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économique. Comment faire face à cette poussée


inflationniste? Quelles politiques utiliser pour contrer
Le contrôle des prix, un outil négligé face à
l’effet sur le «pouvoir d’achat»?
l’inflation
PAR ROMARIC GODIN
ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 10 JANVIER 2022

Une économiste états-unienne, Isabella Weber, a


rappelé combien le contrôle des prix était un outil
efficace contre l’inflation et pour la stabilité sociale.
Malgré la virulence de la réponse des économistes
orthodoxes, la proposition ouvre des perspectives Aux États-Unis, les magasins Dollar Tree, connus pour leurs produits à un
dollar, ont augmenté leurs prix à 1,25 dollar. © Frederic J. BROWN / AFP
intéressantes.
Jusqu’ici, le débat s’est souvent réduit à un dialogue
entre ceux qui voient dans l’émergence de l’inflation
un phénomène «transitoire» et ceux qui y voient un
vrai changement de régime.
Les premiers invoquent les effets des perturbations
liées à la crise sanitaire et considèrent que le contexte
Aux États-Unis, les magasins Dollar Tree, connus pour leurs produits à un économique général demeure désinflationniste. Pour
dollar, ont augmenté leurs prix à 1,25 dollar. © Frederic J. BROWN / AFP faire face à cette poussée de fièvre, des mesures
L’inflation vient d’atteindre 5% en zone euro ponctuelles et limitées, à l’image de la prime de
en décembre 2021, deuxième taux le plus élevé 100euros mise en place par le gouvernement français,
de l’histoire de l’union monétaire après celui de sont jugées suffisantes.
novembre – en France, la hausse des prix a été de 2,8 Mais globalement, l’idée dominante est de ne rien
% sur un an. Au Kazakhstan, la révolte qui a embrasé faire, car toute mesure contre l’inflation risque de
le pays trouve sa source dans l’augmentation des prix peser sur la croissance et de déstabiliser les marchés
de l’énergie, libéralisés par le gouvernement. Plus que financiers. Le problème, c’est qu’entre-temps, pendant
jamais, la question de l’inflation sera au centre des cette «transition», les ménages, et notamment les plus
débats économiques de l’année 2022. fragiles, doivent encaisser la hausse des prix. Et cela
L’émergence d’une hausse persistante et généralisée aussi peut avoir des effets négatifs sur la croissance.
des prix, phénomène quasiment inconnu depuis quatre En face, ceux qui voient dans l’inflation un phénomène
décennies, oblige à réfléchir à nouveau sur la question plus durable invoquent les tensions sur les marchés du
des prix, l’une des plus épineuses de la science travail et la fin de la période faste de la mondialisation,
durant laquelle les prix étaient tirés vers le bas,
mais aussi les effets des politiques budgétaires et
monétaires. Pour eux, la solution est évidente: il
faut «briser» la demande en relevant les taux et
en instaurant l’austérité budgétaire. C’est ainsi que
reviendra la stabilité budgétaire.
Et comme le temps passe et que l’inflation persiste,
la crédibilité du premier camp tend à s’amenuiser,
rendant plus probable un futur coup de frein sur
la demande, autrement dit un nouveau cycle de
répression sociale.

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Ce scénario est d’autant plus possible que la dette ces grandes entreprises ont été largement soutenues
publique est élevée partout, dans la foulée de la par l’État durant la crise sanitaire, ce qui leur a permis
crise sanitaire, et qu’on pourra utiliser l’argument de conserver leur pouvoir sur le marché.
inflationniste pour mener une politique visant à Dans le deuxième chapitre son ouvrage, How China
rendre cette dette «soutenable». Le risque est Escaped Shock Therapy (Routledge, 2020, non
donc que, progressivement, la poussée de fièvre traduit), Isabella Weber réalise un historique complet
inflationniste vienne, comme dans les années 1970, du débat sur la maîtrise des prix au lendemain de la
servir de justification à une relance des projets de Seconde Guerre mondiale. Durant le conflit, malgré
déconstruction de l’État social et des protections des quelques résistances initiales, le président Roosevelt
travailleurs. avait finalement eu recours à un large contrôle
Et déjà, le processus semble enclenché. Le sénateur administratif des prix. Mais à la fin de la guerre, un
états-unien Joe Manchin a bloqué le plan de Sécurité dilemme se pose à son successeur Harry Truman.
sociale «Build Back Better », prétextant son effet sur Après la Première Guerre mondiale, en effet, les
l’inflation, tandis que les banques centrales semblent économies avancées avaient connu une violente
progressivement se diriger vers un durcissement de crise de reconversion, rendue plus rude encore par
leurs politiques. l’épidémie de grippe espagnole de 1918-1919. En
Sortir du débat actuel par le haut Allemagne, et dans une moindre mesure en France,
C’est pour éviter cette sombre perspective qu’Isabella on allait laisser l’inflation accélérer jusqu’à ce qu’elle
Weber, économiste à l’université du Massachussets- provoque de graves crises: l’hyperinflation de 1923
Amherst et autrice d’un ouvrage très remarqué (et outre-Rhin et la crise des changes de 1924 dans
commenté ici) sur la politique des prix dans la l’Hexagone. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, au
transition chinoise, a lancé l’idée du contrôle des contraire, la décision a été de freiner les prix par
prix. Dans un article publié par The Guardian un durcissement monétaire soudain et une austérité
le 27décembre 2021, elle considère que cet outil, brutale. Il s’est ensuivi une violente récession en 1920.
jusqu’ici négligé, pourrait répondre à la réalité du
moment.
Selon Isabella Weber, la situation actuelle évoque
davantage les lendemains de la Seconde Guerre
mondiale, lorsque les goulets d’étranglement et le
maintien du pouvoir d’achat faisaient monter les prix
et les profits des entreprises (une position défendue Évolution du PIB français et britannique entre 1910 et 1930. © Bordo/Hautcoeur
ici à propos de la Première Guerre mondiale). C’est
Les deux options semblaient donc néfastes. D’où
d’ailleurs précisément ce qui se passe actuellement:
l’idée développée par l’homme fort de l’Office of Price
la rareté de certaines ressources n’empêche pas
Administration (OPA), l’organisme rooseveltien de
les entreprises d’afficher des profits historiquement
contrôle des prix, l’économiste canadien John Kenneth
élevés.
Galbraith, d’une transition en douceur par le maintien
«À l’époque, comme aujourd’hui, de grandes sociétés d’un «contrôle des prix stratégiques». Galbraith, alors,
avec un pouvoir de marché important ont utilisé n’est pas seul. 54économistes publient dans le New
les problèmes d’offre comme une opportunité York Times du 9avril 1946 une tribune en faveur du
pour augmenter les prix et réaliser des profits contrôle des prix.
exceptionnels», relève-t-elle. Et, comme à l’époque,

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Parmi les signataires, on peut voir quelques keynésiens du gouvernement français, qui laisse de facto les prix
de gauche comme Abba Lerner, le marxiste (très monter, les États pourraient plafonner les prix de
influencé par Keynes) Paul Sweezy, mais aussi l’énergie et des biens en pénurie, voire avoir recours
le futur père de la synthèse entre keynésiens au rationnement, si besoin.
et néoclassiques Paul Samuelson, ainsi que des Ces mesures ne seraient levées qu’une fois les tensions
économistes peu susceptibles d’être favorables au apaisées. Comme le résume à la fin de son texte
socialisme comme Simon Kuznets ou Irving Fisher. Isabella Weber: « Nous avons besoin d’une vision
Le consensus est donc très large et est alors soutenu systématique du contrôle stratégique des prix comme
par l’opinion publique. Les économistes soulignent d’un instrument de réponse politique globale aux défis
la nécessité de contrôler les prix le temps que les macroéconomiques, au lieu d’une supposée absence
gouletsd’étranglement soient résolus. d’alternative entre le “attendre et voir” et l’austérité.»
Pourtant, dans une autre analogie avec notre époque, Deux faits semblent plaider en faveur d’une telle
le Congrès des États-Unis a alors empêché la mise option. D’abord, les déséquilibres actuels restent
en place d’une nouvelle loi sur le contrôle des prix, limités. La hausse de la demande de l’après-pandémie
malgré la volonté affichée par Truman. En juillet n’a rien à voir avec celle de l’après-guerre. Elle
1946, les prix étaient donc soudainement libéralisés, demeure modérée lorsqu’on la compare au niveau de
menant l’inflation à plus de 10%, jusqu’à atteindre 2019 et encore plus à sa tendance de 2019. Autrement
14,5% en 1947. Alors que les marges des entreprises dit: il n’y a pas d’excès structurel de demande qui
progressaient de 21%, les salaires réels, eux, perdaient nécessiterait de «briser» cette dernière.
8% de leur valeur en 1947. L’année 1946 connaît ainsi
L’inflation s’explique donc surtout par la perturbation
un niveau de grèves trois fois supérieur à la période
des chaînes logistiques fondées sur la mondialisation
très agitée des premières années du New Deal. Et à la
et le «flux tendu», et par la capacité des entreprises
fin de 1948, le pays entre dans une récession qui durera
de transférer les prix aux consommateurs en temps
près d’un an.
réel. Le contrôle des prix répond directement à ces
Isabella Weber souligne alors le contraste avec difficultés: il permet de briser l’effet d’emballement
le Royaume-Uni, où l’administration travailliste de des prix financiarisés et de gagner du temps.
Clement Attlee a choisi de maintenir le rationnement
et le contrôle des prix. La libéralisation des prix y a été Piocher dans les profits
progressive, en prenant en compte l’état des pénuries C’est d’ailleurs ce que John Kenneth Galbraith
et des marchés jusqu’à la fin des années 1960. Or entendait par le terme «stratégique»: il s’agit avant
l’inflation y a été plus modérée, les inégalités plus tout de gagner du temps pour régler les difficultés
maîtrisées et le climat social plus apaisé qu’aux États- qui causent l’inflation. Plutôt que de courir après
Unis. Selon l’autrice, «le cas du Royaume-Uni illustre la hausse des prix, on la maîtrise pour ajuster les
qu’une politique de transition plus graduelle conduit à déséquilibres existants. Dans le cas présent, on évite de
de meilleurs résultats en termes de prix et de stabilité briser le faible dynamisme économique et d’empêcher
sociale». tout investissement public, tout en traitant la question
inflationniste qui pèse sur les portefeuilles des plus
Un instrument faisable et adapté
fragiles.
Les concordances entre les deux époques conduiraient
Le deuxième argument, c’est évidemment le niveau
donc à examiner, aujourd’hui, la question d’un
des profits. Biberonnées à l’argent public du «quoi
contrôle stratégique des prix. Plutôt que de relever
qu’il en coûte» et, dans le cas de la France, aux diverses
brutalement les taux, de réduire les politiques sociales
mesures fiscales favorables au capital, les entreprises
ou d’y renoncer, ou de tenter d’endiguer l’inflation
affichent des profits records.
avec des bouts de ficelle comme la «prime inflation»

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Face à l’inflation, il existe finalement deux options. La cette levée du contrôle des prix a immédiatement
première, celle qui a été choisie pour l’instant, consiste provoqué une famine et des désordres sociaux, dont
à laisser les entreprises ajuster les prix en fonction l’insurrection du 12germinal anIII (1eravril 1795),
de leurs besoins d’accumulation. La hausse des prix durant laquelle la Convention a été envahie par une
est donc un transfert d’argent des ménages vers les foule aux cris de «du pain et la Constitution de 1793 !»,
profits des entreprises. Une fois les salaires réels n’est que la partie la plus visible.
grignotés et l’épargne issue de la crise sanitaire vidée,
En bref, l’idée du contrôle stratégique des prix
la demande s’effondrera, conduisant à une récession.
s’applique à la situation présente. Celui-ci permet de
C’est ce qui s’est produit en 1948 aux États-Unis.
répondre au défi de la vie chère, pour ce qui est des
Les ménages ajustent donc doublement: par la perte
produits essentiels, dont pâtissent les plus fragiles, et
de pouvoir d’achat et par l’emploi durant la crise.
est techniquement possible. Comment alors expliquer
Comme, par ailleurs, les aides aux entreprises sont
que les gouvernements se refusent à évoquer une telle
devenues désormais incontournables en cas de crise,
option et cherchent en vain des solutions de bouts de
on peut dire que cette politique consiste à donner toute
chandelle pour tenter d’apaiser la situation sociale en
priorité au capital.
maintenant la «liberté des prix»?
L’alternative, le contrôle des prix, organise un transfert
Les arguments de l’orthodoxie
inverse. La hausse des prix est, partiellement ou
entièrement, prise en charge par les profits des Une partie de la réponse réside dans les réactions
entreprises. Bien sûr, en régime capitaliste, cela peut très virulentes des économistes orthodoxes au texte
conduire à des difficultés, mais le niveau des aides d’Isabella Weber. La plus remarquable a été celle
versées durant la crise sanitaire (et encore aujourd’hui) de Paul Krugman, économiste jugé «progressiste» en
et la rentabilité forte des entreprises soutenues par les raison de son opposition à l’austérité, mais qui, en
réformes néolibérales et la baisse des impôts laissent réalité, est un keynésien néolibéral très attaché aux
une marge de manœuvre appréciable aux entreprises grands principes de l’orthodoxie.
en cas de contrôle des prix. Autrement dit, comme au Pour lui, si la dépense publique peut avoir un
lendemain de la dernière guerre, le moment est plutôt intérêt, contrôle des prix et protectionnisme sont
favorable pour imposer une limite administrative des inacceptables. Sa réponse sur Twitter, empreinte de
prix. sexisme évident, a été si violente qu’il l’a lui-même
Bien évidemment, ce type de contrôle suppose des effacée. Il y avait prétendu que le contrôle des prix
difficultés techniques. Mais là encore, il faut rappeler était «authentiquement stupide», forme d’argument
que le contrôle des prix a été réalisé, et s’est d’autorité qui est le reflet des réflexes de cette
montré efficace, dans des conditions techniques et catégories d’«experts».
historiques bien plus complexes qu’aujourd’hui. La Sur le fond, l’argument de ces économistes orthodoxes
loi dite du «maximum» du 11septembre 1793 fixait s’appuie sur la certitude des fondements de l’économie
ainsi un prix maximal pour le blé, puis sur 39biens classique: empêcher, par l’intervention des pouvoirs
de consommation ayant certes engendré un marché publics, l’ajustement des prix conduit à des pénuries
noir, mais a aussi permis d’assurer, alors même et à du marché noir. Dans un post critique
que la France était en guerre civile et extérieure, envers Isabella Weber (traduit en français ici), le
l’approvisionnement des grandes villes. chroniqueur économiste Noah Smith l’explique à
Cette loi a aussi permis de briser l’envolée des l’aide de graphiques élégants dont les bases demeurent
prix, qui a repris une fois le maximum abrogé par cependant fort discutables. Globalement, en fixant un
les Thermidoriens le 24décembre 1794. D’ailleurs, point d’équilibre des prix «artificiel», on ne satisfait
conformément à l’idée défendue par Isabella Weber,

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ni la demande ni l’offre. Cela conduirait donc à appel: les trajectoires russe et chinoise depuis 40ans
des ajustements par la marge, soit par des marchés montrent les effets néfastes de la libéralisation des prix
parallèles où les prix explosent, soit par une récession. et la réalité des bonheurs de la théorie néoclassique.
Dans la vision orthodoxe, empêcher la formation
naturelle des prix, c’est tenter d’empêcher la rotation
de la terre. Mais, comme on l’a vu, cette certitude est
historique. En 1946, le consensus était ailleurs. Cela
traduit bien que, malgré les bouleversements de la
pandémie, le consensus économique reste néolibéral
par essence, y compris chez les keynésiens orthodoxes.
Mais en réalité, ces positions théoriques ne tiennent
pas réellement compte des conditions réelles de
production. C’est précisément ce que le consensus des
économistes avait compris en 1946: l’ajustement par
le marché n’est pas toujours la meilleure solution. Il
peut, en réalité, conduire à des déséquilibres encore
plus graves. Montagne de billets pendant l'hyperinflation allemande. © AFP

C’est d’ailleurs le fond de la thèse défendue par Bien sûr, les arguments en face sont connus (et
Isabella Weber dans son livre sur la Chine: en répétés, notamment par Noah Smith): ce sont les
choisissant de ne pas lever brutalement le contrôle des cas de l’Argentine et du Venezuela, où le contrôle
prix dans les années 1980, la République populaire des prix n’a pas empêché l’hyperinflation. Bien sûr,
s’est évité le destin tragique de la Russie des années le contrôle des prix n’est pas la recette miracle.
1990, durant lesquelles les bonnes âmes économistes, Dans certains contextes, notamment celui d’une crise
qui lui refont aujourd’hui la leçon, avaient toutes de change dans une économie «dollarisée» et très
défendu le «big bang» sur les prix. Le résultat est sans largement dépendante de certaines ressources, il n’est
pas une défense efficace. Mais attribuer la situation
vénézuélienne au seul contrôle des prix n’a pas de
sens. Quant à l’Argentine, c’est bien la libéralisation
des années 1990 qui l’a menée à la crise de 2001,
pas l’inverse. De façon générale, la situation des
économies avancées en 1945 ou aujourd’hui ressemble
assez peu à celle de ces deux pays.
Dépasser le problème de l’inflation
Il est piquant de remarquer que, pour ces économistes,
le blocage des prix serait socialement plus terrifiant
que l’austérité et la hausse des taux. Mais, en fait, le
cœur du débat se situe ailleurs: il est politique. Ce
que défendent les orthodoxes ici, c’est un ordre social,
celui du capital, qu’ils jugent «naturel».
Lors de l’abolition du maximum, le Thermidorien
Boissy d’Anglas résumait cette politique comme un
«système d’attaque contre la propriété». Ce qui

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était en cause, c’était l’ordre social. Derrière leurs croissance comme le prétend Isabella Weber, il puisse
constructions théoriques, les économistes orthodoxes donner lieu à un retour de bâton violent de la loi de
sont les héritiers de cette pensée. Leur priorité, c’est l’accumulation.
bien de bloquer la pression à la hausse sur les salaires Dans ce cas, il devient évident que le seul contrôle
qui surgit aux États-Unis ces temps-ci. des prix ne suffit plus. Il faut nécessairement
Pour autant, comme le fait remarquer l’économiste l’accompagner de mesures permettant de répondre
marxiste Michael Roberts dans un texte critique, le à cette logique de la valeur: démarchandisation
contrôle des prix stratégique ne peut être perçu comme de certaines activités accompagnée d’une garantie
une solution miracle. Isolé, il peut régler un problème d’emploi et contrôle des capitaux, par exemple. La
temporaire ou gagner un peu de temps. Tout dépend en politique du contrôle des prix devient alors non pas une
réalité du contexte global. Dans l’économie capitaliste fin mais un instrument de transformation. Le temps
de l’après-guerre, le contrôle global sur l’économie gagné par cette mesure ne doit pas être le énième
capitaliste de l’État permettait sans doute de rendre le moyen de sauvegarder le capitalisme de lui-même,
contrôle des prix efficace dans un contexte où les gains mais bien l’occasion de modifier profondément le
de productivité et la tendance à la croissance étaient mode de production.
élevés. Cela n’en fait pas un instrument superflu, alors même
Le contexte actuel est différent. La faiblesse que la crise écologique rend cette transformation
structurelle des gains de productivité et la indispensable, mais il ne saurait être une réponse
financiarisation de l’économie conduisent à exercer globale et suffisante. C’est d’ailleurs bien ce que
une pression sur les entreprises qui, en réponse relevait Galbraith. Autrement dit, pour être une arme
au contrôle des prix, pourraient donc réduire leur efficace, le contrôle des prix ne doit pas viser que
structure de coûts, donc l’emploi, et se concentrer sur les prix. Il doit assumer d’être ce que ses adversaires
les activités les plus rentables. Autrement dit: le risque prétendent qu’il est: un système d’attaque contre la
est que, loin d’être un instrument de «lissage» de la propriété. Et dans ce cadre, le contrôle des prix ne doit
pas seulement apaiser le mécontentement social, il doit
aussi permettre de le traduire politiquement.

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