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Economie-1ère année-ECT2 CPGE Moulay Idriss-FES Pr.

Ibtissam DAKIRANE

Module1.3 : L’investissement et le financement

Chapitre n°2 : La monnaie


Le sujet autour de la monnaie laisse planer un grand paradoxe. D’un côté, la monnaie est
omniprésente dans la vie des individus au point que sa définition paraît être triviale, mais d’un
autre côté sa création reste occulte et suscite plusieurs interrogations. En effet, « D’où vient la
monnaie ? », « Est-t-elle créée ex nihilo ? », « Comment sa création peut-elle impacté
l’économie ? ».
La réponse à ces questions est d’une importance primordiale dans un contexte marqué par une
inflation galopante mais aussi par la vulnérabilité d’un système bancaire et financier à bout de
souffle depuis la crise de 2008. Cependant, cela nécessite de revenir sur les bases qui structurent
la monnaie et son système, de connaître les acteurs de sa création ainsi que les différents débats
économiques qui ont porté sur ces questions.

I- La monnaie : Définitions, formes et fonctions

A- Définitions de la monnaie

En économie, la monnaie peut être définie comme l’ensemble des moyens de paiement
directement utilisables par des agents pour régler des transactions sur le marché des biens et
services et pour éteindre des dettes, à l’intérieur d’un espace donné (généralement un pays).
Cependant, la définition de la monnaie reste un sujet de controverse car elle est loin de faire
l’unanimité des disciplines qui se sont intéressées à la définir. Ainsi, on retrouve une définition
plus profonde chez Michel Aglietta et André Orléan. Pour eux, la monnaie est un rapport social,
avant d’être un instrument économique, car elle institue un rapport d’appartenance des membres
à une collectivité sur la base de la confiance qu’ils accordent à l’institution qui va les unir. Par
conséquent, si cette confiance manque, le système se délite, conduisant par exemple à des crises
monétaires ou l’hyperinflation.

B- Les formes de la monnaie

L’histoire nous apprend que les formes de la monnaie ont évolué au fil du temps, dans un
processus de dématérialisation croissante, sans pour autant changer sa nature profonde, c’est-
à-dire signifier une appartenance à un ordre social, à une communauté politique. Les monnaies
traditionnelles, longtemps supportées par des marchandises, ont d’abord été remplacées par des
monnaies métalliques émises par des souverains, puis par la monnaie papier. Est venue ensuite
la monnaie scripturale, soit écrite sur les comptes bancaires, soit, depuis peu, sous forme dite
virtuelle.

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1) Les formes traditionnelles


Les monnaies marchandises : Des marchandises utilisées comme monnaie. Par exemple, les
cauris, qui sont de petits coquillages qu’on retrouve dans les eaux chaudes de l’océan indien et
pacifique, étaient utilisés comme monnaie dans plusieurs pays, notamment en Chine. Mais ce
type de monnaie présentait certain défaut comme la périssabilité.
La monnaie métallique : Des monnaies à valeur intrinsèque constituées par des pièces
frappées avec du métal précieux (or, argent, …) et dont la valeur faciale est celle du métal
qu’elles contiennent.
2) Les formes modernes
La monnaie fiduciaire : Elle est composée de l’ensemble des billets de banque et des pièces
(monnaie divisionnaire) dont la valeur n’est pas intrinsèque, c-à-d, qu’elle ne dépend pas de la
quantité de métal qu’elles contiennent mais de la confiance que l’usager donne à la valeur
inscrite sur la pièce.
La monnaie scripturale : Elle représente l’ensemble des dépôts à vue auprès des
intermédiaires financiers et se définit comme une créance sur le système bancaire. Elle circule
entre les agents économiques au moyen de chèques, de cartes bancaires, de virements et
représente aujourd’hui le la forme de monnaie la plus utilisée dans les pays développés. La
monnaie scripturale peut être transformée en monnaie divisionnaire ou fiduciaire.
La monnaie électronique : La monnaie électronique ou cryptomonnaie, est une forme de
monnaie qui existe sous forme numérique ou virtuelle et qui utilise la cryptographie pour
sécuriser les transactions. Les cryptomonnaies n'ont pas d'autorité centrale d'émission ni de
régulation, mais elles utilisent un système décentralisé pour enregistrer les transactions et
émettre de nouvelles unités.

C- Les fonctions de la monnaie

Depuis Aristote, on attribue à la monnaie trois fonctions principales :


1) La monnaie est une unité de compte :
Comme elle sert d’étalon de valeur, accepté par tous, la monnaie permet d’exprimer en une
seule et même unité tous les biens et services échangés. On peut ainsi comparer la valeur de
biens économiques hétérogènes.
2) La monnaie est un intermédiaire des échanges :
Elle permet d'acheter tous les autres biens ou services sans l’obstacle ou l’impératif de la double
coïncidence des besoins que l’on retrouve dans une économie de troc.
3) La monnaie est une réserve de valeur :
Elle offre à l’agent la possibilité de différer sa consommation ou son investissement dans le
temps à travers la constitution d’une épargne. Cependant, l'inflation érode cette fonction en
faisant diminuer la valeur de la monnaie.

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II- La masse monétaire


A- Définition
La masse monétaire est la quantité de monnaie en circulation dans l’économie. Elle correspond
à l’ensemble des moyens de paiement mis à la disposition des agents non financiers résidents
d’une zone géographique donnée.

La masse monétaire se décompose en agrégats monétaires. Ceux-ci sont des regroupements


conventionnels d’actifs monétaires présentant des similarités selon leur degré de liquidité.

B- Les principaux agrégats monétaires


M1 : Il regroupe les disponibilités monétaires. Il s’agit de la monnaie fiduciaire (billets) et
divisionnaire (pièces) ainsi que de la monnaie scripturale (dépôts à vue).
M2 : Il regroupe l’agrégat M1, auquel sont ajoutés les placements à vue (qui rapportent un taux
d’intérêt contrairement aux dépôts à vue) comme le compte sur carnet, épargne logement, ….
Il s’agit d’actifs relativement liquides qu’on qualifie donc de quasi monétaire ou de quasi-
monnaie.
M3 : Il regroupe M2, auquel sont ajoutés les placements à terme (l’agent s’engage à ne pas
retirer son argent avant une certaine date), les dépôts en devises étrangères, les OPCVM
(Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières).
M4 : Il regroupe M3, auquel sont ajoutés certains titres du marché monétaire (billets de
trésorerie et bons du Trésor). (Mais, M4 n’est pas retenu par l’ensemble des banques centrales).

N.B :
Il ne faut pas confondre « masse monétaire » et « base monétaire ». Celle-ci, appelée également
« monnaie centrale », regroupe les billets et les pièces en circulation ainsi que les avoirs
monétaires détenus par les banques commerciales auprès de la Banque centrale (réserves
obligatoires). Cette base monétaire alimente la masse monétaire via la création de monnaie
fiduciaire ou scripturale. C’est à travers elle que les banques centrales régulent la quantité de
monnaie en circulation.

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III- Les acteurs et les contreparties de la création monétaire


La création monétaire signifie la mise à disposition des agents économiques de moyens de
paiements nouveaux. En d’autres termes, c’est la mise en circulation dans l’économie d’une
nouvelle quantité de monnaie.

A-Les acteurs de la création monétaire

La création monétaire est du ressort des banques commerciales et de la banque centrale.

1) Les banques commerciales (ou les banques de second rang) :

Elles créent de la monnaie scripturale par :

• L’octroi de crédits à des particuliers ou des entreprises : Cette création se fait ex nihilo
(à partir de rien), par un simple jeu d’écriture consistant à créditer un montant sur le compte
du bénéficiaire.

La monnaie créée apparaît :


o À l’actif (valeur économique positive) du client emprunteur (dépôt à vue) : il peut
utiliser cette somme pour ses dépenses,
o Au passif (valeur économique négative) de la banque (dépôt à vue) : la banque a
l’obligation de mettre les fonds empruntés à disposition du client.

En contrepartie, elle est inscrite :


o À l’actif de la banque (créance sur client) : la banque possède une créance sur le
client emprunteur qui doit rembourser son crédit,
o Au passif du client emprunteur (dette) : le client emprunteur a une dette à l’égard de
la banque qu’il devra honorer.

• L’octroi de crédits au Trésor public : la banque achète des bons émis par le Trésor public
pour financer le déficit budgétaire et dispose, en contrepartie, d’une créance sur le Trésor
public.

• Les opérations sur devises : lorsque la banque commerciale acquiert des devises
étrangères, elle porte sur le compte du client l’équivalent en monnaie nationale. La
contrepartie représente une créance sur le pays d’émission des devises concernées.
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Concrètement, un commerçant marocain payé en dollars va demander à sa banque de


créditer son compte en dirhams ; en contrepartie de cette création de monnaie, la banque va
acquérir une créance sur les Etats-Unis.

Cependant, le pouvoir de création monétaire des banques commerciales est limité pour les
raison suivantes :

Une banque a besoin de "monnaie banque


centrale" pour

constituer des payer ce qu'elle


répondre aux réserves se conformer au
doit à d'autres contrôle de la
besoins de ses obligatoires sur banques après
clients en billets son compte à la banque centrale
compensation
banque centrale

2) La banque centrale

Une banque centrale est une institution publique qui gère la monnaie d'un pays ou d'un groupe
de pays et contrôle la masse monétaire. Le principal objectif de nombreuses banques centrales
est la stabilité des prix.

Les banques centrales jouent un rôle déterminant dans la politique monétaire et économique de
chaque pays et dans l'économie mondiale quand elles se coordonnent directement ou
indirectement.
La banque centrale émet deux formes de monnaie :

• Elle a le monopole de l’émission et de la fabrication de la monnaie fiduciaire (les billets).


Elle est qualifiée pour cette raison d’ « institut d’émission ».

Au Maroc, la monnaie fiduciaire est fabriquée par Bank Al-Maghrib (BAM) à travers
Dar As-Sikkah (un organisme relevant de Bank Al-Maghrib) qui est chargé de la
fabrication des pièces de monnaie et les billets de banque en circulation.

• Elle émet de la monnaie scripturale en :

- Accordant des crédits aux banques commerciales. En effet, les banques commerciales ont
besoin de « monnaie centrale » sur le compte à la banque centrale pour faire face aux retraits

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en espèce de leurs clients, aux transferts vers les autres banques (compensation
interbancaire).

- Effectuant des prêts directs à l’État lorsque ce dernier fait face à des déficits budgétaires
ou en achetant les bons du trésor sur le marché des capitaux.

B-Les contreparties de la création monétaire


Les contreparties de la masse monétaire sont les sources de la création monétaire, elles
expliquent à quelles occasion la monnaie a été créé. Ces contreparties sont donc :

1)- Les crédits à l’économie : représentent l’ensemble des crédits accordés aux entreprises
et aux ménages.

2)- Les créances sur le trésor : représentent l'endettement net de l'Etat vis-à-vis du système
bancaire dans son ensemble.

3)-Les avoirs extérieurs nets : représentent les opérations de change au cours desquels les
devises étrangères sont transformées en monnaie nationale (les banques créent de la
monnaie en mettant en circulation une quantité de monnaie supplémentaire).

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IV- La monnaie dans la théorie économique


Le débat autour de la monnaie est très complexe. La monnaie est perçue comme neutre par
certains économistes, et influente sur l'économie pour d’autres. Certains considèrent en effet
que la monnaie peut avoir une influence sur l’emploi et la production.

1)- La neutralité de la monnaie selon les classiques et les néoclassiques


Selon les classiques et les néoclassiques, la monnaie n’a pas d’influence sur l’économie réelle.
Il n’y donc pas de relation entre la sphère réelle et la sphère monétaire.

Dans ce sens, la théorie quantitative de la monnaie est défendue dans la seconde moitié du
XXe siècle par un courant de pensée parfois appelé monétariste, dont Milton Friedman était
un des principaux représentants. Selon Friedman, « l’inflation est toujours et partout un
phénomène monétaire en ce sens qu’elle est et qu’elle ne peut être générée que par une
augmentation de la quantité de monnaie plus rapide que celle de la production ».
Cette approche ne fait cependant pas l’unanimité chez les économistes. Elle est notamment en
totale opposition à celle défendue par John Maynard Keynes et ses disciples.

Pour Keynes, une hausse de la quantité de monnaie peut avoir un effet direct sur l’économie
et le volume de production. En effet, si les agents économiques ont plus d’argent en leur
possession, ils vont le dépenser ou l’investir, ce qui entraînera une hausse de la production
(c’est-à-dire du PIB) et une baisse du chômage.
Cela est notamment vrai en cas de crise économique et de sous-emploi des facteurs de
production, caractérisé par du chômage. Dans ce cas, comme une partie de l’appareil productif
est inemployé, une stimulation de la demande venant de l’augmentation de la quantité de
monnaie peut plus efficacement dynamiser l’activité économique.
Selon Keynes, les agents économiques peuvent être victimes d’une « illusion nominale », ce
qui signifie qu’ils perçoivent mal les effets de l’inflation sur leur pouvoir d’achat. En
conséquence, si la masse monétaire augmente, les prix augmentent, mais la production aussi
puisque les agents investissent et consomment plus.
À contrario, les monétaristes reconnaissent qu’une hausse de la quantité de monnaie en
circulation peut stimuler l’activité économique à court terme, ils estiment qu’elle conduira
mécaniquement à une hausse de l’inflation à moyen terme. En effet, du fait des anticipations
rationnelles des agents, ceux-ci anticipent plus d’inflation si la masse monétaire augmente,
adaptent leurs comportements en conséquence, ce qui génère de l’inflation sans hausse de la
production.

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V- L’inflation : Un phénomène monétaire

A- Définition de l’inflation
L’inflation ‘désigne une augmentation durable, générale, et auto-entretenue des prix des biens
et des services. L'inflation est aussi caractérisée par l'accroissement de la circulation de la
monnaie (masse monétaire).’ Le taux d'inflation est généralement mesuré à partir de l’Indice
des prix à la consommation (IPC). Cet indice tient compte de l’évolution des prix d’un panier
fixe de biens et services à qualité constante.

B- Les causes de l’inflation

1)- L’inflation monétaire (ou par excès de masse monétaire)


Pour le courant monétariste, l’inflation est due à une augmentation de la masse monétaire
supérieure au niveau de production.
Milton Friedman, chef de fil du courant, réactive la Théorie quantité de la monnaie (dont
l’origine remonte à Ivring Fisher) en considérant que « L’inflation est toujours et partout un
phénomène monétaire en ce sens qu’elle est et qu’elle ne peut être générée que par une
augmentation de la quantité de monnaie plus rapide que celle de la production ».
2)- L’inflation par les coûts
L’inflation peut être due à l’augmentation des prix des matières premières et de la main d’œuvre
qui pèsent sur les coûts de production des entreprises. ‘En réaction, et pour conserver leurs
marges bénéficiaires, les entreprises augmentent leurs prix, ce qui provoque un premier saut
inflationniste. Toutefois, si les salaires sont indexés sur l’inflation, la hausse des prix est
répercutée automatiquement sur le niveau des salaires, qui s’accroissent à leur tour. Il s’en suit
une nouvelle hausse des prix et un cercle vicieux inflationniste se met en place.’
3)- L’inflation par la demande
L’inflation peut être due à une situation où la demande est trop importante par rapport à l'offre.
Le manque de produits et de services engendre alors mécaniquement de l'inflation. La hausse
des prix dure alors plusieurs mois ou années avant que l'offre n'augmente pour répondre à la
demande, freinant ainsi les tensions inflationnistes.
Cette situation a lieu souvent à la fin d'une période de récession, lorsque l'activité économique
commence à se relancer.
4)- L’inflation importée
L’inflation peut être due à l’augmentation des prix des produits importés (notamment des
énergies et les produits agricoles) à partir des pays avec lesquels les échanges sont effectués.
Elle peut être également due à une dépréciation du taux de change d’une monnaie par rapport

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au dollar ou aux autres principales devises de facturation du commerce mondial (la livre
sterling, le yen et l’euro), car ceci fait augmenter le coût des produits importés. Ce
renchérissement des importations se répercute dans tous les secteurs de l’économie et touche
les ménages autant que les entreprises.

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