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Collection EDYTEM.

Cahiers de
géographie

Le géotourisme : patrimoines, pratiques, acteurs et perspectives


marocaines
Nathalie Cayla, Mélanie Duval-Massaloux

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Cayla Nathalie, Duval-Massaloux Mélanie. Le géotourisme : patrimoines, pratiques, acteurs et perspectives marocaines. In:
Collection EDYTEM. Cahiers de géographie, numéro 14, 2013. Ressources patrimoniales et alternatives touristiques, entre
oasis et montagne. pp. 101-116;

doi : https://doi.org/10.3406/edyte.2013.1228

https://www.persee.fr/doc/edyte_1762-4304_2013_num_14_1_1228

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Résumé
Cet article interroge les spécificités du géotourisme, activité aujourd'hui qualifiée d'innovante et
d'alternative aux pratiques touristiques héritées du tourisme de masse. A la croisée de l'écotourisme et
du tourisme culturel, s'inscrivant dans une logique de diversification des registres patrimoniaux et
touristiques, le géotourisme fait aujourd'hui figure de niche touristique en pleine expansion. Aussi, à
l'heure où de plus en plus d'acteurs mettent en avant le géotourisme dans divers projets de territoire, il
importe de préciser le champ occupé par ces pratiques. A quelles conditions peut-on parler de
géotourisme ? Quelles en sont les caractéristiques ? Dans quelle mesure ces pratiques sont-elles
effectives et plus encore, quels sont aujourd'hui les freins venant limiter leur développement ? Après
un essai de caractérisation du géotourisme, cet article passe en revue les différentes étapes liées à la
mise en tourisme des géopatrimoines, puis présente une sélection d'expériences marocaines. In fine,
les limites et les freins à la mise en place de telles dynamiques patrimoniales et touristiques sont
abordés, posant la question de l'opérationnalité de la notion patrimoniale.

Abstract
The aim of this article is to analyze the geotourism, a tourist activity qualified of being innovative and
alternative of the tourist practices inherited from the mass tourism. Between ecotourism and cultural
tourism, in order to diversify heritage and tourist registers, the geotourism is a rapidly growing niche
market. So, when more and more stakeholders promote geotourism in their territory strategies, this
article aims to specify the field occupied by these practices. On which conditions can we speak about
geotourism ? What are these characteristics ? To what extent these practices are effective and more
still, what are today brakes limiting their development ? After a definition of geotourism, this article
reviews the various stages in the geotourism development, then presents a selection of Moroccan
experiences. At least, the limits and the brakes in the implementation of such heritage dynamics and
tourist activities are discussed, asking the question of the operational effectiveness of the heritage
notion.
LE GÉOTOURISME

PATRIMOINES, PRATIQUES, ACTEURS


ET PERSPECTIVES MAROCAINES

Geotourism

Heritage, Tourism practises, Stakeholders


and Moroccan Issues

Nathalie CAYLA, Mélanie DUVAL

Laboratoire EDYTEM, Université de Savoie/CNRS, Pôle Montagne, F 73376 Le Bourget-du-Lac cedex.


Contacts : nathalie.cayla@univ-savoie.fr ; melanie.duval@univ-savoie.fr

Résumé
Cet article interroge les spécificités du géotourisme, activité aujourd'hui qualifiée d'innovante et d'alternative aux pratiques
touristiques héritées du tourisme de masse. A la croisée de l'écotourisme et du tourisme culturel, s 'inscrivant dans une logique
de diversification des registres patrimoniaux et touristiques, le géotourisme fait aujourd'hui figure de niche touristique en pleine
expansion. Aussi, à l 'heure où de plus en plus d 'acteurs mettent en avant le géotourisme dans divers projets de territoire, il importe
de préciser le champ occupé par ces pratiques. A quelles conditions peut-on parler de géotourisme ? Quelles en sont les carac¬
téristiques ? Dans quelle mesure ces pratiques sont-elles effectives et plus encore, quels sont aujourd'hui les freins venant limiter
leur développement ? Après un essai de caractérisation du géotourisme, cet article passe en revue les différentes étapes liées à la
mise en tourisme des géopatrimoines, puis présente une sélection d'expériences marocaines. In fine, les limites et les freins à la
mise en place de telles dynamiques patrimoniales et touristiques sont abordés, posant la question de l 'opérationnalité de la notion
patrimoniale.

Mots-clés : géosites, géopatrimoine, géotourisme, médiation scientifique, acteurs, Maroc

Abstract
The aim of this article is to analyze the geotourism, a tourist activity qualified of being innovative and alternative of the tourist
practices inherited from the mass tourism. Between ecotourism and cultural tourism, in order to diversify heritage and tourist
registers, the geotourism is a rapidly growing niche market. So, when more and more stakeholders promote geotourism in their
territory strategies, this article aims to specify the field occupied by these practices. On which conditions can we speak about geo¬
tourism? What are these characteristics? To what extent these practices are effective and more still, what are today brakes limiting
their development? After a definition of geotourism, this article reviews the various stages in the geotourism development, then
presents a selection of Moroccan experiences. At least, the limits and the brakes in the implementation of such heritage dynamics
and tourist activities are discussed, asking the question of the operational effectiveness of the heritage notion.

Keywords: Geosites, geoheritage, geotourism, interi'retation, stakeholders, Morocco

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Ressources patrimoniales et alternatives touristiques : entre Oasis et Montagne

Introduction

À la croisée de l'écotourisme et du tourisme cultu¬ En écho à l'inflation des dynamiques patrimoniales


rel, s' inscrivant dans une logique de diversification depuis le début des années 2000 (Lazzarotti, 2011), le
des registres patrimoniaux et touristiques, le géotou¬ géotourisme est aujourd'hui marqué par une tendance
risme est une niche touristique en pleine expansion. au « tout patrimonial » où la moindre pierre, le moindre
Les géopatrimoines, prenant le statut de ressources affleurement est qualifié par les acteurs de géopatri¬
territoriales (François et al, 2006 ; Gumuchian et moine, à même d'impulser des dynamiques touristiques
Pecqueur, 2007), participent ainsi à la diversification trop rapidement parfois assimilées à du géotourisme. À
de l'offre touristique. l'heure où de plus en plus d'acteurs mettent en avant le
Les prémisses de ce tourisme sont déjà anciennes géotourisme dans divers projets de territoire, il importe
puisque H.-B. de Saussure, naturaliste suisse, publiait aujourd'hui de préciser le champ occupé par ces pra¬
en 1 796 un premier « Agenda du géologue-voyageur » tiques. Aussi, à quelles conditions peut-on parler de
suivi en 1835 et 1836 des deux tomes du « Guide du géotourisme ? Quelles en sont les caractéristiques ?
géologue Voyageur » d'Ami Boué, géologue fran¬ Dans quelle mesure ces pratiques sont-elles effectives
çais, où l'on pouvait lire, dans son tome 1 : « Aucune et plus encore, quels sont aujourd'hui les freins venant
époque n'a été plus fertile en voyages que la nôtre, limiter leur développement ?
chaque jour voit s 'étendre nos connaissances en géo¬ En effet, au-delà de la diversité des expériences déjà
graphie géognostique et, en comparant le mode actuel réalisées, une démarche, des outils, des réseaux d'ac¬
d'observation à ce qui avait lieu au commencement teurs sont déjà clairement structurés. Après un essai
de ce siècle, on s 'aperçoit que la géologie a subi de caractérisation du géotourisme, cet article passe en
une révolution semblable à celle de la civilisation ». revue les différentes étapes liées à la mise en tourisme
Aussi, le géotourisme se présente avant tout comme des géopatrimoines, puis présente une sélection d'ex¬
une requalification de pratiques déjà anciennes, tra¬ périences marocaines. In fine , les limites et les freins à
duisant un changement de regard sur des espaces déjà la mise en place de telles dynamiques patrimoniales et
signalés pour leur dimension pittoresque (Duval et touristiques sont abordés, posant la question de l'opé-
Gauchon, 2010). rationnalité de la notion patrimoniale.

I - Le GÉOTOURISME, UN CHAMP DE PRATIQUES EN COURS DE DÉFINITION

Depuis une vingtaine d'années, le terme de géo¬ Pour certains, il semble que cela soit le cas, en
tourisme a fait son apparition. Pour autant, il n'est pas atteste la définition retenue par l'American National
encore rentré dans les dictionnaires et il n'en existe pas Geographic Society «Geotourism is defined as tou¬
de définition consensuelle. Suivant les acteurs, celle-ci
:

rism that sustains or enhances the geographical cha¬


met en avant l'une ou l'autre des facettes de cette pra¬ racter of a place - its environment, culture, aesthetics,
tique touristique aujourd'hui qualifiée d'innovante. Un heritage, and the well-being of its residents » (cité
panorama sélectif des définitions associées à ce terme par Zorn et al., 2009). Ici, le géotourisme se confond
illustre l'étendue de ce qu'il recouvre. Cet état des lieux avec des dynamiques territoriales articulées autour du
épistémologique s'appuie sur les principaux ouvrages « mieux vivre ensemble ». Si l'on s'en tient à cette
faisant actuellement référence sur le sujet et recoupe définition englobante, presque toutes les pratiques
plusieurs publications des membres du laboratoire touristiques peuvent être qualifiées de géotouris¬
Edytem travaillant cette question (Hobléa, 2008 ; Cayla, tiques, dès lors qu'elles sont proposées et perçues par
2009 ; Cayla et al., 2010 ; Duval et Gauchon, 2010). les acteurs comme des moyens de « valoriser la per¬
De façon générale, le géotourisme renverrait aux sonnalité géographique d'un lieu ».
pratiques touristiques en lien avec la découverte de la À une échelle d'analyse plus fine, le développe¬
Terre. Cette entrée en matière assez large permet de ment du géotourisme s'inscrit en écho des processus
regrouper dans un même ensemble des pratiques très de patrimonialisation des caractéristiques géolo¬
différentes. Ces dernières peuvent aller d'un sentier de giques et géomorphologiques remarquables et de la
découverte des vignobles valaisans à la visite des fjords reconnaissance des géotopes et des géosites, autre¬
norvégiens, en passant par la descente en rappel d'un ment dit de la géodiversité.
canyon dans les Alpes-Maritimes, agrémenté d'une De manière générale, la géodiversité regroupe
visite d'un musée des techniques et des sciences met¬ l'ensemble des sous-sols, sols et paysages et renvoie
tant en scène une histoire minière. Cela fait-il sens de tout autant aux phénomènes passés, dont la Terre porte
regrouper des pratiques aussi diverses dans un même les marques, qu'à des processus actuels de modifica¬
ensemble « géotourisme » ? tion de ces mêmes paysages. L'accent est donc mis

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Nathalie CAYLA et al. Le géotourisme : patrimoines, pratiques, acteurs et perspectives marocaines

sur une double entrée géologique et géomor¬


phologique, ainsi que sur une double échelle
de temps : le temps long des héritages et le
temps actuel des transformations.
Quant aux géotopes, les uns les défi¬
nissent par rapport à leurs caractéristiques
intrinsèques : « Les géotopes sont des for¬
mations inanimées qui illustrent l'histoire
de la planète en révélant différents aspects
de l'évolution de la Terre ou de la vie. Cela
inclut les affleurements des roches, les
sols, les minéraux et les fossiles ainsi que
les formations naturelles ou les paysages »
(Wuttke, 2001). D'autres préfèrent une
approche plus globale et définissent comme
géotopes « tout objet géologique présentant
une certaine valeur, qu 'elle soit scientifique,
historico-culturelle, esthétique ou socio-
économique » (Panizza et Piacente, 2003).
Cette mise en perspective entre géotou¬
risme et géodiversité par la notion de géo-
tope éclaire en retour la définition de ces
pratiques touristiques. Aussi, le géotourisme
renvoie, pour partie, à l'ensemble des acti¬
vités touristiques liées aux géotopes et aux
géomorphosites, autrement dit aux forma¬
tions géologiques au sens large, aux formes
de reliefs et aux processus géomorpholo¬
giques remarquables.
Pour autant, nombre de sites aux caracté¬
ristiques géologiques ou géomorphologiques
impressionnantes se visitent sans qu'il y
ait la moindre information concernant les Figure 1 - Le Fish River Canyon, Namibie : absence de mise en valeur
sciences de la Terre. Cela est vrai tant pour géotouristique d'un géomorphosite pourtant remarquable. Photo M. Duval,
des géosites des pays du Nord (nombreux mai 2010.
sites volcaniques isolés du massif central
en France) que des pays du Sud. Ainsi, l'exemple du Géologique d'Allemagne, la définition suivante :
Fish River Canyon (Figure 1) : localisé au sud de la « Geotourism means interdisciplinary cooperation
Namibie, l'aménagement de ce site remarquable se within an economic, success-oriented andfast-moving
résume à deux points de vue sur le canyon, sans pour discipline that speaks its own language. Geotourism
autant qu'un seul panneau explicatif ni même une is a new occupational and business sector. The main
brochure ne livrent des explications sur les formes tasks of geotourism are the transfer and communica¬
et processus observés. Aucune forme de médiation tion of geoscientific knowledge and ideas to the gen¬
scientifique n'est proposée. Le touriste n'a abso¬ eral public ». Cette définition insiste dès lors sur les
lument aucune clef de lecture pour comprendre les interactions entre les acteurs politiques, scientifiques
paysages qu'il observe. Et ce alors même que l'on et professionnels du tourisme. Elle confère deux rôles
se situe dans une réserve naturelle nationale avec principaux au géotourisme, à savoir celui d'une cer¬
un droit d'entrée s'élevant à une centaine de dollars taine forme de transmission des connaissances mais
namibiens (prix en 2010, soit approximativement 8 aussi la création de ressources territoriales pour un
euros). développement économique (Frey et al., 2006).
Aussi, des définitions plus précises sont à obser¬ Newsome et Dowling vont dans le même sens,
ver, lesquelles viennent progressivement préciser le en mettant l'accent sur une approche intégrée :
champ d'application de ce nouveau registre patri¬ « Geotourism is sustainable tourism with a primary
monial. De manière plus spécifique, Marie-Louise focus on experiencing the earth s geological features
Frey1 donne en 1998, lors d'une réunion de la Société in a way that fosters environmental and cultural
understanding, appreciation and conservation, an dis
' Alors
du
Geopark.
parc en
naturel
chargededeGerolstein,
la promotion
labellisé
des géosciences
depuis European
au sein locally beneficial » (2006). Cette définition met alors
l'accent sur les liens existant entre les trois facettes

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Ressources patrimoniales et alternatives touristiques : entre Oasis et Montagne

que sont la compréhension, la qualité de l'expérience compréhension, l'appréciation ; à travers l'apprécia¬


touristique et la protection, soulignant ici l'intérêt tion, la protection.
d'une approche globale. Au final, à partir de ces différentes acceptations
Quant à Emmanuel Reynard, géomorphologue, du terme, nous avons choisi d'élaborer la définition
professeur à l'Université de Lausanne, impliqué suivante (Cayla, 2009) :
depuis longtemps dans la prise en compte et la mise «Le géotourisme est une niche touristique qui a
en valeur du patrimoine géologique suisse, il le décrit pour objectif de promouvoir auprès du plus large
comme un « ensemble de pratiques, d' infrastructures public le patrimoine géologique, au travers de pra¬
et de produits visant à promouvoir les sciences de tiques ludiques, culturelles ou sportives s 'inscrivant
la Terre par le Tourisme » (Reynard, 2003, cité par dans des démarches à la croisée de l'écotourisme et
Pralong, 2006). Cette définition insiste sur la diversité du tourisme culturel. Il s 'appuie sur une ressource
des outils de médiation qui peuvent être élaborés lors territoriale clairement identifiée, reconnue par les
de la mise en valeur de géosites. C'est également celle géoscientifiques et dont la protection a été assurée
adoptée par T. Hose, l'Université Buckinghamshire préalablement à sa mise en tourisme. Il mobilise un
de Londres, spécialiste de l'interprétation des sites large réseau d'acteurs qui interviennent dans les dif¬
géologiques qui parle du géotourisme comme : «the férentes étapes du processus de valorisation : géos¬
provision of interpretative facilities and services cientifiques et médiateurs, acteurs du tourisme et
to promote the value and social benefit of geologic bien sûr, acteurs des territoires dont la société civile
and géomorphologie sites and their materials and à part entière. Il génère des pratiques, des outils et
to ensure their conservation, for the use of students, des infrastructures qui participent au développement
tourists and other casual recreationnalists » (Hose, durable des territoires concernés ».
2000). Ces deux entrées soulignent la place centrale Ce cadre étant posé, il permet de délimiter le champ
occupée par la médiation scientifique, pierre angulaire du géotourisme. Il faut donc en exclure les sites qui,
dans la définition du géotourisme (Duval et Gauchon, présentant des géopropriétés intéressantes, ne sont
2010). Les finalités sont doubles. S'il s'agit d'abord pas mis en tourisme mais aussi ceux pour lesquels la
de garantir au touriste une expérience nouvelle, il est mise en tourisme ne passe pas par une mise en valeur
peut être davantage question de le sensibiliser aux de leur intérêt géopatrimonial (tel que l'exemple du
particularités des géopatrimoines et d'alimenter des Fish River Canyon développé ci-dessus, Figure 1).
processus d'appropriation. Ceux-ci seront à terme les Au regard de la définition retenue, la démarche de
meilleurs garants d'une gestion durable du couple mise en tourisme d'un site géologiquement intéres¬
patrimoine-tourisme, vérifiant ainsi l'adage : à tra¬ sant passe par une succession de pratiques qui vont
vers l'interprétation, la compréhension ; à travers la maintenant être développées.

II - Les éléments indispensables à la mise en géotourisme

Faire d'un site géologique une destination géotou¬ géosites2 et des valeurs patrimoniales attribuées à ces
ristique nécessite la conduite d'un certain nombre de derniers est nécessaire. Cette phase d'identification
démarches, la mobilisation de différents réseaux d'ac¬ des propriétés et des valeurs marque un changement
teurs mais également la mise en place ou l'adaptation d'usage, de regard et de statut d'objets jusqu'ici
d'infrastructures d'accueil ou de médiation. Certaines considérés comme des aménités ne relevant pas du
étapes sont essentielles, certains acteurs sont incon¬ champ patrimonial.
tournables mais la trajectoire de mise en géotourisme Dans le contexte français, les démarches d'inven¬
se révèle souvent intrinsèquement liée à la dynamique taire sont pour partie liées à la volonté d'acteurs
propre de chaque projet. Néanmoins, quatre étapes locaux souhaitant mieux connaître les ressources
semblent indispensables et se retrouvent quels que naturelles de leur territoire. Elles peuvent aussi
soient les projets développés, comme autant d'inva¬ résulter de démarches administratives impulsées à
riants à prendre en considération. des échelles territoriales plus importantes et s'impo-
sant localement. Ainsi, en France, la loi Solidarité et
Renouvellement Urbain (SRU) du 27 février 2002 a
1 - Inventorier la ressource jeté les bases institutionnelles de l'inventaire natio¬
nal indispensable à la fédération de l'ensemble des
A l'instar de l'ensemble des objets patrimoniaux,
une première phase d'identification des géotopes/ - La
ouverte
les deuxdiscussion
entre
termes.
spécialistes,
quant ànous
cetteemployons
terminologie
ici indistinctement
étant encore

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Nathalie CAYLA et al. Le géotourisme : patrimoines pratiques, acteurs et perspectives marocaines

,
initiatives prises de façon plus ou moins dispersées 2 - Protéger les géosites
sur le territoire. L'article 1 09-1 II de cette loi n° 2002-
276 relative à la démocratie de proximité institue La vulnérabilité des géotopes et des géosites est
dans chaque région une Commission Scientifique loin d'être anecdotique. Si le pillage des gisements
Régionale du Patrimoine Naturel (CSRPN). Le fossilifères ou l'exploitation destructrice des res¬
décret n° 2004-292 du 26 mars 2004 spécifie que sources minières et minérales sont des menaces
celle-ci a notamment la charge d'évaluer la valeur faciles à identifier, il en est bien d'autres encore,
scientifique des inventaires du patrimoine naturel qu'elles soient d'origine naturelle et /ou anthropique :
lors de leur élaboration ou de leur mise à jour (Wever érosion, oxydation, aménagement du territoire...
et al, 2006). sont autant de menaces qui doivent impérativement
L'article L.411-b du code de l'environnement, être prises en compte avant toute opération de mise
modifié par cette loi SRU, précise que l'État est maître en valeur géotouristique. L'adoption de mesures de
d'ouvrage de l'inventaire national, par l'intermé¬ protection témoigne d'un processus de patrimoniali-
diaire du Muséum National d'Histoire Naturelle, qui sation à l'œuvre et marque le glissement du statut de
en confie la réalisation à la Conférence Permanente géotope à celui de géopatrimoine, où se mêlent des
du Patrimoine Géologique (CPPG). impératifs de valorisation, de connaissance mais éga¬
Le Bureau de Recherche Géologique et Minière lement de transmission aux générations futures.
(BRGM) est chargé de la création des outils informa¬ Les grilles qui viennent d'être évoquées
tiques (logiciels GEOTOPE, bases de données etc.) contiennent, pour la plupart, un critère d'évaluation
qui permettront de stocker et de diffuser l'informa¬ de la vulnérabilité des sites, lequel reste difficile à
tion auprès du public. Le lancement officiel de cet élaborer en raison des différences flagrantes pouvant
inventaire a été fait à Paris le 05 avril 2007 (http:// exister entre les géotopes. Les mesures de protec¬
inpn.mnhn.fr). Les Directions Régionales de l'En¬ tion sont de deux ordres : juridique afin de donner
vironnement, de l'Aménagement et du Logement un statut aux géopatrimoines qui, devenant des biens
(DREAL) réalisent l'inventaire validé ensuite par la communs, doivent alors être préservés des appé¬
CPPG. En 2012, un colloque, «Géopatrimoine : un tits de quelques-uns, et physique, les géotopes étant
lustre d'inventaire en France» s'est tenu à la réserve soumis aux agents érosifs qui peuvent entraîner leur
naturelle de Haute-Provence afin de faire le point disparition (Hobléa, 2008).
sur l'avancée de cet inventaire national, croisant des En France, le droit s'est encore peu intéressé aux
approches « bottom-up » et « top down ». géopatrimoines mais de nombreuses lois de protec¬
Les grilles d'indicateurs servant à l'inventaire tion des patrimoines naturels les concernent (Billet,
des géotopes/ géosites sont nombreuses. Les tra¬ 2002). En l'absence d'outil parfaitement adéquat,
vaux précurseurs des chercheurs de l'Université de le projet d'arrêté de protection de géotope vise à
Lausanne ont conduit à plusieurs générations d'ou¬ combler ce vide juridique. Dans une perspective de
tils, depuis celle élaborée par Grandgirard dans sa reconnaissance internationale des géopatrimoines
thèse (Grandgirard, 1995) jusqu'à celle proposé en nationaux par exemple pour l'obtention du label
2007 (Reynard et al, 2007). D'autres démarches Global Geopark3 ou bien du label Patrimoine mondial
ont été élaborées (Brushi et Cenderro 2005, Coratza de l'UNESCO, il est indispensable que ces législa¬
et Giusti 2005, Pereira et Pereira 2010, Serrano et tions nationales assurent une protection efficace.
Trueba 2005). Toutes ces grilles s'appuient sur les Pour ce qui est de la protection physique, il
valeurs scientifiques des géotopes auxquelles sont n'est pas toujours simple de lutter contre les agents
combinées des valeurs additionnelles prenant en naturels : érosion, changement global, oxydation,
compte, suivant les objectifs poursuivis par ces glissements de terrain... et si des expériences sont
inventaires, des critères de vulnérabilité, d'accessibi¬ tentées (imperméabilisation des affleurements, pro¬
lité, de représentativité... dans un souci par exemple tection physique contre les précipitations, le ruissel¬
de recherche scientifique, de mise en tourisme, lement ou bien l'ensoleillement), le recul temporel
d'aménagement du territoire ou de protection de la n'est pas encore suffisant pour mesurer l'efficacité de
ressource. ces différents outils. Sur ce point, la géoconservation,
Ces grilles conduisent à l'évaluation des quali¬ nouveau champ d'étude des géopatrimoines, s'inté¬
tés du géotope permettant un classement de ceux-ci resse plus spécifiquement à l'ensemble des actions à
à l'échelle d'un territoire, préalable indispensable entreprendre afin de conserver les objets, processus,
aux choix qui devront être opérés, par les géoscien¬ sites et spécimens géologiques et géomorphologiques
tifiques, les acteurs locaux ou les aménageurs lors (Bureck et Proser, 2008).
d'un projet géotouristique.
3 Pour l historique de la mise en place de ce réseau et ses
finalités, se référer à Cayla, 2009, p. 33-38.
'

Collection EDYTEM - n° 14 - 2013 105


Ressources patrimoniales et alternatives touristiques : entre Oasis et Montagne

3 - Mobiliser les réseaux d'acteurs - des habitants progressivement sensibilisés à


aux différentes échelles la nouvelle dimension patrimoniale de leur terri¬
toire, et soucieux d'y développer une activité éco¬
Si les scientifiques et acteurs institutionnels sont nomique valorisante afin de mieux faire connaître
incontournables dans une première phase de création celui-ci, dans une logique de lisibilité territoriale
d'un produit géotouristique, d'autres réseaux doivent et de développement durable local. Souvent impli¬
également être sollicités. Aussi, dans une perspective qués dans une pratique économique liée au secteur
de mise en valeur touristique des géopatrimoines, et touristique (hébergement, production locale et/ou
en particulier si celle-ci a pour objectif l'obtention des artisanale), ils trouvent, dans le géotourisme, le
labels internationaux, quatre types d'acteurs peuvent moyen de diversifier leur source de revenu ;
être identifiés (Figure 2) : - des collectivités à différentes échelles territo¬
- des scientifiques ayant étudié le site et qui sou¬ riales qui, dans une logique de planification terri¬
haitent transmettre leurs connaissances, partager leur toriale, investissent le registre géopatrimonial en
savoir, mettre en évidence l'importance du géotope tant qu'outil du développement local au service
pour tous et sans doute aussi susciter de nouvelles du maintien des populations en place.
vocations. Ils interviennent tout particulièrement Pour autant que l'identification des différents
dans la phase d'inventaire et d'évaluation mais éga¬ acteurs à même d'impulser des dynamiques géotou¬
lement dans l'élaboration des outils de médiation. ristiques soit un préalable nécessaire au développe¬
Le développement d'un produit géotouristique est ment du géotourisme, la question de leur coordination
un moyen de stimuler une recherche active et dyna¬ et des modes de coopération se pose. Sur ce point,
mique autour des sites afin d'en renouveler l'intérêt ces quatre types d'acteurs et leurs objectifs complé¬
scientifique ; mentaires verront leur efficacité améliorée à condi¬
- des médiateurs scientifiques : accompagnateurs tion qu'une synergie soit trouvée entre les différents
en montagne, guides du patrimoine, journalistes partenaires (Venzal, 2010) et qu'une structure por¬
scientifiques, enseignants, chercheurs en géodidac¬ teuse soit clairement identifiée, investie des moyens
tique dont le rôle est de rendre accessible l'interpré¬ humains et financiers propres à l'animation territo¬
tation scientifique de l'objet géologique. Souvent riale. Des organismes existent aujourd'hui pour les
déjà acteurs de leur territoire, ces professionnels y aider et les acteurs porteurs peuvent désormais
trouvent, dans le géotourisme, le moyen de diver¬ obtenir un soutien important du réseau des Global
sifier leurs activités. Se pose alors la question de Geoparks réseau international regroupant, en 2012,
l'acquisition d'un savoir scientifique spécifique, des 88 territoires labellisés à travers le monde.
techniques de médiation et, au final, de l'organisme
en charge d'une telle formation ;

Des scientifiques
- élaboration des savoirs
- recherche scientifique
- élaboration des outils de médiation

Des médiateurs Des habitants /


- transmission des savoirs acteurs touristiques
- diversification de l'offre - diversification de l'offre touristique
touristique - diffusion de nouvelles pratiques

Des collectivités territoriales


- ancrage territorial du géodiscours
- perspective de développement local
- coopération entre les différents acteurs impliqués

Figure 2 - Mise en valeur touristique des géopatrimoines et types d'acteurs.

106
Nathalie CAYLA et al. Le géotourisme : patrimoines pratiques, acteurs et perspectives marocaines

,
4 - Les modalités de mise en valeur fleurement où ils ont été identifiés, mais cela nécessite
touristique des dispositifs complexes de protection ; ils peuvent
aussi être échantillonnés, prélevés et présentés dans
En matière d'offre géotouristique, une forme de un musée. Posée ainsi, cette question du lieu amène
curseur s'observe entre d'une part des géosites tou¬ à envisager dans un même ensemble «géotourisme»
ristiques dénués de géodiscours à ceux dont l'aména¬ des sentiers de randonnée à la découverte des glaciers,
gement touristique s'organise exclusivement autour des centres d'information dans des maisons de parcs
de la valorisation des caractéristiques géologiques et naturels régionaux ou d'autres types d'espaces pro¬
géomorphologiques. Aussi, l'objet ne fait pas le géo¬ tégés contenant des géosites, ou encore des exposi¬
tourisme et tout dépend des modalités de la mise en tions sur les sciences de la Terre. Marqué par un pôle
tourisme et de la place d'un géodiscours dans cette relevant des sports de pleine nature et un autre du
dernière, tel que cela est notamment le cas pour tourisme culturel, le géotourisme s'articule au final
d'anciennes carrières exploitées en France (Meignan, autour de diverses pratiques (Figure 3).
2010). Dès lors, différents degrés d'aménagements Suivant la définition adoptée, le géotourisme se
des sites peuvent être observés : de la simple acces¬ caractérise dès lors par une fréquentation touristique
sibilité à des sites pittoresques, degré zéro du géotou¬ plus ou moins importante. Ainsi, à l'échelle de l'arc
risme, à leur interprétation au travers de panneaux, de alpin, un inventaire récent de l'offre géotouristique
fascicules, de visites guidées... alpin recense 400 géosites, accueillant au total envi¬
Par ailleurs, la mise en valeur touristique peut être ron 5 millions de touristes par an (Cayla, 2009). Les
appréhendée au regard de la distance entre le lieu de fréquentations oscillent entre deux extrêmes, le site
l'expérience touristique et les paysages ou processus le plus fréquenté, la mine de sel de Berchtesgaden
expliqués. Ainsi, deux logiques s'observent : des pro¬ accueillant plus de 360 000 visiteurs par an alors que
cessus de valorisation in situ avec des aménagements la petite mine de mercure de St-Anne en Slovénie
au plus près du géosite, des modes de mise en valeur enregistre 600 visiteurs annuels.
ex situ avec des espaces muséographiques, l'un et Enfin, s'interroger sur le géotourisme nécessite de
l'autre pouvant parfois se combiner. La valorisation prendre à la fois en considération les types de lieux
in situ s'applique en particulier aux sites les plus spec¬ dans lesquels cette activité se développe, mais éga¬
taculaires (glaciers, fjords, canyons...) ; la dissocia¬ lement les aménagements réalisés pour satisfaire
tion spatiale s'impose au contraire pour des raisons une logique de découverte, qu'il s'agisse d'infras¬
d'accès et de protection, par exemple lorsqu'il s'agit tructures lourdes ou plus légères, nécessaires à une
de faunes quaternaires extraites du pergélisol sibérien. diffusion des connaissances géologiques et géo¬
Les fossiles peuvent être montrés directement sur l'af¬ morphologiques à destination de différents publics

m TYPOLOGIE DES GEOTOPES


Z NATUREL ANTHROPIQUE
O
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ce - „
Grotte Glaciers
*'aC,erS Pavsaae
Paysage Mine

'LU
£
J
0
O CanyonGorge
Epikarst
K Falaise
Affleurement
Plis/ Failles Gisement fossilifère,
minéralogique Carrière
«-arriéré
Gravière

lu
3 Itinéraire de découverte Parc archéologique Muséum
S?
U)
I- Parcours d'interprétation Ecomusee
Centre d interprétation
£ Sentier didactique
g
l_
O aménagées
Grotte, gorge Espace de restitution
VJ
lu
O Musée de site

£ SPORT CULTUREL
O TYPOLOGIE DES MISES EN TOURISME

Figure 3 - Des géopatrimoines à leur mise en tourisme.

Collection EDYTEM - n° 14 - 2013 107


Ressources patrimoniales et alternatives touristiques : entre Oasis et Montagne

touristiques : « Materials that can be used to assist propose différents niveaux d'interactivités : émo¬
in interpreting geosites include: books, displays, tionnelle, manuelle et intellectuelle afin de créer les
videos, slide shows, interactive touch panels, models, conditions d'une expérience vécue source d'enrichis¬
speciments, computer animations and activities » sement. Pour partie, la durabilité d'une telle pratique
(Newsome et Dowling, 2006). Plus encore, une réside aujourd'hui dans ses capacités d'adaptation,
réflexion s'impose sur le contenu des outils de la afin de capter une offre et des pratiques touristiques
médiation et sur la capacité qu'ont ces derniers à satis¬ de plus en plus diversifiées.
faire les attentes des touristes, que ce soit en termes Progressivement élaboré dans les contextes occi¬
d'apprentissage et /ou de divertissement (Cayla et al., dentaux, le géotourisme tend à se développer dans les
2010). Cette réflexion, encore peu développée, a été pays dit « du Sud » et plus particulièrement dans le
amorcée par les travaux de Hose (2006) : à partir du contexte marocain (Albab et al., 2013 ; Elhakim et
site de Ludlow (Angleterre), il a analysé les compor¬ Baouali, 2010). Géopatrimoine et géotourisme sont en
tements touristiques et leurs degrés de satisfaction effet de plus en plus perçus comme des alternatives,
par rapport aux supports de médiation offerts à la à des pratiques consomptives, telles que des activi¬
visite. Dans le même registre, les études de Pralong tés minières peu encadrées détruisant les ressources
(2006) ont montré que les supports généralement uti¬ géologiques et géomorphologiques, ou à des pratiques
lisés dans des entreprises de médiation scientifique touristiques aujourd'hui basées sur un tourisme de
n'étaient pas perçus de la même manière selon les masse, posant la question des impacts du tourisme
publics considérés. A l'heure où les projets de valo¬ dans les milieux dans lesquels il se développe et
risation se multiplient, cette question peut également notamment dans les milieux oasiens où la question de
être abordée sous l'angle des méthodologies visant à la gestion intégrée des ressources se pose de manière
évaluer les réalisations géotouristiques en vigueur et à particulièrement prégnante (Dekkari, 2013 ; Bentaleb,
venir (Martin et al., 2010). 2013). Aussi, la troisième partie de cet article présente
Au final, le géotourisme se présente comme une les initiatives visant aujourd'hui à développer le géo¬
déclinaison du tourisme durable4, répondant en cela tourisme dans le contexte marocain, tout en exami¬
à de nouvelles attentes et pratiques touristiques. Il nant quelques-uns des freins et des limites rencontrés.

III - Perspectives marocaines

Le Maroc, par sa position, entre les plaques euro¬ illustrent la diversité des possibles mais également le
péenne et africaine, à l'extrémité nord du Craton rôle de certains acteurs tant institutionnels, issus du
Ouest Africain, possède une géodiversité importante monde de la recherche ou bien de la société civile,
liée aux quatre grands domaines géostructuraux qui que du domaine privé dans ce type de réalisation. Une
le constituent. Du nord au sud, se succèdent : le Rif, enquête pluriscalaire, conduite auprès des principaux
constitué de terrains charriés sur la marge de la plaque acteurs identifiés, permet de dresser un bilan actualisé
africaine ; les Atlas, chaîne intracontinentale ; la des dynamiques et enjeux dans ce secteur.
Meseta région de plaines, de plateaux et de collines
constituant la couverture d'un socle paléozoïque qui
apparaît dans des boutonnières et le sud marocain 1 - Un réseau d'acteurs mobilisé
composé de l'Anti-Atlas puis du Sahara proprement
dit. La géodiversité marocaine couvre donc tous les Plus d'une dizaine d'équipes de géoscientifiques
domaines des géosciences et la plupart des périodes de différents domaines travaillent sur ce sujet dans
de l'histoire de la Planète. De plus, le climat semi- plusieurs universités marocaines. Depuis 2006, des
aride favorise l'abondance des affleurements. rencontres scientifiques sont organisées dans le pays
Depuis quelques années, l'intérêt pour cette géo¬ afin de partager les résultats de ces travaux, telles que
diversité est à l'origine de projets géotouristiques. les Rencontres sur la Valorisation et la Préservation
Les sites déjà développés ou bien en cours de créa¬ du Patrimoine Paléontologique (RV3P1 en 2006 à
tion (Albab et al., 2013 ; Elhakim et Baouali, 2010) Marrakech, RV3P2 en 2008 à Meknès, RV3P3 en 2010
à Agadir, RV3P4 en 201 1 à Kénitra) mais également
en 201 1, la première conférence internationale sur les
géoparcs africains et arabes à El Jadida. A ces initia¬
tives nationales et internationales s'ajoutent des ren¬
peu
4 Sur

développer
que
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se risques
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en
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place
2006).
ainsi
sans
de: contres locales qui se tiennent régulièrement comme,
,

en 2010, le colloque « patrimoine géologique et déve¬


loppement durable de la région Rabat Salé Zemmours

108
Nathalie CAYLA et al. Le géotourisme : patrimoines, pratiques, acteurs et perspectives marocaines

Zaers» ou encore le 2ème worshop international sur Grâce à la mobilisation de ces acteurs, de nom¬
la promotion du géo-écotourisme et de la médiation breux projets locaux ou de plus grande ampleur sont
scientifique de la province de Tiznit. désormais en cours, lesquels visent à diversifier le
Dans le même temps, des associations militent à registre des pratiques touristiques.
travers le pays afin de mieux faire connaître et com¬
prendre les géosciences. L'Association Marocaine des
Sciences de la Terre (AMST), créée en 2007, soutient 2 - Le géotourisme,
en particulier l'enseignement des géosciences et la un objectif de diversification
prise de conscience de l'importance des géopatri¬ des pratiques touristiques au Maroc
moines. De telles actions sont également conduites
par l'Association pour la Protection du Patrimoine A travers le pays, plusieurs projets visent
géologique du Maroc (APPM), relayée par des asso¬ aujourd'hui à promouvoir le géotourisme, tel que
ciations plus locales. le Géoparc du M'Goun dans la vallée des Aït
Sur le plan institutionnel, les autorités adminis¬ Bouguemez (Oiry-Varacca, 2013). Localisé dans
tratives soutiennent les projets de développement du la région de Tadla-Azilal (Figures 4 et 5), celui-ci
géotourisme dans le cadre des politiques publiques de couvre une surface d'environ 12 791 km2 et inclut
soutien à la diversification des activités économiques. quelques 44 communes de la province d'Azilal et 15
À titre d' exemple, on peut ici noter les actions entre¬ communes de la province de Beni Mellal, soit une
prises par le ministère de l'Énergie des Mines, de l'Eau population totale de plus de 700 000 habitants. C'est
et de l'Environnement, lequel, en partenariat avec une région montagneuse qui culmine au Jbel Ighil
l'Office National des Hydrocarbures et des Mines, a M'Goun (4068 m), ce qui explique l'enclavement de
publié en 201 1 aux éditions du Service Géologique du certaines vallées encore peu ouvertes au tourisme.
Maroc une série de 9 guides de découverte des patri¬ L'âge des terrains géologiques remonte à l'ère
moines géologiques et miniers du Maroc. secondaire. La région renferme une géodiversité

Casablanca Rabat - Salé - Zemmour - Zaer


GranCasuablanca
Azrou
Rabat

Chaouia \Ouardigha Meknès/ Tafilalet

Doukkal%/Abda

Marrakech V *

Marrakech/ Tensift - Al Haouz


Souss - Massj frâa

Ouarzazate

Figure 4 - Carte de localisation du Géoparc de M'Goun (en pointillé apparaissent les limites de région). Dessin A. Paillet ; fond :
données MNT SRTM en relief ombré, réalisation E. Ployon.
Collection EDYTEM - n° 14-2013 109
Ressources patrimoniales et alternatives touristiques : entre Oasis et Montagne

& GéOPARC M'GOUN | j>—


N PATRIMOINE GEOLOGIQUE PROTEGE

BENI MEILÀL BOUTFERDA


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Figure 5 - Exemple de pan¬ K/U3 Vl x*tf*JLlm o-sj-lj*Jjîcijt/v+j.JtiJj*»* •£*!> J*,
neau touristique présentant le
Géoparc. Photo http://www. %L a SB
darjedda. com/prestationse. html

importante abritant des sites de renommée interna¬ acteurs locaux, celle-ci encourage des actions de sen¬
tionale. La découverte en 1981 de Y Atlasaurus, dino¬ sibilisation. Ainsi, l'Association des Enseignants des
saure du jurassique moyen mais surtout en 1998 de Sciences de la Vie et de la Terre en partenariat avec
Tazoudasaurus naima, dinosaure du jurassique infé¬ l'Institut de Recherche et de Développement a créé en
rieur ainsi que les pistes d'empreintes fossiles sont 2008 une exposition itinérante qui a permis de former
certainement parmi les atouts les plus importants de plus de 1000 élèves du territoire à une meilleure com¬
la région, mais il y en a d'autres : des sites archéolo¬ préhension de l'histoire géologique de leur région et
giques (présence de gravures rupestres), géomorpho¬ surtout à la préservation de ses géopatrimoines.
logiques (cathédrale de Tamda, les pitons de M'Goun, Des partenariats public-privé sont également en
les gorges de Tamda...), paysagers (lac Ben Ouidane, cours afin d'aménager certains sites : ainsi, la société
cascades d'Ouzoud, d'Iminifri et de Tamda, pont Holcim, avec le Secrétariat d'Etat pour le dévelop¬
naturel d'Iminifri) et écologiques (réserve naturelle pement rural, a financé pour une somme de 400000
de Tamda) (Figures 6 et 7). DHS l'aménagement des sites du pont naturel d'Imi¬
Des partenariats scientifiques entre plusieurs cher¬ nifri et des traces de dinosaures d'Iwaridène mais éga¬
cheurs, doublés de collaborations entre les chercheurs lement 200000 DHS pour la restauration du grenier
et les autorités locales, ont débuté depuis plus de vingt d'Ibakliwn. Deux musées sont en chantier (Figure 8) :
ans. Parmi ceux-ci, le programme de recherche avec l'un à Iminoulaouene sur le site de la découverte
les paléontologues de l'Université de Rioja, engagé du dinosaure (projet soutenu financièrement par le
à partir des années 1990, a permis de produire de la paléontologue français Armand De Ricqlès), l'autre
connaissance et d'avancer dans la phase d'inven¬ à Azilal, avec un projet de musée des sciences de la
taire des ressources. Quant au programme de mise Terre devant servir de vitrine à l'ensemble du terri¬
en valeur des sites touristiques avec le laboratoire toire et abriter les collections du musée de Rabat.
CARTA de l'Université d'Angers, ou bien celui por¬ Au final, la diversité des actions engagées sur ce
tant sur l'analyse des perceptions de la population territoire couvre trois des quatre volets identifiés
avec les étudiants de la Faculté de Ouarzazate (projet comme indispensables à la mise en œuvre du géo¬
Volubilis, action intégrée conduite en partenariat avec tourisme (inventaire, réseaux d'acteurs, valorisation
le laboratoire Edytem UMR 5204 CNRS /Université touristique) et devrait permettre, à terme, d'intégrer le
de Savoie), ces derniers ont contribué à avancer sur réseau des Global Geopark4.
l'aménagement des sites afin d'accueillir les publics
mais également sur la mobilisation des populations
locales autour de cette problématique émergente.
A une échelle locale, ces partenariats sont relayés
par une mobilisation de la société civile, notam¬ fait
précis
4 Mpas
de
institutionnalisé
LGoun
'emploi
(Cayla,
officiellement
estdu2009,
trompeur
vocable
renvoyant
p.partie
31-34).
dedans
Géoparc
àdudes
laréseau
mesure
normes
pour
des où
désigner
Géoparcs,
etcedesterritoire
principes
la réseau
région
ne
ment via la création depuis 2005 de l'Association du
Géoparc M'Goun (AG M). Regroupant de nombreux

110
Nathalie CAYLA et al. Le géotourisme : patrimoines, pratiques, acteurs et perspectives marocaines

Figure 6 - Quelques photos illustrant la diversité des richeses du Géoparc de M'Goun : a : la cathédrale de Tamda ; b : les gravures
rupestres de Tizi N'Tirghist ; c : pont d'Iminifri ; d, e : traces de dinosaures à Iwaridène ; f : les cascades d'Ouzoud.
Sources : a, f : http://binelouidane.canalblog.com/ ; b : http://jumpifnotzero.free.fr ; c : https://www.facebook.com/pages/Le-Géo-
parc-de-Mgoun/ ; d : http://www.tadla-azilal.ma/CRlTadlaFichiers/Telechargement/Note_Geoparc_resume.pdf ; e, f : http://bine-
louidane.canalblog.com/albums/le_lac_et_ses_alentours/index.html
Collection EDYTEM - n° 14 - 2013 111
Ressources patrimoniales et alternatives touristiques : entre Oasis et Montagne

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Figure 7 - Carte du Géoparc de M 'Goun et agrandissement (réalisée et éditée en 2008 par l 'Agence nationale de la conservationfon¬
cière, du cadastre et de la cartographie en collaboration avec l 'Association pour la Protection du Patrimoine géologique du Maroc).
112
Nathalie CAYLA et al. Le géotourisme : patrimoines, pratiques acteurs et perspectives marocaines

,
d'utilisation d'une même ressource. À ce titre, l'ab¬
sence d'une réglementation nationale protégeant les
géopatrimoines explique le maintien d'un important
commerce de fossiles, notamment développé dans la
région d'Erfoud et particulièrement lucratif (estimé
à 40 millions de dollars par an en 2000 ; Osborne,
2000). Aussi, entre une valorisation durable mais plus
diffuse en matière de revenus et des retombées éco¬
nomiques immédiates et importantes, la préférence
est souvent donnée à un usage consumptif de la res¬
source, autrement dit à des formes de valorisation qui
détruisent la ressource. En cela, ces tiraillements ne
sont pas propres au géotourisme et se retrouvent à
rencontre d'autres types de ressources, telle que la
faune sauvage entre tourisme de chasse et tourisme de
loisirs (Chanteloup, 2013a, 2013b).
Localement, plusieurs freins peuvent être avancés
pour expliquer l'inertie aujourd'hui observée autour
de la mise en œuvre du géotourisme. Paradoxalement,
alors même que le Géoparc de M'Goun a bénéficié de
l'expertise de plusieurs équipes de recherche, donnant
lieu à un recensement assez précis des géosites / géo-
topes à même d'être valorisés, force est de constater
que cette phase d'inventaire ne donne pas (encore ?)
lieu à la mise en place de nouvelles pratiques touris¬
tiques et que le géotourisme peine à se développer
de manière effective au sein du Géoparc (Elhakim
et Baouali, 2010). A notre sens, ce hiatus s'explique
compte tenu d'un enchevêtrement entre plusieurs
éléments
:

- l'absence d'une structure porteuse clairement


identifiée, dotée de moyens humains et financiers
suffisants en matière d'ingénierie territoriale, indis¬
pensable à l'obtention du label. Ce point est particu¬
lièrement surveillé par le réseau des Géoparcs, quels
que soient les projets développés. Ainsi, en France,
la candidature du Géopark du Chablais (massif des
Alpes du Nord) a-t-elle été différée de six mois afin
de clarifier les modalités de gestion dévolues au
fonctionnement du Géoparc au sein de la structure
Figure 8 - Projets de musées sur les géopatrimoines. En porteuse du projet (SIAC, Syndicat Intercommunal
haut, musée d'Jminoulaouene en construction, valorisant in d'Aménagement du Chablais) ;
situ le gisement de Tazoudasaurus naima (Photo N. Cayla, - le manque de vision intégrée. Ce projet se carac¬
novembre 2010). En bas, Atlasaurus Imelakei (copie), pièce
maîtresse d 'un futur musée de la terre à Azilal (https://www. térise par une approche micro-locale, laquelle ne
face book. com/pages/Le-Géo-parc-de-Mgoun/). prend pas en compte les dynamiques régionales
environnantes, avec notamment une hétérogé¬
néité des pratiques touristiques de part et d'autre
3 - Freins et limites à la mise en œuvre du massif de M'Goun. Sur ce point, l'exemple du
du géotourisme marocain musée d'Iminoulaouene met en avant l'absence
d'une vision intégrée du géotourisme, en lien avec
L'étude de cas constituée par le Géoparc de M'Goun l'ensemble des dynamiques touristiques régionales.
met en avant plusieurs des freins aujourd'hui rencon¬ Les acteurs ont ici fait le choix de construire un
trés en matière de développement du géotourisme espace muséographique au plus près du gisement
dans le contexte marocain. Pour partie liés aux dyna¬ paléontologique, privilégiant une valorisation in situ
miques locales, ils renvoient également à une absence de ce géosite remarquable. Pour autant, ce mode de
de mobilisation effective de la part des acteurs insti¬ valorisation implique une localisation du musée en
tutionnels en faveur de ce type de tourisme, mettant à marge des principaux axes routiers et hébergements
jour les nécessaires arbitrages entre différentes formes touristiques de la région, ce qui pose la question de

Collection EDYTEM -n° 14-20] 3 113


Ressources patrimoniales et alternatives touristiques : entre Oasis et Montagne

son inscription dans un paysage touristique pré-exis¬ 2013). Pour autant, ces dynamiques restent timides
tant et des moyens à mettre en œuvre en vue d'assu¬ et la notion même de patrimoine peine à s'implan¬
rer une fréquentation touristique suffisante, à même ter dans le contexte rural marocain caractérisé par un
de garantir la pérennité de l'équipement ; autre rapport au temps (Senil et Julien, 2013). Aussi,
- une population locale en retrait. Sur le même la conception même de géopatrimoine, qui sup¬
exemple que précédemment, les enquêtes conduites pose une rupture patrimoniale (Rautenberg, 2004)
dans le cadre du projet Volubilis (2010-201 1) auprès reste secondaire. Et, alors même que le tourisme de
des populations locales situées à proximité du musée randonnée semble être une forme appropriée pour
en construction ont montré le peu d'intérêt porté par développer le volet géotouristique via des modes de
ces dernières au registre du géotourisme. Les res¬ valorisation in situ, le géodiscours continue d'occu¬
sources géotouristiques restent peu identifiées et per une place minime dans les pratiques et les modes
peu comprises par des populations rurales encla¬ de valorisation. Ce retrait des géosciences dans les
vées, encore peu sensibilisées à cette problématique. dynamiques touristiques interroge d'autant plus que
Intéressées par le tourisme en tant qu'activité éco¬ paradoxalement, le Maroc dispose aujourd'hui de
nomique génératrice de revenus et d'emplois, peu formations universitaires sur le géotourisme, avec des
importe, au final, les formes prises par cette activité filières spécifiques, tel que le Master « Géotourisme,
tant que celle-ci satisfait les attentes des uns et des écotourisme et valorisation du patrimoine naturel »
autres en matière de développement local ; de la faculté des sciences d'Agadir. A la croisée des
- des acteurs du tourisme peu sensibilisés et peu sciences géophysiques et humaines, les marocains
formés. Marqué par le tourisme de randonnée, la sont sur ce point beaucoup plus avancés que ne le
vallée des Aït Bouguemez voit progressivement se sont d'autres pays5. Reste que dans les faits, une cer¬
développer ces dernières années un volet patrimo¬ taine déconnexion s'observe aujourd'hui entre les
nial avec la mise en valeur d'éléments culturels, tels scientifiques et la société civile, laquelle est à mettre
que les greniers collectifs ou encore les modes de vie en lien avec les formes d'inertie propres aux dyna¬
traditionnels (Oiry-Varacca, 2013 ; Senil et Julien, miques patrimoniales et touristiques.

Conclusion

Le géotourisme se caractérise aujourd'hui par un à l'attribution de nouvelles valeurs aux géosites, les¬
dynamisme de plus en plus marqué de la part des quels deviennent des objets à protéger par le biais de
acteurs territoriaux, lesquels voient à travers cette pratiques non-consumptives.
entrée un moyen de renforcer la lisibilité de leur Se pose alors la question des conditions sociétales
territoire (Duval et Gauchon, 2010). Pour autant, ce et des pas de temps nécessaires à de tels changements,
domaine reste encore peu formalisé et sur ce point, marqueurs d'une appropriation collective des valeurs
cet article a permis de revenir sur les différentes patrimoniales. Sur ce point, l'exemple marocain
étapes du géotourisme (inventaire /protection /mise permet de mesurer les limites aujourd'hui rencon¬
en réseau des acteurs /modalités de mise en valeur trées par ce type de tourisme. Si les perspectives de
touristique). développement du géotourisme au Maroc sont bien
Considérés par les uns comme une pratique touris¬ réelles, les dynamiques observées au travers du pays
tique innovante et par d'autres comme une ancienne soulignent les difficultés qu'il y a à fédérer les acteurs
pratique touristique réactualisée, le géotourisme afin d'optimiser les démarches entreprises et l'ab¬
est aujourd'hui envisagé par les acteurs territoriaux sence d'une vision globale et intégrée. À cela s'ajoute
comme un moyen de concilier des enjeux de protec¬ une faible mobilisation des populations locales et des
tion et de valorisation touristique des ressources géo¬ acteurs touristiques au sens large, encore peu sensi¬
logiques et géomorphologiques. L'équilibre de cette bilisés aux problématiques du géotourisme. Ce relatif
dialogique touristico-patrimoniale repose /suppose désintérêt s'explique à la fois par le manque d'actions
un important travail en matière de médiation scienti¬ conduites en ce sens par les acteurs institutionnels et
fique. On l'a vu, le géotourisme ne dépend pas tant du scientifiques investis dans le domaine du géotou¬
type d'objet valorisé que du géodiscours développé et risme mais également par une faible appropriation
de la place de ce dernier dans les modalités de mise en de la notion patrimoniale, laquelle reste un concept
valeur touristique. La médiation scientifique fait dès forgé dans un contexte occidental qui semble peu
lors figure de pierre angulaire dans la mesure où elle opérant dans d'autres contextes socio-culturels (Senil
contribue au triple changement caractéristique de la et Julien, 2013), dépassent le seul contexte marocain.
patrimonialisation, à savoir un changement d'usage,
de regard et de statut (Gauchon, 2010). En tant que çaise
J A cedédiée
abordée
jour,
dansildes
aun 'existe
filières
géotourisme,
aucune
générales
formation
cetteportant
thématique
universitaire
sur le tourisme.
étantfran¬
peu
vecteur de diffusion des connaissances, elle contribue

114
Nathalie CAYLA et al. Le géotourisme : patrimoines, pratiques, acteurs et perspectives marocaines

Au final, ces questionnements ne sont pas sans et les valeurs localement attribuées aux géosites et
rejoindre ceux plus généralement développés dans appelle la mise en œuvre d'une approche participative
le cadre des Heritage Studies, lesquels interrogent le ascendante. Il passe également par un ancrage dans le
caractère impérialiste et néo-colonial de la patrimo- temps de ces processus touristiques et patrimoniaux.
nialisation dans des contextes socio-culturels n'ayant À ce titre, un suivi dans le temps des dynamiques liées
pas le même rapport au temps et à l'espace que les au géotourisme marocain, aujourd'hui balbutiantes,
sociétés occidentales. En ce sens, l'avenir du géotou¬ permettrait d'interroger les conditions de transférabi¬
risme passe par une réflexion de fond sur les pratiques lité de telles alternatives.

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