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Géotourisme et Environnement M1 : Homme et

Environnement

Chapitre 01 : Définitions des Concepts de base.

Introduction :

A la croisée de l’écotourisme et du tourisme culturel, s’inscrivant dans une logique de


diversification des registres patrimoniaux et touristiques, le géotourisme est une niche
touristique en pleine expansion. Les géo-patrimoines, prenant le statut de ressources
territoriales participent ainsi à la diversification de l’offre touristique.

Les prémisses de ce tourisme sont déjà anciennes puisque H.-B. de Saussure, naturaliste
suisse, publiait en 1796 un premier « Agenda du géologue-voyageur » suivi en 1835 et 1836
des deux tomes du « Guide du géologue Voyageur » d’Ami Boué, géologue français, où l’on
pouvait lire, dans son tome 1 : « Aucune époque n’a été plus fertile en voyages que la nôtre,
chaque jour voit s’étendre nos connaissances en géographie géognostique et, en comparant
le mode actuel d’observation à ce qui avait lieu au commencement de ce siècle, on s’aperçoit
que la géologie a subi une révolution semblable à celle de la civilisation ». Aussi, le
géotourisme se présente avant tout comme une requalification de pratiques déjà
anciennes, traduisant un changement de regard sur des espaces déjà signalés pour leur
dimension pittoresque.

En écho à l’inflation des dynamiques patrimoniales depuis le début des années 2000, le
géotourisme est aujourd’hui marqué par une tendance au « tout patrimonial » où la moindre
pierre, le moindre affleurement est qualifié par les acteurs de géo-patrimoine, à même
d’impulser des dynamiques touristiques trop rapidement parfois assimilées à du géotourisme.
A l’heure où de plus en plus d’acteurs mettent en avant le géotourisme dans divers projets de
territoire, il importe aujourd’hui de préciser le champ occupé par ces pratiques. Aussi, à
quelles conditions peut-on parler de géotourisme ? Quelles en sont les caractéristiques ? Dans
quelle mesure ces pratiques sont-elles effectives et plus encore, quels sont aujourd’hui les
freins venant limiter leur développement ?

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1- Le Géotourisme, un champ de pratique en cours de définition :

Depuis une vingtaine d’années, le terme de « Géotourisme »a fait son apparition. Pour autant,
il n’est pas encore rentré dans les dictionnaires et il n’en existe pas de définition consensuelle.
Suivant les acteurs, celle-ci met en avant l’une ou l’autre des facettes de cette pratique
touristique aujourd’hui qualifiée d’innovante. Un panorama sélectif des définitions associées à
ce terme illustre l’étendue de ce qu’il recouvre. Cet état des lieux épistémologique s’appuie
sur les principaux ouvrages faisant actuellement référence sur le sujet et recoupe plusieurs
publications des membres du laboratoire Edytem travaillant cette question (Hobléa, 2008 ;
Cayla, 2009 ; Cayla et al., 2010 ; Duval et Gauchon, 2010).

De façon générale, le géotourisme renverrait aux pratiques touristiques en lien avec la


découverte de la Terre. Cette entrée en matière assez large permet de regrouper dans un même
ensemble des pratiques très différentes. Ces dernières peuvent aller d’un sentier de découverte
des vignobles valaisans à la visite des fjords norvégiens, en passant par la descente en rappel
d’un canyon dans les Alpes-Maritimes, agrémenté d’une visite d’un musée des techniques et
des sciences met- tant en scène une histoire minière. Cela fait-il sens de regrouper des
pratiques aussi diverses dans un même ensemble « géotourisme » ?

Pour certains, il semble que cela soit le cas, en atteste la définition retenue par l’American
National Geographic Society : « Geotourism is defined as tourism that sustains or enhances
the geographical character of a place – its environment, culture, aesthetics, heritage, and the
well-being of its residents » (cité par Zorn et al., 2009). « Le géotourisme est défini comme
un tourisme qui soutient ou renforce le caractère géographique d'un lieu - son
environnement, sa culture, son esthétique, son patrimoine et le bien-être de ses résidents »

Ici, le géotourisme se confond avec des dynamiques territoriales articulées autour du « mieux
vivre ensemble ». Si l’on s’en tient à cette définition englobant, presque toutes les pratiques
touristiques peuvent être qualifiées de géotouristiques, dès lors qu’elles sont proposées et
perçues par les acteurs comme des moyens de « valoriser la personnalité géographique
d’un lieu ».

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A une échelle d’analyse plus fine, le développement du géotourisme s’inscrit en écho des
processus de patrimonialisation des caractéristiques géologiques et géomorphologiques
remarquables et de la reconnaissance des géotopes et des géosites, autrement dit de la
géodiversité.

De manière générale, la géodiversité regroupe l’ensemble des sous-sols, sols et paysages et


renvoie tout autant aux phénomènes passés, dont la Terre porte les marques, qu’à des
processus actuels de modification de ces mêmes paysages. L’accent est donc mis sur une
double entrée géologique et géomorphologique, ainsi que sur une double échelle de temps : le
temps long des héritages et le temps actuel des transformations.

Quant aux géotopes, les uns les définissent par rapport à leurs caractéristiques intrinsèques : «
Les géotopes sont des formations inanimées qui illustrent l’histoire de la planète en révélant
différents aspects de l’évolution de la Terre ou de la vie. Cela inclut les affleurements des
roches, les sols, les minéraux et les fossiles ainsi que les formations naturelles ou les
paysages » (Wuttke, 2001). D’autres préfèrent une approche plus globale et définissent
comme géotopes « tout objet géologique présentant une certaine valeur, qu’elle soit
scientifique, historico-culturelle, esthétique ou socio- économique » (Panizza et Piacente,
2003).

Cette mise en perspective entre géotourisme et géodiversité par la notion de géotope éclaire
en retour la définition de ces pratiques touristiques. Aussi, le géotourisme renvoie, pour
partie, à l’ensemble des activités touristiques liées aux géotopes et aux géomorphosites,
autrement dit aux formations géologiques au sens large, aux formes de reliefs et aux
processus géomorphologiques remarquables.

Pour autant, nombre de sites aux caractéristiques géologiques ou géomorphologiques


impressionnantes se visitent sans qu’il y ait la moindre information concernant les sciences
de la Terre. Cela est vrai tant pour des géosites des pays du Nord (nombreux sites volcaniques
isolés du massif central en France) que des pays du Sud. Ainsi, l’exemple du Fish River
Canyon (Figure 1) : localisé au sud de la Namibie, l’aménagement de ce site remarquable se
résume à deux points de vue sur le canyon, sans pour autant qu’un seul panneau explicatif ni
même une brochure ne livrent des explications sur les formes et processus observés. Aucune
forme de médiation scientifique n’est proposée. Le touriste n’a absolument aucune clef de

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lecture pour comprendre les paysages qu’il observe. Et ce alors même que l’on se situe dans
une réserve naturelle nationale avec un droit d’entrée s’élevant à une centaine de dollars
namibiens.

Aussi, des définitions plus précises sont à observer, lesquelles viennent progressivement
préciser le champ d’application de ce nouveau registre patrimonial. De manière plus
spécifique, Marie-Louise Frey1 donne en 1998, lors d’une réunion de la Société Géologique
d’Allemagne, la définition suivante :

« Geotourism means interdisciplinary cooperation within an economic, success-oriented and


fast-moving discipline that speaks its own language. Geotourism is a new occupational and
business sector. The main tasks of geotourism are the transfer and communication of
geoscientific knowledge and ideas to the general public ».

«Le géotourisme signifie une coopération interdisciplinaire au sein d'une discipline


économique, orientée vers la réussite et en évolution rapide qui parle sa propre langue. Le
géotourisme est un nouveau secteur professionnel et commercial. Les principales tâches du
géotourisme sont le transfert et la communication des connaissances et des idées géo-
scientifiques au grand public ».

Cette définition insiste dès lors sur les interactions entre les acteurs politiques, scientifiques et
professionnels du tourisme. Elle confère deux rôles principaux au géotourisme, à savoir celui
d’une certaine forme de transmission des connaissances mais aussi la création de ressources
territoriales pour un développement économique (Frey et al., 2006).

Newsome et Dowling vont dans le même sens, en mettant l’accent sur une approche
intégrée: « Geotourism is sustainable tourism with a primary focus on experiencing the
earth’s geological features in a way that fosters environmental and cultural understanding,
appreciation and conservation, an dis locally beneficial » (2006).

«Le géotourisme est un tourisme durable axé principalement sur l’expérience des
caractéristiques géologiques de la terre d’une manière qui favorise la compréhension,
l’appréciation et la conservation de l’environnement et de la culture, ce qui est localement
bénéfique»

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Cette définition met alors l’accent sur les liens existants entre les trois facettes que sont la
compréhension, la qualité de l’expérience touristique et la protection, soulignant ici l’intérêt
d’une approche globale.

Quant à Emmanuel Reynard, géomorphologue, professeur à l’Université de Lausanne,


impliqué depuis longtemps dans la prise en compte et la mise en valeur du patrimoine
géologique suisse, il le décrit comme un « ensemble de pratiques, d’infrastructures et de
produits visant à promouvoir les sciences de la Terre par le Tourisme » (Reynard, 2003,
cité par Pralong, 2006). Cette définition insiste sur la diversité des outils de médiation qui
peuvent être élaborés lors de la mise en valeur de géosites. C’est également celle adoptée par
T. Hose, l’Université Buckinghamshire de Londres, spécialiste de l’interprétation des sites
géologiques qui parle du géotourisme comme: « the provision of interpretative facilities
and services to promote the value and social benefit of geologic and geomorphologic sites
and their materials and to ensure their conservation, for the use of students, tourists and
other casual recreationnalists » (Hose, 2000).

«La mise à disposition d'installations et de services d'interprétation pour promouvoir la


valeur et le bénéfice social des sites géologiques et géomorphologiques et de leurs matériaux
et pour assurer leur conservation, à l'usage des étudiants, des touristes et autres loisirs
occasionnels» (Hose, 2000).

Ces deux entrées soulignent la place centrale occupée par la médiation scientifique, pierre
angulaire dans la définition du géotourisme (Duval et Gauchon, 2010). Les finalités sont
doubles. S’il s’agit d’abord de garantir au touriste une expérience nouvelle, il est peut être
davantage question de le sensibiliser aux particularités des géopatrimoines et d’alimenter des
processus d’appropriation. Ceux-ci seront à terme les meilleurs garants d’une gestion durable
du couple patrimoine-tourisme, vérifiant ainsi l’adage : à travers l’interprétation, la
compréhension ; à travers la compréhension, l’appréciation ; à travers l’appréciation, la
protection. Au final, à partir de ces différentes acceptations du terme, nous avons choisi
d’élaborer la définition suivante (Cayla, 2009) :

« Le géotourisme est une niche touristique qui a pour objectif de promouvoir auprès du
plus large public le patrimoine géologique, au travers de pratiques ludiques, culturelles ou
sportives s’inscrivant dans des démarches à la croisée de l’écotourisme et du tourisme

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culturel. Il s’appuie sur une ressource territoriale clairement identifiée, reconnue par les
géo-scientifiques et dont la protection a été assurée préalablement à sa mise en tourisme. Il
mobilise un large réseau d’acteurs qui interviennent dans les différentes étapes du
processus de valorisation : géo-scientifiques et médiateurs, acteurs du tourisme et bien sûr,
acteurs des territoires dont la société civile à part entière. Il génère des pratiques, des outils
et des infrastructures qui participent au développement durable des territoires concernés ».

Ce cadre étant posé, il permet de délimiter le champ du géotourisme. Il faut donc en exclure
les sites qui, présentant des géo-propriétés intéressantes, ne sont pas mis en tourisme mais
aussi ceux pour lesquels la mise en tourisme ne passe pas par une mise en valeur de leur
intérêt géo-patrimonial (tel que l’exemple du Fish River Canyon développé ci-dessous, Figure
1). Au regard de la définition retenue, la démarche de mise en tourisme d’un site
géologiquement intéressant passe par une succession de pratiques qui vont maintenant être
développées dans le chapitre suivant.

Figure 1 - Le Fish River Canyon, Namibie : absence de mise en valeur géotouristique d’un géomorphosite
pourtant remarquable. Photo M. Duval, mai 2010.

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