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La culture de l’oignon dans la

moyenne vallée du fleuve Sénégal

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La culture de l’oignon dans la


moyenne vallée du fleuve Sénégal

Hubert de BON, Docteur Ingénieur, Responsable du Programme Cultures


Maraîchères, CIRAD/IRAT, La Réunion
Jacques PAGES, Ingénieur Agronome, CIRAD/IRAT, détaché à l'ISRA, Saint-Louis,
Sénégal
Mamadou Lamine BA, Ingénieur de Recherche, Chef de la Division Horticulture,
CNRADA, Kaédi, Mauritanie

MILIEU ET IMPORTANCE
Au Sénégal, la culture de l'oignon est pratiquée dans
plusieurs zones agro-écologiques. Le système de
culture original organisé par les producteurs dans
les conditions agro-climatiques du Gandiolais a été
décrit dans un article précédent (de BON et al., 1991).
Maintenant, nous nous proposons de remonter le
fleuve Sénégal pour y étudier le développement de
la culture de l'oignon dans une région aux conditions
climatiques plus difficiles.
La moyenne vallée du Sénégal est la partie comprise
entre les villes de Rosso et Richard Toll, respectivement
sur les rives mauritanienne et sénégalaise, et celles de Gouraye
et Bakel. Elle s'étend sur 400 km environ. La latitude est 16° Nord. On distingue trois
saisons : la saison des pluies de juillet à octobre, la saison fraîche de novembre à mi-mars
et la saison sèche chaude de mi-mars à juin. La pluviométrie moyenne annuelle s'accroît
d'ouest en est de 200 à 500 mm. L'amplitude thermique est très forte. Les températures
maximales sont élevées d'avril à octobre. Les températures minimales les plus fraîches
apparaissent en décembre et janvier avec des moyennes mensuelles de 17°C pouvant
descendre à 15°C lorsqu'on se déplace à l'est. En saison chaude, les températures
moyennes minimales mensuelles varient entre 24 et 27°C. L'hygrométrie est faible. Les
valeurs d'ETP sont très élevées : l'évaporation moyenne journalière mesurée sur le Bac
de Classe A atteint 18 mm en mai.
La culture est faite dans les périmètres installés dans le lit majeur irrigués avec
l'eau du fleuve Sénégal ainsi que dans les jardins autour des villes et des villages. Les
sols sont argilo-limoneux à argileux; les vertisols sont fréquents. Les teneurs en bases
échangeables sont satisfaisantes mais celles d'azote, de matières organiques et de
phosphore assimilable sont faibles.
Les superficies cultivées en oignon ne sont devenues significatives qu'à partir
des années 1980 pour représenter actuellement 350 ha sur la rive mauritanienne et
400 ha sur la rive sénégalaise. Cette extension a été réalisée par les sociétés nationales de
développement agricole, les organismes non gouvernementaux de coopération Nord-
Sud et des producteurs privés. Les travaux sur l'oignon en station expérimentale ont été
réalisés à Kaédi (République Islamique de Mauritanie).

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TRAVAUX EXPERIMENTAUX
Culture de saison sèche
La variété Violet de Galmi originaire du Niger (NABOS, 1976) a été introduite
au Sénégal au Centre National de Recherches Agronomiques de Bambey en 1970
(MAUBOUSSIN, 1974). La bonne adaptation de cette variété aux conditions
sahéliennes lui assura son succès. Les sociétés de développement la promurent. Le
Centre pour le Développement de l'Horticulture en fit la mise au point des techniques
de culture pour la zone des Niayes et la basse vallée du Sénégal.
Pour la moyenne vallée du Sénégal, les travaux ont été entrepris à Kaédi
(de BON, 1983) : cycle cultural, conservation, densités, inventaire des ravageurs, mise
au point de la multiplication. Outre sa bonne adaptation (bulbification et maturation)
à des longueurs de jours inférieures à 12 heures, sa bonne teneur en matière sèche
(11 à 14 pour cent), l'intérêt principal de la variété Violet de Galmi est son aptitude
à la floraison permettant une production de semences alors que les températures
vernalisantes restent relativement élevées. Ces deux derniers caractères la distinguent
de la variété retenue à partir des résultats des essais de Kaédi. La variété Blanc de
Soumarana est la variété à bulbe blanc retenue à Kaédi.
Les autres variétés essayées ont présenté des cycles trop longs pour parvenir,
malgré une bulbification certaine, à une bonne maturation dans ces conditions agro-
climatiques, notamment les variétés Red Creole et Jaune Hâtif de Valence.
A partir de 1986, le CNRADA a développé un programme d'essais multilocaux. Les
résultats obtenus dans la vallée du Sénégal (Rosso, Boghe, Selibaby) mais aussi dans la
zone sud des oasis (Kankossa) proche de la vallée sont récapitulés dans le Tableau 1.
Les semis sont faits en novembre, la transplantation en janvier et la récolte en avril dans
toutes les localités.

Tableau 1
Rendement de différentes variétés d’oignons dans plusieurs localités
Rende­ment
Année Localité Varietes
(kg/m²)
1982 Kaédi Early Texas Yellow Grano 3,78
1989 Kankossa Early Texas Yellow Grano 2,35
1989 Rosso Early Texas Yellow Grano 2,27
1990 Selibaby Early Texas Yellow Grano 3,16
1982 Kaédi Irat-69-Cnrada 4,27
1988 Boghe Irat-69-Cnrada 3,53
1990 Selibaby Irat-69-Cnrada 3,14
1988 Boghe Blanc de Soumarana 3,67
1990 Selibaby Blanc de Soumarana 3,27
1989 Kankossa Violet de Galmi 2,03
1989 Rosso Violet de Galmi 2,18
1990 Selibaby Violet de Galmi 3,04

Les variétés multipliées ainsi à Kaédi sont Irat-69-Cnrada (population de Violet


de Galmi introduite en 1980), Blanc de Soumarana et Violet de Galmi (population
introduite en 1986).

Culture de saison chaude et humide


Les premiers essais ont été menés de juin 1982 à décembre 1982. Une culture de saison
des pluies semblait possible avec la variété Irat-69-Cnrada sur les sols sablonneux
des bords de la vallée. Les températures sont élevées mais l'hygrométrie moyenne,

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La culture de l’oignon dans la moyenne vallee du fleuve Sénégal

Tableau 2
Comportement de variétés en saison des pluies à Kaédi
Rende­ment Maturation
Dates de semis Varietes (kg/m²) Date Taux
26 juin 82 Irat-69-Cnrada 1,04 21 déc. 21 %
10 juil. 82 Irat-69-Cnrada 1,57 3 jan. 19 %
27 juin 87 Violet de Galmi 0,37 28 nov. 67 %
27 juin 87 Irat-69-Cnrada 0,32 28 nov. 67 %
27 juin 87 Early Texas Yellow Grano 0,33 28 nov. 67 %
15 juin 91 Violet de Galmi 1,40 10 déc. 67 %
15 juin 91 Blanc de Soumarana 1,07 10 déc. 67 %

comprise entre 45 et 55 pour cent, est relativement basse. En 1987 et 1991, des essais
supplémentaires ont été réalisés à Kaédi.
Les longueurs de cycles et les rendements sont variables suivant les années. Les
difficultés en saison des pluies proviennent des excès d'eau. Les pertes importantes
apparaissent en pépinières et à la transplantation qui est difficilement supportée par
l'oignon lorsque les températures sont élevées et l'hygrométrie forte. Les causes de
cette inadaptation n'ont pu être précisées.

TECHNIQUES DE CULTURE PAYSANNES EN PERIMETRES IRRIGUES


Les agriculteurs utilisent les variétés Early Texas Yellow Grano et, surtout, Violet
de Galmi. Les provenances de cette dernière sont diverses : firmes semencières
qui s'approvisionnent dans d'autres pays africains ou les produisent au Sénégal ;
agriculteurs se spécialisant dans la multiplication ; auto-production chez l'agriculteur;
centres de recherches nationaux. L'auto-production paysanne conduit souvent à
l'utilisation de semences provenant de floraison de première année avec les baisses
connues de rendement en bulbe. Bien que la commercialisation de semences de qualité
s'organise, il semble qu'une partie de la production se fera toujours à partir de semences
de première année à cause des trésoreries insuffisantes des producteurs.
Les semis sont réalisés d'octobre à décembre. Les transplantations s'effectuent
après des pépinières de durées variables de 35 à 60 jours. Dans ces sols argileux, la
plantation est faite en billons avec des écartements compris entre 0,80 m et 1,40 m ou à
plat, toujours en culture pure. Deux à cinq lignes sont plantées par billon. Les densités
varient de 140.000 à 350.000 plants/ha. L'oignon est produit sur des parcelles ou des
petits périmètres uniquement destinés à cette espèce conduisant à une monoculture
dans des champs bien spécialisés.
Les engrais minéraux sont apportés à la plantation puis deux fois dans la culture
sous forme d'engrais complet 10-10-20, de phosphate d'ammoniaque et d'urée.
L'irrigation est pratiquée à la raie à la fréquence d'un apport tous les huit à quinze
jours suivant les températures et le développement de la plante. Le désherbage est
principalement manuel. Cependant, l'oxadiazon a été utilisé avec succès dans certains
projets de développement. Actuellement, les principaux ravageurs sont Thrips tabaci
et Caliothrips impurus. La maladie des racines roses a été observée dans quelques
périmètres de la rive sénégalaise.
Les récoltes commencent fin mars et se poursuivent jusqu'en mai. Les techniques de
conservation sont encore peu développées. Le produit commercialisé est essentiellement
le bulbe frais. L'utilisation des parties aériennes, séchées ou fraîches, est peu
répandue. Les principaux marchés sont l'agglomération dakaroise (au Sénégal) et
Nouakchott (en Mauritanie) situés entre 200 et 600 km des zones de production.

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La concentration des périodes de récolte, l'effondrement des prix qui s'ensuit,


l'éloignement du centre de consommation conduisent les agriculteurs à s'organiser
pour améliorer les qualités de conservation des bulbes récoltés (maturation, ressuyage,
nettoyage) et mettre en place des installations de stockage.

CONCLUSION
L'aménagement du fleuve Sénégal permet la mise en place de périmètres irrigués sur de
grandes surfaces (100.000 ha) et donne ainsi de grands atouts à la culture de l'oignon,
malgré les conditions climatiques difficiles. L'impossibilité de la remontée saline par
le barrage de Diama en aval permet de cultiver cette espèce sensible à la salinité dans
de bonnes conditions jusqu'à la récolte. Des espoirs existent pour une culture de
saison des pluies notamment avec la variété Irat-69-Cnrada qui est de cycle court et
supporte bien les hautes températures. De plus, les conditions pour la production de
semences sont favorables. Certaines zones bien déterminées pourraient être affectées
à la production de semences. L'accroissement de la population urbaine en Mauritanie
et au Sénégal présente des possibilités de commercialisation importantes pour une
production de qualité dans cette région.

Bibliographie
de BON H., 1983. Expérimentation sur les cultures maraîchères en Mauritanie, L'Agronomie
Tropicale, XXXVIII, 1, 56-77.
de BON H., FAYE F., PAGES J., 1991. La production d'oignon dans le Gandiolais, Sénégal,
Onion Newsletter for the Tropics, 3, 5-7.
NABOS J., 1976. L'amélioration de l'oignon (Allium cepa L.) au Niger, L'Agronomie
Tropicale, XXXI, 4, 387-397.
MAUBOUSSIN J.C., 1974. Problèmes majeurs posés par la tomate et l'oignon au Sénégal.
Résultats acquis et possibilités d'action de sélection. Réunion sélection tomate et oignon à
Bobo-Dioulasso, Ministère du Développement Rural, CNRA, Bambey, 7 p.

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