLS) dans le cadre
l’activité et niveau de formation en in- de la validation de notre méta-mo-
génierie du Top Management). dèle de recherche. D’autre part, notre
À cet égard, le second objectif était choix d’utiliser l’approche PLS s’est
d’analyser, de tester et d’évaluer la justifié par le fait que cette méthode
validité de la Performance de l’Adop- permettant de traiter des analyses sur
tion de la Finance Carbone au prisme des échantillons à taille réduite (<100
du Management Responsable à tra- observations).
vers un modèle réflexif. Cependant, Force est de reconnaitre que cette re-
nous avons réexaminé les stratégies cherche action s’est proposée d’ana-
de la Finance Carbone et nous avons lyser les stratégies et les structures
analysé ses relations avec la struc- de la Performance de l’Adoption de la
ture de la conformité NRE (Nouvelles Finance Carbone au prisme du Pro-
Régulations Économiques) et ISO tocole de Kyoto. Elle s’est insérée
26 000. Pour y parvenir, nous élaboré dans le cadre de la 21e Conférence
un questionnaire qui englobait trois des Parties de 2015 (COP 21) de la
parties distinctes : une première par- Convention-Cadre des Nations Unies
tie consacrée aux informations géné- sur les Changements Climatiques
rales et au Management Responsable (CCNUCC) en France à Paris. A cet
et Développement Durable (DD). Une égard, cette fenêtre d’opportunité
seconde partie dédiée aux trois (3) sera l’occasion ultime de présenter
stratégies de la Finance Carbone à un diagnostic précis et un bilan ho-
savoir : MDP, MOC et PEN, cette par- listique de recommandations au plan
tie est au choix de l’une de ces stra- du Changement Climatique (CC).
tégies afin de mettre en force la stra- Cette contribution s’inscrira dans le
tégie favorisant la Performance de prolongement naturel et la perspec-
l’Adoption de la Finance Carbone au tive de la 22e Conférence des Par-
prisme du Management Responsable ties (COP 22) qui sera au Royaume
dans le contexte marocain. Quant à du Maroc à Marrakech, en 2016. En
la dernière partie du questionnaire, effet, la COP 22 est une échéance cru-
elle était relative à la structure de la ciale qui se doit d’aboutir à un nouvel
conformité NRE et des pratiques ISO accord international sur la Finance
26 000. Carbone, applicable à tous les pays,
L’objectif de ce questionnaire était dans l’objectif de maintenir le ré-
d’étudier l’implication stratégique et chauffement mondial en deçà de 2°C.
la conformité structurelle à l’égard Ce faisant, un cadre original décliné
de l’implication environnementale et par une méta-analyse des stratégies,
l’impact que revêt cette implication des structures de la Performance de
sur la Performance de l’Adoption de la l’Adoption de la Finance Carbone,
Finance Carbone au prisme du Mana- présentée succinctement. Quelles
gement Responsable dans le contexte sont les structures et les stratégies
marocain. Pour y parvenir, nous avons de la Finance Carbone permettant at-
pu tester les relations structurelles de ténuer les Changements Climatiques
notre modèle, d’une part, la nature (CC) dans le Protocole de Kyoto?
réflective de nos construits et la voca- Existe-t-il un méta-modèle de d’étude

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 97


DOSSIER

de la performativité de l’adoption de gement Climatique & Finance Durable,


la Finance Carbone au prisme du n°2016, pp : 5-61, ISSN : 2351-7735, ISBN :
Management Responsable ? 978-9954-9229-5-8.
Sur ce registre, les entreprises euro- • Boutti, R., Rodhain, F., Bourdon, I., El
Amri, A. (2015). «L’implémentation et le dé-
péennes ont déjà plus d’une longueur
ploiement de la Finance Carbone en contexte
d’avance sur leurs homologues maro-
euro-africain : regard croisé France-Maroc»,
caines. Nous voulions ainsi vérifier Revue Camerounaise de Management
ce qu’il en était réellement sur le ter- (RCM), N° 29, Janvier – Juin 2015, pp : 49-
rain en appréciant l’importance stra- 70, ISSN : 2351-7735.
tégique et structurelle sur la Perfor- • Boutti, R., Rodhain, F., Bourdon, I., El
mance de l’Adoption de la Finance Amri, A. (2015a). «Vers un Management Res-
Carbone au prisme du Management ponsable de l’Intelligence Energétique (MRIE) :
Responsable. Notre étude a relevé cap sur l’Efficacité Energétique et les Green IT»,
deux piliers très importants comme Revue Scientifique Internationale CREMA/
implications managériales au plan Centre de Recherche en Economie et en
Management Africain. Volume 2 : Transi-
marocain à savoir la stratégie MDP
tion Energétique versus Développement
et la structure de la conformité NRE Durable : L’Ecole Africaine à l’heure de la
(Nouvelles Régulations Économiques) COP 21, n°2015, pp : 154-188, ISSN : 2351-
et ISO 26 000 n 7735, ISBN : 978-9954-9229-5-8.
• Boutti, R., Rodhain, F., Bourdon, I., El
Bibliographie Amri, A. (2014). «Implémentation et déploie-
ment du Management Responsable de l’Intel-
ligence Énergétique (MRIE) : nouvelles ap-
• Abbas, M. (2011). «L’économie politique du
changement climatique», Recherches inter- proches, nouveaux comportements», Ouvrage
nationales, n° 89, pp.151-180. collectif dirigé par Dr & Pr Rachid BOUTTI,
• Agence De l’Environnement et de la Maî- Actes du 3ème Symposium International
trise de l’Energie. (2009). Rapport d’acti- 2014 : Le Développement Durable Euro Afri-
vité et de performance 2009, ADEME. 74 p. cain des Energies Renouvelables Oxymore
• Aglietta, M. (2011). «Financer La Crois- Financier Complémentarité Sociale et Envi-
sance Soutenable». In La finance durable. ronnementale. Association Marocaine pour
Une nouvelle finance pour le XXIe siècle, la Recherche-Développement (R&DMaroc).
RB Edition. pp : 154-187, nombre de pages des actes : 522
• Althauser, R. P., & Heberlein, T. A. pages, Dépôt Légal : 2015MO2629, ISBN :
(1970). « Validity and the Multitrait-Multi- 978-9954-9229-4-1.
method Matrix », Sociological Methodolo- • Boutti, R., Rodhain, F., Bourdon, I., El
gy, 2, 151-169. Amri, A. (2013). « L’adoption de la finance
• Baron, R. M., & Kenny, D. A. (1986). «The carbone : les approches soutenables de la ré-
moderator–mediator variable distinction in duction des émissions CO2 dans les organisa-
social psychological research: Conceptual, tions », Revue Marocaine des Sciences de
strategic, and statistical considerations», Management (RMSM) de l’Institut Supé-
Journal of personality and social psycho- rieur de Commerce et d’Administration
logy, 51(6), 1173. des Entreprises (ISCAE) de Casablanca,
• Boutti, R., Rodhain, F., Bourdon, I., n°2, pp : 70-102, ISSN : 2028-8840.
El Amri, A. (2016). « Etude de la perfor- • Boutti, R., Rodhain, F., Bourdon, I. et El
mance de la Finance Carbone au prisme du Amri, A. (2013a). «Vers un Management Res-
Management Responsable : cap sur les tests ponsable de l’Intelligence Énergétique (MRIE) :
empiriques quantitatifs de l’EU ETS », Re- cap sur l’Efficacité Énergétique et les Green IT»,
vue Scientifique Internationale CREMA/ Pré-ICIS AIM 2013, Journée de la Recherche
Centre de Recherche en Economie et en Francophone en SI, le 15 décembre 2013, Uni-
Management Africain. Volume 3 : Chan- versité Bocconi, Milan, Italie.

98 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

• Boutti, R., Rodhain, F., Bourdon, I. et El nue à l’Institut des Sciences et Industries
Amri, A. (2013b). « Vers un Management du Vivant et de l’Environnement (Agro
Responsable de la Chaîne Logistique : transi- Paris Tech) le 21 novembre 2008, 345
tion vers une Chaîne Logistique sobre en car- p. http://www2.centre-cired.fr/IMG/pdf/
bone », 5ème Colloque International, Univer- These_de_doctorat_Renaud_Crassous.pdf
sité de Tlemcen (Algérie) en collaboration • Criqui, P. (2006). « Effet de serre : quelques
avec l’Université de Nantes, du 21 octobre scénarios », Futuribles, Editions Futu-
au 23 octobre 2013, Tlemcen, Algérie. ribles, pp : 65-78. <halshs-00007694>.
• Boutti, R., Rodhain, F., Bourdon, I. et El • De Perthuis, C. & Jouvet, P. A. (2015). «
Amri, A. (2013c). « L’adoption de la Finance Quelle stratégie financière pour un accord cli-
Carbone à l’épreuve de l’intelligence énergé- matique à Paris 2015 ? », Revue d’Economie
tique : transition vers une organisation sobre Financière, n° 117, pp : 31-48.
en carbone », 8ème Congrès RIODD dans le • De Perthuis, C. & Boccon-Gibod, J-C.
cadre European Society for Ecological (2006). «Le marché européen des quotas de
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REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 99


DOSSIER

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100 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

Annexe n°1 : Mesure de la Performance de l’adoption de la Finance Carbone au


prisme du Management Responsable

Dimensions Libellés des items Code items


Performance de Management Responsable et intégration des outils MRIOPENR
l’Adoption de la propres : Energies Renouvelables
Finance Carbone Management Responsable et intégration des outils MRIOPGIT
au prisme propres : Green IT
du Management
Responsable Management Responsable et intégration des outils MRIOPSG
propres : Smart Grid
Management Responsable et mise en pratique d’un MRMPBC
Bilan Carbone
Structure de conformité NRE et ISO 26 000 : pra- STRPRAP
tiques responsables et durables par les actions de
prévention de la pollution et des déchets
Structure de conformité NRE et ISO 26 000 : pra- STRBPE
tiques d’identification, de mesure et de reporting des
impacts sur la biodiversité et protection des écosys-
tèmes
Structure de conformité NRE et ISO 26 000 : pratiques STRPREI
d’élimination de tous produits chimiques interdits
ou identifiés comme inquiétants par les organismes
scientifiques ou les parties prenantes sur la base de
Structure preuves raisonnables
de conformité
NRE et ISO 26000 Structure de conformité NRE et ISO 26 000 : pra- STRPRIP
tiques d’information publique sur les quantités et
la nature des matières toxiques et dangereuses uti-
lisées et libérées, ainsi que sur les risques qui leur
sont liés
Structure de conformité NRE et ISO 26 000 : promo- STRUDRCR
tion de la consommation durable
Structure de conformité NRE et ISO 26 000 : pro- STRUDRER
grammes d’économie des ressources, y compris le
remplacement des ressources non-renouvelables par
des ressources renouvelables et durables
Structure de conformité NRE et ISO 26 000 : garan- STRUDRGH
tir à tous les utilisateurs un accès aux ressources
hydriques dans le bassin de l’activité
La Stratégie MDP et préférences en matière des SMDPPA
critères d’éligibilité de projets (présents ou futurs)
Stratégies Finance au titre des Mécanismes de Développement Propre
Carbone (MDP) : préférence additionnalité
La Stratégie MDP et préférences en matière des SMDPCP
critères d’éligibilité de projets (présents ou futurs)
au titre des Mécanismes de Développement Propre
(MDP) : préférence critère de participation

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 101


DOSSIER

La Stratégie MDP et degré de liaison avec les indica- SMDPIP


teurs de performance
La Stratégie MOC favorisant le renforcement, au plan SMOCIM
local, l’image de marque de la firme développant le
projet, tant au niveau du pays hôte
La Stratégie MOC favorisant la pénétration de nou- SMOCTSC
velles technologies réductrices d’émissions de GES
La Stratégie MOC favorisant l’opérationnalisation de SMOCRSEA
la politique de Responsabilité Sociale et Environne-
Stratégies Finance mentale (RSE) de la firme
Carbone
La Stratégie MOC contribuant à l’augmentation des SMOCAIDE
Investissements Directs Étrangers (IDE) dans le pays
récipiendaire du projet
La Stratégie MOC contribuant à la protection de l’en- SMOCPE
vironnement
La Stratégie PEN nécessitant un critère d’Efficacité SPENEECO
Economique
La Stratégie PEN nécessitant un critère d’Efficacité SPENEENV
Environnementale
La Stratégie PEN nécessitant un critère relevant de SPENHA
la problématique Hot Air
La Stratégie PEN et le recours à des prix de rachat SPENPR
rémunérateurs garantis

Annexe n°2 : Méta-modèle identifié, estimé et validé établit par les auteurs
au moyen du logiciel Smart PLS 3.0
Formation TMI
TEP NATIONAL SMOCDENR GES
1.000
1.000 1.000 1.000 1.000

Formation TM
-0.719
Nationalité ENR Ingénieur
TEP GES

MRDPBRSEE 0.165 0.260 SMDPCP


0.935
MRIAOP 0.452 0.191 0.517 0.955
-0.719
-0.719
0.312 SMDPIP
0.191 0.705 0.973
MRIOPENR 0.845
0.547 SMDPPA
0.765 Stratégie MDP
MRIOPGIT 0.896
0.141
0.675 SPENEECO
MRIOPSG Performance
0.948
Adoption Finance 0.097 0.492
Carbone au prisme 0.199 0.974 SPENEENV
MRMPBC
Management 0.878
Responsable 0.656 0.972 SPENHA
0.788 Stratégie PEN
0.026
SPENPR

SMOCAIDE
0.338
STRBPE
0.947
STRPRAP 0.788
0.954 SMOCIM
0.814 0.242
STREPREI 0.964
0.630 1.531 0.977
SMOCPE
0.814 0.444 0.964
STRPRIP Stratégie MOC SMOCRSEA
0.413
STRUDRCR
SMOCTSC
0.748 Structure de
STRUDRER conformité NRE et
0.805 ISO 26 000
STRUDRGH

102 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


Annexe n°3 : Tableau des résultats de l’estimation du modèle de structure établit par les auteurs
au moyen du logiciel Smart PLS 3.0

Original Sample Standard T Stat… P. Values


Samp… Mean (M) Deviation…

ENR-> Structure de conformité NRE et ISO 26 000 -0.657 -0.731 0.869 0.755 0.450
Formation TMIngénieur -> Structure de conformité NRE et ISO 26 000 0.095 0.109 0.206 0.462 0.645
GES -> Stratégie MDP -0.720 -0.716 0.113 6.389 0.000
GES -> Stratégie PEN 0.311 0.316 0.167 1.864 0.063
Nationalité -> Performance Adoption Finance Carbone au prisme Management Responsable 0.167 0.152 0.302 0.553 0.581
Nationalité -> Stratégie MOC 0.491 0.494 0.153 3.220 0.001
Nationalité -> Stratégie PEN 0.192 0.184 0.228 0.841 0.401
Stratégie MDP -> Performance Adoption Finance Carbone au prisme Management Responsable 0.649 0.709 0.314 2.065 0.039
Stratégie MDP -> Structure de conformité NRE et ISO 26 000 0.788 0.735 0.311 2.532 0.012
Stratégie MOC -> Performance Adoption Finance Carbone au prisme Management Responsable 0.428 0.478 0.439 0.976 0.329
Stratégie MOC -> Structure de conformité NRE et ISO 26 000 1.532 1.550 0.877 1.747 0.081
Stratégie PEN -> Performance Adoption Finance Carbone au prisme Management Responsable 0.206 0.246 0.396 0.520 0.603
Stratégie PEN -> Structure de conformité NRE et ISO 26 000 0.336 0.307 0.216 1.556 0.120
Structure de conformité NRE et ISO 26 000 -> Performance Adoption Finance Carbone 0.331 0.303 0.186 1.780 0.076
au prisme Management Responsable
TEP -> Performance Adoption Finance Carbone au prisme Management Responsable 0.143 0.120 0.128 1.116 0.265
TEP -> Structure de conformité NRE et ISO 26 000 0.018 0.042 0.136 0.133 0.894

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 103


DOSSIER
DOSSIER

L’adoption des systèmes de mesure


de la performance dans les économies
de transition : Le cas de la Serbie
Résumé. Cet article a pour objectif d’étudier les systèmes de mesure de la per-
formance (SMP) des entreprises serbes et de mesurer le taux d’adoption des sys-
tèmes de mesure de la performance en Serbie, nous avons mené une enquête
par questionnaire, auprès de différentes entreprises serbes. Pour enrichir les
apports tirés de l’enquête, des études de cas ont été menées auprès de trois en-
Karim treprises industrielles. Grâce aux données recueillies, nous avons pu étudier la
CHARAF relation existant entre les indicateurs de performance (qu’elle soit ou non finan-
Professeur de
l’Enseignement cière) et les pratiques de récompense et d’évaluation.
Supérieur au
Groupe ISCAE Mots-clés. Balanced Scorecard, Systèmes de mesure de la performance, Serbie.
kcharaf@groupeiscae.ma

Abstract. The aim of this paper is to study the practices of performance


Biljana measurement systems (PMS) of Serbian companies, and the extent of adoption of
BESALJ
Université de
PMS in Serbia; we conducted a survey, among Serbian companies. To obtain rich
Rotterdam, RBS data, three case studies were conducted with three manufacturers companies.
pesab@hr.nl We studied the relationship between performance indicators and rewards
practices and evaluation.
Key words. Balanced Scorecard, Performance Management Systems, Serbia

Introduction Pour étudier les pratiques de mesure


de la performance des entreprises
Traditionnellement, pour évaluer leurs serbes et mesurer le taux d’adoption
performances financières, les entre- des systèmes de mesure de la perfor-
prises ont recours à des indicateurs mance (SMP) en Serbie, nous avons
financiers. Mais depuis quelques an- mené une enquête par questionnaire,
nées, ces indicateurs se sont révélés auprès de différentes entreprises
insuffisants. De ce fait, les entreprises serbes. Pour enrichir les apports ti-
ont désormais recours à des mesures rés de l’enquête, trois études de cas
autres que non financières. ont été menées auprès de trois entre-
Johnson et Kaplan (1987) étaient par- prises industrielles.
mi les premiers chercheurs à avoir cri- À notre connaissance, les pratiques de
tiqué la mesure de la performance des mesure de la performance en Serbie
organisations, basée sur l’approche n’ont pas été traitées dans la littéra-
traditionnelle du contrôle de gestion. ture. De ce fait, on ne dispose pas des
Pour pallier au manque d’efficacité aperçus ni des évidences préalables
de celle-ci, Kaplan et Norton (1992) que l’on pourrait espérer, en consé-
ont proposé un nouvel outil de mesure quence de quoi, il nous faudra opter
de la performance, à savoir le Balanced en premier lieu pour une recherche
Scorecard. exploratoire.

104 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

Grâce aux données recueillies, nous le Balanced Scorecard. En France, nous


avons pu étudier : les pratiques de utilisons les expressions «tableau de
mesure de la performance des entre- bord prospectif», «tableau de bord stra-
prises serbes, la relation existant tégique» ou encore «tableau de bord
entre les indicateurs de performance équilibré». En Serbie, les chercheurs
(qu’elle soit ou non financière) et les utilisent les expressions «Uravnotežena
pratiques de récompenses et d’évalua- tabela merila uspešnosti preduzeća»,
tion. Mais avant de présenter les résul- «Zaokruženi sistem merenja» ou encore
tats de cette recherche au cours des «Balansna karta rezultata».
chapitres suivants, précisons qu’il Dans cet article, pour des raisons pra-
s’agit, à notre connaissance, de la pre- tiques, nous avons choisi de conserver
mière enquête de ce type réalisée sur l’expression américaine.
des entreprises serbes. Le Balanced Scorecard est considéré
comme un dispositif de pilotage me-
1. Revue de la littérature surant les performances, en reliant
la stratégie de l’organisation (le long
Un système de mesure de la per- terme) avec les résultats opération-
formance (SMP) est une approche nels (moyen et court termes). Son
permettant de répartir les responsa- invention est la conséquence de la
bilités, de fixer des objectifs de la per- trop grande part laissée aux visions à
formance et de récompenser la réali- court terme, de la prédominance des
sation de ces objectifs (Merchant et mesures ne visant que la seule per-
Van der Stede, 2007). Pour ce faire, il formance financière, et des contradic-
est nécessaire de déterminer la ma- tions rencontrées dans la conduite de
nière dont la performance est évaluée la stratégie des entreprises.
au sein des organisations (Chenhall et Dit autrement, le Balanced Scorecard
Langfield-Smith, 1998). La littérature vise à donner aux managers une vi-
distingue deux types de SMP. sion globale de la performance en me-
1. SMP classique qui intègre un en- surant les activités de l’entreprise en
semble d’indicateurs financiers et non termes de visions et de stratégies me-
financiers (Ittner et al., 2003). nées. En cela, ce système de mesure
2. SMP innovant qui inclut les mesures permet d’articuler les perspectives à
de la performance financière et non moyen terme, aux activités opération-
financière, ainsi que les relations nelles des organisations.
de cause à effet entre les différentes Le concept du Balanced Scorecard a
mesures, tout en précisant les liens évolué dans le temps. En effet, il a
entre le SMP et la stratégie (Kaplan été présenté initialement comme un
et Norton, 1996). Le Balanced outil d’évaluation de la stratégie et de
Scorecard développé par Kaplan et mesure de la performance. Mais en
Norton (1996) est l’un des SMP les pratique, il est devenu un système de
plus connus qui tente d’intégrer ces management à part entière (Kaplan et
éléments. Norton, 1996 ; Pesqueux et al., 2003).
Par la suite, il est considéré comme
1. Le Balanced Scorecard un outil d’élaboration de la carte stra-
En 1992, Robert S. Kaplan (profes- tégique (Kaplan et Norton, 2000) pour
seur à la Harvard Business School) et devenir ensuite un outil d’alignement
David Norton (consultant) ont lancé stratégique (Kaplan et Norton, 2006)

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 105


DOSSIER

et enfin, dans une quatrième étape, menées alors que, de leur côté, les
un outil d’élaboration de la stratégie indicateurs non financiers permettent
(Kaplan et Norton, 2008). d’élargir la vision de la performance
Le Balanced Scorecard se rapporte non de l’entreprise. Plus concrètement, le
seulement à la performance finan- Balanced Scorecard garde les indica-
cière mais aussi à la performance non teurs financiers en s’appuyant sur un
financière, ce qui permet aux organi- ensemble plus global d’indicateurs, et
sations de se concentrer sur l’avenir en reliant la performance relative à la
et d’agir en visant leur intérêt à long relation avec le client, aux processus
terme. internes, aux salariés et, enfin, à la
Les indicateurs financiers permettent performance financière à long terme
de mesurer les effets d’actions déjà (Cf. Figure 1).

Figure 1 : Les quatre axes du Balanced Scorecard


(adapté de Kaplan et Norton, 1992)

1. Axe financier

2. Axe clients Vision et stratégie 3. Axe processus internes

4. Axe apprentissage
organisationnel et développement

Comme nous venons de le voir, le Ba- moyen idéal pour faire converger les
lanced Scorecard repose sur quatre intérêts des dirigeants (agent) et des
axes d’analyse : (1) la performance propriétaires (principal) de l’entre-
financière, (2) les indicateurs rela- prise vers un but commun. Les diri-
tifs à la relation avec le client, (3) les geants peuvent par exemple, préférer
indicateurs concernant les processus la croissance du chiffre d’affaires à
internes et enfin (4) les indicateurs celle de la satisfaction des clients.
portant sur l’apprentissage organisa- Dans ce contexte, Santori et Ander-
tionnel et le développement. son (1987) ont souligné l’importance
d’insérer des mesures non financières
2. Les systèmes de mesure comme outils de mesure du progrès
de la performance et des entreprises et de la motivation du
la rémunération des managers personnel.
En nous basant sur la théorie Les faiblesses des systèmes de me-
d’agence, les indicateurs de perfor- sure de la performance tiennent non
mance financière ne constituent pas le seulement à la prépondérance des

106 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

indicateurs de performance financière, indicateurs de performance non finan-


mais également à la difficulté de faire le cière révèlent un contenu informatif
lien entre tous les indicateurs de perfor- mieux adapté pour le pilotage de la
mance (financière et non financière). performance. Selon les résultats de
Les organisations cherchent à aug- leur étude, les entreprises ayant un
menter leur compétitivité en optant système de mesure de la performance,
pour des stratégies de gestion axées et s’appuyant sur des données non fi-
sur la qualité, en utilisant des sys- nancières, affichent une performance
tèmes de mesure de la performance boursière supérieure aux autres. Cet
incluant différents indicateurs de per- argument a conduit certains cher-
formance (que celle-ci soit ou non de cheurs à considérer que l’information
nature financière). non financière pouvait mieux rendre
Cela implique une relation de cause compte de la valeur d’une entreprise.
à effet qui s’appuie sur un postulat Par exemple, Kaplan et Norton dé-
implicite stipulant que les actions ma- fendent une vision multidimension-
nagériales produisent des résultats nelle de la performance et conseillent
comme l’innovation, la qualité, ou la d’utiliser le Balanced Scorecard comme
satisfaction des clients qui, à leur tour, outil d’évaluation et de récompenses.
conduisent à la performance finan- En effet, ce système relie les indica-
cière future (Banker et al., 2000). teurs de performance aux systèmes
Selon la littérature, beaucoup d’orga- de rémunération (Kaplan et Norton,
nisations emploient des indicateurs de 2001) et cela, afin de s’assurer que
performance non financière tels que les performances financières soient
la qualité des produits, la satisfaction bien en conformité avec la stratégie
de la clientèle et l’évolution de la part de l’entreprise. Cependant Ittner et al.
de marché, afin d’évaluer et de récom- (2003) estiment que la subjectivité du
penser la performance des managers. Balanced Scorecard a amené certaines
La principale raison qui favorise entreprises à revenir à un système
l’utilisation des indicateurs de per- de récompenses basé essentiellement
formance non financière est que ces sur des indicateurs financiers. L’argu-
indicateurs sont meilleurs que les in- ment de celles-ci est que ces derniers
dicateurs comptables, quand il s’agit paraissent plus objectifs et qu’ils sont
de déterminer la performance future surtout unanimement reconnus par
(Kaplan et Norton, 1992). les employés. L’étude de Wong-On-
L’étude de Banker et al. (2000) indique Wing (2007) va dans le même sens en
que les indicateurs de la performance affirmant que l’utilisation du Balanced
non financière tels que la satisfaction Scorecard comme système de rému-
des clients et la qualité, sont signifi- nération pourrait engendrer des ten-
cativement associés à la performance sions au sein des entreprises.
financière future et qu’ils comportent Dans les paragraphes suivants, notre
des informations additionnelles qui objectif sera double : il s’agira, d’une
ne se retrouvent pas dans les indica- part, de décrire la méthode de re-
teurs de performance financière. cherche ayant servi à collecter les
L’étude de Said et al. (2003) va dans données, et d’autre part, de présenter
le même sens et démontre que les les principaux résultats de l’étude.

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 107


DOSSIER

2. Méthodologie Afin d’étudier les systèmes de mesure


de la performance des entreprises
de recherche serbes, le design de la recherche sera
de type exploratoire (une enquête pre-
La population sur laquelle nous avons
nant appui sur une enquête par ques-
porté notre attention se compose de
tionnaire). Mais dans le même temps,
grandes entreprises industrielles. Pour
nous nous efforcerons d’établir des
déterminer la population de référence de
liens de cause à effet entre les diffé-
notre recherche, nous avons sélectionné
rentes variables.
les 800 plus grandes entreprises serbes
L’économie serbe se situe encore dans
figurant sur la base de données de la
un processus de transition et se carac-
Banque Centrale serbe. Nous avons
térise en conséquence par de multiples
éliminé de notre échantillon toutes les
particularités par rapport aux écono-
entreprises dont l’adresse postale était
mies de marché développé. Ainsi, une
incomplète, les entreprises publiques,
attention particulière sera accordée
les coopératives et les entreprises en
à l’exploration et à la compréhension
liquidation judiciaire ou en faillite.
du contexte de la recherche. Dans le
L’échantillon final retenu pour l’envoi
paragraphe suivant, nous présentons
initial était constitué de 684 entreprises.
le contexte serbe.
Dans le choix de l’échantillon, nous
avons donc mis l’accent sur deux
éléments ; la taille de l’entreprise et le 3. Contexte Serbe
secteur d’activité de celle-ci (le secteur
industriel). L’étude a été effectuée dans une an-
Avant d’entrer dans la phase active de cienne économie socialiste (commu-
notre recherche, nous avons contacté niste). Le système d’économie plani-
les entreprises par téléphone pour pré- fiée2 de ce pays a montré l’incapacité à
senter les objectifs de l’étude, déter- assurer une croissance et un dévelop-
miner les coordonnées (nom, prénom, pement à long terme pour la Serbie.
courriel, téléphone et adresse postale) Une économie de transition est une
de la personne la plus appropriée économie traditionnellement plani-
pour répondre à l’enquête, et avertir fiée qui a permis un passage vers une
celle-ci de l’envoi du questionnaire par économie de marché. L’État a perdu
voie postale1. graduellement son rôle dans la pro-
Ajoutons à ce sujet que si le question- duction de biens et services, ceci par
naire a été exclusivement adressé par des privatisations massives et l’entre-
voie postale, en revanche, les entre- preneuriat privé.
prises contactées ont pu choisir de Ces derniers ne sont que des éléments
répondre par voie électronique ou sur de la transition. Une économie de
support papier. Après qu’elles aient transition doit être liée aux autres
reçu les premiers questionnaires, pré- éléments, tels que la stabilisation
cisons enfin que les entreprises ont macroéconomique, la libération des
été relancées deux fois par courriel. prix, des réformes économiques et

1. Le questionnaire et la page d’introduction ont été rédigés en deux langues : serbe et anglais. Il a été administré selon
l’approche de Dillman (2000) qui fournit des directives concernant le format des questions et donne des techniques pour
la personnalisation et l’envoi des questionnaires.
2. Voir Djankov et Murrell, (2002) page 742, pour une description plus détaillée des « économies planifiées ».

108 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

le renforcement des institutions. Une moyen de croissance annuelle de 2%).


économie de transition implique Plus spécifiquement, l’industrie ma-
également le passage vers une société nufacturière a connu une croissance
plus démocratique et le processus de 18,6% (soit un taux moyen de crois-
d’adoption et de renforcement des sance annuelle de 2,2%). La faible
institutions de la société civile. croissance de l’industrie manufactu-
La Serbie a commencé sa transition rière pendant la période 2001 - 2008
vers l’économie de marché en 1989. est interrompue en 2009 en raison de
Ce processus n’est pas encore ache- la crise économique mondiale et ses
vé. Dans notre recherche, nous nous effets, à savoir : la baisse des exporta-
concentrons sur l’industrie manufac- tions et de la demande intérieure, une
turière serbe. Selon la NACE3, L’in- diminution des liquidités des entre-
dustrie se réfère à trois secteurs : prises, etc.
• Extraction d’hydrocarbures Pendant la période de janvier à juillet
• Production et distribution d’électricité, 2009 l’industrie manufacturière a bais-
de gaz, de vapeur et d’air conditionné sé de 17%, tandis que de tous les autres
• Industries manufacturières secteurs industrielles ont connu une
L’industrie manufacturières est le baisse beaucoup plus forte (-21,7%).
secteur le plus important. Il repré- La diminution de l’industrie manufac-
sente environ 75% de la production turière a entraîné une diminution de
industrielle totale en Serbie. la productivité de 8,4% dans l’indus-
En raison de la restructuration et de trie et 11,7% dans le secteur manufac-
la privatisation dans le secteur de turier pendant la période de janvier
l’industrie pendant la période de 2001 - Juillet 2009 contre la même période
– 2008, une faible croissance a été en 2008.
réalisée. Quelques indicateurs pour l’industrie
L’industrie a connu une croissance de manufacturière en 2009 et 2008 sont
17% entre 2001 et 2008 (soit un taux fournis dans le tableau suivant :

Tableau 1 : Les indicateurs de performance de l’industrie manufacturière


serbe en 2009 et 2008

Rendement Rendement Ratio Ratio Taux de


général des du capital de de liquidité couverture
investissements investi * capital générale des intérêt
2008
2009 2008 2009 2008 2009 2008 2009 2008 2009
0.89
Les entreprises 0.1 0.9 -2.7 -1.0 38.9 41.9 0.97 0.99 0.31
serbes
1.25
L’industrie -0.3 1.8 -5.9 0.4 30.4 32.0 1.03 1.06 -0.01
manufacturière
serbe
Source : Déclaration de solvabilité, Banque Centrale Serbe, 2010.

3. La classification des activités économiques a été réalisée par la NACE. La NACE est la nomenclature statistique des
activités économiques européennes (http://www.nace.org)

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 109


DOSSIER

Les informations du tableau ci-dessus recteurs généraux (13%), des cadres


indiquent que les indicateurs de ren- intermédiaires (13%). Enfin, 24% des
tabilité, de liquidité et de solvabilité, répondants ne se sont pas prononcés
des entreprises serbes opérant dans sur leurs fonctions.
l’industrie manufacturière ont de En conséquence de quoi, nous pou-
meilleurs résultats en comparaison à vons affirmer que notre échantillon est
la moyenne des entreprises opérant constitué principalement de cadres
dans les autres secteurs. supérieurs et intermédiaires (qui re-
La restructuration et la privatisation présentent 96 réponses, soit 61% des
du secteur industriel n’ont pas permis, répondants). À noter également que la
ni le développement technologique, ni moyenne d’années d’expérience des
l’augmentation de la compétitivité, répondants, pour un poste similaire,
ni l’amélioration de la capacité d’ex- est de 11 ans.
portation des entreprises serbes. Les
exceptions sont les entreprises ayant Tableau 2 : Répartition des répondants
été privatisées par des sociétés étran- par fonction Fonction
gères et qui sont devenues une partie
Nombre
intégrante du système de multinatio- Fonction %
de retours
nal. Ces entreprises sont considérées
comme plus efficaces et plus perfor- Directeur général 20 13
mantes4.
Directeur et 56 35
Responsable
4. Résultats des départements

1. Les caractéristiques Cadre intermédiaire 20 13


des entreprises de l’échantillon Chef de production 24 15
Au total, sur les 684 entreprises
interrogées, nous avons obtenu 158 Sans réponse 38 24
questionnaires exploitables, soit un Total 158 100
taux de réponse de 23,1%. On peut
considérer que ce pourcentage de
retour est satisfaisant. Un test de non L’échantillon est composé de 107
réponse a été effectué sur l’ensemble entreprises à responsabilité limitée
des entreprises retenues dans la (soit 68% de celles ayant accepté de ré-
population de base afin s’assurer de pondre); de 50 sociétés par actions co-
l’homogénéité de notre échantillon tées en bourse (soit un total de 32%),
final de répondants, et de l’inexistence et d’une société en cours de privatisa-
de biais de non réponse au sein de ce tion. Il est à noter que la privatisation
groupe. en Serbie concerne les entreprises
Parmi les répondants, les chiffres du placées sous le régime de la «proprié-
Tableau 2 révèlent la prédominance té sociale».
des Directeurs et Responsables de Pour définir la taille des entreprises
départements (35%). Ils sont suivis des répondants, il est possible de dis-
des chefs de production (15%), des di- tinguer plusieurs critères. Nous cite-

4. Selon le Bureau National de Développement

110 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

rons notamment : l’effectif, le chiffre dantes ou ne disposent pas de filiales


d’affaires, la valeur ajoutée, le capital (111 répondants). Elles sont suivies de
social, la part du marché, etc. loin des entreprises ayant des filiales
Ces données ne sont que des exemples (42 répondants).
de critères susceptibles d’être utilisés Le nombre de filiales contrôlés par
pour appréhender la taille d’une entre- un groupe est compris entre 1 et 106
prise. Car il est très difficile de catégo- (avec un mode égal à 2). Ces filiales
riser les entreprises sur la base d’un sont principalement de type commer-
critère unidimensionnel. cial et se situent dans les pays voisins
Par ailleurs, notons que la loi comp- de l’entreprise mère (en particulier
table serbe (dans son article 7) fait dans les pays de l›ex-Yougoslavie, à sa-
la distinction entre trois catégories voir : la Bosnie-Herzégovine, le Mon-
d’entreprises, à savoir ; les petites, les ténégro, la Slovénie, la Macédoine
moyennes et les grandes entreprises. et la Croatie). Les entreprises serbes
Selon cette loi, les moyennes entre- disposent également de filiales dans
prises sont celles qui remplissent au la Fédération de Russie, l’Allemagne
moins deux des critères suivants : et la Roumanie.
• Avoir un nombre moyen de salariés D’autre part, il est intéressant
compris entre 50 et 250 employés ; de noter que les entreprises
• Posséder un chiffre d’affaires annuel constituant notre échantillon sont
compris entre 2.500.000 et 10.000.000 majoritairement des entreprises
euros ; exportatrices (143 entreprises contre
• Avoir une moyenne de la valeur 13, produisent uniquement pour le
comptable des actifs comprise entre marché serbe).
1.000.000 et 5.000.000 euros.
Le tableau 3 indique que notre échan- 2. Pour une majorité
tillon est composé de 78 moyennes des répondants, l’axe financier
entreprises (49,7%) et de 79 grandes est le plus utilisé
entreprises (50,3%). Dans le cadre de cette étude nous
avons retenu les dimensions5
Tableau 3 : Répartition suivantes : financière, processus
des entreprises selon la taille internes, satisfaction des clients,
(moyennes entreprises apprentissage organisationnel et
et grandes entreprises) développement, et enfin responsabilité
N % environnementale.
De là, nous avons examiné la régu-
Moyennes entreprises 78 49,7 larité de l’utilisation des différentes
Grandes entreprises 79 50,3 dimensions de la performance et leur
relation avec le système de récom-
Total 157 100 penses.
Ces dimensions de la performance
En majorité, les entreprises ayant ré- sont conformes à la construction du
pondu à notre enquête sont indépen- Balanced Scorecard, sauf pour l’intro-

5. Par rapport aux quatre axes du Balanced Scorecard, un cinquième axe sur la responsabilité environnementale a été
ajouté.

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 111


DOSSIER

duction de la dernière dimension (à • Apprentissage organisationnel et


savoir Responsabilité environnemen- développement (87 entreprises soit
tale) suggérée par Gupta et Govinda- 55,4% des répondants).
rajan (1984) et Govindarajan et Fisher D’autre part, comme le montre le ta-
(1990). Cet instrument de mesure a bleau 4, les systèmes de récompenses
été utilisé par Lingle et Scheimann peuvent s’appuyer sur :
(1996). • Des indicateurs de performance fi-
Nos résultats indiquent qu’en vue nancière (57,3% des répondants) ;
d’une évaluation de la performance, • Des indicateurs de performance liés
les entreprises serbes utilisent, en aux processus internes (55,4% des ré-
moyenne, deux fois par an les dimen- pondants) ;
sions suivantes : • Des indicateurs de performance liés
• Financière (142 entreprises soit à la satisfaction des clients (31,2% des
90,4% des répondants) ; répondants) ;
• Processus internes (132 entreprises • Des indicateurs de performance liés
soit 84,1% des répondants) ; à l’apprentissage organisationnel et
• Satisfaction des clients (117 entre- au développement (41,4% des répon-
prises soit 74,5% des répondants) ; dants) ;
• Responsabilité environnementale • Des indicateurs de performance liés
(92 entreprises soit 58,6% des répon- à la responsabilité environnementale
dants) ; (19,1% des répondants).

Tableau 4 : Les dimensions des systèmes de mesure de la performance


et leurs utilisations pour récompenser les managers
et évaluer les performances
Axes utilisés aux moins Axes utilisés pour
deux fois par an pour définir la récompense
évaluer la performance des managers

Les dimensions des systèmes Nombre % Nombre %


de mesure de la performance d’entreprises d’entreprises

Financier 142 90,4 90 57,3


Processus internes 132 84,1 87 55,4
Satisfaction des clients 117 74,5 49 31,2
Apprentissage organisationnel 87 55,4 65 41,4
et développement
Responsabilité environnementale 92 58,6 30 19,1

Il est intéressant de noter que le de dimensions utiliser. En effet, 90


nombre d’entreprises utilisant les in- entreprises (soit 57% des répondants)
dicateurs de performance à des fins de utilisent uniquement la dimension
récompense diminue avec le nombre financière, tandis que 70 entreprises

112 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

(soit 44,6% des répondants) utilisent 3. Les pratiques de mesure


deux dimensions différentes de la per- de la performance au sein
formance, et que 61 entreprises (soit des entreprises serbes
38,8% des répondants) utilisent au Nous avons demandé aux entreprises
moins trois dimensions. serbes si elles disposaient des sys-
Nous remarquons que les entreprises tèmes de mesure de leur performance
serbes s’appuient en premier lieu sur tels que le Balanced Scorecard ou l’EVA.
des critères financiers pour mesu- Parmi les entreprises de notre échan-
rer leur performance et récompenser tillon, 121 (soit 77% des répondants)
leurs managers. ont affirmé utiliser des systèmes de
Ceci est en accord avec les résultats mesure de la performance, tandis que
des études récentes menées dans 37 (soit 23% des répondants) ont décla-
des économies comparables d›ex- ré ne pas en avoir.
Yougoslavie. notamment, les études Ce dernier chiffre est surprenant
réalisées auprès les entreprises slo- compte tenu du fait que notre échan-
vènes (Marc et al, 2010;. Rejc, 2001; tillon est constitué principalement de
Tekavcic et Peljhan, 2003) et les entre- grandes et moyennes entreprises.
prises croates (Vitezi et Knez-Riedl, Parmi les entreprises déclarant uti-
2005). Selon ces études, les entre- liser des systèmes de mesure de leur
prises perçoivent les critères finan- performance, notons aussi que 23
ciers beaucoup plus importants que (soit 19% des répondants) ont mis en
les critères non-financiers. place des outils de mesure de la per-
Mais il faut souligner que les systèmes formance formels (tels le Balanced
de mesure de la performance axés Scorecard ou l’EVA) alors que 98 (soit
principalement sur des critères finan- 81% des répondants) ont déclaré avoir
ciers présentent plusieurs limites. développé et mis en oeuvre un sys-
• Ces systèmes ne fournissent au- tème spécifique à leurs besoins.
cune information sur des facteurs Le taux d’adoption du Balanced Score-
décisifs aidant à l’accroissement card en Serbie est beaucoup plus
des parts de marché et des béné- faible que les taux obtenus dans des
fices tels que : l’innovation, la satis- études comparables auprès des entre-
faction des clients, la qualité, et le prises de la même région. En effet,
développement des compétences des près de 50% des entreprises croates
employés ; (Veza et Prêtre, 2007), et russes (Kal-
• Ils ne prennent pas en compte des lunki, 2008) l’ont adopté. Ce résultat
éléments intangibles de la valeur pourrait être expliqué par l’impor-
d’une organisation ; tance des systèmes informels de me-
• Ils sont orientés vers le passé et sure de la performance au sein des
offrent peu d’indications sur la perfor- entreprises serbes.
mance future. Au vu de ces résultats, il est inté-
Dans les paragraphes suivants, nous ressant de noter que 10 entreprises
mettrons en lumière le taux d’adop- serbes de notre échantillon ont mis en
tion du Balanced Scorecard par les en- oeuvre le Balanced Scorecard (soit 6,3%
treprises serbes et la relation entre des répondants) et qu’un pourcentage
les indicateurs de performance stra- similaire est observé pour les adop-
tégiques et les indicateurs de perfor- tants de l’EVA (10 entreprises, soit
mance individuels. 6,3% des répondants).

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 113


DOSSIER

4. Le consensus des cadres Dit autrement, ce système vise à


dirigeants sur le choix transformer les objectifs stratégiques
des indicateurs ; un facteur en actions à travers l’établissement
important pour relier d’une carte stratégique comportant
les indicateurs de performance des liens de cause à effet entre les dif-
stratégiques aux indicateurs férents objectifs opérationnels.
de performance individuelle. Par conséquent, nous pouvons rai-
Comme mentionné précédemment, le sonnablement nous attendre à ce
Balanced Scorecard est un système de que les entreprises qui ont adopté le
mesure de la performance qui fournit Balanced Scorecard relient, d’un côté,
aux cadres dirigeants des informa- les mesures de performance straté-
tions nécessaires au pilotage de la giques aux mesures de performance
performance. Le Balanced Scorecard opérationnelles, et de l’autre, les me-
se fonde sur la détermination des sures de performance individuelles
objectifs stratégiques et des mesures aux mesures de performance opéra-
relatives aux quatre axes de la per- tionnelles.
formance (à savoir ; la performance Nous avons demandé aux entreprises
financière, les indicateurs relatifs à la dans quelle mesure un consensus des
relation avec le client, les indicateurs cadres dirigeants était établi, relatif
concernant les processus internes et au choix des indicateurs de mesure
ceux portant sur l’apprentissage orga- qu’ils pourraient utiliser pour évaluer
nisationnel et le développement). la performance. Et d’autre part, nous
À la fin de chaque période, les cadres leur avons également demandé quel
dirigeants vont comparer ces objectifs était le lien entre mesures de perfor-
avec les réalisations effectuées afin mance individuelles et mesures de
de savoir si la performance désirée a performance stratégiques.
été atteinte ou non. La détermination Selon Kaplan et Norton (2003), un
des objectifs et des indicateurs par les ensemble de mécanismes permet de
cadres dirigeants, leur permet sur un traduire la stratégie générale d’une
plan collectif de travailler ensemble, entreprise, ainsi que le Balanced
de mutualiser leurs efforts, d’influer Scorecard, en objectifs locaux et en
collectivement sur les variables d’ac- mesures spécifiques, qui orienteront
tion et de motiver les employés pour les actions personnelles. Ces méca-
atteindre des objectifs organisation- nismes sont :
nels communs. • Un programme de communication et
Selon les concepteurs du Balanced de formation visant à faire connaître à
Scorecard, lier les indicateurs aux dif- l’ensemble des employés la stratégie
férents niveaux de l’organisation (ni- et les comportements à adopter pour
veau stratégique, niveau opérationnel réaliser les objectifs ;
et niveau individuel) pourrait assu- • Des actions visant à définir des
rer une meilleure mise en oeuvre de objectifs afin d’articuler le Balanced
la stratégie et une amélioration de la Scorecard aux objectifs individuels ;
performance. En cela, relier les inten- •Une articulation des mesures du
tions stratégiques aux objectifs opéra- Balanced Scorecard au système de
tionnels et individuels, constitue l’une récompenses, permettant d’aligner
des caractéristiques principales du les actions de l’entreprise sur sa
Balanced Scorecard. stratégie.

114 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

Au vu de ces données, nous pouvons En d’autres termes, l’adoption du


nous attendre à ce que les entreprises Balanced Scorecard est positivement
ayant adopté le Balanced Scorecard se associée avec certaines caractéris-
concentrent désormais sur la réalisa- tiques de mise en oeuvre de la straté-
tion d’objectifs communs à l’ensemble gie. Dans le même ordre d’idée, Naro
de l’entreprise, et qu’elles articulent et Travaillé (2010) indiquent que
les indicateurs de la performance la mise en place du Balanced Score-
aux objectifs individuels afin de créer card peut se heurter au problème
l’adhésion des employés à la stratégie de la fixation des objectifs et à celui
globale de l’entreprise, ce qui pourrait du choix des indicateurs. De ce fait,
conduire à une amélioration de la per- selon ces auteurs, sans performance
formance. cible clairement identifiée, il est diffi-
Par exemple, si l’un des objectifs de cile de savoir si la stratégie a atteint
l’axe client du Balanced Scorecard est ou non ses objectifs.
d’améliorer la ponctualité des livrai-
sons, il peut être exprimé en objec- Conclusion
tif individuel consistant à réduire le
temps de réglage des machines (Ka- L’ancrage de notre étude dans le
plan et Norton, 2003). Ainsi selon ces contexte serbe est en soi un premier
derniers, les efforts d’amélioration au apport managérial puisqu’il s’agit,
niveau local sont alignés sur les déter- sans doute, de l’une des premières
minants de la performance de l’entre- recherches portant sur l’adoption des
prise dans son ensemble. outils de mesure de la performance
Les études antérieures suggèrent que dans ce pays. Nous avons
le Balanced Scorecard ne convient pas à notamment pu mettre en évidence
toutes les entreprises et que certaines (1) l’importance du consensus des
conditions sont nécessaires à son cadres dirigeants sur la question du
adoption et à son succès. Ces facteurs, choix des indicateurs permettant de
parmi lesquels vient en premier lieu relier les indicateurs de performance
la stratégie d’entreprise, jouent donc opérationnels et individuels aux
un rôle essentiel dans l’adoption du objectifs stratégiques de l’entreprise.
Balanced Scorecard. Mais ce consensus doit également
Nos résultats vont dans le même sens porter sur (2) les caractéristiques des
en indiquant que les entreprises qui outils de mesure de la performance
adoptent le Balanced Scorecard ont utilisés par les entreprises serbes et
tendance, d’une part, à lier les indi- sur (3) le taux d’adoption du Balanced
cateurs stratégiques aux indicateurs Scorecard.
opérationnels (Corrélation de Ken- C’est en même temps l’une des prin-
dall6 = 0,169 ; seuil de signification à cipales limites de cette recherche.
0.05), et d’autre part, à faire que leurs En effet, la Serbie est toujours en pé-
cadres dirigeants choisissent conjoin- riode de transition. Cette période est
tement les indicateurs de performance caractérisée par de nombreuses par-
(Corrélation de Kendall = 0,186 ; seuil ticularités ainsi que des distorsions
de signification à 0.05). du modèle de l’économie de marché.

6. Le coefficient de corrélation de Kendall et son test permettent d’étudier l’existence de liaisons entre deux variables.

REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT >>> 115


DOSSIER

Cependant, le champ de l’étude re- tion. Beaucoup d’entreprises de notre


présente en même temps un champ échantillon ont terminé leur proces-
fructueux pour la recherche future. sus de privatisation tout récemment et
Notamment, il offre l’opportunité de ont engagé des affaires dans de nou-
mener une étude longitudinale en velles conditions (propriété, forme ju-
Serbie comme une économie de tran- ridique, etc.) sur une période de temps
sition, afin de suivre l’évolution dans relativement courte. Par ailleurs, les
le temps des relations complexes entre entreprises étrangères en Serbie sont
les différentes variables. très jeunes, certaines d’entres elles
Les processus de privatisation et de datent seulement de 2004.
transition qui sont toujours en cours Les cadres dirigeants sont considé-
en Serbie, vue comme un marché en rés comme des rassembleurs, ayant
développement, créent un contexte pour mission de décliner la stratégie
complexe et spécifique de recherche. à tous les niveaux et à élaborer une
L’influence possible de ces facteurs vision stratégique qui fédère les em-
conjoncturels devraient être contrô- ployés autour d’un objectif commun
lés. Par exemple, certains de ces fac- pour l’avenir. En cela, ces cadres fa-
teurs sont liés au contexte institution- vorisent l’adoption, l’implantation et
nel des SMP. Ce contexte comprend la pérennité du Balanced Scorecard.
l’influence venant de l’extérieur de Ils jouent donc un rôle important
l’entreprise ou encore l’unité orga- dans le développement de ce système
nisationnelle observée. Ces diverses de mesure.
influences sont telles que les innova- Nos résultats indiquent également
tions et les tendances touchant aux que les entreprises serbes disposant
domaines de la comptabilité ou de la d’un système de mesure de la perfor-
réglementation, de même que les inte- mance, donnent beaucoup d’impor-
ractions entre les entreprises et les tance aux indicateurs de performance
parties prenantes de l’organisation financière. Mais n’oublions pas que,
pourraient représenter une pression quel que soit le type d’outil de mesure
formelle et/ou informelle sur la so- de la performance utilisé, les mesures
ciété ou sur les unités organisation- financières et non financières doivent
nelles, et inciter ces dernières à utili- être alignées et intégrées dans un
ser des outils de calcul des coûts (et cadre stratégique global, afin d’abou-
des SMP). tir à un tableau de bord équilibré :
Nous avons observé les entreprises • Entre indicateurs financiers et non
pendant une période de temps relative- financiers ;
ment courte, au cours de laquelle ces • Entre indicateurs de plans d’action,
entreprises n’ont probablement pas eu et indicateurs de résultat de ces ac-
le temps de s’établir pleinement dans tions ;
l’économie. Notre travail a en outre • Entre indicateurs prédictifs à court
été rendu plus difficile du fait que et moyen terme ;
l’économie et la société toute entière • Entre les différentes sources de la
soient dans un processus de transi- performance, à savoir ; les attentes
tion, avec de nombreuses réformes ins- des clients, la contribution des pro-
titutionnelles fondamentales toujours cessus à ces attentes, les ressources
inachevé. Les entreprises nationales humaines, la qualité du système d’in-
sont, en effet, en cours de privatisa- formation, etc.

116 <<< REVUE MAROCAINE DES SCIENCES DE MANAGEMENT


DOSSIER

Notre étude a mis en lumière diffé- • Kallunki J.-P., Moilanen S. et Silvola H.


rents mécanismes qui pourraient (2008), “Western Management accounting
participer à l’amélioration de la per- and controls in Russin firms : An analysis
formance grâce à la mise en place du of the extent of the use an dits influence”,
Faculty of Economics and Business Ad-
Balanced Scorecard. Parmi ces méca-
ministration, University of Oulu, Wor-
nismes, nous citerons notamment
king paper, No.27, http://herkules.oulu.fi/
le consensus des cadres dirigeants isbn9789514290015/isbn9789514290015.
quant au choix des indicateurs, et l’ali- pdf, 28.03.2011
gnement des objectifs de l’entreprise. • Kaplan R. S., et Norton, D.P., «Having
Les recherches futures devraient trouble with your strategy? Then map
conduire à une étude de cas ou à une it», Harvard Business Review, p. 167-176,
enquête, afin d’éclairer l’impact de la 2000.
mise en place du Balanced Scorecard • Kaplan R.S. et Norton, D.P., «The ba-
sur les performances des entreprises lanced-scorecard: Measures that drive
et de mieux comprendre les retom- performance». Harvard Business Review,
p. 71-79, Janvier-Février, 1992.
bées complexes de la mise en place de
• Kaplan R.S., et Norton, D.P., « Using the
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